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Rapport définitif - Rapport No. 11, 1954

Cas no 71 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 10-DÉC. -52 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 93 Dans une communication, en date du 10 décembre 1952, le plaignant allègue que le gouvernement des Etats-Unis aurait décidé qu'à partir du 24 décembre 1952, les mesures d'épuration (screening) appliquées dans la marine marchande et les ports des Etats-Unis seraient également applicables à tous les navires étrangers séjournant dans les ports des Etats-Unis. Le plaignant prétend qu'en vertu de ces mesures, les marins devraient subir un interrogatoire serré sur leur situation personnelle, sur leurs opinions politiques et sur leur appartenance syndicale, et que, dans les cas où leurs réponses ne seraient pas jugées satisfaisantes, le gouvernement intéressé serait invité à faire débarquer les marins considérés comme indésirables.
    2. 94 Le plaignant allègue que cette procédure, dont sont victimes non seulement les marins des Etats-Unis, mais aussi les marins étrangers, serait contraire aux droits syndicaux tels qu'ils sont reconnus dans la Charte des Nations Unies, et il invite les Nations Unies à faire reconnaître et respecter la liberté de pensée et d'association des marins en voyage aux Etats-Unis.
    3. 95 Le plaignant déclare que les marins français du port du Havre ont décidé, à l'unanimité, de refuser de répondre aux questions autres que celles concernant l'établissement de leur identité. Le plaignant approuve cette attitude, invite tous les marins et tous les syndicats de marins à suivre leur exemple et demande aux organisations de marins et de dockers d'organiser des manifestations de protestation, en persuadant les équipages de navires américains d'y prendre part et d'adresser des résolutions de protestation aux Nations Unies, au Président des Etats-Unis, ainsi qu'aux représentants diplomatiques et consulaires américains dans les ports de tous les pays.
  • Analyse de la réponse
    1. 96 Dans sa réponse, en date du 6 octobre 1953, le gouvernement soutient que les allégations sont vagues, qu'elles ne sont pas étayées par des faits et qu'elles ne constituent pas en réalité une accusation d'atteinte à l'exercice des droits syndicaux. La loi sur l'immigration et la nationalité de 1952 en vertu de laquelle sont prises les mesures d'épuration (screening), prévoit que tout étranger membre de l'équipage d'un navire ou d'un avion qui arrive aux Etats-Unis doit, pour obtenir l'autorisation de sortie à terre, prouver qu'il n'appartient pas à une quelconque des catégories définies à l'article 212 a) de la loi, auxquelles il est interdit de pénétrer sur le territoire des Etats-Unis. L'article 235 a) de la loi prévoit l'inspection, par un fonctionnaire du Service d'immigration, de tous les étrangers, y compris les membres des équipages, qui désirent entrer aux Etats-Unis, y retourner ou en traverser le territoire. En vertu de cette loi, dont le texte était joint à la réponse, les marins étrangers sont traités de la même manière que les autres étrangers en ce qui concerne les conditions à remplir pour être admis aux Etats-Unis. En accomplissement de la mission qui leur est confiée par la loi précitée, les fonctionnaires du Service d'immigration et de naturalisation posent à tous les étrangers, y compris les marins, les questions nécessaires en vue de déterminer s'ils n'appartiennent pas à une des catégories de personnes mentionnées à l'article 212 a) de la loi de 1952. Ce questionnaire « n'a ni pour effet ni pour but d'encourager, de décourager ou d'influencer les travailleurs dans l'exercice du droit qui leur est reconnu d'adhérer au syndicat de leur choix, d'engager des négociations collectives par l'intermédiaire de représentants de leur choix ou de poursuivre toutes autres activités collectives à des fins d'assistance ou de protection mutuelle ».

97. Le plaignant allègue que les marins étrangers seraient soumis à un questionnaire des autorités américaines en ce qui concerne notamment leur appartenance syndicale et qu'ils ne pourraient pas sortir à terre dans les ports des Etats-Unis si leurs réponses ne sont pas jugées satisfaisantes. Le gouvernement déclare que, conformément à la loi de 1952 sur l'immigration et la nationalité, les marins étrangers, comme tous les autres étrangers, doivent répondre à certaines questions jugées nécessaires en vue de déterminer s'ils peuvent ou non être admis aux Etats-Unis en vertu de l'article 212 a) de la loi.

