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Rapport intérimaire - Rapport No. 14, 1954

Cas no 105 (Grèce) - Date de la plainte: 10-JUIN -54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 117. Les deux plaintes suivantes ont été déposées : la première, un télégramme du 10 juin 1954, a été adressée au Directeur général par le mouvement syndicaliste unitaire de Grèce (E.S.K.E) ; la seconde, en date du 17 juin 1954, a été présentée par la Confédération générale du travail de Grèce et transmise au Directeur général par plusieurs délégués travailleurs lors de la 37ème session de la Conférence internationale du Travail.
  2. 118. La plainte présentée par l'E.S.K.E allègue en particulier:
    • a) que le revenu ouvrier couvre à peine 30 pour cent de celui d'avant-guerre;
    • b) que les syndicats ne peuvent fonctionner librement et sont sous la dépendance gouvernementale ;
    • c) que les lois favorables aux ouvriers sont supprimées ainsi que les droits acquis depuis longtemps ;
    • d) que des centaines de cadres syndicalistes sont exilés depuis sept ans et que huit ouvriers syndicalistes ont été récemment déportés en raison de leurs activités syndicales.
  3. 119. Dans la deuxième plainte, la Confédération générale du travail de Grèce rappelle qu'elle avait déjà, en juin 1953, présenté contre le gouvernement hellénique une plainte en violation de la liberté syndicale et que, par la suite, le gouvernement ayant accepté de soumettre à une commission tripartite l'examen des différents problèmes en suspens, elle avait, dans un esprit de conciliation, prié le Conseil d'administration de ne pas donner suite à cette plainte.
  4. 120. Elle estime que le gouvernement a, depuis, repris une attitude antisyndicale et formule à cet égard les principales allégations suivantes:
    • a) La mise en application de l'article 6 du décret-loi no 2510 en date du 13 août 1953 a eu pour effet d'abroger pour le personnel des banques la protection prévue par la loi no 1803 de 1951, dont l'article 1 dispose que le contrat de travail des salariés ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'un syndicat comptant plus de cent membres ne peut être dénoncé par l'employeur pendant la durée de leurs fonctions et au cours de l'année qui suit la cessation de celles-ci, sauf pour une raison grave et conformément à une procédure prévue par cette loi.
    • b) Un projet de loi modifiant ce décret a été déposé. L'article 6 de ce projet stipule que « les membres du conseil d'administration d'un syndicat professionnel perdent automatiquement cette qualité aussitôt qu'ils cessent d'exercer la profession qu'ils représentent ». Cela signifie que lorsqu'un travailleur faisant partie du conseil d'administration d'un syndicat est licencié par son employeur, il est automatiquement destitué de ses fonctions et ne peut plus participer à l'administration de son syndicat. L'organisation plaignante signale que, d'après les déclarations du ministre du Travail, cette disposition ne concerne que les employés de banque.
    • c) Le ministère du Travail a aboli le droit des organisations syndicales de désigner les représentants des travailleurs au sein des différentes caisses d'assurance des travailleurs. Ainsi, d'après l'article 3, paragraphe 4, du décret-loi no 2698 de 1953, les représentants des assurés au sein des commissions locales de l'organisme central d'assurance sociale sont désignés par les gouverneurs des provinces ; l'article 1 d'un projet de loi récent sur l'assurance-chômage stipule que le représentant de la classe ouvrière sera nommé par le ministre ; l'article 1 du décret-loi no 2656 de 1953 accorde au ministre du Travail le droit non seulement d'annuler les décisions des conseils d'administration des caisses d'assurance des travailleurs, mais aussi de congédier ou de remplacer les membres de ces conseils ; enfin, depuis plus d'un an, le ministère du Travail ne consulte presque plus jamais les organisations syndicales lorsqu'il s'agit de nommer les représentants des travailleurs dans les différents conseils, organismes et commissions qui s'occupent de questions intéressant la classe ouvrière et les désigne arbitrairement.
