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- 72. La plainte de la Confédération internationale des syndicats chrétiens figure dans une communication adressée directement à l'O.I.T le 14 septembre 1962. Le gouvernement argentin a envoyé ses observations par une lettre du 22 janvier 1963. Le Comité a examiné la plainte à sa session de février 1963 et a décidé de prier le gouvernement de fournir certaines informations complémentaires. Le gouvernement a adressé de nouvelles informations par ses communications des 5 avril et 21 mai 1963. Le Comité a examiné de nouveau le cas lors de sa session de novembre 1963. Il a abouti à certaines conclusions et a demandé une nouvelle fois des informations complémentaires. Le gouvernement a envoyé sa réponse par une communication datée du 20 janvier 1964.
- 73. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
74. La Confédération internationale des syndicats chrétiens allègue que le gouvernement argentin aurait retiré la personnalité syndicale à trois fédérations, à savoir: la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications, la Fédération argentine des industries graphiques et l'Association argentine des ouvriers du textile. L'organisation plaignante ajoute que cette décision est en contradiction flagrante avec la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
74. La Confédération internationale des syndicats chrétiens allègue que le gouvernement argentin aurait retiré la personnalité syndicale à trois fédérations, à savoir: la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications, la Fédération argentine des industries graphiques et l'Association argentine des ouvriers du textile. L'organisation plaignante ajoute que cette décision est en contradiction flagrante avec la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.- 75. Le gouvernement, dans sa réponse du 22 janvier 1963, déclare, en premier lieu, que la plainte se rapporte au retrait de la personnalité syndicale aux associations professionnelles de travailleurs suivantes : Fédération des ouvriers et employés des 'postes et des télécommunications, Fédération argentine des industries graphiques, Fédération des indus tries graphiques de Buenos Aires et Association argentine des ouvriers du textile. Le gouvernement indique en outre que le retrait de la personnalité syndicale s'est effectué conformément aux décisions no 535/62, 530/62 et 531/62 du ministère du Travail et de la Sécurité sociale (dont il joignait copie) et que les considérants de ces décisions ont dûment exposé les motifs dont l'autorité compétente a tenu compte pour l'adoption des mesures en question.
- 76. Le Comité a relevé que le gouvernement faisait référence à quatre organisations les trois mentionnées par le plaignant et la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires, alors que dans le reste de sa réponse il ne faisait aucune mention de la situation de la Fédération argentine des industries graphiques. En conséquence, le Comité a prié le gouvernement de lui faire savoir si la personnalité syndicale avait été retirée, à un moment quelconque, à la Fédération argentine des industries graphiques. Dans sa réponse, en date du 21 mai 1963, le gouvernement précise que la Fédération argentine des industries graphiques s'est vu supprimer la personnalité syndicale conformément à la décision no 704 du 22 décembre 1959, la personnalité syndicale ayant été accordée à la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires au titre d'organisation du premier degré. Ainsi, poursuit le gouvernement, la Fédération argentine des industries graphiques est devenue une organisation du deuxième degré, sous l'appellation de Fédération argentine des travailleurs de l'imprimerie, reconnue par décision no 323 du 9 juin 1960. Le Comité a fait remarquer qu'une erreur s'était glissée dans la plainte originelle, puisqu'on y a confondu la Fédération argentine des industries graphiques avec la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires. Comme il ne semble y avoir, par conséquent, aucun problème en ce qui concerne la Fédération argentine des industries graphiques, qui s'est transformée en Fédération argentine des travailleurs de l'imprimerie, le Comité a décidé de recommander au Conseil d'administration que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 77. En ce qui concerne le retrait de la personnalité syndicale à la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires, à la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications ainsi qu'à l'Association argentine des ouvriers du textile, les motifs exposés dans les diverses décisions sont les suivants: dans le cas de la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires, l'inobservation par cette organisation d'une décision du 20 août 1962, émanant de la Direction générale des relations de travail et enjoignant à la Fédération de reprendre normalement les tâches qu'elle avait interrompues arbitrairement pour obtenir des augmentations de salaire; dans le cas de la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications, l'inobservation d'une décision du 24 août 1962, émanant également de la Direction générale des relations de travail et tendant à mettre fin à un mouvement de force qui avait pour seul fondement « le retard dans le paiement des appointements et des salaires du mois de juillet précédent, bien que, le 22 du mois en question, les traitements eussent été versés aux facteurs, aux messagers et, d'une manière générale, aux fonctionnaires en uniforme et que des dispositions eussent été prises pour payer le reste du personnel au fur et à mesure des recouvrements et des recettes »; enfin, dans le cas de l'Association argentine des ouvriers du textile, le fait que cette organisation ait rejeté la compétence du ministère du Travail pour le contrôle de la comptabilité de l'association, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 17 de la loi 14455 sur les associations professionnelles de travailleurs. Les trois décisions en question concluent que ladite organisation, n'ayant pas observé « les dispositions prescrites par l'autorité compétente dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi », s'est rendue passible de la sanction prévue au paragraphe 2 de l'article 34 de la loi 14.455. Le paragraphe 2 de l'article 34 est rédigé en ces termes
- 34. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est chargé d'appliquer la présente loi et est habilité à:
- 1....................................................................................................................................................
