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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 161, Mars 1977

Cas no 765 (Chili) - Date de la plainte: 17-SEPT.-73 - Clos

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  • Historique de la situation
    1. 5 Saisi d'une série de plaintes relatives à des violations de la liberté syndicale au Chili (cas no 765), le comité avait soumis sur cette affaire deux rapports au Conseil d'administration. A sa 193e session (mai-juin 1974), le Conseil d'administration, avec l'accord du gouvernement du Chili, avait décidé de soumettre l'affaire pour examen à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, dont le rapport final a été accepté par le gouvernement. A sa 60e session (juin 1975), la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution sur les droits de l'homme et les droits syndicaux au Chili. En application de cette résolution et à la suite de demandes du Conseil d'administration, le gouvernement a envoyé, au titre de l'article 19 de la Constitution de l'OIT, deux rapports sur les mesures Prises pour donner suite aux recommandations de la commission. Le premier de ces rapports a été examiné par le Conseil d'administration lors de sa 198e session (novembre 1975). Le deuxième a fait l'objet d'un rapport du comité qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 200e session (mai 1976).
    2. 6 Au paragraphe 60 de ce 159e rapport, le comité avait notamment recommandé au Conseil d'administration de signaler au gouvernement certains principes et considérations sur des points qui avaient donné lieu à des recommandations de la part de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale (en particulier, l'adoption d'une nouvelle législation syndicale, la négociation collective, la situation de certaines organisations syndicales, les droits de l'homme et la détention de syndicalistes). Le comité avait en outre recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de continuer à envoyer des informations sur l'évolution de la situation, en particulier au sujet des questions sur lesquelles il n'avait pas encore fourni ces informations, et qu'il présente un rapport à cet effet pour le 1er octobre 1976 Le gouvernement a adressé ce rapport dans une communication du 29 septembre 1976
    3. 7 Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
    4. 8 Dans son rapport, le gouvernement communique des informations notamment sur les réformes législatives adoptées ou en cours d'examen en matière syndicale et l'activité syndicale dans le pays, la négociation collective, les comités de coordination du travail, les problèmes concernant certaines organisations syndicales ainsi que sur des questions concernant les libertés civiles liées A l'exercice des droits syndicaux.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Question relative à l'adoption d'une nouvelle législation syndicale et aux activités syndicales dans le pays
    1. 9 La commission d'investigation et de conciliation avait recommandé au gouvernement d'adopter aussitôt que possible une nouvelle législation syndicale qui, pour être conforme aux principes de la liberté syndicale consacrés dans la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et pour permettre la ratification des conventions sur la liberté syndicale que le gouvernement avait déclaré envisager et dont les dispositions sont très nettes à ce sujet, devrait consacrer, en particulier, les principes suivants:
    2. 1) le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, y compris les fonctionnaires publics, de constituer des organisations de leur choix. En vertu de ce principe doivent être évitées toutes restrictions qui limitent le libre choix du type et du nombre d'organisations que les travailleurs désirent créer, en ce qui concerne tant les syndicats de base que les fédérations et les confédérations pouvant rassembler des organisations de différentes professions, activités ou industries;
    3. 2) le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable et sans participation des autorités à l'acte constitutif;
    4. 3) le droit des organisations de tenir des réunions en l'absence de tout contrôle des autorités, aux fins de discuter librement les questions relatives à la gestion interne et à la défense des intérêts de leurs membres;
    5. 4) le droit des organisations d'élire librement leurs représentants, sans limitation du nombre de périodes pendant lesquelles ceux-ci pourront exercer leurs fonctions syndicales, et de décider par elles-mêmes des questions relatives aux destitutions des dirigeants par les adhérents;
    6. 5) le droit des organisations d'organiser leur gestion sans intervention des autorités;
    7. 6) le droit des organisations de jouir de toutes les garanties de la défense au cas où la justice serait appelée à se prononcer sur leur suspension ou leur dissolution.
