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Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1964)

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Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations conjointes de la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), la Fédération des associations de professeurs d’université du Venezuela (FAPUV), la Centrale des travailleurs Alliance syndicale indépendante (CTASI), l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), et la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (CUTV) reçues le 30 août 2023. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à cet égard.
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison impliquant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission rappelle que plusieurs dispositions de la législation nationale peuvent donner lieu à l’application de peines privatives de liberté (presidio ou prisión) – qui comportent l’obligation de travailler en vertu des articles 12 et 15 du Code pénal et de l’article 64 du Code organique pénitentiaire – pour des infractions qui pourraient être liées à des activités à travers lesquelles les personnes expriment des opinons politiques ou manifestent une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, à savoir plus particulièrement:
  • Code pénal: articles 147 et 148 (offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques); article 149 (dénigrement public de l’Assemblée nationale, du Tribunal suprême de justice, etc.); articles 222 et 225 (offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique); article 226 (preuve de la véracité des faits n’étant pas admise); et articles 442 et 444 (diffamation); et
  • Loi constitutionnelle contre la haine et pour la coexistence pacifique et la tolérance (loi no 41.274 du 8 novembre 2017): articles 20 et 21 (incitation à la haine, l’appartenance réelle ou supposée à un groupe politique déterminé constituant une circonstance aggravante de l’infraction).
La commission note que le gouvernement déclare, dans son rapport, rejeter catégoriquement toute allégation concernant une quelconque atteinte au droit à la liberté d’expression au sein de son territoire et précise qu’il n’existe aucune criminalisation des mouvements sociaux visant à exprimer des opinions politiques opposées à l’ordre politique, social ou économique établi. Il affirme que les vénézuéliens sont pleinement libres d’exercer leur droit à la liberté de pensée, au libre développement de leur personnalité et leur droit de manifester tel que cela est garanti par la Constitution. Il souligne que l’État est toutefois également tenu de veiller au respect des droits d’autrui et que certaines limitations aux droits susvisés sont prévues par la législation à cette fin. Il revient au juge de sanctionner les comportements interdits par la législation et d’imposer une peine proportionnelle au délit constaté et au dommage causé, dans le cadre d’un procès juste équitable. S’agissant du travail obligatoire pour les personnes condamnées à des peines privatives de liberté, la commission note que le gouvernement fournit des informations détaillées sur la possibilité de bénéficier de peines alternatives à l’emprisonnement. Le gouvernement ajoute par ailleurs que, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution en 1999, aucune peine de presidio n’a été prononcée. La commission prend note de cette information, et observe qu’aucune référence n’est faite par le gouvernement à la peine de prisión, qui comme la peine de «presidio» est une peine privative de liberté impliquant l’obligation de travailler. Elle note, par ailleurs, une nouvelle fois avec regret l’absence d’informations du gouvernement sur l’utilisation dans la pratique des dispositions de la législation nationale mentionnées ci-dessus et des sanctions imposées dans ce contexte.
À cet égard, la commission note que, dans leurs observations conjointes, la CODESA, la CTV, la FAPUV, la CTASI, l’UNETE et la CUTV soulignent le caractère purement normatif des informations fournies par le gouvernement qui se contente de faire référence à la procédure pénale existante sans évoquer une quelconque mesure prise pour mettre fin à la violation des dispositions de la convention. Les organisations syndicales indiquent que la criminalisation des protestations sociales pacifiques et de l’expression d’opinions politiques autres que celles du parti gouvernemental s’est poursuivie, le Centre pour la justice et la paix (CEPAZ) ayant documenté 523 cas de persécution et de criminalisation pour la seule année 2022. Les organisations syndicales ajoutent que de nombreux syndicalistes et dirigeants syndicaux, ainsi que des travailleurs, notamment dans le secteur public, ont été arrêtés, poursuivis et condamnés pour avoir organisé ou participé pacifiquement à des manifestations visant à la défense de leurs droits au travail, notamment pour «trahison», «terrorisme» et «incitation à la haine». De l’avis des organisations syndicales, les lois susvisées sont utilisées de manière arbitraire pour criminaliser les actions syndicales légitimes et l’exercice du droit à la liberté d’expression et de protestation pacifique.
