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Rapport définitif - Rapport No. 11, 1954

Cas no 70 (Etats-Unis d'Amérique) - Date de la plainte: 24-NOV. -52 - Clos

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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 69 Les passages transmis à l'O.I.T de la plainte de la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, en date du 24 novembre 1952 - plainte endossée par la délégation de l'U.R.S.S auprès des Nations Unies -, contiennent les allégations suivantes:
      • a) Un grand nombre de marins grecs se trouveraient internés à Ellis Island ; comme ils ne pourraient quitter ce lieu que pour être déportés en Grèce, ils seraient l'objet de pressions de la part des autorités américaines, qui leur feraient signer des déclarations hostiles à la Fédération des syndicats grecs des gens de mer ainsi que des contrats d'embarquement à des conditions honteuses.
      • b) En août 1952, les autorités américaines auraient arrêté à Portland (Orégon) l'équipage du navire Niki qui « tentait d'améliorer sa misérable condition ».
      • c) La Fédération des syndicats grecs des gens de mer, bien que représentant la majorité des marins, aurait été mise hors la loi et ses dirigeants auraient été incarcérés ; les armateurs auraient introduit des agents à leur solde dans les comités exécutifs des syndicats affiliés à la Fédération panhellénique des gens de mer et, de ce fait, ces syndicats auraient accepté un contrat collectif selon lequel les salaires des marins ne seraient que d'environ 50 pour cent des salaires d'avant-guerre, alors que les armateurs réaliseraient des bénéfices énormes.
    2. Analyse de la réponse du gouvernement des Etats-Unis
    3. 70 Dans sa réponse, le gouvernement des Etats-Unis souligne que les allégations formulées présentent un caractère politique flagrant et consistent principalement en de vagues affirmations ne s'appuyant sur aucun fait précis. Il estime qu'aucune atteinte aux droits syndicaux n'est en cause.
    4. 71 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle des pressions seraient exercées sur des marins grecs détenus à Ellis Island, le gouvernement souligne que, bien que le plaignant ne se soit référé à aucun fait concret, il n'en a pas moins fait procéder à une enquête, qui a établi que cette allégation ne reposait sur aucun fondement. Aucune pression n'a été exercée à l'égard des marins détenus pour les amener à signer des déclarations hostiles à la Fédération des syndicats grecs des gens de mer ou à toute autre organisation, ou à accepter des contrats d'embarquement à des conditions honteuses.
    5. 72 Le gouvernement indique ensuite qu'en vertu de la loi relative à l'immigration et à la nationalité, entrée en vigueur le 24 décembre 1952, les marins étrangers doivent, pour obtenir l'autorisation de sortie à terre, prouver, à leur arrivée dans un centre d'immigration des Etats-Unis, qu'ils n'appartiennent pas à l'une quelconque des catégories de personnes visées par l'article 212 a) de la loi, auxquelles il est interdit de pénétrer sur le territoire des Etats-Unis. En vertu de cette loi, les fonctionnaires du Service d'immigration doivent poser aux étrangers certaines questions ayant trait à leur affiliation à diverses organisations, en vue d'établir s'il n'y a pas lieu de leur refuser l'autorisation d'entrer aux Etats-Unis en raison du fait que ces personnes appartiendraient à une des catégories déterminées dont l'entrée aux Etats-Unis est interdite par la loi. Les formalités et conditions auxquelles sont soumis les marins étrangers pour pouvoir être admis aux Etats-Unis sont exactement les mêmes que celles qui concernent tous les autres étrangers.