    8. 10 Dans ses rapports précédents, le gouvernement avait indiqué que des commissions tripartites avaient été constituées en vue de participer à l'élaboration d'une nouvelle législation du travail qui tienne compte des conventions de l'OIT. Le gouvernement avait également signalé qu'il analysait de manière approfondie les observations formulées au sujet du projet de code du travail par les organisations de travailleurs et d'employeurs. Le gouvernement ajoutait qu'une abondante activité syndicale régnait au Chili et citait, à titre d'exemples, des réunions d'organisations syndicales, des rencontres entre des dirigeants syndicaux et le gouvernement ainsi que des participations de syndicalistes à des réunions internationales. A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration d'insister auprès du gouvernement pour qu'il adopte au plus tôt une nouvelle législation syndicale en harmonie avec les principes de la liberté syndicale et supprime les limitations actuellement en vigueur en ce qui concerne les activités syndicales.
    9. 11 Dans son rapport du 29 septembre 1976, le gouvernement se réfère à l'acte constitutionnel no 3 promulgué le 11 septembre 1976, et plus particulièrement aux dispositions concernant le droit syndical. L'article 1 (22) de l'acte précité garantit à toutes les personnes le droit de se syndiquer dans le cadre des activités de production ou de service, ou dans l'industrie ou activité concernée, dans les cas et sous la forme indiqués par la loi. Cet article dispose en outre que les organisations syndicales jouiront de la personnalité juridique du seul fait qu'elles auront déposé leurs statuts et actes constitutifs auprès d'un organisme autonome sous une forme déterminée par la loi. La loi fixera les mécanismes assurant l'autonomie des organisations syndicales et leur propre financement. Commentant ces dispositions, le gouvernement déclare que la Constitution établit ainsi un système beaucoup plus large et plus souple que le système prévu jusqu'ici par le projet de code du travail et le Code actuellement en vigueur, et qu'elle traduit ainsi l'intention du gouvernement de promouvoir des organisations syndicales puissantes et surtout authentiquement indépendantes de tout type d'ingérence non professionnelle.
    10. 12 Après avoir indiqué que les nouvelles dispositions constitutionnelles consacrent également le droit au travail et sa protection, le gouvernement cite certaines autres dispositions en matière syndicale et de conflits du travail. Ainsi, l'affiliation à une organisation syndicale ne pourra être exigée pour exercer un travail déterminé. La loi établira les mécanismes appropriés pour parvenir à une solution équitable et pacifique des conflits du travail par des formules de conciliation et d'arbitrage obligatoires. En cas d'arbitrage, la responsabilité de statuer incombera à des tribunaux spéciaux d'experts, dont les décisions auront force obligatoire et assureront un jugement équitable aux parties intéressées tout en protégeant les intérêts de la communauté. En aucun cas no pourront déclencher une grève les fonctionnaires de l'Etat et des municipalités, ni les personnes qui travaillent dans des entreprises remplissant des services d'utilité publique ou dont l'arrêt provoquerait de graves dommages à la santé publique, à l'approvisionnement de la population, à l'économie du pays ou à la sécurité nationale.
    11. 13 A propos du projet de code du travail, le gouvernement indique que les observations formulées par les organisations de travailleurs et d'employeurs ont été systématiquement et soigneusement analysées par le gouvernement. En outre, le Président de la République a consulté le Conseil d'Etat sur les questions contenues dans le projet et relatives aux organisations syndicales. Le gouvernement remarque à cet égard que cette consultation démontre l'importance primordiale que le gouvernement accorde au domaine du travail. En effet, ajoute le gouvernement, dans le cadre du nouveau système institutionnel en matière de travail, les organisations syndicales jouent un rôle fondamental et les décisions adoptées en ce domaine doivent être soigneusement pesées.
    12. 14 Le gouvernement déclare également qu'il a décidé d'avancer la mise en place des comités d'entreprise et qu'à cet effet un projet de loi sera prochainement adopté, dont la mise en vigueur ne sera pas subordonnée à la promulgation du Code du travail.
    13. 15 Pour ce qui tient à la pratique des activités syndicales, le gouvernement mentionne en premier lieu que se sont créées, entre le 1er avril et le 1er septembre 1976, 43 organisations syndicales dont il établit la liste. La plupart de ces syndicats sont des syndicats "professionnels", constitués d'employés. Le gouvernement énumère ensuite les principaux événements d'ordre syndical qui se sont déroulés entre avril et août 1976. Il s'agit principalement de réunions d'organisations de travailleurs appartenant à divers secteurs d'activité (santé, employés du secteur privé, textile, plastique, secteur public, cuir et chaussures, transports, commerce, cuivre, agriculture). Il est fait état également d'une rencontre entre les représentants des travailleurs de l'Entreprise nationale du charbon et le Président de la République, qui a eu lieu à Lota dans le courant du mois de juillet. Le gouvernement se réfère ensuite à la participation de délégués travailleurs chiliens à des réunions internationales, parmi lesquelles, par exemple, certaines convoquées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) ou la Fédération syndicale mondiale (FSM), ainsi qu'à la visite de syndicalistes étrangers au Chili.