97. Le plaignant allègue que les marins étrangers seraient soumis à un questionnaire des autorités américaines en ce qui concerne notamment leur appartenance syndicale et qu'ils ne pourraient pas sortir à terre dans les ports des Etats-Unis si leurs réponses ne sont pas jugées satisfaisantes. Le gouvernement déclare que, conformément à la loi de 1952 sur l'immigration et la nationalité, les marins étrangers, comme tous les autres étrangers, doivent répondre à certaines questions jugées nécessaires en vue de déterminer s'ils peuvent ou non être admis aux Etats-Unis en vertu de l'article 212 a) de la loi.
  1. 98. L'article 212 a) de la loi de 1952 sur l'immigration et la nationalité est ainsi conçu:
  2. Article 212. a) A moins d'autres dispositions contraires prévues dans cette loi, il sera interdit de délivrer des visas aux catégories suivantes d'étrangers qui ne seront pas autorisés à pénétrer aux Etats-Unis:
  3. ....................................................................................................................................................
  4. 28) Les étrangers qui appartiennent, ou ont à un certain moment appartenu, à l'une des catégories suivantes
  5. A. Etrangers qui sont anarchistes.
  6. B. Etrangers qui préconisent ou enseignent l'opposition à tout gouvernement organisé ou qui font partie d'une organisation préconisant ou enseignant un tel objectif, ou qui fraternisent avec une telle organisation.
  7. C. Etrangers qui sont membres ou sympathisants : i) du parti communiste des Etats-Unis, ii) de tout autre parti totalitaire des Etats-Unis, iii) de l'association communiste politique (Communist Political Association), iv) du parti communiste ou de tout autre parti totalitaire d'un Etat des Etats-Unis ou d'un Etat étranger, ou d'une subdivision politique ou géographique d'un Etat étranger, v) de toute section, filiale, agence ou subdivision d'une telle association ou d'un tel parti, ou vi) des prédécesseurs ou successeurs directs d'une telle organisation ou d'un tel parti, indépendamment de l'appellation qu'un tel groupe ou organisation peut avoir utilisée, peut maintenant porter ou pourra adopter ultérieurement : étant entendu que rien dans ce paragraphe ou dans toute autre disposition de cette loi ne devra être interprété pour soutenir que le parti communiste ne préconise pas le renversement du gouvernement des Etats-Unis par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels.
  8. D. Etrangers n'étant visés par aucune des autres dispositions de ce paragraphe, qui préconisent les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement d'une dictature totalitaire aux Etats-Unis, ou qui sont membres ou sympathisants d'une organisation qui préconise les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement aux Etats-Unis d'une dictature totalitaire, soit par ses propres déclarations, soit par toute publication manuscrite ou imprimée, éditée ou publiée par, ou avec la permission ou l'accord, ou sous l'autorité d'une telle organisation, ou encore payée par les fonds de cette organisation ou par des fonds fournis par elle.
  9. E. Etrangers n'étant visés par aucune des autres dispositions de ce paragraphe, qui sont membres ou sympathisants d'une organisation pendant la durée de la période au cours de laquelle elle est enregistrée ou soumise à l'enregistrement en vertu de l'article 7 de la loi de 1950 sur le contrôle des activités subversives, à moins que ces étrangers ne prouvent qu'ils ne savaient pas ou n'avaient pas de raisons de croire lorsqu'ils sont devenus membres de ou on fraternisé avec, ladite organisation (et qu'entre ce moment et la date à laquelle ladite organisation a été ainsi enregistrée ou obligée de se faire enregistrer, ils n'ont pas su ou n'ont pas eu de raison de croire), que cette organisation était une organisation communiste.
  10. F. Etrangers qui préconisent ou enseignent, ou qui sont membres ou sympathisants de toute organisation qui préconise ou enseigne : i) le renversement par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels du gouvernement des Etats-Unis ou de toute légalité; ii) le devoir, la nécessité ou l'opportunité d'attaquer illégalement ou de tuer un fonctionnaire ou des fonctionnaires (qu'il s'agisse d'individus déterminés ou de fonctionnaires en général) du gouvernement des Etats-Unis ou de tout autre gouvernement organisé en raison de son ou de leur caractère officiel; iii) les dommages et dégâts apportés illégalement à la propriété ou la destruction illégale de celle-ci; iv) le sabotage.