    6. 73 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'équipage du navire Niki aurait été arrêté en août 1952 à Portland, le gouvernement déclare que onze membres de l'équipage de ce navire, qui est arrivé le 11 juillet 1952 à Coos Bay (Orégon), avaient obtenu, conformément à l'article 3, paragraphe 5) de la loi de 1924 sur l'immigration, l'autorisation d'entrer aux Etats-Unis, pendant le séjour de leur navire au port, cette autorisation n'étant valable que pour un maximum de 29 jours. Le navire Niki a quitté Coos Bay le 24 juillet 1952 pour Portland, d'où il est reparti le 1er août 1952 à destination de l'Afrique du Sud. Les onze marins en question ne s'étant pas embarqués sur le Niki se trouvaient dès lors aux Etats-Unis en qualité d'immigrants ne possédant aucun statut légal. Ils furent arrêtés sur ordre du Service d'immigration et de naturalisation, et inculpés d'avoir prolongé leur séjour aux Etats-Unis au-delà des limites prévues par la loi de 1924 sur l'immigration et par les règlements édictés en application de cette loi. Ils furent admis à comparaître et à être entendus, conformément à la procédure judiciaire régulière ; leur expulsion fut décidée, et ils ont quitté le territoire des Etats-Unis.
    7. 74 En conclusion, le gouvernement estime que la plainte dans son ensemble devrait être rejetée par le Conseil d'administration.
  • Analyse de la réponse du gouvernement grec
    1. 75 Dans une lettre, en date du 6 octobre 1953, le gouvernement grec indique qu'il s'en tient au texte des observations déjà formulées en date du 4 février 1953 par son représentant auprès des Nations Unies. Ces observations concernent l'ensemble du mémorandum adressé aux Nations Unies par la Fédération des syndicats grecs des gens de mer. Il a été rappelé plus haut que seuls certains passages de ce mémorandum avaient été renvoyés à l'O.I.T parles Nations Unies. Les observations du gouvernement grec ne sont donc analysées ci-après que dans la mesure où elles se référent aux allégations contenues dans les passages transmis à l'O.I.T de la plainte présentée par la Fédération des syndicats grecs des gens de mer.
    2. 76 Le gouvernement grec souligne au début de ses observations qu'il n'y a en Grèce aucune restriction à la liberté syndicale, qu'il n'existe pas non plus de restrictions à la liberté politique individuelle en dehors de celles que l'immense majorité du peuple grec a acceptées dans l'intérêt de la sécurité nationale, et que nul ne peut être poursuivi en raison de ses opinions politiques à moins qu'il ne se livre à des activités subversives et ne commette des actes de trahison.
    3. 77 Le gouvernement précise qu'il n'a pas à exprimer d'opinion sur la politique appliquée par les services d'immigration étrangers, mais fait cependant remarquer que les services d'immigration des Etats-Unis laissent aux marins grecs, dont l'expulsion a été ordonnée, une très grande liberté quant au choix du pays de destination. Il note à cet égard que la Fédération des syndicats grecs des gens de mer a elle-même reconnu que son secrétaire général par intérim avait pu se réfugier en Pologne. Il affirme qu'aucune pression n'avait été exercée sur l'équipage du navire Martiella pour l'amener à signer une déclaration hostile à la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, comme celle-ci s'en plaint.
    4. 78 En ce qui concerne l'arrestation des marins du Niki, le gouvernement indique que, d'après une note de la Transworld Marine Transport Corporation de New-York, en date du 4 septembre 1952, il ne s'agissait nullement de l'amélioration des conditions de vie des marins, mais d'un chantage très bien préparé en vue de faire passer le commandement du navire aux mains des instigateurs.