- 2. Suspendre ou annuler le statut syndical d'une association professionnelle pour l'un des motifs suivants:
- a)...................................................................................................................................................
- b) inobservation des dispositions prescrites par l'autorité compétente dans l'exercice des facultés qui lui sont conférées par la loi;
- ......................................................................................................................................................
- Dans les trois décisions précitées, il a été décidé d'annuler le statut syndical accordé à l'organisation en question.
- 78. Le gouvernement déclare également dans sa réponse que les faits qui motivent la plainte n'ont impliqué, dans aucun des trois cas, une violation des principes contenus dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, puisque, comme cela s'est passé dans des cas antérieurs, le retrait de la personnalité syndicale représente uniquement la suspension du droit spécifique, l'association, comme telle, subsistant avec tous les droits qui lui sont propres. Le gouvernement ajoute que l'article 37 de la loi 14455 reconnaît aux organisations intéressées le droit de présenter un recours devant la Cour nationale d'appel de la justice du travail, droit que les trois organisations en question ont exercé. Enfin, le gouvernement déclare que la Cour nationale d'appel de la justice du travail a prononcé un jugement (dont il fournit la copie) annulant la décision qui visait la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires, qu'un jugement a été prononcé dans le cas de la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications et que, dans le cas de l'Association argentine des ouvriers du textile, la juridiction d'appel ne s'est pas encore prononcée, mais que le Comité de la liberté syndicale sera informé en temps opportun.
- 79. Le Comité, tout en reconnaissant que, conformément à la législation syndicale argentine - ainsi que l'affirme le gouvernement - le retrait de la personnalité syndicale ne suppose pas la dissolution de l'organisation frappée par cette mesure, rappelle néanmoins que dans des cas antérieurs, relatifs également à l'Argentine, il a précisé que, « du point de vue strictement syndical, le rôle imparti aux syndicats qui ne jouissent pas de la personnalité syndicale est extrêmement limité » et qu'« étant donné que la distinction opérée par la loi entre organisations jouissant de la personnalité syndicale et organisations ordinaires se traduit, pour celles-ci, par une impossibilité de défendre les intérêts professionnels, le Comité avait estimé que les organisations dépourvues de personnalité syndicale n'ont pas le droit d'organiser librement leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action ».
- 80. Le Comité a noté que, dans le cas présent, il ne semble pas se dégager clairement des allégations formulées par les plaignants, de la réponse du gouvernement, pas plus que du texte de la loi no 14455 sur les associations professionnelles de travailleurs si le retrait de la personnalité syndicale est devenu effectif dès que les décisions nos 535/62, 530/62 et 531/62 ont été prises et si elle a été seulement recouvrée dans le cas de la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires et de la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications lorsque la Cour nationale d'appel de la justice du travail a rapporté ces dispositions, ou si, au contraire, ces organisations ont conservé leur personnalité syndicale pendant toute la période qui s'est écoulée entre la date à laquelle ont été prises les décisions administratives leur retirant la personnalité syndicale et la date de la sentence judiciaire les annulant, ou seulement à partir du moment où les intéressés ont interjeté appel. Dans ces circonstances, le Comité a décidé de demander des informations complémentaires au gouvernement argentin sur cet aspect du cas, ainsi que sur l'état actuel de la procédure à la suite de l'appel interjeté par l'Association argentine des ouvriers du textile.
- 81. Dans sa note du 5 avril 1963, le gouvernement a adressé une copie de la décision no 106 du 5 mars de cette même année, aux termes de laquelle il est décidé de restituer la personnalité syndicale à l'Association argentine des ouvriers du textile. Dans sa communication du 21 mai 1963, le gouvernement a fait parvenir des copies des décisions nos 530 et 535, annulant la personnalité syndicale de la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires et de la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications. Le Comité a noté que le gouvernement n'avait pas répondu à la demande concernant les effets pratiques immédiats des décisions ministérielles aux termes desquelles la personnalité syndicale a été retirée aux syndicats en question.
- 82. Etant donné que l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, établit qu'une organisation de travailleurs ou d'employeurs n'est pas sujette à dissolution ou à suspension par voie administrative, le Comité a prié une fois de plus le gouvernement de faire savoir si le retrait de la personnalité syndicale à la Fédération des industries graphiques de Buenos Aires, à la Fédération des ouvriers et employés des postes et des télécommunications et à l'Association argentine des ouvriers du textile est devenu effectif au moment où les diverses décisions administratives ont été prises, ce droit n'ayant été recouvré par lesdites organisations que lorsqu'ont été prononcés les jugements de la Cour nationale d'appel de la justice du travail ou au moment où ont été prises les décisions administratives restituant la personnalité syndicale, ou si, au contraire, ces organisations ont conservé à tout moment leur personnalité syndicale et les droits que la loi reconnaît aux organisations de ce genre.