  11. G. Etrangers qui écrivent ou publient ou font écrire ou publier, ou qui, sciemment, distribuent, impriment, affichent, ou qui font sciemment distribuer, imprimer, publier ou afficher ou qui, sciemment, ont en leur possession, aux fins de distribution, publication ou affichage, tout manuscrit ou toute publication préconisant ou enseignant l'opposition à tout gouvernement organisé, ou préconisant ou enseignant : i) le renversement par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels du gouvernement des Etats-Unis ou de toute légalité; ii) le devoir, la nécessité ou l'opportunité d'attaquer illégalement ou de tuer un fonctionnaire ou des fonctionnaires (qu'il s'agisse d'individus déterminés ou de fonctionnaires en général) du gouvernement des Etats-Unis ou de tout autre gouvernement organisé, en raison de son ou de leur caractère officiel; iii) les dommages et dégâts apportés illégalement à la propriété ou la destruction illégale de celle-ci; iv) le sabotage; v) les doctrines économiques internationales et gouvernementales du communisme mondial ou l'établissement d'une dictature totalitaire aux Etats-Unis.
  12. H. Etrangers qui sont membres ou sympathisants d'une organisation qui écrit, distribue, imprime, publie, affiche ou fait écrire, distribuer, imprimer, publier ou afficher ou qui a en sa possession, aux fins de distribution, publication, édition ou affichage, un manuscrit ou une publication du caractère indiqué à l'alinéa G.
  13. I. Tout étranger qui est visé par l'une des catégories décrites aux alinéas B, C, D, E, F, G et H de ce paragraphe, en raison du fait qu'il est membre ou sympathisant d'un parti ou d'une organisation, ou d'une section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation, peut, s'il n'est pas indésirable pour d'autres raisons, se voir délivrer un visa, si ledit étranger prouve à la satisfaction du fonctionnaire consulaire chargé de recevoir sa demande et si ce fonctionnaire estime : i) qu'une telle application ou sympathie est ou a été involontaire, ou n'existe ou n'a existé qu'en application d'une loi alors que l'intéressé était âgé de moins de seize ans, ou en vue d'obtenir un emploi, des rations alimentaires ou d'autres choses indispensables à l'existence et lorsque cela est nécessaire à cette fin ; ii) a) que, depuis que cette appartenance ou fraternisation a cessé, ledit étranger s'est - pendant au moins cinq ans avant la date de sa demande de visa - activement opposé à la doctrine, au programme, aux principes et à l'idéologie d'un tel parti ou d'une telle organisation ou d'une telle section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation; et b) que l'admission d'un tel étranger aux Etats-Unis servirait l'intérêt public. Tout étranger auquel un visa a été délivré conformément aux dispositions de cet alinéa peut, s'il n'est pas indésirable autrement, être admis aux Etats-Unis, s'il établit, à la satisfaction du procureur général, lorsqu'il sollicite l'entrée aux Etats-Unis et si le procureur général estime : i) qu'une telle application ou sympathie est ou a été involontaire, ou n'existe ou n'a existé, qu'en application d'une loi alors que l'intéressé était âgé de moins de seize ans, ou en vue d'obtenir un emploi, des rations alimentaires ou d'autres choses nécessaires à l'existence et lorsque cela était nécessaire à cette fin ; ii) a) que, depuis que cette application ou sympathie a cessé, ledit étranger s'est, pendant au moins cinq ans avant la date de sa demande de visa, activement opposé à la doctrine, au programme, aux principes et à l'idéologie d'un tel parti ou d'une telle organisation ou d'une section, filiale, agence ou subdivision d'un tel parti ou d'une telle organisation, et b) que l'admission d'un tel étranger aux Etats-Unis servirait l'intérêt public. Le procureur général soumettra rapidement un rapport détaillé au Congrès sur le cas de chaque étranger qui est ou doit être admis aux Etats-Unis en vertu du point ii) de cet alinéa.
  14. 29) Les étrangers au sujet desquels le fonctionnaire consulaire ou le procureur général sait ou a des raisons suffisantes de croire qu'après leur entrée
  15. A. Ils exerceront probablement des activités qui seraient interdites par la législation des Etats-Unis relativement, à l'espionnage, au sabotage, au désordre public ou toute autre activité dangereuse pour la sécurité nationale.
  16. B. Ils exerceront une activité dont le but est l'opposition à, ou le contrôle ou le renversement du gouvernement des Etats-Unis par la force, la violence ou par d'autres moyens inconstitutionnels.
  17. C. Qu'ils deviendront membres ou sympathisants, ou qu'ils prendront part aux activités d'une organisation qui est enregistrée ou soumise à l'enregistrement en vertu de l'article 7 de la loi de 1950 sur le contrôle des activités subversives.
