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Rapport intérimaire - Rapport No. 14, 1954

Cas no 104 (Iran (République islamique d')) - Date de la plainte: 20-MARS -54 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 86. La plainte est contenue dans deux documents : le premier est constitué par la plainte originelle en date du 20 mars 1954 adressée au Secrétaire général des Nations Unies et renvoyée par celui-ci à l'O.I.T. ; le second, en date du 24 juillet 1954, comprend les informations complémentaires adressées à l'O.I.T par l'organisation plaignante pour étayer sa plainte conformément à la procédure en vigueur. Les deux documents seront analysés ensemble.
  2. 87. Le plaignant formule les allégations suivantes:
    • a) Depuis le « coup d'Etat » du 19 août 1953, le gouvernement aurait suivi une politique de répression syndicale en abolissant les droits légalement reconnus aux travailleurs contrairement aux dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur. Les forces armées auraient, en particulier, occupé les usines en obligeant les travailleurs sous la menace des armes à travailler de dix à quatorze heures par jour pour le même salaire, alors que la journée de travail légale est de huit heures, et auraient occupé les chemins de fer en obligeant les cheminots et les techniciens à travailler contrairement aux clauses prescrites dans leurs contrats de travail.
    • b) La loi martiale se prolongerait indéfiniment. De ce fait, toutes les réunions syndicales seraient interdites, sous peine de licenciement, d'emprisonnement et de déportation, et aucune réunion ouvrière au-dessus de deux personnes ne serait permise.
    • c) Le droit de grève aurait été supprimé par décret du gouvernement.
    • d) La presse syndicale serait interdite trois journaux syndicaux sont cités par le plaignant : Navide Azade, Asre Piruzi (organe de la Fédération des cheminots de l'Iran) et Zafar (organe central du Conseil central des syndicats unifiés de l'Iran.
    • e) Des syndicalistes auraient été emprisonnés sans jugement. Quatre cents travailleurs auraient été déportés ou jetés en prison à cause de leurs activités syndicales dans la dernière moitié du mois d'août et en septembre 1953. Des centaines de travailleurs manuels et intellectuels auraient été emprisonnés ou déportés dans des camps de concentration, notamment dans l'enceinte fortifiée de Falakol-Aflak et dans l'« île de la mort » de Khark, dans le golfe Persique. Cent vingt mineurs des mines de Ziral, propriété du gouvernement, auraient été arrêtés et déportés et on aurait cessé de payer aux travailleurs des mines des primes et d'autres avantages. Dans sa communication en date du 24 juillet 1954, le plaignant déclare que d'autres déportations seraient en cours.
    • f) Des centaines de travailleurs, d'instituteurs et d'employés auraient été licenciés, par des commissions d'épuration, « pour leurs activités syndicales ». Six ouvriers de l'usine de tabac de Téhéran auraient été renvoyés sur ordre des autorités gouvernementales pour avoir refusé de faire des heures supplémentaires.
    • g) Divers actes de brutalité auraient été commis contre les travailleurs. A Chahi, Behchahr et Sari, des bandes payées par le gouvernement auraient mis à sac les foyers des travailleurs ; à Tchalousse, les travailleurs de l'usine de soie et de textiles auraient été arrêtés pour leurs activités syndicales, soumis à la torture et fouettés sur l'ordre du gouvernement militaire de la ville ; à la fabrique de coton Tchitsazi, à Téhéran, un ouvrier aurait été arrêté, fouetté et privé de toute nourriture ; il serait mort, deux jours après, des suites de ce traitement brutal.
    • h) Des syndicalistes détenus à la prison de Recht auraient été mêlés aux condamnés de droit commun et brutalement traités. Les 12 et 13 mai 1954, des agents du gouvernement auraient forcé l'entrée des prisons et auraient attaqué au bâton et au couteau les syndicalistes et les démocrates qui s'y trouvaient. Des soldats seraient intervenus à la mitrailleuse. Six des personnes emprisonnées - Hormoz Nik-Kah (travailleur dans une fabrique de thé), Mohamed Taghi Mohabbat Khah (fonctionnaire), Mohamed Taghi Eghdamé Dousta (membre du mouvement paysan), Ali Bolandi (travailleur du bâtiment), Salzali Mohammed Nejad et Fereydoune Parsa-Douste (étudiant) - auraient été tués et cent autres personnes blessées.
