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Rapport intérimaire - Rapport No. 147, 1975

Cas no 679 (Espagne) - Date de la plainte: 14-SEPT.-71 - Clos

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  1. 225. Le comité a déjà examiné ce cas à ses 64e et 67e sessions (mai 1973 et mai 1974) et a chaque fois soumis au conseil d'administration un rapport intérimaire. Ceux-ci figurent aux paragraphes 97 à 101, 106 à 110, 121 b) de son 137e rapport et aux paragraphes 76 à 87 de son 144e rapports.
  2. 226. L'Espagne n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 227. Il convient de rappeler que la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) alléguait dans sa communication initiale que le travailleur Pedro Patiño avait été tué par la garde civile alors qu'il distribuait des tracts revendiquant des améliorations de salaires et la reconnaissance de la liberté syndicale aux autres ouvriers du bâtiment qui se trouvaient en grève. La CMT avait déposé une plainte sur le même sujet, ajoutant que de nombreux travailleurs avaient été incarcérés pour fait de grève. De son côté, la FSM alléguait que Pedro Patiño avait été abattu dans le dos au moment où il distribuait des tracts, qu'un autre ouvrier avait été blessé à la jambe et que plusieurs dirigeants des commissions ouvrières avaient été arrêtés.
  2. 228. La CISL signalait encore que des poursuites avaient été engagées contre 14 travailleurs accusés du délit de sédition en vertu des articles 218 et suivants du Code pénal. Un document annexé à cette communication indiquait que, le 13 septembre 1971, alors que Pedro Patiño et trois autres travailleurs parlaient avec des ouvriers du bâtiment, une voiture de police était arrivée sur les lieux, provoquant la fuite des travailleurs qui ne tinrent pas compte de l'ordre donné par les autorités de rester sur place. La police avait alors ouvert le feu sur les travailleurs, tuant Pedro Patiño. Les trois autres avaient été arrêtés, l'un d'eux étant blessé. Un autre document relatait les faits en des termes similaires et ajoutait que la veuve de la victime, après avoir reconnu le cadavre qui se trouvait à l'hôpital, tira le drap qui le recouvrait, "découvrant complètement le corps du cadavre: c'est ainsi qu'elle et le médecin qui l'accompagnait purent constater que tout le devant du corps ne portait ni trace de sang ai signe de blessure, mais qu'en revanche le sang avait coulé du dos, tachant le drap de dessous". Le rapport ajoutait que, à la question qui lui était posée, le capitaine, médecin de garde, répondit : "oui, le coup de feu l'a atteint dans le dos." Ce rapport mentionnait encore que, le lendemain, une plainte fut déposée auprès du juge d'instruction no 13 au nom de l'épouse de la victime et de ses enfants. La plainte demandait qu'une enquête soit engagée sur les circonstances de la mort et que les responsabilités soient déterminées et l'auteur identifié. Le rapport signalait en outre que la famille n'avait pas été autorisée à exercer son droit de désigner des médecins pour participer à l'autopsie.
  3. 229. Le gouvernement déclarait que les autorités espagnoles avaient été les premières à déplorer le fait qui avait provoqué la mort de Pedro Patiño. La juridiction compétente avait immédiatement ouvert une enquête pour établir les causes de l'incident et les éventuelles responsabilités. Le gouvernement concluait en disant que cette procédure s'était terminée par un non-lieu, aucun motif de culpabilité n'ayant pu être retenu.
  4. 230. Lors de l'examen du cas à sa session de mai 1973, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des précisions sur les résultats de l'enquête effectuée, le texte de la décision de non-lieu rendue au sujet de Pedro Patiño avec ses motifs, ainsi que de l'informer des détentions effectuées, de l'action intentée contre les détenus et de ses résultats, fournissant à cet effet le texte du jugement rendu avec ses considérants.
  5. 231. Dans une communication ultérieure, le gouvernement déclarait que, sur les quatorze personnes concernées, onze se trouvaient en liberté et trois avaient été condamnées par le tribunal compétent à deux ans de prison et à une amende de 10.000 pesetas pour délit de propagande illégale. Le gouvernement ajoutait que les trois accusés avaient introduit un recours en cassation devant le Tribunal suprême et que les requérants se trouvaient en liberté provisoire, l'affaire continuant à être sub judice jusqu'à la sentence définitive.