  18. 99. L'article 235 a) de la loi a la teneur suivante:
  19. Article 235. a) L'inspection, autre que l'examen physique et mental, des étrangers (y compris les membres des équipages étrangers) qui sollicitent l'admission ou la réadmission aux Etats-Unis, ou l'autorisation d'en traverser le territoire, sera entreprise par les fonctionnaires du service de l'immigration, sauf dispositions contraires relatives aux fonctionnaires chargés des enquêtes spéciales. Tous les étrangers arrivant dans les ports des Etats-Unis seront examinés par un ou plusieurs fonctionnaires du service de l'immigration, suivant ce que décidera le procureur général et conformément aux réglementations que celui-ci peut prescrire. Ces fonctionnaires sont autorisés à inspecter tout navire, avion, wagon de chemin de fer ou autre moyen de locomotion ou véhicule dans lequel ils croient que des étrangers sont introduits aux Etats-Unis. Le procureur général et tout fonctionnaire du service de l'immigration, y compris les fonctionnaires chargés des enquêtes spéciales, ont le droit de faire prêter serment à toute personne, ainsi que de recueillir et d'examiner son témoignage, en ce qui concerne le privilège de tout étranger ou de toute personne dont il croit ou suspecte qu'elle est un étranger, d'entrer aux Etats-Unis, d'y rentrer, d'en traverser le territoire ou d'y résider, ou concernant toute question qui relève de l'application de cette loi et du fonctionnement du service d'immigration, et lorsqu'une telle mesure apparaît nécessaire, de faire dresser procès-verbal de tels témoignages. Toute personne arrivant aux Etats-Unis peut être obligée de faire connaître sous serment la ou les raisons de sa venue, la durée de son séjour probable aux Etats-Unis, ses intentions quant à la question de savoir si elle entend demeurer aux Etats-Unis d'une manière permanente et, dans le cas où elle est étrangère, si elle a ou non l'intention de devenir citoyen des Etats-Unis, ainsi que tous autres renseignements susceptibles d'aider le fonctionnaire du service de l'immigration en vue de déterminer si la personne intéressée a ou n'a pas la nationalité des Etats-Unis et, dans ce dernier cas, si elle appartient à l'une des catégories mentionnées à l'article 212, auxquelles l'entrée aux Etats-Unis est interdite...
  20. 100. Le Comité constate que le fonctionnaire compétent du Service d'immigration peut poser toutes les questions qu'il estime nécessaires, et notamment des questions relatives à l'affiliation à un syndicat ou à tout autre organisme de tout étranger, marin ou non, en vue de déterminer si une personne doit se voir interdire, conformément à l'article 212 a) de la loi, le droit d'entrer aux Etats-Unis. Le plaignant allègue que cette procédure est contraire aux droits syndicaux tels qu'ils ont été reconnus par la Charte des Nations Unies, alors que le gouvernement dément que cet interrogatoire ait pour effet ou pour but d'encourager ou de décourager des travailleurs de s'affilier à des syndicats de leur choix ; ou d'intervenir dans leur droit de le faire.
  21. 101. Le Comité estime que si l'application de ces mesures devait avoir pour effet que des travailleurs seraient renvoyés ou subiraient un autre préjudice en raison de leur affiliation syndicale, ces mesures pourraient constituer une atteinte au principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit de s'affilier à des syndicats de leur choix. A cet égard, le Comité constate que, bien que le plaignant ait allégué que, dans le cas où des marins étrangers n'auraient pas fourni une réponse jugée satisfaisante au questionnaire du service d'immigration, les gouvernements des pays dont ils sont ressortissants seraient invités à les faire débarquer, cette allégation ne s'appuie sur aucune des dispositions de la législation incriminée. Dans ces conditions, le Comité estime que le plaignant n'a pas, dans le cas présent, apporté la preuve d'une atteinte à l'exercice des droits syndicaux et que la question dont il a été saisi se réfère plutôt à l'exercice du droit souverain qu'a tout pays de décider qui doit et qui ne doit pas être admis sur son territoire.
  22. 102. Dans un cas précédent qui concernait le Royaume-Uni (Hong-Kong) (cas no 27), le Comité a considéré qu'il ne lui appartenait pas de traiter de la question générale du statut des étrangers non couverts par des conventions inter nationales et, dans un autre cas, relatif au Royaume-Uni (Chypre) (cas no 38), qui lui avait été soumis pour avis à sa première session, il a estimé qu'il n'était pas approprié de soumettre à un examen dans le cadre de la procédure de la Commission d'investigation et de conciliation une question relative au droit souverain d'un pays d'accorder ou de refuser des visas aux étrangers qui en sollicitent l'entrée.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 103. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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