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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 351, Novembre 2008

Cas no 2616 (Maurice) - Date de la plainte: 03-DÉC. -07 - Clos

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  1. 990. La plainte est contenue dans une communication présentée par la Confédération nationale des syndicats (NTUC), le Congrès du travail de Maurice (MLC) et le Congrès des syndicats de Maurice (MTUC), en date du 3 décembre 2007. Le MTUC a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 19 décembre 2007. La Confédération syndicale internationale (CSI) s’est associée à cette plainte dans une communication en date du 1er février 2008 et a fourni des informations complémentaires à l’appui de cette dernière.
  2. 991. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date du 21 mai et du 11 août 2008.
  3. 992. Maurice a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 993. Dans leurs communications des 3 et 19 décembre 2007, les organisations plaignantes affirment qu’elles ont toujours respecté la loi, tout en cherchant activement à protéger les droits de leurs membres et des travailleurs en général. Jusqu’à une date récente, elles ont pu exercer leurs activités librement, mais la situation a changé récemment de manière spectaculaire, et des manifestations et marches pacifiques ont fait l’objet de plaintes pénales déposées contre les dirigeants syndicaux.
  2. 994. Les organisations plaignantes déclarent que le ministre des Finances a annoncé dans son discours sur le budget 2006-07 la fermeture de l’Atelier mécanique de la police (PMW), un département gouvernemental. Cette annonce a provoqué un choc chez les travailleurs de l’atelier, qui n’avaient été ni consultés ni même informés à ce sujet. Le 19 juin 2006 a eu lieu une manifestation pacifique en faveur des travailleurs opposés à la clôture de cet atelier, à laquelle ont participé Toolsyraj Benydin et Radhakrishna Sadien, secrétaire général de la NTUC et président du MTUC, respectivement. Le 19 novembre 2007, Benydin et Sadien ont comparu devant le Tribunal intermédiaire et ont été inculpés pour infraction à la loi sur les rassemblements publics de 1991 (ci-après dénommée la PGA) en raison de leur participation à la manifestation du 19 juin 2006. Ils doivent répondre des chefs d’inculpation ci-après:
  3. 1. Tenue d’un rassemblement public sans en avoir notifié par écrit le commissaire de police.
  4. 2. Tenue d’un rassemblement public le jour de session du parlement.
  5. 3. Refus d’obtempérer à un ordre donné par un officier de police.
  6. 995. Ce même jour, une ordonnance stipulant que les deux personnes en question ne pouvaient plus quitter Maurice sans une autorisation préalable de la Cour suprême pour la destination autorisée a été prise par le procureur au nom du gouvernement. Les décrets d’application précisent que tout déplacement en dehors de Maurice doit faire l’objet d’une demande à soumettre trois mois à l’avance. Selon les organisations plaignantes, les deux dirigeants syndicaux n’ont pu se rendre au Ghana pour le Congrès d’unification de l’Organisation régionale africaine (AFRO) et de l’Organisation démocratique syndicale des travailleurs africains (DOAWTU), fin novembre 2007, qu’après versement d’une caution de 25 000 roupies. Ils ont également été contraints de remettre leurs passeports à la police à leur retour à Maurice, le 1er décembre 2007.
  7. 996. Selon les organisations plaignantes, la PGA soumet la liberté syndicale aux restrictions suivantes:
  8. 1. Selon les articles 2 et 3 de la loi, toute réunion ou manifestation publique doit être notifiée par écrit au commissaire de police au moins sept jours auparavant; est considérée comme une réunion ou une manifestation publique toute réunion ou manifestation rassemblant 12 personnes au moins sur un lieu public.
  9. 2. En vertu de l’article 4 de la loi, le commissaire de police peut empêcher la tenue d’une réunion pour certains motifs et imposer certaines conditions.
  10. 3. En vertu de l’article 5, la police peut mettre fin à un rassemblement pour certains motifs.
  11. 4. Les articles 7 et 8 imposent des restrictions quant au lieu et à la date du rassemblement.
  12. 5. L’article 18 impose une sanction de 2 000 roupies au maximum et une peine d’emprisonnement maximale de deux ans.