    • d) Un autre projet de loi portant modification de la législation sur les conventions collectives et les conflits de travail accorde indirectement au ministère du Travail le droit de désigner les organisations des travailleurs ou les personnes qui seront chargées de négocier avec les employeurs ; d'autre part, il interdit le règlement des questions syndicales au moyen de conventions collectives. Cette dernière disposition vise à affaiblir le mouvement ouvrier en interdisant aux syndicats d'encaisser la contribution réglementaire par l'entremise des employeurs.
  5. 121. En conclusion, l'organisation plaignante demande au Conseil d'administration de déclarer que les dispositions du décret-loi no 2510 constituent une violation du droit syndical, que la politique générale en matière syndicale du gouvernement hellénique ne correspond pas aux normes adoptées par l'O.I.T et de solliciter, en conséquence, le consentement du gouvernement hellénique au renvoi du cas à la Commission d'investigation et de conciliation.
  6. 122. Conformément au paragraphe 23 du Neuvième rapport du Comité de la liberté syndicale, le Directeur général a informé les organisations plaignantes du fait que toutes informations complémentaires qu'elles pourraient désirer soumettre à l'appui de leurs plaintes devraient lui être communiquées dans le délai d'un mois. Aucune d'entre elles n'a fait parvenir d'informations complémentaires.
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  7. 123. Le gouvernement hellénique a transmis ses observations sur ces plaintes par une lettre en date du 6 octobre 1954.
  8. 124. En réponse aux allégations formulées par le mouvement syndicaliste unitaire (E.S.K.E.), le gouvernement fait remarquer que le secrétaire général et la quasi-totalité des membres de l'organisation plaignante appartiennent au parti communiste de Grèce ou sont des pro-communistes connus, agissant en vue de la promotion des intérêts de ce parti. Il estime que la plainte se base sur des données de mauvaise foi et contraires à la réalité. Il conteste avec chiffres à l'appui que le niveau de vie ouvrier ait baissé par rapport à l'avant-guerre. Il rappelle que, s'il s'est produit des cas où des administrations de syndicats ont été remplacées et des syndicalistes envoyés en exil, ces mesures ont été prises conformément aux lois pénales qui, dans tout pays démocratique, punissent les citoyens agissant contre la loi ou contre les intérêts de la nation. Il déclare qu'il n'intervient pas dans les affaires syndicales et que, si la contribution syndicale obligatoire a été supprimée - mesure d'ailleurs instamment réclamée par l'organisation plaignante -, c'est en vue de permettre un libre développement des diverses tendances syndicalistes du pays. Le gouvernement estime ne pas avoir à répondre à l'allégation relative à l'abolition de certains droits acquis, étant donné que ceux-ci ne sont pas spécifiés et qu'il n'est possible de répondre qu'à des accusations concrètes.
  9. 125. En ce qui concerne la plainte formulée par la Confédération générale du travail de Grèce, le gouvernement présente les observations suivantes
  10. 126. Il est exact que la garantie prévue par la loi no 1803 concernant la rupture du contrat de travail des personnes ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'un syndicat comptant plus de 100 membres a été supprimée, en ce qui concerne le personnel de la Banque nationale de Grèce et d'Athènes, de la Banque de Grèce, de la Banque foncière et de la Banque agricole de Grèce, par l'article 6 du décret-loi no 2510. Mais cette mesure a été prise conjointement à d'autres mesures de caractère général en vue d'assurer le fonctionnement adéquat des grandes institutions de crédit et de diminuer le coût des services bancaires. Le fonctionnement des grandes banques avait été conjugué avec un régime privilégié de prestations à l'égard du personnel (traitement plus considérable, prestations de sécurité sociale plus favorables, indemnités de licenciement démesurées) qui pesait lourdement sur l'économie nationale tout en créant pour l'Etat un problème moral puisqu'il paraissait favoriser particulièrement cette catégorie de travailleurs. Le gouvernement a été amené à prendre des mesures en vue de réduire l'importance du personnel de ces établissements et, à cette fin, il a estimé qu'il était naturel et juste de subordonner tout le personnel, indépendamment de la situation qu'il occupe dans la banque, à un jugement d'administration effectué par une commission spéciale et basé sur des données portant sur les qualifications et le rendement du travail de chacun des employés. Il a jugé qu'il devait supprimer le traitement plus favorable dont jouissait une des catégories de personnel. Malheureusement, certains des fonctionnaires desdites banques n'ont pas voulu reconnaître la justesse de ce point de vue, cependant manifestement approuvé par l'opinion publique, et ils ont donné à cette question un caractère personnel. Le fait que cette mesure n'a touché que les employés de banque montre précisément l'existence d'un problème spécial à cette branche de travailleurs. Ceux-ci n'en restent pas moins, parmi les travailleurs, la catégorie la plus favorisée quant au traitement et aux diverses prestations. Cette mesure n'est nullement le résultat d'une politique antisociale, mais a permis l'affranchissement du mouvement syndical bancaire de certaines personnes ne cherchant qu'à servir leurs propres intérêts contrairement à l'intérêt général. Les employés de banque jouissent, comme les autres travailleurs du pays, du droit de grève, qui est l'élément essentiel du régime de liberté syndicale qui règne en Grèce.
