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Rapport intérimaire - Rapport No. 151, Novembre 1975

Cas no 809 (Argentine) - Date de la plainte: 11-DÉC. -74 - Clos

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  1. 185. La plainte figure dans une communication du 3 décembre 1974. Le plaignant a envoyé des informations complémentaires dans une lettre du 11 décembre 1974. Le gouvernement a fait tenir ses observations dans une communication du 8 avril 1975.
  2. 186. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Question préalable relative à la recevabilité de la plainte
    1. 187 La plainte est signée par M. Manuel Lezama au nom de la Commission de coordination de la Fédération graphique de Buenos Aires. Dans sa communication du 8 avril 1975, le gouvernement affirme que le signataire de la plainte n'a pas la capacité requise pour représenter le syndicat et qu'il invoque en outre un organisme qui n'a pas d'existence selon les statuts de l'organisation. Le gouvernement estime que ces faits empêchent l'examen de la plainte.
    2. 188 Le comité a indiqué, au paragraphe 20 de son 9e rapport, gué les plaintes doivent être présentées par écrit et dûment signées par un représentant d'un organisme habilité à les soumettre. En général, les signataires des plaintes sont des personnes chargées par les statuts syndicaux d'agir au nom de l'organisation intéressée. Il arrive, cependant, que des circonstances exceptionnelles empêchent ces dirigeants d'accomplir leur tâche. Dans de tels cas, le syndicat concerné ne pourrait déposer plainte pour ce qu'il estime être des violations à son égard des droits syndicaux si le comité n'acceptait pas des plaintes, présentées au nom de l'organisation en cause, par des syndiqués qui n'exercent pas habituellement de fonction syndicale.
    3. 189 En l'espèce, les allégations portent sur le retrait de la personnalité syndicale (personeria gremial) de la FGB et l'intervention des autorités dans sa gestion ainsi que sur l'arrestation de quatre dirigeants de ce syndicat. Selon le plaignant, le gouvernement s'apprête en outre à livrer les biens syndicaux à un groupe dirigé par des personnes écartées par le syndicat en raison de fautes syndicales graves. Les faits allégués paraissent constituer une raison suffisante pour expliquer que les représentants statutaires de la FGB n'aient pas signé eux-mêmes la plainte et pour examiner celle-ci quant au fond. Le gouvernement a, par ailleurs, répondu à ces allégations. Dans ces conditions, le comité considère que la plainte telle qu'elle est présentée est recevable aux termes de la procédure en vigueur.
  • Allégations relatives au retrait de la personnalité syndicale de la FGB
    1. 190 Le plaignant indique que la FGB s'est vu retirer la personnalité syndicale et fait l'objet d'une intervention des autorités parce qu'elle n'a pas voulu se soumettre au "pacte social" intervenu entre le gouvernement et les associations d'employeurs. Ce pacte établirait, sous une forme unilatérale, un gel des salaires pour une période indéterminée, alors que les prix des produits de première nécessité monteraient jour après jour, sans aucun contrôle réel et efficace, faisant baisser sensiblement le pouvoir d'achat des travailleurs. Le plaignant ajoute que le gouvernement s'apprête à livrer les biens syndicaux à un groupe irresponsable, dirigé par des personnes qui, tels MM. Jorge Zakour et Dante Oberlin, ont été écartées par l'organisation en raison de graves fautes syndicales.
    2. 191 Le gouvernement indique dans sa réponse que la résolution no 330/74 du ministère du Travail a rendu sans effet la personnalité syndicale de la FGB - sur la base de l'article 42, 2°, a) et b), de la loi no 20.615 sur les associations professionnelles de travailleurs - pour violation des dispositions légales et statutaires et inobservation des prescriptions de l'autorité compétente dans l'exercice de ses attributions légales. L'organisation intéressée a introduit un recours devant la Chambre d'appel du travail qui a confirmé la décision administrative dans un jugement du 19 décembre 1974. La FGB n'avait pas tenu compte de la mise en demeure faite par le ministère du Travail d'abandonner les moyens d'action directe utilisés en violation ouverte de 1"'Acte de compromis national", revêtu de la force légale en vertu de l'article 9 de la loi no 20.517.
    3. 192 Cet instrument légal totalement méconnu par la FGB, ajoute le gouvernement, a eu pour origine la décision du gouvernement d'arriver à un compromis qui manifestât l'effort de tous les secteurs sociaux dans le processus de reconstruction nationale. Un des objectifs concertés entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs a consisté à rendre aux travailleurs la part qui leur revient dans le revenu national, par le maintien du salaire réel. Des réunions successives de la Commission paritaire nationale (où siègent le gouvernement national, la Confédération générale du travail et la Confédération générale économique) aboutirent à un réajustement harmonieux des rémunérations et visèrent à stabiliser le pouvoir d'achat de celles-ci. Une action énergique destinée à contenir la hausse des prix ainsi qu'une situation de plein emploi sans précédent depuis des décennies ont contribué à la réalisation de cet objectif. Les commissions paritaires ont été de nouveau convoquées pour renégocier (conformément au régime institué par la loi no 14.250) les conventions collectives de travail qui seront en vigueur à partir du 1er juin 1975.