La commission observe également que, depuis son dernier examen réalisé fin 2020, de nombreuses instances des Nations Unies ont exprimé leurs préoccupations croissantes quant aux allégations d’intimidation, de représailles et de criminalisation de personnes ayant des voix considérées comme dissidentes par rapport au gouvernement et à son programme (Rapports annuels du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCNUDH) sur la situation en République bolivarienne du Venezuela – A/HRC/53/54, 4 juillet 2023; A/HRC/50/59, 12 août 2022; et A/HRC/47/55, 16 juin 2021; Rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association et la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste – communications VEN 4/2022, VEN 9/2021, VEN 7/2021, VEN 5/2020; organes conventionnels du HCNUDH et examen périodique universel). La commission note plus particulièrement que, dans son rapport sur le terrorisme et les droits humains, le Secrétaire général des Nations Unies a souligné qu’au Venezuela, le flou des définitions de certaines infractions pénales relevant de la criminalité organisée et du terrorisme a permis de stigmatiser et de criminaliser des représentants de la société civile et des médias (A/76/273, 6 août 2021). Elle note également que, dans ses observations finales de novembre 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’est dit préoccupé par les multiples informations faisant état de graves restrictions à la liberté d’opinion et d’expression au sein de la République bolivarienne du Venezuela, en particulier de l’opposition politique au gouvernement, telles que, notamment le harcèlement, l’intimidation, la surveillance, la persécution, le recours excessif à des procédures de diffamation, les arrestations arbitraires et l’emprisonnement de journalistes, défenseurs des droits de l’homme et militants politiques considérés comme critiques à l’égard du gouvernement et de son programme et du recours à la loi no 41.274 susvisée pour restreindre la liberté d’expression (CCPR/C/VEN/CO/5, 3 novembre 2023).
La commission note également que, dans son rapport publié en septembre 2023, la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur la République bolivarienne du Venezuela a indiqué que: 1) dans au moins 58 cas depuis 2020, des personnes ont été arbitrairement détenues dans le contexte d’une répression sélective d’opposants réels ou présumés au gouvernement; 2) les dirigeants syndicaux ont continué d’être persécutés, six dirigeants syndicaux ayant notamment été condamnés le 1er août 2023 à 16 ans d’emprisonnement pour terrorisme; 3) des proches des principaux suspects dans ces affaires, notamment des femmes, ont été soumis à des détentions arbitraires, sur la base d’accusations graves comme la trahison et le terrorisme; et 4) dans plusieurs cas, les personnes condamnées à des peines privatives de liberté sont restées en prison même après qu’un juge ait ordonné leur libération immédiate, cette tendance affectant de manière disproportionnée les personnes condamnées pour s’être opposées au gouvernement. La Mission internationale indépendante a également indiqué avoir des motifs raisonnables de croire que, dans le cadre de la crise économique et humanitaire persistante, le système de justice pénal vénézuélien a été utilisé pour criminaliser, faire taire et punir les critiques ou les opposants réels ou présumés du gouvernement, en particulier les journalistes, les syndicalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les militants politiques, en poursuivant ces individus sur la base d’accusations criminelles arbitraires et souvent graves, notamment sur la base de dispositions du Code pénal, de loi organique contre le crime organisé et le financement du terrorisme de 2012, et de la loi no 41.274 (A/HRC/54/57, 22 septembre 2023).
Enfin, la commission prend note des décisions et discussions tenues aux 344e, 345e, 346e et 347e sessions du Conseil d’administration (mars, juin et octobre-novembre 2022 et mars 2023) sur les développements concernant le Forum de dialogue social visant à donner effet aux recommandations adressées au gouvernement par la commission d’enquête concernant l’application de de la convention (n° 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, de la convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 et de la convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Elle espère que ces développements permettront également d’assurer des progrès dans l’application de la convention n° 105.
Tout en saluant les dialogues en cours, notamment dans le cadre du Forum de dialogue social, la commission déplore la poursuite de la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions opposées à l’ordre politique, social ou économique établi, ainsi que l’absence répétée d’informations du gouvernement à cet égard qui nie l’existence de tels faits. Compte tenu de ce qui précède, la commission exhorte à nouveau le gouvernement à prendre sans délai des mesures efficaces, tant en droit que dans la pratique, pour mettre immédiatement fin à toute violation des dispositions de la convention, en s’assurant que toute personne qui exprime des opinions politiques ou manifeste pacifiquement son opposition à l’ordre politique, social ou économique établi ne puisse pas être condamnée à des sanctions impliquant un travail obligatoire. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’application dans la pratique des dispositions du Code pénal, de la loi organique contre le crime organisé et le financement du terrorisme et de la loi no 41.274 susmentionnées, et de préciser le nombre de poursuites initiées sur la base de ces dispositions, la nature des sanctions imposées, et les faits ayant donné lieu aux poursuites judiciaires ou aux condamnations. Enfin, la commission prie instamment le gouvernement d’assurer la libération immédiate de toute personne condamnée à une peine de prison impliquant l’obligation de travailler pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou s’être opposée à l’ordre politique, social ou économique établi et de fournir des informations sur tout progrès réalisé en la matière.
