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Rapport intérimaire - Rapport No. 129, 1972

Cas no 668 (Jordanie) - Date de la plainte: 21-MAI -71 - Clos

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  1. 267. Les plaintes figurent dans deux communications de la Fédération syndicale mondiale et de l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires, datées des 21 mai et 15 novembre 1971, respectivement.
  2. 268. Les plaintes ont été transmises au gouvernement, qui a répondu dans trois communications en date des 25 décembre 1971, 3 janvier et 12 janvier 1972.
  3. 269. La Jordanie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 270. Dans sa communication en date du 21 mai 1971, la FSM déclare que, depuis un certain temps, des mesures de répression ont été prises par le gouvernement contre les responsables et les militants syndicaux en Jordanie. En 1970, plusieurs syndicalistes, dont Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, dirigeant syndicaliste jordanien et membre de la direction de la Fédération interarabe de l'agriculture, ont été arrêtés et jetés en prison à Zarka. Le 22 avril 1971, poursuivent les plaignants, Mustapha Abdul Aziz, un syndicaliste qui vivait à Amman et travaillait comme gardien au moulin « Al Jamil », a été arrêté par l'armée sans explication et soumis à la torture, puis a succombé en prison. Selon les plaignants, l'autopsie a révélé que la mort était survenue à la suite des tortures. La dépouille mortelle, ajoutent les plaignants, a été remise à la famille le 25 avril 1971. Dans l'un et l'autre cas, les plaignants ont envoyé des protestations au gouvernement.
  2. 271. Dans sa communication en date du 15 novembre 1971, l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires déclare qu'une des organisations qui lui sont affiliées, le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, a fait l'objet de mesures répressives de la part du gouvernement. Le 15 octobre 1971, expliquent-ils, le gouvernement a dissous arbitrairement la Fédération générale des syndicats de Jordanie, y compris le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, qui était le syndicat le plus important du pays, et écarté son secrétaire, M. Mahmoud Sbeiha.
  3. 272. Les plaignants ajoutent que les autorités, sans consultation des travailleurs et sans élections libres, ont constitué le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et nommé sa direction. La nouvelle organisation, sans avoir consulté les travailleurs ni obtenu leur consentement, a déclaré son affiliation à la Fédération internationale des travailleurs du pétrole et de la chimie (FITPC). A maintes reprises, poursuivent les plaignants, des protestations ont été élevées par les adhérents du syndicat intéressé, mais les autorités ne leur ont accordé aucune attention. Ils ont joint à leur communication copie d'une lettre à eux adressée par M. Fathi Naji Awad, vice-président de la Fédération arabe des travailleurs du pétrole, au sujet de la dissolution de la Fédération générale des syndicats de Jordanie, de la fusion des syndicats des pétroles et de la chimie et de la révocation de M. Mahmoud Sbeiha.
  4. 273. Dans sa communication du 25 décembre 1971, le gouvernement déclare que la plainte de la FSM est dénuée de fondement. Il explique que les membres du comité de direction de la Fédération générale des syndicats, incapables de s'entendre, ont donné leur démission. On a procédé à l'élection d'un nouveau comité conformément au règlement syndical et à la législation du travail de Jordanie. Le gouvernement précise qu'il veille de façon très attentive à ce que les activités du mouvement ouvrier se déroulent sans entraves et dans le respect des normes démocratiques. Il serait heureux qu'un représentant de l'OIT aille se rendre compte de ce qui s'est réellement passé et de l'inanité des accusations portées contre lui.
  5. 274. Dans d'autres communications, datées du 3 et du 12 janvier 1972, le gouvernement repousse les allégations contenues dans les plaintes. Il explique que le ministère des Affaires sociales et du Travail a publié, selon les dispositions de la loi du travail no 16, de 1970, une décision appelant la fusion des syndicats du même genre en une seule organisation, dans l'intérêt des syndicats eux-mêmes, et que la décision a été prise conformément au désir des syndiqués.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 275. Le comité constate que les plaintes concernent essentiellement l'arrestation et la détention d'un certain nombre de syndicalistes, dont l'un est mort en prison, la dissolution de la Fédération générale des syndicats, y compris le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, et la révocation du secrétaire de celui-ci, ainsi que l'établissement par les autorités, sans consultation, du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination d'un comité de direction.
  2. 276. Dans ses réponses, le gouvernement ne mentionne que deux aspects des plaintes, à savoir la nomination d'un nouveau comité de direction de la Fédération générale des syndicats et la fusion de syndicats conformément à une décision du ministère des Affaires sociales et du Travail. Le gouvernement ne dit rien de l'arrestation des syndicalistes mentionnée dans l'une des plaintes, ni de la dissolution alléguée de la Fédération générale des syndicats par les autorités.
