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Rapport intérimaire - Rapport No. 157, Juin 1976

Cas no 815 (Ethiopie) - Date de la plainte: 26-MAI -75 - Clos

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  1. 162. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de novembre 1975 et a soumis au Conseil d'administration, à cette occasion, un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 4 à 28 du 155e rapport du comité (approuvé par le Conseil d'administration à sa 198e session, en novembre 1975).
  2. 163. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 164. Le comité rappelle que les allégations formulées par la CISL se rapportent au maintien en détention sans jugement de MM. Beyene Solomon, président de la Confédération des syndicats éthiopiens (CELU) et représentant travailleur adjoint au Conseil d'administration du BIT, Gidey Gabre, vice-président de la CELU, et Fisseha Tsion Tekie, secrétaire général de la CELU. Les allégations portent également sur la dissolution de la CELU, sur les événements concernant le Syndicat éthiopien des transports aériens, lors desquels sept membres de ce syndicat ont trouvé la mort, et sur l'arrestation de syndicalistes: Marcos Hagos et douze membres du comité directeur de la CELU.
  2. 165. En ce qui concerne la détention de M. Beyene Solomon et de ses collègues, le comité avait déploré qu'en dépit du fait que plus d'un an s'était écoulé depuis l'arrestation des trois dirigeants de la CELU, ceux-ci étaient encore détenus sans qu'aucune charge formelle eût été retenue contre eux et sans qu'ils eussent été traduits devant les tribunaux.
  3. 166. Dans ces conditions, le comité avait fait observer, comme dans tous les cas antérieurs où des dirigeants syndicaux se trouvaient en détention préventive, que de telles mesures peuvent impliquer une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux, et que toutes les personnes détenues ont le droit d'être jugées équitablement dans les délais les plus prompts. En outre, le comité a toujours insisté sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question doivent être jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
  4. 167. Le comité a aussi souligné que si, dans certains cas, il a conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est seulement après avoir reçu du gouvernement des informations attestant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient pas motivées par des activités syndicales. En outre, dans les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, le comité, estimant que les intéressés devaient bénéficier d'une présomption d'innocence jusqu'à ce qu'ils soient reconnus coupables, a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne concernée.
  5. 168. Le comité avait demandé au Directeur général d'envoyer au gouvernement un télégramme le priant, au nom du comité, de fournir des précisions sur les charges formulées contre Beyene Solomon et ses collaborateurs, de consentir à recevoir une délégation tripartite du Conseil d'administration avant tout procès et de répondre sur tous ces points avant le 18 novembre 1975, afin que le Conseil puisse disposer de ces éléments lors de la discussion de ce cas.
  6. 169. En outre, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de libérer M. Solomon et ses collaborateurs si aucune charge n'était retenue contre eux, ou, dans le cas contraire, de faire en sorte qu'ils soient soumis à un procès équitable et rapide devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante et de faire connaître la date fixée pour le procès.
  7. 170. Conformément à la demande du comité, le Directeur général a envoyé un télégramme au gouvernement le 11 novembre 1975. Aucune réponse n'étant parvenue, le Directeur général, à la demande du Conseil d'administration, a envoyé au gouvernement, le 24 novembre 1975, un autre télégramme par lequel il le priait à nouveau de recevoir une délégation tripartite du Conseil d'administration avant toute procédure judiciaire à l'encontre de M. Beyene Solomon et de ses collaborateurs, et demandait instamment au gouvernement de maintenir sa coopération en transmettant rapidement sa réponse.
  8. 171. Le gouvernement n'a pas encore répondu aux questions soulevées dans les communications mentionnées au paragraphe précédent.
  9. 172. En ce qui concerne les allégations relatives à la CELU, il était apparu au comité que cette organisation n'avait pas été dissoute, bien que le gouvernement en eût temporairement suspendu les activités et fermé le siège.
  10. 173. Par une nouvelle communication en date du 19 décembre 1975, la CISL déclarait que le 6 décembre 1975 a été promulguée en Ethiopie une nouvelle loi sur le travail en vertu de laquelle était créé un syndicat pan-éthiopien en remplacement de la CELU, en violation de la convention no 87. Cette communication a été dûment communiquée au gouvernement pour observations.