  11. 127. Il est exact qu'un projet de loi, dont le texte n'a pas encore été publié, contient une disposition prévoyant que les membres du conseil d'administration d'un syndicat professionnel perdent automatiquement cette qualité aussitôt qu'ils cessent d'exercer la profession qu'ils représentent. Mais cette disposition était déjà contenue dans le statut adopté par le syndicat des employés de la Banque nationale de Grèce, qui n'a cessé d'être en vigueur qu'à partir de la mise en application du décret-loi no 2510. Le gouvernement estime cette disposition justifiée étant donné qu'elle vise à maintenir dans les administrations des organisations syndicales des personnes exerçant réellement la profession qu'elles représentent. Le cas concerne les syndicats ne groupant que le personnel d'une entreprise et non pas les syndicats de larges branches professionnelles.
  12. 128. La loi no 2698 de 1953 prévoit que, parmi les membres du conseil d'administration de l'Institut des assurances sociales (I.K.A.), il y a quatre personnes représentant des personnes protégées qui, en vertu de l'article 12 de la loi no 1846 de 1951, toujours en vigueur, sont désignées par la Confédération générale du travail. L'I.K.A est un organisme autonome de droit public placé sous la surveillance du ministère du Travail et son bon fonctionnement est une responsabilité primordiale de l'Etat et non pas seulement des organisations syndicales. L'article 3, paragraphe 4, du décret-loi no 2698 de 1953 qui fait l'objet des critiques de l'organisation plaignante porte sur la composition des commissions administratives locales. Cette disposition ne méconnaît pas le principe selon lequel la C.G.T doit pouvoir participer au règlement des problèmes régissant la vie de l'I.K.A puisque, d'une part, elle participe au conseil central et que, d'autre part, elle figure parmi les organisations ou autorités qui présentent la liste de personnes qui doivent être désignées pour représenter les assurés. Le gouvernement a voulu se réserver le droit de choisir les personnes parce qu'on a remarqué certaines irrégularités d'ordre administratif ou financier commises par des personnes qui, de par leur qualité, avaient obligatoirement le droit d'être choisies. D'ailleurs, l'article 72 de la convention internationale du travail no 102 prévoit la participation à l'administration des organismes assureurs de représentants des personnes assurées sans établir l'obligation de leur désignation par les organisations syndicales. Les administrations des diverses caisses d'assurance sociale comprennent des représentants des assurés qui, en règle générale, proviennent des organisations syndicales.
  13. 129. Le projet de loi portant modification de la législation sur les conventions collectives et les conflits de travail n'a pas encore été publié dans le journal officiel. Il prévoit la possibilité de négociations entre organisations ouvrières et patronales au sujet de l'encaissement des contributions syndicales par conventions collectives et la Confédération générale du travail avait donné son accord sur ce point lors de la rédaction du projet de loi. L'allégation relative à l'exclusion indirecte des organisations appartenant à la C.G.T.G des négociations collectives est erronée et constitue une fausse interprétation de l'annulation de la disposition de la loi no 1367 de 1938, qui accordait à la Confédération générale du travail seule le droit de signer des conventions collectives, méconnaissant ainsi le droit des fédérations professionnelles nationales.
