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- 81. La plainte de la F.S.M est contenue dans une communication du 15 avril 1960 adressée au Directeur général du B.I.T. Après avoir rappelé les résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité au sujet de la politique raciale de l'Union sud-africaine, les plaignants déclarent que, le 30 mars 1960, plus de 100 membres du Mouvement de la liberté (Freedom Movement) et chefs syndicalistes ou militants ont été arrêtés en application du Public Security Act de 1953; parmi les personnes arrêtées se trouveraient MM. Léon Levy et Leslie Massena, respectivement président et secrétaire général du Congrès des syndicats d'Afrique du Sud.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 82. Les plaignants allèguent que parmi les dirigeants et les militants syndicaux arrêtés se trouveraient les dirigeants de la Fédération des travailleurs de la confection (Johannesburg), du Syndicat des cheminots (Durban), de la Fédération des travailleurs des industries alimentaires (Cap de Bonne-Espérance), du Syndicat des travailleurs du textile (Durban) et de la Fédération des travailleurs du textile (Johannesburg); la liste comprendrait huit Africains, un Indien et trois Blancs appartenant au Congrès des syndicats.
- 83. Les plaignants allèguent qu'en vertu du Public Security Act de 1953, le gouverneur général est habilité à proclamer l'état d'urgence, à suspendre les activités parlementaires et à gouverner par décrets. Au dire des plaignants, l'état d'urgence a été proclamé le 30 mars 1960. Tant que l'état d'urgence est en vigueur, les personnes arrêtées peuvent être maintenues en prison trente jours sans que leur nom soit rendu public; ni leurs avocats ni leur famille ne sont autorisés à leur rendre visite.
- 84. Selon les plaignants, les personnes intéressées auraient été arrêtées pour avoir pris part à la lutte contre la discrimination raciale et pour la sauvegarde des droits syndicaux et démocratiques. Les arrestations eurent lieu spécialement à la suite de l'« arrêt général du travail couronné de succès » du 28 mars 1960 déclenché pour protester contre le « massacre de Sharpeville » - grève à laquelle, déclarent les plaignants, 95 pour cent de la population a pris part. Pour reprendre la formule utilisée par les plaignants: « Le Congrès national africain a déclaré le 28 mars 1960 une journée de deuil à la mémoire des victimes du massacre de Sharpeville du 21 mars 1960. » Les plaignants déclarent que la police et l'armée ont forcé les travailleurs par tous les moyens à reprendre le travail et ont pénétré dans les locaux habités par les Africains dans la ville de Nyanga; 1.500 personnes auraient été appréhendées et près de 200 maintenues en état d'arrestation. Pendant l'état d'urgence, il est interdit d'influencer les travailleurs pour qu'ils participent à la grève; en dépit de ces mesures, à la date où la plainte a été déposée, la grève s'était prolongée deux semaines durant. Ces événements, concluent les plaignants, constituent une grave violation du droit de grève.
- 85. En communiquant la plainte au gouvernement le 5 mai 1960 pour observations, le Directeur général a indiqué à ce dernier que puisque la plainte se rapporte à des questions relatives à la vie et à la liberté d'individus, le cas rentre dans la catégorie de ceux que le Conseil d'administration considère comme urgents, cas dans lesquels, conformément à la décision prise par le Conseil à sa 140ème session (novembre 1958), le gouvernement intéressé est prié, au nom du Conseil d'administration, de fournir une réponse particulièrement rapide.
- 86. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une lettre du 25 juin 1960.
- 87. Après avoir rappelé son objection fondamentale au fonctionnement du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement présente ses observations sur le fond des allégations formulées. Ce faisant, toutefois, il fait observer que lesdites allégations se rapportent entière ment à des mesures prises pour mettre fin à des troubles de caractère politique suscités par des éléments subversifs, que la question est entièrement politique et, par conséquent, hors du champ d'action de l'Organisation internationale du Travail. Par suite, déclare le gouvernement, il « ne se sent pas tenu de répondre de façon circonstanciée aux allégations formulées ».
- 88. Le gouvernement indique qu'il entend déclarer sans équivoque que les mesures prises ne visaient aucun syndicat ou aucun syndicaliste et qu'aucune organisation syndicale particulière n'avait été visée par l'état d'urgence qu'il avait été jugé nécessaire de proclamer afin de maintenir l'ordre et la paix. Le simple fait qu'une personne soit militant ou dirigeant syndical, estime le gouvernement, n'est pas une raison pour que cette personne, soit exemptée, de par sa qualité, du devoir d'obéissance à la loi nationale, laquelle s'applique à tous les citoyens. Le gouvernement ajoute que tous les cas de personnes détenues en vertu des Emergency Regulations font l'objet d'une enquête et que des procédures seront entamées dès que les enquêtes auront abouti.
- 89. Le gouvernement nie que la police et l'armée aient été utilisées en vue de contraindre les travailleurs à reprendre le travail. D'après le gouvernement, il n'y eut jamais de grève générale; il y eut cependant une campagne d'intimidation visant à inciter les travailleurs à cesser le travail. Des moyens illégaux et violents ayant été utilisés à cette fin, la police a été forcée de protéger les travailleurs respectueux de la loi pour leur permettre de rejoindre leurs lieux de travail.