    14. 16 Le comité note la promulgation de dispositions constitutionnelles garantissant à toutes les personnes le droit de se syndiquer dans les cas et sous la forme indiqués par la loi. D'après ces dispositions, l'affiliation à une organisation syndicale ne pourra être exigée pour exercer un travail déterminé. Cependant, le comité se doit de constater que la législation syndicale qui doit compléter ces nouvelles dispositions constitutionnelles n'a toujours pas été promulguée. De ce fait, les limitations imposées aux activités syndicales demeurent encore en vigueur plus de trois années après le changement de régime. Les organisations syndicales se voient ainsi toujours privées, en tout ou en partie, de l'exercice de certains droits indispensables à leur fonctionnement normal, notamment en matière d'élections, de réunions, de présentations de revendications, de négociations collectives et de grèves.
    15. 17 Il apparaît pourtant, au vu du rapport du gouvernement, que les observations formulées par les organisations de travailleurs et d'employeurs à propos du projet de code du travail ont maintenant été analysées par le gouvernement et que le projet a été examiné par le Conseil d'Etat. Dans ces conditions, le comité estime important que l'adoption de la nouvelle législation syndicale intervienne dans un proche avenir et que son contenu soit pleinement conforme aux principes mentionnés par la Commission d'investigation et de conciliation et rappelés à plusieurs reprises par le comité et le Conseil d'administration.
  • Négociation collective
    1. 18 La Commission d'investigation et de conciliation avait signalé qu'en vertu de certaines dispositions adoptées par le gouvernement, la négociation collective était interdite. Elle avait exprimé l'espoir qu'il serait possible de renouer au plus tôt avec la pratique d'une telle négociation et avait recommandé qu'entre-temps, comme mesure uniquement provisoire, le gouvernement généralise la création de commissions consultatives tripartites composées de représentants librement choisis par leurs organisations en vue d'améliorer les rémunérations résultant de réajustements généraux. Dans sa résolution, la Conférence avait invité le gouvernement à abroger les textes qui limitent la négociation collective.
    2. 19 Dans ses rapports précédents, le gouvernement avait invoqué la nécessité de sévères mesures de stabilisation pour justifier la suspension de la négociation collective jusqu'au 31 mars 1977. Le gouvernement avait cependant observé que des réajustements de rémunération visant à compenser la hausse du coût de la vie avaient été accordés et que de nouvelles commissions consultatives tripartites avaient été créées. A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de noter que le gouvernement avait augmenté le nombre des commissions consultatives sur les rémunérations mais de signaler qu'un objectif important pour le gouvernement devrait être de renouer au plus tôt avec la pratique de la négociation collective.
    3. 20 Dans son rapport du 29 septembre 1976, le gouvernement déclare que les conditions économiques qui empêchent le rétablissement de la négociation collective prévalent toujours. Cependant, le système de réajustement automatique trimestriel des rémunérations reste en vigueur, ainsi que la possibilité d'extension à l'ensemble d'une branche d'activité des conventions, des sentences arbitrales ou des décisions de commissions tripartites. Le gouvernement explique à cet égard que l'inflation n'a pas été encore complètement éliminée puisque le taux annuel est actuellement de 200 pour cent. Au cours de 1976, le gouvernement a toutefois autorisé, à compter du 1er avril, un réajustement extraordinaire des rémunérations pour les niveaux de revenus les plus bas.
    4. 21 Le gouvernement ajoute que les commissions tripartites seront généralisées et cesseront d'être consultatives pour devenir délibératives lorsque les décisions seront adoptées à l'unanimité, sauf cas exceptionnels où le gouvernement se verrait obligé d'intervenir pour défendre les consommateurs. Un projet de modification à la législation concernant ces commissions va être entrepris en vue d'élargir leur compétence. Il sera alors possible d'accorder, par leur intermédiaire, des réajustements et des conditions de travail supérieurs à ceux établis par la loi, quand la situation économique du secteur d'activité concerné le permettra. Un règlement déterminera la composition de ces commissions et le mode de désignation de leurs membres. Dès que ces modifications législatives et réglementaires seront terminées, de nombreuses commissions tripartites couvrant de nouveaux secteurs seront constituées.