- 83. Dans la communication qu'il a adressée au Bureau le 20 janvier 1964, le gouvernement se réfère aux informations qu'il a fournies antérieurement à ce sujet; il précise toutefois que les décisions administratives dont il est question dans le présent cas, décisions qui ont été prises par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont propres étant donné qu'il est l'autorité chargée de l'application de la disposition relative à la suspension et à l'annulation de la personnalité syndicale contenue dans la loi 14455, étaient effectives du fait même qu'elles avaient été prises et, partant, mettaient les organisations visées dans l'impossibilité d'exercer les droits que la loi reconnaît aux associations professionnelles jouissant de la personnalité syndicale. Le gouvernement ajoute que, conformément à l'article 37 de la loi 14455, les associations professionnelles ont le droit de recourir devant la Cour nationale d'appel de la justice du travail contre les décisions de suspendre ou d'annuler la personnalité syndicale prises par l'autorité administrative. C'est la Cour nationale d'appel de la justice du travail qui se prononce en dernier ressort sur la validité de telles décisions, soit en les confirmant, soit en les rapportant, comme ce fut le cas en ce qui concerne les associations professionnelles dont il est question dans la présente plainte.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 84. Bien que le gouvernement n'ait pas répondu d'une manière précise en fournissant les informations qui lui étaient demandées, le Comité infère de sa réponse que les décisions administratives retirant la personnalité syndicale aux organisations intéressées, de même que les effets de ces décisions sur le plan syndical devinrent effectifs aussitôt qu'elles eurent été prises. Il semble que ce n'est que lorsque ces mesures furent annulées par voie judiciaire ou que la personnalité syndicale fut restituée au syndicat intéressé par une décision du ministère du Travail et de la Sécurité sociale que les organisations en question recouvrèrent dans la pratique les droits que la loi 14455 reconnaît aux associations professionnelles jouissant de la personnalité syndicale.
- 85. Compte tenu de ce qui précède, le Comité, eu égard aux droits que la loi reconnaît aux associations professionnelles jouissant de la personnalité syndicale, estime que la législation argentine permet l'adoption de mesures ayant des effets immédiats semblables à la suspension ou à la dissolution d'une organisation de travailleurs par voie administrative, contrairement aux dispositions de l'article 4 de la convention no 87. Il considère que, lorsqu'il s'agit de questions de ce genre, il ne doit pas se borner à examiner l'aspect théorique de la mesure qui a été prise, mais étudier le fond du problème et les effets de cette mesure sur les organisations visées. Quand bien même théoriquement ces dernières n'auraient pas été suspendues ou dissoutes, les résultats pratiques de la mesure adoptée pourraient être équivalents à ceux d'une suspension ou d'une dissolution effective. La convention no 87 constitue une garantie des droits fondamentaux des organisations professionnelles et, dans ce sens, la portée de ses dispositions ne se limite pas aux questions théoriques, mais s'étend aux problèmes réels et aux situations concrètes.
- 86. Le Comité a déjà signalé antérieurement que, dans le cas où des mesures de suspension sont prises par une autorité administrative, ces mesures risquent de paraître arbitraires, même si elles sont provisoires, limitées dans le temps et suivies d'une action judiciaire. En conséquence, le Comité estime que, pour que le principe énoncé à l'article 4 de la convention no 87 soit appliqué d'une manière appropriée, il ne suffit pas que la législation reconnaisse le droit de recourir contre les décisions de suspension ou de dissolution prises par une autorité administrative, mais qu'il est nécessaire que lesdites décisions ne commencent à porter effet que lorsqu'elles n'ont pas fait l'objet d'un recours dans les délais prévus par la loi ou qu'elles ont été confirmées par l'autorité judiciaire.
- 87. D'autre part, comme il l'a déjà fait en d'autres occasions au sujet du refus d'enregistrer un syndicat et conformément à ce qu'a déclaré la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations , le Comité désire signaler que lorsque l'autorité administrative possède un pouvoir discrétionnaire pour enregistrer ou annuler l'enregistrement d'un syndicat, l'existence d'une procédure de recours judiciaire ne semble pas une garantie suffisante: en effet, cela ne modifie pas la nature des pouvoirs conférés aux autorités administratives, et les juges saisis d'un tel recours n'auraient eux-mêmes que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée. En conséquence, le Comité doit rappeler l'importance qu'il attache au fait que les juges puissent connaître le fond de la question dont ils sont saisis, afin d'être à même de déterminer si les dispositions sur lesquelles sont fondées les décisions administratives faisant l'objet d'un recours enfreignent ou non les droits que la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, reconnaît aux organisations professionnelles.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 88. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement argentin sur l'importance qu'il attache au principe énoncé à l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui a été ratifiée par l'Argentine, principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne doivent pas être sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
- b) de prier le gouvernement argentin d'examiner la possibilité de modifier les dispositions de la législation à la lumière des deux paragraphes précédents;
- c) de porter ces conclusions à la connaissance de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.