National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Le gouvernement a fourni les informations écrites qui suivent dans une note verbale.
En avril 2010, des élections ont été organisées avec succès dans tout le Soudan. Elles ont conduit à l’élection du Président de la République, qui formera un gouvernement dans les prochains jours, et du Président du gouvernement du Sud-Soudan. Outre les membres de l’Assemblée nationale, ont aussi été élus l’assemblée législative du Sud-Soudan, les conseils législatifs de toutes les provinces et les maires des provinces (wilayat). Cela montre que le Soudan s’est résolument engagé sur la voie de la démocratie et d’une bonne administration et qu’il progresse régulièrement vers une application totale de l’Accord global de paix, comme en ont déjà attesté plusieurs pays, organisations internationales et régionales en 2005. Conformément à cet Accord global de paix, il a été convenu d’organiser en janvier prochain un référendum qui statuera sur la question de l’autonomie du Sud-Soudan. Le gouvernement espère que la Commission de la Conférence tiendra compte de cette information et qu’elle soutiendra et encouragera le Soudan dans sa marche vers l’instauration d’une démocratie totale.
Le gouvernement a joint à la note verbale précitée un document contenant des informations qui reflètent exactement la substance des informations qu’il avait déjà fournies à la commission d’experts en novembre 2008 en réponse à une communication de la Confédération syndicale internationale datée du 29 août 2008. Ces informations fournies par le gouvernement ont été examinées par la commission d’experts dans l’observation relative à l’application par le Soudan de la présente convention qui figure dans le rapport de 2010 de la commission d’experts et qui est reproduite dans le document C. App./D.4/Add.2, pp. 149-154.
En outre, devant la commission, un représentant gouvernemental a réaffirmé l’engagement sans réserve de son gouvernement à se conformer à ses obligations internationales, en particulier à celles qui découlent de la convention no 29. Il a ajouté que son gouvernement apprécie pleinement les travaux de la commission d’experts et a réaffirmé sa volonté de coopérer pleinement avec le système de contrôle.
S’agissant des commentaires de la commission d’experts concernant la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), instituée en 1999, des réponses détaillées et exhaustives ont été faites à chacun de ces commentaires. La CEAWC a abordé les problèmes rencontrés au niveau des tribus et, notamment, les problèmes concernant les familles et les enfants. La CEAWC, bien qu’ayant été fondée avant la signature de l’Accord de paix général de 2005, s’est avérée être un instrument adapté au problème, si bien qu’il a été décidé de la maintenir en fonction. L’action de la CEAWC a recueilli l’approbation du Conseil des droits de l’homme, de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
En ce qui concerne le nombre de personnes qui ne sont pas retournées dans leur famille, elles ne peuvent plus être considérées comme des personnes enlevées puisqu’elles sont devenues des citoyens ayant choisi de rester là où ils ont leurs biens. Les autorités publiques ne peuvent pas les contraindre à regagner leur lieu d’origine.
Concernant la question de traduire en justice les personnes impliquées dans les enlèvements, d’autres instances internationales ont convenu qu’une telle démarche aurait un aspect et un impact négatifs en ce qui concerne l’aide des personnes au retour ou à un nouvel établissement. Néanmoins, le gouvernement a donné les informations nécessaires aux personnes qui souhaitent porter plainte. Le gouvernement a fait ce qui était en son pouvoir pour que les personnes concernées soient traduites en justice, mais il ne peut pas contraindre les individus à porter plainte; il peut seulement les encourager à le faire. Il semble que les pratiques d’enlèvement et de travail forcé n’ont été qu’un phénomène passager, qui appartient désormais à un passé révolu et qui s’est limité à la période de la guerre civile.
Le représentant gouvernemental indique que la Confédération syndicale internationale (CSI), dans ses diverses communications, se borne à répéter les allégations qu’elle a déjà formulées et à donner des informations incorrectes dans le but de maintenir le Soudan sur la liste des cas individuels. Il est déplorable que le processus de sélection des cas individuels soit biaisé par des considérations politiques, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la crédibilité de la Commission de la Conférence. Son gouvernement espère que l’OIT tiendra pleinement compte du fait qu’il a toujours été présent et a toujours communiqué ses rapports dans les délais. Enfin, le Soudan s’emploie à construire la paix et la démocratie, et a organisé cette année des élections assez complexes en avril, pour désigner le gouvernement, les conseils législatifs et les conseils des provinces au Sud-Soudan. Il exprime l’espoir que l’OIT fournira son appui au nouveau gouvernement. En outre, il est à espérer que la commission parvienne à un constat positif pour enfin clore ce cas.
Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations détaillées qu’il a fournies, notamment au sujet des élections d’avril 2010. L’application de cette convention fondamentale est examinée pour la douzième fois en vingt et un ans. Lors de l’examen de ce cas, il faut tenir compte de la situation humanitaire du pays, conséquence de nombreuses années de conflit et du fait que le Soudan est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. La lutte contre le travail forcé représente donc un défi gigantesque pour le nouveau gouvernement. En ce qui concerne l’application des articles 1, 2 et 25 de la convention, les commentaires des membres employeurs ne peuvent se baser que sur le dernier examen de ce cas par cette commission, en 2008. L’interdiction du travail forcé est l’un des fondements essentiels de la société civile et de l’économie de marché. Les violations de la convention peuvent prendre différentes formes, et la pauvreté extrême, la faiblesse des institutions de l’Etat, le manque d’information et d’instruction, et les facteurs liés à la culture et aux traditions sont à prendre en considération.
L’ampleur du travail forcé au Soudan reste incertaine. Le gouvernement soutient néanmoins que cette pratique a été éliminée. Il contredit en cela les informations sur la situation fournies par la CSI, le Conseil de sécurité de l’ONU et la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan. Les membres employeurs ne partagent pas le point de vue du gouvernement lorsqu’il estime que l’OIT ne devrait pas traiter de ce cas puisque d’autres organisations internationales l’examinent actuellement. Le contrôle de l’application de la convention no 29 fait partie du mandat de cette commission. Les membres employeurs ne pensent pas non plus, contrairement au gouvernement, que le fait de traduire en justice les auteurs des crimes nuirait au processus de réunification nationale. Ils ont conscience des difficultés rencontrées par le gouvernement dans la mise en oeuvre de la convention, en raison de son manque d’influence dans certaines zones. Dans ce contexte, ils notent avec préoccupation que, en dépit de la demande formulée par la commission d’experts en 2009, le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur l’application de la convention dans toutes les régions du pays. Ils le prient instamment d’intensifier ses efforts pour lutter contre le travail forcé et fournir des informations précises, de manière à élucider les contradictions existantes au sujet de la situation actuelle.
Les membres travailleurs ont rappelé qu’en concluant ses travaux en 2008 cette commission avait noté une large convergence d’analyses entre les différentes institutions des Nations Unies, des organisations de travailleurs et des ONG concernant la persistance et l’étendue des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire dans certaines régions du Soudan. Tout en se félicitant des résultats obtenus par la CEAWC, cette commission avait estimé qu’elle ne possédait pas d’éléments tangibles lui permettant d’affirmer que le travail forcé avait été complètement éradiqué dans la pratique. Depuis, dans sa résolution no 1881 (2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est déclaré profondément préoccupé par la gravité persistante de la situation humanitaire au Darfour et a réitéré sa condamnation de toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire au Darfour.
Les membres travailleurs estiment que de nombreuses interrogations subsistent. Les enlèvements et le recours au travail forcé ont-ils cessé? Les victimes ont-elles été libérées et ont-elles été aidées à retrouver leur région d’origine? Les auteurs ont-ils été punis? A cet égard, ils estiment que, bien que la paix soit une condition nécessaire pour que cessent de telles pratiques, elle ne constitue pas une condition suffisante pour mettre un terme aux violations des droits de l’homme. Ils soulignent qu’encore aujourd’hui il n’y a pas de preuves tangibles que le travail forcé ait été aboli. En ce qui concerne la réintégration des victimes, les chiffres semblent contradictoires et l’information fournie par le gouvernement s’avère insuffisante. Enfin, s’agissant de savoir si les coupables ont été poursuivis ou condamnés, le gouvernement a répondu de façon claire que cela n’a pas été le cas, et il a fourni des explications peu convaincantes à ce sujet. Tout ceci ne fait que cautionner l’impunité. D’ailleurs, les membres travailleurs insistent sur le fait que la non-application de sanctions pénales et une amnistie générale ne peuvent être efficaces que si elles font partie d’un processus de transition durant lequel sont créées de nouvelles structures et institutions garantissant que les mêmes violations ne se répéteront pas. Enfin, ils insistent sur le fait que le gouvernement devrait accepter une mission d’assistance technique du BIT pour trouver des solutions à ces problèmes complexes.
Le membre travailleur du Soudan a indiqué qu’il s’agissait d’une question difficile, comme l’a souligné la commission d’experts. Le cas devrait être placé dans le contexte de la situation du pays. En 1989, lorsque le cas a été examiné par la Commission de la Conférence, il s’agissait d’enlèvements d’enfants pendant la guerre civile. Cette situation s’est terminée avec la signature de l’Accord de paix et une solution a été trouvée à ce problème. La commission d’experts n’a pas fait référence au fait que 6 000 des 14 000 enfants qui avaient été enlevés sont retournés chez eux, même s’il faut garder à l’esprit que la plupart des enfants qui avaient été enlevés à l’époque sont aujourd’hui des adultes. La question du Darfour est une question qui relève de la compétence du Conseil de sécurité des Nations Unies et ne devrait pas être examinée par cette commission. L’orateur se réfère au rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan, qui montre une amélioration. La commission devrait encourager les efforts positifs déployés par le gouvernement, au lieu de le punir. La coopération technique du BIT doit se poursuivre afin de clore ce dossier.
Le membre employeur du Soudan a noté que la commission a discuté à plusieurs reprises de ce cas, la dernière fois en 2008. La commission d’experts a noté l’observation de la Confédération syndicale internationale (CSI) sur la situation au Soudan, laquelle a été prise en compte par le rapport de novembre 2007 sur la situation des droits de l’homme au Darfour établi par le groupe d’experts des Nations Unies et la résolution no 1881 (2009) du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant la sécurité et la situation humanitaire au Darfour. L’orateur considère que, par moments, les commentaires de la commission d’experts manquent de précision et allèguent des faits sans apporter de preuve. La commission d’experts se réfère à des conflits qui ont eu lieu durant la guerre civile. Depuis, des changements sont survenus. L’Accord de paix a été signé et des élections générales ont eu lieu, lesquelles ont permis d’élire 25 pour cent de femmes au sein de l’Assemblée nationale. Le pays s’achemine vers une société démocratique ouverte et transparente. Tous ceux qui ont fait l’objet d’enlèvement ont été libérés et sont retournés dans leur famille. Les lois ont été appliquées par le biais de consultations avec les 14 tribus. Ceci constitue des mesures positives conduisant à une paix stable et des progrès économiques. Le principe de l’autodétermination a été garanti par l’Accord de paix. Au moment de déployer des efforts pour s’attaquer à des problèmes précis, il est important de garantir la transparence. L’orateur exprime le souhait de jouer un rôle de premier plan dans l’éradication de la pauvreté dans le pays et appelle les organisations compétentes à fournir une assistance.