  3. 88. Le plaignant demande la levée des diverses restrictions mentionnées dans les paragraphes précédents et la libération immédiate des travailleurs et des dirigeants syndicaux emprisonnés ou déportés.
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  4. 89. Dans sa réponse, en date du 16 septembre 1954, le gouvernement déclare que les plaintes présentées par la Fédération syndicale mondiale sont formulées régulièrement à titre de propagande politique, et ont pour objet des accusations gratuites d'ordre purement politique présentées sous le couvert de la répression du mouvement syndical. La présente plainte est considérée par le gouvernement comme étant la suite ou la reprise d'allégations antérieures présentées contre le gouvernement de l'Iran et déjà rejetées par le Comité et par le Conseil d'administration et il considère que le présent cas devrait donc être considéré comme chose jugée. Le gouvernement cite les conclusions auxquelles le Comité a abouti dans le cas no 93 concernant l'Iran lorsqu'il a estimé qu'étant donné, d'une part, que les allégations consistaient en des affirmations d'ordre général non étayées par des faits précis d'atteinte à la liberté syndicale et, d'autre part, qu'elles étaient insérées dans une série d'allégations d'un caractère purement politique, il y avait lieu de recommander leur rejet.
  5. 90. En ce qui concerne les allégations présentement formulées par le plaignant, le gouvernement déclare:
    • a) Le mouvement syndical n'a été à aucun moment objet de répression et la législation accorde aux syndicats la jouissance de toutes les libertés, sans aucune atteinte ou discrimination. La loi du travail n'a subi aucun changement, la durée du travail est la même, les clauses prescrites dans les contrats de travail sont respectées.
    • b) La loi martiale n'existe plus maintenant que dans de rares régions. Elle n'affecte aucunement les relations industrielles et son application ne peut porter préjudice à la loi du travail ou à ses règlements. Les réunions syndicales ne sont nullement interdites.
    • c) Aucun décret n'a été pris pour limiter le droit de grève.
    • d) La presse jouit d'une entière liberté de publication et ne peut subir d'interdiction que conformément aux règles bien précises des lois qui régissent cette matière.
    • e) Bien que ne se référant pas d'une manière spécifique aux cas allégués d'emprisonnement et de déportation de personnes dans des camps de concentration - particulièrement à Falakol-Aflak et Khark - en raison d'activités syndicales, le gouvernement déclare, à propos de la plainte dans son ensemble, que les recherches n'ont révélé aucun cas correspondant aux allégations formulées. Il dément tout refus de payer des primes ou d'autres avantages dus aux travailleurs, comme cela est allégué dans le cas des travailleurs des mines de Ziral.
    • f) Les allégations relatives à l'épuration de centaines de travailleurs, d'instituteurs et d'employés sont rejetées par le gouvernement comme étant de nature calomnieuse.
    • g) En ce qui concerne les actes de pillage et de brutalité qui auraient été commis dans diverses usines et localités, le gouvernement répond par une déclaration générale suivant laquelle les recherches n'ont révélé aucun cas qui puisse correspondre aux allégations présentées dans la plainte. Les allégations relatives au pillage des foyers des travailleurs sont qualifiées par le gouvernement de calomnieuses.
