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Rapport définitif - Rapport No. 119, 1970

Cas no 590 (Luxembourg) - Date de la plainte: 29-AVR. -69 - Clos

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  1. 33. La plainte du Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés (NHV) est contenue dans une communication en date du 29 avril 1969, adressée directement à l'OIT. Cette plainte ayant été transmise au gouvernement, celui-ci a présenté sur elle ses observations par une lettre en date du 27 mai 1969. Par une communication en date du 13 juin 1969, le NHV a présenté des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Ces informations ont été portées à la connaissance du gouvernement, qui a présenté ses observations à leur endroit par une communication en date du 22 janvier 1970.
  2. 34. Le Luxembourg a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 35. Dans sa communication du 29 avril 1969, le NHV allègue que, bien qu'étant la seule organisation neutre représentant le plus grand nombre d'artisans organisés, il lui aurait été refusé de participer à la négociation et à la conclusion de conventions collectives.
  2. 36. Or, déclare le plaignant, la législation nationale pertinente en la matière stipule ce qui suit:
    • Ne peuvent être parties à une convention collective du travail, en dehors des employeurs pris individuellement et des groupements d'employeurs, que les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national.
    • Sont considérés comme organisations syndicales tous groupements professionnels pourvus d'une organisation interne et ayant pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de leurs membres, ainsi que l'amélioration de leurs conditions d'existence.
    • Sont considérées comme organisations syndicales les plus représentatives celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance.
  3. 37. Le NHV, considérant qu'il est l'organisation la plus représentative des artisans et qu'il répond par ailleurs aux conditions et aux définitions contenues dans la loi, estime que le refus qui lui est opposé à la participation aux négociations et à la conclusion de conventions collectives s'inscrit en violation des principes de la liberté syndicale tels qu'ils sont notamment établis par la convention no 87.
  4. 38. Dans ses observations en date du 27 mai 1969, le gouvernement déclare tout d'abord s'étonner de la démarche effectuée par le syndicat plaignant auprès de l'OIT car, indique-t-il, après vérification des dossiers, « il s'est avéré que le gouvernement n'a été saisi à aucun moment d'une démarche similaire de cette organisation ».
  5. 39. Il est exact - déclare ensuite le gouvernement - que la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives du travail considère uniquement comme parties valables à une convention collective les organisations professionnelles représentatives sur le plan national, et il précise qu'il a été fait abstraction de la notion de représentativité sur le plan de l'entreprise ou d'un secteur économique déterminé pour ne pas disperser l'action syndicale en matière de négociations collectives. Le gouvernement dit estimer que, compte tenu de l'exiguïté du territoire national, cette conception répond essentiellement aux conditions particulières du pays.
  6. 40. Le gouvernement indique ensuite que les négociations collectives sur le plan ouvrier se font par l'intermédiaire d'une commission syndicale des contrats, composée de représentants des deux grands syndicats nationaux, à savoir la Fédération nationale des ouvriers du Luxembourg et la Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens. Le gouvernement précise ici que rien n'empêche le syndicat plaignant de prendre contact avec la Commission syndicale des contrats pour être associé aux négociations collectives, selon des modalités à déterminer par les parties intéressées.
  7. 41. En terminant, le gouvernement rappelle que le texte de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives du travail a été communiqué au BIT avec le rapport annuel du gouvernement concernant l'application de la convention no 98 et qu'à aucun moment cette loi n'a donné lieu à des critiques de la part de la Commission d'experts ou de la Commission de la Conférence pour l'application des conventions et recommandations.
  8. 42. Dans les informations complémentaires qu'il a présentées le 13 juin 1969, le syndicat plaignant déclare qu'il existe au Luxembourg trois syndicats importants: la Fédération nationale des ouvriers du Luxembourg, la Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens et l'organisation plaignante: le Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés. En dehors de ces trois grands syndicats, déclare le plaignant, certains groupements professionnels se sont réunis en syndicats pour la défense de leurs intérêts strictement professionnels. Tandis que ces derniers syndicats mineurs, poursuit le NHV, sont, comme lui, neutres du point de vue politique, les deux autres centrales relèvent directement des trois grands partis politiques du pays, la première des partis socialiste et communiste, la seconde du Parti social chrétien, les dirigeants desdits syndicats étant souvent en même temps députés des partis politiques en question.
