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Rapport définitif - Rapport No. 85, 1966

Cas no 341 (Grèce) - Date de la plainte: 03-JUIN -63 - Clos

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  1. 167. Le Comité a déjà examiné la présente affaire lors de sa trente-sixième session, tenue à Genève au mois de février 1964. A cette occasion, le Comité a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenant, sur certaines des allégations du cas, ses conclusions définitives, alors que sur d'autres, il a recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement des informations complémentaires. Ces conclusions et recommandations, qui sont contenues dans le soixante-quinzième rapport du Comité, ont été adoptées par le Conseil d'administration à sa 159ème session, le 10 juillet 1964.
  2. 168. Il ne sera question, dans les paragraphes qui suivent, que des allégations restées en suspens. Ces allégations sont relatives: a) à des atteintes au droit de négociation collective; b) à une ingérence gouvernementale en matière de conventions collectives; c) à la composition des tribunaux d'arbitrage.
  3. 169. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à des atteintes au droit de négociation collective

A. Allégations relatives à des atteintes au droit de négociation collective
  1. 170. Les allégations formulées à cet égard par les plaignants ainsi que les observations présentées sur elles par le gouvernement ont été analysées en détail dans les paragraphes 47 à 71 du soixante-quinzième rapport du Comité. Il suffira donc ci-dessous de rappeler brièvement les éléments de cet aspect de l'affaire.
  2. 171. Il ressortait desdits éléments que, dans l'industrie du textile, deux organisations syndicales représentaient les travailleurs de cette branche d'activité: d'une part, l'organisation plaignante - la Fédération panhellénique des filateurs et tisseurs -, d'autre part, la Fédération des travailleurs grecs du textile. D'après les plaignants, cette dernière n'aurait compté qu'un millier de membres alors qu'eux-mêmes auraient groupé douze mille affiliés.
  3. 172. Il ressortait encore des éléments dont disposait le Comité que les deux organisations syndicales en question étaient « représentatives » des travailleurs intéressés, une décision du juge compétent ayant, le 6 novembre 1962, reconnu à l'organisation plaignante comme à la Fédération des travailleurs grecs du textile la qualité d'organisation représentative.
  4. 173. Ayant entamé des négociations avec les employeurs en vue de la révision de la convention collective en vigueur, les deux organisations syndicales ont présenté des revendications différentes. Celles présentées par l'organisation plaignante ont été refusées par les employeurs. Celles présentées par la Fédération des travailleurs grecs du textile ont, par contre, été acceptées par les employeurs, qui ont conclu avec cette organisation un nouvel accord collectif, lequel a été approuvé par le ministre du Travail.
  5. 174. L'organisation plaignante, prétendant avoir été tenue à l'écart, a alors demandé au ministre du Travail que l'affaire soit portée devant un tribunal d'arbitrage. Le ministre a refusé d'agir de la sorte en invoquant le fait qu'ayant déjà approuvé une convention collective, il ne saurait en approuver une seconde.
  6. 175. En vue de faire trancher le différend, les deux organisations en présence ont saisi le Conseil d'Etat. Fidèle à sa pratique constante, le Comité, à sa session de février 1964, a recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement le texte de l'arrêt du Conseil d'Etat lorsque celui-ci aura été rendu.
  7. 176. Dans sa réponse datée du 27 juillet 1965, le gouvernement fournit le texte de l'arrêt du Conseil d'Etat ainsi que celui d'une décision du Tribunal administratif d'arbitrage de première instance du Pirée portant sur le caractère représentatif ou non des deux organisations intéressées.
  8. 177. Le Conseil d'Etat a constaté que par sa décision de 1962 (voir paragr. 172 ci-dessus), le Tribunal d'arbitrage de première instance d'Athènes avait statué que l'une et l'autre des organisations en lice étaient représentatives. Or, poursuit le Conseil d'Etat, le Tribunal d'arbitrage n'était pas habilité à prendre une telle décision, son rôle étant de déterminer laquelle des deux organisations était la plus représentative et, par suite, apte à représenter les travailleurs de la profession dans les négociations collectives. Il a donc annulé cette décision.
  9. 178. La question du caractère représentatif des deux organisations en présence ayant ensuite été portée devant le Tribunal d'arbitrage de première instance du Pirée, celui-ci, lors d'une audience publique tenue le 16 juillet 1964, a, sur la base des documents qui lui avaient été fournis, décidé qu'avec ses 17 syndicats affiliés groupant un total de 30 043 membres, la Fédération des travailleurs grecs du textile était la plus représentative de la profession, la Fédération panhellénique des filateurs et tisseurs ne comptant que 11 syndicats totalisant 21 040 membres.