Enfin, se référant également à sa précédente observation, la commission prend dument note de l’adoption de la loi portant réforme partielle du Code organique de justice militaire, du 17 septembre 2021, qui prévoit qu’aucun civil ne peut être jugé devant les tribunaux pénaux ordinaires et que toute affaire les concernant doit être renvoyée devant les juridictions pénales ordinaires (art. 6 de la loi).

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations reçues de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS) le 31 août 2017. La commission note également les observations de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), reçues le 5 novembre 2019, et prie le gouvernement de communiquer sa réponse à ces observations.
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que les personnes condamnées à une peine de privation de liberté – presidio ou prisión – sont soumises à l’obligation de travailler (art. 12 et 15 du Code pénal). La commission a observé que les dispositions suivantes du Code pénal prévoient des peines de prisión, assorties d’un travail obligatoire en prison, pour certains comportements, à savoir:
  • – offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques (art. 147 et 148);
  • – dénigrement public de l’Assemblée nationale, du Tribunal suprême de justice, etc. (art. 149);
  • – offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique (art. 222 et 225), la preuve de la véracité des faits n’étant pas admise (art. 226); et
  • – diffamation (art. 442 et 444).
Rappelant que la convention interdit d’imposer un travail, y compris un travail pénitentiaire, en tant que sanction aux personnes qui expriment des opinions politiques, la commission a exprimé sa profonde préoccupation face à la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions politiques. Elle a prié le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions précitées, et de s’assurer qu’aucune personne qui, de manière pacifique, exprime des opinions politiques ou s’oppose à l’ordre politique, social ou économique établi, ne soit condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle elle devrait réaliser un travail obligatoire.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que personne, et plus particulièrement aucun dirigeant d’entreprise ou de syndicat, n’a été condamné pour avoir protesté ou exprimé pacifiquement des opinions politiques. Le gouvernement ajoute qu’aucune disposition législative n’impose l’obligation de travailler aux personnes condamnées et qu’aucune plainte n’a été enregistrée à cet égard. Les personnes condamnées peuvent participer volontairement à des activités culturelles, sportives ou socio-productives afin de faciliter leur réinsertion sociale une fois libérées. La commission note que le gouvernement mentionne plusieurs dispositions du Code organique pénitentiaire (Journal officiel no 6.207 du 28 décembre 2015), et souligne que les personnes condamnées peuvent travailler dans des domaines correspondant à leurs compétences et recevoir une allocation financière en contrepartie de leur travail. Le gouvernement ajoute que le travail pénitentiaire est un moyen de réinsertion sociale et n’est obligatoire que lorsque le condamné cherche à abréger la durée de sa peine privative de liberté, et à accéder à des peines alternatives à l’emprisonnement (art. 60, 63, 65 et 67 du code). La commission note néanmoins que le gouvernement ne fournit pas d’information sur l’application dans la pratique des articles 147 à 149, 222, 225, 226, 442 et 444 du Code pénal. Par ailleurs, se référant à ses commentaires précédents, la commission rappelle que: i) aux termes du Code organique pénitentiaire, le travail des personnes condamnées est un droit mais aussi un devoir et, en vertu de l’article 64 du Code, les personnes condamnées qui refusent le travail ou qui, volontairement, l’exécutent de manière inappropriée commettent une faute très grave et sont passibles des sanctions prévues dans le code; et ii) en vertu des articles 12 et 15 du Code pénal susmentionnés, les personnes condamnées à une peine privative de liberté de presidio ou de prisión sont soumises à l’obligation de travailler. La commission souligne que, lorsque la législation nationale prévoit l’obligation de travailler pour les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement, comme c’est le cas dans la République bolivarienne du Venezuela pour les peines de presidio et prisión, les dispositions de la législation fixant des limites ou des restrictions à l’exercice de certains droits civils ou libertés publiques, dont la violation est passible de peines d’emprisonnement, ont une incidence sur l’application de la convention. En effet, les personnes qui ne respectent pas ces limites sont passibles d’une peine d’emprisonnement et, par conséquent, peuvent être soumises au travail obligatoire.
