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Rapport définitif - Rapport No. 19, 1956

Cas no 110 (Pakistan) - Date de la plainte: 12-AOÛT -54 - Clos

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  1. 50. A sa 128ème session (Genève, 1er - 4 mars 1955), le Conseil d'administration, en adoptant le quinzième rapport du Comité de la liberté syndicale, a approuvé les recommandations qui lui avaient été soumises par le Comité en ce qui concerne certaines plaintes présentées par le Congrès des syndicats birmans et l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement (Varsovie) contre le gouvernement du Pakistan par des communications en date des 12 août et 10 septembre 1954, respectivement, cette dernière ayant été ultérieurement complétée par une lettre en date du 12 novembre 1954.
  2. 51. Conformément à ces recommandations, le Conseil d'administration a tout d'abord approuvé la conclusion formulée par le Comité en ce qui concerne les allégations relatives aux troubles et aux fusillades des filatures de jute de Narayanganj, conclusion selon laquelle il n'était pas possible, sur la base des informations disponibles, de déterminer de façon certaine si l'exercice des droits syndicaux avait été violé, mais par laquelle encore, le Comité disait estimer nécessaire - comme il l'avait fait dans divers cas antérieurs - de souligner que l'institution, par les soins du gouvernement intéressé, d'une enquête indépendante était une méthode particulièrement appropriée pour éclairer les faits et déterminer les responsabilités lorsque se sont déroulés des troubles de semblable importance ayant entraîné des pertes de vies humaines?, le Conseil d'administration avait décidé d'attirer l'attention du gouvernement pakistanais sur les observations mentionnées ci-dessus. En second lieu, le Conseil d'administration a approuvé la recommandation du Comité selon laquelle les allégations relatives à la dissolution de syndicats et à l'arrestation de travailleurs et de dirigeants syndicalistes dont les noms et qualités n'ont pas été spécifiés ne méritaient pas un examen plus approfondi. Le Conseil d'administration a également noté que le gouvernement serait prié de fournir des informations complémentaires sur l'allégation restée en suspens selon laquelle certains dirigeants syndicaux auraient été arrêtés, à savoir: Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal et Mohamed Ghayoor ; en effet, dans sa première réponse, datée du 6 novembre 1954, le gouvernement s'était borné à affirmer que les personnes en question avaient été arrêtées en raison des activités subversives auxquelles elles s'étaient livrées et non pas à la suite d'activités syndicales authentiques. Ces informations complémentaires ont été demandées par le Directeur général dans une lettre adressée le 16 mars 1955 au gouvernement du Pakistan.
  3. 52. Une troisième plainte a été adressée au Secrétaire général des Nations Unies le 13 octobre 1954 par la Fédération syndicale mondiale et transmise par le Secrétaire général à l'O.I.T. Par une lettre en date du 3 décembre 1954, le Directeur général a communiqué cette dernière plainte au gouvernement du Pakistan.
  4. 53. A sa douzième session (mai 1955), le Comité, constatant que le gouvernement n'avait pas encore fait parvenir les informations complémentaires qui lui avaient été demandées concernant les allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicalistes et qu'il n'avait pas non plus communiqué ses observations sur la plainte de la Fédération syndicale mondiale, a décidé d'ajourner à nouveau son examen du cas. A sa treizième session (novembre 1955), le Comité a noté que le gouvernement, par une communication en date du 17 août 1955, avait présenté des informations complémentaires sur les arrestations, mais s'était abstenu de fournir ses observations sur la plainte de la Fédération syndicale mondiale ; en conséquence, il a ajourné son examen du cas à la présente session. Le gouvernement du Pakistan a fait parvenir au Bureau ses observations sur la plainte de la Fédération syndicale mondiale par une communication en date du 20 février 1956.
  5. 54. L'analyse qui figure ci-dessous porte uniquement sur les allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicaux et qui sont toujours en suspens devant le Comité (plainte de l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement), sur les allégations contenues dans la plainte de la Fédération syndicale mondiale et sur les observations présentées par le gouvernement sur ces diverses allégations.

A. Allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicaux

A. Allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicaux
  1. 55. Dans la plainte déposée par l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement, il est allégué que Mohamed Ghayoor, secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile de Karachi, aurait été arrêté le 7 juillet 1954 ; il y est allégué en outre que Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal, respectivement président et secrétaire général de la Fédération des syndicats du Pakistan, auraient à leur tour été arrêtés le 24 juillet 1954. La Fédération syndicale mondiale, après avoir allégué l'arrestation de ces trois personnes, ajoute que les autorités pakistanaises, également en juillet 1954, auraient arrêté Ariz Ahmad Khan, président de la Fédération des syndicats de Karachi et, avec vingt autres paysans, Rana Habibur Rhamen, président du Comité des paysans de Lyalltur; toutes ces arrestations auraient été opérées en vertu de la loi sur la sécurité intérieure du territoire pakistanais.
    • Allégations relatives à l'action des forces armées
  2. 56. Il est allégué que, depuis le mois de mai 1954, la police et les forces armées auraient déclenché une véritable vague de terreur sur le Pakistan oriental. Prenant prétexte des incidents survenus aux usines de jute de Narayanganj (examinés par le Comité dans son quinzième rapport), le gouvernement central aurait installé des détachements militaires dans toutes les entreprises industrielles.
    • Allégations relatives à la liberté de réunion
  3. 57. A Dacca, Karachi et ailleurs, l'article 144 d'une loi interdisant les réunions, les rassemblements et les cortèges publics aurait été mis en application.
    • Allégations relatives à une conférence régionale
  4. 58. Une conférence régionale des paysans de Lyalltur aurait été interdite.
    • Allégations relatives aux bureaux d'enquête
  5. 59. Les autorités gouvernementales auraient prévu la création, dans toutes les entreprises industrielles employant plus de 5.000 ouvriers, de bureaux d'enquête chargés de sanctionner et de licencier les militants syndicalistes. Dans les petites entreprises, cette responsabilité serait laissée aux directeurs d'entreprise, qui recevraient tout pouvoir pour refuser du travail aux membres des syndicats.
    • Allégations relatives au remplacement des syndicats par des « bureaux sociaux »
  6. 60. La Fédération syndicale mondiale déclare que - si l'on en croit les informations qui lui sont parvenues - on envisagerait la suppression des syndicats et leur remplacement par des « bureaux sociaux », ce qui aurait pour effet de priver les travailleurs de leur liberté de choisir librement l'organisation professionnelle à laquelle ils entendent appartenir.
    • Allégations relatives aux perquisitions et à la mise sous scellés de locaux syndicaux
  7. 61. L'organisation plaignante allègue qu'au Pakistan occidental, le siège de plusieurs syndicats aurait été saccagé et mis sous scellés par les autorités.
  8. 62. La F.S.M fait allusion, dans la plainte soumise par elle, aux conclusions du Comité à propos d'un cas antérieur concernant également le Pakistan et déclare que les arrestations de syndicalistes, la saisie des sièges syndicaux, l'établissement de « bureaux sociaux » patronnés par le gouvernement et la révocation des dirigeants syndicaux sont autant de violations caractérisées des droits syndicaux; elle demande que l'on intervienne auprès du gouvernement pour obtenir la libération immédiate des dirigeants et militants syndicaux détenus en vertu d'une législation d'exception, pour que les locaux syndicaux soient restitués aux organisations professionnelles et pour que les syndicats soient autorisés à fonctionner sans ingérence gouvernementale.
    • ANALYSE DES DERNIERES REPONSES DU GOUVERNEMENT (Communication en date des 17 août 1955 et 20 février 1956)
    • Allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicaux
  9. 63. En réponse aux allégations formulées par l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile et de l'habillement et la Fédération syndicale mondiale selon lesquelles Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal, respectivement Président et Secrétaire général de la Fédération des syndicats du Pakistan, et Mohamed Ghayoor, Secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile de Karachi, auraient été arrêtés en juillet 1954, le gouvernement présente les observations suivantes.