    5. 22 Le comité note l'intention manifestée par le gouvernement de modifier la législation relative aux commissions tripartites en vue d'élargir leur compétence et d'en étendre la création à de nouveaux secteurs. Tout en prenant note aussi de la constitution de nouvelles commissions tripartites, le comité rappelle que la commission d'investigation et de conciliation avait recommandé la généralisation des commissions tripartites uniquement à titre provisoire. Pour sa part, le comité a toujours considéré qu'une restriction à la libre fixation des salaires par voie de négociation collective devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, et ne devrait pas excéder une période raisonnable. Le comité souhaite également rappeler au gouvernement que la Commission d'investigation et de conciliation avait constaté, dans les milieux syndicaux, une aspiration générale au rétablissement, aussi rapide que possible, de la négociation collective.
    6. 23 Le comité souhaite, en conséquence, signaler à nouveau qu'un objectif important pour le gouvernement devrait être de renouer au plus tôt avec la pratique de la négociation collective.
  • Comités de coordination du travail
    1. 24 La Commission d'investigation et de conciliation avait fait mention des comités de coordination créés par le gouvernement et composés des représentants de celui-ci, de l'armée et des organisations syndicales. La commission avait relevé qu'il était nécessaire d'éviter que ces comités puissent servir à encadrer les syndicats et elle avait recommandé qu'ils fussent convertis en organismes consultatifs tripartites, présidés par un fonctionnaire du ministère du Travail et composés de représentants désignés librement par les organisations de travailleurs et d'employeurs.
    2. 25 A sa session de mai 1976, le comité avait signalé l'importance qu'il attache au respect de la recommandation de la Commission d'investigation et de conciliation, selon laquelle les comités de coordination devraient être convertis en organismes consultatifs tripartites.
    3. 26 Dans son rapport du 29 septembre 1976, le gouvernement indique que, par le décret no 377 en date du 6 août 1976, les comités de coordination du travail ont été supprimés. Le gouvernement explique qu'avec la mise en place des comités d'entreprise et de la régionalisation du pays, le maintien de ces comités n'était plus nécessaire. De nouvelles institutions plus perfectionnées et plus directes permettront une information appropriée au niveau de chaque entreprise, avec la coordination des autorités nationales ou régionales, selon le cas. En outre, la régionalisation du pays a entraîné un réaménagement administratif et le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a désigné des "secrétaires ministériels régionaux" dont les pouvoirs leur permettent de satisfaire largement aux objectifs auxquels répondait la création des comités de coordination du travail.
    4. 27 Le comité note avec intérêt la suppression des comités de coordination du travail, parallèlement à la mise en place des comités d'entreprise et à la désignation de secrétaires ministériels régionaux. Le comité exprime l'espoir que les nouvelles institutions et structures administratives permettront de promouvoir les relations entre pouvoirs publics et organisations d'employeurs et de travailleurs, ainsi qu'entre ces dernières.
  • Problèmes concernant certaines organisations syndicales
    • a) Organisations de travailleurs agricoles
      1. 28 A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de noter avec intérêt que le gouvernement avait pris des dispositions législatives concernant le versement aux organisations de travailleurs agricoles des fonds auxquels elles avaient droit, mais de signaler également que la situation des confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne n'était pas claire, faute d'informations communiquées par le gouvernement sur certains points.
      2. 29 Dans sa communication du 30 septembre 1976, le gouvernement se réfère de façon générale à la question du financement des organisations syndicales agricoles, qui a fait l'objet d'une plainte traitée par le comité à sa présente session, à propos du cas no 823. En revanche, le gouvernement n'apporte aucune précision quant à la situation des confédérations Ranquil et Unité ouvrière paysanne. Le comité regrette, dans ces conditions, de ne pouvoir examiner les conditions dans lesquelles ces confédérations et leurs organisations affiliées, exercent leurs activités syndicales.
    • b) Autres organisations
      1. 30 La Commission d'investigation et de conciliation avait recommandé au gouvernement l'adoption de mesures tendant à aplanir les difficultés faisant obstacle à l'obtention de la personnalité juridique par les organisations syndicales qui avaient déposé une demande à cette fin et, en particulier, par la Fédération nationale des travailleurs du textile et de l'habillement (FENATEX) et par la Fédération industrielle du bâtiment, du bois et des matériaux de construction (FIEMC), de manière à permettre à ces organisations de normaliser leur situation, notamment en matière de recouvrement des cotisations syndicales.
