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Rapport définitif - Rapport No. 30, 1960

Cas no 173 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 30-JANV.-58 - Clos

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  1. 46. La plainte émanant de la Fédération des syndicats grecs de gens de mer (Cardiff) est contenue dans trois communications datées respectivement des 30 janvier, 1er mars et 9 juin 1958. Le gouvernement des Etats-Unis a présenté ses observations sur cette plainte dans deux communications, du 31 mars et du 12 août 1958 respectivement. Le gouvernement grec a fait tenir ses observations par deux lettres, en date du 2 avril et du 2 août 1958.

A. Allégations générales relatives au traitement des marins grecs

A. Allégations générales relatives au traitement des marins grecs
  1. 47. Il est allégué que les armateurs grecs violent les droits et les libertés des marins grecs et tirent avantage à cette fin des activités antisyndicales des autorités des Etats-Unis et de la Grèce, qui font procéder à l'arrestation des marins et à leur rapatriement de force; de plus, ces persécutions viseraient tout particulièrement les marins dont les noms figurent sur des listes noires établies par les autorités des deux pays. Les deux gouvernements en cause soutiennent que ces allégations n'ajoutent rien aux accusations qui ont déjà été formulées dans d'autres cas.
  2. 48. Le Comité s'est penché sur des allégations similaires, relatives à des arrestations, à des déportations et à l'utilisation de listes noires, lorsqu'il a été saisi d'autres cas visant les Etats-Unis et la Grèce. Etant donné que ces nouvelles allégations ont été formulées sous la forme de brèves déclarations de caractère général, qui n'ajoutent rien aux éléments fournis au Comité dans les cas qu'il a examinés antérieurement, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect particulier de la question n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
    • Allégations relatives à deux membres de l'équipage du S.S. « Atlantic Starling »
  3. 49. Il est allégué que, lors de l'arrivée de l'Atlantic Starling - navire grec battant pavillon libérien - à Baltimore, le 8 décembre 1957, les autorités américaines ont fait débarquer deux membres de l'équipage, Nikolaos Livitsanos et Ioannis Beis, et les ont expulsés par avion à destination de la Grèce, sans même leur donner le temps de prendre leurs effets et de se faire payer les salaires qui leur étaient dus. Le plaignant affirme que les armateurs et le capitaine du navire ont fait des déclarations mensongères aux autorités pour les persuader de prendre cette mesure, cela dans le cadre d'une manoeuvre d'intimidation dirigée contre le reste de l'équipage, qui demandait une amélioration de ses conditions de travail et un meilleur traitement. Le gouvernement des Etats-Unis déclare que ses services ne sont pas intervenus directement en la matière, mais qu'ils ont interdit le débarquement des deux personnes en question, parce que M. Livitsanos appartenait à une organisation interdite par la loi américaine, et que M. Beis n'a pas pu établir devant les services d'immigration qu'il avait véritablement qualité de membre de l'équipage. Les agents du navire ont décidé de licencier les deux intéressés, et le gouvernement, conformément à la pratique généralement suivie dans les cas de ce genre, a confié aux agents du navire la responsabilité d'assurer le transport des intéressés et leur rapatriement. Le gouvernement grec déclare qu'il ne saurait être tenu pour responsable d'événements qui se sont passés à bord d'un navire battant pavillon étranger, mais que, de toute manière, il ressort d'une déclaration du ministère grec de l'Intérieur, en date du 29 mars 1958, qu'il a été impossible de trouver trace de l'arrivée de ces deux marins en Grèce.
