Afficher en : Anglais - Espagnol
- 231. Ces plaintes sont contenues dans diverses communications adressées au B.I.T par les organisations et aux dates indiquées ci-après: Confédération internationale des syndicats chrétiens (27 décembre 1966), Action syndicale argentine (15 février 1967), Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (27 mars 1967), Fédération syndicale mondiale (31 mars 1967), Fédération internationale des ouvriers du transport (17 avril 1967), et Confédération internationale des syndicats libres (5 mai 1967), se référant, en les appuyant, à deux communications envoyées au B.I.T les 6 mars et 12 avril 1967 par la Fédération internationale des ouvriers sur métaux affiliée à la C.I.S.L. En outre, ont été reçues des informations complémentaires et de nouvelles allégations présentées par la Confédération internationale des syndicats chrétiens (une communication en date du 28 avril 1967), la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (trois communications des 13 avril, 20 avril et 2 mai 1967) et la Fédération internationale des ouvriers sur métaux (6 mai 1967). Au fur et à mesure de leur réception, copie des communications en question a été transmise au gouvernement de l'Argentine.
- 232. Les allégations se réfèrent essentiellement à la détention d'un dirigeant syndical; à certaines dispositions législatives par lesquelles sont modifiées les normes qui gouvernent le travail dans les ports et au différend du travail qui s'est déclaré au sujet de ces dispositions; à diverses mesures d'intervention, de suspension de la personnalité syndicale et de blocage de comptes en banque que le gouvernement aurait prises récemment à l'encontre de nombreuses organisations syndicales mentionnées dans les plaintes, etc.
- 233. Le gouvernement a envoyé ses observations relatives à certains aspects du cas, par une communication en date du 9 mai 1967.
- 234. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 235. Dans sa communication du 27 décembre 1966, la Confédération internationale des syndicats chrétiens (C.I.S.C.) allègue que la police armée a fait irruption dans une réunion syndicale le 18 décembre 1966 et qu'à la suite de cette opération, plusieurs personnes ont été blessées et plus de quarante arrêtées. De son côté, l'Action syndicale argentine allègue, dans sa communication du 15 février 1967, que le gouvernement a appliqué unilatéralement de nouvelles normes du travail aux travailleurs portuaires, au moyen du décret no 2729, violant des accords antérieurs et sans avoir consulté les syndicats intéressés (Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins (S.U.P.A.), Syndicat des ouvriers charbonniers du port, Syndicat des chefs d'équipe et des contrôleurs maritimes, Association des contremaîtres dockers) et que les dirigeants du S.U.P.A ont été destitués par décret en date du 19 octobre 1966 et remplacés par un fonctionnaire de l'Etat. L'Action syndicale argentine ajoute que la police a dissous en recourant à la violence l'assemblée du S.U.P.A, le 18 décembre 1966, et arrêté M. Eustaquio Tolosa, secrétaire général de cette organisation.
- 236. La Confédération latino-américaine des syndicats chrétiens (C.L.A.S.C.), dans sa communication du 13 avril 1967, allègue que le décret no 2729 a ordonné l'augmentation de l'horaire pour les travaux insalubres, a diminué le nombre de travailleurs par équipe et modifié le système de rémunération pour le travail effectué les jours fériés, le samedi après-midi, etc. Le 14 octobre 1966, le ministre de l'Economie et du Travail aurait notifié aux représentants des syndicats qu'avait été modifié par la loi le régime en matière de travail dans les ports et créée la capitainerie des ports, autorité à qui il incomberait d'édicter un nouveau règlement de travail. Le Syndicat aurait demandé un ajournement de l'application de ces mesures et la permission de participer à l'élaboration dudit règlement. Le jour suivant, les dirigeants syndicaux auraient été informés de l'entrée en vigueur du nouveau règlement le 19 du même mois. Toujours aux dires de la C.L.A.S.C, le Syndicat a envoyé un mémoire au Président de la République et, le 18, il a demandé trente jours pour discuter ce nouveau règlement de travail et divers autres points. On lui aurait répondu: « La loi est déjà en vigueur et les lois ne se discutent pas. » Le 19 octobre, le S.U.P.A a déclenché une grève générale et, le même jour, par décret, le gouvernement a proclamé « illicite l'activité syndicale » du S.U.P.A et a désigné un officier de marine pour prendre la tête du Syndicat, dont le local a été occupé militairement.