  13. 997. Les organisations plaignantes allèguent que les sept jours de préavis prévus par la PGA limitent la tenue d’un rassemblement spontané aux seules questions urgentes, et que le fait de faire tomber sous le coup de la loi tout rassemblement de 12 personnes ou plus, et de permettre ainsi de considérer ces rassemblements comme illégaux ou de les sanctionner, constitue une violation de la liberté syndicale. Par ailleurs, les sanctions pour violation de la PGA sont excessivement élevées.
  14. 998. Les organisations plaignantes ajoutent que d’autres plaintes ont été déposées en vertu de la PGA. M. Benydin et M. Sadien ont été convoqués devant le tribunal, de même que trois autres personnes, pour avoir participé le 7 juin 2006 à une manifestation contre la fermeture de la Development Works Corporation (DWC), un organisme paraétatique. A la communication du MTUC du 19 décembre 2007 ont été joints les documents suivants:
  15. 1. Un exemplaire de la PGA.
  16. 2. Des extraits de documents du tribunal ayant trait aux actions susmentionnées intentées en vertu de la PGA. Lesdits documents comprennent un récapitulatif des chefs d’inculpation retenus contre M. Benydin et M. Sadien en rapport avec la manifestation du 19 juin 2006, mais aussi des chefs d’inculpation retenus contre M. Benydin et M. Sadien, ainsi que MM. Deepak Benydin, Reaz Chuttoo et Faizal Aly Beegun, en rapport avec une manifestation contre la fermeture de la DWC organisée le 7 juin 2006.
  17. 3. Une copie de certaines pages du passeport de M. Sadien, y compris une page portant mention manuscrite du fait que ledit passeport ne peut être utilisé que pour certaines destinations et qu’il ne peut être renouvelé ou prolongé que s’il y est fait une référence au fonctionnaire qui a établi le passeport en question.
  18. 999. Dans sa communication en date du 1er février 2008, la CSI indique en référence à la manifestation du 7 juin 2006 contre la clôture de la DWC que M. Benydin, M. Sadien et trois autres syndicalistes, à savoir MM. Deepak Benydin, Reaz Chuttoo et Faizal Aly Beegun, ont été convoqués devant le Tribunal intermédiaire à la date du 18 décembre 2007 et inculpés pour violation de la PGA en raison de leur participation à la manifestation susmentionnée. Au cours de cette manifestation, qui a réuni une cinquantaine de syndicalistes, une délégation syndicale a été reçue par le premier conseiller du Premier ministre, et plusieurs réunions ont eu lieu par la suite au sujet de la clôture de la DWC. Les manifestants n’avaient été informés ni du caractère illégal de la manifestation ni d’une éventuelle plainte pénale. La CSI déclare que l’audience des cinq syndicalistes était prévue pour le 29 janvier 2008 et que les syndicats estiment, en raison des deux plaintes en instance, que ces plaintes font partie d’une campagne antisyndicale orchestrée par le gouvernement, et que d’autres actions judiciaires se préparent contre eux.
  19. 1000. La CSI ajoute que M. Benydin et M. Sadien ne peuvent quitter le pays qu’avec l’autorisation des autorités, et après approbation de leur itinéraire. De plus, leurs passeports sont encore aux mains du gouvernement, et ils ne leur ont été délivrés que lorsqu’ils ont dû se rendre à l’étranger. Les deux dirigeants syndicaux ont pu obtenir une copie de leurs passeports, qui porte mention manuscrite de la destination et de la durée du séjour à l’étranger. Une copie de chacun des deux passeports est jointe à la communication, de même qu’une copie des pages sur lesquelles figure la mention manuscrite qui précise que le passeport ne peut être utilisé que pour certaines destinations et ne peut être renouvelé ou prolongé que s’il y est fait référence au fonctionnaire qui a établi le passeport.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1001. Dans sa communication du 21 mai 2008, le gouvernement déclare que le Vice-Premier ministre et ministre des Finances avait fait part, le 9 juin 2006 dans son discours sur le budget, de l’intention du gouvernement de mettre fin à la DWC et au PMW, la DWC parce qu’elle était considérée comme inefficace et comme n’ayant plus de raison d’être, tandis que la fermeture du PMW devait mettre fin à des pratiques abusives dans la gestion du parc automobile de tous les ministères, en particulier celui de la police. Le gouvernement avait annoncé qu’une approche humaine serait adoptée et que les employés bénéficieraient des mesures suivantes:
  2. 1. Le gouvernement s’acquitterait de toutes les obligations lui incombant en vertu des contrats de travail du personnel.
