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Rapport définitif - Rapport No. 4, 1953

Cas no 10 (Chili) - Date de la plainte: 01-JANV.-51 - Clos

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A. Plainte présentée par le Comité Unidad Sindical

A. Plainte présentée par le Comité Unidad Sindical
  • Analyse de la plainte
    1. 52 Le plaignant allègue les deux griefs suivants:
      • a) des personnes seraient détenues pour des raisons politiques dans plusieurs pays d'Amérique;
      • b) des ouvriers des chemins de fer chiliens seraient détenus pour avoir participé à une grève, bien qu'il eût été prouvé qu'ils n'avaient pas pris part à une telle grève.
    2. Analyse de la réponse
    3. 53 Dans sa réponse, le gouvernement chilien n'a présenté des observations qu'en ce qui concerne la deuxième allégation. Il soutient qu'à la suite d'une grève illégale organisée dans les chemins de fer nationaux les autorités militaires chargées du maintien des services essentiels auraient fait traduire devant les tribunaux ordinaires certains ouvriers inculpés d'activités illégales. Toutefois, avant de rendre leur jugement, les tribunaux auraient classé l'affaire et relaxé les accusés.
  • Conclusions
    1. 54 Le Comité recommande au Conseil d'administration de classer l'affaire pour les raisons suivantes:
      • a) En réclamant, sans fournir aucune précision, l'intervention de la Commission en faveur de prisonniers détenus pour des raisons politiques dans des pays d'Amérique, le plaignant a formulé, de l'avis du Comité, une demande qui ne porte pas directement sur l'exercice des droits syndicaux et échappe, de ce fait, à sa compétence.
      • b) Quant à la seconde demande relative à la libération des ouvriers de chemins de fer détenus sous le prétexte - fallacieux de l'avis du plaignant - qu'ils avaient participé à une grève illégale, le Comité, tout en admettant que cette allégation a trait à l'exercice des droits syndicaux, estime néanmoins qu'étant donné le fait que les ouvriers ont été relâchés par le tribunal, la plainte est devenue sans objet.

B. Plainte de la Fédération syndicale mondiale

B. Plainte de la Fédération syndicale mondiale
  • Analyse de la plainte
    1. 55 La plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale met en cause la loi chilienne sur la défense permanente de la démocratie.
    2. 56 En premier lieu, le plaignant allègue que certains chefs syndicalistes, dont M. Bernardo Araya, secrétaire général de la Confédération du travail chilienne et membre du comité exécutif de la Fédération syndicale mondiale, auraient été arrêtés et emprisonnés en vertu de cette loi.
    3. 57 En second lieu, le plaignant a mis en cause certains articles de la loi sur la défense permanente de la démocratie, et notamment les articles 29, 32 et 37 de cette loi. Le plaignant allègue notamment:
  • qu'en vertu de l'article 29, des travailleurs privés de leur droit de vote ou membres de partis politiques interdits ne pourraient s'affilier aux syndicats ;
  • qu'en vertu de l'article 32, le Président de la République serait appelé à approuver les budgets syndicaux dépassant la somme de 100.000 pesos;
  • et qu'en vertu de l'article 37, les autorités publiques auraient le droit d'intervenir dans la gestion des fonds syndicaux.
  • Analyse des réponses
  • Analyse de la première réponse (lettre du 5 novembre 1951)
    1. 58 Le gouvernement du Chili, dans sa première réponse, conteste le bien-fondé des plaintes et expose notamment les motifs ci-après.
    2. 59 Aux termes de l'article 29 de la loi sur la défense de la démocratie, peuvent être exclues des syndicats les personnes condamnées pour activités subversives, celles qui ont été privées de leur droit de vote en raison de leur affiliation à des groupements cherchant à instituer un régime totalitaire ou tyrannique, ou celles qui conspirent contre l'indépendance souveraine de l'Etat. Seuls les tribunaux civils sont compétents pour prononcer la déchéance des droits civiques.
    3. 60 Aux termes de l'article 32 de la même loi, le Président de la République doit approuver le budget relatif au placement des fonds que touche un syndicat du fait de sa participation aux bénéfices d'une entreprise lorsque ledit budget dépasse 100.000 pesos. Toutefois, il faut distinguer entre ce budget et le budget syndical normal. De l'avis du gouvernement, ces dispositions ne limitent pas l'exercice de la liberté syndicale, mais tendent à garantir que les fonds versés seront réellement utilisés à des fins syndicales.