La membre travailleuse du Brésil a rappelé qu’au cours des vingt dernières années le Soudan s’est presque toujours retrouvé sur la liste des cas de cette commission, à propos du problème du travail forcé et celui des enlèvements dans la région du Darfour. Dans cette région, ainsi que dans celle du Sud, on retrouve de vastes réserves de pétrole inexploitées, et c’est dans cette région que les grandes puissances ont encouragé et financé les conflits séparatistes. En 2005, la commission d’experts a eu recours à des informations du Département d’Etat des Etats-Unis, alors que cette année, elle a recours à des sources non identifiées. La véritable raison pour laquelle le Soudan se retrouve d’année en année sur la liste des cas individuels est que le pays utilise le pétrole afin de développer son économie de manière indépendante. Plutôt que de faire écho à la campagne de propagande de certains pays agencée par les grandes puissances, dont l’objectif est de diviser les nations et créer des conflits afin de piller les richesses, la commission devrait exiger que soient discutés les assassinats de dirigeants syndicaux en Colombie, les crimes contre les travailleurs et le peuple palestinien, et la question du droit de grève au Royaume-Uni.
Le membre gouvernemental du Kenya s’est dit encouragé par les informations soumises par le gouvernement du Soudan concernant les efforts de ce dernier et les mesures prises à ce jour, ainsi que son engagement à poursuivre ses efforts afin de garantir l’application de la convention no 29. Il regrette que les circonstances auxquelles a fait allusion le gouvernement aient eu un impact sur les progrès d’application de la convention. Il reste toutefois confiant que le gouvernement du Soudan poursuivra ses efforts dans ce sens. Il fait part du soutien de son gouvernement pour la requête d’assistance technique du BIT formulée par le gouvernement du Soudan afin de surmonter les défis actuels, et demande au Bureau de fournir une telle assistance.
Le membre travailleur de la Mauritanie a indiqué que le cas du Soudan concernant le travail forcé est un cas récurrent et que, bien que les nombreux problèmes signalés soient documentés et dénoncés, le gouvernement n’est pas pleinement conscient de l’ampleur de ce phénomène. Dans son rapport de 2009, le Conseil de sécurité des Nations Unies constate la gravité de la situation humanitaire au Darfour. Malgré des avancées positives dans le domaine des droits de l’homme, des centaines de civils ont été tués dans des raids commis par l’armée des Seigneurs de la Résistance, et un grand nombre de femmes et d’enfants ont été enlevés. De plus, ce rapport dénonce l’impunité, l’absence d’enquête et de justice, et l’absence de réparations pour les victimes. Contrairement aux déclarations du gouvernement selon lesquelles il n’y a plus de cas d’enlèvement et de travail forcé dans le pays, des sources diverses et concordantes continuent de faire état de tels problèmes. L’orateur a reconnu les efforts déployés par le gouvernement pour réintégrer les personnes enlevées dans leur famille, bien qu’il n’existe plus d’informations à cet égard depuis 2008. Il a souligné également que, étant donné que les informations sur le nombre de victimes restent contestées, il est important d’établir les faits. En conclusion, rien ne peut être résolu dans le domaine du travail forcé sans efforts pour assurer la mise en oeuvre de la législation pertinente.
Un autre représentant gouvernemental a indiqué qu’il allait répondre aux questions légitimes soulevées durant la discussion. Il est évidemment tout à fait regrettable que des enlèvements de femmes et d’enfants aient eu lieu durant la guerre civile mais, suite à l’Accord de paix signé en 2005, ces pratiques ont disparu. Le gouvernement du Sud-Soudan contrôle son territoire et possède une armée et des forces de police puissantes, l’Armée de libération du peuple soudanais, qui ont empêché que de tels enlèvements se produisent depuis octobre 2005. Le gouvernement d’unité nationale a mis sur pied la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), laquelle, avec l’aide des Nations Unies, a pu évaluer le nombre de personnes qui avaient été enlevées et a également réussi à faire revenir un certain nombre de personnes. Au Soudan, les gens vivent en tribus, ce qui a occasionné des problèmes pour traîner en justice les responsables. Il n’existe pas de forces de l’ordre dans chaque village; au lieu de cela, les jeunes font office de police et les personnes âgées de juge. Dans l’intérêt de toutes les parties à préserver la paix et le processus de réconciliation nationale, il est important de laisser ces questions en suspens pour un moment. La discussion répétée de ce cas devant cette commission est inopportune, et il serait mieux de laisser ces questions entre les mains du gouvernement pour l’instant. Le gouvernement accorde beaucoup d’importance à ces questions et il promet d’envoyer des statistiques détaillées à la prochaine session de la Conférence afin de pouvoir clore ce cas. Il demande d’ailleurs à cette commission de se référer au dernier rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan de mai 2010, qui indique que le Soudan a rempli tous les critères, grâce aux lois adoptées et aux mesures prises. Le gouvernement a fait beaucoup d’efforts pour prévenir de nouveaux enlèvements. Il informe enfin la commission que la Constitution provisoire a criminalisé les actes d’enlèvements.
Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations fournies, en particulier celles relatives aux nouvelles dispositions dans la Constitution. Ils réaffirment que les problèmes dans la mise en oeuvre de la convention no 29 ont lieu dans les pays sans économie de marché, où la pauvreté règne et le fonctionnement de l’économie est entravé par les conflits. Tout en reconnaissant les difficultés dans le pays, les membres employeurs encouragent le gouvernement à: 1) coopérer étroitement avec toutes les organisations internationales pour combattre le travail forcé; 2) poursuivre en justice ceux qui ont eu recours au travail forcé, et fournir des informations sur l’application de sanctions dans la pratique; 3) soutenir le travail du Bureau dans la lutte contre les enlèvements de femmes et d’enfants; et 4) demander l’assistance technique du BIT pour assurer le plein respect de la convention no 29 dans la pratique.
Les membres travailleurs ont indiqué qu’il ressortait clairement des informations fournies par le représentant gouvernemental que l’application de la convention no 29 posait toujours problème et que ces informations étaient insuffisantes, notamment en raison de l’ampleur du fléau. Il est vivement préoccupant de constater la persistance de l’impunité dont les auteurs d’enlèvements bénéficient. Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de redoubler d’efforts afin d’éradiquer totalement les pratiques de travail forcé; résoudre les cas d’enlèvements qui ont sévi dans toutes les régions du pays; prévoir des moyens pour que les victimes d’enlèvements retournent dans leur famille; adopter des mesures pour mettre fin à l’impunité, notamment par l’imposition de sanctions pénales; et prendre d’urgence les mesures préconisées dans les recommandations des institutions et organes internationaux compétents en vue de mettre fin à toutes les violations des droits de l’homme, et ainsi contribuer à établir les conditions d’un respect plein et entier des conventions relatives au travail forcé. Notant que le gouvernement n’a pas manifesté sa volonté d’avoir recours à l’assistance technique du BIT, les membres travailleurs l’ont incité à le faire.
La représentante du Secrétaire général a lu une déclaration fournie par le représentant gouvernemental du Soudan informant la commission que le gouvernement accepte l’assistance technique dans le cadre du programme par pays de promotion du travail décent ainsi que pour une mise en oeuvre effective de la convention no 29.
Conclusions
La commission a pris note des informations fournies oralement et par écrit par le représentant gouvernemental, et de la discussion détaillée qui a suivi. Elle a rappelé qu’il s’agit d’un cas extrêmement grave touchant aux droits fondamentaux de la personne, qu’elle l’a examiné à de nombreuses occasions en plus de vingt ans et que, à plusieurs reprises, il avait figuré dans un paragraphe spécial. La commission a noté que, depuis de nombreuses années, la commission d’experts mentionne l’existence de pratiques d’enlèvement et de travail forcé, qui affectent des milliers de femmes et d’enfants dans le contexte de guerre civile qui sévit dans le pays.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental au sujet des élections récentes qui se sont déroulées dans le pays en avril 2010. Le gouvernement a réaffirmé son engagement ferme pour l’éradication totale des pratiques d’enlèvement en apportant un soutien permanent à la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC). S’agissant des personnes qui ne sont pas revenues dans leur foyer, le gouvernement a indiqué qu’elles ne peuvent plus être qualifiées de victimes d’enlèvement, car il s’agit de citoyens qui ont choisi de rester dans certaines régions du pays, et que, en conséquence, le gouvernement ne peut pas les contraindre à regagner leur foyer. Quant à la poursuite des auteurs de ces actes, le gouvernement a déclaré qu’elle pouvait avoir des effets négatifs, car elle ne permettrait pas d’établir la paix entre les tribus et que cela ne correspondait pas à l’esprit de réconciliation nationale. Le gouvernement a indiqué que ce point de vue est partagé par le Comité tribal conjoint et par l’UNICEF, mais qu’il avait néanmoins encouragé ceux qui le souhaitaient à déposer une plainte, et fourni l’assistance voulue, même s’il ne peut pas contraindre les gens à porter plainte. Le représentant gouvernemental a également déclaré que son gouvernement respecte toujours ses obligations en matière de soumission de rapports et fournit en temps utile toutes les informations demandées par les organes de contrôle de l’OIT. Il a également relevé une erreur commise par le Bureau en 2008 concernant le traitement des informations reçues du gouvernement, qui avait empêché la commission d’experts d’examiner ces informations en temps voulu.
