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Rapport définitif - Rapport No. 24, 1956

Cas no 131 (Guatemala) - Date de la plainte: 10-OCT. -55 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 174. Le Comité est saisi de quatre plaintes, à savoir : une plainte en date du 10 octobre 1955 émanant du Congrès des syndicats industriels du Japon ; une plainte en date du 19 octobre 1955 émanant du Syndicat des administrations, banques et assurances (Berlin-Est) ; une plainte, en date du 20 octobre 1955, émanant du Syndicat des cheminots (Berlin-Est) ; une plainte, enfin, émanant du Syndicat des postes et télégraphes des syndicats libres allemands (Berlin-Est) et datée du 3 novembre 1955. L'ensemble de ces communications a été transmis à l'O.I.T par le Secrétaire général des Nations Unies. Ces quatre plaintes alléguant les mêmes faits, il convient de les analyser simultanément.
  2. 175. Au dire des plaignants, les autorités guatémaliennes auraient pris une série de mesures répressives contre un certain nombre de dirigeants syndicaux. En particulier, le gouvernement aurait engagé la procédure prévue en cas d'activité subversive - délit qui entraînerait la peine de mort - contre MM. Alvarado Monzón, ancien secrétaire de la C.G.T du Guatemala, et Jaime Zavala, secrétaire général du Syndicat des cheminots. A ces deux noms, certains des plaignants ajoutent ceux des personnes suivantes : Francisco Hernández, Gabriel Camey, Andrés Tobar, Aristeo Sosa et Arsenio Conde, en précisant qu'il ne s'agit pas là d'une liste limitative. D'après les plaignants, les activités véritables de ces personnes auraient consisté en une lutte pour la défense des travailleurs et du peuple guatémalien, ainsi que pour la restitution des terres en possession de la United Fruit Co. et autres monopoles nord-américains.
  3. 176. Les organisations plaignantes ont été informées - le Congrès des syndicats industriels du Japon par une lettre en date du 26 novembre 1955, les trois autres par des lettres en date du 6 janvier 1956 - de leur droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de leurs plaintes dans les délais prévus par la procédure du Comité. Aucune d'elles n'a fait usage de ce droit.
    • ANALYSE DES REPONSES
  4. 177. Dans sa première réponse, en date du 16 janvier 1956, le gouvernement indique que ni M. Monzón ni M. Zavala ne doivent être jugés par la Cour suprême en raison de leurs activités syndicales ; il précise que ces deux personnes, à la suite de menées communistes, ont comparu devant le Comité de défense nationale contre le communisme, lequel leur a infligé six mois de prison à titre de mesure de sécurité. Le gouvernement nie avoir persécuté des dirigeants syndicaux en raison de leurs activités syndicales et affirme que les autorités respectent intégralement la liberté syndicale. Dans sa deuxième communication, relative aux trois plaintes qui lui ont été transmises ultérieurement, le gouvernement se borne à renvoyer à sa première réponse, puisque, aussi bien, les trois dernières plaintes portent sur la même affaire que la première.
  5. 178. A sa quatorzième session (Genève, 28-29 mai 1956), le Comité après avoir pris note des réponses gouvernementales analysées plus haut, a estimé que pour formuler ses conclusions définitives, il lui serait nécessaire d'obtenir sur les points suivants, des informations complémentaires de la part du gouvernement : la nature des activités déployées par MM. Alvarado Monzón et Jaime Zavala et qui ont été jugées subversives ; les preuves qui ont justifié la condamnation des deux personnes en question à six mois de prison ; les garanties prévues dans les cas de personnes traduites devant le Comité de défense nationale contre le communisme, enfin, la procédure engagée contre MM. Francisco Hernández, Gabriel Camey, Andrés Tobar, Aristeo Sosa et Arsenio Conde et sur l'issue de cette procédure. La demande d'informations complémentaires a été adressée au gouvernement par une lettre du Directeur général en date du 12 juin 1956. Le gouvernement a répondu par une lettre en date du 16 octobre 1956, analysée ci-dessous.