  9. 43. Le plaignant déclare que les syndicats mineurs, fondés sur les intérêts strictement professionnels, ont, depuis des années, conclu, chacun dans son domaine, des conventions collectives avec les patrons dans le ressort de l'industrie moyenne et de l'artisanat.
  10. 44. Par contre, déclare le plaignant, le gouvernement se base sur le premier alinéa de la loi, cité au paragraphe 36 ci-dessus, pour refuser au NHV tout droit d'intervention dans la conclusion d'un contrat collectif. Aux yeux du plaignant, la difficulté vient du fait que les « artisans non patrons » affiliés au Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés ont, comme chaque ouvrier non qualifié ou qualifié, le statut d'« ouvrier ». Le ministère du Travail en conclut - déclare le plaignant - que le NHV n'est pas l'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national et lui conteste tout droit de conclure une convention collective dans l'intérêt de l'artisanat.
  11. 45. D'après le plaignant, une telle interprétation se heurte au principe des libertés syndicales et n'est pas conforme à l'esprit de la loi, laquelle considère que la défense des intérêts « professionnels » est le but véritable des syndicats constitués sur une base « professionnelle ».
  12. 46. Il devrait résulter logiquement du texte de la loi - poursuivent les plaignants - que si les membres d'une profession déterminée devaient réussir à grouper la majorité des travailleurs de cette profession dans une entreprise déterminée, ce groupement devrait être habilité par là même à conclure avec le patron une convention collective en ce qui concerne les membres de cette profession. Or, déclare le plaignant, l'interprétation de la loi par le ministère du Travail exclut à priori la possibilité ci-dessus envisagée et « revient à sacrifier systématiquement l'intérêt des minorités ».
  13. 47. Dans sa communication du 22 janvier 1970, le gouvernement présente les observations suivantes. Aux termes de l'article 2, alinéa 2, de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives du travail, sont considérés comme organisations syndicales tous groupements professionnels pourvus d'une organisation interne et ayant pour but la défense des intérêts professionnels et la représentation de leurs membres ainsi que l'amélioration de leurs conditions d'existence. Dès lors qu'un groupement professionnel répond aux critères structurels et fonctionnels contenus dans cette définition, il peut prétendre à la reconnaissance de la qualité d'organisation syndicale. Il bénéficie en tant que telle de l'ensemble des prérogatives contenues aux articles 2 et 3, paragraphe 1, de la convention no 87, à savoir le droit de se constituer sans autorisation préalable, le droit d'élaborer ses statuts et règlements administratifs, d'élire librement ses représentants, d'organiser sa gestion et son activité et de formuler son programme d'action.
  14. 48. Le libéralisme qui entoure la constitution et le fonctionnement des organisations syndicales - déclare le gouvernement - constitue un puissant facteur d'incitation à l'épanouissement du pluralisme syndical. Aussi le législateur, tout en maintenant intégralement le principe de la liberté de constitution et de fonctionnement des syndicats, tel qu'il se trouve inscrit dans la convention no 87, a-t-il jugé approprié d'apporter une atténuation à la règle de la stricte égalité des organisations syndicales pour ce qui concerne leur droit à la négociation et à la conclusion de conventions collectives du travail.
  15. 49. En effet - poursuit le gouvernement - l'article 2, alinéa 1, de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives du travail confère le monopole de la négociation collective aux organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national. L'alinéa 3 de cette même disposition prend soin de déterminer la représentativité de l'organisation syndicale d'après les critères suivants: le nombre important des affiliés, les activités et l'indépendance du syndicat.