La commission a pris note des efforts menés par le gouvernement pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays, et en particulier des informations concernant les élections qui avaient eu lieu récemment dans le pays, considérées comme une nouvelle étape vers la pleine application de l’Accord global de paix de 2005. Tout en prenant note de ces progrès, et de la déclaration renouvelée du gouvernement selon laquelle les enlèvements avaient complètement cessé après la fin de la guerre civile, la commission a relevé qu’il n’existe pas de preuve tangible indiquant que le travail forcé a été totalement éradiqué dans la pratique. A cet égard, la commission a noté avec regret que les dernières statistiques relatives aux activités de la CEAWC (qui font apparaître le nombre de cas où les victimes ont été identifiées et où elles ont retrouvé leur famille) dataient de mai 2008, et qu’aucune information à jour de ce type n’avait été fournie au gouvernement. La commission a de nouveau relevé que les allégations vont dans le même sens et qu’il existe un large consensus entre les institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales, concernant la persistance et la portée des violations des droits de la personne et du droit international humanitaire dans certaines régions du pays. Elle a également noté avec préoccupation que les auteurs de ces actes ne sont pas tenus de rendre des comptes et que les mesures destinées à réinsérer les victimes ne sont pas suffisantes.
La commission a appuyé pleinement les observations de la commission d’experts et instamment prié le gouvernement de poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de la CEAWC, pour assurer la pleine application de la convention, en droit comme dans la pratique. Elle a exprimé le vif espoir que le gouvernement fournirait des informations détaillées dans le prochain rapport qui serait examiné par la commission d’experts, en indiquant en particulier si les cas de réquisition de travail forcé ont cessé complètement, si les victimes ont retrouvé leurs familles, si elles ont bénéficié de réparations et d’une réinsertion appropriées et si les auteurs de ces actes ont été punis, en particulier ceux qui refusent de coopérer. Notant que le gouvernement sollicite une assistance technique du Bureau, la commission a invité le BIT à fournir l’assistance nécessaire, notamment pour qu’une vérification de la situation du pays soit effectuée de manière indépendante, afin que la commission d’experts puisse constater les progrès qui seront réalisés par le gouvernement, dans un proche avenir, en vue de remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la convention no 29 et d’assurer que les pratiques de travail forcé sont tout à fait éradiquées. La commission a prié le gouvernement de fournir un rapport complet en vue de son examen par la commission d’experts à sa prochaine session.
Un représentant gouvernemental a réaffirmé la ferme détermination de son gouvernement à honorer ses engagements internationaux, en particulier la convention no 29 que son pays a ratifiée un an à peine après son accession à l’indépendance. Cela témoigne de l’importance que le gouvernement accorde à l’éradication du travail forcé. Le gouvernement est extrêmement reconnaissant à la commission d’experts pour le travail qu’elle a réalisé et il est déterminé à coopérer pleinement avec les organes de contrôle. Il faut d’ailleurs rappeler qu’un rapport détaillé a été soumis au Bureau en date du 27 avril 2008.
S’agissant des commentaires de la commission d’experts concernant la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), laquelle a été établie en 1999, tous ont fait l’objet de réponses complètes et détaillées. Pour rappel, la CEAWC est compétente pour tous les cas rencontrés au niveau tribal, en particulier pour ce qui touche à la famille et à l’enfance. Même si la CEAWC a été installée avant la signature de l’Accord global de paix, en 2005, elle a apporté une réponse adéquate au problème et elle a été maintenue en place. Les enlèvements surviennent souvent lorsque des tribus nomades se déplacent à la recherche de nouveaux pâturages et entrent en conflit avec des tribus sédentaires. Il faut rappeler que le travail forcé et l’enlèvement sont des crimes qui ont toujours été punissables par la loi, même avant la ratification de la convention. Cependant, une des raisons de l’inefficacité du système juridique à cet égard est la prédominance des traditions tribales et de la coutume qui fait que les victimes préfèrent ne pas s’adresser aux tribunaux. Cela ne veut pas dire qu’elles acceptent les enlèvements, mais plutôt qu’elles ont leurs propres méthodes pour traiter des problèmes. Il faut ajouter que la CEAWC a reçu l’approbation du Conseil des droits de l’homme, de l’Assemblée générale des Nations Unies, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de la Société pour la prévention de la cruauté envers les enfants, au Royaume-Uni; 11 300 des 14 000 cas identifiés d’enlèvements d’enfants ont été résolus, comme la commission d’experts a pu le constater.
Il est toutefois regrettable que la commission d’experts n’ait pas tenu compte du rapport détaillé remis par son gouvernement en mai 2007, qui fournissait toutes les informations demandées par la commission d’experts, y compris les réponses aux observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) jusqu’en octobre 2006. Un accusé de réception du rapport par le Bureau a été adressé au gouvernement dont le numéro de référence est SM9/3A/99.7. Il est compréhensible que le rapport de la commission d’experts n’ait pas pu prendre en compte le tout dernier rapport en date remis au mois d’avril 2008, mais l’examen de la situation aurait été plus valable si les informations fournies par le gouvernement un an auparavant avaient été prises en compte. L’absence de données récentes signifie que la commission d’experts n’a pu que répéter ses précédentes conclusions et observations, pour ce qui est de la situation au Darfour par exemple. La situation au Darfour est actuellement à l’examen devant le Conseil de sécurité des Nations Unies et a été longuement discutée par l’Union africaine et le gouvernement. Il convient de souligner qu’elle est sans rapport avec les questions faisant l’objet de la convention. De plus, la résolution du Conseil de sécurité mentionnée par la commission d’experts ne se réfère pas à la convention.
Le phénomène du travail forcé existe depuis des siècles. A cet égard, la commission d’experts adresse deux requêtes. La première demande d’accélérer les efforts en vue de résoudre les cas d’enlèvements restants. A ce propos, il faut rappeler que la CEAWC affichait un bilan très positif dans les cas d’enlèvements jusqu’à la fin 2006, mais qu’elle avait cessé ses activités en réponse à la commission d’experts qui demandait que les cas soient traités dans un cadre légal plutôt que sur la base des coutumes tribales. Afin de mettre une procédure judiciaire en place, quatre magistrats du ministère public ont été nommés pour l’ensemble des régions relevant de la compétence de la CEAWC, le but étant de rapprocher la procédure judiciaire des victimes. Or pas une seule victime n’a eu recours à la procédure judiciaire, de sorte qu’en janvier 2008 il a fallu réactiver la CEAWC afin de reprendre les mesures appliquées auparavant. Au cours des trois premiers mois de l’année, la CEAWC a traité plus de 350 nouveaux cas. Afin de garantir que ces cas soient traités dans le respect des normes internationales, une collaboration a été mise en place avec des partenaires internationaux, en particulier avec l’UNICEF. L’orateur s’est dit par conséquent persuadé que le gouvernement est dans le strict respect de ses obligations aux termes de l’article 25 de la convention, étant donné que toutes les procédures judiciaires nécessaires ont été instituées. Quoi qu’il en soit, l’option qui s’imposait logiquement était de permettre à la voie de recours la plus efficace, à savoir la CEAWC, de poursuivre ses activités afin de mettre un terme aux enlèvements et au travail forcé en résolvant les cas restants.
S’agissant de la demande de la commission d’experts que les mesures nécessaires soient prises pour que des poursuites judiciaires soient engagées à l’encontre des personnes coupables d’actes d’enlèvements et de travail forcé et pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme, il a rappelé que le gouvernement a déployé beaucoup d’efforts en ce sens; toutefois, il estime qu’il ne serait pas judicieux de s’étendre davantage sur une question qui est actuellement à l’examen devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. De plus, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan a pris acte de la totale collaboration du gouvernement pendant sa visite dans le pays et à l’occasion de l’examen des mesures adoptées, notamment des travaux de la CEAWC. A cet égard, l’orateur a formulé l’espoir que les informations fournies par le gouvernement dans ses rapports seront jugées suffisantes pour clore l’examen du cas.
Le gouvernement est déterminé à examiner tous les cas d’enlèvements et de travail forcé restants, comme il l’a indiqué dans une communication d’avril 2007. L’orateur a exprimé sa gratitude ainsi que le respect que lui inspirent les efforts déployés par la commission d’experts à cet égard. Toutefois, comme il n’existe plus d’autres cas d’enlèvements et de travail forcé dans le pays, il espère que la Commission de la Conférence saura faire une meilleure utilisation de son précieux temps et de ses ressources plutôt que de poursuivre l’examen de ce cas.
Les membres travailleurs ont observé que le cas du Soudan est examiné cette année car il figure en note de bas de page pour la convention no 29 mais aussi surtout parce que les enlèvements de milliers de femmes et d’enfants et leur travail forcé persistent à travers le pays. La commission, ainsi que les autres agences des Nations Unies, les organisations de travailleurs et les organisations non gouvernementales avaient déjà condamné ces pratiques répandues d’enlèvements et de travail forcé en 2005. Après avoir fait état de la gravité de la situation au Darfour à la fin de l’année 2006, le Conseil de sécurité des Nations Unies, sur la base d’un rapport du Secrétaire général des Nations Unies et du président de la Commission de l’Union africaine sur l’opération au Darfour, s’est déclaré, en 2007, profondément préoccupé par les violations des droits de l’homme et la généralisation des violences sexuelles. Les membres travailleurs se sont interrogés sur plusieurs points: les enlèvements et le recours au travail forcé ont-ils cessé; les victimes ont-elles été libérées et assistées pour retrouver leur région d’origine; les coupables ont-ils été punis.
S’agissant des enlèvements, la commission s’était réjouie en 2005 de l’Accord de paix et de l’adoption d’une Constitution nationale provisoire qui interdit expressément l’esclavage, le travail forcé ou obligatoire. Le gouvernement a en outre indiqué en 2006 que les enlèvements ont cessé suite à l’Accord de paix. Or les membres travailleurs, prenant exemple de la situation au Darfour, observent que la paix n’est pas une condition suffisante pour faire cesser les violations des droits de l’homme. La situation est semblable à celle qui a prévalu dans le sud du Soudan pendant la période de la guerre civile (1983-2005). Des cas d’enlèvements et d’esclavage sexuel ont été rapportés au Darfour dans un rapport de 2005 de la Commission internationale d’enquête auprès du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Darfour et confirmés par des enquêtes d’Anti Slavery International en 2006-07. Les victimes de ces actes sont des femmes mais aussi des hommes forcés à travailler, notamment dans des fermes isolées dans les régions sous contrôle des Janjaweed, à l’ouest et au sud du Darfour. Le constat fait par la Commission de la Conférence en 2005, à savoir qu’il n’y a pas de preuve tangible que le travail forcé ait été éradiqué, demeure valable.
En ce qui concerne la situation des victimes, les membres travailleurs ont rappelé les informations fournies en 2006 par le gouvernement selon lesquelles la CEAWC a résolu 11 000 cas d’enlèvements sur 14 000 rapportés et réintégré les victimes dans leurs familles dans 3 394 cas. Or certaines agences des Nations Unies, comme l’UNICEF, se sont interrogées sur la véracité de ces chiffres. Les membres travailleurs se sont également interrogés sur la situation depuis 2006 et souhaiteraient des informations.