  3. 2. Une unité spéciale du ministère du Travail, des Relations professionnelles et de l’Emploi aiderait les travailleurs à trouver une activité productive, conformément à la politique gouvernementale destinée à protéger les travailleurs, au lieu des emplois.
  4. 3. Réaffectation des travailleurs touchés.
  5. 4. Les travailleurs proches de l’âge de la retraite bénéficieraient d’une retraite anticipée.
  6. 5. Une aide serait proposée, par le biais du programme de formation, à ceux qui peuvent être affectés à un autre poste.
  7. 6. Les travailleurs qui souhaitent lancer leur propre entreprise, en particulier dans le bâtiment, bénéficieraient de tout le soutien nécessaire, conformément à la politique gouvernementale visant à diversifier la gamme des entreprises pouvant conclure un contrat avec le gouvernement. Ceux qui décident de créer une entreprise de ce genre pourront obtenir par ailleurs du matériel de la DWC à des conditions favorables.
  8. 1002. Le gouvernement déclare que Radhakrishna Sadien, Toolsyraj Benydin, Deepak Benydin, Reaz Chuttoo et Faizal Aly Beegun ont participé, le 7 juin 2006, sans attendre que des consultations puissent être organisées, à un rassemblement de protestation illégal contre la fermeture de la DWC. Radhakrishna Sadien et Toolsyraj Benydin ont également pris part, le 19 juin 2006, à un rassemblement illégal de protestation contre la décision prise par le gouvernement de fermer le PMW. Dans un cas comme dans l’autre, aucune notification écrite n’avait été envoyée au commissaire de police, comme prévu par l’article 3(1) de la PGA. En outre, comme la manifestation du 19 juin 2006 coïncide avec une session du parlement, il aurait fallu obtenir au préalable, en vertu de l’article 8(1) de la PGA, l’autorisation du commissaire de police, ce qui n’a pas été le cas. Le gouvernement ajoute que M. Sadien a également agi en violation de l’article 5 de la PGA en refusant de mettre fin au rassemblement, comme l’avait ordonné un adjoint du commissaire de police.
  9. 1003. Selon le gouvernement, la tenue des deux manifestations risquait de mettre en danger l’ordre public et la sécurité. La manifestation concernant la DWC s’est tenue en face du bureau du Premier ministre, le long d’une avenue qui jouxte le parlement, et a entravé la circulation automobile de 3 heures à 4 heures de l’après-midi, et gêné les activités du voisinage. La manifestation concernant la fermeture du PMW s’est tenue en face de l’entrée principale du siège de la police, dans une rue très animée, et ce de 10 h 55 du matin à 11 h 30, gênant ainsi les personnes qui se rendaient au bureau de police.
  10. 1004. A la suite de ces manifestations, Radhakrishna Sadien, Toolsyraj Benydin, Deepak Benydin, Reaz Chuttoo et Faizal Aly Beegun ont été inculpés pour avoir participé à une manifestation publique le 7 juin 2006 sans notification écrite au commissaire de police, violant ainsi l’article 3(1) de la PGA. M. Sadien et M. Benydin ont été inculpés pour avoir participé à une manifestation publique un jour (19 juin 2006) de session du parlement, violant ainsi l’article 8(1) de la PGA. En ce qui concerne la manifestation du 19 juin 2006, M. Sadien a également été inculpé pour refus d’obtempérer à l’ordre d’un officier de police, au titre de l’article 5 de la PGA.
  11. 1005. Les chefs d’inculpation liés à la manifestation du 19 juin 2006 ont été examinés par le magistrat du Tribunal intermédiaire, et M. Sadien et M. Benydin ont été reconnus coupables pour ces deux chefs d’inculpation lors d’un jugement rendu le 11 avril 2008. En outre, une amende de 1 000 roupies chacun leur a été infligée, ainsi qu’une amende de 500 roupies pour frais de justice. Le magistrat a donc rejeté l’argument de l’avocat du défendeur selon lequel les articles 3, 5 et 8 de la PGA constituent une violation de l’article 13 de la Constitution. M. Sadien et M. Benydin ont fait appel du jugement. L’affaire concernant la manifestation du 7 juin 2006 a été reportée au 2 juin 2008.