  3. 277. En ce qui concerne la Fédération générale des syndicats, le comité est en présence d'une allégation selon laquelle cette organisation a été dissoute arbitrairement par les autorités, et d'une déclaration du gouvernement, qui signale qu'un nouveau comité de direction a été nommé à la fédération conformément aux règlements de cette organisation après la démission des membres de son comité de direction, incapables de s'entendre. Etant donné les informations contradictoires dont il est saisi, le comité n'est pas en mesure de formuler de conclusions sur cet aspect du cas et il ne peut que recommander au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir sur ce point des renseignements aussi complets et précis que possible.
  4. 278. Le comité note également la déclaration du gouvernement aux termes de laquelle, conformément à la loi du travail no 16, de 1970, le ministère des Affaires sociales et du Travail a publié une décision appelant la fusion de syndicats du même genre en une seule organisation, et cela à la demande des syndiqués eux-mêmes. Le gouvernement ne donne aucune indication quant aux syndicats touchés par cette décision, mais le comité estime que cette déclaration a été faite pour répondre à l'allégation selon laquelle le Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka aurait été dissous et son secrétaire révoqué, alors que le Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie était créé par les autorités. A ce propos, le comité rappelle, comme il l'a fait précédemment, que, si les travailleurs peuvent avoir avantage à éviter la multiplication du nombre des organisations syndicales, l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, une telle intervention allant à l'encontre des principes énoncés aux articles 2 et 11 de la convention no 87. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné, à propos d'une question analogue, « qu'il existe une différence fondamentale vis-à-vis des garanties établies pour la liberté syndicale et la protection du droit syndical entre, d'une part, cette situation où le monopole syndical est institué ou maintenu par la loi, et, d'autre part, les situations de fait qui se rencontrent dans certains pays, où toutes les organisations syndicales se groupent volontairement en une seule fédération ou confédération, sans que cela résulte directement ou indirectement des dispositions législatives applicables aux syndicats et à la création d'organisations syndicales. Le fait que les travailleurs et les employeurs ont en général avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes ne semble pas, en effet, suffisant pour justifier une intervention directe ou indirecte de l'Etat et notamment l'intervention de celui-ci par voie législative. » Tout en appréciant pleinement le désir de tout gouvernement de favoriser un mouvement syndical fort en évitant les inconvénients qui résultent d'une multiplication indue de petits syndicats rivaux, dont l'indépendance risque d'être compromise par leur faiblesse même, le comité a appelé l'attention sur le fait qu'il est préférable pour le gouvernement, en pareil cas, d'encourager les syndicats à se grouper volontairement pour constituer des organisations fortes et unies que de leur imposer par la loi l'obligation de s'unir, obligation qui prive les travailleurs du libre exercice de leur droit d'association et va donc à l'encontre des principes énoncés dans les conventions internationales du travail relatives à la liberté syndicale.
  5. 279. Etant donné qu'en l'occurrence le gouvernement n'a pas communiqué le texte de la décision prise par le ministère, le comité, pour pouvoir être en mesure de dégager des conclusions en pleine connaissance des faits, recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de lui envoyer copie de la décision ministérielle en question et de lui fournir des informations complètes et précises sur la dissolution alléguée du Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, l'établissement du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination du comité de direction de cette organisation.
  6. 280. En ce qui concerne l'arrestation et la détention alléguées des syndicalistes mentionnées dans la plainte, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir des renseignements aussi précis que possible sur l'arrestation dont aurait fait l'objet Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, en ce qui concerne surtout les procédures juridiques ou judiciaires instituées à la suite de cette mesure, et leurs résultats, de même que sur les allégations relatives à l'arrestation et au décès en prison de Mustapha Abdul Aziz.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 281. Dans ces conditions, tout en réservant pour le moment sa position sur l'invitation du gouvernement d'envoyer sur place un représentant de l'OIT chargé d'établir les faits, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de demander au gouvernement et à l'Union internationale des syndicats des industries chimiques, du pétrole et similaires de fournir des informations complètes et précises au sujet de la dissolution alléguée de la Fédération générale des syndicats et de la désignation d'un nouveau comité de direction;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes énoncés au paragraphe 278 ci-dessus et de le prier d'envoyer copie de la décision ministérielle publiée conformément à la loi no 16, de 1970, ainsi que des informations complètes et précises sur la dissolution alléguée du Syndicat des ouvriers et employés de la raffinerie de pétrole de Zarka, l'établissement du Syndicat des travailleurs du pétrole et de la chimie et la nomination du comité de direction de cette organisation;
    • c) de prier le gouvernement de fournir des informations aussi précises que possible sur l'arrestation alléguée de Ahmad Abdul Karim Abou Odeh, en ce qui concerne surtout les procédures juridiques ou judiciaires instituées à la suite de cette mesure, sur le résultat de ces procédures et sur les allégations relatives à l'arrestation et au décès en prison de Mustapha Abdul Aziz;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées dans le présent paragraphe.
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