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- 207. La plainte et les renseignements complémentaires y relatifs sont contenus dans trois communications, en date des 6 août, 14 août et 14 octobre 1969, adressées directement à l'OIT par le Syndicat des travailleurs du Club hippique royal de Calcutta.
- 208. Le texte de la plainte et des informations complémentaires présentées par les plaignants a été porté à la connaissance du gouvernement pour observations par une lettre en date du 26 mars 1970. Par une communication en date du 8 avril 1970, le gouvernement a prié le comité de préciser les points au sujet desquels il désirerait connaître les observations du gouvernement. Au cours de sa session de mai 1970, le comité a demandé au gouvernement de bien vouloir lui communiquer ses observations sur certaines allégations, et celui-ci a répondu par une lettre en date du 20 août 1970.
- 209. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 210. Les plaignants allèguent que, selon deux accords conclus par le syndicat et les entraîneurs de chevaux de course de Calcutta, les employeurs devaient régler plusieurs conflits en cours avant le 8 août 1969. Cependant, au lieu de cela, la direction du Club hippique de Bangalore a interdit aux travailleurs de se réunir à plus de quatre ou de s'occuper d'affaires syndicales après les heures de travail. Le secrétaire du syndicat (A. L. Roy) s'est rendu à Bangalore pour prendre en main les revendications des travailleurs, mais la direction de l'entreprise s'est refusée à le recevoir et il a dû se borner à lui adresser une lettre formelle de protestation contre les mesures antisyndicales prises par elle.
- 211. Pendant que M. Roy était à Bangalore, un nombre élevé d'autres travailleurs (des palefreniers au service des divers entraîneurs des chevaux de course de Madras) le prièrent de se charger de leurs revendications, car ils n'avaient pas de syndicat. Il accepta, et les travailleurs en question autorisèrent M. Roy et son syndicat à les représenter conformément à l'article 36, alinéa c), de la loi indienne de 1947 sur les différends du travail.
- 212. Par conséquent, M. Roy rédigea un cahier de revendications pour le compte des travailleurs de Madras et soumit ce document aux employeurs, le Club hippique de Bangalore ainsi qu'au ministre du Travail de l'Etat de Mysore. En même temps, il priait le secrétaire du Club hippique de Bangalore d'organiser une réunion avec les entraîneurs de Madras et de Calcutta, pour que les demandes des travailleurs soient réglées à l'amiable pour le 17 juillet 1969, faute de quoi les travailleurs de Madras risquaient de se mettre en grève, car ils étaient très préoccupés de ce que leurs conditions de travail fussent si inférieures à celles des travailleurs correspondants occupés à Bombay et à Calcutta. L'attention de la direction était également attirée sur le fait que si les palefreniers de Madras étaient obligés de se mettre en grève le 19 juillet 1969, ou tout autre jour pour lequel des courses étaient prévues, ceux de Calcutta et de Bombay feraient très probablement une grève de solidarité. Simultanément, M. Roy demandait au commissaire de police de l'Etat de Mysore, pour le cas où elle eût été nécessaire, la permission, pour les travailleurs en question, de défiler en cortège de manière pacifique le 18 juillet 1969.
- 213. Les plaignants allèguent qu'à 4 h 30, le 18 juillet 1969, la police a arrêté M. Roy à son domicile, sans le renseigner sur la nature des accusations portées contre lui. M. Roy passa au poste de police une trentaine d'heures pendant lesquelles il ne fut pas autorisé à prendre contact avec ses amis ou ses camarades syndiqués.
- 214. Il est allégué que l'arrestation de M. Roy l'a empêché de se rendre à une réunion avec le syndicat et les entraîneurs de chevaux de course de Calcutta, réunion prévue pour 8 h 30 le 18 juillet 1969, et dont l'objet était de négocier avec la direction de l'entreprise. Les travailleurs commencèrent donc à chercher M. Roy, mais lorsqu'ils le trouvèrent au poste la police les en chassa et ne les laissa pas lui parler. Dans l'après-midi du même jour, la police se rendit au terrain de polo du Palais et en fit sortir tous les grévistes. A cette occasion, vingt-huit environ des travailleurs les plus actifs furent arrêtés; en outre, de nombreux travailleurs furent victimes de sévices, on saisit leur argent et leurs papiers d'identité et l'on confisqua sur place tous leurs effets personnels, y compris leurs rations alimentaires et leurs vêtements; les lieux furent alors placés sous la surveillance étroite de la police armée.