    5. 79 Le gouvernement indique que le groupement qui s'est donné le nom de « Fédération des syndicats grecs des gens de mer » n'était pas une organisation syndicale, mais exerçait des activités principalement politiques, tendant exclusive ment à la défense des intérêts d'un gouvernement étranger, et qu'il ne s'est jamais caché d'avoir fourni des hommes et du matériel à ceux qui ont mis la Grèce à feu et à sang pour la soumettre à la domination étrangère. Le gouvernement reconnaît qu'il a décidé, en 1947, d'interdire la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, étant donné l'appui fourni par cette organisation à la révolte dirigée en Grèce par le Kominform. Cette mesure n'a été prise qu'après la découverte d'archives secrètes de la Fédération qui fournissaient la preuve indiscutable d'actes de trahison dont l'instigateur était à Gdynia (Pologne). Les marins grecs ont fondé la Fédération panhellénique des gens de mer, qui est affiliée à la Confédération générale du travail de Grèce. Au sein de cette fédération, les gens de mer se répartissent entre de nombreuses sections, ayant chacune leur bureau, dont les membres sont élus en toute liberté. Le gouvernement estime que les allégations présentées quant au montant des salaires des marins grecs constituent des inventions pures et simples, étant donné que ces salaires sont les plus élevés du monde entier après ceux qui sont payés dans les marines marchandes des Etats-Unis et du Canada. Le nombre des membres et sympathisants de la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, qui, avant son interdiction, n'était pas négligeable, est aujourd'hui pratiquement nul, cette organisation ne comptant plus comme participants que quelques agitateurs politiques échoués dans divers ports étrangers, où ils continuent leur propagande sans trop de succès.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Allégation relative aux pressions exercées sur des marins grecs détenus à Ellis Island
    1. 80 Le plaignant allègue qu'un grand nombre de marins grecs se trouveraient internés à Ellis Island et que, comme ils ne pourraient quitter ce lieu que pour être déportés en Grèce, ils seraient l'objet de pressions de la part des autorités américaines, qui leur feraient signer des déclarations hostiles à la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, ainsi que des contrats d'embarquement à des conditions honteuses.
    2. 81 Dans sa réponse, le gouvernement des Etats-Unis fait remarquer que l'allégation ne s'appuie sur aucun fait concret, et ajoute qu'il a néanmoins fait procéder à une enquête pour déterminer si elle pouvait avoir quelque fondement. Il n'en est rien, et il a été établi qu'aucune pression n'avait été exercée sur les marins détenus pour les amener à signer des déclarations hostiles à la Fédération des syndicats grecs des gens de mer ou à toute autre organisation, ou à accepter des contrats d'embarquement dans de mauvaises conditions. Le gouvernement des Etats-Unis donne également des indications sur la procédure qui résulte de la loi relative à l'immigration et à la nationalité ; mais cette loi n'étant entrée en vigueur que le 24 décembre 1952 et la plainte présentée remontant au 24 novembre 1952, il est inutile d'examiner les détails de cette procédure puisqu'elle ne pouvait pas motiver la plainte qui a été présentée.
    3. 82 Il est à remarquer que le plaignant souligne que la raison pour laquelle les marins grecs détenus auraient cédé aux pressions qui auraient été exercées sur eux par les autorités américaines, est qu'ils n'auraient pu quitter Ellis Island que pour être déportés en Grèce.
    4. 83 A cet égard, le gouvernement grec indique, dans sa réponse, que les services d'immigration des Etats-Unis laissent aux marins grecs, dont l'expulsion a été ordonnée, une très grande liberté quant au choix du pays de destination. Lorsqu'il a traité dans son sixième rapport d'une plainte également présentée par la Fédération des syndicats grecs des gens de mer contre les gouvernements des Etats-Unis et de la Grèce, alléguant que M. Nicolas Kaloudis, secrétaire général de cette fédération, avait été expulsé des Etats-Unis pour être déporté en Grèce, le Comité a été amené à constater que, d'après les renseignements fournis par les gouvernements mis en cause, M. Kaloudis avait, en réalité, été déporté en Pologne, fait qui a été, d'après les observations présentées par le gouvernement grec, reconnu par la Fédération des syndicats grecs des gens de mer elle-même.
    5. 84 Dans ces conditions, le Comité estime qu'en ce qui concerne cette première allégation, le plaignant n'a pas apporté la preuve qu'il ait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
  • Allégation relative à l'arrestation de l'équipage du Niki
    1. 85 Le plaignant allègue qu'en août 1952, les autorités américaines auraient arrêté à Portland (Orégon) l'équipage du Niki, qui « tentait d'améliorer sa misérable condition».