    4. 61 Aux termes de l'article 37 de la loi, la Direction générale du travail est habilitée à confier à un fonctionnaire la responsabilité de la gestion des fonds syndicaux, conformément aux statuts et décisions adoptés par l'assemblée générale du syndicat visé, cela en vue de sauvegarder les intérêts du syndicat ou en cas d'absence ou d'empêchement du président ou du trésorier de cette organisation. Une telle intervention a un caractère temporaire et exceptionnel. La mesure n'a été appliquée que quatre ou cinq fois. A l'heure actuelle, aucun syndicat ne se trouve affecté par ces dispositions.
    5. 62 Un certain nombre de personnes, y compris des militants syndicalistes, ont fait l'objet de poursuites au titre de délits aux termes de la loi pour la défense de la démocratie. Aucune liaison ne s'établit entre cet état de choses et les activités syndicales des intéressés. Il appartient aux tribunaux civils de les juger.
  • Demande d'informations complémentaires
    1. 63 A sa première session (Genève, 10-12 janvier 1952), le Comité a décidé de demander au Directeur général d'obtenir certaines informations complémentaires du gouvernement chilien avant qu'il formule ses recommandations au Conseil d'administration, et de faire un rapport plus détaillé sur ce cas lorsque les informations en question auront été communiquées.
    2. 64 Cette demande d'informations complémentaires avait trait à l'interprétation donnée par le gouvernement chilien de l'expression «personnes reconnues coupables d'un délit mentionné par le titre I ou condamnées de ce chef», figurant à l'article 29 de la loi sur la défense permanente de la démocratie ainsi qu'à la disposition figurant à l'article 37 de la même loi qui prévoit que la Direction générale du travail pourra charger un fonctionnaire d'agir en remplacement du président ou du trésorier d'un syndicat, non seulement en cas d'absence ou d'empêchement de ceux-ci, mais aussi « lorsqu'elle le jugera nécessaire à la sauvegarde des intérêts des syndicats ».
  • Analyse de la deuxième réponse
    1. 65 Par une lettre en date du 18 mars 1952, le gouvernement chilien a transmis au Directeur général les renseignements complémentaires demandés par le Comité.
    2. 66 Dans cette dernière lettre, il signale, en ce qui concerne le premier point, que l'expression declarada reo (reconnue coupable) a le même sens que l'expression actualmente procesado et, comme elle, signifie « inculpé ». L'état d'une personne inculpée d'un crime ou d'un délit est tout à fait transitoire. Il entraîne avec lui, en vertu de l'article 29 de la loi sur la défense permanente de la démocratie, la suspension du droit d'affiliation à un syndicat, de même qu'il entraîne, en vertu des articles 376, alinéa 4, et 605, alinéa 5, du Code du travail, l'impossibilité d'être membre, soit du comité directeur d'un syndicat, soit des commissions de conciliation ayant à connaître des conflits collectifs du travail. Le gouvernement indique d'autre part que l'article 29 contient une disposition finale en vertu de laquelle les personnes dont le droit d'affiliation à un syndicat se trouve suspendu conservent leur droit à la participation aux bénéfices prévue par l'article 402 du Code du travail et, si elles versent les cotisations prescrites, aux avantages culturels, éducatifs, coopératifs, d'assistance mutuelle et de prévoyance accordés par le syndicat.
    3. 67 En ce qui concerne le second point (interprétation de l'article 37), le gouvernement souligne que la désignation d'un fonctionnaire chargé de remplacer le président ou le trésorier d'un syndicat, dans des cas autres que l'absence ou l'empêchement de ceux-ci, n'intervient que lorsque apparaît la nécessité de protéger les intérêts du syndicat, et que le fonctionnaire nommé est tenu de respecter, dans la gestion et le placement des biens, les normes fixées par les lois et les règlements, ainsi que par les statuts du syndicat intéressé. Il doit en particulier respecter les règles qui figurent à l'article 34 de la loi sur la défense permanente de la démocratie prévoyant l'établissement régulier d'états relatifs aux mouvements des fonds et la transmission tous les six mois, à l'inspection du travail compétente, d'une copie de la balance des comptes. La désignation du fonctionnaire n'a d'ailleurs qu'un caractère temporaire puisque l'intervention de celui-ci prend fin avec la disparition des causes ayant provoqué sa désignation. En outre, cette intervention de la Direction générale du travail ne constitue pas une nouveauté et n'est que l'application à un cas concret du pouvoir de contrôle que la loi reconnaît à ce département ministériel en ce qui concerne les syndicats, l'article 383, alinéa 2, du Code du travail prévoyant en effet que «les syndicats seront soumis au contrôle de la Direction générale du travail et devront fournir les documents qui leur seront demandés conformément aux prescriptions du règlement d'application. »
  • Conclusions
    1. 68 Le Comité est arrivé aux conclusions suivantes en ce qui concerne les diverses allégations.