  6. 232. A sa 67e session, le comité a pris note de ces renseignements mais a constaté que le gouvernement ne répondait pas à la demande d'informations relative à l'enquête sur les circonstances de la mort de Pedro Patiño. Le Conseil d'administration, suivant la recommandation du comité, a dès lors prié à nouveau le gouvernement de fournir les informations sollicitées au sujet de la mort de M. Pedro Patiño, ainsi que de lui communiquer le texte du jugement rendu à propos des trois personnes condamnées pour propagande illégale et de l'arrêt du Tribunal suprême lorsqu'il serait rendu dans cette affaire.
  7. 233. Dans une lettre du 10 octobre 1974, le gouvernement déclare que l'enquête entreprise par les autorités compétentes a établi les faits suivants: une patrouille motorisée de la garde civile exerçant sa mission de surveillance dans la zone urbaine comprise entre Villaverde et Getafe constata que divers individus distribuaient de la propagande subversive. Lorsque les gardes civils essayèrent de les arrêter, ceux-ci s'enfuirent, à l'exception de Pedro Patiño qui se jeta sur un des gardes, lui saisissant l'arme qu'il portait réglementairement. Au cours de la lutte qui suivit, un coup de feu partit, une balle atteignit Patiño et provoqua sa mort.
  8. 234. Le rapport d'autopsie dressé selon toutes les exigences de la loi, poursuit le gouvernement, établit que le projectile a pénétré dans la région deltoïde gauche, faisant un tatouage, et est sorti à la hauteur de la région acromio-claviculaire droite. Il ressort bien clairement, ajoute le gouvernement, de la position de la blessure ainsi décrite, que celle-ci s'est produite sans aucun doute pendant la lutte qui opposa face à face et de près le garde civil et la victime; on ne pourrait expliquer autrement le point de pénétration, la trajectoire et le point de sortie de la balle. Ces faits, conclut le gouvernement, confirmés par le rapport du médecin légiste sont ceux qui ont conduit à la décision de non-lieu.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 235. Au sujet des conditions de la mort de M. Pedro Patiño, le comité observe que, selon les plaignants, la victime distribuait à d'autres travailleurs en grève des tracts revendiquant des améliorations de salaires et la reconnaissance de la liberté syndicale et qu'elle fut tuée de dos par un garde civil. Il observe aussi que, toujours d'après les plaignants, le fait que M. Patiño a été tué de dos a été constaté par l'épouse de celui-ci et son médecin et confirmé par le capitaine, médecin de garde. En outre, une plainte aurait été déposée au nom de l'épouse et des enfants, mais la famille n'aurait pas été autorisée à exercer son droit de désigner des médecins pour participer à l'autopsie.
  2. 236. Le comité remarque également que, selon le gouvernement, le rapport d'autopsie confirme que la victime a été tuée de face, alors qu'elle luttait avec un des gardes qui voulaient l'arrêter, après s'être jetée sur lui. Le gouvernement soutient que M. Patiño distribuait, avec d'autres, de la propagande subversive.
  3. 237. Le comité se trouve donc en présence de deux versions contradictoires des événements qui ont entraîné la mort de M. Patiño, et les éléments de preuve dont il dispose ne sont pas suffisants pour lui permettre d'arriver à des conclusions précises sur cet aspect du cas.
  4. 238. Au sujet, d'autre part, des trois personnes condamnées pour propagande illégale, il avait été demandé au gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires. Le comité observe que ces informations ne lui sont pas encore parvenues.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 239. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des conditions de la mort de M. Pedro Patiño, de noter que le comité se trouve en présence de deux versions contradictoires des événements et que les éléments de preuve dont il dispose ne sont pas suffisants pour lui permettre d'arriver à des conclusions précises sur cet aspect du cas;
    • b) au sujet des trois personnes condamnées pour propagande illégale, de prier à nouveau le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte du jugement prononcé avec ses attendus, ainsi que de l'arrêt du Tribunal suprême lorsqu'il sera rendu dans cette affaire;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations sollicitées.
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