- 237. Dans sa plainte du 17 avril 1967, la Fédération internationale des ouvriers du transport (F.I.O.T.) a formulé des allégations très précises sur le déroulement du conflit. Selon cette organisation plaignante, les syndicats des travailleurs portuaires présentèrent au gouvernement, après que celui-ci avait fait connaître son intention d'édicter de nouvelles normes pour le travail dans les ports, un mémorandum sur les problèmes des travailleurs portuaires, dans lequel ils exprimèrent la nécessité d'instituer une politique nationale en matière portuaire, ainsi que leur désir sincère de collaborer à cette fin. Le gouvernement aurait refusé cette offre de conciliation et de collaboration, motif à l'origine de la déclaration de la grève. M. Tolosa aurait quitté le pays pour des raisons de sécurité personnelle afin de se rendre à Montevideo et, de là, diriger la grève.
- 238. Selon la F.I.O.T, le gouvernement a continué à observer une attitude intransigeante, en dépit de l'offre formulée par les syndicats d'une solution qui comportait, entre autres conditions, la cessation de l'intervention du gouvernement dans le Syndicat, l'ajournement pendant trente jours de l'application des lois nouvelles, la création d'une commission tripartite composée d'employeurs, de travailleurs et de représentants du gouvernement en vue d'étudier l'application de ces lois et l'arbitrage des questions qui ne pourraient être résolues.
- 239. La F.I.O.T indique que, le 31 octobre, elle a adressé à ses organisations affiliées une circulaire dans laquelle elle leur demandait « de faire preuve dans toute la mesure possible de solidarité internationale, dans un effort destiné à appuyer l'action des travail leurs portuaires argentins ». En même temps, la Fédération envoyait au Président Ongania un télégramme « l'informant de la possibilité d'une action internationale et lui offrant l'aide de la F.I.O.T, aux fins de médiation et de négociation ». En vue d'exposer au gouvernement d'une manière conforme à la réalité l'intérêt pris par la F.I.O.T à ce différend, M. Medrano, directeur régional de cette organisation pour l'Amérique latine, eut des entrevues avec diverses autorités argentines, y compris le secrétaire au Travail qui lui aurait indiqué que, si les travailleurs portuaires acceptaient à titre temporaire les dispositions nouvelles sur les conditions de travail, une commission tripartite serait instituée pour l'examen de cette question. M. Medrano, après avoir consulté les syndicats, présenta au secrétaire au Travail un projet de solution, en l'informant de la nécessité de consulter le secrétaire aux Transports préalablement à toute réponse du gouvernement. Finalement, après plusieurs autres réunions, le secrétaire au Travail aurait accepté un texte dont la copie est fournie par les plaignants.
- 240. Les syndicats de contrôleurs et de contremaîtres auraient décidé à l'unanimité d'accepter la solution proposée et de reprendre le travail le 19 décembre, une réunion des délégués syndicaux du S.U.P.A étant convoquée pour le 18 décembre, date à laquelle on espérait que la grève serait considérée comme terminée. Lorsque les délégués se réunirent, la police arrêta M. Tolosa, sous le prétexte qu'il avait quitté le pays sans autorisation. Dans les jours qui suivirent, M. Tolosa fut libéré sous caution, pour être de nouveau arrêté sous l'inculpation d'avoir commis des actes préjudiciables à l'économie argentine, puis remis en liberté le 22 décembre.
