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Rapport intérimaire - Rapport No. 48, 1961

Cas no 193 (Myanmar) - Date de la plainte: 19-JANV.-59 - Clos

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  1. 37. La plainte du Syndicat des dockers (Rangoon) est contenue dans un télégramme du 19 janvier 1959 et une lettre du 15 février 1959, adressés l'un et l'autre directement au Directeur général du B.I.T. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur la plainte par une communication du 28 août 1959. Au cours de sa session des 9 et 10 novembre 1959, le Comité a décidé de demander au gouvernement de lui fournir de nouvelles informations sur certains points, ce que le gouvernement a fait par une communication du 27 mars 1960.
  2. 38. La Birmanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 39. Les plaignants allèguent qu'à partir du mois d'avril 1958, les employés du Rangoon Port Management Board, organisation semi-gouvernementale, se trouvaient organisés au sein de trois différents syndicats: la Port Workers Federation, la Federation of Port Workers et le Dock Workers Union (Syndicat des dockers), affiliés respectivement au Trade Union Congress (Burma), à l'Union Labour Organisation et au Burma Trade Union Congress. Les plaignants affirment que le Port Management Board a reconnu aux trois syndicats le droit de négocier collectivement. En 1958, après que certains changements politiques furent intervenus dans le gouvernement, des officiers supérieurs de l'armée auraient été mis à la tête de plusieurs administrations; en particulier, un officier de marine aurait été nommé commissaire spécial au Rangoon Port Management Board. Les plaignants allèguent que, le 14 janvier 1959, ce commissaire spécial aurait ordonné la dissolution, avant la fin de janvier 1959, de tous les syndicats existants groupant les travailleurs du Board; il aurait ordonné en outre que ces travailleurs adhèrent uniquement à un nouveau syndicat contrôlé par les autorités; il aurait décrété encore que les autorités portuaires constitueraient le nouveau syndicat lorsque 50 pour cent des travailleurs se seraient inscrits comme membres, et alors seulement. Il aurait déclaré enfin que le nouveau syndicat n'aurait l'autorisation de s'affilier à aucune autre fédération syndicale ou centre national. Les plaignants estiment que ces décisions s'inscrivent en violation de la convention (Do 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie.
  2. 40. Le gouvernement a déclaré, dans sa communication du 28 août 1959, qu'il a été de coutume en Birmanie dès avant la guerre, que les employés du gouvernement et des organismes patronnés par le gouvernement (comme le Rangoon Port Management Board) soient autorisés à constituer des «associations de service » comme il est prévu par le Burma Government Servants Conduct Rules de 1940, alors que les travailleurs du secteur privé peuvent constituer des syndicats au sens de la loi de 1926 sur les syndicats. Peu après la guerre, a déclaré le gouvernement, la Fédération des travailleurs portuaires de Rangoon (Workers Federation of the Rangoon Port Employees) a connu une scission, conséquence d'influences politiques qui ont commencé à se manifester lorsque le parti socialiste fut devenu le parti le plus puissant. C'est alors qu'apparurent les trois syndicats rivaux de travailleurs portuaires, reconstitués sous la forme de syndicats et non plus d'« associations de Service»; ces syndicats - déclare le gouvernement - ont accepté d'être sous le contrôle d'un parti politique, violant ainsi la loi, qui interdit aux « associations de service » de participer à des activités politiques et d'accepter comme membres des personnes n'étant pas des travailleurs portuaires. Le gouvernement a déclaré que le Board du port de Rangoon n'a jamais reconnu que les syndicats groupant plus de 50 pour cent des travailleurs du port, étant donné qu'aucun des trois syndicats en question ne remplissait cette condition et qu'en outre, ils ne poursuivaient pas des buts syndicaux, mais se livraient à une politique de parti, «ils n'ont pas été reconnus officiellement, les cotisations syndicales n'ont pu être perçues et ils n'ont eu qu'une existence théorique ». Le gouvernement a déclaré, d'autre part, qu'afin de