  4. 50. Il semble que les deux intéressés ont été interrogés par le service d'immigration des Etats-Unis et se sont vu interdire de débarquer en vertu des procédures légales applicables à tous les étrangers, que le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner à plusieurs reprises dans d'autres cas. Lors de l'examen du cas no 95, relatif aux Etats-Unis, le Comité, s'inspirant de l'argumentation suivie dans le cas no 71, a estimé que la question de l'interrogatoire auquel les marins étrangers sont soumis avant d'être admis sur le territoire du pays a trait à l'exercice du droit souverain qu'a tout pays de décider qui doit et qui ne doit pas être admis sur son territoire et, se référant expressément à plusieurs décisions antérieures, il a exprimé l'avis qu'il ne lui appartenait pas de traiter de la question générale du statut des étrangers non couverts par des conventions internationales. Dans ces conditions, la question soulevée concernant essentiellement l'admission des étrangers plutôt que la garantie d'un droit fondamental de l'homme, les preuves d'une atteinte aux droits syndicaux devraient, dans un tel cas, être particulièrement convaincantes. Cette opinion du Comité était accompagnée d'une réserve selon laquelle, si l'application des mesures qui font l'objet de la plainte devait se traduire par le licenciement des intéressés ou leur causer tout autre préjudice en conséquence de leur affiliation à un syndicat donné, un tel acte pourrait constituer une atteinte au principe selon lequel les travailleurs ont le droit de s'affilier aux organisations de leur choix. Le Comité a retenu la même argumentation dans le cas no 138, relatif aux Etats-Unis et à la Grèce o. Dans les trois cas qui viennent d'être mentionnés, le Comité a estimé que les plaignants n'avaient pas apporté de preuves suffisantes à l'appui de leurs allégations pour établir qu'il y avait eu violation des libertés syndicales et que les allégations en question n'appelaient pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration. En ce qui concerne l'interrogatoire des marins étrangers et la décision qui peut être prise, à la suite de cet interrogatoire, de les consigner à bord de leur navire, il semble que le présent cas n'apporte aucun élément nouveau en sus de ceux qui ont été déjà examinés.
  5. 51. Plus tard, les armateurs ont décidé de licencier MM. Livitsanos et Beis, et, bien que le plaignant soutienne que le but de cette opération était d'intimider l'équipage, qui n'était pas satisfait de ses conditions de travail, il n'est pas allégué que la mesure en question ait porté atteinte à leur liberté d'association ou ait entravé la libre action de leur syndicat en tant que leur représentant. A la suite de ces licenciements, qui signifiaient que les intéressés, qui s'étaient déjà vu interdire l'entrée aux Etats-Unis, n'en devaient pas moins quitter leur navire, les services d'immigration ont enjoint aux armateurs de transporter les deux intéressés à New-York et de les rapatrier sous leur responsabilité. Lors de l'examen du cas no 70, relatif aux Etats-Unis et à la Grèce, le Comité était saisi d'un cas où les pouvoirs publics ordonnent l'expulsion, sous la responsabilité du capitaine du navire ou de la compagnie de navigation intéressée, de personnes se trouvant à bord d'un navire, et il avait conclu que les plaignants n'avaient pas apporté de preuves suffisantes à l'appui de leurs allégations pour établir que les libertés syndicales avaient été violées à l'occasion de ces expulsions, effectuées conformément aux lois et règlements s'appliquant à tous les étrangers. En conséquence, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelait pas un examen plus approfondi. Dans le cas présent, le Comité a, pour des motifs analogues, abouti à la même conclusion en ce qui concerne le gouvernement des Etats-Unis.
  6. 52. En l'espèce, le Comité a estimé n'avoir pas reçu de preuves démontrant que le gouvernement grec, ou les autorités le représentant aux Etats-Unis, soient intervenus dans la réalisation des déportations visées par les allégations.
  7. 53. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives à la conduite du capitaine de l'« Atlantic Starling »
  8. 54. Il est allégué que le capitaine et le premier officier en service à bord de l'Atlantic Starling au moment des faits ont commis plusieurs crimes. Le plaignant soutient que, non seulement ils maltraitaient l'équipage et obligeaient des hommes malades à travailler, mais qu'en plus, en se débarrassant de MM. Livitsanos et Beis, le capitaine cherchait en fait à détourner l'attention de certains actes commis de concert avec le premier officier - ils auraient comploté avec des Algériens l'assassinat d'un précédent capitaine du navire, auraient jeté le discrédit sur un autre en l'enivrant en vue d'assurer leur propre promotion et auraient assassiné le second officier. Ni l'un ni l'autre des deux gouvernements en cause n'évoque ces allégations. Ces accusations relèvent uniquement du domaine pénal et il semble qu'aucun des éléments fournis au Comité ne puisse donner à penser que les libertés syndicales sont en cause à ce sujet. Aussi le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives au S.S. « Alberta »
  9. 55. Sous prétexte que son navire allait être désarmé, mais, d'après le plaignant, dans la seule intention d'engager un nouvel équipage quelques jours plus tard à des salaires plus bas, le capitaine de l'Alberta a licencié la totalité de son équipage à Chester, Pennsylvanie, au moment où celui-ci s'efforçait d'obtenir le paiement des sommes qui lui étaient dues. Le plaignant soutient que soixante policiers auraient pris position autour du navire pour consigner les hommes à bord et que l'équipage n'a pu prendre contact avec le représentant et l'avocat du syndicat. Toujours d'après le plaignant, l'équipage aurait été emmené de force à New-York, après que certaines dispositions eurent été prises. Arrivés à New-York, les membres de l'équipage ont opposé une résistance passive à leur rembarquement, jusqu'au moment où leur représentant syndical est arrivé avec l'avocat du syndicat, qui leur a confirmé qu'ils avaient légalement droit à 22 jours de salaire à titre d'indemnité. Toutefois, les intéressés n'auraient rien pu faire à ce sujet, car ils auraient été alors embarqués sur l'Arosa Sky à destination de la France et de la Grèce, l'un des membres de l'équipage atteint de malaria n'ayant même pas eu le temps de voir un médecin.
