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Rapport intérimaire - Rapport No. 387, Octobre 2018

Cas no 2318 (Cambodge) - Date de la plainte: 22-JANV.-04 - Actif

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Allégations: Meurtre de trois syndicalistes et répression permanente à l’encontre de syndicalistes du pays

  1. 128. Le comité a déjà examiné le présent cas quant au fond à de nombreuses reprises, la dernière fois à sa réunion d’octobre 2017 à l’occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire approuvé par le Conseil d’administration à sa 331e session. [Voir 383e rapport, paragr. 82 104.]
  2. 129. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 1er octobre 2018.
  3. 130. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Il n’a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 131. Lors de son précédent examen du cas, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 383e rapport, paragr. 104]:
    • a) Le comité prie instamment les autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires pour mener promptement à bien la procédure d’enquête sur les meurtres de MM. Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, y compris en veillant à la bonne marche de la commission interministérielle spéciale ainsi qu’à la création et au fonctionnement de la sous-commission tripartite. Il prie le gouvernement de rendre compte des progrès concrets accomplis à cet égard et de fournir des informations sur les activités et l’avancement des travaux du groupe d’enquête du commissariat national de police concernant ces crimes odieux. Par ailleurs, la commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir la sécurité du frère de M. Chea Vichea, ainsi que celle des personnes susceptibles de contribuer au progrès de ces enquêtes.
    • b) Le comité s’attend à ce que la commission interministérielle spéciale examine avec soin les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés par la police, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire durant le procès de MM. Born Samnang et Sok Sam Oeun, veille à ce que toutes les allégations précitées fassent l’objet d’une enquête et prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête et de toute mesure de réparation accordée suite à la détention injustifiée de ces deux hommes. Il prie en outre le gouvernement de fournir plus de précisions sur la nature de leur remise en liberté, en indiquant si elle est provisoire.
    • c) Rappelant qu’il avait précédemment déploré le fait que M. Thach Saveth ait été arrêté et condamné à une peine de prison pour l’assassinat du dirigeant syndicaliste M. Ros Sovannareth à l’issue d’un procès où il n’avait pas bénéficié des garanties d’une procédure équitable indispensable pour lutter efficacement contre l’impunité des auteurs de violences à l’égard des dirigeants syndicaux, le comité s’attend à ce que la commission interministérielle spéciale examine avec soin les circonstances dans lesquelles le procès s’est déroulé pour garantir que justice a été rendue et que l’intéressé a pu exercer son droit de faire appel devant une instance judiciaire impartiale et indépendante. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard, y compris du résultat du procès en cours au tribunal municipal de Phnom Penh et du résultat des travaux de la commission interministérielle spéciale.
    • d) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant le meurtre de M. Hy Vuthy, y compris du résultat du procès en cours au tribunal municipal de Phnom Penh et du résultat des travaux de la commission interministérielle spéciale. Il prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur la raison pour laquelle une nouvelle enquête n’a pas été diligentée sur le cas.
    • e) Rappelant qu’il soulève, depuis 2007, la question des allégations faisant état d’agressions contre 13 membres du FTUWKC et du FTUSGF et du licenciement de trois membres du FTUWGGF, le comité exprime sa préoccupation devant le retard considérable pris et du peu de progrès accompli au cours de l’enquête sur ces questions. Insistant sur l’importance de prendre des mesures concrètes et significatives pour enquêter sur ces questions sans délai, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour régler ces questions en suspens de longue date.
    • f) Le comité doit exprimer sa préoccupation devant les retards continus ainsi que l’absence de résultats concrets dans le présent cas. Le comité se voit dans l’obligation de réitérer le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de prendre action rapidement et de rendre dûment compte des progrès accomplis par la commission interministérielle spéciale concernant les nouvelles enquêtes sur le meurtre des dirigeants syndicalistes, étant donné que cela aura un impact significatif sur le climat d’impunité qui règne dans le pays et sur l’exercice des droits syndicaux de tous les travailleurs.
    • g) Le comité attire une nouvelle fois l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 132. Dans sa communication en date du 1er octobre 2018, le gouvernement indique qu’une commission nationale chargée d’examiner la mise en œuvre des conventions internationales du travail ratifiées par le Cambodge (NCRILC), de composition tripartite, a été constituée avec l’objectif d’offrir des réponses effectives aux préoccupations du Comité de la liberté syndicale. Par ailleurs, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle dans son rôle de secrétariat de la NCRILC a organisé le 7 mai 2018 un séminaire tripartite national de consultation, qui a abouti à l’adoption d’une feuille de route révisée sur la mise en œuvre des recommandations de l’OIT en matière de liberté syndicale. Cette feuille de route prévoit entre autres un calendrier des actions à entreprendre pour conclure les enquêtes en cours concernant les cas de meurtre des dirigeants syndicaux MM. Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Les institutions en charge dont la liste figure sur la feuille de route devraient s’efforcer d’achever les enquêtes et d’assurer que les auteurs et les instigateurs des meurtres en questions seront traduits en justice. Le gouvernement indique qu’il est prévu que les rapports de progrès de ces institutions fassent l’objet de discussions lors des réunions régulières de la commission nationale et que des informations sur tout fait nouveau seront transmises au début de l’année 2019.