  12. 1006. En ce qui concerne la confiscation des passeports, le gouvernement fait savoir que la décision d’interdire aux cinq syndicalistes de quitter le pays n’a été prise qu’après leur inculpation. Il ajoute que cette interdiction est conforme à l’article 14 de la réglementation sur les passeports (décret no 22 de 1969), qui permet au fonctionnaire qui a établi un passeport de confisquer le passeport d’une personne qui a fait l’objet d’une plainte pénale, ou de le lui retirer. Cependant, à la suite des ordonnances prises par le Tribunal intermédiaire, plusieurs des syndicalistes ont été autorisés à se rendre à l’étranger. M. Sadien a pu se rendre en Afrique du Sud à deux reprises et aller une fois à Singapour entre décembre 2007 et février 2008. M. T. Benydin s’est rendu en Afrique du Sud, en France et au Royaume-Uni entre décembre 2007 et janvier 2008. Enfin, M. Beegun s’est également rendu aux Emirats arabes unis en décembre 2007.
  13. 1007. Le gouvernement déclare que le but de la notification exigée par l’article 3(1) de la PGA est de permettre au commissaire de police de prendre les mesures qui s’imposent pour empêcher des troubles à l’ordre public, des dommages à la propriété et des désordres sur la voie publique en entourant de conditions la tenue d’un rassemblement. Toutefois, la police ne refuse pas de manière arbitraire la permission de tenir des réunions publiques. La Cour suprême a déclaré dans son jugement sur l’affaire Bizlall v. commissaire de police (dont une copie est jointe à la communication du gouvernement) que, lorsque le commissaire reçoit une notification concernant la tenue d’un rassemblement, il doit toujours partir de l’hypothèse que le rassemblement peut avoir lieu avant d’imposer des conditions, ce qu’il fait invariablement. La règle générale est d’autoriser la tenue d’un rassemblement. Ce n’est que si le fait d’imposer des conditions ne suffit pas à empêcher des troubles à l’ordre public, des dommages à la propriété ou des désordres sur la voie publique que le commissaire de police peut, et uniquement dans la mesure du raisonnable, interdire un rassemblement.
  14. 1008. Le gouvernement indique que, sur les 261 demandes de rassemblement public qui ont été présentées en 2007, sept seulement n’ont pas été approuvées. Dans six de ces cas, la demande ne remplissait pas les conditions requises, aucune notification écrite n’ayant été faite, comme le prévoit l’article 3 de la PGA; dans le septième cas, le propriétaire des locaux proposés avait protesté en raison d’un risque d’incendie. Aucun des cas ne concernait l’activité syndicale. Enfin, le gouvernement déclare que sa législation et sa pratique sont conformes aux principes du droit de grève, tels qu’ils sont énoncés aux paragraphes 141 et 143 à 146 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition (2006).
  15. 1009. Dans sa communication du 11 août 2008, le gouvernement déclare que les affaires concernant les cinq dirigeants syndicalistes en instance devant le Tribunal intermédiaire ont été classées par le procureur le 2 juin 2008 pour des raisons humanitaires. De plus, le Tribunal intermédiaire a également estimé que l’ordre qui avait été donné d’interdire le départ n’avait plus lieu d’être.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1010. Le comité note que ce cas concerne des allégations selon lesquelles des mesures législatives et répressives, y compris le recours à des poursuites judiciaires, ont été prises dans l’intention d’empêcher des syndicalistes d’exercer leur droit de participer à des grèves et des manifestations. En ce qui concerne la législation, le comité note que les articles 2 et 3 de la PGA subordonnent la tenue d’un rassemblement public (défini comme toute réunion ou manifestation publique regroupant 12 personnes ou plus) à la présentation d’une notification écrite au commissaire de police au moins sept jours avant la date prévue pour le rassemblement en question. L’article 4 de la PGA permet au commissaire de police d’imposer des conditions pour la tenue d’un rassemblement public, ou de l’interdire, afin d’empêcher des troubles à l’ordre public, des dommages à la propriété ou des désordres sur la voie publique, tandis que l’article 5 permet à des fonctionnaires de police de disperser un rassemblement pour des motifs raisonnables lorsqu’ils pensent que ce rassemblement peut porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public.
