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- 140. La plainte formulée par la Confédération des travailleurs de l'Amérique latine figure dans une communication adressée au Directeur général du B.I.T le 10 août 1957. Elle a été transmise au gouvernement du Paraguay le 21 août 1957.
- 141. A ses dix-huitième (octobre 1957), dix-neuvième (février 1958), vingtième (novembre 1958), vingt et unième (février 1959), vingt-deuxième (mai 1959), vingt-troisième (novembre 1959), vingt-quatrième (février 1960) et vingt-cinquième sessions (mai 1960), le Comité a ajourné l'examen de ce cas, le gouvernement intéressé ne lui ayant pas fait parvenir ses observations au sujet de cette plainte.
- 142. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 1er juin 1960.
A. Allégations relatives à un déni de droits syndicaux
A. Allégations relatives à un déni de droits syndicaux
- 143. Il est allégué qu'un état de siège injustifiable existe dans le pays, que l'exercice des libertés constitutionnelles, du droit d'organisation et du droit de grève est rendu impossible, et que les travailleurs ne peuvent améliorer leurs conditions de travail parce qu'ils ne sont pas autorisés à constituer une organisation syndicale libre et indépendante; une centrale syndicale, patronnée par le gouvernement, est la seule organisation reconnue. En conséquence - déclarent les plaignants -, les travailleurs du Paraguay demandent la cessation de l'état de siège et revendiquent le droit de s'organiser et le droit de grève, ainsi qu'un salaire minimum de 156,52 guaranis.
- 144. Dans sa réponse, datée du 1er juin 1960, le gouvernement déclare qu'il n'a, à aucun moment, refusé de reconnaître les droits syndicaux des travailleurs, ou invoqué l'état de siège pour persécuter ceux-ci. Le gouvernement affirme que, pendant la période 1948-1960, des lois protégeant le droit des travailleurs de s'affilier à des syndicats ont été adoptées; il existe des lois réglementant le droit des travailleurs de s'organiser et le droit de grève. Le gouvernement nie l'existence d'une «centrale syndicale d'Etat » et déclare qu'il existe dans le pays des centaines de syndicats qui élisent librement leurs membres et dont les délégués ont constitué la Confédération des syndicats du Paraguay. Dans le pays, la déclaration des grèves est subordonnée au respect des conditions définies par la loi; il existe des conseils de conciliation. Les questions concernant les travailleurs sont du ressort du ministère du Travail. Le gouvernement ajoute que les plaintes émanant des travailleurs ont toujours été examinées avec toute l'attention appropriée, mais que des grèves ont été provoquées à maintes reprises pour des raisons professionnelles. Le gouvernement conclut en déclarant que le salaire d'une journée de travail de huit heures est de 161 guaranis - soit un salaire supérieur à celui que revendiquent les plaignants.
- 145. L'un des arguments essentiels dont le gouvernement fait état est que, pendant la période 1948-1960, des lois garantissant le droit des travailleurs de constituer des syndicats et concernant le droit de grève ont été promulguées. Aucun autre détail n'est fourni à ce sujet. Le Paraguay est redevenu Membre de l'O.I.T en 1956, mais n'a fourni aucun des rapports prévus par l'article 19 de la Constitution de l'O.I.T sur l'application de la convention (no 87) concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ou de la convention (no 98) relative au droit d'organisation et de négociation collective, 1949, pendant la période se terminant le 31 décembre 1957, comme l'a demandé le Conseil d'administration.
- 146. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir le texte des dispositions législatives qu'il a mentionnées dans sa réponse.
- Allégations relatives à la détention de travailleurs et de fonctionnaires syndicaux
- 147. Il est allégué que les travailleurs et les fonctionnaires syndicaux qui prennent la défense des droits syndicaux et des libertés constitutionnelles s'exposent à la persécution, à l'emprisonnement et à l'internement dans des camps de concentration tels que le camp de Chaco.
- 148. Le gouvernement déclare, en terme généraux, que des mesures ont été prises occasionnellement à l'encontre de personnes se livrant à des activités séditieuses ou insurrectionnelles afin de maintenir l'ordre public, mais jamais dans le dessein de réprimer un mouvement syndical légal. Quelques-unes des personnes qui ont pris part à des activités politiques subversives étaient des dirigeants ouvriers, mais aucune des mesures dont elles ont fait l'objet n'implique la non-reconnaissance des droits des travailleurs. Aucun pays étranger ni aucune organisation internationale -, affirme le gouvernement, n'a le droit de le blâmer d'avoir exercé ces pouvoirs souverains, qui lui sont conférés par la Constitution du pays.
- 149. A l'exception du cas de M. Insfrán, exposé dans les paragraphes 150 à 153 ci-après, les plaignants ne donnent aucun détail à l'appui de l'allégation, formulée en termes généraux, figurant au paragraphe 147 ci-dessus. Par le passé, le Comité a exprimé l'opinion que lorsque des plaignants formulent, en termes généraux, des allégations selon lesquelles certaines personnes auraient été arrêtées, sans donner de nom ou sans fournir par ailleurs de précisions suffisantes, il serait excessif de demander aux gouvernements intéressés de procéder à ce sujet à des enquêtes qui, étant donné le caractère éminemment vague de telles allégations, seraient particulièrement malaisées; le Comité a donc recommandé au Conseil d'administration de décider que de telles allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi. Dans le présent cas, étant donné la nature extrêmement imprécise de l'allégation formulée en termes généraux, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette allégation est trop vague pour qu'il soit en mesure d'examiner cet aspect du cas quant au fond.