  16. 50. Le système luxembourgeois des relations collectives de travail, indique le gouvernement, ne tend pas à favoriser les structures syndicales organisées sur le plan de la branche professionnelle, du secteur économique ou de l'entreprise en vue de la négociation et de la conclusion de conventions collectives du travail.
  17. 51. En vertu de l'article 2, alinéa 1, de la loi du 12 juin 1965, déclare le gouvernement, seules les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national peuvent être parties à une convention collective du travail. En écartant de la détermination collective des conditions de travail les organisations syndicales qui ne répondent pas au critère de la représentativité sur le plan national - précise le gouvernement -, le législateur luxembourgeois vise à décourager la formation de syndicats spécialisés tels que les syndicats de métiers et à réduire les inconvénients d'une dispersion trop grande des efforts syndicaux dans « un grand nombre de fractions qui se combattent et se concurrencent ». Le gouvernement déclare qu'en refusant la capacité juridique de conclure des conventions collectives du travail aux organisations syndicales dont les activités se restreignent au cadre d'une seule entreprise, d'un seul secteur économique ou d'une seule branche professionnelle, la loi cherche à endiguer la progression néfaste du pluralisme syndical dans un pays caractérisé par l'exiguïté de son territoire et par la structure particulière de son économie nationale.
  18. 52. Le système luxembourgeois des relations collectives de travail - affirme le gouvernement - ne constitue pas pour autant une atteinte à la libre constitution et au libre fonctionnement des organisations syndicales de travailleurs. Si la loi réserve aux organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national la prérogative de conclure des conventions collectives de travail, elle n'entend pas refuser aux autres organisations l'ensemble des prérogatives inscrites dans la convention n, 87 et, en particulier, le libre exercice de leurs fonctions de contestation et de revendication.
  19. 53. « En intégrant dans le système national des relations collectives de travail la notion de représentativité - poursuit le gouvernement -, le législateur luxembourgeois était loin d'innover. Il ne faisait que reprendre une notion ayant obtenu depuis de longues années la consécration de l'Organisation internationale du Travail. »
  20. 54. Le gouvernement déclare ensuite qu'hormis la catégorie professionnelle des cadres prévue dans certaines lois du travail la loi luxembourgeoise opère une distinction fondamentale entre « ouvriers » et « employés privés ». Cette subdivision des salariés ne pouvait manquer de créer une dualité dans les statuts respectifs de l'ouvrier et de l'employé tant du point de vue des conditions de travail que du point de vue de la sécurité sociale. Aussi la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives du travail devait-elle autoriser pour une même entreprise ou division d'entreprise la conclusion d'une seule convention pour l'ensemble du personnel ouvrier et d'une seule convention pour l'ensemble du personnel employé, étant entendu toutefois que la capacité juridique de négocier et de conclure appartient aux organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national pour chacune de ces deux catégories de travailleurs.
  21. 55. Or, déclare le gouvernement, il apparaît clairement que le syndicat plaignant, en s'attribuant la qualification de « syndicat artisan non patron », entend créer de sa propre initiative une catégorie de salariés ignorée par la loi pour conclure à la représentativité de son organisation sur le plan national. Le gouvernement déclare dénoncer toute pratique pouvant consister, de la part d'un groupement professionnel déterminé, à se ranger dans une catégorie professionnelle autre que celles existantes des ouvriers, des employés privés ou des cadres, pour revendiquer le bénéfice de la représentativité de son organisation sur le plan national.