- 241. Toujours selon la F.I.O.T, compte tenu du fait que M. Tolosa avait recouvré sa liberté, les syndicats décidèrent la reprise du travail le 26 décembre, sur la base de l'accord auquel ils étaient parvenus avec les secrétaires au Travail et aux Transports. Néanmoins, lorsque les travailleurs se présentèrent au port, la police et des forces militaires leur en interdirent l'accès. La grève se transformait de la sorte en lock-out, ce qui, de l'avis de l'organisation plaignante, a démontré l'intention du gouvernement d'imposer unilatéralement ses conditions de travail aux syndicats. Par la suite, le gouvernement se serait efforcé d'imposer la participation de briseurs de grève au travail et de faire en sorte que fussent seuls inscrits sur le registre un certain nombre de travailleurs réguliers suffisant à compléter les effectifs fixés. La répartition numérique proposée par le capitaine du port aurait été la suivante:
- Briseurs de grève Travailleurs réguliers Total
- Contremaîtres 61 231 292
- Contrôleurs 559 252 811
- Dockers 3 717 737 4454
- 242. On peut constater, font remarquer les plaignants, que les briseurs de grève constituaient la majorité, la majeure partie des travailleurs portuaires de Buenos Aires étant privés de leur emploi pour avoir agi de manière à défendre leurs droits syndicaux légitimes.
- 243. Un nouvel ordre d'arrestation ayant été lancé contre M. Tolosa, celui-ci décida de se livrer le 5 janvier 1967, date à laquelle il fut incarcéré.
- 244. En fin de compte, les plaignants indiquent que malgré les démarches postérieures du directeur général de la F.I.O.T auprès des autorités et de celles d'une délégation commune de cette organisation et de la C.I.S.L, le gouvernement ne modifia pas son attitude. Les plaignants affirment que les faits relatés constituent des violations des conventions nos 87 et 98 de l'O.I.T du fait que le gouvernement a promulgué des dispositions qui modifient les conditions du travail portuaire, sans consultation préalable des syndicats intéressés; qu'il a refusé d'examiner les propositions présentées par les syndicats de travailleurs portuaires, et, en particulier, le mémorandum sur les problèmes de cette catégorie de travailleurs; qu'il a nommé un contrôleur à la tête du S.U.P.A.; qu'il a recruté des briseurs de grève; qu'il a arrêté M. Eustaquio Tolosa, secrétaire général du S.U.P.A, le 18 décembre 1966, au moment où il allait présider une réunion de son syndicat et, de nouveau, le 5 janvier 1967; qu'il a institué un lock-out contre les travailleurs portuaires, leur portant ainsi préjudice pour avoir participé à une action de leur syndicat; qu'il a violé l'accord arrêté entre un représentant de l'organisation plaignante et les secrétaires au Travail et aux Transports.
- 245. Dans sa réponse, en date du 9 mai 1967, le gouvernement conteste les allégations formulées par la Confédération internationale des syndicats chrétiens et l'Action syndicale argentine. En ce qui concerne M. Tolosa, il déclare que, en raison de la grève déclenchée par les travailleurs portuaires, ce dirigeant, qui faisait l'objet de poursuites judiciaires pour le rôle qu'il avait joué dans le plan dit «Plan de lutte de la C.G.T de l'année 1964», quitta le pays sans autorisation judiciaire pour s'établir à Montevideo, d'où il essaya d'obtenir un boycottage international des navires et des avions argentins.
- 246. Le gouvernement indique ensuite qu'après que l'on fut arrivé à un accord qui devait être soumis à une assemblée syndicale le 18 décembre 1966, M. Tolosa revint au pays. Informé de son retour, le juge chargé du procès ordonna son arrestation en vertu de l'article 387 du Code de procédure criminelle de la capitale fédérale. Aux termes de cet article, le prévenu mis en liberté sous caution s'engage, d'une part, à se présenter chaque fois qu'il sera convoqué par le juge et, d'autre part, à élire un domicile duquel il ne pourra s'absenter sans que le juge en soit averti et l'y autorise, une infraction à cette dernière disposition étant suffisante pour que l'incarcération soit ordonnée de nouveau.
- 247. Le gouvernement fournit le texte d'un rapport de la police fédérale dont il ressort que l'arrestation a été effectuée conformément à un mandat d'arrêt décerné par un juge national de première instance de la juridiction criminelle et correctionnelle, en relation avec le procès (affaire no 46/64) intenté à diverses personnes pour sédition et autres délits. Ce rapport signale que l'arrestation eut lieu avant le commencement de la réunion convoquée par les dirigeants du S.U.P.A et que M. Tolosa respecta l'ordre donné par la police. Ce rapport ajoute que s'il est exact que certains exaltés s'opposèrent à l'arrestation de M. Tolosa, il ne fut procédé à aucune autre arrestation et qu'il n'y eut ni coups ni blessures.