  2. 1011. En ce qui concerne le droit de rassemblement, le comité rappelle d’emblée que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Ce faisant, le comité rappelle également que l’autorisation administrative de tenir des réunions et manifestations publiques n’est pas en soi une exigence abusive du point de vue des principes de la liberté syndicale. Le maintien de l’ordre public n’est pas incompatible avec le droit de manifestation dès lors que les autorités qui l’exercent peuvent s’entendre avec les organisateurs de la manifestation sur les lieux de celle-ci et les conditions dans lesquelles elle est appelée à se dérouler. En outre, les organisations syndicales doivent respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous et se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les autorités en vue d’éviter des désordres sur la voie publique. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 133, 141 et 144.] Au vu des principes susmentionnés, et compte tenu de l’indication donnée par le gouvernement selon laquelle, sur les 261 demandes qui ont été présentées en vertu de la PGA, sept seulement n’ont pas été approuvées, aucune ne concernant les activités syndicales, le comité estime que la notification écrite exigée et le pouvoir qu’ont les autorités de limiter les rassemblements publics en vertu des articles 3 à 6 de la PGA ne sont pas contraires aux principes de la liberté syndicale.
  3. 1012. Le comité note que l’article 7 de la PGA interdit tout rassemblement public prévu dans un jardin public dans le voisinage d’une autorité locale sans l’autorisation écrite du maire ou du président, et que l’article 8 interdit tout rassemblement public à Port Louis les jours de session du parlement (celui-ci siège à Port Louis, capitale du pays), sauf autorisation écrite donnée par le commissaire de police. Le comité ajoute que l’article 18 prévoit une sanction de 2 000 roupies au maximum et une peine d’emprisonnement maximale de deux ans en cas de violation de la PGA. En ce qui concerne les restrictions apportées au lieu et à la date d’un rassemblement public, le comité rappelle que, bien que les grèves de nature purement politique n’entrent pas dans le champ d’application des principes de la liberté syndicale, les syndicats devraient avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement. En ce qui concerne la peine d’emprisonnement prévue à l’article 18 de la PGA, le comité rappelle que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d’infraction à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d’activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commis, mais les autorités devraient exclure le recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 529 et 668.] Le comité estime que l’autorisation écrite requise aux articles 7 et 8 de la PGA peut, étant donné la nature des rassemblements qu’ils visent – rassemblements dans des jardins publics proches des autorités locales et rassemblements publics dans la capitale les jours de session du parlement, respectivement –, porter atteinte au droit des syndicats de participer à des grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement, comme prévu dans le principe susmentionné. Le comité estime également que la peine d’emprisonnement ne devrait être appliquée que lorsqu’une manifestation ou un rassemblement cesse d’être pacifique. Il demande par conséquent au gouvernement de revoir la loi sur les rassemblements publics, en consultant pleinement les partenaires sociaux concernés, en vue d’amender les articles 7, 8 et 18 de manière à s’assurer qu’aucune restriction apportée aux manifestations publiques n’a pour effet d’empêcher dans la pratique l’exercice légitime de l’action de protestation en rapport avec la politique sociale et économique du gouvernement. A cet effet, le comité rappelle que les organisations syndicales doivent respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous et se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les autorités en vue d’éviter des désordres sur la voie publique. De plus, il ne faut pas que l’autorisation de tenir des réunions et des manifestations publiques, ce qui concerne un droit syndical important, soit arbitrairement refusée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 142 et 144.]