    2. 86 Le gouvernement des Etats-Unis déclare dans sa réponse que onze membres de l'équipage de ce navire, qui était arrivé le 11 juillet 1952 à Coos Bay (Orégon), avaient obtenu, conformément à l'article 3, paragraphe 5) de la loi de 1924 sur l'immigration, l'autorisation d'entrer aux Etats-Unis pendant le séjour de leur navire au port, mais cette autorisation n'était valable que pour un maximum de 29 jours. Or, le Niki ayant quitté Coos Bay le 24 juillet 1952 pour Portland, d'où il est reparti le 1er août 1952 à destination de l'Afrique du Sud, les onze marins en question ne se sont pas embarqués à son bord et se sont, dès lors, trouvés aux Etats-Unis en qualité d'immigrants ne possédant aucun statut légal. Inculpés par le Service d'immigration et de naturalisation pour avoir prolongé illégalement leur séjour aux Etats-Unis, ils ont, à la suite d'une procédure judiciaire régulière, été condamnés à être expulsés, et ils ont quitté le territoire des Etats-Unis.
    3. 87 Dans des cas précédents (cas no 27 : Hong-Kong et cas no 45 : Etats-Unis et Grèce), le Comité a souligné qu'il ne lui appartenait pas de traiter de la question générale du statut des étrangers non couverts pas les conventions inter nationales. Compte tenu des observations présentées par le gouvernement des Etats-Unis; selon lesquelles l'arrestation et l'expulsion des marins de l'équipage du Niki étaient sans rapport avec l'exercice de leurs droits syndicaux et ont été décidées par la procédure normale et avec toutes les garanties judiciaires prévues par la loi dans le cas des étrangers en général, le Comité estime qu'en ce qui concerne cette deuxième allégation, le plaignant n'a pas apporté la preuve qu'il se posait une question de violation des droits syndicaux.
  • Allégation relative à la mise hors la loi de la Fédération des syndicats grecs des gens de mer
    1. 88 Le plaignant allègue que la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, bien que représentant la majorité des marins, aurait été mise hors la loi et que ses dirigeants auraient été incarcérés.
    2. 89 Dans sa réponse, le gouvernement grec reconnaît qu'il a décidé en 1947 d'interdire cette fédération, étant donné qu'elle avait appuyé la révolte dirigée en Grèce par le Kominform ; il souligne à cet égard que cette organisation exerçait des activités principalement politiques tendant exclusivement à la défense des intérêts d'un gouvernement étranger, et qu'elle ne s'est jamais cachée d'avoir fourni des hommes et du matériel à ceux qui ont mis la Grèce à feu et à sang pour la soumettre à la domination étrangère. Il indique que cette mesure n'a été prise qu'après la découverte d'archives secrètes de la Fédération qui fournissaient la preuve indiscutable d'actes de trahison dont l'instigateur était à Gdynia (Pologne). D'après lui, le nombre des membres et sympathisants de la Fédération des syndicats grecs des gens de mer, qui n'était pas négligeable avant son interdiction, est aujourd'hui pratiquement nul.
    3. 90 Le Comité a déjà eu l'occasion d'examiner à deux reprises des plaintes relatives à la situation d'ensemble du mouvement syndical en Grèce et plus particulièrement une plainte concernant l'incarcération de dirigeants de la Fédération des syndicats grecs des gens de mer. Compte tenu des renseignements fournis alors par le gouvernement de la Grèce quant aux activités de cette fédération, qui mettaient en danger la sécurité de l'Etat hellénique, le Comité avait estimé que cette plainte, étant donné son caractère essentiellement politique, ne méritait pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
    4. 91 La présente allégation n'apportant aucun élément nouveau qui permettrait de reprendre utilement l'examen de cette question, le Comité estime qu'elle ne mérite pas non plus un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 92. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas un examen plus approfondi.
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