  14. 130. En conclusion, le gouvernement hellénique estime que l'article 6 du décret-loi no 2510 ne constitue pas une violation des principes de la liberté syndicale et tend au contraire à rétablir des relations harmonieuses entre les organisations syndicales des employés de banque et l'administration desdites institutions. Il souligne que sa politique générale envers les organisations syndicales et, notamment, envers la Confédération générale du travail, vise à assurer une totale liberté d'activité à toutes les tendances du syndicalisme hellénique, dont une fraction importante demande des élections en vue d'assurer au monde des travailleurs une représentation répondant aux aspirations de la majorité.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 131. Si l'on compare le contenu des deux plaintes soumises, on constate que, à l'exception de l'allégation relative à la baisse du revenu ouvrier - qui, de par sa nature, échappe à la compétence du Comité - et de l'allégation relative à la déportation de syndicalistes (également contenue dans d'autres plaintes qui font l'objet du cas no 112), les autres allégations concrètes présentées peuvent se ranger sous les quatre titres suivants:
    • a) allégations relatives à l'abolition des dispositions législatives protégeant les dirigeants des syndicats des employés de banque contre le licenciement ;
    • b) allégations relatives à la désignation arbitraire des représentants des travailleurs au sein des organismes d'assurance sociale ;
    • c) allégations relatives à la désignation arbitraire des représentants des travailleurs dans d'autres organismes s'occupant de questions intéressant la classe ouvrière ;
    • d) allégations relatives au projet de loi sur les conventions collectives et les conflits du travail.
    • a) Allégations relatives à l'abolition des dispositions législatives protégeant les dirigeants des syndicats des employés de banque contre le licenciement
  2. 132. Le gouvernement est d'accord avec le plaignant pour reconnaître que la garantie prévue par la loi no 1803 de 1951- dont l'article 1 dispose que le contrat de travail des salariés ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'un syndicat comptant plus de 100 membres ne peut être dénoncé par l'employeur pendant la durée de leurs fonctions et au cours de l'année qui suit la cessation de celles-ci, sauf pour une raison grave et conformément à une procédure prévue par cette loi - a été supprimée en ce qui concerne le personnel de la Banque nationale de Grèce et d'Athènes, de la Banque de Grèce, de la Banque foncière et de la Banque agricole de Grèce, par l'article 6 du décret-loi no 2510 de 1953. Mais le gouvernement déclare que cette mesure fait partie d'un ensemble de dispositions tendant à assurer le fonctionnement adéquat des institutions de crédit et à diminuer le coût des services bancaires, qui, en raison des prestations privilégiées accordées au personnel, pesait lourdement sur l'économie nationale et posait à l'Etat un problème moral puisque celui-ci paraissait favoriser particulièrement cette catégorie de travailleurs. Le gouvernement souligne que cette mesure n'a touché que les employés de banque, ce qui prouve l'existence d'un problème spécial à cette branche de travailleurs. L'effectif du personnel de ces établissements devait être réduit et, pour opérer cette réduction, il était juste de replacer tous les membres du personnel sur un pied d'égalité et de les subordonner au jugement d'une commission spéciale ne prenant pour critère que les qualifications et le rendement.
  3. 133. En déclarant que l'abolition des garanties prévues par la loi no 1803 de 1951 a permis « l'affranchissement du mouvement syndical bancaire de certaines personnes ne cherchant qu'à servir leurs propres intérêts contrairement à l'intérêt général », le gouvernement reconnaît que l'application du décret-loi no 2510 de 1953 a effectivement eu pour conséquence le licenciement de certains délégués syndicaux.