La commission note que, dans ses observations, la CTV se déclare préoccupée par les cas récurrents de persécution à l’encontre de personnes ayant exprimé des opinions politiques. La CTV souligne l’accroissement de la criminalisation des protestations sociales ainsi que de l’expression d’opinions politiques autres que celles du parti gouvernemental, avec une possibilité accrue de condamnations pénales comportant un travail forcé ou obligatoire. La CTV ajoute qu’il y a eu de nombreux cas de persécution de dirigeants syndicaux, dont certains ont été poursuivis devant des tribunaux militaires, et que récemment, plusieurs recteurs et professeurs d’université ont également été poursuivis pour avoir critiqué le gouvernement. La CTV mentionne se réfère également à une enquête menée par une organisation non gouvernementale dont il ressort que, en 2018, 387 cas de violation de la liberté d’expression ont été enregistrés; 24 personnes ont été détenues pour avoir publié sur des réseaux sociaux des opinions critiquant des mesures adoptées par le gouvernement, ou des données montrant la situation d’urgence sociale, économique et politique du pays.
La commission prend note de l’adoption de la Loi constitutionnelle contre la haine et pour la coexistence pacifique et la tolérance (loi no 41.274 du 8 novembre 2017), et plus particulièrement de son article 20 qui prévoit que quiconque, publiquement ou par tout moyen de diffusion, encourage ou favorise la haine, la discrimination ou la violence à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes, en raison de leur appartenance réelle ou supposée à un groupe social, ethnique, religieux ou politique déterminé [...], ou incite à commettre ces actes, est passible d’une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement. La commission note que, en vertu de l’article 21 de cette loi, l’appartenance réelle ou supposée à un groupe politique déterminé constitue une circonstance aggravante de l’infraction. La commission note que plusieurs entités, en particulier la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), ont exprimé leur préoccupation face au caractère général, vague et ambigu des termes utilisés à l’article 20 de la loi, et ont souligné que les déclarations du gouvernement indiquent que cette loi sera utilisée pour persécuter l’opposition politique et criminaliser l’expression d’opinions contraires à l’ordre politique établi (CIDH, Rapport sur le Venezuela, Situation des droits de l’homme au Venezuela, décembre 2017).
La commission note que, dans son rapport de 2019 sur la situation des droits de l’homme en République bolivarienne du Venezuela, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé des préoccupations similaires au sujet de la loi no 41.274, et a souligné que les lois et réformes successives ont facilité la criminalisation de l’opposition et de toute personne critique à l’égard du gouvernement par des dispositions vagues, par des sanctions accrues pour des actes qui sont garantis par le droit à la liberté de réunion pacifique, et par l’utilisation de la juridiction militaire pour les civils. La Haute-Commissaire des Nations Unies indique en outre que ni le Bureau du Procureur général, ni le Défenseur du peuple, ni le gouvernement, ni la police n’offrent de protection aux victimes et aux témoins de violations des droits de l’homme, et que le Procureur général a contribué à stigmatiser et à discréditer les membres de l’opposition et les personnes critiques vis-à-vis du Gouvernement, en violation du principe de la présomption d’innocence. L’impunité a favorisé la réapparition des violations, enhardi les auteurs et marginalisé les victimes. (A/HRC/41/18, 9 octobre 2019, paragr. 35, 36, 57, 77 et 80). La commission note que, dans sa résolution adoptée en octobre 2019, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies condamne fermement la répression et la persécution généralisées et ciblées pour des motifs politiques en République bolivarienne du Venezuela, et prie instamment le gouvernement de libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et toutes les autres personnes privées arbitrairement de leur liberté. La commission note en outre que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies souligne que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé d’ouvrir un examen préliminaire de la situation dans le pays en ce qui concerne les crimes présumés qui auraient été commis depuis avril 2017 au moins, dans le contexte des manifestations et des troubles politiques y afférents. La commission note aussi que, le 30 avril 2020, plusieurs experts des droits de l’homme des Nations Unies se sont dits alarmés par l’augmentation du nombre de menaces, d’agressions et d’accusations contre des journalistes ainsi que par la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme depuis l’état d’urgence sanitaire qui a été déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie mondiale (communiqué de presse de l’OHCHR, 30 avril 2020).
