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Rapport définitif - Rapport No. 142, 1974

Cas no 685 (Bolivie (Etat plurinational de)) - Date de la plainte: 29-OCT. -71 - Clos

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  1. 89. Ce cas a été examiné par le comité à ses sessions de février-mars et novembre 1972, à l'occasion desquelles il a présenté au Conseil d'administration des rapports intérimaires respectivement contenus aux paragraphes 282 à 296 du 129e rapport et aux paragraphes 313 à 323 du 133e rapport du comité.
  2. 90. La plainte de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne est contenue dans une communication du 29 octobre 1971 adressée directement au BIT. Dans une nouvelle communication datée du 1er décembre 1971, les plaignants ont fourni des renseignements complémentaires à l'appui de leur plainte.
  3. 91. La plainte et les renseignements complémentaires ont été transmis au gouvernement qui a communiqué ses observations à leur sujet dans des lettres du 11 janvier et du 18 mai 1972.
  4. 92. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais non la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 93. Dans sa communication du 29 octobre 1971, la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC) déclare que le gouvernement continue d'enfreindre les droits des travailleurs en Bolivie. Les plaignants signalent que, quelques jours auparavant, trois représentants de la Confédération des travailleurs des industries manufacturières de Bolivie, qui avaient été invités par les plaignants à participer à Buenos Aires à un séminaire sur le bassin du Rio de la Plata, avaient été arrêtés à l'aéroport de La Paz par des forces de la police et de l'armée. Les plaignants ajoutent que la liste des dirigeants et des militants syndicaux retenus dans des camps de concentration à l'intérieur du pays s'allonge sans cesse, et que beaucoup d'entre eux ont été torturés, assassinés, enlevés sans laisser de trace ou exilés.
  2. 94. Dans une nouvelle communication datée du 1er décembre 1971, les plaignants indiquent que, lors du sixième Congrès latino-américain de la CLASC, tenu à Caracas du 21 au 27 novembre 1971, on avait établi des listes des dirigeants syndicaux ayant été privés de leur liberté en Bolivie. D'après les plaignants, ces listes se fondent sur des renseignements dignes de foi réunis dans le pays même. Des exemplaires de ces listes sont fournis par les plaignants. Ces listes contiennent les noms des 16 dirigeants syndicaux suivants qui auraient été privés de leur liberté: Juvenal Garabito (Cochabamba), Carmelo Andrade (du journal "Presencia"), Jacinto Quispe (secrétaire général de l'ASIB), Roberto Moreira (employé des tribunaux), Erasmo Barrios Villa ("Travailleurs de l'Université de Potosi"), Luis Peñaranda (Bureau exécutif de la Fédération de la presse), Rodolfo Brum (Radio Nueva América), Victor Michel (délégué à l'assemblée de Huanuni), Angel Astete (secrétaire de l'Association culturelle des mineurs, San Florencio), Julián Jiménez (Association des mineurs de Colquiri), Juan Flores (secrétaire chargé des relations, Fédération des industries manufacturières de La Paz), Patricia Cuentos (secrétaire, section des conflits, Fédération des industries manufacturières, La Paz), Pedro Cruz (secrétaire, section des conflits, Syndicat du personnel enseignant de l'Etat, mine de Huanuni Oruro), et Lindo Fernández, David Quiñónez et René Higueras (Centrale ouvrière bolivienne (COB)). Les plaignants ont également fourni une liste de femmes qui, d'après eux, auraient été emprisonnées. Cette liste comprend les noms d'Edmy Alvarez Daza, dirigeante de la centrale ouvrière bolivienne, et d'Enma de Bacarreza, dirigeante du syndicat du personnel enseignant de La Paz. Les plaignants indiquent que la maison de cette dernière a été fouillée et que l'intéressée a été emmenée au ministère de l'Intérieur pour y faire des déclarations. Cette situation, poursuivent les plaignants, a duré plusieurs jours, pendant lesquels la maison a été surveillée par la police.
  3. 95. Le comité rappelle que, dans sa communication du 11 janvier 1972, le gouvernement a déclaré qu'à la suite du coup d'Etat d'octobre- 1970 le gouvernement du général Torres González fut contraint par les partis d'extrême-gauche de suivre une politique qui a instauré un climat de crainte et d'insécurité dans l'ensemble du pays. Un certain nombre d'agitateurs extrémistes sont alors parvenus à s'infiltrer dans le mouvement ouvrier bolivien qui avait à son actif de nombreuses réalisations positives.
  4. 96. Le gouvernement affirme que l'ensemble des organisations de travailleurs bénéficient de toutes les garanties nécessaires à leur développement, mais que certains dirigeants s'étaient politiquement compromis avec le gouvernement qui fut renversé au mois d'août 1971, en substituant des activités politiques à la poursuite d'activités syndicales. Ce sont ces quelques dirigeants syndicaux qui, le 19 août à Santa Cruz, et le 21 août à La Paz, distribuèrent des armes aux travailleurs et aux étudiants qu'ils avaient dressés contre leurs propres frères.