    4. 193 Outre qu'il avait adopté des méthodes de force illégitimes, poursuit le gouvernement, le syndicat en question avait encore violé ses propres statuts. Il avait effectué d'importants retraits de fonds à la Banque de la nation argentine, transgressant ainsi ses statuts et faisant courir un risque grave et inutile au patrimoine social.
    5. 194 Comme le comité l'a observé dans des cas antérieurs relatifs à l'Argentine, le retrait de la personnalité syndicale n'implique pas la dissolution de l'organisation professionnelle frappée par cette mesure. Toutefois, du point de vue syndical, le rôle imparti aux organisations sans personnalité syndicale est extrêmement limité et la distinction opérée par la loi entre les organisations jouissant de cette qualité et les organisations ordinaires se traduit, pour ces dernières, par une impossibilité de défendre les intérêts professionnels de leurs membres. Le comité avait estimé que les organisations dépourvues de la personnalité syndicale n'ont pas le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d'action.
    6. 195 Selon le gouvernement, le retrait de la personnalité syndicale de la FGB est dû, d'une part, à l'utilisation de l'action directe contrairement aux prescriptions de l'acte de compromis national, acte revêtu de la force légale et, d'autre part, à des irrégularités dans la gestion financière de l'organisation. Le comité estime en premier lieu que, si les autorités ont constaté de telles irrégularités qui pourraient nuire au patrimoine social, elles auraient dû, plutôt que d'adopter une mesure qui revient à priver le syndicat de toute possibilité d'action, poursuivre en justice, sur la base de ces irrégularités, les personnes qui en sont responsables.
    7. 196 Quant à l'acte de compromis national, il s'agit d'un accord conclu entre le gouvernement central, la Confédération générale du travail et la Confédération générale économique qui, entre autres dispositions, apporte certaines restrictions à la négociation collective. Par un décret no 901 du 24 décembre 1973, les conventions collectives en vigueur ont été prorogées durant la durée de validité de l'acte précité, c'est-à-dire jusqu'au mois de juin 1975. A partir de ce moment, les conventions collectives qui auront été conclues produiront leurs effets. Le comité a accepté qu'un gouvernement, estimant que la situation économique du pays appelle à un certain moment des mesures de stabilisation, restreigne pendant une période raisonnable et à titre exceptionnel la libre négociation collective des salaires, si ces mesures sont limitées à l'indispensable et s'accompagnent de garanties adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs. En l'espèce, la FGB n'a pas respecté les restrictions temporaires et le recours qu'elle a introduit en justice contre le retrait de sa personnalité syndicale a été rejeté. Il reste cependant qu'un tel retrait peut aboutir à priver les travailleurs des arts graphiques de toute organisation syndicale représentative et le comité estime, dans ces conditions, qu'il serait souhaitable que le gouvernement envisage la possibilité de réexaminer la sanction qu'il a prise.
  • Allégations relatives à l'arrestation de M. Ongaro et d'autres dirigeants syndicaux
    1. 197 Le plaignant allègue également que Raimundo José Ongaro, dirigeant du syndicat graphique, a été arrêté le 30 octobre 1974, en même temps que Alicia Fondevilla, Margarita Gonzalez et Enriqueta Castro, dirigeantes comme lui de la FGB et de la Fédération argentine des travailleurs des arts graphiques.
    2. 198 Le gouvernement indique qu'il a dû, dans le cadre de la constitution et de la législation, proclamer l'état de siège dans tout le pays, par le décret no 1.368 du 6 novembre 1974, en raison des circonstances auxquelles il devait faire face et suspendre, par conséquent, les garanties individuelles reconnues par la constitution, dans les limites prévues par celle-ci. M. Ongaro et les trois autres dirigeantes syndicales, poursuit le gouvernement, ont été arrêtés et poursuivis pour infraction à l'article 189 bis du Code pénal qui réprime la détention d'armes de guerre ou de munitions. Le comité note que, selon certaines informations parues dans la presse argentine, M. Ongaro et les autres dirigeantes auraient bénéficié d'un non-lieu. D'après le gouvernement toutefois, M. Ongaro a été mis par la suite à la disposition du pouvoir exécutif national en raison de ses manifestations non équivoques, tendant à créer des perturbations, et attentatoires au programme de reconstruction nationale.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 199. Le comité a déjà eu à traiter de détentions pendant l'état de siège, notamment dans un cas qui concernait l'Argentine et une précédente arrestation de M. Ongaro. S'il s'est toujours abstenu de se prononcer sur l'aspect politique de l'état de siège, il a insisté pour que de telles détentions s'accompagnent de garanties juridiques mises en oeuvre dans des délais raisonnables et que tout détenu bénéficie des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 200. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet du retrait de la personnalité syndicale de la Fédération graphique de Buenos Aires:
    • i) d'attirer l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 195 et 196 ci-dessus;
    • ii) en raison des conséquences de cette mesure, de suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité de réexaminer sa décision;
    • b) au sujet de la détention de M. Ongaro, de rappeler les principes énoncés au paragraphe 199 ci-dessus et de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer, à la lumière de ceux ci, des informations détaillées sur la situation de M. Ongaro;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport quand il aura obtenu les informations sollicitées.
      • Genève, 28 mai 1975 (Signé) A. PARODI, Président.
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