  10. 64. Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal, ainsi que Rana Habibur Rahmen (mentionné dans la plainte de la F.S.M.), ont été arrêtés par ordre du gouvernement du Pendjab. Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal sont membres du comité central du Parti communiste pakistanais; en sus d'avoir manifesté constamment une attitude critique de la politique du gouvernement, Mirza Mohamed Ibrahim est réputé avoir déclaré lors d'une réunion du Parti communiste « que le Parti avait décidé de faire la révolution et qu'il était prêt, pour sa part, à appuyer n'importe quel parti ou n'importe quelle personne qui aspirerait à renverser le gouvernement au pouvoir ». En février 1954, Mohamed Afzal a prononcé un discours « des plus contestables » protestant contre le pacte militaire américano-pakistanais. Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal ont été arrêtés en juillet 1954 à la suite de l'interdiction du Parti communiste. Ils ont excipé des droits de l'habeas corpus contre l'ordre de détention auprès de la Haute Cour de justice, qui les a relâchés sous caution en janvier 1955. Rana Habibur Rahmen, acquitté deux fois à la suite d'accusations relevant du Code pénal, se trouve actuellement en instance pour trois autres affaires ; il est en outre sous le coup de l'article 14 de la loi Goonda (destinée à s'occuper des « mauvais sujets »), à la suite de plaintes déposées contre lui à la police. Le gouvernement ajoute que l'allégation selon laquelle vingt paysans auraient été arrêtés en application de la loi sur la sécurité intérieure du territoire pakistanais est totalement dénuée de fondement.
  11. 65. Mohamed Ghayoor et Aziz Ahmed (mentionné dans la plainte de la F.S.M), tous deux membres du Comité syndical provincial, sont communistes et, d'après le gouvernement, « responsables d'avoir fomenté une série de grèves injustifiées destinées à paralyser le développement industriel du Pakistan ». Ils ont constitué des cellules communistes au sein de leurs syndicats et leurs activités étaient « propres à mettre en péril l'ordre et la sécurité de l'Etat; c'est à ce titre qu'ils ont été arrêtés et non en raison de leurs activités syndicales ». Aziz Ahmed se trouve actuellement devant les tribunaux pour avoir incité à la violence les participants à un cortège.
  12. 66. Dans sa communication datée du 20 février 1956, le gouvernement déclare que, bien qu'encourageant le développement d'un syndicalisme authentique et sain, il ne saurait accorder l'immunité à des éléments subversifs et criminels pour la seule raison qu'ils affichent des liens ostensibles avec un syndicat. Les personnes arrêtées l'ont été en vertu de la loi sur la sécurité intérieure du territoire en raison de leurs activités antipakistanaises. Elles travestissaient leur activité subversive sous des dehors syndicaux et constituaient un danger latent pour la paix et la tranquillité du pays. Le gouvernement déclare que les arrestations opérées en vertu de la loi sur la sécurité intérieure font l'objet d'un examen attentif de la part d'un comité consultatif composé de juges à la Haute Cour; les personnes arrêtées sont informées des raisons de leur détention et de leur droit de faire valoir des protestations contre la décision prise. Le cas de chacune des personnes incarcérées en vertu de la loi sur la sécurité intérieure est révisé tous les six mois, et la personne est informée du résultat de cette révision. Mises à part ces sauvegardes d'ordre procédural, le gouvernement ajoute que «les personnes en question peuvent exciper des droits de l'habeas corpus auprès d'un tribunal en vue de faire annuler l'ordre de détention ». Le gouvernement estime que la loi sur la sécurité intérieure du territoire pakistanais s'accompagne de garanties juridiques qui empêchent tout abus de pouvoir ou d'utilisation de la loi ; il considère donc qu'il est incorrect de dire que les personnes arrêtées en vertu de la loi en question ont été victimes d'une mesure arbitraire.
    • Allégations relatives à l'action des forces armées
  13. 67. Le gouvernement affirme qu'il n'y a pas eu de règne de terreur militaire au Bengale oriental. Le chapitre 92-A du Government of India Act a été promulgué au Bengal oriental dans le seul but d'enrayer les activités des hors-la-loi, activités qui mettaient en péril la paix et la tranquillité de la province. Les autorités administratives et militaires sont absolument distinctes l'une de l'autre. Dès que la situation a été rétablie, un représentant du gouvernement a été chargé de l'administration de la province. Le gouvernement considère ces allégations comme totalement dénuées de fondement.
    • Allégations relatives à la liberté de réunion
  14. 68. Le gouvernement ne présente aucune observation sur la prétendue application de l'article 144 de la loi interdisant les réunions, rassemblements et cortèges publics.
    • Allégations relatives à une conférence régionale
  15. 69. Le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle une conférence régionale aurait été interdite à Lyalltur.
    • Allégations relatives aux bureaux d'enquête
  16. 70. Le gouvernement déclare qu'aucune mesure n'a été prise par lui en vue d'instituer des bureaux d'enquête et affirme que l'allégation présentée dans ce sens est sans fondement.