faciliter la constitution d'un «Syndicat homogène auquel pourraient appartenir tous les travailleurs, indépendamment de leurs convictions politiques », les syndicats existants ont été informés qu'ils ne seraient pas reconnus à dater du 31 janvier 1959 et qu'un syndicat « libre de toute allégeance politique serait constitué ». Le gouvernement a signalé que les trois syndicats existant vers la fin de 1958 ne se conformaient pas aux dispositions du Government Servants Conduct Rules en raison du fait que des personnes n'entrant pas dans la catégorie professionnelle intéressée en étaient membres ou dirigeants. Le gouvernement a invoqué également le fait « qu'en vertu de l'accord (le Government Servants Conduct Rules) passé entre le Rangoon Port Management Board et ses employés, les dispositions de la loi sur les syndicats ne sauraient être applicables aux employés du port (disposition ii) de l'article 2 de la loi sur les syndicats) ». Dans ces conditions - a déclaré le gouvernement -- -, « la mesure de dissolution des syndicats prise par le commissaire spécial du Board n'a violé ni la législation birmane ni les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  3. 41. Le Comité a fait observer, au cours de sa session des 9 et 10 novembre 1959, que le présent cas soulève plusieurs points ayant trait au droit des employés des entreprises publiques ou semi-publiques de créer et de s'affilier aux organisations de leur choix, conformément à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie, et à l'application de l'article 4 de cette convention, qui dispose que les organisations de travailleurs ne devront pas être dissoutes ou suspendues par voie administrative. Il a fait remarquer que le gouvernement a admis que des mesures administratives avaient été prises en vue de la dissolution des syndicats des travailleurs du port de Rangoon, mais a estimé que ces syndicats n'étaient pas habilités à bénéficier des dispositions de la loi de 1926 sur les syndicats. Le gouvernement a fondé en partie son raisonnement sur la disposition ii) de l'article 2 de la loi, qui prévoit que celle-ci ne saurait affecter «les accords passés entre un employeur et ses employés en ce qui concerne un tel emploi ». Le gouvernement semblait estimer qu'il subsistait un accord qui plaçait les employés du port de Rangoon hors du champ d'application de la loi sur les syndicats, car il a déclaré, en effet, qu'« en vertu de l'accord (The Government Servants Conduct Rudes) passé entre le Board et ses employés, les dispositions de la loi sur les syndicats ne sauraient être appliquées à ces employés ». Copie des «Règles » dont il est question a été fournie par le gouvernement. Elles ont été publiées sous le titre de Home Department (General Branch) Notification No. 403 » du 14 mai 1940. Le Comité a estimé qu'il n'existe rien dans le texte de ces «Règles » qui donne à penser qu'elles constituent, ou sont fondées sur, un « accord passé entre un employeur et ses employés en ce qui concerne un tel emploi ».
  4. 42. Etant donné le fait que les allégations dont le Comité est saisi, semblent, si on les rapproche des faits reconnus par le gouvernement dans sa réponse, soulever d'importantes questions portant sur le droit des travailleurs des entreprises publiques de former des syndicats- point sur lequel une demande directe d'information a été faite en 1959 par la Commission d'experts sur l'application des conventions et recommandations -- et sur la possibilité pour les organisations des travailleurs en question d'être dissoutes par voie administrative, le Comité a estimé qu'avant d'examiner quant au fond ce qui est, en réalité, une question d'application d'une convention ratifiée, il convient qu'il ait apprécié pleinement le raisonnement sur lequel se fonde la réponse du gouvernement. Plus précisément, le Comité a décidé de demander au gouvernement de bien vouloir lui expliquer en quoi les « Government Servants Conduct Rules » pourraient constituer un accord - liant les trois syndicats dissous - de nature telle qu'il prive les employés portuaires et leurs organisations du bénéfice des dispositions de la loi de 1926 sur les syndicats, et de fournir le texte de toute convention collective ou autre accord sur lesquels il a fondé son affirmation.