- 215. Le 19 juillet 1969, M. Roy comparut devant un tribunal et fut libéré contre une caution de 1 000 roupies. Quatre jours plus tard, il était de nouveau arrêté, alors qu'il se trouvait en train de négocier avec certains employeurs.
- 216. Les plaignants allèguent que d'autres arrestations de grévistes et d'autres sévices eurent lieu le 22 juillet 1969 alors que des travailleurs défilaient paisiblement.
- 217. Les plaignants affirment aussi qu'un incendie - qui a éclaté le 25 juillet 1969 dans des écuries situées sur le terrain de polo du Palais, à Bangalore - a été provoqué délibérément par les employeurs, qui étaient de connivence avec les autorités, pour fournir le prétexte qui permettrait d'arrêter le chef du syndicat, empêchant par là ce dernier de défendre les intérêts des travailleurs. Il est allégué que les travailleurs envoyèrent au Premier ministre de l'Inde et au ministre de l'Intérieur de l'Etat de Mysore une pétition demandant qu'une enquête judiciaire soit ouverte pour établir les causes de cet incendie - car une telle enquête révélerait forcément qu'au moment où l'incendie éclata le terrain de polo du Palais était entièrement aux mains de la police et que pas un seul gréviste ou dirigeant syndical ne se trouvait à moins d'un demi-mille de l'endroit - mais que cette question est restée sans réponse. Il est en outre allégué qu'un nombre croissant de grévistes pacifiques sont arrêtés chaque jour pour leur faire avouer qu'eux-mêmes et le syndicat étaient les responsables de l'incendie.
- 218. Dans une lettre en date du 14 août 1969, les plaignants allèguent, de plus, que le gouvernement de l'Etat de Mysore a essayé, par le truchement de son Département de l'intérieur de Bangalore, de se saisir de la personne du secrétaire du syndicat, en vue de l'assassiner. N'étant toutefois pas parvenue à découvrir M. Roy, la police a arrêté un certain nombre de travailleurs qu'elle a enfermés pendant près de deux semaines au poste de police, où on leur a demandé, en les torturant, où se trouvait M. Roy et où on a essayé de leur faire signer une déclaration aux termes de laquelle eux-mêmes, le secrétaire syndical et les travailleurs étaient responsables de l'incendie qui avait éclaté dans les écuries de Bangalore. N'étant pas parvenue à leur arracher des renseignements par ces méthodes, la police dit alors aux travailleurs que, s'ils ne lui remettaient pas M. Roy, ce seraient eux-mêmes qui dis paraîtraient sans laisser de trace.
- 219. De plus, les plaignants allèguent que certains des travailleurs en question sont toujours écroués sans avoir encore été inculpés formellement. D'autres travailleurs encore, est-il allégué, ont aussi été emprisonnés entre le 26 juillet 1969 et le 5 août 1969, sans avoir jamais été inculpés ou traduits devant un tribunal. Les plaignants affirment que tous ces travailleurs ont été victimes de sévices policiers et que la santé de certains d'entre eux s'en est beaucoup ressentie.
- 220. Dans une communication en date du 14 octobre 1969, les plaignants allèguent que le gouvernement de l'Etat de Mysore n'a toujours pas formulé officiellement de charges contre les travailleurs accusés à l'occasion de l'incendie et que si une personne est accusée d'homicide elle peut être libérée sous une caution de 2000 à 3 000 roupies; le gouvernement de l'Etat de Mysore à fixé à 5 000 roupies la caution de chacun des travailleurs accusés.
- 221. En outre, il est allégué que, pour affaiblir beaucoup le syndicat, les employeurs ont congédié une centaine des travailleurs les plus anciens et les ont remplacés par de nouveaux ouvriers auxquels leurs conditions d'engagement interdisent de se syndiquer.
- 222. Les plaignants allèguent que toutes les mesures antisyndicales exposées ci-dessus ne poursuivent qu'un seul but: annihiler le syndicat pour permettre aux employeurs de continuer à exploiter les travailleurs.