Enfin, la commission prend note du rapport de la commission d’enquête chargée, en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, d’examiner le respect, par la République bolivarienne du Venezuela, de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, dont le Conseil d’administration du BIT a pris note à sa 337e session (GB.337/INS/8, octobre 2019). Elle note plus particulièrement que la commission d’enquête de l’OIT a noté avec préoccupation ce qui suit: i) des dirigeants employeurs, des dirigeants syndicaux et des dirigeants d’organisations professionnelles, ainsi que d’autres syndicalistes, se sont vus inculpés d’infractions pénales graves, prévues dans le Code pénal et dans le Code organique de justice militaire pour l’exercice de leurs activités, telles que la participation à des activités de protestation ou l’expression d’opinions sur des questions directement liées à la défense des intérêts des organisations d’employeurs et de travailleurs; et ii) leur jugement par un tribunal militaire. Ces actes constituent de graves violations de l’exercice des libertés civiles fondamentales, comme la liberté d’expression et la liberté de réunion. La commission note que les charges pénales retenues à la suite d’actions menées dans le cadre des activités des organisations d’employeurs et de travailleurs qui ont été mentionnées par la commission d’enquête de l’OIT sont notamment les suivantes: suscitation de la panique et de l’angoisse parmi la population par la diffusion de fausses informations, outrage à une sentinelle et outrage aux forces armées association illicite, trahison, terrorisme, résistance et outrage à l’autorité.
La commission déplore la poursuite de la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions opposées à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, tant en droit que dans la pratique, pour mettre immédiatement fin à toute violation des dispositions de la convention, en s’assurant que les personnes qui expriment des opinions politiques ou manifestent pacifiquement leur opposition à l’ordre politique, social ou économique établi ne font pas l’objet de peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des dispositions du Code pénal, du Code organique de justice militaire et de la loi no 41.274 susmentionnées, ainsi que des informations détaillées sur les décisions de justice fondées sur ces dispositions, en indiquant les faits qui ont donné lieu aux condamnations et la nature des sanctions imposées. Enfin, la commission prie le gouvernement d’assurer la libération immédiate de toute personne condamnée à une peine de prison comportant l’obligation de travailler pour avoir exprimé pacifiquement des opinions politiques ou s’être opposée à l’ordre politique, social ou économique établi.

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations reçues le 26 août 2016 de l’Alliance syndicale indépendante (ASI), le 31 août 2016 de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Fédération des chambres et associations du commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS), et le 12 septembre 2016 de la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), de la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), de la Confédération générale du travail (CGT) et de l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE).
Article 1 a) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission a précédemment rappelé que, dès lors que la législation nationale prévoit l’obligation de travailler pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, les dispositions de la législation qui limitent ou restreignent l’exercice de certains droits civils ou libertés publiques et dont la violation est passible de peines de prison peuvent avoir une incidence sur l’application de la convention. Dans ce contexte, la commission a pris note des informations concernant les représailles ou le recours au pouvoir répressif pour intimider ou sanctionner les personnes en raison de leurs opinions politiques, la criminalisation d’activités syndicales légitimes et les obstacles rencontrés par les défenseurs des droits de l’homme et des droits syndicaux pour exercer librement leurs activités. Elle a demandé au gouvernement de s’assurer qu’aucune personne qui, de manière pacifique, exprime des opinions politiques, s’oppose à l’ordre politique, social ou économique établi ou participe à une grève ne peut être condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle un travail obligatoire pourrait lui être imposé, et de fournir des informations sur l’application des dispositions suivantes du Code pénal qui sanctionnent certains comportements par des peines de «prisión»:
  • -offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques (art. 147 et 148);
  • -dénigrement public de l’Assemblée nationale, du Tribunal suprême de justice, etc. (art. 149);
  • -offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique (art. 222 et 225), la preuve de la véracité des faits n’étant pas admise (art. 226);
  • -diffamation (art. 442 et 444).
Dans son rapport, le gouvernement indique que les personnes qui, de manière pacifique, expriment des opinions politiques ou participent à des grèves ne se voient pas imposer des peines de prison ou du travail obligatoire. Il indique que le système pénitentiaire développe des politiques efficaces visant la transformation des prisonniers et leur insertion sociale et dans lesquelles le travail est valorisé et ne constitue pas une sanction accessoire. Ces politiques visent à ce que les condamnés s’incorporent de manière volontaire dans les unités de production. Ils ne sont pas contraints de travailler et leur intégration dans ces unités de production est une reconnaissance de leur bonne conduite et est prise en compte pour bénéficier de réductions de peine.
