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Rapport définitif - Rapport No. 147, 1975

Cas no 730 (Jordanie) - Date de la plainte: 28-NOV. -72 - Clos

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  1. 42. Le comité a examiné le cas no 668, la dernière fois, à sa session de novembre 1972, lorsqu'il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 281 à 299 du 133e rapport du comité, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 188e session (novembre 1972). Le comité a examiné le cas no 730 (relatif à une plainte de la Fédération syndicale mondiale) pour la dernière fois à sa session de mai 1973, lorsqu'il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu aux paragraphes 131 à 138 du 137e rapport du comité, qui a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 190e session (juin 1973).
  2. 43. Lors de sa 67e session (mai 1974), le comité a ajourné l'examen de ces deux cas pour lesquels il avait décidé (voir 142e rapport, paragraphe 11, février 1974)1, conformément à la procédure applicable en matière de contacts directs et, à la suite de la suggestion du gouvernement, de demander au Directeur général de désigner un représentant qui se rendrait en Jordanie afin de relever les faits concernant les plaintes et de faire rapport au comité des résultats de sa mission. Le comité a noté que le Directeur général a désigné M. A. Mavrommatis, ancien ministre du Travail de Chypre et membre de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, qui, accompagné d'un fonctionnaire du Bureau international du Travail, a effectué sa mission du 29 avril au 5 mai 1974 et a présenté un rapport sur cette mission au Directeur général. Le comité a examiné le rapport du représentant du Directeur général et a trouvé très utiles les informations concrètes recueillies sur place pour l'examen du cas. Le comité a pris note, en particulier, de la déclaration faite par M. Mavrommatis dans son rapport, selon laquelle il lui a été donné toute possibilité de rencontrer, sans autorisation préalable et sans témoin, les personnes avec lesquelles il souhaitait s'entretenir.
  3. 44. La Jordanie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à la dissolution de syndicats ou de leurs comités exécutifs et à d'autres actes d'ingérence du gouvernement dans le mouvement syndical
    1. 45 Le comité a été saisi d'informations contradictoires concernant la prétendue dissolution, par les autorités, de la Fédération générale des syndicats, le gouvernement ayant déclaré qu'un nouveau comité de direction avait été nommé à cette fédération, après la démission des membres de son comité de direction, incapables de s'entendre. Il a également été allégué que le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka avait été dissous et son secrétaire révoqué, et que les autorités avaient créé le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie. A cet égard, le comité avait prié le gouvernement de lui envoyer copie de la décision ministérielle publiée conformément à la loi no 16 de 1970, qui avait ordonné la fusion des syndicats de type analogue.
    2. 46 Dans une communication du 22 mars 1972, la Fédération générale des syndicats jordaniens (Damas) a fait état de la dissolution, en octobre 1971, du comité exécutif de la fédération et de son remplacement par un comité désigné en application de la loi martiale. La fédération a déclaré aussi que tous les syndicats de travailleurs avaient été dissous le 5 janvier 1972 et que le ministre du Travail avait modifié les statuts de la fédération comme ceux de tous les autres syndicats. De plus, le ministre avait nommé des comités administratifs.
    3. 47 Dans une communication datée du 10 avril 1972, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires a envoyé le texte d'un mémoire que lui avaient adressé 16 syndicats jordaniens qui protestaient contre l'immixtion des autorités jordaniennes dans les affaires syndicales. Cette organisation transmettait également le texte d'une résolution adoptée par le Conseil central de la Confédération internationale des syndicats arabes, les 17 et 19 janvier 1972, qui condamne les autorités jordaniennes et refuse de reconnaître la délégation syndicale jordanienne officielle.
    4. 48 Dans sa communication du 14 juin 1972, le gouvernement a répondu à ces allégations, en présentant un exposé général des événements qui ont abouti à la nomination d'un conseil exécutif provisoire de la Fédération générale des syndicats jordaniens, en octobre 1971. Toutefois, le comité a relevé que le gouvernement n'avait pas fourni les informations qui lui avaient été demandées concernant la dissolution du Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, l'établissement du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination du comité de direction de cette organisation. En outre, le gouvernement n'avait pas envoyé copie de la décision ministérielle publiée conformément à la loi no 16 de 1970, qui, d'après les organisations plaignantes, ordonnait la fusion des syndicats de type analogue en une seule organisation. Le gouvernement n'a pas non plus fait tenir des informations concernant la dissolution, le 5 janvier 1972, de tous les syndicats et la nomination, par les autorités, de comités administratifs pour les syndicats nouvellement créés.
    5. 49 Pour ce qui est de la fusion obligatoire des syndicats de type analogue, le comité a noté que, en novembre 1971, le gouvernement a adopté une nouvelle loi (loi temporaire du travail no 67), dont l'article 214 dispose qu'il ne pourra être créé plus d'un seul syndicat général par métier ou profession, ni plus d'un syndicat par groupe de métiers ou de professions analogues, assimilés ou connexes dans une seule branche de l'industrie. En vertu de l'article 257 de la même loi, les fédérations auront le droit de créer une fédération générale commune et, en vertu de l'article 258, toute demande de création d'une fédération générale devra être soumise au ministre, qui pourra l'accepter ou l'écarter. L'article 277 dispose que les syndicats qui ne parviendront pas à mettre leurs activités en harmonie avec la loi devront être dissous et que leur patrimoine sera transféré au ministère.
    6. 50 Compte tenu de ces considérations et des autres allégations et réponses qui leur ont été apportées, le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que:
  • "Il m'a paru important de tâcher tout d'abord de reconstituer avec précision les événements qui ont eu lieu au sein de la Fédération générale des syndicats depuis le milieu de l'année 1970 jusqu'à avril 1972; cette période couvre l'élection du comité exécutif de la Fédération générale en juillet 1970, la désignation d'un comité exécutif provisoire en octobre 1971 et l'élection d'un nouveau comité exécutif en avril 1972.