  5. 43. A la suite de cette demande, le gouvernement a fourni de nouvelles informations par une communication du 27 mars 1960, dans laquelle il déclare que les employés du Rangoon Port Management Board se trouvent dans la même situation que celle des fonctionnaires du gouvernement « en ce qui concerne leurs règles de conduite et leurs conditions de service », et ceci, conformément à une coutume consacrée depuis de longues années, et en vertu d'un « accord tacite entre le Board et ses employés: ceux-ci, qui bénéficient des avantages et privilèges découlant du Statut des fonctionnaires de l'Etat, en acceptent, en revanche, les devoirs et les règles de conduite ». Les Government Servants Conduct Rules autorisent la création des « associations de service », mais non de « syndicats». Selon le gouvernement, les « syndicats » qui existaient antérieurement dans le port, comportaient «une prépondérance de membres extérieurs », et « acceptaient de confier la direction de leurs comités aux partis politiques», ce qui serait maintenant contraire aux dispositions de la loi d'amendement sur les syndicats, promulguée le 29 septembre 1959. Le gouvernement a envoyé le texte de cette loi. En conclusion, il confirme que les employés du port de Rangoon jouissent de la liberté de s'organiser dans le cadre de la législation en vigueur, laquelle n'est pas incompatible avec l'article 8 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  6. 44. Il convient d'examiner, à la lumière de cette dernière convention, un certain nombre de dispositions de la nouvelle loi birmane qui, étant postérieure au plus récent rapport examiné par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations - celui-ci portant sur la période allant du 1er juillet au 30 juin 1959 -, n'a pas encore été examinée par cette Commission. Toutefois, avant de procéder à l'examen de ces dispositions, le Comité a observé qu'il est admis par le gouvernement que «des mesures portant dissolution des syndicats » d'employés du port de Rangoon avaient été prises «par le commissaire spécial du Rangoon Port Management Board (voir paragraphe 40 ci-dessus), en janvier 1959, ou aux environs de cette date. Le gouvernement déclare en outre que ces syndicats ont été constitués dans des conditions telles qu'ils auraient enfreint les dispositions de la loi modificatrice du 29 septembre 1959 sur les syndicats, si on les avait laissé fonctionner. Cette loi, certes, n'était pas encore votée au moment même de la dissolution desdits syndicats, mais ceux-ci, ajoute le gouvernement, étaient illégaux en ce sens qu'entre autres choses, ils ne respectaient pas les Government Servants Conduct Rules. Le Comité estime, comme il l'a fait dans le cas no 2, relatif au Venezuela, que le fait qu'un syndicat se conforme entièrement ou non à la loi importe peu. Ce qui l'intéresse, et qui est par ailleurs nettement établi, c'est que sa dissolution résulte d'une décision administrative, et non judiciaire. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que la dissolution des syndicats de travailleurs du port de Rangoon par voie administrative, au mois de janvier ou aux environs du mois de janvier 1959, constitue une violation de l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté d'association et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie, en vertu duquel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
  7. 45. En vertu de l'article 4 de la loi de 1926 sur les syndicats, modifiée par la loi de 1959 précitée, un syndicat ne peut être enregistré que si le nombre de ses membres dépasse 50 pour cent du nombre total des employés en service dans l'entreprise ou l'établissement considéré. Selon le gouvernement, cette disposition concerne seulement les travailleurs du secteur privé et non les fonctionnaires, comme c'est le cas des employés du port de Rangoon auxquels ladite loi ne s'applique pas. L'enregistrement n'est pas obligatoire, mais il confère certains avantages essentiels au fonctionnement d'un syndicat tels que le droit de constituer un fonds politique (article 16 de la loi de 1926 sur les syndicats), la protection contre les poursuites pour délits de coalition et immunité contre les poursuites civiles (articles 17 et 18), acquisition de la personnalité juridique, avec pouvoir d'acquérir des propriétés, de contracter et d'ester en justice (article 13). La question se pose de savoir dans quelle mesure les conditions qui s'attachent à l'enregistrement sont compatibles avec l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui garantit le droit des travailleurs de constituer, sans autorisation préalable, des organisations de leur choix ainsi que celui de s'y affilier, avec son article 3, qui garantit aux organisations de travailleurs le droit d'organiser leur gestion et leur activité, et avec son article 8, al. 2), en vertu duquel la législation nationale ne devra pas porter atteinte aux garanties prévues par la convention, ni être appliquée de manière à y porter atteinte. L'acquisition de la personnalité juridique par un syndicat dépendant, en Birmanie, de l'enregistrement, il se pose également la question de savoir si les conditions qui s'attachent à l'enregistrement sont compatibles avec l'article 7 de la convention aux termes duquel l'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et 4 de la convention.