La commission prend note de ces informations. Elle observe que, aux termes du nouveau Code organique pénitentiaire, entré en vigueur en décembre 2015, le travail des prisonniers est un droit et ne doit pas avoir un caractère sanctionnateur ou obligatoire. Elle note cependant que le travail constitue également un devoir et, aux termes de l’article 64 de ce code, les personnes condamnées qui refusent le travail ou qui, volontairement, l’exécute de manière inappropriée commettent une faute grave et sont passibles des sanctions prévues dans le code. La commission rappelle en outre que, parmi les peines privatives de liberté prévues dans le Code pénal, les peines de «presidio» et de «prisión» impliquent une obligation de travailler (respectivement à des travaux forcés ou à des travaux relevant des arts ou de l’artisanat). Seules les personnes condamnées à une peine d’«arresto» sont exclues de l’obligation de travailler (art. 17). La commission considère, par conséquent, que les dispositions de la législation nationale en ce qui concerne la question du travail en prison peuvent être interprétées de manière contradictoire dans la mesure où le Code pénal prévoit expressément une obligation de travailler et que le Code organique pénitentiaire précise que le travail ne revêt pas de caractère obligatoire mais prévoit, dans le même temps, que la personne qui refuse le travail commet une faute grave et est passible de sanction. La commission considère donc que les personnes condamnées à une peine de «presidio» ou de «prisión» pourraient être contraintes de travailler.
La commission note que le Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui a examiné en 2015 l’application par la République bolivarienne du Venezuela du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a exprimé des préoccupations au sujet des renseignements faisant état d’actes d’intimidation, des menaces et des attaques visant les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme; des allégations relatives aux détentions arbitraires de plusieurs membres de l’opposition politique; des dispositions et pratiques qui pourraient avoir pour effet de décourager l’expression de positions critiques ou la publication d’informations critiques dans les médias et les réseaux sociaux sur des questions d’intérêt public, et qui risquent d’entraver l’exercice du droit à la liberté d’expression, telles que les lois érigeant en infraction la diffamation, l’offense ou le manque de respect envers le Président ou d’autres responsables de haut rang (CCPR/C/VEN/CO/4 du 14 août 2015). La commission observe également que le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains a souligné dans son rapport présenté en juin 2016 au conseil permanent de cette organisation que les restrictions indues à la protestation sociale, l’usage démesuré de la force contre les manifestants et la criminalisation des opposants et dissidents constituent un modèle d’action du gouvernement. Il a également souligné que les moyens de communication font régulièrement l’objet de procédures pénales et administratives. Enfin, la commission rappelle que, dans le cadre du contrôle de l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission exprime sa préoccupation face aux informations relatives aux actes de violence et d’intimidation dont font l’objet les organisations de travailleurs et d’employeurs et au climat dans lequel les libertés publiques s’exercent.
La commission exprime sa profonde préoccupation face à la criminalisation des mouvements sociaux et de l’expression d’opinions politiques. Compte tenu des considérations qui précèdent, la commission prie instamment le gouvernement de s’assurer qu’aucune personne qui, de manière pacifique, exprime des opinions politiques ou s’oppose à l’ordre politique, social ou économique établi ne soit condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle elle devrait réaliser un travail obligatoire. Elle prie également une nouvelle fois le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions précitées du Code pénal, en indiquant le nombre de décisions de justice prononcées sur leur fondement et en précisant les faits à l’origine des condamnations.

Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Article 1 a) et d) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, ou en tant que punition pour avoir participé à une grève. Dans ses précédents commentaires, la commission a relevé que les personnes condamnées à une peine privative de liberté de «presidio» ou de «prisión» sont soumises à l’obligation de travailler; seules sont exclues de l’obligation de travailler les personnes condamnées à une peine d’«arresto» (art. 12, 15 et 17 du Code pénal). Rappelant que la convention interdit d’imposer un travail, y compris un travail pénitentiaire, en tant que sanction aux personnes qui expriment des opinions politiques, la commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique des dispositions suivantes du Code pénal qui sanctionnent certains comportements par des peines de «prisión»:
  • -offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques (art. 147 et 148);
  • -dénigrement public de l’Assemblée nationale, du Tribunal suprême de justice, etc. (art. 149);
  • -offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique (art. 222 et 225), la preuve de la véracité des faits n’étant pas admise (art. 226);
  • -diffamation (art. 442 et 444).
Dans son rapport, le gouvernement précise qu’il découle des dispositions de la Constitution et de la loi organique du travail que, en République bolivarienne du Venezuela, le travail se conçoit comme volontaire, libre de toute coercition. Il ne peut être exigé comme mesure disciplinaire, ou sanction pour l’expression d’opinions politiques dans la mesure où il existe des garanties constitutionnelles dans les domaines social, civil et politique, qui consacrent les droits des citoyens. De même, le travail forcé ne peut être imposé pour sanctionner la participation à une grève. Les travailleurs peuvent suspendre le travail dès lors qu’ils respectent les procédures prévues à cet égard et qu’ils assurent les services essentiels et minima.
