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- 85. Le 16 juin 1958, la Fédération syndicale mondiale a adressé une communication au Directeur général du B.I.T contenant des allégations selon lesquelles il serait porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux en Equateur.
- 86. Par une lettre en date du 1er juillet 1958, le Directeur général a informé l'organisation plaignante de son droit de présenter, dans le délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Le plaignant n'a pas fait usage de ce droit.
- 87. La plainte a été transmise au gouvernement le 1er juillet 1958. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 25 septembre 1958.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 88. Dans une plainte soumise le 16 juin 1958, la Fédération syndicale mondiale allègue que les syndicats d'employés de divers départements du Conseil municipal de Guayaquil auraient présenté une série de revendications auxquelles le Conseil municipal aurait refusé de donner suite, ce qui aurait entraîné une grève, déclenchée au milieu de janvier 1958. A la suite du conflit, le 19 mars 1958, le sous-directeur au Travail de Guayaquil aurait rendu une sentence reconnaissant le bien-fondé de la plupart des revendications des travailleurs. Toutefois, l'organisation plaignante soutient que la sentence contenait une grave atteinte au droit de grève en ce qu'elle déclarait que « les travailleurs en litige ne peuvent user du droit de grève, en raison du principe constitutionnel établi dans le deuxième paragraphe du point i) de l'article 185 de la Constitution politique». Sur la base de cette clause, le droit de grève pourrait être refusé à tous les travailleurs des services publics du pays. Selon les plaignants, le droit de grève est garanti par l'article 185 de la Constitution, qui prévoit « que le droit de grève des travailleurs des services publics fera l'objet d'une réglementation spéciale». Cette réglementation spéciale n'ayant pas encore été édictée, le droit de grève n'est donc soumis à aucune limitation.
- 89. Dans leur communication, les plaignants allèguent également que le maire de Guayaquil aurait déclaré à la presse, le 27 mars 1958, qu'il ne tiendrait pas compte des parties de la sentence du sous-directeur au Travail qui étaient favorables aux travailleurs et que le Conseil municipal aurait décidé de congédier les 2.000 employés ayant pris part au mouvement. Dans ces conditions, les employés municipaux se seraient vus contraints de reprendre la grève.
- 90. En conclusion, les plaignants disent estimer que les principes défendus par l'O.I.T en matière de liberté syndicale ont été violés, notamment en ce qui concerne le droit de grève, qui ne saurait être limité par des licenciements abusifs. De même, le fait d'interdire la grève aux employés municipaux, alors qu'il n'existe à cet égard aucune réglementation, constitue - de l'avis des plaignants - une atteinte aux droits syndicaux.
- 91. Le gouvernement a présenté ses observations sur la plainte dans une lettre en date du 25 septembre 1958, à laquelle était jointe une volumineuse annexe consistant en une coupure de presse qui reproduit les déclarations faites par le ministre des Affaires sociales et du Travail au sujet des événements dont il est question. Il ressort de la documentation fournie par le gouvernement qu'à la suite d'une série de revendications présentées par les employés de la municipalité de Guayaquil, des accords de compromis ont été signés en février 1957. Ces accords n'ont toutefois jamais été appliqués; après plusieurs changements intervenus au sein de la mairie, celle-ci renvoya finalement cinquante-neuf employés. Ces circonstances ont amené la présentation d'une nouvelle série de revendications; à cette occasion, le ministère du Travail a multiplié les tentatives de conciliation, lesquelles restèrent sans effet. Dans ces conditions, les travailleurs résolurent de recourir à la grève et en avertirent le Tribunal de conciliation et d'arbitrage qui s'était occupé de l'affaire. Après plusieurs incidents de procédure, le dossier a été remis au sous-directeur au Travail du Littoral, qui a rendu un jugement en deuxième instance. Ce jugement n'a pas été respecté par la municipalité, qui a refusé de réintégrer les travailleurs ayant pris part à la grève, «ce renvoi étant clairement contraire aux dispositions du jugement». Les parties portèrent l'affaire devant le tribunal, qui ordonna l'exécution du jugement. La Confédération des travailleurs de l'Equateur a demandé l'intervention du Conseil d'Etat, afin d'obliger la municipalité à exécuter le jugement. Le gouvernement soutient que le conflit a été réglé sur le plan juridique par la sentence rendue en appel par le sous-directeur au Travail du Littoral, qui ordonne la reprise du travail par les grévistes et le paiement, par la municipalité, des salaires dus pour la période de grève.
