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- 62. Ce cas a déjà été examiné par le Comité à sa session de juin 1964 à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 334 à 353 du soixante-seizième rapport. Ce rapport a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 159ème session (juin-juillet 1964). Les allégations dont l'examen était encore en suspens concernent l'arrestation de dirigeants syndicaux, le congédiement de travailleurs et de syndicalistes et la suppression des droits de réunion et de grève.
A. Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
A. Allégations relatives à l'arrestation de dirigeants syndicaux
- 63. Les plaignants alléguaient, dans leur communication du 6 octobre 1963, que les principaux dirigeants de la Commission exécutive de la Confédération des travailleurs de l'Equateur et des fédérations provinciales avaient été arrêtés arbitrairement sans aucun motif d'accusation. Les plaignants citaient, à cet égard, les noms d'un certain nombre de dirigeants ainsi arrêtés. D'autres dirigeants ouvriers et paysans et de nombreux avocats du mouvement syndical auraient aussi été arrêtés.
- 64. Dans sa réponse en date du 28 février 1964, le gouvernement expliquait que tous les détenus mentionnés par la Fédération syndicale mondiale avaient été identifiés comme éléments terroristes s'étant livrés à des attentats contre la sécurité de l'Etat. Ils avaient commis des délits tombant sous le coup de la législation pénale de l'Equateur et étaient en instance de jugement.
- 65. Suivant la pratique appliquée dans les cas similaires, le Comité a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir communiquer les résultats des procès intentés devant les tribunaux nationaux contre les personnes mention nées et, en particulier, le texte des sentences prononcées et celui de leurs considérants, et, entre-temps, de surseoir à l'examen de cet aspect du cas.
- 66. Conformément à cette demande, le gouvernement a envoyé ses observations dans une nouvelle communication, en date du 13 octobre 1964. Il y déclare que les seules personnes détenues actuellement sont MM. Telmo Hidalgo, Pedro Saad et Honorio Villacis pour conspiration contre le régime constitué et attentats terroristes troublant la paix et la tranquillité publiques.
- 67. Le Comité observe dans le rapport du gouvernement qu'aucun des noms cités par les plaignants ne coïncide avec ceux des trois personnes qui se trouvent encore détenues, d'où l'on peut conclure que celles-ci ont été remises en liberté. Dans ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note que, d'après les informations fournies par le gouvernement, toutes les personnes mentionnées par les plaignants ont recouvré la liberté et de décider que cet aspect du cas n'exige pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives au congédiement de travailleurs et de syndicalistes
- 68. Les plaignants alléguaient que la Junte militaire a permis aux employeurs de congédier les ouvriers et que l'accusation d'être communiste suffit pour qu'un dirigeant syndicaliste ou un travailleur soit congédié en violation des règles sur la stabilité de l'emploi qui figurent au Code du travail et dans les conventions collectives. A ce sujet, les plaignants donnent le chiffre de travailleurs congédiés dans les entreprises privées, les services publics et les services municipaux.
- 69. Le gouvernement a contesté cette allégation, indiquant qu'il a agi contre le congédiement massif de travailleurs puisque, le jour même où la Junte militaire a pris le pouvoir, il a déclaré, dans un communiqué, que ces congédiements étaient interdits, ce qui fut confirmé par le décret no 564 du 27 septembre 1963. Le gouvernement a déclaré également qu'il a épuré certains services publics en en chassant les agents extrémistes n'ayant jamais eu qualité de travailleur qui se livraient à des actes de prosélytisme et de sabotage dans différents centres de travail et qui obéissaient à des consignes politiques.
- 70. Ayant examiné ces faits, le Comité a estimé qu'il y a peut-être eu discrimination contre certains syndicalistes en raison de leur qualité, même si des raisons d'autre nature ont été invoquées comme cause apparente. En conséquence, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à bien vouloir faire connaître comment est appliqué, dans l'ordre intérieur, la règle de la convention (no 98) sur le droit d'association et de négociation collective, 1949, selon laquelle les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tout acte tendant à les congédier en raison de leur affiliation ou de leur activité syndicale et quels sont les moyens de procédure dont disposent les travailleurs pour faire valoir leurs droits en cette matière, et de surseoir, entre-temps, à l'examen de cet aspect du cas.
- 71. Dans sa nouvelle communication du 13 octobre 1964, le gouvernement fait connaître que la règle figurant dans la convention no 98 trouve sa complète application dans le Code du travail en vigueur et plus encore dans le décret no 564 de 1963, qui interdit le congédiement massif de travailleurs, prévoyant de lourdes sanctions contre quiconque contrevient à ses dispositions.