  10. 56. Le gouvernement des Etats-Unis déclare que le capitaine du navire, qui est arrivé à Philadelphie en avril 1958, a demandé l'autorisation de licencier et de rapatrier son équipage. Cette autorisation lui a été accordée sur la foi de son affirmation que le navire allait être désarmé. Le capitaine a reçu pour instructions de consigner ses hommes à bord jusqu'à ce que les mesures nécessaires aient été prises. Lorsque le moment est venu de débarquer, l'équipage s'est d'abord refusé à le faire mais, après un entretien avec des fonctionnaires du service d'immigration, il est monté à bord d'un autobus pour être transporté jusqu'à l'Arosa Sky, qui devait le transporter en Grèce. D'après le gouvernement, trois membres de l'équipage sont restés aux Etats-Unis comme résidents car ils remplissaient les conditions exigées, et un membre de l'équipage a été hospitalisé, les vingt autres étant rapatriés. Un nouvel équipage a été embarqué ensuite à bord de l'Alberta et le gouvernement des Etats-Unis déclare que, si ses services avaient su que l'Alberta allait être réarmé, « ils n'auraient certainement pas exigé le rapatriement du premier équipage ». Le gouvernement grec déclare qu'il ne saurait être tenu responsable d'événements qui se sont passés à bord d'un navire battant pavillon étranger.
  11. 57. Il faut distinguer dans cette affaire plusieurs problèmes. Premièrement, il semble que, du point de vue du gouvernement des Etats-Unis lui-même, qui avait donné l'autorisation de licencier l'équipage parce que le navire allait être désarmé, l'expulsion de cet équipage est intervenue en application de la même législation d'application générale qui a abouti à l'expulsion de MM. Livitsanos et Beis et qui a déjà été examinée. Toutefois, dans le cas particulier, il est allégué qu'il y a eu violation d'un droit syndical, en ce sens que l'on s'est efforcé d'empêcher les membres de l'équipage de prendre contact avec le représentant et l'avocat de leur syndicat pour obtenir l'aide de ceux-ci en vue du paiement des salaires qui leur étaient dus, une telle aide étant considérée dans la majorité des pays comme une activité légitime des syndicats pour le compte de leurs membres. Le gouvernement des Etats-Unis ne fait aucune allusion à cet aspect de la question. Le Comité a rappelé que, lors de l'examen des allégations portant sur des expulsions formulées à l'occasion du cas no 70 relatif aux Etats-Unis et à la Grèce, ce n'est qu'après avoir établi que les personnes en cause avaient bénéficié de toutes les garanties judiciaires offertes par la loi à tous les étrangers, que le Comité avait conclu que les allégations en question n'appelaient pas un examen plus approfondi. Le Comité a souligné à nouveau l'importance de ce principe dans le cas no 138 relatif aux Etats-Unis et à la Grèce. Il a estimé qu'aucun des éléments qui lui ont été fournis ne démontre que, pour en appeler de la légalité de leur expulsion, les membres de l'équipage n'auraient pas pu, dans le cas d'espèce, se prévaloir des garanties judiciaires dont l'existence a été établie lors de l'examen des cas no 70 et no 138. Aussi le Comité recommande au Conseil d'administration de décider qu'en ce qui concerne le gouvernement des Etats-Unis, ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi. Toutefois, ce faisant, le Comité estime que, lors du rapatriement d'un équipage à la suite de son licenciement, aucune entrave ne devrait être apportée à l'exercice par les intéressés de leur droit de recourir à l'assistance de leur syndicat et, le cas échéant, d'en appeler aux tribunaux, pour établir et faire exécuter tout versement auquel la loi leur donne droit du fait d'un tel licenciement.