      2. 31 A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de signaler au gouvernement la nécessité d'envoyer des informations spécifiques sur l'effet donné aux recommandations de la commission en ce qui concerne notamment la FENATEX et la FIEMC.
      3. 32 Dans son rapport du 29 septembre 1976, le gouvernement indique que la FIEMC fonctionne de fait depuis environ 30 ans. Pourtant, ce n'est qu'en janvier 1974 qu'elle a présenté une demande d'obtention de la personnalité juridique devant la direction du travail. A cet effet, elle a fourni des informations en février 1974 avec une liste des syndicats affiliés. En mars 1975, elle a demandé à être constituée légalement à compter du 10 mars 1975, mais elle n'a pas obtenu gain de cause parce qu'elle n'avait pas accompli les formalités nécessaires.
      4. 33 Pour ce qui est de la FENATEX, le gouvernement indique que cette organisation existe de fait depuis le 12 octobre 1953. Elle n'a demandé la personnalité juridique qu'en septembre 1974 en fournissant une liste de 28 syndicats accompagnée de documents ainsi que de 18 autres pour lesquels les informations données n'étaient pas complètes. Aucune disposition spécifique se référant aux cotisations que percevaient la FIEMC et la FENATEX n'a été promulguée par le ministère du Travail ou la direction du travail. Le décret-loi no 133 du 20 novembre 1973 a mis fin au droit de percevoir des cotisations pour toutes les organisations non constituées conformément à la loi, ce qui est le cas en l'espèce. Le gouvernement conclut sur ce point en indiquant que ni la FIEMC ni la FENATEX n'ont complété la documentation requise pour l'obtention de la personnalité juridique.
      5. 34 Il ressort des informations communiquées par le gouvernement que les deux organisations en question ont déposé en 1974 une demande d'obtention de la personnalité juridique mais que l'ensemble des formalités nécessaires à cet effet n'ont pas été accomplies. Le comité rappelle que, d'une manière générale, l'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doit pas être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause le libre exercice des droits syndicaux. A cet égard, le comité note avec intérêt les dispositions contenues dans le nouvel acte constitutionnel no 3, mentionnées plus haut, selon lesquelles les organisations syndicales jouiront de la personnalité juridique par le simple fait de déposer leurs statuts et actes constitutifs auprès d'un organisme autonome sous une forme déterminée par la loi.
      6. 35 Le comité considère qu'il serait utile que le gouvernement prenne toutes les mesures possibles pour aplanir les difficultés rencontrées par la FIEMC et la FENATEX en vue de l'obtention de la personnalité juridique, difficultés d'autant plus préjudiciables à leur fonctionnement normal qu'elles les empêchent de percevoir les cotisations de leurs affiliés.
    • Libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux
      1. 36 La Commission d'investigation et de conciliation avait signalé qu'il serait très souhaitable d'accorder une attention prioritaire à certains objectifs, à savoir que les syndicalistes détenus soient libérés ou jugés selon des procédures offrant toutes les garanties de la défense et de jugement impartial, que soit assuré le droit des personnes de n'être arrêtées que conformément à la procédure pénale ordinaire et que soit garantie par des instructions spécifiques assorties de sanctions efficaces la protection contre tout mauvais traitement des personnes détenues de quelque manière que ce soit. Ces mesures et d'autres, telles qu'un nouvel examen des jugements pénaux prononcés et l'application de mesures de clémence ou même d'amnistie, devaient, de l'avis de la commission, contribuer à créer un climat favorable à un retour à la normale qui constitue, entre autres, une condition essentielle à l'exercice effectif des droits syndicaux. Pour sa part, la Conférence avait invité les autorités chiliennes à libérer les militants et dirigeants syndicaux encore détenus pour des motifs syndicaux ou politiques, à mettre fin à la torture et aux mauvais traitements, à supprimer les tribunaux d'exception et les juridictions militaires et à décréter une amnistie générale.