  • Le comité élu le 30 juillet 1970 était composé des membres suivants: Ja'par El-Ashab, Jamal Kokash, Ahmed Mamo, Fayez El-Tanbour, Ahmad El-Hadidi, Abdel Razzak Moh'd Said, Fathi El-Naji, Mohammed Jad Allah, Sami Hassan Mansour, Aouni Jamil et Mohamed Jawhar. Apparemment, tous les élus faisaient partie de la Liste du Travail et de la Libération nationale (Al Fatah), alors que leurs adversaires battus appartenaient à la Liste progressiste (plus extrémiste). Peu après leur élection cependant, un certain nombre de difficultés sont apparues qui ont gravement perturbé les travaux du comité. Ces difficultés semblaient dues en grande partie à l'influence fedayine vers la fin de 1970, deux membres du comité ont quitté le pays, à savoir Fathi El-Naji et Mohammed Jad Allah, qui se sont établis à Damas où ils ont prétendu représenter la fédération. Ces deux personnes (qui furent rejointes plus tard par Aouni Jamil Abd Allah) sont les signataires des plaintes reçues par le BIT au nom de la fédération; elles ont été exclues du comité exécutif en février 1971 et remplacées par deux membres suppléants.
  • Un profond désaccord a persisté entre les membres du comité exécutif et, à deux reprises, en février et en juillet, 1971, le Secrétaire général a présenté sa démission. Le 12 septembre 1971, cinq membres du syndicat ont démissionné; un autre avait déjà démissionné en août et un autre encore a offert sa démission en septembre. Dans ces circonstances, le Secrétaire général a estimé que, conformément au règlement intérieur de la fédération, il avait le droit de demander aux membres suppléants de siéger au comité. L'article 29 a) du règlement est rédigé comme suit: "Le comité exécutif fera appel au candidat qui, après les membres élus, a recueilli les meilleurs résultats aux dernières élections du comité; le nouveau membre du comité remplira le mandat de son prédécesseur." Cette interprétation du règlement a été contestée par les membres suppléants qui considéraient qu'ils auraient dû être appelés à siéger par tous les membres qui étaient demeurés dans le comité et non pas seulement par son secrétaire général. Ils proposèrent également une solution de rechange, qui consistait à demander à l'assemblée générale de la fédération de statuer sur les démissions collectives. Toutefois, on s'est trouvé à ce stade dans une situation insoluble, étant donné que l'assemblée ne pouvait se réunir qu'à la demande du comité exécutif (qui ne pouvait pas fonctionner faute de quorum) ou de dix membres de l'assemblée (mais le droit de vote de la plupart de ces membres avait été suspendu, les syndicats dont ils faisaient partie n'ayant pas versé leurs contributions à la fédération). Dans ces circonstances, le Secrétaire général et les autres membres du comité exécutif ont présenté leur démission et l'ensemble du problème a été soumis par le ministère des Affaires sociales et du Travail à la Commission de la sécurité économique. Cette commission a recommandé que le ministre désigne un comité exécutif provisoire chargé de gérer les affaires de la fédération et que l'assemblée générale soit convoquée dans un délai de deux mois pour élire un nouveau comité.
  • Aucune explication claire n'a pu m'être fournie quant aux raisons qui ont motivé les démissions survenues au sein du comité exécutif de la fédération. D'une façon générale, les dirigeants syndicaux ont indiqué, à propos de ces événements, qu'en raison de la dissension née des divergences- politiques entre les membres du comité, toute relation du travail était devenue impossible. Il semble en fait que ce groupe hétérogène, réuni à la hâte en vue de l'élection, a commencé à se diviser dès l'élection terminée.
    1. Le 5 octobre 1971, le ministre a promulgué un décret qui désignait un comité exécutif provisoire composé de deux représentants de son ministère (le directeur et le directeur adjoint du Département du travail) et les syndicalistes suivants: Abdel Ruhman El-Nasr, Mousa Kwaider, Farouk Makhlouf, Lufti El-Hlou, Salim Jad'oun, Shahar El-Majali, Jamal Kokash, Sami Hassan Mansour et Mahmoud Sbeiha.
  • Le comité provisoire a constitué une commission financière chargée de clarifier la situation financière de la fédération. Une copie du rapport rédigé par cette commission m'a été donnée. Ce rapport contient des critiques détaillées sur les pratiques financières de l'organisation. La commission note que les trésoriers ont été négligents, certaines questions étant demeurées en suspens pendant de nombreuses années. Des prêts et des frais de mission ont été accordés sans en demander le remboursement, et les trésoriers eux-mêmes ont pris certaines sommes qui n'ont pas été rendues. Selon les dossiers, Fathi El-Naji et Mohammed Jad Allah (les deux syndicalistes partis pour Damas) avaient reçu plusieurs milliers de dinars pour des travailleurs de la Rive occidentale, mais la commission doute que ces paiements aient été réellement effectués. Fathi El-Naji a également reçu 5.000 dollars d'une organisation internationale, et la commission a recommandé que des poursuites judiciaires soient entamées contre lui. Sur la base de cette information, le comité exécutif provisoire a envoyé Aouni Jamil Abd Allah à Damas afin de récupérer les fonds confiés à Fathi El-Naji et à Mohammed Jad Allah, mais il n'est pas revenu de sa mission.