- 223. Les plaignants demandent aussi que l'OIT intervienne, dans le cas d'espèce, en créant une commission d'enquête dont le président ne serait pas un Indien et en la chargeant de faire la lumière sur les faits mentionnés dans la plainte et, notamment, sur l'incendie des écuries.
- 224. Dans sa communication du 20 août 1970, le gouvernement commence par exposer brièvement les faits qui sont à l'origine de la plainte, avant de répondre aux points précis soulevés par le comité à sa session de mai 1970.
- 225. Le gouvernement déclare que M. Roy s'est rendu à Bangalore, durant la saison des courses de 1969, et a incité les palefreniers au service de divers entraîneurs de chevaux de course à faire grève afin d'empêcher le déroulement de la Invitation Cup Race. La course eut lieu, bien que les palefreniers de Madras et de Calcutta se fussent mis en grève le 18 juillet 1969. En outre, le même jour, les grévistes ont détenu injustement le directeur du Club hippique de Bangalore sur le terrain de polo du Palais et, s'étant réunis de manière illégale, ont causé des dommages matériels au club, tout en blessant un certain nombre de policiers. A la suite de ces incidents, vingt-huit personnes environ ont été inculpées et arrêtées. L'affaire suit son cours devant les tribunaux.
- 226. Le gouvernement relève également que M. Roy s'est entendu avec huit autres palefreniers pour mettre le feu aux écuries, blesser les chevaux et endommager le terrain de polo du Palais, et précise que ce sont deux des conspirateurs qui ont incendié les écuries, ce qui a entraîné la mort de trente-sept chevaux ainsi que des dommages matériels très importants, et que des poursuites judiciaires ont été engagées, en l'espèce, contre M. Roy et huit autres personnes. En outre, une plainte a également été déposée contre M. Roy attendu que, le 20 juillet 1969, il avait détenu injustement un palefrenier demeuré fidèle, Sheepji, qui, de surcroît, avait été victime de voies de fait.
- 227. Le gouvernement déclare que les mesures prises à l'encontre de M. Roy et des autres personnes en cause n'ont rien à voir avec les droits syndicaux, mais sont motivées par leurs agissements délictueux. En outre, M. Roy et ses amis ont été inculpés et arrêtés après enquête menée conformément à la procédure prévue par la loi. A l'appui de son affirmation selon laquelle les personnes arrêtées l'ont été pour des agissements délictueux, le gouvernement fait état de la lettre des plaignants, en date du 14 mai 1970, où ceux-ci mentionnent la requête adressée aux autorités de l'Etat de Mysore pour qu'elles abandonnent toutes les poursuites criminelles en cours. Le gouvernement relève, à ce propos, qu'il ne saurait, pour des raisons évidentes, faire droit à cette demande.
- 228. En réponse aux questions précises soulevées par le comité à sa session de mai 1970, le gouvernement commence par rejeter les allégations, complètement fausses à ses yeux, selon lesquelles la direction du Club hippique de Bangalore aurait interdit aux travail leurs de s'occuper d'affaires syndicales après les heures de travail. Le gouvernement précise, en outre, que les palefreniers qui s'étaient mis en grève le 18 juillet 1969 ne faisaient pas partie du personnel dudit club, mais étaient au service des entraîneurs de chevaux de course.
- 229. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles M. Roy, secrétaire du Syndicat des travailleurs du Club hippique royal de Calcutta, a été arrêté les 18 et 23 juillet 1969, le gouvernement déclare que la première arrestation de M. Roy faisait suite à une plainte déposée contre lui, le 17 juillet 1969, pour « attentat à la pudeur » sur la personne d'une femme. Notant, en outre, que M. Roy a été inculpé et arrêté conformément à la procédure légale, le gouvernement signale que M. Roy a fait défaut à la dernière audience (qui a eu lieu le 16 juin 1970), si bien qu'il a perdu sa caution de 1000 roupies et a fait l'objet d'un mandat d'arrêt. De même, le gouvernement relève que M. Roy a été arrêté, le 23 juillet 1969, après qu'une plainte eut été déposée contre lui du fait qu'il avait, le 20 juillet 1969, détenu injustement un palefrenier, demeuré fidèle, et lui avait infligé des sévices. Le gouvernement souligne que l'arrestation de M. Roy a été motivée, dans les deux cas, par une plainte pénale, et qu'elle n'a donc rien à voir avec les droits syndicaux.