    • h) Le gouvernement présente des informations assez détaillées sur les incidents allégués au sujet de la prison de Recht. Il déclare que toutes les personnes détenues à la prison de Recht étaient des condamnés de droit commun jugés par les tribunaux compétents et qu'aucun syndicaliste n'a été incarcéré à ce titre. Selon le règlement de la prison, les détenus, qui vivaient en commun pendant la journée, devaient regagner leurs cellules à 10 heures du soir. Le 12 mai, certains prisonniers refusèrent de regagner leurs cellules, provoquèrent des troubles, fomentèrent des projets d'évasion et incitèrent d'autres prisonniers à démolir portes et fenêtres et à commettre des voies de fait contre les agents et surveillants, ainsi que contre les soldats qui avaient été mandés pour empêcher l'évasion. La résistance armée contre les prisonniers n'a été ordonnée que lorsque ceux-ci escaladaient les murs de la prison ; cinq personnes ont été tuées et 44 blessées, parmi lesquelles plusieurs agents de police. La police a agi conformément aux lois en vigueur pour empêcher l'évasion et cette question n'a aucun rapport avec une prétendue atteinte à l'exercice des droits syndicaux. Tous les insurgés étaient des personnes qui avaient été condamnées par les tribunaux compétents pour avoir commis des crimes et des délits punissables en vertu du droit pénal iranien.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 91. Dans sa réponse, le gouvernement, avant de traiter des diverses allégations, soulève deux points concernant le cas dans son ensemble ; il déclare 1) que la plainte est un instrument de propagande politique et a pour objet des accusations gratuites d'ordre purement politique présentées sous le couvert de la répression du mouvement syndical ; 2) qu'elle n'est que la suite ou la reprise d'allégations antérieures rejetées par le Comité et par le Conseil d'administration et qu'elle devrait par conséquent être considérée comme chose jugée.
    • Question préliminaire relative à la nature politique de la plainte
  2. 92. Dans le cas présent, bien que le plaignant admette lui-même que la situation existante ait son origine dans un événement politique, à savoir le changement de gouvernement qui s'est produit en Iran en août 1953, époque depuis laquelle il est allégué que le gouvernement actuel aurait violé les droits syndicaux la plainte contient une série d'allégations qui, quels que puissent être les motifs qui les inspirent, se réfèrent clairement à des questions syndicales, comme, par exemple, le fait pour les travailleurs d'être obligés de travailler contrairement à des dispositions contractuelles, l'interdiction des réunions et des publications d'ordre syndical et les licenciements, traitements brutaux, arrestations ou déportations dont sont victimes des travailleurs en raison d'activités syndicales.
  3. 93. Dans son premier rapport, le Comité a fait sien le principe général que le Conseil d'administration a adopté, sur la recommandation de son bureau, pour l'examen des cas de nature politique. Le Comité a estimé à l'unanimité qu'il ne convenait pas que l'O.I.T discute de questions d'un caractère purement politique, mais a reconnu que les situations dont l'origine est politique pouvaient avoir des aspects sociaux que l'O.I.T pouvait être appelée à examiner. Le Comité a appliqué ce principe dans un grand nombre de cas et estime qu'il devrait se laisser guider par lui dans l'examen de ce cas, en se limitant aux aspects purement syndicaux de celui-ci.
    • Question préliminaire relative au caractère de chose jugée des allégations
  4. 94. Le gouvernement soutient que la présente plainte ne fait que reprendre des allégations présentées par le même plaignant et déjà rejetées par le Comité lorsqu'il a examiné le cas no 93 concernant l'Iran et qu'elle devrait par conséquent être considérée comme chose jugée.
  5. 95. Conformément aux décisions adoptées par le Conseil d'administration, dans tous les cas où une plainte porte exactement sur les mêmes violations que celles sur lesquelles le Comité s'est déjà prononcé, il n'y a pas lieu d'engager automatiquement la procédure ; le Directeur général est autorisé à en saisir en première instance le Comité de la liberté syndicale, qui décide s'il convient de donner suite à de telles plaintes. Lorsque cependant des allégations, bien que fondées dans l'ensemble sur les mêmes faits que des allégations rejetées dans un cas précédent, sont présentées d'une manière plus précise ou plus détaillée que la première fois, le Comité a déjà estimé, comme par exemple dans le cas no 46 relatif aux Etats-Unis, que les nouvelles allégations ne pouvaient pas être rejetées de prime abord, mais qu'elles devaient être examinées par le Comité.