En ce qui concerne les coupables, le gouvernement a répondu sans équivoque que ceux-ci n’ont pas été sanctionnés en expliquant qu’ils n’ont pas été traduits devant la justice à la demande des tribus concernées, y compris le Comité des chefs Dinka, et au nom de la réconciliation nationale. Si cette réponse est directe et franche, elle pose néanmoins problème du point de vue humanitaire et juridique. Rappelant l’article 25 de la convention relatif aux sanctions en cas de recours au travail forcé, les membres travailleurs s’interrogent sur la valeur d’un accord national prévoyant une amnistie générale par rapport aux dispositions d’une convention internationale. Les dispositions internationales, notamment en matière de sanction, devraient prévaloir pour empêcher l’impunité des auteurs d’enlèvements. L’absence de poursuites a sans doute aussi contribué à la persistance de ces actes pendant la guerre civile et, aujourd’hui encore, au Darfour. La non-application de la sanction assurerait l’impunité aux kidnappeurs, et l’absence de toute poursuite a sans doute contribué à la persistance des enlèvements tout au long de la guerre civile, et plus récemment au Darfour où des milices Janjaweed ont opéré en coopération avec les forces de sécurité gouvernementales, tout comme les milices Murahaleen l’avaient fait au sud Soudan. Un processus de transition réellement efficace devrait inclure diverses mesures comme la mise en place de commissions chargées d’établir la vérité, la production de rapports objectifs sur les actes perpétrés, un travail sur la responsabilisation des coupables, une réforme des forces de sécurité, le versement de compensations aux victimes.
Les membres travailleurs ont constaté que, sur les différentes questions posées, le gouvernement ne fournit aucune information à jour ou satisfaisante. Seule une évaluation indépendante de la situation permettra d’apporter des éléments de réponse.
Les membres employeurs ont souligné que le travail forcé est condamné de toutes parts et que les conventions nos 29 et 105 sont les conventions de l’OIT les plus ratifiées. Selon l’étude d’ensemble de la commission d’experts de 2007, plus de 60 Etats Membres de l’OIT sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans des violations de ces conventions. Ces instruments ont une valeur particulière en tant que garde-fous contre les menaces qui pèsent sur la liberté des relations du travail et constituent des pierres angulaires des économies de marché. Les violations de la convention peuvent prendre diverses formes, comme l’esclavage et l’enlèvement, l’obligation d’effectuer des travaux d’intérêt public et le recrutement de force; à cela s’ajoutent le cas des travailleurs domestiques en situation de servitude et le travail des enfants. D’autres facteurs sont à prendre en compte: la pauvreté extrême, les carences des institutions, la désinformation et l’absence de développement par le biais de l’éducation, les facteurs culturels et la tradition.
Le cas du Soudan a été abordé à de nombreuses reprises par la commission d’experts et par la Commission de la Conférence. A l’époque, les membres employeurs avaient accueilli avec intérêt la création de la CEAWC qui, d’après le gouvernement, poursuit ses travaux, et ils avaient évoqué la promulgation de la Constitution provisoire et l’article 162 du Code pénal qui énonce des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix années en cas d’enlèvement.
Les membres employeurs ont rappelé que la majorité des cas de non-application observés se produisent dans des pays où l’économie de marché est inexistante, où la pauvreté est un élément de poids dans la société ou qui restreignent fortement le fonctionnement du marché. Certains éléments, comme le facteur culturel, ne peuvent en aucun cas être réputés supérieurs aux normes internationales du travail. Devant la gravité des faits allégués et la difficulté de vérifier avec précision les données communiquées par le gouvernement et de connaître la situation avec exactitude, il y aurait lieu d’appeler le gouvernement à coopérer au maximum dans ce cas jugé d’une extrême gravité.
Le membre travailleur du Soudan a rappelé que le présent cas est examiné par la Commission de la Conférence depuis 1989 et que, depuis cette date, d’importants développements sont survenus, notamment la signature de l’Accord global de paix en 2005. L’enlèvement des femmes et des enfants est une pratique qui a débuté durant la guerre civile, dont les origines remontent avant l’indépendance et proviennent du système colonial antérieur. La guerre a maintenant cessé dans le sud du pays, un gouvernement d’unité nationale a été formé et le processus national de réconciliation est en cours. Les cas d’enlèvements de femmes et d’enfants ont cessé complètement depuis la signature de l’Accord global de paix. De plus, parmi les 14 000 cas identifiés d’enlèvements d’enfants, presque 80 pour cent ont été réunis avec leurs familles. Il faut donc appuyer le gouvernement pour que celui-ci parvienne à résoudre les cas d’enlèvements d’enfants qui n’ont pas encore été réunis avec leurs familles, réinsérer les victimes dans la société, traduire les auteurs en justice et s’assurer que le problème ne réapparaîtra pas. Le gouvernement devrait par conséquent recevoir appréciation et support plutôt que d’être à nouveau la cible de harcèlement. Bien qu’il soit possible que les membres travailleurs ne soient pas du même avis que le gouvernement, la Commission de la Conférence doit appuyer le gouvernement et le Bureau doit offrir une assistance technique concernant les problèmes soulevés par la commission d’experts et les membres travailleurs.
Le membre employeur du Soudan a rappelé que ce cas a été discuté par la Commission de la Conférence à plusieurs reprises. Il est cependant regrettable que le rapport de la commission d’experts ne tienne pas compte des informations qui ont été fournies par le gouvernement en mai 2007, ce qui veut dire que l’analyse des faits qui figure dans le rapport n’est pas à jour. La question a aussi été soulevée à savoir si l’objectif principal devrait être de mettre fin aux enlèvements ou de traduire en justice les auteurs de ces enlèvements. Bien que les procédures judiciaires nécessaires aient été mises en place et aient été mises à l’essai pendant un certain temps, il a toutefois été démontré qu’elles ne sont pas aussi efficaces que les procédures coutumières, puisque les gens refusent de recourir à la loi. La solution la plus efficace demeure par conséquent l’action traditionnelle, à travers le travail de la CEAWC, avec pour objectif d’éradiquer tous les cas d’enlèvements. L’orateur a ajouté que la question du Darfour est de nature politique et s’est référé aux cas spécifiques d’enlèvements d’enfants de cette région par une organisation non gouvernementale française. Il n’y a plus d’enlèvements depuis que des efforts ont été faits pour instaurer la démocratie et éradiquer de telles pratiques. Plusieurs des enfants qui ont été victimes d’enlèvements ont été libérés par le gouvernement. Les employeurs doivent offrir leur appui au gouvernement dans ses actions.
La membre gouvernementale de l’Egypte a fait observer que le Soudan est confronté à des conditions économique difficiles en raison de la guerre civile qui a affecté le pays. Les autorités ont déployé de grands efforts pour réaliser la paix selon une approche qui reconnaît des différences culturelles. La paix et la stabilité sont des objectifs de tous les pays. L’oratrice a indiqué qu’elle a été très attentive à tout ce qui a été dit pendant la discussion ainsi qu’aux évènements récents qui ont lieu dans le pays. Certains faits sont notoires. Cependant, il est important de souligner que la commission d’experts aurait dû tenir compte des plus récents rapports soumis par le gouvernement afin que la discussion puisse se concentrer sur les informations les plus à jour. Le gouvernement a établi la CEAWC pour traiter des cas d’enlèvements, laquelle a déjà examiné 11 000 des 14 000 cas identifiés. Cependant, l’action de la CEAWC a été suspendue pendant plusieurs mois pour donner effet aux recommandations demandant que des mesures légales soient prises pour lutter contre les enlèvements et le travail forcé. La CEAWC a repris ses activités au début de l’année et 350 autres victimes ont été remises en liberté. La leçon à en tirer est que la commission d’experts doit pleinement tenir compte des circonstances et facteurs propres à un pays puisque, s’agissant de la CEAWC, la décision prise par les autorités nationales s’est avérée efficace et pourrait bien jouer un rôle déterminant en amenant à clore ce cas.
Le membre gouvernemental du Kenya a condamné fermement tous les cas de travail forcé, qui sont inhumains, dégradants et inacceptables en toutes circonstances, en particulier lorsqu’ils touchent les femmes et les enfants. Il faut noter avec appréciation qu’à la suite de préoccupations très importantes concernant la situation au Soudan une Constitution nationale provisoire a été adoptée en 2005, suivie par la signature de l’Accord global de paix au Kenya. L’implication du Kenya résulte des valeurs des droits de l’homme auxquelles il est attaché et au développement socio-économique. De plus, il faut noter l’insertion dans la nouvelle Constitution d’une déclaration de droits visant la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’orateur a réaffirmé clairement le ferme engagement de son gouvernement pour éradiquer les problèmes soulevés par la commission d’experts.
Lorsque le cas a été examiné par la Commission de la Conférence dans une précédente session, le gouvernement avait été instamment prié de suspendre les activités de la CEAWC fondées sur une approche amicale et traditionnelle et d’adopter des procédures légales. Selon le représentant gouvernemental du Soudan, ceci a été fait entre 2006 et 2007 et quatre procureurs ont été nommés pour examiner les plaintes déposées par les personnes enlevées ou par leurs familles. Cependant, les procureurs n’ont pas été saisis de plaintes dans la mesure où les personnes touchées ont préféré les méthodes traditionnelles de la CEAWC. Selon les informations fournies par le représentant gouvernemental, l’approche traditionnelle a donné des résultats, soit l’examen de 350 plaintes. Bien que le nombre actuel soit insignifiant, il faut souligner la réalisation de certains progrès. A présent, il faut déployer plus d’efforts, y compris des mesures légales et des sanctions contre les auteurs du travail forcé et des enlèvements. Il est vrai que les circonstances nationales sont uniques et, par conséquent, des méthodes alternatives pourraient être adoptées pour apporter un changement positif. Comme elle a donné des résultats, la méthode traditionnelle devrait, par conséquent, être encouragée par l’OIT. Le BIT devrait accorder une assistance technique pour permettre au gouvernement d’examiner la manière dont l’approche légale pourrait être combinée avec des moyens traditionnels dans le cadre de l’effort déployé pour éradiquer le travail forcé. La Commission de la Conférence devrait continuer d’encourager le gouvernement pour adopter les mesures les plus appropriées.