    • Allégations relatives au remplacement des syndicats par des « bureaux sociaux »
  17. 71. Le gouvernement déclare qu'aucune mesure n'a été prise par lui en vue de remplacer les syndicats par des « bureaux sociaux » et affirme que l'allégation présentée dans ce sens est sans fondement.
    • Allégations relatives aux perquisitions et à la mise sous scellés de locaux syndicaux
  18. 72. Le gouvernement réfute cette allégation et affirme qu'aucun local syndical n'a jamais été mis sous scellés.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 73. En examinant ce cas, le Comité a tenu compte du fait que le gouvernement du Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
    • Allégations relatives à l'arrestation de certains dirigeants syndicaux
  2. 74. Il est allégué d'une part que quatre dirigeants syndicaux, à savoir: Mirza Mohamed Ibrahim, Mohamed Afzal, Mohamed Ghayoor et Aziz Ahmed, auraient été arrêtés en juillet 1954 en vertu de la loi sur la sécurité intérieure du territoire pakistanais. Il est allégué d'autre part qu'à la même époque et en vertu de la même loi, Rana Habibur Rahmen, président du Comité des paysans de Lyalltur, ainsi que vingt autres paysans auraient, également été arrêtés. Aucune raison précise n'est donnée comme ayant été à l'origine des arrestations et, bien que les charges syndicales des personnes en question aient été précisées, il n'est allégué nulle part que leur arrestation serait la conséquence de leurs activités syndicales. Le plaignant se borne à déclarer que les arrestations opérées et la détention qui s'est ensuivie l'ont été en vertu de la loi sur la sécurité intérieure du territoire. Le gouvernement réfute l'arrestation des vingt paysans dont les noms n'ont pas été précisés, mais admet celle des cinq personnes nommées plus haut et ne nie pas le fait que les mesures prises soient une application de la loi sur la sécurité intérieure du territoire. Le gouvernement affirme cependant que les personnes en question ont été arrêtées en raison des activités subversives auxquelles elles se livraient et non pas en raison de leurs activités syndicales. Le gouvernement déclare que Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal ont été relâchés sous caution après avoir excipé du droit de l'habeas corpus ; que Rana Habibur Rahmen, acquitté pour deux chefs d'accusation, a encore à répondre de trois autres chefs d'accusation relevant du Code pénal et du Goonda Act ; enfin, que Aziz Ahmed est poursuivi pour avoir incité à la violence les participants à un cortège.
  3. 75. Le Comité constate la grande similitude qui existe entre ces allégations et les allégations relatives à des arrestations opérées en vertu des lois pakistanaises sur la sécurité, allégations qu'il avait eu à examiner dans le cadre du cas no 49 (Pakistan) I. En fait, Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal, deux des personnes mentionnées dans le présent cas, figuraient parmi les personnes citées dans le cas no 49 comme ayant été arrêtées. Dans le cas no 49, il était allégué, comme aujourd'hui, que certains dirigeants syndicaux auraient été arrêtés et incarcérés en vertu de la législation de sécurité sans qu'il fût précisé toutefois que ces mesures auraient été la conséquence des activités syndicales déployées par les personnes en question ; comme dans le cas présent, le gouvernement niait tout rapport entre les arrestations et les activités syndicales des personnes en cause et précisait que les mesures prises à leur endroit l'avaient été en raison des activités illégales et subversives auxquelles elles s'étaient livrées. Comme dans le cas présent encore, le gouvernement expliquait que les détentions faisaient l'objet d'une enquête de la part d'un comité consultatif composé de juges à la Cour suprême, ainsi que d'une révision tous les six mois. De plus, dans le cas présent, le gouvernement précise que les détenus peuvent exciper du droit de l'habeas corpus et que cette possibilité, dont Mirza Mohamed Ibrahim et Mohamed Afzal se seraient prévalus, aurait eu pour conséquence la libération sous caution de ces deux personnes. Le Comité ne possède aucune information en ce qui concerne la période qui s'est écoulée entre, d'une part, le moment de l'arrestation, et celui où les intéressés ont invoqué l'habeas corpus et, d'autre part, entre la date de la présentation du recours et celle de la décision du tribunal.