  • Des mesures ont été également prises par le ministre des Affaires sociales et du Travail pour la préparation de nouvelles élections à l'assemblée générale de la fédération. Une commission a été constituée, qui a contrôlé les dossiers de chaque syndicat afin de déterminer le nombre exact de ses membres et, sur ces données, le nombre des représentants que chacun avait le droit d'envoyer à l'assemblée générale. Il convient de rappeler que les élections auraient dû avoir lieu dans un délai de deux mois à compter de la nomination du comité exécutif provisoire. Cependant, la date en a été repoussée une première fois lorsque le ministre a annoncé que ces élections auraient lieu avant le 27 décembre 1971. Un second délai est intervenu quand le ministre a annulé cette décision et reporté les élections jusqu'au moment où la plupart des syndicats auraient eux-mêmes procédé à de nouvelles élections. De nombreux syndicats avaient déjà élu leurs comités exécutifs au cours des dernières semaines. Ils devaient procéder à une seconde élection et, à cette occasion, tous les syndicats ont été invités à soumettre la liste de leurs candidats au ministre des Affaires sociales et du Travail afin que ce dernier puisse s'assurer que les intéressés remplissaient les conditions d'éligibilité fixées dans l'article 234 de la loi sur le travail (loi provisoire no 67):
    1. "1) Le candidat doit être âgé de 23 ans au moins;
    2. 2) il doit avoir travaillé dans la profession ou le métier ou avoir été membre d'un syndicat pendant cinq années consécutives;
    3. 3) il doit avoir un casier judiciaire vierge;
    4. 4) il doit remplir les conditions établies dans les règlements du syndicat."
  • Le ministre a également donné des instructions au comité exécutif provisoire pour qu'il modifie les règles internes de la fédération. Par suite de ces amendements, la représentation proportionnelle de certains syndicats à l'assemblée générale de la fédération a fait l'objet de certaines modifications et le nombre des sièges accordés au Syndicat des transports internes, par exemple, a été augmenté de 6 à 12.
  • Tant la sélection des candidats aux élections syndicales que les amendements imposés aux règles de la fédération ont fait l'objet de plaintes auprès du Comité de la liberté syndicale. Ces mesures ont également été critiquées par de nombreux dirigeants syndicaux que j'ai rencontrés au cours de la mission. Ils ont estimé que l'on avait accordé au Syndicat des transports internes une représentation excessive à l'assemblée générale de la fédération, représentation qui n'était pas proportionnelle au nombre de ses membres. Ils ont également précisé cependant que le nombre des sièges de ce syndicat à l'assemblée avait été ensuite ramené à 8, ce que l'on pouvait considérer comme une représentation équitable. Ils ont allégué comme raison de cette augmentation de la représentation de ce syndicat l'appui qu'il avait accordé au gouvernement à une époque particulièrement difficile.
  • Les plaintes contiennent de nombreux exemples de syndicalistes qui ont été éliminés par les autorités des listes de candidats parce qu'ils ne remplissaient pas les conditions fixées par l'article 234 de la loi sur le travail, mais également, selon les plaignants, pour des raisons qui n'avaient aucun rapport avec les conditions établies dans cet article. J'ai discuté de cette question à plusieurs reprises avec les représentants du gouvernement et des dirigeants syndicaux dont certains ont été battus aux élections de 1972. Apparemment, la situation était la suivante: un certain nombre de candidats ont été récusés par le ministère des Affaires sociales et du Travail parce qu'ils ne remplissaient pas l'une ou l'autre des conditions établies dans la loi sur le travail. Dans le cas du Syndicat des transports internes, qui a été mentionné dans une plainte en tant qu'exemple d'une organisation dont un nombre important de candidats avaient été éliminés, le syndicat lui-même a exposé la situation des intéressés au ministère. J'ai vérifié cette situation avec l'un des dirigeants du syndicat, qui m'a dit que beaucoup d'entre eux n'avaient pas été membres de ce syndicat pendant les cinq dernières années, qu'ils n'étaient pas des salariés mais étaient propriétaires d'un ou de plusieurs véhicules, ou n'étaient pas en situation régulière vis-à-vis du syndicat (n'ayant pas payé leurs cotisations). Dans le cas d'autres syndicalistes, le ministre des Affaires sociales et du Travail les a informés que leur candidature avait été refusée par le ministre de l'Intérieur, sans autre explication. Certains des intéressés ont alors discuté la question au ministère de l'Intérieur et la décision prise à leur encontre a été retirée. Dans d'autres cas, les syndicalistes touchés par ces mesures n'ont pas poursuivi l'affaire et ils n'ont donc pas pu se présenter aux élections. Il semble que le motif soit principalement de caractère politique, c'est-à-dire l'active participation de ces syndicats au mouvement fedayin.
    1. Le 28 mars 1972, le Secrétaire général du comité exécutif provisoire a présenté sa démission. Dans une longue lettre adressée au ministre des Affaires sociales et du Travail, il a exposé les raisons de son départ dont notamment le report des élections, le traitement favorable accordé au Syndicat des transports internes et l'élimination de candidats des listes électorales pour des raisons n'ayant aucun rapport avec les conditions d'éligibilité prévues par la loi.
  • En définitive, les syndicats ayant tous procédé à leurs élections, l'assemblée générale de la Fédération a été reconstituée avec les représentants de chaque syndicat et, le 20 avril 1972, le nouveau comité exécutif de la fédération a été élu. Le comité était composé des membres suivants: Hatim Jud'an, Khalid Shreem, Sulieman El-Sh'ibi, Khalid El-Saleh, Salim Jad'oun, Abdel Razzak, Moh's Said, Shaher El-Majali, Ahed Salim Kuntar, Sami Rafik El-Bast, Mohammed Hussein Kassem, Mahmoud Sbeiha, Waleed El-khayyat et Javdat Othman."
    1. 51 Dans les plaintes soumises au Comité de la liberté syndicale, il a été allégué que les autorités avaient forcé trois membres du comité exécutif, à savoir Sami Rafik El-Bast, Mohammed Hussein Kassem et Waleed El-Khayyat, à démissionner au cours de la seconde moitié de 1972. Le représentant du Directeur général a déclaré dans son rapport qu'il s'était informé au sujet de cette allégation et qu'il avait été informé par certains syndicalistes qu'ils avaient démissionné volontairement en particulier parce qu'ils ne pouvaient pas collaborer avec les autres membres du comité.