Le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a indiqué qu’il a pris bonne note des informations fournies par la commission d’experts concernant la violation de la convention, ainsi que des commentaires faits par le représentant gouvernemental. On ne peut que saluer les efforts du gouvernement visant à promouvoir l’Accord global de paix, qui a été signé au Kenya en janvier 2005 pour le plus grand bénéfice de toutes les parties. Il faut en particulier saluer le fait que le nombre d’enlèvements a été presque réduit à zéro depuis la signature de l’accord et que 11 000 des 14 000 cas d’enlèvements identifiés ont été résolus. Des mesures légales ont été adoptées, incluant la mise en place de tribunaux chargés d’enquêter sur les cas d’enlèvements et de traduire en justice les auteurs, et la convention no 29 a été source d’inspiration pour ces mesures. Il n’y a présentement aucune preuve permettant de prouver que les personnes enlevées sont soumises au travail forcé. Par conséquent, si les cas d’enlèvements ne sont pas commis dans le but de faire exécuter du travail forcé, ils ne sont pas couverts par la convention et doivent de ce fait être examinés par les organes internationaux et les organes des Nations Unies appropriés.
La représentante du Secrétaire général a fourni des explications sur les rapports envoyés par le gouvernement du Soudan au Bureau. Les registres du Bureau indiquent que le rapport daté du 4 septembre 2006 a été envoyé par fac-similé par le gouvernement du Soudan et a été reçu par le Bureau le 11 octobre 2006. Le seul autre rapport reçu par le Bureau est daté du 27 avril 2008 et a été reçu le 30 mai 2008. Les deux rapports ont été rédigés par M. Elmufti, président de la CEAWC. Le Bureau n’a reçu aucun rapport en 2007 bien que celui reçu en 2008 fait référence à un tel rapport. Le Bureau suit une procédure très stricte pour l’enregistrement des rapports reçus et les registres demeurent à la disposition de la délégation gouvernementale pour examen. Il semble qu’il y ait eu un malentendu étant donné que nulle part l’observation de la commission d’experts, dont le passage pertinent est le paragraphe 8, ne mentionne la cessation des activités de la CEAWC. En fait, la commission d’experts a pris note des progrès réalisés par la CEAWC.
Le représentant gouvernemental du Soudan a remercié tous les membres de la commission qui sont intervenus au cours de la discussion, ainsi que la représentante du secrétaire général pour avoir confirmé la réception des rapports fournis par le gouvernement en 2006 et 2008. Il est à espérer que la situation concernant le rapport de 2007 sera réglée rapidement. S’agissant de la question de l’assistance technique, son gouvernement estime qu’une telle assistance peut être fournie à la CEAWC, mais il faudra tenir compte de la situation unique du pays et de l’approche de la CEAWC, laquelle repose sur les traditions des tribus plutôt que sur l’utilisation des forces policières et du maintien de la loi. Le gouvernement est prêt à travailler conjointement avec le Bureau afin de promouvoir l’action la plus efficace sur les problèmes identifiés.
En ce qui concerne la situation au Darfour, le cas est actuellement devant le Conseil de sécurité des Nations Unies et il ne s’agit pas vraiment d’un cas relié au travail. Une organisation internationale non gouvernementale a procédé à l’enlèvement de plus de 100 enfants soudanais âgés de moins de 12 ans, lesquels ont été relâchés par le gouvernement. Le recours aux méthodes traditionnelles s’avère plus efficace que l’institution de procédures légales, étant donné le refus des personnes d’avoir recours à de telles procédures et la reconnaissance internationale dont bénéficient les travaux de la CEAWC. Pour ce qui est du point soulevé par les membres travailleurs, il faut se demander si les sources d’informations, telles que la documentation sur les enlèvements, sont des sources vraiment fiables. En réponse à la question posée par la commission d’experts, il n’y a pas eu de cas de travail forcé depuis que l’Accord de paix a été signé. Une grande majorité des victimes d’enlèvements ont été rendues à leurs familles. De plus, le gouvernement est toujours déterminé à traduire les auteurs de ces crimes et a l’intime conviction que l’abolition complète du travail forcé doit être poursuivie. Cependant, certaines questions demeurent concernant la manière la plus efficace qui lui permettra d’atteindre cet objectif. Les traditions sont profondément ancrées dans la culture des tribus et plusieurs années seront nécessaires pour apporter des changements. Il existe une manière traditionnelle de parvenir à une entente et de résoudre les problèmes. C’est pour cette raison que les tribunaux, les procureurs et la police ne constituent pas nécessairement la méthode disponible la plus efficace. Etant donné le succès mitigé des moyens légaux, le gouvernement préfère maintenant avoir recours aux méthodes traditionnelles qui sont les plus efficaces. Compte tenu des progrès qui ont été faits, il est à espérer qu’il s’agit de la dernière fois que la commission examine le cas présent.
Les membres travailleurs ont indiqué que, bien qu’ils aient écouté les explications positives fournies par le représentant gouvernemental, celles-ci ne sont guère satisfaisantes dans la mesure où ils disposent d’informations contraires à celles données par le gouvernement. En effet, les réponses aux questions concernant la fin du recours au travail forcé dans le pays, la réhabilitation des victimes du travail forcé et les sanctions imposées aux personnes reconnues coupables d’avoir eu recours au travail forcé n’ont pas été fournies. Il est de l’intérêt de tous, y compris du gouvernement, que la situation au Soudan soit clarifiée. Ainsi, la commission d’experts ne sera pas dans l’obligation de mettre ce cas en note de bas de page. Les membres travailleurs ont demandé au BIT de bien vouloir fournir l’assistance technique à la CEAWC et aux autorités soudanaises pour répondre aux questions soulevées. Dans le cas contraire, les membres travailleurs ont indiqué que le cas devrait être examiné à nouveau par la commission d’experts et inclus dans la liste des cas individuels l’an prochain.
Les membres employeurs ont réaffirmé l’importance des conventions nos 29 et 105. Ces deux conventions se réfèrent aux formes les plus inacceptables du travail forcé et constituent les piliers fondamentaux des économies fondées sur le libre marché. D’après les informations disponibles, il existe des preuves que des violations des droits de l’homme et des formes traditionnelles de travail forcé, telles que les enlèvements, ainsi que des formes de travail forcé plus modernes, comme la traite, continuent d’être perpétrées. D’autres problèmes comme la pauvreté, la faiblesse institutionnelle, les éléments culturels et traditionnels existent également. Cependant, il n’y aucune donnée certaine quant à la magnitude et la portée des violations de la convention. La bonne volonté que le gouvernement a exprimée par la création de la CEAWC doit être soulignée. Toutefois, le temps qui s’est écoulé sans qu’aucune solution définitive autre que la bonne disposition du gouvernement n’ait été trouvée ne suffit pas à régler le problème. Par conséquent, le gouvernement doit accepter l’assistance technique du BIT.
La commission a pris note des informations orales communiquées par le représentant gouvernemental et de la discussion détaillée qui a suivi. Elle a relevé qu’il s’agit d’un cas extrêmement grave touchant aux droits de l’homme fondamentaux, du fait qu’il porte sur des pratiques d’enlèvements et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans le contexte d’une guerre civile qui sévit dans le pays. Ce cas a été discuté par la présente commission à de nombreuses reprises au cours des vingt dernières années, et il a fait l’objet plusieurs fois d’un paragraphe spécial. La commission a noté que la commission d’experts a fait ressortir de manière réitérée dans ses rapports que les situations en cause constituent de graves violations de la convention en ce que les victimes sont soumises à un travail pour lequel elles ne se sont pas proposées d’elles-mêmes et qu’elles l’accomplissent dans des conditions extrêmement dures qui s’assortissent de mauvais traitements.
Le représentant gouvernemental a déclaré que la commission d’experts n’avait pas pris en considération les informations plus récentes communiquées par le gouvernement au BIT en avril 2007. Selon le représentant gouvernemental, les commentaires de la commission d’experts contiennent une recommandation tendant à la suspension du fonctionnement de la Commission d’éradication des enlèvements de femmes et d’enfants (CEAWC)
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle le gouvernement maintient son appui à la CEAWC, qui a réussi à documenter 14 000 cas d’enlèvements et à réunir 6 000 personnes à leur famille. La commission a également pris note des informations concernant les activités déployées actuellement par la CEAWC en vue de résoudre les autres cas d’enlèvements, ainsi que de la déclaration du gouvernement selon laquelle les enlèvements ont complètement cessé.
La commission a pris note des mesures prises par le gouvernement, incarnées notamment par les progrès obtenus par la CEAWC en ce qui concerne la libération des personnes enlevées, ainsi que des efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation dans le pays sur le plan des droits de l’homme. Cependant, elle a exprimé l’avis qu’il n’a pas été fourni d’éléments tangibles permettant de vérifier que le travail forcé a été complètement éradiqué dans la pratique, et elle a exprimé ses préoccupations devant certaines informations faisant état de retour involontaire de personnes enlevées qui, pour certaines, auraient été séparées de leur famille, notamment de certaines affaires de déplacement d’enfants non accompagnés. La commission a également noté avec préoccupation qu’aucune responsabilité n’a été recherchée du côté des auteurs de ces agissements. Elle observe une fois de plus la convergence des allégations ainsi que le consensus généralisé entre les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales concernant la persistance et l’étendue des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays.
La commission a estimé nécessaire de poursuivre une action efficace et urgente, y compris à travers la CEAWC, pour éradiquer complètement les pratiques identifiées par la commission d’experts et mettre un terme à l’impunité dans ce domaine en sanctionnant les coupables, notamment ceux qui ne veulent pas coopérer. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement communiquerait dans son prochain rapport devant être examiné par la commission d’experts des informations détaillées indiquant en particulier si l’imposition de travail forcé a complètement cessé, si les victimes de ces pratiques ont été réunies à leur famille et si les auteurs de ces agissements ont été punis.
La commission a instamment prié le gouvernement de poursuivre avec vigueur ses efforts tendant à la pleine application de la convention en droit et dans la pratique. Elle a invité à nouveau le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT ainsi que d’autres donateurs dans ce but, en ayant à l’esprit que seule une vérification indépendante de la situation dans le pays permettra de déterminer si les pratiques de travail forcé ont été complètement éradiquées.