  2. 133. S’agissant de l’enquête demandée sur les agressions signalées en 2006 de 13 membres du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) et du Syndicat libre de l’usine de confection Suntex (FTUSGF) et de la situation professionnelle de trois militants du Syndicat libre des travailleurs de l’usine de confection Genuine (FTUWGGF), qui auraient été licenciés en 2006, le gouvernement réitère qu’il n’a pas été en mesure de joindre les militants en question et demande à nouveau au FTUWKC, en tant qu’organisation plaignante, de fournir au Département des conflits de travail les contacts de ces travailleurs afin de lui permettre de prendre les mesures de suivi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 134. Le comité rappelle qu’il a examiné à de nombreuses reprises ce cas grave qui concerne notamment le meurtre des dirigeants syndicaux MM. Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy, et le climat d’impunité qui entoure les actes de violence dirigés contre les syndicalistes. Le comité apprécie que le gouvernement demeure engagé à fournir des informations relatives à ses recommandations suite au recours au paragraphe 69 de sa procédure par le biais duquel il avait invité le gouvernement à se présenter en mai 2015 devant le comité pour expliquer la situation.
  2. 135. Le comité rappelle qu’il avait antérieurement pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle: i) le commissariat national de police a créé un groupe d’enquête présidé par le commissaire de la police municipale de Phnom Penh, en octobre 2015; ii) la commission interministérielle spéciale chargée d’enquêter sur le cas no 2318, établie en août 2015, s’est réunie pour la deuxième fois en janvier 2017 pour discuter de l’avancement de ses travaux et des difficultés rencontrées; et iii) la commission interministérielle a décidé de créer un groupe de travail tripartite rattaché au secrétariat de la commission afin de permettre à toutes les parties prenantes, y compris les organisations d’employeurs et de travailleurs, de fournir des informations en lien avec les enquêtes ou leurs commentaires au sujet des conclusions de la commission.
  3. 136. Le comité note qu’une commission nationale chargée d’examiner la mise en œuvre des conventions internationales du travail ratifiées par le Cambodge (NCRILC) a été créée par décision gouvernementale no 64 du 16 août 2017, qui prévoit que: i) la commission nationale, de nature tripartite, sera présidée par le ministre du Travail et de la Formation professionnelle (article 1); ii) la commission nationale aura notamment pour tâche d’examiner et de gérer les recherches sur la pratique et la législation, et de recueillir des informations et des preuves sur toute plainte liée à la mise en œuvre des conventions internationales du travail et des traités internationaux pertinents (article 2); et iii) la décision no 44 de juin 2015 sur la création d’une commission interministérielle spéciale chargée d’enquêter sur le cas no 2318 ainsi que sur toute disposition législative contraire à la décision sera abrogée (article 4). Le comité note en outre que les membres de la commission nationale tripartite ont été désignés par décision gouvernementale no 111 du 6 décembre 2017. Ses membres sont notamment des représentants du ministère du Travail et de la Formation professionnelle, du ministère de la Justice, du ministère de l’Intérieur, du chef de la Police nationale, de la Gendarmerie royale, et des organisations d’employeurs et de travailleurs.
  4. 137. Le comité croit comprendre que la commission interministérielle spéciale chargée d’enquêter sur le cas no 2318 a été abolie avec la création de la NCRILC. Le comité regrette que ce processus semble avoir retardé une fois de plus l’aboutissement des enquêtes pénales demandé par le comité depuis 2005. Le comité note cependant l’indication du gouvernement selon laquelle la NCRILC a validé la feuille de route de mise en œuvre des recommandations de l’OIT en matière de liberté syndicale, qui prévoit, entre autres, un calendrier d’actions destinées à achever les enquêtes en cours sur les cas de meurtre de dirigeants syndicaux et que des rapports de progrès par les institutions en charge de ces enquêtes feront régulièrement l’objet de discussions au sein de la NCRILC.