  10. 179. Il ressort des constatations faites par le Tribunal d'arbitrage du Pirée - et dont il vient d'être question - que, contrairement aux allégations de l'organisation plaignante (voir paragr. 171 ci-dessus), celle-ci n'est pas la plus représentative des travailleurs du textile. Par ailleurs, l'arrêt du Conseil d'Etat faisant ressortir que seule l'organisation la plus représentative des travailleurs du textile est habilitée à négocier des conventions collectives, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes à l'appui des griefs présentés par eux à cet égard et recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives à une ingérence gouvernementale en matière de conventions collectives
  11. 180. Les plaignants alléguaient que la validité des conventions collectives relevait de la discrétion des ministres du Travail et de la Coordination; qui, disaient-ils, sont habilités à modifier les termes des conventions.
  12. 181. A sa session de février 1964, le Comité a constaté qu'en vertu de l'article 20 (2) de la loi no 3239, de 1955, en effet, « au cas où une convention collective... serait contraire à la politique générale du gouvernement dans les domaines économique et social ou s'opposerait à sa politique sur des points particuliers, les ministres de la Coordination et du Travail pourront... modifier tout ou partie de cette convention... ou refuser leur agrément au moyen d'un arrêté commun (accompagné des motifs)... ».
  13. 182. Dans ses observations, le gouvernement faisait valoir que cette disposition de la loi, laquelle date de 1955, avait été introduite pour répondre au besoin impérieux qui existait à cette époque d'assurer la stabilité économique et monétaire du pays. La situation s'étant depuis largement transformée, déclarait le gouvernement, il avait été décidé de modifier la loi sous ce rapport, et un projet de loi à cet effet avait été déposé devant le Parlement. Toutefois, précisait le gouvernement, ce projet n'a pas été voté en raison du changement gouvernemental survenu.
  14. 183. A sa session de février 1964, le Comité a considéré, avant de poursuivre l'examen de cet aspect du cas, qu'il serait pour lui opportun de connaître les intentions du gouvernement au sujet des amendements à la législation qui avaient été envisagés par son prédécesseur. C'est pourquoi il a recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui faire savoir s'il était dans ses intentions de modifier l'article de la loi no 3239 auquel il est fait allusion plus haut et, dans l'affirmative, de préciser la nature de la modification envisagée ou adoptée.
  15. 184. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'il résulte du texte de l'avant-projet de Code du travail, lequel a été communiqué au B.I.T, qu'un nouveau système de négociations collectives et d'arbitrage y est prévu, modifiant sur plusieurs points la loi no 3239.
  16. 185. Si l'on se reporte au texte de l'avant-projet, on constate qu'aux termes de l'article 327, paragraphe 2, le ministre du Travail semble habilité, dans certaines circonstances qui ne sont pas précisées, à refuser le dépôt d'une convention collective.
  17. 186. Le Comité considère que si les motifs de refus ne résident, par exemple, que dans des vices de forme, cette disposition ne serait pas contraire au principe de négociations volontaires énoncé dans la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par la Grèce. Le Comité estime par contre que, si cette disposition impliquait que le refus de dépôt d'une convention collective pourrait avoir comme justification l'invocation de motifs tels que ceux qui figurent à l'article 20 de la loi no 3239 cité au paragraphe 181 ci-dessus, elle équivaudrait à la nécessité d'une approbation préalable pour la mise en vigueur d'une convention collective et porterait atteinte au principe de négociation volontaire prévu par la convention précitée. A ce propos, le Comité, comme il l'avait fait à plusieurs occasions antérieures, se doit d'insister sur l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats de chercher, par voie de négociation collective ou par d'autres moyens licites, à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent ou à en entraver l'exercice légal.
  18. 187. Cela posé, le Comité considère néanmoins que l'opposition au principe de l'approbation préalable des conventions collectives par le gouvernement ne signifie pas que des moyens ne puissent pas être mis sur pied en vue d'inciter les parties aux négociations collectives à tenir compte volontairement dans leurs négociations de considérations relatives à la politique économique et sociale du gouvernement et à la sauvegarde de l'intérêt général. Mais, pour cela, il est tout d'abord nécessaire que les objectifs reconnus comme d'intérêt général aient fait l'objet d'une large consultation des parties à l'échelon national au sein d'un organisme consultatif tel que le Conseil national consultatif de politique sociale, conformément au principe énoncé par la recommandation (no 113) concernant la consultation et la collaboration entre les autorités publiques et les organisations d'employeurs et de travailleurs aux échelons industriel et national, 1960. On pourrait également étudier la possibilité d'une procédure permettant de signaler dans certains cas à l'attention des parties les considérations d'intérêt général qui appelleraient de leur part un nouvel examen des conventions envisagées. Toutefois, la persuasion devrait à cet égard toujours être préférée à la contrainte. Aussi, plutôt que de subordonner la validité des conventions collectives à l'approbation gouvernementale, on pourrait prévoir que toute convention collective qui serait déposée auprès du ministère du Travail entrerait normalement en vigueur, dans un délai raisonnable, suivant son dépôt; si l'autorité publique estimait que les termes de la convention proposée sont manifestement contraires aux objectifs de la politique économique reconnus comme souhaitables dans l'intérêt général, le cas pourrait être soumis pour avis et recommandation à un organisme consultatif approprié, étant entendu cependant que les parties devraient rester libres dans leur décision finale.