- 248. Il ressort du texte de divers articles de journaux fournis par le gouvernement, qu'un autre procès criminel a été intenté postérieurement à M. Tolosa, devant un autre tribunal, sous l'inculpation d'avoir violé l'article 1er de la loi no 14034, qui punit d'une peine de prison le citoyen argentin qui, par un moyen quelconque, favorise des mesures économiques ou politiques contre l'Etat.
- 249. En ce qui concerne le conflit portuaire, le gouvernement fournit les informations résumées ci-après. En vue d'assurer le fonctionnement intégral des installations portuaires, la réglementation rationnelle du travail et l'élimination des causes qui entraînent le gaspillage des ressources humaines et matérielles, gaspillage qui occasionne un préjudice réel à toute la collectivité, le Président de la nation, dans l'exercice des pouvoirs législatifs que lui confère le statut de la Révolution argentine, a sanctionné les lois nos 16971 et 16972 ainsi que le décret no 2729, dont le texte est fourni par le gouvernement.
- 250. Le gouvernement indique que de cette manière le travail portuaire relève de nouveau de la législation générale sur la journée de travail, les congés et les jours fériés qui s'applique à tous les travailleurs du pays. On aurait modifié de la sorte un régime qui avait été aussi établi unilatéralement par l'Etat, en vertu du décret-loi no 6676/63 et du décret no 6284/60, régime qui déformait le principe de l'égalité. En dépit du régime d'exception imposé au régime portuaire, celui-ci s'était vu continuellement affecté par des différends de caractère privé, qui éclataient pour n'importe quel motif et qui provoquèrent un renchérissement excessif du travail, si bien que les ports argentins devinrent les plus chers du monde, spécialement celui de Buenos Aires, qui fut qualifié de « port sale », ce qui entraîna une majoration des frets. La loi no 16972 et les dispositions complémentaires fixent les normes visant à ramener l'exécution du travail portuaire dans les limites déjà établies par la législation générale.
- 251. Le gouvernement considère qu'aucun accord international, aucun principe, aucune norme du droit social ni aucune convention collective préexistante passée avec les organisations syndicales n'ont été violés.
- 252. Il poursuit en faisant observer que les lois et le décret mentionnés ci-dessus ayant été promulgués, le Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins a déclenché une grève dans l'intention expresse de paralyser les activités portuaires et, en outre, par l'entre mise de ses représentants, a sollicité la collaboration de syndicats étrangers afin de boycotter les navires et les avions argentins ainsi que le fret qu'ils transportaient. De l'avis du gouvernement, cette attitude a constitué une véritable révolte contre la loi et contre l'ordre juridique, puisque l'on a tenté de porter atteinte aux intérêts vitaux de la nation en se dressant et se rebellant ouvertement contre le pouvoir que l'Etat exerce pour sauvegarder ces intérêts.
- 253. Enfin, le gouvernement signale que la loi no 14455 reconnaît des droits aux associations professionnelles et, notamment, celui d'exercer leur activité sans que l'autorité chargée de son application intervienne dans leur direction et leur gestion. Toutefois, les droits ainsi reconnus par la loi s'appliquent à l'activité licite. Le gouvernement estime que les mêmes principes doivent régir également l'application des conventions internationales étant donné que la ratification de celles-ci ne saurait obliger l'Etat à affaiblir l'action qu'il a lui-même entreprise pour rétablir l'ordre juridique. La mesure d'intervention décrétée par le gouvernement a été examinée par deux instances de la justice nationale du travail à la suite du recours formé par les intéressés, procédure à l'issue de laquelle la Cour nationale d'appel du travail a rendu, par un vote unanime de ses membres, un arrêt ordonnant « le maintien intégral de l'intervention prévue par le décret no 2868/66 ». Le gouvernement reproduit une partie des attendus de cet arrêt dans lesquels la Cour indique que l'établissement de la nouvelle réglementation du travail dans les ports engage la politique économique du gouvernement, et que les incidences qui en ont résulté sur les plans national et international influent directement sur une activité aussi essentielle pour l'Etat que l'est le commerce d'importation et d'exportation. De l'avis de la Cour nationale d'appel du travail, l'intervention décrétée était nécessaire pour assurer le développement des activités entravées par la grève et le boycottage international entrepris sous les auspices du Syndicat. En effet, cette mesure aurait été adoptée par le gouvernement pour surmonter la grave crise suscitée dans le pays à la suite des directives syndicales.