- 72. Le Comité observe en premier lieu que le Code du travail protège aussi bien les travailleurs de l'industrie privée que ceux qui sont occupés dans les industries de l'Etat, des conseils provinciaux et des municipalités. Parmi les règles contenues dans le Code pour la protection des travailleurs contre les mesures de discrimination antisyndicale, figurent l'article 415, qui dispose que les travailleurs qui se préparent à constituer une organisation syndicale ne peuvent être congédiés, et l'article 149, qui interdit le congédiement des membres du Comité directeur d'une organisation de travailleurs, sous peine d'avoir à payer une indemnité représentant la rémunération d'une année. Dans les deux cas, le congédiement ne peut avoir lieu que pour certains motifs justifiés. A part ces règles spéciales, le Comité observe que, selon l'article 41 f), l'employeur ne peut obliger un travailleur à se retirer de l'association à laquelle il appartient et que, selon l'article 40, l'employeur est tenu de respecter les associations de travailleurs. En cas d'infraction à ces règles, l'employeur est passible d'amende.
- 73. Les dispositions citées semblent constituer une protection satisfaisante contre certains actes de discrimination antisyndicale de la part des employeurs, notamment à l'égard des dirigeants d'une organisation syndicale et des travailleurs qui se préparent à former un syndicat. Toutefois, le Comité observe qu'en dehors de ces cas, et conformément aux dispositions des articles 131, 144 et 150 du Code du travail, l'employeur semble avoir une large liberté de résoudre le contrat de travail avec ou sans préavis, en payant, dans ce dernier cas, une indemnité égale au salaire d'un mois. Quant au décret no 564 mentionné par le gouvernement, il semble interdire seulement le congédiement immédiat des travailleurs au cours de la période de trente jours suivant la promulgation de ce décret. Vu ces dispositions, on peut se demander si les règles générales contenues dans l'article 40 du Code, selon lesquelles l'employeur doit respecter les associations de travailleurs, et dans l'article 526, qui prévoit des sanctions en cas d'infraction aux règles, confèrent aux travailleurs une protection satisfaisante contre les actes ayant pour objet de les congédier en raison de leur affiliation à un syndicat ou de leur participation à des activités syndicales.
- 74. Dans ces conditions, vu les dispositions de la convention no 98, ratifiée par l'Equateur, selon lesquelles les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tout acte tendant à les congédier à cause de leur affiliation à un syndicat ou de leur activité syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à examiner dans quelle mesure les dispositions législatives sont suffisantes pour protéger les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, et à adopter, le cas échéant, des dispositions concrètes en harmonie avec les dispositions de la convention no 98.
- Allégations relatives à la suppression des droits de réunion et de grève
- 75. Les plaignants alléguaient que, dès les premiers jours de sa prise de pouvoir, la Junte militaire a supprimé le droit de réunion et le droit de grève. Le gouvernement n'avait pas répondu à ces deux allégations.
- 76. Le Comité a considéré que, même si les plaignants n'ont pas fourni de détail pour appuyer leur plainte sur ce point, l'importance qu'il a toujours attachée tant au droit de réunion qu'au droit de grève, dans la mesure où ils affectent l'exercice des libertés syndicales, ainsi que le fait que le gouvernement n'avait présenté aucune observation à ce sujet, justifiait la demande d'informations plus complètes. C'est pourquoi le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement a bien vouloir faire connaître quelle est la situation de droit et de fait en matière de réunions syndicales et de grève, et de surseoir, entre-temps, à l'examen de cet aspect du cas.
- 77. Le gouvernement a envoyé ses observations dans sa communication du 13 octobre 1964. Il y indique qu'en ce qui concerne la liberté de réunion, lorsqu'il s'agit de discuter de problèmes ouvriers, aucune modification n'a eu lieu. Les assemblées de travailleurs se tiennent librement dans toute la République et il y a eu une augmentation considérable du nombre des organismes de caractère syndical. Le Comité considère qu'il semble prouvé que les travailleurs continuent à jouir du droit de réunion et à en faire usage dans la pratique pour la discussion de problèmes de caractère ouvrier et pour la constitution d'organisations syndicales. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de ce fait et de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 78. Quant au droit de grève, le gouvernement fait connaître qu'en vue de sauvegarder la paix dans la République, la Junte militaire l'a suspendu comme mesure préventive parce que les dirigeants syndicaux, faisant usage de ce droit, l'utilisaient à des fins politiques complètement étrangères aux intérêts de la classe ouvrière. Cette suspension a un caractère temporaire et répond à de puissantes raisons de sûreté intérieure; elle n'a pas empêché que les travailleurs, dans l'exercice de leurs droits, exercent des activités syndicales en vue de formuler des réclamations.