    2. 52 Pour ce qui est des allégations relatives à la dissolution du Syndicat des travailleurs et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka en octobre 1971, au renvoi de son secrétaire général, Mahmoud Sbeiha, à la création d'un nouveau syndicat, le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie, ainsi que de l'allégation selon laquelle Jamal Alnajdavi, secrétaire général du "Syndicat des travailleurs des raffineries", aurait été démis de ses fonctions syndicales en 1972, les observations du gouvernement n'ont jamais été très explicites.
    3. 53 Au sujet de ces questions, le représentant du Directeur général fait les remarques suivantes dans son rapport.
  • "On peut résumer de la façon suivante les événements qui ont eu lieu à cet égard. A l'origine, le secteur du pétrole et de la chimie comportait deux syndicats: l'un dans la raffinerie de pétrole de Zarka et l'autre, appelé Syndicat général des travailleurs du pétrole et de la chimie, à Amman. En octobre 1971, à la suite d'une décision prise par le ministre des Affaires sociales et du Travail conformément à la loi no 16 sur le travail de 1970, ces deux syndicats ont été fusionnés en une seule organisation appelée le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie. L'article 20 de cette loi (qui a modifié l'article 84 de la loi n 21 sur le travail de 1960) prévoyait que le ministre (après avoir consulté la Fédération générale) promulguerait un décret énumérant les professions et les branches dans lesquelles les travailleurs auraient le droit de former un syndicat; les syndicats existants devaient, dans les trois mois suivant la date de la promulgation de ce décret, veiller à satisfaire aux dispositions de ce décret. En réalité, ces deux anciens syndicats sont devenus des branches de la nouvelle organisation. Chaque branche est financièrement indépendante et a son propre comité exécutif. Les deux comités exécutifs élisent l'assemblée générale du syndicat unifié qui, à son tour, élit le comité exécutif du syndicat.
  • Mahmoud Sbeiha, qui était président du syndicat de la raffinerie de Zarka, a présenté sa candidature pour le poste de secrétaire général du nouveau Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie, mais il a été battu. Il a accepté la défaite et a félicité le vainqueur. En vertu d'un accord spécial conclu avec la branche d'Amman du syndicat, il est devenu membre du comité exécutif de la branche et également membre de l'assemblée générale du syndicat. A ce titre, il a été élu au comité exécutif du syndicat et finalement au comité exécutif de la Fédération générale (avril 1972). Il a récemment abandonné toute activité syndicale et travaille maintenant à son compte.
  • En ce qui concerne Jamal Alnajdawi, il n'a pas été démis; de ses fonctions syndicales, mais il a été battu aux élections en 1972. Par la suite, il est redevenu secrétaire général de la branche Zarka et, à l'époque de la mission, il était candidat au poste de secrétaire général du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie."
    1. 54 En ce qui concerne la situation actuelle en Jordanie, le représentant du Directeur général formule dans son rapport les observations suivantes:
  • "La situation syndicale a considérablement évolué depuis l'époque dont il est fait référence dans la plupart des plaintes. Les conditions politiques sont différentes et elles se traduisent par une nouvelle relation entre le gouvernement et les syndicats. De nombreux dirigeants syndicaux semblaient être en bons termes avec le gouvernement et même ceux qui étaient manifestement opposés aux autorités pouvaient exercer librement leurs fonctions syndicales, pour autant qu'ils ne se livrassent pas à des activités politiques qui, de l'avis du gouvernement, mettraient en danger sa propre sécurité...
  • La plupart des dirigeants de la Fédération générale semblaient relativement satisfaits de la situation actuelle à l'intérieur de l'organisation. Des élections avaient eu lieu récemment dans les syndicats et un nouveau conseil exécutif devait être créé prochainement. Le règlement intérieur de la fédération avait été modifié il y a quelques mois et la diminution du nombre des syndicats, par suite d'une fusion, avait recueilli l'approbation générale.
  • La législation syndicale en vigueur n'est plus celle de la loi provisoire no 67 (adoptée le 25 novembre 1971 et mentionnée dans les rapports du comité). Cette loi a été abrogée le 6 mai 1972 et remplacée par la loi sur le travail no 21 de 1960, amendée en 1965, 1970 et 1972. Selon le ministre des Affaires sociales et du Travail, le texte d'une nouvelle loi sur le travail est maintenant discuté en cabinet."
    1. 55 Le représentant du Directeur général dit qu'un point a appelé son attention, à savoir la pratique continue selon laquelle les listes de candidats aux élections syndicales doivent être soumises à l'approbation du ministre des Affaires sociales et du Travail. Il ne semble pas que cette obligation soit consignée dans une disposition juridique particulière. Le ministre s'est référé à l'article 86 de la loi sur le travail, en vertu duquel un syndicat peut être dissous pour des raisons de sécurité. Il a estimé que cette mesure était beaucoup plus grave que l'élimination des candidats pour les mêmes raisons ou pour d'autres motifs (c'est-à-dire qui ne remplissent pas les conditions d'éligibilité stipulées dans la loi). A son avis, il avait le pouvoir d'éliminer un candidat pour des raisons de sécurité sans avoir à en préciser les motifs exacts, et cette action se justifiait dans la mesure où les syndicats sont protégés par le gouvernement et que, donc, le gouvernement a le droit de se prémunir contre eux. Lors de la dernière élection, seuls six candidats sur six cents ont été éliminés des listes: certains d'entre eux pour malhonnêteté ou parce qu'ils n'étaient pas des citoyens jordaniens.