  5. 97. Le gouvernement déclare aussi que le libre fonctionnement des organisations ci-après atteste que la liberté d'association est respectée: la Confédération des travailleurs des industries manufacturières de Bolivie, qui groupe 137 syndicats affiliés; la Confédération syndicale des travailleurs des chemins de fer, qui compte 27 syndicats membres; la Confédération des employés de banques et travailleurs assimilés (32 syndicats affiliés); la Confédération syndicale des conducteurs de Bolivie (27 syndicats membres); la Confédération syndicale des ouvriers du bâtiment (25 syndicats affiliés); la Confédération des travailleurs municipaux (4 syndicats membres), et la Fédération nationale des mineurs, à laquelle sont affiliés 46 syndicats. Au total, déclare le gouvernement, 7 confédérations, 40 fédérations et 39 syndicats et autres organisations fonctionnent normalement.
  6. 98. Le gouvernement ajoute que les quelques anciens dirigeants syndicaux qui avaient été arrêtés lorsqu'il fut prouvé qu'ils avaient participé à des activités dirigées contre la sécurité de l'Etat ont été remis en liberté, et que d'autres passeront en jugement devant les tribunaux ordinaires.
  7. 99. Il déclare en outre que sa politique du travail vise à l'indépendance du mouvement ouvrier bolivien, et qu'il n'y a aucune raison pour que l'Etat intervienne dans les affaires intérieures des syndicats si ceux-ci ne sont pas détournés de leur voie par des anarchistes.
  8. 100. Dans sa communication du 18 mai 1972, le gouvernement souligne qu'il respecte et garantit l'autonomie des organisations des travailleurs et le libre exercice des activités syndicales, et que 7 confédérations et 40 fédérations exercent leurs activités d'une manière normale et qu'au cours des sept derniers mois il ne s'est produit aucune grève. Le gouvernement fournit une liste des organisations qui ont renouvelé leur comité directeur depuis le 21 août 1971.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 101. Aux paragraphes 318 et 319 de son 133e rapport, le Conseil d'administration a appelé l'attention du gouvernement sur la règle qu'il a appliquée dans un certain nombre de cas et qui consiste, lorsqu'il est allégué que des dirigeants syndicaux ou des travailleurs ont été arrêtés pour des activités syndicales, et lorsque les réponses des gouvernements se limitent à nier d'une façon générale ces allégations ou prétendent simplement que les arrestations ont été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des délits de droit commun, à prier les gouvernements intéressés de lui fournir des renseignements complémentaires aussi précis que possible sur les arrestations, et plus particulièrement sur les poursuites légales ou judiciaires intentées et leurs résultats, de façon qu'il soit en mesure d'examiner les allégations de manière appropriée. En conséquence, le comité a prié le gouvernement de fournir des renseignements détaillés concernant les poursuites judiciaires intentées contre les dirigeants syndicaux en cause, ainsi que le texte des sentences prononcées et des attendus correspondants. Ces renseignements n'ont pas été communiqués.
  2. 102. A sa session de mai 1973, le comité a instamment prié le gouvernement de fournir ces informations. Cet appel étant resté vain, le comité, à sa session de novembre 1973, et conformément à la procédure énoncée au paragraphe 17 de son 127e rapport, a informé le gouvernement qu'il pourrait présenter un rapport sur le fond de l'affaire lors de la présente session, même si les informations attendues du gouvernement n'étaient pas encore communiquées. Le comité n'a jusqu'à présent pas reçu ces informations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 103. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de rappeler les observations faites par le comité dès son premier rapport, à savoir que l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait et que, si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux;
    • b) de rappeler que, dans tous les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation de dirigeants syndicaux, le comité et le Conseil d'administration, estimant que c'était aux individus de bénéficier d'une présomption d'innocence, ont considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures s'étaient appliquées;
    • c) de rappeler que, dans les cas de ce genre, le comité et le conseil d'administration ont conclu que des allégations concernant l'arrestation, la détention ou la condamnation de militants syndicalistes n'appelaient pas un examen plus approfondi, qu'après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient aucunement motivées par l'exercice des libertés syndicales, mais par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique.
    • d) d'attirer l'attention sur le principe selon lequel la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure régulière engagée le plus rapidement possible;
    • e) de déplorer le fait que, malgré de nombreux appels, le gouvernement n'ait pas soumis l'information demandée, mettant ainsi le comité dans l'impossibilité de formuler ses conclusions en pleine connaissance de cause;
    • f) de prier le Directeur général de maintenir avec le gouvernement tous contacts appropriés en vue d'obtenir des informations sur la situation des syndicalistes arrêtés mentionnés aux paragraphes 93 et 94.
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