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Rapport définitif - Rapport No. 30, 1960

Cas no 177 (Honduras) - Date de la plainte: 28-JUIL.-58 - Clos

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  1. 70. Conformément à la résolution 474 A (XV), adoptée le 9 avril 1953 par le Conseil économique et social, le Secrétaire général des Nations Unies a transmis au Directeur général du B.I.T une communication en date du 28 juillet 1958 émanant du Syndicat des travailleurs de l'industrie de la bière et des eaux minérales de San Pedro Sula (Honduras) et contenant des allégations selon lesquelles il serait porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux par le gouvernement du Honduras.
  2. 71. Cette plainte a été communiquée au gouvernement qui a présenté ses observations à son sujet dans une lettre en date du 20 octobre 1958.

A. Allégations relatives à la proclamation de l'illégalité de la grève

A. Allégations relatives à la proclamation de l'illégalité de la grève
  1. 72. Dans une communication en date du 28 juillet 1958, l'organisation plaignante dit avoir été victime de mesures arbitraires de la part des autorités gouvernementales du Honduras pour avoir fait usage du droit de grève qui est garanti par la Constitution politique en son article 112, alinéa 12. D'après les plaignants, en janvier 1958, le ministre du Travail aurait obligé ces derniers à signer un accord de compromis désavantageux avec la Brasserie du Honduras S.A. Ultérieurement, le Syndicat aurait tenté de faire modifier les conditions de cet accord en raison de l'augmentation considérable du coût de la vie. De son côté, l'entreprise aurait congédié deux travailleurs, ce qui aurait provoqué le déclenchement de la grève le 23 juillet. La grève aurait été déclarée illégale. D'après les plaignants, le gouvernement aurait appliqué l'article 25 du décret-loi no 59 (loi sur la médiation, la conciliation et l'arbitrage) de 1955, en violation de l'article 341 de la Constitution.
  2. 73. Par une lettre en date du 20 octobre 1958, le gouvernement reconnaît que la situation économique actuelle du pays est difficile; il nie toutefois avoir contraint les plaignants à signer l'accord de compromis auquel il a été fait allusion plus haut. Cet accord découle d'une intervention du ministre, favorable aux travailleurs. Parmi les dispositions de cet accord de compromis figure l'extension jusqu'au mois d'août 1959 de l'applicabilité d'une convention d'août 1957, l'obligation pour les travailleurs de ne pas recourir à la grève sans avoir épuisé les recours légaux et l'obligation pour l'entreprise d'accorder une augmentation de salaires. Néanmoins, le 23 juillet, un groupe minoritaire de quarante travailleurs a déclenché une grève; deux cents autres travailleurs se sont opposés au mouvement et ont envoyé à ce sujet une lettre au ministère, lettre dont le texte est joint à la réponse du gouvernement. La grève a été déclarée illégale.
  3. 74. Le gouvernement précise dans sa réponse que les grévistes ont violé l'accord de compromis qu'ils avaient signé, ainsi que l'article 25 de la loi sur la médiation, la conciliation et l'arbitrage et les articles 17 f) et 18 de la loi sur les organisations syndicales. Selon le gouvernement, les conditions prescrites dans ces dispositions législatives n'ont pas été respectées par les plaignants, qui, de leur côté, ne sauraient prétendre qu'en déclarant la grève illégale, le gouvernement aurait violé les articles 112, alinéa 12, et 341 de la Constitution. L'article 112, s'il garantit le droit de grève, précise que son exercice sera réglementé par la loi. Une telle loi n'ayant pas été promulguée, les dispositions citées plus haut constituent une réglementation partielle. L'article 341 stipule que les normes qui se trouvaient en vigueur au moment de la promulgation de la Constitution continueront à être applicables dans la mesure où elles ne sont pas en opposition avec cette dernière et où elles n'ont pas été abrogées ou modifiées. Cette disposition, déclare le gouvernement, n'implique pas que les articles 25, 17 f) et 18 ne continuent pas à être applicables.
  4. 75. Le Comité a estimé qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur la question de savoir si la constitution d'un pays a pour effet de rendre caduques ou non certaines normes juridiques du droit interne de ce pays.
  5. 76. Le cas particulier a trait non pas à une interdiction du droit de grève, mais à une obligation de suivre certaines procédures préalablement à l'exercice de ce droit. Le Comité a considéré que les allégations relatives à l'interdiction du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où cette interdiction affecte l'exercice des droits syndicaux. Le Comité a eu l'occasion d'affirmer également dans d'autres cas, que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations syndicales pour la défense et la promotion de leurs intérêts professionnels. D'autre part, le Comité a insisté, à ce sujet, sur le fait que, si la loi peut restreindre provisoirement les grèves jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés, une telle attitude du gouvernement devrait s'accompagner des procédures de conciliation ou d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer.