Un représentant gouvernemental a déclaré qu'il était président de la Commission pour l'éradication de l'enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), laquelle fait rapport au Président de la République, et qu'il était donc en mesure de donner des détails sur ce cas. Il était heureux de faire savoir à la commission que la CEAWC avait examiné 14 000 cas d'enlèvement signalés, et qu'elle en avait résolu 11 000 grâce à un dur travail d'examen de documents, de recherche et de localisation, et grâce à des mesures de regroupement. Plus de trois millions de dollars ont été dépensés à cette fin, dont les deux tiers fournis par le gouvernement soudanais entre mars 2004 et mars 2005, en raison de la lenteur de l'arrivée des fonds des donateurs. Le gouvernement s'est engagé à apporter les fonds pour l'examen des 3000 cas restants, dont un grand nombre ne sont pas vraiment des cas d'enlèvement au sens strict du terme, dans la mesure où les personnes concernées, qui bénéficient de la connaissance des organismes internationaux, ont demandé à ne pas être renvoyées dans leur lieu d'origine. La coopération de la CEAWC avec la Commission des chefs Dinka (DCC) a permis de mettre en relief le volet "consolidation de la paix" du travail de la CEAWC.
Grâce au financement du gouvernement, la CEAWC a pu traiter plus de 7 500 cas rien que l'an dernier. Cela montre bien à quel point le Soudan prend au sérieux la résolution du problème des enlèvements. Ces efforts ont bien entendu été salués par la communauté internationale, notamment lors de la 61e session de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui a adopté une résolution (E/CN.4/RES/2005/82) dans laquelle elle se félicite de l'action engagée par le gouvernement du Soudan pour lutter contre les enlèvements de personnes, et plus particulièrement du travail de la CEAWC. En outre, le Directeur et Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Soudan a noté, dans une lettre du 11 mai 2005, que de nombreuses personnes enlevées étaient revenues chez elles.
En ce qui concerne l'observation de la CISL contestant la position prise par le gouvernement à la CIT 2004, à savoir que les enlèvements avaient cessé, le représentant gouvernemental a de nouveau confirmé qu'il n'y avait plus d'enlèvements. Il a fait remarquer que le Comité des chefs du Dinka (DCC), qui a été l'un des principaux plaignants dans les cas d'enlèvement, fait à présent partie intégrante de la CEAWC (quatre des six postes les plus importants sont occupés par des Dinka) et qu'elle pourrait témoigner du fait que les enlèvements se sont arrêtés.
D'autre part, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a soutenu, dans plusieurs de ses résolutions, la manière de procéder de la CEAWC, à savoir de ne pas imposer de sanctions pénales aux ravisseurs tant qu'ils coopéraient avec elle. Par exemple, dans la résolution no 2002/16, il est prévu de poursuivre en justice ceux qui ne veulent pas coopérer.
Compte tenu des progrès susmentionnés, le cas du Soudan ne devrait plus figurer sur la liste de cette commission et devrait être considéré comme clos. Si tel n'était pas le cas, cette commission se retrouverait dans une situation inédite, celle de continuer à se pencher sur un cas dans lequel les communautés locales concernées et organisations concernées des Nations Unies ont noté qu'il y a eu des progrès.
Un autre représentant gouvernemental (ministre du Travail et de la Réforme administrative) a fait remarquer que les progrès enregistrés n'auraient pas été possibles sans la participation des groupes tribaux concernés - les Dinka, les Messiria, les Rezigat et d'autres encore. Il a regretté que le rapport de la commission d'experts soit basé sur des informations anciennes et erronées, et s'est déclaré surpris que le cas ait refait surface après avoir été classé l'an dernier. Il a en outre fait observer que les institutions du système des Nations Unies se sont référées au problème des enlèvements, alors que cette commission a parlé d'esclavage, un terme que le gouvernement rejette totalement.
Le gouvernement et le Mouvement de libération du peuple du Soudan (SPLM) ont mis fin au conflit dans les régions du sud du Soudan, du Nil Bleu et de la montagne Nuba, qui était l'une des causes sous-jacentes des enlèvements. L'accord historique conclu à Nairobi, le 9 janvier 2005, par le gouvernement et la SPLA sera le garant de cette paix. Une commission constitutionnelle a été constituée pour rédiger une constitution provisoire, qui sera soumise la semaine prochaine, pour aval, au Parlement et au Conseil national de libération de la SPLA. La constitution provisoire comprendra une charte interdisant l'esclavage. L'orateur a remercié les participants à la récente conférence des donateurs en Norvège, en particulier la Norvège et les États membres de l'Union européenne, les États-Unis et les pays africains et arabes, pour leur soutien au processus de paix. L'an prochain, la délégation soudanaise à l'OIT comprendra des membres de la SPLA.
A la lumière de ce qui précède, l'orateur a demandé la clôture de ce cas. Il a rappelé à la commission que sa délégation était opposée à une mission de contacts directs et qu'elle rejetterait toute proposition visant à en constituer une. Il a également déclaré que toute tentative de lier ce cas à la situation dans la région du Darfour était inacceptable, car ce dernier cas revêt une toute autre dimension et est en cours de traitement par le gouvernement, les Nations Unies et l'Union africaine. Il s'est déclaré préoccupé par le fait que des membres aient tenté d'utiliser ce cas pour leurs propres raisons politiques. Il faudrait, a-t-il dit, que la commission réexamine son mode de fonctionnement afin d'éviter qu'il y ait deux poids deux mesures. L'OIT devrait se concentrer sur les développements positifs enregistrés au Soudan et fournir une assistance technique, en particulier dans les domaines de la démobilisation et de la réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées.
Les membres travailleurs ont regretté que la commission doive une fois de plus discuter de l'application de la convention no 29 par le Soudan. Lors de la dernière session de la Conférence, la commission s'est déclarée profondément préoccupée par les rapports successifs faisant état d'enlèvements et de travail forcé, et elle a demandé au gouvernement d'adopter des mesures rapides et efficaces pour mettre un terme à ces pratiques. Les membres travailleurs ont relevé des éléments positifs et d'autres négatifs à la lecture de l'observation de la commission d'experts faisant suite au rapport soumis par le gouvernement en octobre 2004, ainsi qu'à des commentaires transmis par des organisations internationales, des organisations internationales de travailleurs et des ONG. Après la conclusion de trois protocoles de paix en mai 2004, dont un comportant des dispositions sur les droits de l'homme et des enfants, et la libération de plus de 1 000 personnes enlevées, il convient de saluer cette année la conclusion d'un accord de paix global dans le conflit opposant le nord et le sud du pays. Ces développements n'ont malheureusement pas apporté de solution aux graves problèmes qui se posent dans le cadre de l'application de la convention no 29.
Selon le gouvernement, les enlèvements ont complètement cessé. Certes, la CEAWC n'a pas enregistré de nouveaux cas d'enlèvements depuis deux ans; cependant, ce constat n'est pas entièrement convaincant, dans la mesure où la CEAWC n'a pas la capacité de collecter des informations ni de mener des investigations. Pour la région du Darfour en particulier, tous les rapports disponibles, qu'ils émanent d'ONG ou d'organisations internationales, y compris le dernier rapport de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour des Nations Unies, font état de nombreux cas d'enlèvements et d'esclavage sexuel. La commission d'enquête affirme notamment que des viols et autres formes de violence sexuelle sont commis sur une large échelle au Darfour par la milice Janjaweed et par des soldats de l'armée régulière.
La CEAWC reconnaît que 14 000 personnes auraient été enlevées. Elle aurait apporté son assistance pour le retour de 2 628 victimes entre 1999 et mai 2004. Il resterait donc environ 10 000 personnes enlevées attendant d'être identifiées et réunies avec leurs familles. Cependant, selon les informations communiquées par l'UNICEF, les opérations d'aide au retour de la CEAWC sont suspendues depuis mars 2005.
Par ailleurs, le gouvernement a été prié à maintes reprises d'assurer que les sanctions pénales prévues sont effectivement appliquées aux auteurs des enlèvements. La CEAWC a d'ailleurs confirmé que le meilleur moyen d'éradiquer la pratique des enlèvements était d'intenter des actions en justice. Lors de la dernière session de la Conférence, le ministre du Travail a déclaré devant la présente commission que le gouvernement avait prévu les moyens budgétaires permettant à la CEAWC d'entamer des poursuites pénales, tout en précisant que ces procédures étaient trop longues et pouvaient même s'avérer dangereuses pour les victimes elles-mêmes. Aujourd'hui, la première poursuite à l'encontre d'auteurs d'enlèvements se fait toujours attendre. Le gouvernement aurait au minimum dû accélérer les procédures judiciaires et assurer une meilleure protection aux victimes.
Les membres travailleurs ont relevé que le gouvernement réitérait sans cesse sa condamnation de toutes les formes d'esclavage et confirmait son engagement de coopérer avec les organisations internationales pour éradiquer le phénomène des enlèvements. Par conséquent, ils ont une nouvelle fois proposé l'organisation d'une mission de contacts directs afin de vérifier la situation réelle sur place et d'analyser les besoins du pays en matière d'assistance technique, même s'ils ont pu constater, d'après la déclaration du représentant gouvernemental, que le gouvernement n'accepterait pas une telle proposition.
Les membres employeurs se sont dits surpris de constater que le gouvernement adoptait une attitude défensive dans ce cas. Ils pensaient que le gouvernement accueillerait favorablement la possibilité de fournir les informations dont ne disposait pas la commission et de souligner les changements positifs intervenus dans ce domaine. Ils ont rappelé que la convention no 29 imposait à chaque État Membre qui la ratifie de s'engager à supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes, dans le plus bref délai possible. Aux fins de la convention, le terme travail forcé ou obligatoire désigne tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré. Le gouvernement n'a pas déclaré que le travail forcé avait été aboli. Le fait que plus de 3 500 cas d'enlèvements doivent encore faire l'objet de poursuites démontre qu'un problème persiste et ne disparaîtra probablement pas dans un très proche avenir. Il est donc difficile de convenir avec le gouvernement que le cas est clos.
Il n'existe pas d'informations suffisantes permettant de déterminer si les enlèvements ont effectivement cessé au Soudan. Le gouvernement a indiqué qu'il avait soumis un rapport au BIT, mais les membres employeurs n'ont pas connaissance d'un document qui aurait été soumis à la commission, comme le veut la pratique habituelle. Le gouvernement devrait veiller à ce que les informations pertinentes soient soumises à la commission d'experts.
Les membres employeurs ont également été étonnés du rejet intégral de l'idée d'une mission de contacts directs, compte tenu tout particulièrement des événements récents au Soudan. L'accord de paix et l'ouverture de la société semblent appeler à un plus grand engagement envers l'OIT. Une telle mission permettrait une meilleure compréhension des poursuites intentées dans les cas d'enlèvements. En conclusion, les membres employeurs ont reconnu que des progrès tangibles avaient été accomplis dans ce cas. Cependant, une grande partie de l'information ne peut être vérifiée et il n'est donc pas possible de conclure que le travail forcé a été aboli dans le pays.