- 79. Le Comité a toujours appliqué le principe que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où il affecte l'exercice des droits syndicaux. Le Comité a aussi souligné que normalement le droit de grève est reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels . D'autre part, le Comité a souligné l'importance qu'il attache, lorsque la grève est limitée ou interdite dans les services essentiels ou dans la fonction publique, à ce qu'il soit établi des garanties satisfaisantes pour protéger les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels, et il a émis l'avis que les restrictions devraient être assorties de procédures de conciliation et d'arbitrage adéquates, impartiales et expéditives, auxquelles les intéressés puissent participer à tous les stades, et que les sentences rendues doivent, dans tous les cas, être obligatoires pour les deux parties .
- 80. Par contre, en ce qui concerne l'interdiction absolue de grève, le Comité a endossé l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, selon laquelle cette interdiction peur constituer une limitation importante des possibilités d'action des organisations syndicales.
- 81. Dans le présent cas, le gouvernement allègue que l'interdiction du droit de grève a pour objet de sauvegarder la paix dans la République, parce que ce droit est utilisé à des fins politiques, et qu'en tout cas il s'agit d'une mesure temporaire répondant à des raisons de sécurité intérieure.
- 82. Le Comité a toujours considéré que les restrictions imposées aux grèves politiques ou aux grèves destinées à contraindre le gouvernement ou la communauté à reconnaître certaines mesures ne constituent pas une violation des droits syndicaux . Le Comité a aussi considéré dans de nombreux cas précédents, où il a eu à examiner des allégations formulées contre des pays se trouvant en période de crise politique ou qui venaient de passer par une époque de perturbations graves (guerre civile, révolution, etc.), qu'il était nécessaire, en examinant les diverses mesures prises par les gouvernements, y compris les mesures prises contre les organisations syndicales, de tenir compte de ces circonstances extraordinaires pour apprécier à leur juste valeur le poids de ces allégations. D'autre part, dans de nombreux cas où avaient été présentées des plaintes relatives à de prétendues violations de la liberté syndicale, commises sous le régime de l'état de siège ou d'exception, ou même en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, le Comité, tout en déclarant qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou l'opportunité de cette législation, question entièrement d'ordre politique, a toujours soutenu le point de vue qu'il devait examiner les répercussions que pourrait avoir cette législation sur les droits syndicaux.
- 83. Conformément à ces principes, dans un cas où le gouvernement avait pris des mesures de sécurité (réquisition des chemins de fer) qui affectaient profondément le droit de grève des travailleurs, le Comité a considéré que la liberté syndicale n'avait pas été violée, puisqu'il s'agissait de mesures prises à une époque où le pays en question se trouvait en guerre et ayant pour objet de faire face à une situation de crise nationale . Le concept de crise nationale comme cause justifiant l'adoption de mesures extraordinaires de la part d'un gouvernement en matière de différends du travail a prévalu aussi dans un autre cas, où le Comité a considéré que le gouvernement n'avait pas apporté de preuves suffisantes de l'existence d'une telle situation de crise.
- 84. En raison de ces considérations, le Comité estime que, du fait que l'interdiction générale des grèves constitue une restriction importante à l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels, cette interdiction pourrait soulever des critiques si elle n'était pas imposée exclusivement avec caractère temporaire dans une situation de crise nationale aiguë.
- 85. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le droit de grève n'a été suspendu que pour des raisons de sûreté intérieure et comme mesure temporaire, et, en raison du temps écoulé, suggère au gouvernement la possibilité de réexaminer la situation à la lumière des considérations exposées au paragraphe 84, en tenant le Comité informé de tout fait nouveau qui se produirait dans ce domaine.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 86. Quant à l'ensemble du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note que, selon l'information fournie par le gouvernement, tous les détenus mentionnés par les plaignants ont recouvré la liberté, et de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
- b) de suggérer au gouvernement la possibilité d'examiner dans quelle mesure les dispositions législatives sont propres à protéger les travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale, et d'adopter, le cas échéant, des dispositions, concrètes en harmonie avec le contenu de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949;
- c) de prendre note du fait que, selon les indications du gouvernement, les travailleurs continuent à jouir du droit de réunion pour la discussion de problèmes du travail et la constitution d'organisations syndicales, et de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
- d) étant donné que le Comité a toujours appliqué le principe que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le droit de grève n'a été suspendu que pour des raisons de sûreté intérieure et comme mesure temporaire, et, en raison du temps écoulé, de suggérer au gouvernement la possibilité de réexaminer la situation à la lumière des considérations exposées au paragraphe 84, en tenant le Comité informé de tout fait nouveau qui se produirait dans ce domaine.