- 230. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles la police a expulsé les grévistes du terrain de polo du Palais, le 18 juillet 1969, arrêté environ vingt-huit des travailleurs les plus actifs, fait subir des sévices aux autres, saisi l'argent et les papiers d'identité des travail leurs et confisqué sur place tous leurs effets personnels, le gouvernement rappelle que les grévistes ont détenu injustement le directeur du Club hippique de Bangalore, en lui infligeant des sévices, et que la police a procédé à l'arrestation de quelque vingt-huit personnes, qui s'étaient réunies d'une manière illicite, et les a déférées au tribunal de première instance de la ville. Ces personnes ont été libérées sous caution le jour même; néanmoins, elles ont été inculpées et l'affaire suit son cours. Le gouvernement ajoute que les accusations portées par M. Roy contre la police sont dénuées de tout fondement.
- 231. Le gouvernement nie que des travailleurs aient été brutalisés ou écroués sans avoir été inculpés ou déférés en justice. Tous les prévenus ont été arrêtés, après avoir été dûment inculpés, et ont été déférés au tribunal sans délai et conformément à la loi. D'autre part, aucun des travailleurs en cause n'est encore détenu par la police. Le gouvernement repousse aussi les allégations, qu'il tient pour complètement fausses, selon lesquelles la direction du Club hippique de Bangalore aurait congédié une centaine de travailleurs et les aurait remplacés par de nouveaux ouvriers auxquels leurs conditions d'engagement interdiraient de se syndiquer.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 232. Le comité constate que le gouvernement, dans sa réponse, rejette l'ensemble des allégations des plaignants. Le gouvernement, en particulier, nie que les mesures prises par la police ou les autorités judiciaires à l'encontre de M. Roy ou des grévistes aient un rapport quelconque avec leurs activités syndicales. Selon le gouvernement, les mesures prises par les autorités contre M. Roy et ses camarades sont parfaitement conformes à la procédure prévue par la loi et ont été motivées par leurs agissements délictueux.
- 233. Tout en prenant note des assurances du gouvernement, qui déclare que la police et les autorités judiciaires ont agi d'une manière tout à fait correcte et que les mesures prises à l'encontre de M. Roy et de ses camarades n'avaient rien à voir avec leurs activités syndicales, le comité se doit de souligner le fait que, si les diverses inculpations dont ont fait état les plaignants sont intervenues, au dire du gouvernement lui-même, en juillet 1969, aucune des affaires n'a été encore jugée. A ce propos, le comité rappelle que, lorsqu'un gouvernement soutenait que la détention de syndicalistes avait été motivée par leurs agissements illégaux ou subversifs, et non par leurs activités syndicales, il a considéré que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal, d'un délit politique ou de l'exercice des droits syndicaux, ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. En outre, le comité a toujours souligné que, lorsque des syndicalistes ont été arrêtés pour des délits de caractère politique ou des délits de droit commun, les intéressés devraient être jugés équitablement et dans le plus bref délai possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. De même, le comité a toujours suivi le principe selon lequel il ne procéderait pas à l'examen de questions faisant l'objet d'une instance devant une juridiction nationale, lorsque cette instance s'assortit des garanties d'une procédure judiciaire régulière et qu'elle est de nature à renseigner utilement le comité au moment de déterminer si les allégations sont fondées ou non. D'autre part, le comité s'est fait une règle, en l'occurrence, de demander le texte des décisions qui ont pu être rendues par les autorités judiciaires intéressées, ainsi que celui de leurs considérants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 234. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le comité attache au principe suivant lequel les syndicalistes arrêtés pour des délits de caractère politique ou pour des délits de droit commun devraient être jugés impartialement et dans le plus bref délai possible par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte des jugements qui ont été rendus, ou qui pourraient l'être, ainsi que celui de leurs considérants, pour chacune des affaires dont ont fait état les plaignants;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu du gouvernement les informations demandées à l'alinéa b) ci-dessus.
- Genève, 12 novembre 1970. Roberto AGO, président.