    2. 56 Le rapport poursuit:
  • "Les noms des trois candidats suivants, qui avaient été éliminés des listes pour des raisons non spécifiées, m'ont été communiqués: Mohammed Kassem, Abu Shama'a et Abdel Khader Khatab (du Syndicat des employés de banque). Le ministre de l'Intérieur a pris cette décision, mais la lettre qui l'annonçait émanait du ministère des Affaires sociales et du Travail. Les trois personnes ont présenté leur cas devant les tribunaux et l'affaire fait actuellement l'objet d'un jugement. Les dirigeants syndicaux avec lesquels j'ai discuté de la question s'opposent à cette pratique. Ils pensent que le syndicaliste qui n'est pas détenu et contre lequel n'est portée aucune accusation d'infraction grave à la loi pénale devrait avoir le droit de se présenter aux élections à l'intérieur de son organisation."
    1. 57 Le représentant du Directeur général est parvenu dans son rapport aux conclusions générales suivantes sur l'ensemble de la question de la prétendue dissolution de syndicats et de l'ingérence des autorités dans les activités syndicales.
  • "Les événements auxquels se réfèrent les plaintes appartiennent, dans une large mesure, au passé Le gouvernement s'est immiscé dans les affaires internes des syndicats par des mesures telles que la constitution d'un comité exécutif provisoire de la Fédération générale avec la participation de deux fonctionnaires du Département du travail, l'amendement obligatoire des règles de la Fédération de façon à modifier la proportion de la représentation à l'assemblée générale et l'obligation de tenir des élections générales dans tous les syndicats, afin qu'il puisse choisir et éliminer les candidats qui briguent un poste syndical. Ces mesures ont été prises dans un contexte politique particulier après la guerre civile entre le gouvernement et le mouvement fedayin, à une époque où les autorités redevenaient maîtres de la situation et où l'administration de la fédération était paralysée par des dissensions intestines qui ont entraîné des démissions successives au sein du comité exécutif. Le gouvernement a également ordonné la fusion des deux syndicats qui existaient dans les industries du pétrole et de la chimie, mais les deux dirigeants de la raffinerie de pétrole de Zarka qui, selon les plaintes, avaient été brusquement démis de leurs fonctions syndicales, furent en réalité battus aux élections et ils finirent par jouer un rôle de premier rang dans le Syndicat unifié des travailleurs du pétrole et de la chimie."
    1. 58 D'après les informations dont dispose actuellement le comité concernant la situation de la Fédération générale des syndicats jordaniens, en particulier entre 1970 et 1972, il semble que l'état général de confusion de la situation de la fédération soit principalement imputable à des divergences politiques entre les membres du comité exécutif et, en fin de compte, aux démissions successives des membres de ce comité. Cette situation a conduit à la désignation, par décret ministériel, le 5 octobre 1971, d'un comité exécutif provisoire composé de deux représentants du ministère et de plusieurs syndicalistes. Par la suite, le ministre des Affaires sociales et du Travail a proposé d'organiser de nouvelles élections à l'assemblée générale de la fédération, mais des retards sont intervenus avant que les syndicats n'élisent leurs propres comités exécutifs; avant d'élire ces derniers, les syndicats devaient soumettre la liste des candidats au ministère des Affaires sociales et du Travail afin que celui-ci puisse s'assurer que les intéressés remplissaient les conditions d'éligibilité fixées dans l'article 234 de la loi sur le travail (loi provisoire no 67). Finalement, l'assemblée générale de la fédération a été reconstituée et, le 20 avril 1972, le nouveau comité exécutif de la fédération a été élu.
    2. 59 Au sujet des syndicats de l'industrie du pétrole et de la chimie, le comité relève que les deux syndicats qui existaient dans cette industrie, à savoir le syndicat de la raffinerie de pétrole de Zarka et celui connu sous le nom de Syndicat général des travailleurs du pétrole et de la chimie, ont été fusionnés en octobre 1971, à la suite d'une décision prise par le ministre des Affaires sociales et du Travail conformément à la loi no 16 sur le travail de 1970. Le comité note que, selon l'article 20 de cette loi (qui a modifié l'article 84 de la loi no 21 sur le travail de 1960), le ministre (après avoir consulté la Fédération générale) doit promulguer un décret énumérant les professions et les branches dans lesquelles les travailleurs ont le droit de former un syndicat et que les syndicats existants doivent, dans les trois mois suivant la date de la promulgation de ce décret, veiller à satisfaire aux dispositions de ce décret.
    3. 60 Le comité relève également, d'après les informations détaillées contenues dans le rapport du représentant du Directeur général, que la loi syndicale en vigueur n'est plus la loi provisoire no 67 de 1971, cette loi ayant été abrogée le 6 mai 1972 et remplacée par la loi sur le travail no 21 de 1960, amendée en 1965, 1970 et 1972. Il semble également que le texte d'une nouvelle loi sur le travail soit actuellement discuté en cabinet. Le comité observe, d'après le rapport du représentant du Directeur général, que les listes de candidats aux élections syndicales doivent encore être soumises à l'approbation du ministre des Affaires sociales et du Travail et que les candidats peuvent être éliminés pour des raisons de sécurité ou pour d'autres motifs (par exemple s'ils ne remplissent pas les conditions d'éligibilité stipulées dans la loi).
    4. 61 A propos des diverses allégations relatives à l'ingérence générale des autorités dans les questions syndicales, le comité appelle l'attention du gouvernement sur les principes suivants: le Comité a souligné l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs et les employeurs puissent effectivement former des organisations de leur choix et élire leurs représentants en toute liberté. En outre, le comité a appelé l'attention sur le fait quo les dispositions qui impliquent une intervention des autorités publiques dans les diverses phases des élections, intervention qui commence à s'exercer par la soumission préalable, au ministère du Travail, des noms des candidats et qui atteint son point extrême dans l'approbation, par une résolution ministérielle, du comité directeur, formalité sans laquelle ce dernier serait dépourvu d'existence légale, sont incompatibles avec le principe du droit d'organiser des élections libres.