  6. 179. Dans sa dernière communication, le gouvernement fournit de nouvelles données tendant à démontrer que MM. Alvarado Monzón et Jaime Zavala n'ont pas été poursuivis en raison de leurs activités syndicales. M. Alvarado Monzón était membre du parti communiste, ainsi qu'en témoigne son activité publique en 1947, il fut l'un des fondateurs du Parti du front populaire de libération et de l'Alliance des jeunesses démocratiques, organisation sous le contrôle de la Fédération mondiale des jeunesses démocratiques soviétiques. Il fut à la tête du journal El Liberador, de tendance marxiste et organe du Parti d'action révolutionnaire. Il fut membre du groupe « Saker-Ti », contrôlé par des artistes communistes. En 1950, il devint membre du Parti communiste et fut arrêté alors qu'il suivait des cours de formation à l'école communiste Jacobo Sánchez. Il est détenteur de la carte no 4 de l'organisme de base « Luis Carlos Prestes » du premier comité départemental du parti communiste guatémalien. Il a collaboré au périodique Octubre. Il fut candidat du Comité central du parti communiste au présidium du deuxième congrès de ce parti. Lors du changement de nom du parti communiste en celui de parti guatémalien du travail, M. Monzón s'occupa de l'organisation du comité central de ce parti après avoir été membre de la commission électorale. Il donna des conférences sur le rapport Malenkov au vingtième congrès du parti communiste d'U.R.S.S. ; à l'occasion du trentième anniversaire de la mort de Lénine, il fit l'apologie de ce dernier lors de conférences publiques. En ce qui concerne M. Jaime Zavala, le gouvernement indique que M. Zavala se servait du syndicalisme comme moyen de promouvoir le communisme. Il fit campagne en faveur des intérêts des travailleurs syndiqués et combattit contre l'exploitation et l'intervention économique des Etats-Unis, mais jamais contre celles de la Russie soviétique. Il était inscrit au parti communiste depuis 1947.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 180. Le gouvernement du Guatemala a ratifié, le 13 février 1952, la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Ces conventions sont entrées en vigueur le 13 février 1953.
  2. 181. Dans son quinzième rapport, le Comité avait déjà eu l'occasion d'examiner une plainte concernant le Guatemala et relative à la détention de dirigeants syndicaux. Lors de son examen du cas en question, il avait signalé que « dans plusieurs cas antérieurs où il a eu à connaître d'allégations relatives à la poursuite et à la condamnation de dirigeants syndicalistes, le Comité a estimé que la seule question qui se posait était de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées, et que c'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités proprement syndicales qu'il y aurait atteinte à la liberté syndicale ».
  3. 182. Dans le cas présent, il ressort des réponses du gouvernement que MM. Alvarado Monzón et Jaime Zavala ont effectivement été poursuivis devant le Comité de défense nationale contre le communisme ; cependant - affirme le gouvernement -, ces poursuites ont été intentées contre eux non pas en raison de leurs activités syndicales, mais bien à la suite de leurs activités subversives. Des diverses données biographiques fournies par le gouvernement relativement à M. Alvarado Monzón, celui-ci paraît avoir professé des idées d'extrême-gauche et participé activement aux activités d'organisations communistes ou marxistes. En ce qui concerne M. Zavala, le gouvernement déclare qu'il se serait servi du mouvement syndical pour promouvoir l'idéologie communiste.
  4. 183. Dans de nombreux cas antérieurs, le Comité a été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits. Dans les cas de ce genre, avant de classer l'affaire, le Comité a toujours exigé que les informations présentées par le gouvernement soient suffisamment précises et circonstanciées pour lui permettre de conclure que les mesures prises à l'encontre des dirigeants syndicaux mis en cause n'étaient nullement motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical (sauvegarde de l'ordre public, raisons de caractère politique, etc.).
  5. 184. Dans le cas présent, la condamnation de MM. Alvarado Monzón et Jaime Zavala par le Comité de défense nationale contre le communisme à titre de mesure de sécurité paraît être une mesure de caractère politique non destinée, en principe, à limiter le libre exercice des droits syndicaux en tant que tels. Dans le cas no 5 (Inde), de même que dans le cas no 63 (Union sud-africaine), le Comité avait examiné des allégations relatives à la détention préventive de certaines personnes en application de lois sur la sécurité publique. Dans ces cas, le Comité avait fait observer que «les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties juridiques appropriées, mises en oeuvre dans les délais raisonnables ». En particulier, le Comité a insisté pour que chaque personne détenue bénéficie des garanties d'une procédure judiciaire régulière.
  6. 185. Dans le cas d'espèce, le Comité estime que les informations fournies par le gouvernement ne lui permettent pas de conclure que la procédure suivie devant le Comité de défense nationale contre le communisme assure les garanties d'une procédure judiciaire normale telles que ces garanties ont été définies par le Comité lors de son examen de plusieurs cas antérieurs ; en conséquence, il estime que l'attention du gouvernement devrait être attirée sur l'importance qu'il attache à ce que des dirigeants syndicaux ne soient pas abusivement détenus sous l'inculpation de s'être livrés à des activités subversives, sans bénéficier de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 186. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à ce que des dirigeants syndicaux ne soient pas détenus sous l'inculpation de s'être livrés à des activités subversives, sans bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière.
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