  • Allégation relative à l'arrestation arbitraire de chefs syndicalistes
    1. 69 En ce qui concerne cette première allégation, le Comité est arrivé à la conclusion qu'en l'absence de toute précision donnée par le plaignant sur les motifs de ces arrestations, la plainte ne comporte pas les éléments nécessaires pour lui permettre de se prononcer sur la question de savoir si ces arrestations étaient effectivement en rapport avec l'activité syndicale de ces personnes.
  • Allégation relative au contrôle des fonds des syndicats professionnels (article 32 de la loi sur la défense permanente de la démocratie)
    1. 70 En ce qui concerne cette seconde allégation, le Comité est de même arrivé à la conclusion que le plaignant n'a pas apporté de preuves suffisantes pour justifier son affirmation que cet article porte atteinte aux droits syndicaux. L'article en question ne prévoit en effet qu'un certain contrôle de la part des pouvoirs publics sur les fonds des syndicats d'entreprise, fonds perçus par ces derniers à titre de participation aux bénéfices. Or, à la lumière de la réponse du gouvernement, il est apparu au Comité que cette disposition ne porte pas sur le budget ordinaire d'une organisation ouvrière, mais sur le budget spécial des syndicats d'entreprise, budget exclusivement alimenté par les fonds provenant de la participation des intéressés aux bénéfices de l'entreprise. De plus, le Comité a constaté que l'article 32 précité ne vise pas les organisations professionnelles proprement dites, mais certains organismes particuliers au droit chilien appelés syndicats d'entreprise, qui doivent être assimilés en fait aux comités d'entreprise plutôt qu'aux syndicats.
  • Allégation relative d la restriction du droit des travailleurs de constituer des syndicats et de s'y affilier (article 29 de la loi sur la défense permanente de la démocratie)
    1. 71 Le plaignant a allégué qu'en vertu de l'article 29 de la loi sur la défense permanente de la démocratie, les travailleurs membres de certains partis politiques proscrits, et de ce fait privés de leur droit de vote, ne pouvaient s'affilier à des syndicats.
    2. 72 Dans sa réponse, le gouvernement soutient qu'en vertu de cet article, l'affiliation aux syndicats est interdite aux personnes considérées comme criminelles ou condamnées pour délit contre le régime démocratique, ainsi qu'à celles rayées des registres électoraux en raison de leur appartenance à des groupements ou partis subversifs interdits. Le gouvernement précise toutefois que ces personnes ont droit à leur part aux bénéfices de l'entreprise et, à condition qu'elles continuent à verser leurs cotisations, aux avantages matériels que leur accorde le syndicat en vertu de ses statuts.
    3. 73 Lors de sa session de janvier, le Comité s'est reporté au texte de l'article 29 qui a la teneur suivante:
  • Les personnes de l'un ou l'autre sexe, âgées de plus de dix-huit ans, occupées dans une même entreprise ou à un même travail ou qui exercent une même profession ou des professions similaires ou connexes, soit intellectuelles, soit manuelles, peuvent s'associer en syndicat.
  • Toutefois, ne peuvent faire partie d'aucun syndicat les personnes reconnues coupables d'un délit mentionné par le titre 1er de ce texte ou condamnées de ce chef, ni les personnes qui ont été rayées des registres électoraux ou municipaux.
  • Nonobstant les dispositions de l'alinéa précédent, les personnes visées par ce dernier auront droit à la participation aux bénéfices prévue à l'article 402 du Code du travail et, si elles versent les cotisations prescrites, aux avantages culturels, éducatifs, coopératifs, d'assistance mutuelle et de prévoyance accordés par le syndicat, conformément à ses statuts et règlements.
    1. 74 En examinant ce texte, le Comité a relevé dans le second paragraphe l'expression « personnes reconnues coupables d'un délit » et s'est demandé si la culpabilité pouvait être présumée avant même qu'une condamnation fût prononcée. C'est donc sur le sens exact de ce membre de phrase qu'il a demandé des éclaircissements au gouvernement chilien.