- 254. Le gouvernement joint également à sa réponse le texte de différents commentaires publiés dans la presse argentine. Certains de ces articles mettent en lumière les problèmes qui se posent à l'économie nationale du fait des conditions de fonctionnement des ports et font ressortir notamment les avantages économiques qu'impliquent pour le pays le chargement et le déchargement accélérés des navires, etc.
- 255. En ce qui concerne les allégations relatives à l'intervention de la police lors de la réunion syndicale du 18 décembre 1966 et l'arrestation d'autres personnes, en dehors de M. Eustaquio Tolosa, le Comité remarque, sur la base des informations du gouvernement, que les agissements de la police paraissent s'être limités à l'arrestation de la personne en question. En conséquence, et compte tenu du fait que les plaignants ne fournissent pas de détails précis quant aux autres personnes qui auraient été arrêtées, le Comité estime qu'il - serait dépourvu d'utilité de poursuivre l'examen de ces allégations en particulier.
- 256. Pour ce qui est de l'arrestation de M. Tolosa, il ressort des éléments d'appréciation fournis par le gouvernement que cette arrestation a été opérée en fonction de décisions judiciaires en rapport avec deux procès criminels, le premier intenté en 1964, le second à la suite d'actes délictueux qu'aurait commis M. Tolosa et qui auraient été liés au conflit du travail auquel se rapportent les plaintes.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 257. Dans tous les cas où le Comité a été appelé à examiner des affaires qui étaient en instance devant un tribunal judiciaire national offrant les garanties d'une procédure régulière, estimant que le jugement rendu pourrait lui fournir des éléments d'information utiles pour apprécier les allégations formulées, il a décidé d'ajourner le cas, en attendant de se trouver en possession du résultat des procès intentés. Dans de nombreux cas, le Comité a prié les gouvernements de lui faire parvenir le texte des jugements et de leurs attendus.
- 258. En conséquence le Comité, avant de poursuivre l'examen de cet aspect particulier de l'affaire, estime nécessaire de demander au gouvernement qu'il veuille bien lui fournir le texte du ou des jugements qui seront rendus en ce qui concerne M. Tolosa, ainsi que de leurs attendus respectifs.
- 259. D'autre part, le Comité a toujours estimé que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence, dans la mesure où elles ont trait à l'exercice des droits syndicaux. Il a également fait remarquer que, normalement, le droit de grève est reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen de légitime défense de leurs intérêts professionnels. De plus, dans les cas où il a constaté qu'il existe des restrictions aux grèves dans les services essentiels, il a souligné l'importance qu'il y a à ce que soient instituées des garanties appropriées en vue de protéger les intérêts des travailleurs, ainsi privés de la possibilité de faire valoir ceux-ci sur le plan professionnel, et il a exprimé l'avis que les restrictions en question devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et expéditives à tous les stades desquelles les intéressés aient la possibilité de participer.
- 260. Dans le présent cas, les plaignants font valoir que la grève déclenchée par les travailleurs et qui conduisit à l'adoption par le gouvernement d'un décret instituant le contrôle du Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins éclata parce que le gouvernement avait modifié par voie législative les conditions de travail desdits travailleurs. Le gouvernement, de son côté, fait observer que les conditions de travail ainsi remaniées avaient été elles-mêmes établies au moyen de dispositions législatives, et non par voie de conventions collectives, et qu'en outre, leur modification, effectuée dans les limites établies par la législation générale du travail, offrait un caractère indispensable du point de vue des intérêts essentiels du pays. La mesure de contrôle adoptée à l'égard du S.U.P.A aurait eu pour objet de protéger ces intérêts mêmes, qui se trouvaient menacés par la grève et par le boycottage international préconisés par le Syndicat. Les tribunaux du pays, en première et en deuxième instance, se sont prononcés en faveur de la validité et de la légalité de l'intervention qui avait été décrétée.