  5. 138. S’agissant de ses recommandations antérieures demandant une enquête sur les agressions signalées en 2006 de 13 membres du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) et du Syndicat libre de l’usine de confection Suntex (FTUSGF) (Lay Sophead, Pul Sopheak, Lay Chhamroeun, Chi Samon, Yeng Vann Nuth, Out Nun, Top Savy, Lem Samrith, Chey Rithy, Choy Chin, Lach Sambo, Yeon Khum et Sal Koem San) et de la situation professionnelle de trois militants du Syndicat libre des travailleurs de l’usine de confection Genuine (FTUWGGF) qui auraient été licenciés en 2006 (Lach Sambo, Yeom Khun et Sal Koem San), le comité note que le gouvernement réitère qu’il n’a pas été en mesure de joindre les travailleurs en question et demande au FTUWKC, en tant qu’organisation plaignante, de fournir au Département des conflits de travail les contacts de ces travailleurs afin de permettre des actions de suivi. Le comité se voit obligé une nouvelle fois d’exprimer sa préoccupation devant le retard considérable pris et de l’absence de progrès pour diligenter l’enquête demandée depuis 2007. Le comité se voit dans l’obligation d’insister sur l’importance de prendre des mesures concrètes pour enquêter sur ces questions sans délai et attend du gouvernement qu’il le tienne informé des mesures significatives prises à cet égard.
  6. 139. En l’absence de progrès concret concernant des questions de longue date examinées dans le cadre du présent cas, le comité se voit une nouvelle fois obligé de réitérer ses recommandations et d’exprimer son ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de prendre action rapidement et de faire état de progrès significatifs, car cette situation a inévitablement un impact sur le climat social et sur l’exercice des droits à la liberté syndicale de tous les travailleurs du pays. Le comité invite l’organisation plaignante à fournir des informations à jour sur les questions soulevées dans la présente plainte, en particulier celles relatives aux travailleurs qui auraient été agressés ou licenciés. Enfin, le comité appelle à nouveau l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 140. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment les autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires pour mener promptement à bien la procédure d’enquête sur les meurtres de MM. Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy. Il prie le gouvernement de rendre compte des progrès concrets accomplis à cet égard et de fournir des informations sur les activités et l’avancement des travaux du groupe d’enquête du commissariat national de police concernant ces crimes odieux. Par ailleurs, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir la sécurité du frère de M. Chea Vichea, ainsi que celle des personnes susceptibles de contribuer au progrès de ces enquêtes.
    • b) Le comité s’attend à ce que la NCRILC ou tout autre organe approprié examine avec soin les allégations faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés par la police, d’intimidation de témoins et d’ingérence politique dans la procédure judiciaire durant le procès de MM. Born Samnang et Sok Sam Oeun, veille à ce que toutes les allégations précitées fassent l’objet d’une enquête et prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête et de toute mesure de réparation accordée suite à la détention injustifiée de ces deux hommes. Il prie en outre le gouvernement de fournir plus de précisions sur la nature de leur remise en liberté, en indiquant si elle est provisoire.
    • c) Rappelant qu’il avait précédemment déploré le fait que M. Thach Saveth ait été arrêté et condamné à une peine de prison pour l’assassinat du dirigeant syndicaliste M. Ros Sovannareth à l’issue d’un procès où il n’avait pas bénéficié des garanties d’une procédure équitable indispensable pour lutter efficacement contre l’impunité des auteurs de violences à l’égard des dirigeants syndicaux, le comité s’attend à ce que la NCRILC ou tout autre organe compétent enquête avec soin sur les circonstances dans lesquelles le procès s’est déroulé pour garantir que justice a été rendue et que l’intéressé a pu exercer son droit de faire appel devant une instance judiciaire impartiale et indépendante. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard, y compris du résultat du procès en cours devant la cour d’appel et du résultat des travaux.
    • d) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant le meurtre de M. Hy Vuthy, y compris du résultat du procès en cours au tribunal municipal de Phnom Penh et du résultat de tout travail entrepris à ce sujet par la NCRILC. Il prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur la raison pour laquelle une nouvelle enquête n’a pas été diligentée sur le cas.
    • e) Rappelant qu’il soulève, depuis 2007, la question des allégations faisant état d’agressions contre 13 membres du Syndicat libre des travailleurs du Royaume du Cambodge (FTUWKC) et du Syndicat libre de l’usine de confection Suntex (FTUSGF) et du licenciement de trois membres du Syndicat libre des travailleurs de l’usine de confection Genuine (FTUWGGF), le comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation devant le retard considérable pris et le peu de progrès accompli au cours de l’enquête sur ces questions. Insistant sur l’importance de prendre des mesures concrètes pour enquêter sur ces questions sans délai, le comité attend du gouvernement qu’il le tienne informé de progrès significatifs à cet égard.
    • f) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de prendre action rapidement et de faire état de progrès significatifs sur ces questions de longue date examinées dans le cadre du présent cas, car cette situation a inévitablement un impact sur le climat social et sur l’exercice des droits à la liberté syndicale de tous les travailleurs du pays.
    • g) Le comité invite l’organisation plaignante à fournir des informations actualisées sur les questions soulevées dans la présente plainte, en particulier celles relatives aux travailleurs qui auraient été agressés ou licenciés.
    • h) Le comité attire une nouvelle fois l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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