    5. 62 D'autre part, le comité a reconnu que, lorsque certains événements revêtent un caractère assez exceptionnel et ont pu justifier une intervention de la part des autorités, la mise sous contrôle du syndicat à laquelle il a été procédé peut être admissible, à condition qu'elle ne soit que tout à fait temporaire et vise uniquement à permettre l'organisation d'élections libres.
    6. 63 Le comité a pris note du fait que la loi provisoire no 67 a été abrogée et remplacée par la loi sur le travail no 21 de 1960, amendée, et que le texte d'une nouvelle loi sur le travail est actuellement discuté en cabinet. Le comité estime qu'il convient, dans ces conditions, de rappeler le principe sur lequel il a déjà attiré, à deux reprises, l'attention du gouvernement, à savoir que, si les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes l'unification du mouvement syndical imposée par l'état par la loi va à l'encontre des principes relatifs à la liberté syndicale. La commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné, à propos d'une question analogue, qu"'il existe une différence fondamentale, vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical "entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage è éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'état" et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative." Tout en appréciant pleinement le désir de tout gouvernement de favoriser un mouvement syndical fort en évitant les inconvénients qui découlent d'une multiplication indue de petits syndicats rivaux, dont l'indépendance risque d'être compromise par leur faiblesse même, le comité a appelé l'attention sur le fait qu'en pareil cas, il est préférable pour le gouvernement d'encourager les syndicats à se grouper volontairement pour constituer des organisations fortes et unies plutôt que de leur imposer par la loi l'obligation de s'unir, obligation qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va donc à l'encontre des principes énoncés dans les conventions internationales du travail relatives à la liberté syndicale.
    7. 64 Ayant énoncé ces principes, auxquels il attache la plus grande importance pour le libre exercice des droits syndicaux, le comité n'a pas manqué de prendre note des conclusions du représentant du Directeur général, selon lequel les événements auxquels se réfèrent les plaintes appartiennent, dans une large mesure, au passé et que les mesures prises par le gouvernement l'ont été dans un contexte politique particulier après la guerre civile entre le gouvernement et le mouvement fedayin, à une époque où les autorités redevenaient maîtres de la situation et où l'administration de la Fédération était paralysée par des dissensions intestines qui ont entraîné des démissions successives au sein du comité exécutif. Il ressort également des conclusions que la situation des syndicats semble s'être actuellement normalisée.
    8. 65 Le comité espère qu'à l'avenir, le gouvernement tiendra pleinement compte des principes énoncés ci-dessus dans ses relations de fait avec le mouvement syndical jordanien et dans l'élaboration de la nouvelle loi sur le travail, dont le texte serait actuellement étudié en cabinet.
  • Allégations relatives à l'exécution et à la mort en prison de syndicalistes
    1. 66 Lorsque le comité a examiné le cas (cas no 668) pour la dernière fois, il était saisi d'allégations selon lesquelles un certain nombre de syndicalistes avaient été exécutés par les autorités entre mai et septembre 1971. En outre, selon les plaignants, des centaines de syndicalistes se trouvaient encore en prison et nombreux étaient ceux d'entre eux qui avaient été exécutés par pendaison. Le comité avait prié le gouvernement de fournir des informations précises au sujet de ces questions.
    2. 67 Dans son rapport, le représentant du Directeur général formule les observations suivantes au sujet de cet aspect du cas:
  • "Plusieurs allégations se référaient à l'exécution de syndicalistes. Parmi les personnes mentionnées par les plaignants figurent Ghaleb Said, Faraj Hamed, Saleem Al-Helou, Mohammed Al-Kaysi et Issa Al-Helou, qui étaient membres de différents syndicats.
  • En dépit de mes requêtes, je ne pus obtenir copie du texte des sentences rendues contre ces personnes, mais j'ai eu un entretien spécial avec l'avocat général des tribunaux militaires qui m'a fait un exposé détaillé, sur la base des documents qu'il avait devant lui, des accusations sous le coup desquelles ils avaient été condamnés. Ces accusations ont été publiées dans la presse et n'avaient aucun rapport avec des activités syndicales. Les actes criminels auxquels ils avaient participé ont eu lieu pendant la guerre civile entre le gouvernement et les Fedayins. Ghaleb Said avait placé des explosifs dans une mine dg phosphate en mai 1971, tuant un soldat et en blessant deux autres. Il a été condamné et pendu le 7 juillet 1971. Faraj Ahmed et Saleem Al-Helou avaient fusillé cinq personnes en présence de leurs familles en septembre 1970. Ils ont été jugés et pendus le 4 octobre 1971. Mohammed Al-Kaysi et Issa Al-Helou avaient tué un employé du bureau du Premier ministre, en mars 1971. Ils ont été jugés et pendus le 14 septembre 1971. Selon mon interlocuteur, la procédure suivie devant les tribunaux militaires est la même que celle des tribunaux civils, mais comprend le droit d'être légalement représenté ainsi que le droit d'interjeter appel aussi bien contre la condamnation que contre la sentence.
  • Les allégations se référaient également à l'arrestation et à la mort en prison, sous la torture, de Mustapha Abdul Aziz, qui travaillait comme gardien dans une minoterie d'Amman, et de Mustapha Bargash, membre du Syndicat des industries légères. Je n'ai pu obtenir aucune information précise en ce qui concerne ces personnes. Un dirigeant syndical, qui était manifestement opposé au gouvernement, a déclaré qu'ils avaient été pendus, mais pas pour des activités syndicales. Un autre dirigeant syndical, qui appartenait au Syndicat des industries légères, a déclaré qu'il avait connu Mustapha Bargash et qu'on lui avait dit qu'il était mort en prison. Il ne connaissait pas les raisons de sa détention, mais il a expliqué que dans ces jours de guerre civile, les gens n'étaient pas arrêtés pour des activités syndicales. Je me suis enquis de ces personnes à plusieurs reprises auprès de fonctionnaires du gouvernement, et notamment de l'avocat général des tribunaux militaires. La réponse a toujours été qu'on ne les connaissait pas et que l'on ne retrouvait pas leurs noms, malgré les recherches qui avaient été faites. En revanche, j'ai pu me convaincre que personne n'avait été exécuté en raison d'activités syndicales, mais uniquement après avoir été reconnu coupable de graves infractions de nature criminelle."