  6. 96. Les allégations constituant le cas no 93 avaient été présentées en novembre 1953 et se rapportaient à la situation agitée ayant suivi le changement - alors récent - du gouvernement iranien (août 1953). Le Comité a estimé que ces allégations consistaient en des affirmations d'ordre général non étayées par des faits précis d'atteinte à la liberté syndicale. Dans le cas présent, si certaines des allégations se réfèrent également à des événements similaires s'étant produits au cours de l'automne 1953, elles sont en majeure partie présentées avec plus de précision, appuyées par un certain nombre d'allégations concrètes et à certains égards elles se réfèrent également à une situation qui, est-il allégué, existait encore à l'époque où la plainte a été soumise. D'autres allégations précises figurent dans la plainte, qui n'avaient pas été soulevées dans le cas précédent. En conséquence, le Comité estime qu'étant donné les différences constatées ci-dessus entre les allégations formulées dans le cas no 93 et celles qui constituent le présent cas, ce dernier ne peut pas être purement et simplement classé en bloc comme étant chose jugée et qu'il devrait donc être examiné par le Comité.
    • Allégation relative à la politique générale antisyndicale du gouvernement et à la non-application des dispositions législatives et contractuelles en matière de conditions d'emploi
  7. 97. Il est allégué d'une manière générale que le nouveau gouvernement constitué en août 1953 a suivi une politique de répression syndicale en abolissant les droits reconnus des travailleurs contrairement à la législation en vigueur et, d'une manière plus précise, que les travailleurs sont contraints par les forces armées à travailler de dix à quatorze heures par jour pour le même salaire, alors que la journée de travail légale est de huit heures et que les cheminots sont obligés de travailler à des conditions contraires aux clauses prescrites dans leur contrat de travail. Le gouvernement dément que les syndicats soient l'objet de répressions et déclare que la liberté syndicale est garantie par la législation sans aucune atteinte ou discrimination, que la loi du travail n'a subi aucun changement, que la durée du travail est la même et que les contrats de travail sont respectés.
  8. 98. Tout en rappelant que, dans des cas précédents, il a décidé de ne pas prendre seulement en considération la situation légale, mais aussi la mesure dans laquelle la liberté syndicale existe en fait sur l'ensemble du territoire de l'Etat Membre dont il s'agit, le Comité note que, dans le cas d'espèce, le plaignant n'indique aucune entreprise, industrie ou région déterminée dans laquelle les travailleurs seraient contraints à un travail d'une durée excessive et il ne mentionne pas non plus les points à propos desquels les cheminots seraient obligés de travailler contrairement aux conditions stipulées dans leur contrat de travail ; de son côté, le gouvernement oppose un démenti bref mais catégorique en ce qui concerne chacun des points soulevés.
  9. 99. Dans la mesure où ces allégations visent plutôt des questions de politique sociale générale que des violations précises des droits syndicaux, elles sont en dehors du champ d'application de la présente procédure. Dans la mesure où elles allèguent une politique générale de répression syndicale, le Comité estime qu'étant donné les termes imprécis des allégations au sujet desquelles les plaignants n'ont, par ailleurs, pas donné d'informations complémentaires dans leur communication en date du 24 juillet 1954, envoyée en réponse à une invitation de présenter dans le délai d'un mois toutes informations complémentaires qu'ils auraient pu désirer soumettre à l'appui de leur plainte originelle du 20 mars 1954, ces allégations sont trop vagues pour permettre d'examiner le problème quant au fond.
    • Allégations relatives à la loi martiale et à l'interdiction des réunions syndicales
  10. 100. Tandis que le plaignant soutient que la loi martiale se prolonge indéfiniment, avec, pour conséquence, l'interdiction de toutes les réunions sous peine de licenciement, d'emprisonnement et de déportation, et l'interdiction de toute réunion ouvrière au-dessus de deux personnes, le gouvernement dément que les réunions syndicales soient soumises à des restrictions quelconques, mais admet que la loi martiale continue à exister dans quelques régions.
  11. 101. Le cas no 93 ne se référait pas explicitement aux réunions syndicales, mais il y était allégué qu'en vertu des mesures prises dans la période agitée qui a suivi les événements d'août 1953, toutes les réunions étaient interdites.
  12. 102. Etant donné qu'une année s'est maintenant écoulée depuis que ces événements se sont passés et que la loi martiale continue à exister dans certaines régions, et compte tenu du fait qu'il a à diverses reprises souligné que la liberté de réunion syndicale constituait l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux, le Comité, avant de parvenir à des conclusions définitives sur cet aspect du cas, estime qu'il est nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations complémentaires sur les régions dans lesquelles la loi martiale continue à exister et, si ce sont les réunions en général qui sont interdites dans ces régions sans qu'il existe des dispenses particulières en faveur des réunions syndicales, sur les dispositions de la loi martiale relatives à la tenue des réunions dans les régions en question.