Le membre travailleur du Soudan a déclaré que les accusations d'esclavage et de travail forcé ne sont pas uniquement des insultes faites au gouvernement mais au peuple soudanais tout entier ainsi qu'aux syndicats qui, a-t-il rappelé, ont renversé deux gouvernements militaires en ayant recours aux soulèvements populaires et aux grèves. Ce cas a, pour la première fois, été discuté en 1984 à la suite de la publication d'un livre par deux enseignants soudanais. Le gouvernement a toujours soutenu que la raison principale des enlèvements était la guerre qui a duré cinquante ans et qui est aujourd'hui terminée. Après des discussions avec la communauté internationale, la CEAWC a été mise en place avec un soutien financier international qui n'a pas encore été reçu. Malgré cela, avec le peu de ressources dont il dispose, le gouvernement est parvenu à résoudre 75 pour cent des cas d'enlèvements et a pu, après d'âpres négociations, conclure un accord de paix. Aucun de ces développements positifs n'est pourtant reflété dans le rapport de la commission d'experts, et cela en dépit du fait que ces développements ont été salués par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. La liaison faite entre ce cas et la situation malheureuse au Darfour est inappropriée, mais cette dernière sera surmontée sans intervention étrangère. La commission devrait chercher à ce que l'assistance technique mentionnée dans les conclusions de l'année passée soit mise à la disposition du gouvernement. Il est temps que cette commission s'éloigne des questions politiques et se concentre sur l'application des normes internationales du travail qui constitue une question importante pour les travailleurs en Afrique et dans le Sud sous-développé.
Le membre employeur du Soudan a souligné que le Soudan a réalisé des progrès mais la commission d'experts n'en a pas fait état dans son rapport. Il a cité notamment la conclusion d'un accord de paix global qui constitue, en même temps, un projet de constitution transitoire prévoyant la garantie des droits de l'homme et l'engagement du processus de révision des lois nationales en vue d'assurer leur conformité avec les dispositions de l'accord de paix et de la constitution transitoire. Le dialogue social est renforcé au Soudan et devient un instrument essentiel dans le règlement des grandes questions dans le pays. La communauté internationale a apprécié et encouragé ces progrès.
L'orateur a déclaré que les enlèvements étaient liés à la guerre civile. Grâce à la conclusion de l'accord de paix, ceux-ci ont cessé, et plusieurs centaines de personnes ont regagné leurs foyers. Mais de nouveaux défis apparaissent. Ils concernent la création des opportunités de travail décent, la garantie des droits de l'enfant et des droits de l'homme. Il a souhaité que la commission prenne en compte ces développements en vue de les soutenir et a invité l'OIT à fournir au Soudan l'assistance nécessaire pour renforcer les organisations syndicales et promouvoir le dialogue social.
La membre gouvernementale du Luxembourg, s'exprimant au nom de l'Union européenne, ainsi que de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Bulgarie, du Canada, de la Croatie, de l'ex-République yougoslave de Macédoine, de la Norvège, de la Roumanie, de la Serbie-et-Monténégro, de la Suisse, de la Turquie et de l'Ukraine, a exprimé la grande préoccupation de l'Union européenne face à la situation faisant l'objet de l'observation de la commission d'experts. Elle a fermement condamné les pratiques persistantes, confinant à l'esclavage, d'enlèvement, de traite et de travail forcé au Soudan, dont sont plus particulièrement victimes les femmes et les enfants. L'oratrice a également noté avec une profonde préoccupation la convergence des allégations et le large consensus existant entre les organes des Nations Unies, les organisations représentatives des travailleurs et les organisations non gouvernementales concernant la persistance et l'ampleur des pratiques d'enlèvement et de travail forcé, qui constituent une grave violation de la convention no 29. Les victimes sont en effet contraintes d'effectuer, dans des conditions extrêmement pénibles, des travaux pour lesquels elles ne se sont pas offertes de leur plein gré et subissent en outre des mauvais traitements pouvant aller jusqu'à la torture et la mort.
L'oratrice a rappelé qu'en 2004 la commission avait invité le gouvernement à adopter des mesures rapides et efficaces pour punir les auteurs de ces actes. Elle a exhorté le gouvernement à prendre les mesures requises pour assurer l'institution de poursuites à l'encontre des auteurs de ces actes et l'application de sanctions pénales, afin de mettre un terme à l'impunité. Ces mesures devraient revêtir une grande priorité.
L'Union européenne s'est engagée en faveur de la restauration de la paix et du développement au Soudan et appuie les efforts menés par l'Union africaine à cette fin. L'Union européenne salue la signature, en janvier 2005, de l'Accord global de paix dans le conflit Nord-Sud, mais reste très préoccupée par la poursuite des violences contre la population civile au Darfour. L'oratrice a exprimé l'espoir que les pourparlers de paix devant se tenir à Abuja seront fructueux, que l'Accord global de paix sera intégralement mis en œuvre et que la crise du Darfour connaîtra une évolution positive. Compte tenu de la gravité de la situation, elle a exhorté le gouvernement à prendre des mesures efficaces et immédiates pour éradiquer toutes les formes de travail forcé.
La membre gouvernementale du Nigéria a exprimé sa désapprobation quant au mode de sélection des cas individuels et a fait remarquer que la liste initiale des cas individuels avait été modifiée au préjudice de la région africaine.
Une question d'ordre a été déposée par le membre travailleur de la France.
Le Président l'a approuvée en demandant à l'orateur de s'en tenir à la question discutée.
La membre gouvernementale du Nigéria a poursuivi en déclarant que le Soudan était en proie à la guerre, ce qui avait grandement préoccupé la région africaine, et a considéré que les cas d'enlèvements au Soudan étaient le résultat de ce conflit. Elle a constaté avec joie que cette situation était terminée. Se référant à l'information communiquée par le représentant gouvernemental à la commission concernant les activités de la CEAWC, l'oratrice a fait remarquer que des organisations internationales, telles que l'UNICEF, ont fourni une assistance afin de compléter les efforts du gouvernement dans ce domaine et a salué ces efforts. Dans la mesure où la guerre a pris fin et que le gouvernement a fait preuve de manière convaincante de son engagement pour éliminer les enlèvements, la commission devrait reconsidérer sa position sur le cas. L'oratrice a également recommandé de retirer ce cas de la liste des cas individuels et de fournir au gouvernement une assistance afin de traiter efficacement de cette question.
Le membre travailleur de Cuba a déclaré que le rapport de la commission d'experts permet de se rendre compte de la complexité du cas du Soudan. La gravité des faits ne fait aucun doute, bien qu'il y ait peu de références sur leur cause. En même temps, comme le reconnaît la commission, le gouvernement a pris des mesures positives et réaffirmé son engagement à résoudre le problème du travail forcé. Il y a lieu de faire preuve de compréhension par rapport aux énormes défis auxquels le gouvernement est confronté en vue d'assumer efficacement ses responsabilités. Des informations récentes ont fait état de la conclusion d'un accord de paix dans le conflit armé affectant le pays depuis 1955. Ce fait jouera sans aucun doute un rôle important dans l'évolution future de la situation du pays et il faudra du temps et des efforts notables pour qu'il se traduise dans les faits avec succès.
L'orateur a, de ce fait, demandé à la commission de se prononcer en faveur de l'octroi de l'assistance technique du BIT et de la communauté internationale afin de permettre au gouvernement du Soudan de réaliser davantage de progrès dans la résolution des problèmes examinés par cette commission et de s'engager à les affronter. Il serait important que soit pris en considération le fait que la fin de la guerre a créé un climat favorable à l'application normale des lois et à un meilleur respect par le gouvernement de ses obligations. Cette commission devrait également tenir compte des informations communiquées par le membre travailleur du Soudan, des progrès réalisés jusqu'à maintenant et des engagements réitérés par le gouvernement. L'orateur a exprimé l'espoir que les lois soudanaises seront appliquées rigoureusement et dans le strict respect de la convention no 29.
Le membre gouvernemental de l'Afrique du Sud a fait remarquer que de nombreux gouvernements et organisations internationales se sont engagés à faire en sorte que le gouvernement et le peuple du Soudan reçoivent le soutien dont ils ont tant besoin. Dans les situations de guerre, de pauvreté et de souffrance, il est très difficile d'appliquer les conventions de l'OIT. Il semble cependant que le gouvernement ait réussi à faire beaucoup progresser les choses. L'orateur a appelé les gouvernements et les organisations du monde entier à répondre positivement à l'appel du gouvernement soudanais en faveur de la population de ce pays. Il a fait observer que, dans cet esprit, l'assistance technique du BIT jouerait un rôle très important pour la résolution des problèmes actuels et il a souligné l'importance du dialogue.
La membre travailleuse du Brésil a indiqué avoir lu très attentivement le rapport des experts et le rapport des activités sur le terrain de la CEAWC, qui a réussi à résoudre 75 pour cent des cas. Elle a examiné également le rapport du gouvernement du Soudan, duquel peuvent être notés ses efforts pour retrouver les personnes séquestrées et en terminer avec cette pratique dans la région en conflit. Elle a aussi étudié avec une attention spéciale les observations de la CISL basées sur les rapports du département d'État des ÉtatsUnis.
L'oratrice a considéré que cette commission devait se poser la question de savoir pourquoi elle continue à examiner le cas du Soudan depuis seize ans et pour quelle raison elle tente de lui imposer des sanctions, sous le prétexte du travail forcé, alors que nous savons tous qu'il existe une guerre civile dans le sud de ce pays et que le gouvernement a signé, après les protocoles, un accord de paix en janvier de cette année. Cette commission devrait se demander quel est le véritable fondement technique permettant de dire qu'il y a du travail forcé dans une région où la guerre est une réalité. La réponse à ces questions est très simple et est bien illustrée par le compte rendu publié dans la presse nord-américaine par un des participants à la mission des États-Unis au Soudan, lequel se réfère très clairement à l'existence d'énormes réserves de pétrole dans le sud du Soudan et dans le sud du Darfour. C'est pour cette raison, et non pour une autre, que le département d'État des États-Unis est intéressé à imposer des sanctions au Soudan, justifiant d'autres séries de conséquences bien connues. Cela explique même pourquoi le conflit armé dans la région continue à être alimenté.
L'oratrice a, en conséquence, conclu en lançant un appel à la commission afin qu'elle ne commette pas d'injustice contre un pays d'Afrique si meurtri, exploité et malmené par la guerre. Alors que pour certains les injustices se répètent, par l'imposition de sanctions, des puissantes superpuissances réduisent en esclavage d'autres nations et promeuvent la guerre et l'occupation militaire afin d'obtenir leurs richesses.