  12. 58. Le gouvernement grec dégage sa responsabilité en la matière, étant donné que le navire en question battait pavillon étranger. Il ne présente aucune observation sur l'allégation selon laquelle l'ancien équipage a été licencié afin de permettre l'embarquement d'un nouvel équipage moins bien rémunéré, ou selon laquelle les agents du navire responsables de la garde de l'équipage licencié se sont efforcés d'empêcher celui-ci d'entrer en contact avec le représentant et l'avocat de leur syndicat, dont il avait le droit de demander l'assistance à propos du conflit qui l'opposait à ses employeurs. Il semble toutefois ressortir de la réponse du gouvernement des Etats-Unis que le capitaine, agissant au nom des armateurs grecs, a obtenu l'autorisation de licencier et de rapatrier son équipage pour ce motif - et ce seul motif - que le navire allait être désarmé, ce qui était manifestement contraire à la vérité. Certes, il se peut que le gouvernement grec ne puisse être tenu pour responsable des actes d'armateurs grecs envers les équipages de leurs navires lorsque ceux-ci battent pavillon étranger et se trouvent dans des ports étrangers, mais le Comité a estimé qu'en l'espèce, les actes des armateurs eux-mêmes sont critiquables. Alors que les employeurs peuvent, à bon droit ou non, selon les circonstances, licencier un équipage pour engager une main d'oeuvre moins coûteuse, il semble qu'il y ait violation des droits de négociation collective de l'équipage lorsque, pour réaliser cette opération et pour tenter d'empêcher ce dernier de prendre contact avec son syndicat, des déclarations mensongères sont faites aux autorités d'un Etat étranger en vue d'obtenir de celles-ci d'ordonner le rapatriement de l'équipage, alors que, d'après le gouvernement de cet Etat, ce rapatriement n'aurait pas été exigé s'il avait eu connaissance de l'intention des intéressés de réarmer leur navire. Toutefois, sous réserve de cette observation, le Comité a estimé qu'étant donné qu'il ne lui a été apporté aucune preuve établissant la responsabilité du gouvernement grec lui-même dans une violation quelconque des libertés syndicales en l'espèce, un examen plus approfondi de cette question devient sans objet.
  13. 59. En conséquence, et sous réserve des observations faites aux paragraphes 57 et 58 ci-dessus, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives au S.S. «Marcella »
  14. 60. Il est allégué que l'équipage du Marcella, qui était en conflit avec ses employeurs à propos de questions de salaires et d'heures de travail, a été arrêté par les autorités américaines le 30 avril 1958 et déporté en Grèce sur le S.S. Olympia. Le gouvernement grec, dans ce cas également, dégage sa responsabilité en raison du fait que le navire battait pavillon étranger. Le gouvernement des Etats-Unis déclare que ce navire est arrivé à Jacksonville, Floride, le 11 avril 1958, avec un équipage de onze marins grecs. Huit membres de l'équipage ont été rapatriés parce que le navire devait être désarmé; trois autres sont restés à bord jusqu'au moment où le navire a été livré à la ferraille et ont été également rapatriés à ce moment-là en Grèce.
  15. 61. Bien que le plaignant déclare que les marins en question étaient en conflit avec leurs employeurs, il ressort des renseignements fournis qu'ils ont été licenciés parce que leur navire était, en fait, livré à la ferraille et que, leur emploi ayant ainsi pris fin, ils ont été rapatriés conformément à la procédure normalement applicable aux étrangers, que le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner. Le Comité a estimé que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes d'une violation des droits syndicaux en l'espèce, et, en conséquence, recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 62. Dans ces conditions, le Comité, sous réserve des observations formulées aux paragraphes 57 et 58 ci-dessus, recommande au Conseil d'administration de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas un examen plus approfondi.
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