    • Allégation relative au droit de grève
  13. 103. Le plaignant affirme qu'un décret a été promulgué qui abolirait le droit de grève. Le gouvernement le dément. Tout en prenant acte de l'assurance du gouvernement selon laquelle aucun décret spécial interdisant le droit de grève n'a été pris, le Comité, tenant compte du fait qu'il n'a été saisi d'aucune information permettant d'établir si une telle interdiction résulte ou non du maintien de la loi martiale dans certaines régions, estime qu'il est nécessaire d'obtenir des informations complémentaires sur ce sujet de la part du gouvernement.
    • Allégation concernant l'interdiction de la presse syndicale
  14. 104. Si l'allégation formulée dans le cas no 93 consistait en une affirmation générale d'interdiction de la presse démocratique et syndicale, dans le cas présent le plaignant indique les titres de trois journaux syndicaux dont, dit-il, la publication aurait été interdite. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que la presse jouit d'une entière liberté de publication et « ne peut subir d'interdiction que conformément aux règles bien précises des lois qui régissent cette matière ». Les termes employés dans cette réponse ne signifient pas qu'il n'ait pas été possible que les publications mentionnées aient été interdites en vertu de cette législation.
  15. 105. Dans ces conditions, le Comité estime qu'avant de formuler ses conclusions sur cet aspect du cas, il y aurait lieu de demander au gouvernement de faire connaître au Comité si ces publications sont toujours publiées ou, dans le cas où toutes ou certaines d'entre elles auraient été interdites, de transmettre au Comité une copie des dispositions législatives en vertu desquelles cette interdiction a été prise, ainsi que les informations relatives aux motifs d'une telle mesure.
    • Allégations relatives aux arrestations et aux déportations en raison d'activités syndicales
  16. 106. Ces allégations sont à certains égards semblables à certaines allégations contenues dans le cas no 93 prétendant que plus de 4.000 personnes comprenant des centaines de travailleurs et de militants syndicaux, des personnalités poli tiques, etc., auraient été arrêtées et déportées sans jugement en août et septembre 1953 - allégations que le Comité avait rejetées parce qu'elles consistaient en des affirmations d'ordre général et parce qu'en plus, elles étaient insérées dans une série d'allégations d'un caractère purement politique. Le Comité note cependant que, dans le présent cas, il est allégué de manière précise que 400 travailleurs ont été déportés en raison de leur activité syndicale en août et septembre 1953, que 120 mineurs employés dans les mines nationalisées de Ziral ont été arrêtés et déportés (et que le paiement de primes aurait été supprimé dans d'autres mines) et, d'autre part, qu'à une époque aussi récente que juillet 1954, soit onze mois après la période agitée d'août 1953, de semblables déportations continuent à se produire. Le gouvernement dément le non-paiement des primes, mais, si l'on fait exception de sa déclaration générale suivant laquelle les recherches n'ont révélé aucun cas qui pût correspondre aux allégations présentes dans la plainte, il ne se réfère pas d'une manière précise ni aux 400 travailleurs ni aux 120 mineurs de Ziral, ni à l'allégation selon laquelle des déportations continuaient à se produire en juillet 1954.
  17. 107. Dans ces conditions, le Comité estime qu'avant de parvenir à des conclusions définitives sur ces deux points, il y aurait lieu de demander au gouvernement de lui faire connaître s'il est exact que 400 travailleurs et 120 mineurs ont été arrêtés et déportés, si de telles déportations de travailleurs avaient encore lieu en juillet 1954 et, dans l'affirmative, pour quels griefs ceux-ci ont été reconnus coupables et condamnés.