    2. 75 D'après la réponse du gouvernement, la difficulté à laquelle le Comité s'est heurté est essentiellement d'ordre linguistique. En effet, explique le gouvernement chilien, le terme espagnol persona declarada reo est traduit par « personne déclarée coupable ». Il signifie en vérité « personne inculpée » ainsi qu'il ressort de l'article 274 de la procédure pénale qui a la teneur suivante:
  • Après avoir procédé à l'interrogatoire du prévenu, le juge d'instruction l'inculpera (lo déclara reo) et le déférera à la justice s'il ressort de l'interrogatoire: 1) qu'il a commis le délit qui a donné lieu à l'enquête, ou 2) que l'on peut à bon droit présumer qu'il a participé à l'accomplissement de ce délit...
  • Il s'ensuit que la personne inculpée (declarada reo) au cours de l'instruction d'un procès, mais non condamnée, est légalement empêchée d'appartenir à un syndicat tant que subsiste sa condition d'inculpée. Mais c'est un état purement transitoire. Par conséquent, le droit de s'affilier à un syndicat n'est que suspendu. L'intéressé reprend son droit en cas d'acquittement ou de sursis. Il le perd seulement en cas de condamnation. Le gouvernement ajoute que la législation en matière de procédure pénale, qui s'applique aux délits d'infraction à la loi sur la défense permanente de la démocratie, garantit pleinement la défense des inculpés. D'une part, en effet, le législateur, en vue d'éviter des influences qui pourraient s'exercer dans cette sorte de procès, a confié l'instruction du cas à un membre d'un tribunal supérieur. D'autre part, il a limité le délai de l'instruction à huit jours, délai qui ne peut être prorogé que dans des cas déterminés par le président de la Cour.
    1. 76 Il semble ressortir de la réponse du gouvernement qu'une personne n'est privée du droit de s'affilier à un syndicat que dans le cas seulement où elle est condamnée pour délit d'infraction à la loi sur la défense permanente de la démocratie, et que le terme persona declarada reo ne signifie pas qu'une personne soit reconnue coupable, mais seulement qu'elle est mise en état d'accusation, condition qui comporte bien la suspension mais non la perte du droit de s'affilier à un syndicat.
    2. 77 Tout en soulignant qu'il peut paraître inusité qu'une personne simplement inculpée d'un délit mais non condamnée de ce fait puisse être privée du droit d'affiliation à un syndicat professionnel, et en exprimant l'espoir que cette question pourra faire l'objet d'un nouvel examen de la part du gouvernement chilien, le Comité considère qu'étant donné les précisions fournies par le gouvernement, il n'y a pas lieu de renvoyer ce point à la Commission d'investigation et de conciliation.
  • Allégations concernant des interventions des autorités publiques dans la gestion des syndicats (article 37 de la loi sur la défense permanente de la démocratie)
    1. 78 Le plaignant allègue que le service de la main-d'oeuvre du ministère du Travail est autorisé, en vertu de l'article 37 de la loi sur la défense permanente de la démocratie, à administrer les fonds des syndicats et à en disposer librement.
    2. 79 Le gouvernement soutient que cet article autorise la Direction générale du travail à charger un fonctionnaire public de l'administration des biens syndicaux lorsqu'elle le juge nécessaire pour la défense des intérêts du syndicat ou dans les cas d'absence ou d'empêchement du président ou du trésorier du syndicat. Le gouvernement relève que la mesure n'a qu'un caractère temporaire et exceptionnel et ne peut être mise en oeuvre que conformément aux dispositions des statuts du syndicat et des prévisions budgétaires adoptées par l'assemblée générale du syndicat.
    3. 80 Le texte de la disposition est conçu comme suit:
  • A la requête de la Direction générale du travail, la Direction générale des impôts intérieurs procédera à la vérification de la comptabilité et au contrôle de la gestion ou du placement des fonds des syndicats et fera rapport sur l'accomplissement de sa mission à la Direction générale du travail.
  • La Direction générale du travail pourra, lorsqu'elle le jugera nécessaire à la sauvegarde des intérêts des syndicats ou en cas d'absence ou d'empêchement du président ou du trésorier d'une de ces institutions, ou des deux à la fois, charger un fonctionnaire du travail ou un fonctionnaire des impôts intérieurs, désigné par elle d'agir en remplacement du président ou du trésorier, ou des deux à la fois, dans la gestion et le placement du patrimoine social, sous réserve de l'observation des normes fixées par les lois et règlements ainsi que par les statuts des syndicats respectifs.