  6. 77. Il ressort des indications fournies par le gouvernement qu'avant de recourir à la grève, les intéressés doivent suivre la procédure fixée par le décret-loi 59 sur la conciliation, la médiation et l'arbitrage. Ce décret-loi établit un système de conciliation obligatoire et d'arbitrage facultatif dont le but est d'aboutir à un règlement entre les parties au conflit. Lorsque les négociations directes n'aboutissent pas ou lorsque les efforts du médiateur échouent, des comités de conciliation sont créés, à la requête des parties ou d'office, par le Département du travail. L'employeur et les travailleurs sont représentés au sein de ces comités. Au cas où les parties n'acceptent pas la solution préconisée par un comité de cette nature, elles sont invitées à soumettre le conflit à un arbitrage. Les représentants de chacune des parties participent à la désignation des arbitres.
  7. 78. De même, le Comité a noté que, d'après la législation mentionnée par le gouvernement (loi sur les organisations syndicales, 1955), seules les assemblées générales des syndicats sont compétentes pour déclarer une grève, et une telle décision doit être acquise au scrutin secret (article 17 f)) et à la majorité des deux tiers des membres de l'organisation ou de la section syndicale (article 18).
  8. 79. Le Comité a estimé que le gouvernement n'a pas dénié aux plaignants le droit de grève, mais que la législation exige simplement l'application de certaines procédures préalables à l'exercice de ce droit. Il semble, d'après les dispositions de la législation hondurienne mentionnées plus haut, que cette limitation de l'exercice du droit de grève est accompagnée de procédures de conciliation et d'arbitrage qui correspondent au principe adopté par le Comité et mentionné au paragraphe 76 ci-dessus.
  9. 80. Dans ces conditions, le Comité a jugé que les plaignants n'ont pas fourni la preuve que la législation relative à la grève viole les principes généraux applicables en matière de liberté syndicale et, par conséquent, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de l'affaire ne mérite pas un examen plus approfondi.
    • Allégation relative à l'intervention des forces de l'ordre
  10. 81. Les plaignants soutiennent que, la grève ayant éclaté, un piquet d'agents de police a été installé aux portes de l'entreprise et qu'ils ont été engagés de façon comminatoire à reprendre leur travail dans les délais les plus brefs, sous peine de s'exposer à l'intervention des forces armées. Ils allèguent que le gouverneur politique aurait reçu l'ordre de dénoncer les meneurs à la police.
  11. 82. Le gouvernement signale dans sa réponse qu'un groupe minoritaire de grévistes aurait interdit l'entrée de l'entreprise aux autres travailleurs. Le gouvernement indique que les pouvoirs publics s'en sont tenus à maintenir une attitude de vigilance pour garantir l'ordre public et la protection de la propriété privée. Le gouvernement communique également le texte d'un message adressé à diverses autorités publiques, d'où il ressort que ces autorités étaient appelées à garantir la liberté du travail, l'ordre public et la protection de la propriété privée, à engager les grévistes à reprendre le travail et à charger les forces armées de l'exécution des dispositions dudit message. Le gouvernement signale enfin que, le 30 juillet, une foule a ouvert les portes de l'entreprise, fermées par les grévistes, afin de reprendre le travail.
  12. 83. Le Comité a noté que, sur certains points, la version des événements donnée par les plaignants et celle du gouvernement sont contradictoires. Dans un certain nombre de cas, le Comité a rejeté des allégations relatives à l'intervention des forces de l'ordre lorsque l'examen des faits démontrait que cette intervention était exige par les circonstances et s'était limitée au maintien de l'ordre public et ne constituait pas une atteinte à l'exercice légitime du droit de grève; toutefois, dans ces cas, le Comité a donné à entendre qu'il aurait considéré comme une violation des libertés syndicales le recours à la police dans le but précis de briser une grève. Lorsqu'un service public essentiel est interrompu par une grève illégale, le Comité a signalé que le gouvernement peut être appelé, dans l'intérêt général, à assumer la responsabilité d'en assurer le fonctionnement et que, à cette fin, il peut considérer comme nécessaire de faire appel aux forces armées ou à un autre groupe de personnes pour remplir les fonctions qui ont été abandonnées et prendre les mesures propres à permettre à ces personnes d'accéder aux locaux où de telles fonctions doivent s'exercer.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 84. Dans le cas d'espèce, il ne s'agit évidemment pas d'un service public essentiel. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de signaler au gouvernement l'importance qu'il attache au fait que l'emploi éventuel de la police et des forces armées en cas de grève, lorsque cela est exigé par des circonstances exceptionnelles, doit être limité au maintien de l'ordre public et ne pas avoir pour but de briser la grève, ce qui pourrait constituer une violation des droits syndicaux; toutefois, dans le cas d'espèce, étant donné qu'il n'est pas établi que la police et les forces armées aient été utilisées pour briser la grève, qui, par ailleurs, s'est terminée rapidement, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
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