  22. 56. Le gouvernement oppose enfin un démenti catégorique à l'allégation du syndicat plaignant d'après laquelle des « syndicats mineurs fondés sur des intérêts strictement professionnels » (voir paragr. 43 ci-dessus) auraient conclu, chacun dans son domaine, des conventions collectives du travail. « Il n'est pas à la connaissance du gouvernement - déclare celui-ci - que, sous l'empire de la loi du 12 juin 1965, des conventions collectives du travail auraient été conclues par des organisations syndicales organisées sur le plan de la branche professionnelle, du secteur économique ou de l'entreprise. Pareilles conventions, à les supposer conclues, se seraient vu par ailleurs refuser le dépôt auprès de l'autorité compétente, condition indispensable à leur mise en vigueur. »
  23. 57. En réponse aux demandes directes du comité, le gouvernement et le syndicat plaignant ont fourni un complément d'information sur la plainte dans deux communications, respectivement en date des 6 avril et 14 mars 1970. Le gouvernement précise que la Fédération nationale des ouvriers du Luxembourg compte 21 000 adhérents, tandis que la Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens en compte 15 000. Le syndicat plaignant observe qu'avec 3 000 adhérents il est de loin le plus représentatif à l'échelon national en ce qui concerne les artisans et les compagnons qualifiés; il ajoute que le chiffre de 3 000 ne peut servir de terme de comparaison que si les autres syndicats fournissent le nombre de leurs adhérents pour les seules catégories d'artisans et compagnons.
  24. 58. En examinant ce point, le comité a estimé qu'il y avait lieu de tenir compte de diverses circonstances, dont certaines d'une nature très particulière.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 59. Le comité prend note qu'en vertu de l'article 4 de la convention no 98 les gouvernements devront prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir les procédures de négociation volontaire de conventions collectives. En conséquence, le comité a toujours accepté, en vue de négociation collective, qu'une distinction soit opérée entre les organisations syndicales en se fondant sur leur représentativité et en reconnaissant aux syndicats les plus représentatifs des droits préférentiels de négociation, y compris pour les conventions collectives. Toutefois, en prenant cette position, le comité a mis l'accent sur la nécessité de fonder sur des critères objectifs la détermination de la représentativité des organisations; l'un des critères essentiels retenus a été le nombre des adhérents. Dans le cas présent, au regard des conditions particulières qui existent au Luxembourg, notamment étant donné les petites dimensions de ce pays, le gouvernement grand-ducal accorde le droit de négocier aux organisations les plus représentatives sur le plan national et à celles-là seulement.
  2. 60. Le comité remarque, d'après les chiffres fournis par le gouvernement et les plaignants, que les deux syndicats nationaux légalement habilités à engager une négociation collective, c'est-à-dire la Fédération nationale des ouvriers du Luxembourg et la Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens, sont très sensiblement plus représentatifs des ouvriers du Luxembourg en général que le Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés.
  3. 61. Néanmoins, le comité prend également bonne note de l'affirmation du plaignant (ce que le gouvernement ne conteste pas) que le Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés constitue l'organisation la plus représentative de la catégorie de travailleurs qualifiés d'« artisans ». Cette catégorie de travailleurs toutefois n'est pas reconnue par la loi comme une catégorie spéciale aux fins de la négociation indépendante de conventions collectives. Ainsi, tandis que le syndicat bénéficie d'une existence légale sur le plan national, il ne semble pas avoir une capacité légale suffisante pour conclure des conventions collectives séparées pour le compte de ses membres.
  4. 62. En tenant compte de ces considérations, le comité désire rappeler la déclaration faite par le gouvernement (voir paragr. 40 ci-dessus) d'après laquelle rien n'empêche le syndicat plaignant de prendre contact avec la Commission syndicale des contrats, pour être associé aux négociations collectives, selon des modalités à déterminer par les parties intéressées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 63. Dans ces conditions, le comité considère que bien que le gouvernement, à la lumière de considérations d'ordre national, ait restreint le droit d'engager des négociations collectives au bénéfice des deux syndicats nationaux ouvriers en général, cela ne doit pas empêcher le syndicat qui représente la majorité des travailleurs d'une certaine catégorie de s'occuper de la sauvegarde des intérêts de ses membres. Le comité recommande en conséquence au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à étudier les mesures qui pourraient intervenir en tenant compte des conditions nationales particulières, en vue de permettre au Syndicat indépendant des artisans non patrons de l'industrie et privés d'être associé à la procédure de négociation collective de telle sorte qu'il puisse y représenter de façon adéquate et y défendre les intérêts collectifs de ses membres.
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