    1. 81 En examinant ce texte à sa première réunion, le Comité a décidé de demander au gouvernement chilien des précisions sur l'interprétation exacte de cette disposition.
    2. 82 Dans sa réponse, le gouvernement a souligné que la Direction générale du travail ne peut intervenir que dans le cas où il est nécessaire de protéger les intérêts du syndicat lui-même. C'est pourquoi la mesure est temporaire et reste en vigueur seulement tant que subsistent les causes qui l'ont rendue nécessaire. Pour la même raison, le fonctionnaire chargé de la gestion doit non seulement observer les dispositions des lois et les statuts des syndicats, mais encore celles de l'article 34 de la loi sur la défense permanente de la démocratie. En effet, en vertu de cet article, il doit rendre public le mouvement des fonds en vue de permettre le contrôle prévu par les statuts du syndicat et établir le bilan à des intervalles réguliers. Le gouvernement fait en outre observer que la disposition n'est qu'un cas d'espèce du principe général établi par l'article 383, alinéa 2, du Code du travail, aux termes duquel les syndicats sont soumis au contrôle de la Direction générale du travail.
    3. 83 En formulant son allégation, le plaignant semble soutenir que la disposition de l'article 37 de la loi sur la défense permanente de la démocratie met en cause le droit de libre gestion syndicale.
    4. 84 Dans sa réponse, le gouvernement fait valoir que ce droit doit trouver ses limites là où il servirait de prétexte pour couvrir des abus commis au détriment même du syndicat. Par conséquent, le gouvernement devrait être autorisé à intervenir lorsque l'exige la défense des intérêts des syndicats.
    5. 85 Il ressort des précisions données par le gouvernement que l'intervention en question est subordonnée à l'accomplissement d'une série de conditions qui doivent assurer qu'elle a lieu dans l'intérêt exclusif du syndicat. Ainsi, avant d'intervenir, la Direction du travail doit charger la Direction générale des impôts de vérifier les comptes et de contrôler la gestion et le placement des fonds. Ce n'est que sur rapport de cette autorité que la Direction général du travail, si elle le juge nécessaire à la sauvegarde des intérêts du syndicat ou en cas d'absence ou d'empêchement des dirigeants responsables, peut charger un fonctionnaire de la gestion et du placement des fonds syndicaux. Cette intervention doit se limiter à la gestion économique et ne doit pas empiéter sur les activités syndicales proprement dites. Au cours de la gestion, le fonctionnaire doit s'en tenir aux statuts du syndicat ainsi qu'aux décisions prises par l'assemblée générale ; il doit agir comme s'il était lui-même un dirigeant élu du syndicat. Enfin, la Direction générale du travail est tenue de mettre fin à la gestion lorsque les causes qui l'ont provoquée ont cessé d'exister.
    6. 86 Il convient de rappeler que le gouvernement, dans sa première réponse, avait déjà insisté sur le caractère tout à fait exceptionnel de la mesure qui n'a été appliquée que quatre ou cinq fois et n'est pas appliquée du tout à l'heure actuelle.
    7. 87 Le Comité a déjà signalé dans son premier rapport la difficulté des problèmes que soulève la protection des fonds syndicaux contre les abus, et le Conseil d'administration a approuvé une proposition tendant à la préparation d'une étude complète et objective de cette question. Le cas présent constitue un nouvel exemple de la difficulté et de l'importance de ces problèmes, mais le Comité considère que, étant donné que dans ce cas l'intervention n'a revêtu qu'un caractère purement temporaire et exceptionnel et a maintenant cessé d'être appliquée, cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration tant que l'étude générale de cette question, actuellement en cours, n'a pas été achevée. Le Comité désire toutefois souligner les possibilités d'abus que comporte une telle procédure - pour exceptionnelle et temporaire qu'elle soit - et estime qu'il y aurait intérêt à ce que soit envisagée la révision de cette disposition légale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 88. En ce qui concerne l'ensemble du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider que les plaignants n'ont pas apporté de preuves suffisantes pour justifier le renvoi de l'affaire devant la Commission d'investigation et de conciliation ;
    • b) de suggérer au gouvernement du Chili de vouloir bien envisager s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer certains articles de la loi sur la défense permanente de la démocratie, et notamment les articles 29 et 37, en vue de voir s'il ne serait pas souhaitable d'y apporter certaines modifications à la lumière des dispositions des conventions sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (1948) et sur le droit d'organisation et de négociation collective (1949).
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