  8. 46. Les employés du secteur public, y compris ceux du port de Rangoon, ne sont pas soumis à la loi de 1926 sur les syndicats, mais aux Government Servants Conduct Rules; en d'autres termes, s'ils peuvent constituer des « associations de service» limitées à leur catégorie, il leur est interdit de former des « syndicats ». La condition selon laquelle l'association doit comporter au moins 50 pour cent du nombre total des employés devient même alors bien plus grave puisque, selon le gouvernement, les autorités compétentes du port de Rangoon - ceci est vrai pour n'importe quel employeur du secteur public - ne « reconnaîtront » aucune association, à l'exception d'une seule, dont le nombre de membres dépasse le pourcentage précité. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que si la « reconnaissance » d'une organisation, aux fins de représentation dans les organismes paritaires, ou de consultations préalables, peut être admise dans certaines circonstances, le fait que la loi elle-même n'a prescrit cette reconnaissance qu'en faveur d'une seule organisation de fonctionnaires, à laquelle elle accorde exclusivement le droit de « négocier », est de nature, semble-t-il, à limiter, dans certains cas, les possibilités d'action des organisations non reconnues. De plus, le fait que l'organisation reconnue peut seule être habilitée à « promouvoir et à défendre les intérêts» de ses membres, n'est pas compatible, semble-t-il, avec le principe consacré par l'article 2 de la convention, selon lequel les travailleurs ont le droit de constituer des organisations « de leur choix » et de s'y affilier. La situation ainsi créée serait complètement différente de celle qui existe dans certains pays où un syndicat donné peut jouir des droits exclusifs en tant qu'agent négociateur, dans une unité donnée, à la suite d'un vote intervenant dans ladite unité, car un tel système, s'il impose certaines conditions et comporte certaines sauvegardes, peut ne pas être contraire à la convention. En Birmanie, par contre, si une association n'obtient pas la « reconnaissance», elle n'a aucun droit de représentation et de négociation à l'égard de l'autorité employeuse; bien plus, selon le gouvernement, elle ne peut même pas recouvrer les cotisations syndicales et peut tout au plus « avoir une existence théorique et non réelle » (voir paragraphe 40 ci-dessus). Ici encore, donc, la question se pose de savoir si les dispositions mentionnées ci-dessus sont compatibles avec les articles 2, 3 et 8, al. 2), de la convention.
  9. 47. Aux termes de l'article 6 h) de la loi de 1926 sur les syndicats, ultérieurement modifiée en 1959, tout fonctionnaire syndical, qui est en même temps membre agissant d'un parti politique, doit cesser ses fonctions au syndicat. Le même article ne contient aucune disposition limitant cette incompatibilité aux seules personnes dont l'activité politique présente un caractère illégal, ou qui sont affiliées à un parti politique visant des objectifs contraires à la constitution et à la loi. Il semblerait donc que la question se pose de savoir dans quelle mesure la disposition ci-dessus est compatible avec celle de l'article 3 de la convention qui garantit aux organisations de travailleurs le droit d'élire librement leurs représentants.
  10. 48. L'article 24 a) des Government Servants Conduct Rules stipule que l'appartenance à une association de service-la seule catégorie d'associations, différentes du syndicat, dont font partie non seulement les fonctionnaires, mais également tous les travailleurs du secteur public - doit être réservée aux seuls agents en question. De plus, aux termes de l'article 24 b), il est interdit à une telle association de s'affilier à aucune autre association ou fédération qui n'aura pas rempli les conditions stipulées dans l'article 24 a). La Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations a souligné qu'une disposition tendant à interdire aux organisations d'employés du secteur public de s'affilier à des fédérations ou confédérations de travailleurs de l'industrie ou de l'agriculture, semble difficilement compatible avec l'article 5 de la convention précitée, qui dispose que les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations ainsi que celui de s'y affilier. Une question semble donc se poser tendant, à savoir: si l'article 24 a) et b) des Government Servant's Conduct Rules est compatible avec l'article 5 de la convention.