- 90. Le gouvernement présente ces observations sans renier ses objections primitives quant à la compétence du Comité. Sur ce point, le Comité confirme le point de vue qu'il avait exprimé dans plusieurs cas précédents selon lequel il estime qu'étant donné la décision prise en la matière par la Conférence internationale du Travail à sa 33ème session, en 1950, il ne lui appartient pas de réexaminer la question de la compétence de l'O.I.T pour établir la procédure d'investigation et d'enquête.
- 91. En ce qui concerne l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'ensemble de la plainte constitue une affaire politique, le Comité, dans plusieurs cas antérieurs, avait été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits. Suivant en cela sa pratique habituelle, le Comité estime que, dans la mesure où les personnes nommément désignées dans le cas présent sont des militants et des dirigeants syndicaux, il est compétent, tout en se bornant à déterminer jusqu'à quel point les mesures dont on allègue qu'elles ont été prises se rapportent à l'exercice des droits syndicaux ou affectent cet exercice, pour examiner quant au fond les questions soulevées en ce qui concerne l'exercice du droit de grève ainsi que l'arrestation et la détention de militants et de dirigeants syndicaux.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 92. En ce qui concerne les allégations relatives à la violation du droit de grève, le Comité, dans plusieurs cas antérieurs, avait fait remarquer que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts sociaux et économiques communs. Il a toutefois rejeté des allégations concernant des grèves en raison de leur caractère non professionnel, parce qu'elles visaient à faire pression sur le gouvernement sur des questions politiques ou parce qu'elles étaient dirigées contre la politique du gouvernement sans avoir pour objet un conflit du travail ». Dans le cas d'espèce, il ressort clairement de la plainte elle-même que la grève en question a été déclenchée pour protester «contre le massacre de Sharpeville» en un jour spécial destiné à être une « journée de deuil » par le Congrès national africain et que le mouvement a été suivi par 95 pour cent de la population dans son ensemble, c'est-à-dire, par conséquent, tant par des syndicalistes que par des non-syndicalistes. Dans ces conditions, le Comité estime devoir suivre sa pratique habituelle en n'examinant pas des allégations relatives à des grèves d'une semblable nature et recommander donc au Conseil d'administration de décider que les allégations relatives à une violation du droit de grève n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- 93. Reste à examiner la question de l'arrestation et de la détention d'un certain nombre de militants et de dirigeants syndicaux dont les noms ou les fonctions syndicales sont précisés par les plaignants.
- 94. Le Comité a observé qu'il est allégué que ces arrestations auraient été opérées à la suite de l'arrêt du travail du 28 mars 1960. Il semblerait toutefois ressortir tant de la plainte que de la réponse du gouvernement - cette dernière déclare même qu'il n'y a pas eu de grève générale - que les arrestations ont eu lieu alors qu'existait l'état d'urgence et que leur motif n'était pas nécessairement limité à une participation ou à un encouragement à la grève. Pour reprendre les termes du gouvernement, les mesures prises l'ont été alors qu'existait l'état d'urgence dont la proclamation avait été jugée nécessaire pour le maintien de la paix et de l'ordre, et elles n'étaient pas dirigées contre les syndicalistes (ou leurs organisations) par opposition au reste des citoyens. Les plaignants déclarent que les personnes arrêtées ont été poursuivies en partie en raison de leur hostilité à la politique raciale du gouvernement et en partie pour avoir pris part à la lutte pour la sauvegarde des droits syndicaux. Il ne ressort pas clairement des données dont dispose le Comité dans quelle mesure les activités syndicales des intéressés ont effectivement constitué un élément ayant conduit à leur arrestation bien qu'il soit allégué formellement que ces activités aient motivé, du moins en partie, la mesure incriminée.
- 95. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a insisté sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, et notamment lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. De plus, par le passé, lorsque les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient en fait été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations, et en particulier sur la procédure légale ou judiciaire engagée à la suite des arrestations et sur le résultat de ces procédures. En l'espèce, le gouvernement lui-même déclare que le cas des personnes détenues en vertu des Emergency Regulations fait l'objet d'une enquête et que des procédures seront instituées dès que les enquêtes auront abouti.
- 96. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe d'un jugement prompt et équitable rappelé au paragraphe 95 ci-dessus et de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations sur les procédures légales ou judiciaires qui - dit le gouvernement - vont être instituées dans le cas, mentionné par les plaignants, des dirigeants syndicaux détenus, ainsi que sur le résultat de ces procédures.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 97. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider que, pour les raisons indiquées au paragraphe 92 ci-dessus, les allégations relatives à la violation du droit de grève à propos de la grève qui aurait été déclenchée le 28 mars 1960 n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée à ce que dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- c) de demander au gouvernement, en vertu du principe énoncé ci-dessus, de bien vouloir fournir au Conseil d'administration des informations sur les procédures légales ou judiciaires qui, selon le gouvernement, vont être instituées dans le cas, mentionné par les plaignants, des dirigeants syndicaux détenus, ainsi que sur le résultat de ces procédures.