  4. 134. Un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Une des manières d'assurer cette protection est de prévoir que ces délégués ne peuvent être licenciés ni dans l'exercice de leurs fonctions, ni pendant un certain laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. La loi no 1803 de 1951 prévoyait une garantie de ce genre pour les présidents et secrétaires généraux des syndicats comptant plus de cent membres. Le décret-loi no 2510 de 1953 a aboli cette garantie en ce qui concerne le personnel de certaines banques. Si ce décret supprime un droit dont jouissaient jusqu'ici les organisations syndicales des banques, il ne semble pas cependant qu'il constitue en lui-même une atteinte à la liberté syndicale. En effet, le principe suivant lequel un travailleur ou un dirigeant syndical ne doit pas subir de préjudice en raison de ses activités syndicales n'implique pas nécessairement que le fait de détenir un mandat syndical doive conférer à son détenteur une immunité contre tout licenciement quelles que puissent être les circonstances de celui-ci. Dans le cas d'espèce, les licenciements semblent avoir fait partie d'une réduction générale des effectifs opérée à la suite d'une réorganisation réglementaire de certaines banques ; le plaignant n'apporte pas la preuve que, lors de l'application de cette mesure, des délégués syndicaux aient été traités injustement en raison de leurs activités syndicales et le gouvernement affirme que les licenciements qui étaient rendus nécessaires par des considérations d'ordre administratif et financier ont été effectués en prenant pour seuls critères les qualifications et le rendement des employés. L'ensemble de la question ne s'est posé qu'à propos de banques contrôlées par l'Etat et affectées par la réorganisation réglementaire ; dans ces conditions, le comité estimera peut-être que les mesures prises en vue de réduire les effectifs du personnel de ces banques n'ont pas impliqué d'atteinte aux droits syndicaux.
  5. 135. Mais le gouvernement reconnaît qu'aux termes d'un projet de loi envisagé, les membres du conseil d'administration d'un syndicat professionnel perdent automatiquement cette qualité aussitôt qu'ils cessent d'exercer la profession qu'ils représentent ; à son avis, cette disposition est justifiée car elle vise à maintenir, dans les administrations des organisations syndicales, des personnes exerçant réellement la profession qu'elles représentent. Cependant, comme le fait remarquer le plaignant, la conséquence d'une telle disposition serait que, lorsqu'un employé de banque faisant partie d'un conseil d'administration d'un syndicat serait licencié par son employeur, il serait automatiquement destitué de ses fonctions syndicales. Le fait, souligné par le gouvernement, que cette disposition existait dans le statut adopté par le syndicat des employés de la Banque nationale de Grèce ne semble pas pouvoir être retenu, étant donné qu'avant l'entrée en vigueur du décret-loi no 2510 de 1953 les délégués syndicaux ne pouvaient être licenciés par l'employeur pendant la durée de leur mandat. Toutefois, si l'on rapproche la disposition du projet de loi envisagée des termes du décret no 2510 de 1953 abrogeant les garanties existant en cas de licenciement, il en résulte qu'au cas où ce projet de loi serait adopté, le membre du conseil d'administration ou d'un syndicat qui serait licencié par la direction d'une des banques mentionnées ci-dessus se trouverait privé, non seulement de son emploi, mais encore de son droit de participer à l'administration de son syndicat, de sorte que la direction d'une des banques intéressées pourrait, par ce moyen, faire obstacle au droit des travailleurs d'élire leurs propres représentants. Le fait que cette disposition ne concerne que les syndicats groupant le personnel d'une entreprise et non pas les syndicats de branches professionnelles en atténue certes la portée, mais ne semble pas en changer la signification.