  11. 49. Les « syndicats », dans le sens défini par la loi de 1926 sur les syndicats, ont le droit de constituer des fonds distincts pour des fins politiques (article 16 de la loi). Par contre, il est interdit aux associations de service des employés du secteur public de se livrer à une activité politique quelconque (article 24 c) des Government Servants Conduct Rules), ou d'apporter un soutien financier, ou autre, à un candidat lors d'une élection (article 24 d) iii)). La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait observer que l'interdiction absolue, conçue en des termes généraux, de toute activité politique de la part des organisations de travailleurs est de nature à « porter atteinte, ou être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties » prévues par la convention (no 87) précitée. Une telle disposition est donc contraire à l'article 8 de cette convention, car elle risque d'être interprétée et appliquée d'une manière incompatible avec l'article 3 de la même convention, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action. Sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration a exprimé le même avis dans le cas no 151, relatif à la République dominicaine. Dans ces conditions, la question semble se poser de savoir dans quelle mesure l'article 24 c) et d) iii) des Government Servants Conduct Rules est compatible avec les articles 3 et 8, al. 2), de la convention.
  12. 50. Aux termes de l'article 24 d) des Government Servants Conduct Rules, il est interdit à toute association de service de fonctionnaires de faire paraître des publications périodiques, ou de publier tout article au nom de ses membres, sauf avec l'autorisation du gouverneur. Cette interdiction ne s'applique pas « aux syndicats » de travailleurs du secteur privé. Dans certains cas précédents, le Comité a exprimé l'avis que le droit de faire connaître ses opinions par voie de presse ou autrement est, sans conteste, l'un des éléments essentiels des droits syndicaux. Dans ces conditions, il semblerait que la question se pose de savoir dans quelle mesure les dispositions ci-dessus sont compatibles avec les articles 3 et 8, al. 2, de la convention.
  13. 51. L'article 22 de la loi de 1926 sur les syndicats, modifiée en 1959, stipule que tous les dirigeants d'un syndicat enregistré quelconque doivent être des employés de l'établissement ou de l'entreprise pour lesquels le Syndicat a été créé. Mais si l'article 28 b) considère comme une pratique déloyale en matière de travail, punissable d'amende, le fait pour un employeur de licencier un travailleur ou d'exercer une discrimination quelconque à son encontre, en raison de sa qualité de dirigeant syndical, la loi ne contient aucune disposition autorisant la juridiction compétente à ordonner la réintégration d'un agent syndical qui a été l'objet d'un licenciement, ou prescrivant qu'aucun dirigeant syndical ne peut être congédié pendant la durée de ses fonctions au syndicat. La loi est également muette sur le point de savoir si les personnes qui ont été employées dans l'établissement ou l'entreprise intéressés, mais ne le sont plus, ont le droit de continuer à exercer leurs fonctions syndicales ou d'y être réélues. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné que, là où la législation exige que tous les dirigeants syndicaux appartiennent à la profession pour laquelle l'organisation a été créée, les garanties contenues dans la convention (no 87) précitée risquent d'être enfreintes. En effet, dans de tels cas, le licenciement d'un travailleur dirigeant syndical peut, en lui faisant perdre, de ce fait, sa qualité de dirigeant syndical, porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et à son droit d'élire librement ses représentants, et, même, favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur. Dans certains cas précédents, où la législation nationale contient des dispositions analogues, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention des gouvernements intéressés sur le fait, qu'à son avis, la perte du droit de participer à l'administration de son syndicat, qui résulte automatiquement du licenciement d'un dirigeant syndical, signifie que l'employeur peut, par ce moyen, agir sur le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, droit considéré comme l'un des aspects essentiels de la liberté d'association. Il semble donc que se pose la question de la compatibilité de l'article 22 de la loi de 1926 sur les syndicats, telle qu'elle a été modifiée en 1959, avec l'article 3 de la convention, aux termes duquel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
  14. 52. Il ressort clairement de l'examen qui précède, que les associations de service, groupant des travailleurs du secteur public, sont privées d'un certain nombre d'avantages accordés aux syndicats enregistrés, car, selon le gouvernement, elles ne peuvent se constituer en « syndicats », et la loi sur les syndicats ne leur est pas applicable. C'est ainsi, par exemple, qu'elles ne peuvent se faire enregistrer conformément à cette loi, pour acquérir la personnalité juridique et l'immunité contre les poursuites pour délit de coalition ou en matière civile, que leurs publications sont soumises à l'autorisation préalable et qu'elles ne peuvent constituer un fonds politique, s'affilier librement à une fédération, etc. La plupart de ces aspects ont fait l'objet d'un examen distinct dans les paragraphes précédents; toutefois, étant donné le fait que le refus de reconnaître aux travailleurs du secteur public le droit qu'ont les travailleurs du secteur privé de constituer des syndicats, ce qui a pour résultat de priver leurs « associations » des avantages et privilèges attachés aux « syndicats » proprement dits, implique, dans le cas des travailleurs employés par le gouvernement et de leurs organisations, une discrimination par rapport aux travailleurs du secteur privé et de leurs organisations, la question se pose de savoir si ces distinctions ne sont pas incompatibles avec l'article 2 de la convention, en vertu duquel les travailleurs, « sans distinction d'aucune sorte », ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et celui de s'y affilier, de même qu'avec les articles 3 et 8, al. 2, de la convention.