    1. 68 Pour ce qui est de cet aspect du cas, le comité relève que le représentant du Directeur général a eu quelques difficultés, lors de sa mission, à obtenir des informations sur toutes les personnes mentionnées dans la plainte. Toutefois, d'après les faits qu'il a pu vérifier, les personnes qui ont été exécutées ne l'auraient pas été en raison de leurs activités syndicales, mais pour avoir participé à des actes criminels au cours de la guerre civile, en 1970, entre le gouvernement et le mouvement fedayin. Dans ces conditions, le comité estime qu'il n'est pas utile de poursuivre plus avant l'examen de cet aspect du cas.
  • Allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes
    1. 69 Lors de son dernier examen de ce cas (cas no 668), le comité avait invité le gouvernement à fournir des informations aussi précises que possible sur l'allégation relative à l'arrestation, en 1970, d'Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, dirigeant syndical jordanien et membre de la Fédération interarabe de l'agriculture, ainsi que sur les procédures judiciaires déclenchées par cette mesure et leurs résultats. Une demande analogue avait été adressée au gouvernement au sujet de l'allégation relative à l'arrestation, le 1er juillet 1972, et à l'emprisonnement de deux syndicalistes, à savoir Fayez Albijani et Mohammad Abu Shama'a. Le comité était également saisi d'allégations présentées par la Fédération syndicale mondiale (cas no 730), selon laquelle deux dirigeants syndicaux, Mohammed Kassem et Abdul Rahman Alhayek, avaient été arrêtés et emprisonnés. Le gouvernement avait indiqué, au sujet de ces deux syndicalistes, qu'Abdul Rahman Alhayek n'avait pas été emprisonné et que Mohammed Kassem, après avoir été emprisonné pour un crime contre la sécurité, avait été amnistié et qu'il avait repris ses activités syndicales.
    2. 70 Dans son rapport, le représentant du Directeur général donne les informations suivantes sur cet aspect du cas:
  • "Des plaintes contenaient également des allégations relatives à l'arrestation de nombreux syndicalistes. Parmi les personnes mentionnées à ce titre figurent Ahmad Abdul Karim, Abou Odeh, membres du comité exécutif de la Fédération interarabe de l'agriculture, Mohammed Kassem, membre du Syndicat des travailleurs de la menuiserie et de la construction mécanique, Abdul Rahman Alhayek, du Syndicat des travailleurs de l'UNRWA (qui n'est pas reconnu par le ministère des Affaires sociales et du Travail ni par les autorités de l'URNWA), Mohammed Abu Shama'a (du Syndicat des employés de banque) et Fayez Albijali. Tous ces syndicalistes ont été remis en liberté et Abou Odeh a quitté le pays. J'ai discuté la question de ces arrestations avec le ministre des Affaires sociales et du Travail, avec de nombreux dirigeants syndicaux ainsi qu'avec trois des personnes concernées, à savoir Mohammed Kassem, Mohammed Abu Shama'a et Abdul Rahman Alhayek."
    1. 71 Le représentant du Directeur général indique dans son rapport que, selon le ministre, Kassem et Abu Sham'a ont été arrêtés pour des activités politiques. En vertu de la loi martiale, qui est encore en vigueur, une personne peut être arrêtée et maintenue en détention sans jugement. Kassem et Abu Shama'a ont été tous les deux libérés en vertu de l'amnistie générale accordée par le roi. Un dirigeant syndical a déclaré que l'arrestation et la détention de Fayez Albijali et de Abou Odeh n'étaient pas liées à leurs fonctions ou à leurs activités syndicales.
    2. 72 Le représentant du Directeur général poursuit:
  • "Abdul Rahman Alhayek, que j'ai questionné sur son expérience personnelle, m'a dit qu'il avait été arrêté à plusieurs reprises et une fois pendant une semaine, mais jamais pour des activités syndicales. Il avait été interrogé au sujet de sa collaboration supposée avec le mouvement fedayin. Mohammed Kassem, en revanche, a lié ses onze mois de détention à sa démission, en août 1972, du comité exécutif de la Fédération générale. Il a été interrogé sur les raisons de sa démission et sur ses relations avec les syndicalistes qui prétendaient représenter la fédération à Damas. Il a été également soupçonné de distribuer des tracts protestant contre l'ingérence du gouvernement dans le mouvement syndical. Kassem a reconnu cependant que les autres dirigeants qui avaient également démissionné du comité exécutif de la Fédération générale en 1972, à savoir Sami Rafik El-Bast et Waleed El-Khayyat, n'avaient pas été arrêtés. Abu Shama'a m'a dit qu'il avait été élu président du Syndicat des employés de banque en 1972 et que, peu après, il avait été arrêté et maintenu en détention pendant sept mois. Il n'avait jamais été interrogé et aucune accusation n'avait été portée contre lui. Aucun d'entre eux n'a été déféré devant les tribunaux. Ils n'ont été ni jugés, ni condamnés.