    • Allégations relatives à des licenciements en raison d'activités syndicales
  18. 108. L'allégation selon laquelle des centaines de travailleurs et d'autres salariés auraient été licenciés par des commissions d'épuration en raison d'activités syndicales est rejetée par le gouvernement comme étant de nature calomnieuse. Par contre, le gouvernement ne se réfère pas d'une manière précise à l'allégation suivant laquelle six ouvriers de l'usine de tabac de Téhéran auraient été renvoyés sur ordre des autorités gouvernementales pour avoir refusé de faire des heures supplémentaires et le Comité n'est pas en mesure d'apprécier, dans ce cas, si une atteinte a été portée à l'exercice des droits syndicaux.
  19. 109. Le Comité estime que la déclaration du gouvernement est trop imprécise pour lui permettre de formuler ses conclusions sur ces allégations et désire, pour ces raisons, obtenir des informations complémentaires du gouvernement.
    • Allégations relatives aux actes de brutalité commis contre des travailleurs en raison d'activités syndicales
  20. 110. Le plaignant allègue que des travailleurs de l'usine de soie et de textiles de Tchalousse auraient été arrêtés et torturés pour leurs activités syndicales sur l'ordre du gouvernement militaire et qu'un travailleur de la fabrique de coton Tchitsazi de Téhéran aurait été arrêté et traité de manière si brutale qu'il en serait mort. Le gouvernement ne fait aucune référence à ces deux allégations, à l'exception de sa déclaration générale suivant laquelle les recherches n'ont pas révélé de cas correspondant aux allégations figurant dans l'ensemble de la plainte.
  21. 111. Dans ces conditions et compte tenu du caractère précis de ces allégations, le Comité désire, avant de parvenir à des conclusions sur ce point, demander au gouvernement de fournir des informations complémentaires et plus précises sur le résultat de ses recherches au sujet des incidents allégués dans les deux usines mentionnées.
    • Allégations relatives aux incidents de la prison de Recht
  22. 112. Il est allégué que des syndicalistes détenus dans cette prison auraient été mêlés aux condamnés de droit commun et brutalement traités ; de manière plus précise, il est allégué qu'en mai 1954 des agents du gouvernement auraient attaqué les syndicalistes en prison au bâton et au couteau et qu'ensuite des soldats seraient intervenus à la mitrailleuse tuant six personnes et en blessant une centaine d'autres.
  23. 113. Le gouvernement fournit une réponse détaillée en ce qui concerne cette allégation et déclare qu'aucun syndicaliste n'a été incarcéré à ce titre, mais que tous les prisonniers étaient des condamnés de droit commun jugés par les tribunaux. Le gouvernement affirme que les incidents ont été provoqués par le fait que certains prisonniers incitaient à la désobéissance au règlement de la prison, qu'une véritable révolte se serait ensuivie, aboutissant à une tentative déterminée d'évasion en masse, et que les troupes auxquelles on avait fait appel pour empêcher l'évasion n'ont commencé à tirer que lorsque les prisonniers en étaient arrivés à escalader les murs.
  24. 114. Le Comité estime que les détails donnés par les plaignants sont d'un caractère assez général, tandis que le gouvernement a fourni une réponse détaillée indiquant qu'une série d'événements s'étaient produits en violation du règlement de la prison, qui avaient abouti à un essai d'évasion en masse au cours duquel les troupes se sont abstenues d'intervenir jusqu'à la toute dernière limite.
  25. 115. Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas présenté de preuves suffisantes à l'appui de ses allégations pour justifier leur renvoi à la Commission d'investigation et de conciliation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 116. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que les allégations formulées en termes généraux à l'égard desquelles aucune information détaillée n'a été fournie par le plaignant en réponse à une communication indiquant qu'il avait un délai d'un mois pour préciser ses allégations sont trop vagues et n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) de décider que les incidents de la prison de Recht survenant à l'occasion d'une tentative d'évasion de prisonniers ne se rapportaient pas à la liberté syndicale et n'appellent pas en conséquence un examen plus approfondi ;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations relatives à l'interdiction des réunions syndicales, du droit de grève et de la presse syndicale, aux arrestations, déportations et licenciements en raison d'activités syndicales, ainsi qu'aux actes commis à l'égard des travailleurs en raison de leurs activités syndicales, étant entendu que le Comité fera un nouveau rapport sur ces questions lorsqu'il aura reçu du gouvernement des informations plus détaillées.
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