- Allégations relatives à la détention de M. Insfrán, secrétaire général du syndicat Grau
- 150. Il est allégué, plus précisément, qu'en août 1957, quelques mois avant le dépôt de la plainte, M. Insfrán, secrétaire général du syndicat Grau, a été emmené de vive force alors qu'il se trouvait à son domicile et enfermé dans les cachots du camp de concentration de Chaco, en raison de ses activités pour la défense de la liberté démocratique et des droits syndicaux.
- 151. La réponse du gouvernement ne contient aucune référence au cas de M. Insfrán, sauf dans la mesure où le gouvernement a déclaré, en termes généraux - comme il est dit au paragraphe 148 ci-dessus - que, lorsque des mesures ont été prises à l'encontre de personnes - dirigeants ouvriers ou autres - se livrant à des activités séditieuses ou insurrectionnelles, elles l'ont été en vue de maintenir l'ordre public, mais jamais dans le désir de réprimer un mouvement syndical légal, et que, lorsqu'un gouvernement prend de telles mesures en faisant usage de ses pouvoirs souverains, aucune organisation internationale n'a le droit de l'en blâmer.
- 152. Pour ce qui est de l'argument dont le gouvernement fait état et selon lequel, lorsque des mesures ont été prises à l'encontre de personnes, y compris des syndicalistes, qui se sont livrées à des activités séditieuses ou insurrectionnelles, ces mesures ont été prises en conformité avec les pouvoirs souverains qui appartiennent au gouvernement, et aucune organisation internationale n'a le droit de l'en blâmer, le Conseil d'administration, dans un certain nombre de cas antérieurs, a rejeté, sur la recommandation du Comité, de tels arguments en faisant valoir que le point de savoir si une accusation de crime formulée sur la base de faits et d'allégations mettant en cause l'exercice des droits syndicaux doit être considérée comme une question touchant un crime ou comme une question relative à l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé de telle façon que le Conseil d'administration soit mis dans l'impossibilité de l'examiner plus avant. Par conséquent, dans le cas présent, le Comité considère qu'il est compétent pour examiner le cas de M. Insfrán quant au fond.
- 153. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité a souligné l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu par une autorité judiciaire impartiale et indépendante, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de délits de droit commun que le gouvernement intéressé considère comme étrangers à leurs activités syndicales. Par le passé, lorsque les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales en déclarant que les personnes en cause avaient, en fait, été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a en outre toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur ces arrestations, et en particulier sur la procédure légale ou judiciaire engagée à la suite de ces arrestations et sur le résultat de ces procédures. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement intéressé sur l'importance qu'il attache au principe mentionné ci-dessus, selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu, et de prier ledit gouvernement de bien vouloir faire savoir au Conseil d'administration si M. Insfrán, secrétaire général du syndicat Grau, est incarcéré ou interné, et fournir des informations sur la procédure légale ou judiciaire suivie dans son cas, ainsi que sur le résultat de cette procédure.
- Allégations relatives à une attaque de la police contre une réunion de travailleurs
- 154. Il est allégué que, le 1er mai 1955, les travailleurs étaient réunis paisiblement au Panthéon des héros pour honorer la mémoire de leurs camarades persécutés, lorsque la police ouvrit le feu sur eux, tuant ou blessant plusieurs d'entre eux; d'autres furent jetés en prison et persécutés.
- 155. La seule allusion expresse que le gouvernement ait faite à cette allégation brève, mais précise, a été de dire qu'elle était fausse.
- 156. Le Comité a fait observer par le passé que, lorsque des allégation précises ont été formulées, il ne peut considérer comme satisfaisantes les réponses de gouvernements qui ne s'en tiennent qu'à des généralités et que, dans les cas où les informations contenues dans la réponse d'un gouvernement ne semblent pas répondre à la question ou paraissent être d'un caractère trop général, il priera le gouvernement intéressé de lui faire parvenir des informations plus détaillées afin de lui permettre d'exprimer une opinion bien motivée au Conseil d'administration. Dans le cas présent, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui fournir des informations plus détaillées sur les incidents qui, selon les allégations formulées, auraient eu lieu au Panthéon des héros le 1er mai 1955.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 157. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir le texte des dispositions législatives dont il a fait mention dans sa réponse;
- b) de décider que les allégations relatives à la détention de travailleurs et de fonctionnaires syndicaux dont le nom n'est pas précisé sont trop vagues pour qu'il soit en mesure d'examiner cet aspect du cas quant au fond;
- c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à la détention de M. Insfrán, secrétaire général du syndicat Grau:
- i) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel un jugement prompt et équitable doit être rendu par une autorité judiciaire impartiale et indépendante dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement intéressé considère comme étrangers à leurs activités syndicales;
- ii) de prier le gouvernement, compte tenu du principe énoncé ci-dessus, de lui faire savoir si M. Insfrán est incarcéré ou interné, et de lui fournir des informations sur la procédure légale ou judiciaire suivie dans son cas, et sur les résultats de ces procédures;
- d) de prier le gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur les incidents qui, d'après les allégations formulées, ont eu lieu au Panthéon des héros le 1er mai 1955.