  6. 136. Dans deux cas antérieurs (cas no 79 : Belgique ; cas no 80 : République fédérale d'Allemagne), le Comité, saisi d'allégations portant sur une législation en cours d'adoption, avait estimé ne pas devoir y donner suite, en se fondant sur le fait que le caractère vague des allégations relatives à des projets de législation qui étaient formulées dans ces cas et les sérieux doutes que l'on pouvait avoir quant à l'adoption d'une mesure quelconque rendaient inutile un examen de ces allégations quant au fond. Il n'en est pas de même dans le cas présent, puisque tant les plaignants que le gouvernement font état du texte même du projet en cause. Le Comité estime que lorsqu'il est saisi d'allégations précises et détaillées concernant un projet de loi, le fait que ces allégations se rapportent à un texte n'ayant pas force de loi ne devrait pas à lui seul l'empêcher de se prononcer sur le fond des allégations présentées. Le Comité est d'avis qu'il y a en effet intérêt à ce que, en de tels cas, le gouvernement et le plaignant aient connaissance du point de vue du Comité à l'égard d'un projet de loi avant l'adoption de celui-ci, étant donné que le gouvernement à qui revient l'initiative en la matière a la faculté de lui apporter d'éventuelles modifications.
  7. 137. Aussi, tout en prenant en considération les raisons d'intérêt général qui ont pu amener le gouvernement grec à prendre un certain nombre de mesures destinées à réduire le coût des services bancaires et à procéder notamment à des réductions de personnel, le Comité désire attirer à nouveau l'attention sur l'importance qu'il attache au principe formulé à l'article 3 de la convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, selon lequel les travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, et au principe formulé à l'article 1 de la convention de 1949 sur le droit d'organisation et de négociation collective, aux termes duquel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, une telle protection devant notamment s'appliquer à des actes ayant pour but de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail. Le Comité recommande en conséquence au Conseil d'administration de signaler à l'attention du gouvernement grec que, si le projet de loi dont il est fait mention au para graphe 135 était adopté, il permettrait à la direction des banques intéressées de faire obstacle au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, droit qui constitue l'un des aspects essentiels de la liberté syndicale.
    • b) Allégations relatives à la désignation arbitraire des représentants des travailleurs au sein des organismes d'assurance sociale
  8. 138. Le plaignant allègue que, d'après l'article 3, paragraphe 4, du décret-loi no 2698 de 1953, les représentants des assurés au sein des commissions locales de l'organisme central d'assurance sociale sont désignés par les gouverneurs des provinces et que l'article 1 du décret-loi no 2656 de 1953 permet au ministre du Travail de congédier ou de remplacer les membres des conseils d'administration des caisses d'assurance des travailleurs. Le gouvernement répond que le décret-loi no 2698 de 1953 prévoit que, parmi les membres du conseil d'administration de l'Institut des assurances sociales, il y a quatre personnes représentant les assurés qui, en vertu de l'article 12 de la loi no 1846 de 1951, toujours en vigueur, sont désignées par la Confédération générale du travail et que le décret-loi no 2698 de 1953 ne fait pas obstacle au droit de la Confédération générale du travail de figurer parmi les organisations qui présentent la liste de personnes devant être désignées pour représenter les assurés dans les commissions administratives locales. Le gouvernement souligne qu'il a voulu se réserver le droit du choix des personnes parce que certaines irrégularités d'ordre administratif ou financier avaient été commises par des personnes qui, de par leur qualité, avaient obligatoirement le droit d'être choisies. Il rappelle, d'autre part, que l'article 72 de la convention de 1952 concernant la sécurité sociale (norme minimum) qui prévoit la participation à l'administration des organismes assureurs de représentants des personnes protégées n'exige pas que ces représentants soient désignés par les organisations syndicales.
  9. 139. Si la participation des organisations syndicales aux organismes de sécurité sociale est assez fréquemment reconnue à l'échelon national, notamment dans les organismes de caractère consultatif, il n'est pas de pratique courante d'accorder à ces organisations le droit de désigner un représentant des travailleurs chargé de participer aux commissions administratives locales des systèmes de sécurité sociale.