  4. 76. Sur la base de faits sensiblement analogues à ceux qui sont devant lui aujourd'hui, le Comité avait conclu dans le cas antérieur concernant le Pakistan, que la question dont il était alors saisi relativement à des arrestations ne concernait pas en réalité l'exercice des droits syndicaux. Toutefois, le Comité notait que les termes de la loi de sécurité publique du Pakistan permettaient qu'une personne soit arrêtée et détenue, sans qu'elle soit jugée, et exprimait à nouveau l'opinion qu'il avait antérieurement formulée à l'occasion de son examen d'une loi indienne similaire, opinion selon laquelle « les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne fût accompagnée de garanties juridiques appropriées mises en oeuvre dans des délais raisonnables ». Le Comité avait souligné à cette occasion que «la politique de tout gouvernement » devrait être d'assurer le droit à toute personne détenue « de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière, engagée le plus rapidement possible ». Conformément aux recommandations du Comité, le Conseil d'administration avait décidé d'exprimer l'espoir que le gouvernement prendrait toutes mesures appropriées pour que la loi sur la sécurité publique ne soit pas appliquée de manière à porter atteinte aux garanties des droits syndicaux prévues par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 ; le Conseil d'administration avait en outre décidé de suggérer que le gouvernement pourrait estimer désirable d'examiner à nouveau sa législation en matière de sécurité publique, afin d'éviter que cette législation ne puisse être appliquée de manière incompatible avec les principes établis dans ces conventions.
  5. 77. Tout en notant qu'il n'y a pas eu d'allégation spécifique selon laquelle les arrestations incriminées seraient la conséquence de l'exercice des droits syndicaux et que dans le cas de deux personnes au moins, les tribunaux ont respecté la latitude laissée aux intéressés - lorsqu'ils sont détenus en vertu de la loi sur la sécurité du territoire - d'exciper du droit d'habeas corpus en les faisant libérer sous caution, le Comité estime utile d'attirer à nouveau l'attention sur les principes et les conclusions qu'il avait dégagés à la suite de son examen du cas antérieur concernant le Pakistan et qui sont rappelés au paragraphe 76 ci-dessus et recommande au Conseil d'administration d'exprimer à nouveau l'espoir que le gouvernement prendra toutes mesures appropriées pour que sa législation sur la sécurité publique ne soit pas appliquée de manière à porter atteinte aux garanties des droits syndicaux prévues par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, toutes deux ratifiées par le Pakistan.
    • Allégations relatives à l'action des forces armées
  6. 78. Il est allégué par le plaignant qu'une vague de terreur militaire a sévi sur le Pakistan oriental et que des détachements de l'armée ont été postés dans les entreprises industrielles. Le gouvernement nie cette affirmation et précise qu'à aucun moment, les autorités militaires ne se sont vu attribuer des fonctions administratives. Il indique que des mesures ont été prises pour faire face à une situation anarchique, mais que les conditions sont maintenant redevenues normales.
  7. 79. Le Comité estime qu'aucune preuve ne lui a été fournie tendant à démontrer que les faits allégués ont trait à l'exercice des droits syndicaux et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de la plainte n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives à la liberté de réunion
  8. 80. Il est allégué que l'article 144 d'une loi interdisant les réunions, rassemblements et cortèges publics aurait été mis en application. Il semble que cette allégation se réfère à l'article 144 du Code de procédure criminelle, qui autorise le magistrat à adresser une injonction à un particulier ou au public se trouvant dans un lieu déterminé ou s'y rendant, ordonnant à la personne en question « d'avoir à s'abstenir de certains actes ou à prendre certaines mesures quant aux biens en sa possession ou sous sa gérance si le juge considère que semblable injonction est susceptible d'éviter des obstructions, des désagréments ou des blessures, ou des risques d'obstruction, de désagréments ou de blessures vis-à-vis de toute personne occupant un emploi de manière licite ou de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité des personnes ou de nuire à la tranquillité des citoyens, ou de provoquer une émeute ou une bagarre ». Lorsque semblable demande est formulée, le magistrat donnera rapidement au demandeur l'occasion d'être entendu, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de son avocat, pour présenter son opposition à l'injonction ; et, si le magistrat rejette la demande en tout ou en partie, il indiquera par écrit les raisons de sa décision. Aucune injonction ne restera en vigueur pendant plus de deux mois suivant sa notification, à moins que le gouvernement provincial n'en décide autrement par publication au journal officiel en raison de l'existence d'un danger pour la vie ou la santé ou la sécurité des personnes ou d'un risque d'émeute ou de bagarre.