  4. 1013. En ce qui concerne les poursuites judiciaires engagées contre les syndicalistes en vertu de la PGA, le comité note que le secrétaire général de la NTUC, Toolsyraj Benydin, et le président du MTUC, Radhakrishna Sadien, ont participé à une manifestation contre la fermeture du PMW, le 19 juin 2006. Ils ont été tous deux convoqués devant le Tribunal intermédiaire le 19 novembre 2007, et inculpés pour participation à la manifestation susmentionnée, en violation des articles 3, 5 et 8 de la PGA. Ils ont été reconnus coupables pour ces chefs d’inculpation le 11 avril 2008, et condamnés à une amende de 1 000 roupies, plus 500 roupies de frais judiciaires; ils ont depuis fait appel de cette décision. Une ordonnance d’interdiction a également été prise. Cette ordonnance stipule que ces deux personnes ne seraient pas autorisées à quitter Maurice sans une autorisation préalable de la Cour suprême, la demande d’autorisation devant être présentée trois mois à l’avance. Le comité note également que ce n’est qu’après avoir versé une caution de 25 000 roupies que MM. Benydin et Sadien ont été autorisés à se rendre au Ghana pour participer au Congrès d’unification de l’AFRO et de la DOAWTU fin novembre 2007, et qu’ils ont dû également remettre leurs passeports à la police après leur retour à Maurice le 1er décembre 2007. Le comité ajoute que M. Benydin et M. Sadien ainsi que trois autres syndicalistes – Deepak Benydin, Reaz Chuttoo et Faizal Aly Beegun – ont été convoqués devant le Tribunal intermédiaire le 18 décembre 2007, et inculpés pour violation des articles 3, 5 et 8 de la PGA pour avoir participé le 7 juin 2006 à une manifestation contre la clôture de la DWC, et qu’ils se sont vu confisquer leurs passeports. Les organisations plaignantes indiquent à cet égard que les participants à la manifestation n’avaient été informés à aucun moment que cette manifestation était considérée comme illégale ou qu’elle pourrait entraîner des poursuites judiciaires, et ce malgré les nombreuses réunions tenues avec le gouvernement au moment de la manifestation.
  5. 1014. Notant que les actions intentées contre les personnes ci-dessus ont commencé en novembre et décembre 2007, soit près d’un an et demi après leur participation aux manifestations, le comité estime que l’information fournie par les plaignants amène à se demander si la manifestation avait vraiment un impact sur l’ordre public à ce moment-là, ou si les actions intentées n’avaient pas plutôt pour but de réprimer le mouvement syndical dans le pays, comme l’allèguent les plaignants. Tout en prenant note avec intérêt du fait que l’affaire concernant les cinq syndicalistes a été classée depuis, et que le Tribunal intermédiaire a estimé que l’interdiction de voyager n’avait plus lieu d’être, le comité fait remarquer que l’action intentée contre Toolsyraj Benydin et Radhakrishna Sadien, secrétaire général de la NTUC et président du MTUC, respectivement, est encore au stade du recours. Au vu des questions soulevées ci-dessus quant au délai excessif écoulé entre la date des manifestations et le moment où les ordres ont été donnés, ainsi que le caractère purement administratif des chefs d’inculpation retenus contre eux, le comité prie le gouvernement de faciliter une résolution rapide du cas en suspens qui est au stade de l’appel et, étant donné que cette affaire contre les cinq syndicalistes a été classée, de demander aux autorités compétentes s’il n’est pas possible d’examiner cette question favorablement. Le classement des affaires ci-dessus permettra d’avoir un climat de relations professionnelles plus sain et constructif dans le pays.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1015. Au vu de ses conclusions précédentes, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant que l’article 7 de la loi sur les rassemblements publics (PGA) interdit tout rassemblement public organisé dans un jardin public dans le voisinage d’une autorité locale sans l’autorisation écrite du maire ou du président, que l’article 8 interdit tout rassemblement public à Port Louis organisé les jours de session du parlement sans l’autorisation écrite du commissaire de police, et que l’article 18 prévoit une amende pouvant atteindre 2 000 roupies et une peine d’emprisonnement maximale de deux ans pour violation de la PGA, le comité demande au gouvernement de revoir la loi sur les rassemblements publics, en consultant pleinement les partenaires sociaux concernés, en vue d’amender les articles 7, 8 et 18 de façon à s’assurer qu’aucune restriction apportée aux manifestations publiques n’a pour effet d’empêcher dans la pratique l’exercice légitime des actions de protestation qui sont en rapport avec la politique économique et sociale du gouvernement.
    • b) Le comité prie le gouvernement de faciliter l’examen rapide de l’affaire concernant Toolsyraj Benydin et Radhakrishna Sadien en suspens au stade de l’appel et, étant donné que cette dernière affaire contre Benydin, Sadien et trois autres syndicalistes a été classée, de demander aux autorités compétentes s’il n’est pas possible d’examiner cette résolution favorablement. Le comité est certain que le classement de ces affaires permettra d’avoir un climat de relations professionnelles plus sain et constructif dans le pays.
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