  10. 140. Le Comité estime que, dans le cas d'espèce, étant donné les déclarations du gouvernement selon lesquelles les administrations des diverses caisses d'assurance sociale comprennent des représentants des assurés qui, en règle générale, proviennent des organisations syndicales et spécifiant par ailleurs que la Confédération générale du travail conserve le droit, d'une part, de désigner les quatre personnes représentant les assurés qui figurent parmi les membres du conseil d'administration de l'Institut des assurances sociales, d'autre part, celui de proposer, conjointement avec d'autres organisations, les personnes devant être désignées pour représenter les assurés au sein des commissions administratives locales, cette allégation n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • c) Allégations relatives à la désignation arbitraire des représentants des travailleurs dans d'autres organismes s'occupant de questions intéressant la classe ouvrière
  11. 141. Mais le plaignant allègue également que, d'une manière générale, le ministère du Travail ne consulte presque plus jamais les organisations syndicales lorsqu'il s'agit de nommer les représentants des travailleurs dans les différents organismes s'occupant de questions intéressant la classe ouvrière et qu'en particulier l'article 1 d'un projet de loi sur l'assurance-chômage dispose que le représentant de la classe ouvrière sera nommé par le ministre. La réponse du gouvernement ne portant pas sur ce point, le Comité, sans préjuger les conclusions qu'il pourrait adopter sur le fond, estime qu'il serait souhaitable de demander au gouvernement grec de vouloir bien fournir à cet égard des informations complémentaires.
    • d) Allégations relatives au projet de loi sur les conventions collectives et les conflits du travail
  12. 142. Le plaignant allègue en premier lieu que ce projet de loi interdirait le règlement des cotisations syndicales au moyen de conventions collectives. Dans sa réponse, le gouvernement souligne que le projet prévoit la possibilité de négociations entre organisations ouvrières et patronales au sujet de l'encaissement des cotisations syndicales par conventions collectives et que la Confédération générale du travail avait donné son accord sur ce point lors de la rédaction du projet de loi.
  13. 143. Le plaignant allègue en second lieu que ce même projet accorderait indirectement au ministère du Travail le droit de désigner les organisations de travailleurs ou les personnes qui seraient chargées de négocier avec les employeurs. Dans sa réponse, le gouvernement souligne qu'il n'est pas question d'exclure les organisations appartenant à la Confédération générale du travail du droit de participer aux négociations collectives et qu'il s'agit seulement d'accorder ce droit à d'autres organisations que la Confédération générale du travail.
  14. 144. Le Comité estime qu'étant donné qu'il ressort des déclarations du gouvernement qu'il ne saurait être question d'exclure la Confédération générale du travail du droit de signer les conventions collectives, mais qu'il s'agit seulement de reconnaître ce droit de négociation à d'autres organisations syndicales, les allégations relatives au projet de loi sur les conventions collectives et les conflits du travail n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 145. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que le licenciement de certains membres du personnel des banques au cours d'une réorganisation réglementaire des banques n'a pas, dans les circonstances décrites aux paragraphes 132 à 135, constitué une atteinte aux droits syndicaux ;
    • b) de souligner l'importance qu'il attache aux principes énoncés à l'article 3 de la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et à l'article 1 de la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, rappelés plus haut au paragraphe 137, et de signaler en conséquence à l'attention du gouvernement grec que, si le projet de loi dont il est fait mention au paragraphe 135 était adopté, il permettrait à la direction de certaines banques de faire obstacle au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, droit qui constitue l'un des aspects essentiels de la liberté syndicale ;
    • c) de décider que les faits allégués relatifs à la désignation des représentants des travailleurs dans les organismes d'assurance sociale ne constituent pas une atteinte aux droits syndicaux pour les raisons indiquées aux paragraphes 138 à 141 ;
    • d) de décider que les faits allégués relatifs au projet de loi sur les conventions collectives et les conflits de travail prévoyant l'extension du droit de négociation collective à des organisations qui ne sont pas affiliées à la centrale syndicale grecque ne constituent pas une atteinte aux droits syndicaux et n'appellent pas, en conséquence, un examen plus approfondi de sa part ;
    • e) de noter que le gouvernement grec sera invité à fournir des informations complémentaires en ce qui concerne la consultation des organisations syndicales lors de la désignation des représentants de travailleurs dans différents organismes - autres que ceux qui sont relatifs à la sécurité sociale - s'occupant de questions intéressant la classe ouvrière.
      • Rome, le 16 novembre 1954. (Signé) Roberto AGO, Président.
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