  11. 174. Le gouvernement, sans fournir aucune réponse sur les autres points sur lesquels le comité avait demandé des informations, a envoyé, par une lettre du 29 janvier 1976, le texte de la nouvelle loi sur le travail mentionnée par la CISL, et a déclaré qu'à son sens la nouvelle loi garantissait une plus grande liberté syndicale que la loi antérieure et dépassait en fait à bien des égards les dispositions de la convention no 87.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 175. Le comité note que, d'après le texte de la nouvelle législation sur le travail, la CELU est remplacée par une organisation connue sous le nom de Syndicat pan-éthiopien, à laquelle sont transférés les droits et obligations de la CELU. A cet égard, le comité tient à signaler qu'il a déjà insisté sur l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs et les employeurs puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement. De plus, le comité tient à rappeler que l'unification du mouvement syndical, lorsqu'elle est imposée par intervention de l'Etat par voie législative, va à l'encontre du principe énoncé aux articles 2 et 11 de la convention no 87. La Commission d'experts de l'OIT pour l'application des conventions et recommandations a souligné à cet égard que: "il existe une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical "entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays, où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat" et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative." Tout en appréciant pleinement le désir que pourrait avoir un gouvernement de promouvoir un mouvement syndical fort, en évitant les défauts résultant d'une multiplicité injustifiée de petits syndicats qui se font concurrence et dont l'indépendance peut être mise en danger par leur faiblesse, le comité a attiré l'attention sur le fait qu'il est plus souhaitable, dans de tels cas, pour un gouvernement de chercher à encourager les syndicats à se grouper volontairement pour former des organisations fortes et unies, plutôt que de leur imposer par la loi une unification obligatoire qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va ainsi à l'encontre des principes incorporés dans les conventions internationales du travail relatives à la liberté d'association.
  2. 176. Le comité tient en conséquence à attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations qui précèdent, et, compte tenu de la nature des allégations, est d'avis que cet aspect du cas soit déféré à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations pour examen, selon la procédure prévue à l'article 22 de la Constitution de l'OIT.
  3. 177. En ce qui concerne les allégations relatives à certains événements qui ont entraîné la mort de sept membres du Syndicat éthiopien des transports aériens, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement d'indiquer s'il avait l'intention de mener une enquête approfondie pour établir les faits et déterminer les responsabilités dans ces événements, et de communiquer le texte du tract dont la distribution, selon le gouvernement, aurait été à l'origine de la situation dans laquelle ces syndicalistes ont trouvé la mort.
  4. 178. Le comité avait aussi recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de transmettre ses observations sur les allégations des plaignants relatives aux restrictions des droits syndicaux dues à l'état d'urgence et l'arrestation du syndicaliste Marcos Hagos et de douze membres du comité directeur de la CELU.
  5. 179. Le comité ne peut qu'exprimer une fois de plus sa sérieuse préoccupation du fait que, malgré la gravité des allégations déposées contre le gouvernement, et notamment de celles qui concernent la vie et la liberté d'un certain nombre de syndicalistes - par exemple M. Beyene Solomon et ses collaborateurs -, et malgré les demandes d'information adressées par le Directeur général au nom du comité et du Conseil d'administration à propos de ces syndicalistes, le gouvernement n'ait pas communiqué les informations sollicitées, ou répondu à la demande qui lui avait été faite de recevoir une délégation tripartite du Conseil d'administration avant tout procès de M. Beyene Solomon et de ses collaborateurs. Le comité veut néanmoins encore espérer que le gouvernement fournira des informations positives sur le sort de M. Beyene Solomon et de ses collaborateurs avant la session du Conseil d'administration lui-même.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 180. Dans ces conditions, et sous réserve de tout développement qui surviendrait avant la réunion du Conseil d'administration, le comité recommande à ce dernier:
    • i) de déplorer le fait que M. Beyene Solomon et ses collaborateurs soient encore détenus et que le gouvernement n'ait communiqué aucune information sur la situation de ces personnes, et de prier le gouvernement de fournir d'urgence les informations demandées;
    • ii) d'attirer, une fois de plus, l'attention du gouvernement sur les principes énoncés aux paragraphes 166 et 167 ci-dessus, et en particulier sur l'importance d'un jugement prompt et équitable, par un tribunal indépendant et impartial, dans tous les cas, y compris ceux dans lesquels des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales;
    • iii) en ce qui concerne les allégations relatives à la Confédération des syndicats éthiopiens, d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés au paragraphe 175 ci-dessus, et en particulier sur le principe selon lequel l'unification du mouvement syndical, lorsqu'elle est imposée par l'intervention de l'état par voie législative, va à l'encontre des principes énoncés dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par l'Ethiopie, et de saisir de cet aspect du cas la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
    • iv) de demander au gouvernement d'indiquer s'il a procédé à une enquête détaillée pour déterminer les faits et établir les responsabilités quant aux événements qui ont eu lieu dans les locaux des lignes aériennes éthiopiennes, et de communiquer le texte du tract qui avait été distribué;
    • v) de prier, une fois de plus, le gouvernement de communiquer dans un bref délai ses observations sur les allégations des plaignants relatives aux restrictions des droits syndicaux dues à l'état d'urgence et l'arrestation de Marcos Hagos et de douze membres du comité directeur de la CELU;
    • vi) d'examiner toute autre mesure qui devrait être prise en cette matière;
    • vii) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées ci-dessus.
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