    • Le gouvernement ne présente aucune observation sur ce point.
  9. 81. Etant donné que le plaignant s'est abstenu de préciser que ce sont des réunions syndicales qui ont eu à souffrir de son application, le Comité, tout en attirant l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attaché au fait que le droit de réunion est un élément essentiel de la liberté syndicale, considère que l'allégation est trop vague pour pouvoir être examinée quant au fond et recommande au Conseil d'administration de décider qu'elle n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
    • Allégations relatives à une conférence régionale
  10. 82. Il est allégué qu'une conférence de paysans à Lyalltur aurait été interdite. Cette allégation est catégoriquement contredite par le gouvernement.
  11. 83. Le Comité considère que cette allégation, qu'aucune information détaillée ne vient appuyer, est trop vague pour pouvoir être examinée quant au fond et recommande au Conseil d'administration de décider qu'elle n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
    • Allégations relatives à l'institution de « bureaux d'enquête » et au remplacement des syndicats par des « bureaux sociaux »
  12. 84. Le plaignant déclare que les autorités gouvernementales « envisagent » l'institution de « bureaux d'enquête » dans les entreprises industrielles employant plus de 5.000 ouvriers ; ces bureaux auraient pour fonction de punir et de licencier les militants syndicalistes. Dans les petites entreprises, ces fonctions incomberaient à la direction. L'organisation plaignante ajoute que « selon les informations qui sont en sa possession, des mesures sont prises » en vue de supprimer les syndicats et les remplacer par des « bureaux sociaux ». Le gouvernement nie qu'aucune mesure ait été prise dans ce sens.
  13. 85. Le Comité a noté que le plaignant n'allègue pas que ces mesures ont été prises ; il fait simplement allusion au fait que le gouvernement envisagerait l'institution de « bureaux d'enquête » de même que, « selon les informations qui sont en sa possession », il envisagerait le remplacement des syndicats par des « bureaux sociaux ». Le Comité a noté tout d'abord que ces affirmations sont niées par le gouvernement qui déclare n'avoir pris aucune mesure de cette sorte ; le Comité a ensuite noté que, bien que la plainte de la Fédération syndicale mondiale contenant ces allégations remonte au 13 octobre 1954, le plaignant s'est abstenu de fournir des informations complémentaires tendant à montrer que ces mesures, si elles ont jamais été envisagées, ont été mises en application.
  14. 86. Dans ces conditions, le Comité estime qu'aucun élément de preuve n'a été présenté tendant à démontrer que les mesures en question ont été adoptées ou que lesdites mesures ont entraîné une atteinte aux droits syndicaux et recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
    • Allégations relatives aux perquisitions et à la mise sous scellés de locaux syndicaux
  15. 87. Le plaignant allègue qu'au Pakistan occidental, le siège de plusieurs organisations syndicales a été perquisitionné et mis sous scellés par les autorités. Le gouvernement ne présente aucune observation sur les prétendues perquisitions, mais déclare qu'aucun local syndical n'a jamais été mis sous scellés.
  16. 88. Le Comité a noté que l'organisation plaignante ne se réfère à aucun syndicat précis lorsqu'elle fait ces allégations ; elle s'abstient de même de fournir aucune date ou aucun élément rendant possible l'examen d'un cas spécifique.
  17. 89. Le Comité estime que cette allégation est formulée en des termes si généraux qu'elle est trop vague pour permettre son examen quant au fond et recommande, par suite, au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 90. En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer à nouveau l'espoir que le gouvernement prendra toutes mesures appropriées pour que sa législation sur la sécurité publique ne soit pas appliquée de manière à porter atteinte aux garanties des droits syndicaux prévues par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, toutes deux ratifiées par le Pakistan ;
    • b) de noter que le plaignant n'a apporté aucun élément de preuve sur la plupart des allégations qu'il a présentées et, dans ces conditions, de décider que, sous réserve des observations contenues aux paragraphes 75 à 77 ci-dessus et des observations mentionnées au paragraphe 51 ci-dessus que le Comité avait faites dans le paragraphe 236 de son quinzième rapport en présentant son rapport intérimaire sur ce cas au Conseil d'administration, le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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