      2. 37 Dans ses rapports précédents, le gouvernement avait fait état de la prolongation de l'état de siège "au degré de sécurité intérieure". Il avait en outre mentionné l'adoption de différents décrets prévoyant notamment des visites sans notification préalable du Président de la Cour suprême et du ministre de la Justice aux lieux de détention, des examens médicaux pour les détenus, l'ouverture d'une instruction en cas de constatation de mauvais traitements, l'obligation de délivrer une copie du mandat d'arrêt aux parents de détenus et de les informer du lieu de détention. Le gouvernement avait également indiqué que ces décrets avaient été complétés par l'institution d'un recours judiciaire en cas de non observation de l'obligation d'informer de l'arrestation les membres de la famille du détenu.
      3. 38 A sa session de mai 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration, compte tenu des liens existant entre les droits fondamentaux de l'homme et l'exercice des droits syndicaux, de prendre note avec intérêt de la promulgation des décrets ainsi que des mesures en question tendant à assurer les moyens de protection des droits des détenus et de souligner l'importance qu'il attache à l'application effective de ces dispositions législatives.
      4. 39 Dans son rapport du 29 septembre 1976, le gouvernement indique que l'état de siège "au degré de sécurité intérieure" a été prolongé jusqu'au 11 mars 1977. Selon le gouvernement, ce maintien de l'état de siège constitue une mesure de sauvegarde de la sécurité nationale. En raison du milieu géographique et de la configuration territoriale du pays, qui le rendent vulnérable à des incursions d'extrémistes et à cause des récents événements survenus dans le monde, les mesures les plus sévères de prévention s'imposent. D'autre part, ajoute le gouvernement, certaines garanties constitutionnelles ne sont pas absolues et peuvent être restreintes pour le bien commun, en particulier dans des situations d'urgence. Il est parfois nécessaire d'en suspendre ou d'en restreindre l'exercice en vue de préserver l'existence d'autres garanties plus importantes. Le pays doit en outre, selon le gouvernement, se protéger d'une subversion latente et l'état de siège constitue une protection pour l'ensemble de la population chilienne. Le gouvernement signale à cet égard l'importance de l'acte constitutionnel no 4, promulgué le 11 septembre 1976, qui réglemente les régimes d'urgence en cas de guerre externe ou interne, de commotion interne, de subversion latente et de calamité publique.
      5. 40 Le gouvernement mentionne également l'acte constitutionnel no 3 concernant les droits de l'homme. En vertu de cet acte, le recours d'habeas corpus (amparo) est élargi et il est créé un nouveau recours, appelé "de protection", qui permet à tout citoyen envers lequel des garanties constitutionnelles sont violées ou ignorées, de recourir, au moyen d'une procédure rapide et expéditive, devant la cour d'appel compétente en vue d'obtenir le rétablissement de ses droits pour autant que la nature de ces derniers le permette. En outre, cet acte constitutionnel reconnaît le droit à la vie et à l'intégrité de la personne ainsi que l'égalité devant la loi, interdit toute contrainte illégitime, garantit le droit à la défense juridique, au jugement par un tribunal légalement constitué et à une sentence conforme à la procédure suivie. Des normes sont également fixées quant aux conditions d'arrestation et à la sécurité des détenus. Il est notamment prévu que:
    • "personne ne peut être arrêté ou détenu sinon sur ordre d'un fonctionnaire public expressément habilité par la loi et après que cet ordre a été notifié sous forme légale. Cependant, quiconque serait surpris en flagrant délit pourrait être arrêté dans le seul but d'être mis à la disposition du juge compétent dans les vingt-quatre heures";
  • "si les autorités font procéder à l'arrestation ou à la détention d'une personne, elles devront, dans les quarante-huit heures, en aviser le juge compétent en mettant l'intéressé à sa disposition. Le juge pourra, par décision motivée, prolonger ce délai jusqu'à cinq jours";
  • "personne ne peut être arrêté ou détenu, soumis à la prison préventive ou prisonnier sinon dans une maison ou dans des lieux publics réservés à cet usage".
    1. 41 En outre, l'acte constitutionnel dispose que "la liberté provisoire est un droit de la personne arrêtée". Les droits de réunion, de pétition et d'association restent identiques à ceux contenus dans la Constitution de 1925, à l'exception toutefois de l'interdiction de l'appartenance obligatoire à une association et la prohibition des associations contraires à la morale, à l'ordre public et à la sécurité de l'état. Tout ceci, conclut le gouvernement sur ce point, prouve la préoccupation permanente du gouvernement pour le respect et la protection des droits fondamentaux de l'homme.