  15. 53. Etant donné l'importance que revêt nombre des questions soulevées dans l'analyse qui précède, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les dispositions de la loi de 1926 sur les syndicats, modifiée en 1959, et des Government Servants Conduct Rules, mentionnées aux paragraphes 45 à 52 ci-dessus, afin que la Commission étudie la question de la compatibilité desdites dispositions avec celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie, et de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration informé des mesures qu'il entend prendre à cet égard.
  16. 54. Dans sa réponse du 28 août 1959, le gouvernement a déclaré que les travailleurs du secteur privé avaient, depuis longtemps, l'habitude de se constituer en « syndicats », au sens de la loi sur les syndicats, alors que les travailleurs du secteur public étaient autorisés à s'organiser en «associations de service », au sens des Government Servants Conduct Rules. Le gouvernement a soutenu qu'« en vertu de l'accord (The Government Servants Conduct Rules) passé entre le Board et ses employés, les dispositions de la loi sur les syndicats ne sauraient être appliquées aux employés du port » (paragraphe 40 ci-dessus). En réponse à la demande du Comité de fournir de nouvelles informations à ce sujet, le gouvernement déclare, dans sa communication du 27 mars 1960, que les employés du port ont été classés dans la catégorie des fonctionnaires du gouvernement, conformément à la coutume, et en vertu d'un «accord tacite », ce qui est de nature à soulever une question de principe d'une grande importance. Il est possible, mais l'inverse peut être aussi vrai, que dans le cas en question, les employés du port se soient mis, en vertu de la coutume, ou par voie contractuelle, hors du champ d'application de la loi sur les syndicats. Toutefois, il semble que le gouvernement ait conclu de cette situation qu'il n'est plus tenu d'appliquer, aux employés en question, une convention qu'il a ratifiée, de la même manière qu'à l'égard des autres travailleurs. En d'autres termes, le gouvernement pense justifier l'application partielle de la convention à certaines catégories de travailleurs - pourtant visées par la loi - en se fondant sur le fait que les employés en question se sont mis eux-mêmes en dehors du champ d'application de la convention. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement de la Birmanie, qui a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, sur le fait qu'en ratifiant ladite convention, il a contracté l'obligation internationale de l'appliquer à « tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte » et que, dans ces conditions, les dispositions de la convention ne sauraient être modifiées à l'encontre de telles catégories de travailleurs, en raison d'un accord privé ou national, d'une coutume ou d'un arrangement quelconque entre ces catégories de travailleurs et le gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 55. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement de la Birmanie, qui a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, sur le fait qu'en ratifiant cette convention il a contracté l'obligation internationale d'en appliquer les dispositions aux « travailleurs, sans distinction d'aucune sorte » et que, dans ces conditions, les dispositions de la convention ne sauraient être modifiées à l'encontre de certaines catégories de travailleurs, en raison d'un accord privé ou national, d'une coutume ou d'un arrangement quelconque entre ces catégories de travailleurs et le gouvernement;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement de la Birmanie sur le fait que, de l'avis du Conseil d'administration, la dissolution des syndicats de travailleurs du port de Rangoon par voie administrative en janvier 1959 ou vers cette époque constitue une violation de l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie, en vertu duquel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative.
    • c) de décider d'attirer l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les dispositions de la loi de 1926 sur les syndicats, amendée en 1959, et des Government Servants Conduct Rules, mentionnées aux paragraphes 45 à 52 ci-dessus, afin que la Commission étudie la question de la compatibilité desdites dispositions avec celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Birmanie;
    • d) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des mesures qu'il entend prendre à cet égard.
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