La commission prend note de ces informations. Elle rappelle que, dès lors que la législation nationale prévoit l’obligation de travailler pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté – comme cela est le cas dans la République bolivarienne du Venezuela pour les peines de «presidio» et de «prisión» –, les dispositions de la législation qui posent des limites ou des restrictions à l’exercice de certains droits civils ou libertés publiques et dont la violation est passible de peines de prison ont une incidence sur l’application de la convention. En effet, les personnes qui ne respecteraient pas ces limites pourraient être condamnées à une peine de prison et, de ce fait, être soumises à un travail obligatoire.
A cet égard, la commission rappelle qu’elle a noté que la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) avait, à plusieurs reprises, exprimé sa préoccupation face à la situation de la liberté de pensée et d’expression dans la République bolivarienne du Venezuela et fait état d’informations indiquant une tendance aux actes de répression à l’encontre des personnes qui publiquement désapprouvent les politiques menées par le gouvernement; une tendance à poursuivre disciplinairement, administrativement et pénalement les médias et les journalistes; l’utilisation du pouvoir répressif de l’Etat pour criminaliser les défenseurs des droits de l’homme, judiciariser la protestation sociale pacifique et poursuivre pénalement les personnes considérées par les autorités comme des opposants politiques (OEA/Ser.L/V/II. doc. 54 du 30 décembre 2009, et OEA/Ser.L/V/II. doc. 5 corr. 1 du 7 mars 2011). De même, la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) s’était référée à plusieurs dispositions de la législation nationale qui restreignaient l’exercice du droit de grève et pouvaient servir de base à la criminalisation de la protestation sociale en permettant de sanctionner, par des amendes élevées mais également des peines de prison, les personnes qui, dans l’exercice de leur droit de grève, paralysent les activités d’une entreprise. La criminalisation d’activités syndicales légitimes constituait également un sujet de préoccupation pour cette commission ainsi que pour la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail dans le cadre du contrôle de l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
La commission observe que, dans son dernier rapport annuel (2012), la CIDH a considéré que la situation demeurait préoccupante et a décidé d’inscrire la République bolivarienne du Venezuela dans le chapitre IV de son rapport, consacré aux pays pour lesquels les pratiques en matière de droits de l’homme méritent une attention spéciale. La CIDH a notamment recommandé au gouvernement de s’abstenir d’exercer des représailles ou d’utiliser le pouvoir répressif de l’Etat pour intimider ou sanctionner les personnes en raison de leurs opinions politiques, de garantir aux défenseurs des droits de l’homme et des droits syndicaux des conditions pour leur permettre d’exercer librement leurs activités, et de s’abstenir de réaliser toute action ou d’adopter des dispositions novatrices qui limitent ou font obstacle à leur travail.
Compte tenu des considérations qui précèdent, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucune personne qui, de manière pacifique, exprime des opinions politiques, s’oppose à l’ordre politique, social ou économique établi ou participe à une grève ne puisse être condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle un travail obligatoire pourrait lui être imposé. Elle prie, en outre, le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions précitées du Code pénal, en fournissant copie des décisions de justice prononcées sur leur fondement ou en précisant les faits à l’origine des condamnations. Enfin, notant que l’Assemblée nationale a adopté en août 2013 un nouveau Code organique pénitentiaire, qui ne semble pas encore avoir été promulgué, la commission prie le gouvernement d’indiquer si l’adoption de ce texte a une incidence sur l’obligation de travailler des personnes condamnées à une peine de «presidio» ou de «prisión».

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Article 1 a) et d) de la convention. Imposition de peines de prison comportant l’obligation de travailler en tant que sanction de l’expression d’opinions politiques ou de la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi et en tant que punition pour avoir participé à une grève. La commission prend note des observations communiquées le 31 août 2011 par la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV) sur l’application par la République bolivarienne du Venezuela d’un certain nombre de conventions. La commission observe que la CTV se réfère à plusieurs dispositions de la législation nationale (Code pénal et loi organique de sécurité et défense de la nation) qui restreindraient l’exercice du droit de grève et serviraient de base à la criminalisation de la protestation sociale dans le pays, constituant ainsi une forme de chantage et de coercition pour empêcher les travailleurs de défendre légitimement leurs intérêts. Selon le syndicat, ces dispositions permettent de sanctionner, par des amendes élevées mais également des peines de prison, les personnes qui, dans l’exercice de leur droit de grève, paralysent les activités d’une entreprise.