    2. 42 Pour ce qui est de la protection des détenus, le gouvernement déclare que les décrets adoptés en janvier et février 1976, et mentionnés dans le 159e rapport du comité, ont été pleinement appliqués. Le rapport fait état en ce domaine d'une visite effectuée à des lieux de détention par le ministre de la Justice, le président de la Cour suprême et le Secrétaire général de l'Organisation des Etats américains. Le gouvernement rappelle que les détentions intervenues en vertu de l'état de siège sont de caractère préventif et n'exigent pas qu'un délit ait été commis ni qu'un procès soit nécessairement intenté devant les tribunaux judiciaires. Le gouvernement ajoute qu'il ne détient personne sans de solides raisons de sécurité nationale ou d'ordre public. Pour que le Chili jouisse de tranquillité et de paix, poursuit-il, il a été nécessaire d'arrêter, en vertu de l'état de siège, une petite quantité de personnes dont le nombre actuel est de 474. Le gouvernement indique en outre que 205 détenus en vertu de l'état de siège ont été mis en liberté sans conditions par ordre du Président de la République.
    3. 43 Le comité note avec intérêt l'adoption par le gouvernement de dispositions constitutionnelles protégeant certains droits fondamentaux de l'homme. Le comité note également la libération d'un nombre important de personnes détenues, y compris de syndicalistes. D'autre part, le comité se doit d'exprimer sa préoccupation devant de nouvelles allégations, examinées dans le cadre du cas no 823, d'après lesquelles des syndicalistes qui auraient été arrêtés par des forces de sécurité n'auraient pas été retrouvés dans les lieux de détention du pays. Toutefois, le gouvernement a fourni des informations selon lesquelles certaines de ces personnes arrêtées d'après les plaignants auraient quitté le pays. Le comité rappelle qu'il attache une grande importance à l'application effective des décrets promulgués en janvier et février 1976 concernant la protection des détenus, et notamment aux dispositions selon lesquelles l'autorité qui décide de la détention doit délivrer au parent le plus proche du détenu une copie du mandat d'arrêt indiquant qui l'a délivré, le fonctionnaire chargé de procéder à l'arrestation et l'endroit où sera amené le détenu.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 44. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration:
    • a) de noter que, conformément à la décision adoptée par le Conseil d'administration à sa 200e session (mai-juin 1976), le gouvernement du Chili a envoyé un nouveau rapport le 29 septembre 1976 sur l'évolution de la situation concernant les recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale et la résolution concernant les droits de l'homme et les droits syndicaux au Chili, adoptée par la Conférence à sa 60e session (1975);
    • b) de noter l'adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles concernant le droit syndical, mais de renouveler son appel au gouvernement en vue de la promulgation, dans un proche avenir, d'une nouvelle législation syndicale dont le contenu soit pleinement conforme aux recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations concernant la négociation collective exprimés au paragraphe 22 ci-dessus et de signaler à nouveau qu'un objectif important pour le gouvernement devrait être de renouer au plus tôt avec la pratique de la négociation collective;
    • d) de noter avec intérêt la suppression des comités de coordination du travail et d'exprimer l'espoir que les nouvelles institutions et structures administratives mises en place permettront de promouvoir les relations entre pouvoirs publics et organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'entre ces dernières;
    • e) de déplorer l'absence d'informations, de la part du gouvernement, sur les conditions d'exercice par les confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne, de leurs activités syndicales et de demander à nouveau au gouvernement d'adresser des informations sur la situation de ces deux organisations;
    • f) d'indiquer au gouvernement qu'il serait utile que ce dernier prenne toutes les mesures possibles pour aplanir les difficultés rencontrées par la FIEMC et la FENATEX en en vue de l'obtention de la personnalité juridique;
    • g) de noter avec intérêt l'adoption par le gouvernement de dispositions constitutionnelles protégeant certains droits fondamentaux de l'homme;
    • h) de rappeler la grande importance qu'il attache à l'application effective des décrets du 28 janvier et du 10 février 1976 concernant la protection des détenus;
    • i) de demander au gouvernement de continuer à adresser des informations sur l'évolution de la situation quant aux recommandations formulées par la commission d'investigation et de conciliation et de présenter un rapport à cet effet pour le 1er avril 1977.
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