- 92. De l'analyse ci-dessus, ressortent les faits essentiels suivants: inobservation par la municipalité d'un accord passé avec les travailleurs des services publics, licenciement de certains de ces travailleurs, début d'un mouvement de grève, tentative de conciliation du ministère du Travail, intervention dans le même sens du Tribunal de conciliation et d'arbitrage et du sous-directeur au Travail du Littoral, qui a rendu un jugement en deuxième instance, inobservation de ce jugement par la municipalité, nouveaux congédiements massifs, reprise de la grève, intervention du Tribunal et du Conseil d'Etat pour obtenir l'exécution du jugement.
- Allégations relatives à l'interdiction de la grève dans les services publics
- 93. Le Comité a noté que la plainte de l'organisation plaignante est dirigée tout d'abord contre la clause de la sentence qui établit que les travailleurs parties au conflit, puisque appartenant aux services publics, n'ont pas le droit de recourir à la grève, en application du principe contenu au deuxième paragraphe, alinéa i), de l'article 185 de la Constitution politique.
- 94. Ainsi que le Comité l'a rappelé à maintes reprises, le droit de grève est normalement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Ce principe général, comme l'a observé le Comité dans plusieurs cas antérieurs, subit des restrictions dans les services considérés comme essentiels et dans la fonction publique. Dans ces cas, le Comité a souligné l'importance qu'il y a à ce qu'il existe des procédures garantissant une solution pacifique des conflits, afin que les travailleurs qui se voient privés du droit essentiel de défense de leurs intérêts professionnels que constitue la grève puissent bénéficier de garanties appropriées d'un autre ordre. Le Comité a estimé également que « si la loi peut restreindre provisoirement les grèves... jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés, une telle attitude du gouvernement devrait s'accompagner des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer », et que, «lorsque la loi impose certaines restrictions à l'exercice du droit de grève, des garanties suffisantes devraient être accordées aux travailleurs intéressés sous la forme de procédures satisfaisantes pour le règlement pacifique des différends».
- 95. Le Comité, tout en considérant qu'il n'est pas compétent pour interpréter une disposition constitutionnelle, a observé que, dans le cas présent, le problème tourne autour de la portée de l'article 185 i) de la Constitution politique de l'Equateur. En effet, ledit article stipule dans sa partie finale: « ... les travailleurs des entreprises et institutions des services publics ne pourront déclencher la grève que conformément à une réglementation spéciale ». Cette réglementation n'a pas encore été édictée. C'est sur cette base que le sous-directeur au Travail a décidé que les travailleurs des services publics ne pouvaient pas recourir à la grève.
- 96. Les plaignants, de leur côté, affirment que, selon la Constitution, « le droit de grève des travailleurs des services publics fera l'objet d'une réglementation spéciale ». Puisque cette réglementation n'a pas été édictée, ils estiment que le droit de grève ne connaît aucune limitation.
- 97. Il existe donc une divergence d'opinions sur la conséquence juridique du fait que la réglementation prévue par la Constitution n'a pas été édictée, mais que les travailleurs impliqués dans le conflit et auxquels le droit de grève a été refusé par les autorités ont joui en fait de garanties appropriées en ce sens qu'il leur a été loisible de recourir à un système de conciliation et d'arbitrage qui a reconnu la validité de la majeure partie des revendications ouvrières.
- 98. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux congédiements visant à restreindre le droit de grève
- 99. La plainte est dirigée également contre la décision de la municipalité de licencier les 2.000 employés impliqués dans la grève. Le plaignant estime qu'il s'agit ici de congédiements abusifs destinés à restreindre l'exercice du droit de grève. Le gouvernement indique qu'en refusant de réintégrer les travailleurs ayant pris part au mouvement, la municipalité a agi de façon «clairement contraire aux dispositions du jugement» du sous-directeur au Travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 100. Le Comité a noté que des démarches ont été entreprises auprès du Tribunal de conciliation et d'arbitrage ainsi qu'auprès du Conseil d'Etat afin d'obtenir l'application du jugement du sous-directeur au Travail. Dans ces conditions, le Comité a considéré qu'il s'agit ici d'une question interne d'application d'un jugement et, par conséquent, il recommande au Conseil d'administration de décider qu'aucune action de sa part ne serait opportune.