La commission relève que, dans le cadre du contrôle de l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, tant cette commission que la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail ont fait part de leur préoccupation face à la criminalisation d’activités syndicales légitimes, aux restrictions aux libertés publiques qui sont nécessaires à l’exercice des droits syndicaux ainsi qu’aux allégations selon lesquelles un climat d’intimidation régnerait autour des organisations syndicales ou des organisations d’employeurs et de chefs d’entreprise n’ayant pas de sympathie pour le gouvernement.
La commission prend note du rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) intitulé «Démocratie et droits de l’homme au Venezuela» (OEA/Ser.L/V/II. Doc. 54, 30 déc. 2009) ainsi que de son rapport annuel de 2010 (OEA/Ser.L/V/II. Doc. 5 corr. 1, 7 mars 2011), et en particulier les paragraphes 608 à 837 consacrés à la situation en République bolivarienne du Venezuela. Dans son rapport de 2009, la CIDH a analysé avec préoccupation la situation de la liberté de pensée et d’expression dans la République bolivarienne du Venezuela; elle a considéré que le manque d’indépendance et d’autonomie du pouvoir judiciaire face au pouvoir politique constitue un point fragile de la démocratie; elle a analysé les obstacles sérieux auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme; et elle a exprimé sa préoccupation face aux informations témoignant d’une tendance aux actes de représailles à l’encontre des personnes qui publiquement désapprouvent les politiques menées par le gouvernement, tendance qui affecte aussi bien les organes de l’opposition que les citoyens qui exercent leur droit d’exprimer leur désaccord avec les politiques menées. Dans son rapport de 2010, la CIDH indique que cette tendance préoccupante s’est poursuivie et fait également état de la tendance à poursuivre disciplinairement, administrativement et pénalement les médias et les journalistes. La CIDH a recommandé à la République bolivarienne du Venezuela de s’abstenir d’exercer des représailles ou d’utiliser le pouvoir répressif de l’Etat pour intimider ou sanctionner les personnes en raison de leurs opinions politiques et de garantir la pluralité des espaces pour l’exercice de la démocratie, y compris le respect des manifestations et des protestations qui sont menées dans le cadre de l’exercice du droit de réunion et de manifestation pacifique. Dans ses communiqués de presse nos 36/10 et 61/10, la CIDH a également exprimé sa profonde préoccupation face à l’utilisation du pouvoir répressif de l’Etat pour criminaliser les défenseurs des droits de l’homme, judiciariser la protestation sociale pacifique et poursuivre pénalement les personnes considérées par les autorités comme des opposants politiques.
La commission note également que, dans le cadre de l’Examen périodique universel mené en octobre 2011 par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a affirmé que la situation du droit à la liberté d’expression s’était détériorée ces dernières années et s’est référée à une série de dispositions de la législation nationale qui risquaient aussi de restreindre le droit à la liberté d’expression (document A/HRC/WG.6/12/VEN/2, paragr. 44 et 46).
La commission rappelle que, en vertu de l’article 1 a) et d) de la convention, les personnes qui expriment des opinions politiques, manifestent leur opposition à l’ordre politique, social et économique établi ou encore participent à une grève ne peuvent faire l’objet de sanctions aux termes desquelles un travail leur serait imposé. La commission note que, selon les articles 12 et 15 du Code pénal, les personnes condamnées à une peine de presidio ou à une peine de prisión sont soumises à l’obligation de travailler. Seules les personnes condamnées à une peine d’arresto sont exclues de l’obligation de travailler (art. 17). La commission attire l’attention sur les dispositions suivantes du Code pénal qui sanctionnent certains comportements par des peines de prisión:
  • -offense ou manque de respect à l’égard du Président de la République ou d’un certain nombre d’autorités publiques (art. 147 et 148);
  • -dénigrement public de l’Assemble nationale, du Tribunal suprême de justice, etc. (art. 149);
  • -offense à l’honneur, la réputation ou le prestige d’un membre de l’Assemblée nationale ou d’un fonctionnaire public, ou d’un corps judiciaire ou politique (art. 222 et 225), la preuve de la véracité des faits n’étant pas admise (art. 226);
  • -diffamation (art. 242 et 244).
Compte tenu des considérations qui précèdent, la commission prie le gouvernement de s’assurer qu’aucune personne qui exprime des opinions politiques, qui s’oppose pacifiquement à l’ordre politique, social ou économique établi ou qui participe pacifiquement à une grève ne sera condamnée à une peine de prison aux termes de laquelle un travail obligatoire lui serait imposé. Elle prie en outre le gouvernement de bien vouloir communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions susmentionnées, en fournissant copie des décisions de justice prononcées sur leur fondement ou en indiquant les faits à l’origine des condamnations.
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