- 261. Le Comité prend note des explications fournies par le gouvernement relativement au conflit portuaire. Néanmoins, dans l'état actuel de la question, l'un des syndicats intéressés, le Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins, semble continuer à être soumis à un régime de contrôle du gouvernement et il n'est pas indiqué clairement si l'on envisage ou non la possibilité de procéder à un nouvel examen des questions en litige au moyen d'une procédure de conciliation ou d'arbitrage à toutes les phases de laquelle ledit syndicat ait la possibilité de participer conformément aux principes exposés au paragraphe 259 ci-dessus. Le Comité désirerait recevoir des informations complémentaires du gouvernement à ce sujet.
- 262. D'autre part, les observations du gouvernement sur certains aspects se rapportant à cette question et exposés dans la plainte de la Fédération internationale des travailleurs du transport ne sont pas encore parvenues au Comité. Il s'agit des allégations ayant trait au refus attribué au gouvernement d'examiner les propositions soumises à l'origine par les travailleurs, à la violation, qui lui est également attribuée, d'un accord négocié avec le secrétaire au Travail postérieurement au déclenchement de la grève, et de mesures de représailles antisyndicales (y compris le recrutement de briseurs de grève) que celui-ci aurait prises à l'encontre des grévistes (voir le paragraphe 244 ci-dessus).
- 263. N'ont pas encore été reçues non plus les observations du gouvernement au sujet des autres plaintes et informations complémentaires de la C.L.A.S.C, de la F.S.M, de la C.I.S.L et de la Fédération internationale des ouvriers sur métaux, mentionnées au para graphe 231 ci-dessus et se rapportant, entre autres questions, à des mesures d'intervention du gouvernement dans l'activité de nombreuses organisations de travailleurs, en dehors du contrôle déjà mentionné dont fait l'objet le Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins.
- 264. Tenant compte des principes mentionnés au paragraphe 259 ci-dessus et de la règle énoncée à l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, - règle selon laquelle les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action -, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, le Comité estime nécessaire d'obtenir les observations du gouvernement sur les points faisant l'objet des paragraphes 261, 262 et 263 ci-dessus, avant de poursuivre l'examen du cas et de formuler d'autres conclusions en ce qui concerne celui-ci.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 265. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- (1) Pour ce qui est des allégations concernant l'arrestation, le 18 décembre 1966, de plusieurs dirigeants syndicaux dont les noms ne figurent pas dans les plaintes respectives, que pour les motifs exposés au paragraphe 255 ci-dessus, de décider que lesdites allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
- (2) Pour ce qui est des allégations concernant l'arrestation de M. Eustaquio Tolosa, secrétaire général du Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins:
- a) de prendre note des informations fournies par le gouvernement, dont il ressort que les décisions judiciaires d'arrestation motivées par deux procès criminels, l'un intenté en 1964 et l'autre lié à une infraction à une loi pénale commise durant le conflit portuaire de 1966, ont été prises à l'encontre de M. Tolosa;
- b) de demander au gouvernement, pour les motifs exposés aux paragraphes 256 et 257 ci-dessus, de bien vouloir fournir des informations sur le résultat des procès en question et, en particulier, le texte du ou des jugements, une fois qu'ils auront été prononcés, avec leurs attendus respectifs.
- (3) De demander au gouvernement, avant de poursuivre l'examen des autres aspects du cas, qu'il veuille bien fournir ses observations sur les questions faisant l'objet des paragraphes 261, 262 et 263 ci-dessus.
- (4) De prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations et des observations demandées au gouvernement aux alinéas 2 b) et 3 ci-dessus.
- Genève, 31 mai 1967. Roberto AGO, président.