  19. 188. Etant donné que le gouvernement est en voie de réformer sa législation en la matière, le Comité espère que les observations et les suggestions qui précèdent pourront être prises en considération et il recommande donc au Conseil d'administration d'attirer sur elles l'attention du gouvernement.
    • Allégations relatives à la composition des tribunaux d'arbitrage
  20. 189. Les plaignants alléguaient que la loi no 3239 prévoyait l'arbitrage obligatoire par des tribunaux sans permettre à l'organisation intéressée d'y faire siéger ses représentants, le représentant des salariés étant choisi par le ministre du Travail parmi des représentants proposés exclusivement par la Confédération générale du travail de Grèce (C.G.T.)
  21. 190. Dans ses observations, le gouvernement précisait que les représentants des salariés dans les tribunaux d'arbitrage n'étaient pas choisis par les autorités sur une liste de personnes proposée par la C.G.T mais bien, en vertu de l'article 10 (1) de la loi no 3239, désignés directement par cette organisation en tant qu'organisation la plus représentative des travailleurs.
  22. 191. A sa session de février 1964, le Comité constatait que si les représentants des salariés dans les tribunaux d'arbitrage n'étaient pas choisis par le gouvernement sur la proposition de la C.G.T mais bien désignés directement par cette organisation, il n'en restait pas moins, en vertu même de la loi, que c'était à elle seule qu'il appartenait de déterminer quels seraient les représentants des travailleurs dans les tribunaux d'arbitrage. Or, déclarait le Comité, l'on sait que, parallèlement à la C.G.T, il existe en Grèce d'autres fédérations ouvrières. Sans vouloir mettre en doute le caractère représentatif de la C.G.T, le Comité a estimé qu'il serait mieux en mesure de se former une opinion en connaissance de cause s'il disposait de données précises quant à l'importance numérique et à la représentativité respectives des différentes grandes organisations syndicales existant en Grèce. Il avait donc recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement ces informations.
  23. 192. Dans sa réponse, le gouvernement s'abstient de faire allusion à cet aspect de l'affaire. Si l'on se reporte toutefois à l'avant-projet du Code du travail dont il a été question plus haut, on constate que l'article 356 se réfère à la notion de syndicats les plus représentatifs aux fins de leur participation au Conseil national d'arbitrage. On constate également, cependant, qu'il n'existe dans l'avant-projet aucune disposition définissant cette notion et que l'article 356 confie au ministre du Travail le pouvoir de décider de façon discrétionnaire quelles sont les organisations professionnelles qui doivent être considérées comme les plus représentatives.
  24. 193. Le Comité estime qu'en la matière, il importe que l'intervention de l'Etat se borne à reconnaître une situation de fait et que pour déterminer cette situation de fait, c'est-à-dire pour évaluer si une organisation a le caractère représentatif, il est indispensable que l'on se fonde sur des critères objectifs établis à l'avance par un organisme indépendant et eux-mêmes basés sur des éléments n'offrant pas de possibilité d'abus.
  25. 194. Ici encore, pour la même raison que celle qui est indiquée au paragraphe 188 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les observations contenues au paragraphe précédent.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 195. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées au paragraphe 179 ci-dessus, que les allégations relatives à des atteintes au droit de négociation collective n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) d'appeler, en ce qui concerne les allégations relatives à une ingérence gouvernementale en matière de conventions collectives, l'attention du gouvernement sur les observations et suggestions contenues aux paragraphes 186 et 187 ci-dessus;
    • c) d'appeler, en ce qui concerne les allégations relatives à la composition des tribunaux d'arbitrage, l'attention du gouvernement sur l'opinion selon laquelle lorsque l'on évalue si une organisation a le caractère représentatif en vue de sa participation dans la composition de tels tribunaux, il importe que l'intervention de l'Etat se borne à reconnaître une situation de fait et qu'il est indispensable, pour ce faire, que l'on se fonde sur des critères objectifs établis à l'avance par un organisme indépendant et eux-mêmes basés sur des éléments n'offrant pas de possibilité d'abus.
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