  • Un autre point mérite d'être mentionné. Il est généralement accepté, semble-t-il, qu'actuellement personne n'est détenu pour ses fonctions ou ses activités syndicales. Dans une lettre datée du 19 janvier 1974, le ministre des Affaires sociales et du Travail s'est adressé au ministre des Affaires étrangères pour lui demander d'informer le directeur de l'Organisation arabe du travail (Le Caire) que le gouvernement de la Jordanie avait proclamé une amnistie générale en faveur de tous les syndicalistes accusés ou détenus après jugement ou qui avaient fui le pays à cause de leurs activités subversives et que, donc, aucun travailleur n'était à présent détenu pour une raison quelconque. L'amnistie s'étendait également à Fathi El-Naji, Mohammed Jad Allah et Aouni Jamil Abd Allah. Le ministre des Affaires sociales et du Travail a également déclaré que le décret d'amnistie a été promulgué peu après la visite du directeur de l'Organisation arabe du travail en août 1973. Au cours de mon séjour en Jordanie, un des syndicalistes éliminés de la liste des candidats pendant les dernières élections, Abdel Kader Khatab, a été arrêté. Selon le ministre des Affaires sociales et du Travail, il a été accusé d'avoir distribué des imprimés hostiles au régime, ce qui constitue un crime passible de quinze ans d'emprisonnement. Néanmoins, on s'attendait qu'il soit de nouveau libéré après quelque temps, sans qu'il ait à comparaître devant le tribunal. Dans ce cas présent, le ministre a fait savoir qu'une condamnation serait un désavantage plus grand qu'une détention temporaire sans jugement."
    1. 73 Il semble, d'après les informations recueillies par le représentant du Directeur général, que les arrestations et détentions de syndicalistes ne sont en rien liées à l'exercice d'activités syndicales légitimes. Toutefois, le comité relève qu'en vertu de la loi martiale, encore en vigueur, les mesures de détention sans jugement, y compris de syndicalistes, sont toujours possibles. A cet égard, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe sur lequel il a toujours insisté, à savoir que les mesures de détention doivent être accompagnées de garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables, et que toutes les personnes détenues doivent être jugées équitablement dans les délais les plus prompts.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 74. Le comité estime qu'il importe particulièrement dans les cas dont il est question, de replacer les événements auxquels se référent les plaintes dans le contexte général de la situation qui régnait en Jordanie au moment où se sont déroulés les faits qui les ont suscités. La plupart des allégations ont trait à la période s'étendant du milieu de l'année 1970 au premier quart de 1972, période marquée par un grave malaise politique qui a conduit à un état de guerre civile entre le gouvernement et les organisations fedayines.
  2. 75. Le représentant du Directeur général déclare à cet égard:
    • "A plusieurs reprises, au cours de la mission, le ministre des Affaires sociales et du Travail, d'autres représentants du gouvernement et surtout les représentants des employeurs ont fait allusion à ces événements et ont décrit en détail l'état d'insécurité qui régnait à cette époque. Les représentants des syndicats, en revanche, ont été moins spontanés et moins précis sur cette question. De toutes les informations recueillies, il semble ressortir que les diverses organisations fedayines entretenaient des relations assez étroites avec les syndicats et leurs dirigeants. Ces relations entre le mouvement fedayin et les syndicats ont eu plusieurs conséquences: premièrement, de nombreux syndicalistes étaient en même temps très actifs au sein des organisations fedayines; deuxièmement, les relations professionnelles ont été entachées de violence en raison de l'intervention directe des Fedayins dans ces relations, intervention qui s'est traduite parfois par la conclusion de conventions collectives imposées aux employeurs à la pointe de leurs baïonnettes; troisièmement, la rivalité existant entre ces organisations s'est également reflétée au niveau de la direction de la Fédération générale des syndicats et a contribué à créer un état de dissension interne qui a fini par paralyser son comité central.
    • C'est pour toutes ces raisons que le gouvernement et les employeurs ont déclaré à maintes reprises que les plaintes étaient inspirées par les considérations politiques et qu'il convenait de les examiner dans le contexte dans lequel s'étaient déroulés les événements mentionnés dans les allégations. Les syndicalistes eux-mêmes ont dû reconnaître qu'il leur était parfois difficile de distinguer clairement les questions syndicales des questions politiques. Les informations concrètes réunies pendant la mission semblent confirmer ce point de vue dans une large mesure et mettent en lumière les implications politiques de l'affaire. Il est significatif que la Fédération générale des syndicats jordaniens (Damas), organisation plaignante, ait déclaré dans un document qu'elle s'engageait à poursuivre sa lutte pour réaliser les objectifs de la classe laborieuse et pour renverser le régime en Jordanie."
  3. 76. Au sujet de cette plainte, le comité note que, selon le représentant du Directeur général, d'après les renseignements recueillis au sujet de la création à Damas de la Fédération générale des syndicats jordaniens, par trois anciens membres du Comité exécutif de la Fédération générale des syndicats à Amman et vu les transformations qui se sont opérées au sein de cette fédération jusqu'aux dernières élections, il semble que la prétention de ces trois personnes selon laquelle la fédération de Damas représente les travailleurs jordaniens est dénuée de fondement valable. Le représentant du Directeur général précise que presque tous les dirigeants syndicaux partagent ce point de vue, même ceux qui sont ouvertement opposés au gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 77. Dans ces conditions, et pour le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à la dissolution des syndicats ou de leurs comités exécutifs et à d'autres actes d'ingérence du gouvernement dans le mouvement syndical, de noter que les événements auxquels se réfèrent les plaintes appartiennent, dans une large mesure, au passé et que les mesures prises par le gouvernement l'ont été dans un contexte politique particulier après la guerre civile en Jordanie; d'appeler l'attention du gouvernement, cependant, sur les principes énoncés aux paragraphes 61, 62 et 63 ci-dessus; et d'exprimer l'espoir que le gouvernement tiendra pleinement compte de ces principes dans ses relations de fait avec le mouvement syndical jordanien et dans l'élaboration de la nouvelle loi sur le travail dont le texte est actuellement soumis au Cabinet pour examen;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'exécution et à la mort en prison de syndicalistes, de décider, pour les raisons données au paragraphe 68 ci-dessus, qu'il n'est pas utile de poursuivre plus avant l'étude de cet aspect du cas;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes, d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les mesures de détention doivent être accompagnées des garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables, et selon lequel toutes les personnes détenues doivent être jugées équitablement dans les délais les plus prompts; et
    • d) de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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