Le membre travailleur de la Jamahiriya arabe libyenne a déclaré que des organisations syndicales, telles que la Confédération syndicale des pays du Littoral et du Sahara et l'Organisation de l'union syndicale africaine, se rendent régulièrement au Soudan et sont, de ce fait, plus près des réalités du pays. La guerre a duré plus de cinquante ans et il se réjouit de l'accord de paix signé au début de cette année ainsi que de la volonté manifeste du gouvernement d'assurer la stabilité dans le pays. Les rapports du gouvernement indiquent qu'il a été mis fin au phénomène d'enlèvements et celui-ci a manifesté son intention d'examiner les situations antérieures, ce qui mérite un soutien et un encouragement pour l'aider à mener à bien le processus de paix et de stabilité qu'il a entamé.
Pour conclure, il a déclaré que, du fait de sa neutralité et parce qu'elle est juste, la commission doit apprécier les efforts déployés par le gouvernement soudanais et lui apporter le soutien nécessaire au lieu de le mettre systématiquement sur la liste des cas individuels depuis seize ans.
La membre gouvernementale de l'Égypte a relevé que, selon les rapports de certaines organisations internationales, les efforts déployés par le Soudan ont porté leurs fruits. Malgré les problèmes économiques et les considérations géographiques, le Soudan a manifesté sa volonté politique de combattre ce fléau à travers la commission CEAWC. Elle a déclaré que les pays donateurs ont contribué au financement des projets de la CEAWC et a invité le BIT à fournir au gouvernement une assistance technique pour surmonter les difficultés.
En conclusion, la membre gouvernementale a souligné que le Soudan a réalisé des progrès et a souhaité que les pays donateurs augmentent leurs aides à ce pays pour qu'il soit à même de mieux combattre ce fléau. Elle a invité la commission à apprécier les efforts déployés par le Soudan compte tenu des conditions particulières dont il souffre.
Le membre travailleur du Sénégal a noté que le cas de la violation de la convention no 29 par le Soudan était une nouvelle fois examiné par cette commission et que les informations contenues dans le rapport de la commission d'experts prennent à contre-pied les déclarations du gouvernement. Cette commission doit donc apprécier les faits à leur juste valeur. Or des sources concordantes, et notamment le rapport des Nations Unies de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour de 2005, démontrent que les pratiques d'enlèvement, de traite, de travail forcé et d'esclavage sexuel affectent des milliers de femmes et d'enfants dans les régions où existe un conflit armé. Malgré l'engagement du Comité pour l'élimination de l'enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC) de poursuivre les responsables et les fonds qui lui ont été alloués à cette fin, aucune action judiciaire n'a été entamée. Les efforts du gouvernement sont en pointillés. L'esclavage continue à être une réalité au Soudan où des milliers de personnes attendent encore leur libération et où de nouveaux enlèvements se produisent encore. Bien que la signature de l'accord global entre le gouvernement et la SPLA en janvier 2005 soit un événement positif et contribue à créer un nouvel environnement, cet accord ne conduira pas automatiquement à la fin des enlèvements et aux violations des droits de l'homme, comme les événements du Darfour l'ont montré. Ainsi, des différences d'appréciation persistent mais les normes doivent reprendre leurs droits et cette commission doit rester fidèle à ses valeurs quoi qu'il advienne. Un refus d'accepter une mission du BIT signifierait que le gouvernement refuse de coopérer; la commission devrait alors tenir le cap, quitte à froisser des susceptibilités.
Le membre gouvernemental de la Jamahiriya arabe libyenne a déclaré que grâce aux projets qu'il a mis en place, en coopération avec la communauté internationale, le gouvernement du Soudan a réussi à résoudre plusieurs centaines de cas d'enlèvements et de travail forcé. Il a rappelé que ces efforts ont été reconnus par la Commission des droits de l'homme en avril 2005 mais que ceux-ci, en revanche, n'apparaissent pas dans le rapport de la commission d'experts. S'appuyant sur ces progrès, il a demandé que le Soudan soit retiré de la liste des cas individuels.
La membre gouvernementale de Cuba a déclaré que les initiatives de paix menées dans le cadre d'un mécanisme régional font espérer qu'il sera mis un terme à un long conflit qui a entraîné d'indicibles souffrances pour le peuple soudanais, et que les violations mentionnées dans le rapport de la commission d'experts prendront fin. Les accords de paix devront faciliter la formation d'un gouvernement d'unité nationale, et il incombera à tous les acteurs concernés de veiller à ce que l'ensemble des pratiques de travail forcé cessent. Cette possibilité de contrôle doit favoriser l'élaboration de mesures législatives, administratives et pénales destinées à mettre fin à l'impunité dont bénéficient les auteurs de violations. L'élimination de toute forme de travail forcé, la promotion et la diffusion des normes internationales du travail sont la raison d'être de l'OIT, et contribuent largement au renforcement de la paix et à la reconstruction nationale dans une société prospère. L'OIT devrait être disposée à répondre favorablement à la demande d'assistance technique formulée par le gouvernement pour promulguer la nouvelle législation nationale et adopter d'autres mesures.
Le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a déclaré que le Soudan a connu une guerre civile qui a duré plus d'un demi-siècle, ce qui a ébranlé le pays, notamment d'un point de vue économique et social. Malgré cette situation difficile, le gouvernement a déployé des efforts considérables pour instaurer la paix et la stabilité dans le pays qui conduiraient à la stabilité économique et sociale nécessaire à l'amélioration des conditions de travail. Compte tenu, notamment, des efforts du gouvernement pour appliquer les normes internationales du travail et remédier aux situations engendrées par la guerre, l'orateur a exprimé l'espoir que le BIT fournisse, à ce pays, l'assistance matérielle et technique nécessaire pour l'aider à surmonter les difficultés qu'il a rencontrées.
Le représentant gouvernemental a indiqué qu'il était content d'avoir entendu, selon tous les commentaires effectués, que les éléments présentés dans son rapport à la Commission de la Conférence avaient été généralement acceptés. Cependant, il convient de corriger certains chiffres mentionnés pendant la discussion. Les véritables chiffres font état de 3500 et 7 500 personnes enlevées, que la CEAWC a pu retrouver, certaines ont rejoint leurs familles. Ces chiffres ne se réfèrent pas aux poursuites des responsables d'enlèvements. Ainsi, depuis le début des activités de la CEAWC en 1999, et après la cessation des hostilités, un total de 11 000 personnes enlevées ont été retrouvées et certaines ont retrouvé leurs familles.
Il a indiqué qu'il ne souhaitait faire aucun commentaire sur les allégations effectuées par certains membres travailleurs. De nombreuses agences des Nations Unies ont visité le Darfour et ont confirmé la situation, telle qu'elle est expliquée par le gouvernement. Elles ont avalisé le fait que la CEAWC s'occupait de la question de manière efficace. Néanmoins, le problème au Darfour n'a pas d'intérêt s'agissant du cas discuté devant la commission.
Concernant les mesures prises au sujet des enlèvements, il a affirmé que son gouvernement continuerait à faire usage des méthodes traditionnelles telles que les réunions de conciliation tribale, au lieu d'intenter des procès aux coupables d'enlèvements. Cela est le souhait des tribus et du comité des chefs de Dinka. Les Nations Unies elles-mêmes ont accepté cette approche.
En conclusion, il a insisté sur le fait que le travail forcé n'existe pas dans son pays, même si des enlèvements se sont produits. Ceux qui ont été enlevés sont restés avec leurs ravisseurs jusqu'à ce que les paiements soient effectués et que le nécessaire soit fait pour qu'ils retrouvent leurs familles. Il a cependant insisté sur le fait que cette affaire était maintenant close, et qu'il n'y avait plus d'enlèvements. Concernant la formation d'un gouvernement d'unité nationale, avec ceux qui étaient auparavant des opposants, il est nécessaire de se concentrer sur le développement et la reconstruction.
Les membres travailleurs ont indiqué que les discussions sur le cas du Soudan ont été marquées par une grande divergence d'opinion de la part des membres de la commission, divergence qui s'est manifestée au sein même du groupe des travailleurs. A cet égard, il convient de mentionner que les délégués de la CISL et de la CMT se dissocient des discours prononcés par certains collègues travailleurs. Les opinions ou idéologies différentes ont toujours été respectées au sein du groupe des travailleurs. Il faut donc que cette règle soit respectée de tous et que les rapports officiels relatant certains faits indéniables soient pris en considération. Il ne faut pas oublier que le tripartisme, fondement de l'OIT, se base notamment sur la libre pensée et l'indépendance des opinions.
Les membres travailleurs ont proposé qu'une mission de contacts directs se rende dans le pays afin d'obtenir plus d'informations sur la situation actuelle et, ainsi, dissiper les malentendus. Une telle mission pourra évaluer les besoins en matière d'assistance technique. Ils ont appelé le gouvernement à organiser cette mission, laquelle permettra également de renforcer sa position. Toutefois, dans l'éventualité où le gouvernement n'accepterait pas la mission de contacts directs, la commission se doit d'adopter des conclusions fermes, lesquelles devront mentionner qu'il s'agit d'un cas de défaut continu. En outre, ils ont également demandé que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.
Les membres employeurs ont déclaré que, parmi tous les cas examinés par la commission, celui-ci est l'un des plus sérieux et a déjà fait l'objet d'un examen à plusieurs reprises. La vraie question est de savoir si le travail forcé a été aboli en pratique dans le pays. Bien que le gouvernement ait fait des efforts, comme l'a indiqué la commission d'experts, les mesures ont clairement besoin d'être renforcées.
Les membres employeurs souhaitent rappeler que le travail de la Commission de la Conférence se fonde essentiellement sur des faits plus que sur des allégations. De plus, pour des cas examinés depuis longtemps, comme pour le cas présent, il n'est pas du tout rare que les conditions prévalant dans un pays fassent l'objet d'une vérification indépendante. En effet, si le gouvernement souhaite que ce cas prenne fin, comme il le revendique, il devrait permettre une telle vérification indépendante. Si d'autres agences des Nations Unies ont pu visiter le pays, l'OIT devrait pouvoir en faire autant.
Toutefois, une certaine sensibilité est requise pour le traitement d'un cas où un certain nombre de progrès ont été réalisés ces deux dernières années. Les progrès réalisés doivent être reconnus et le soutien financier ou autre, fourni par la communauté internationale, renforcé. Il est probable que le représentant gouvernemental n'ait d'autorité que pour rejeter la proposition de mission de contacts directs. Un effort doit donc être fait pour trouver une solution alternative. Le Soudan est un pays en développement pauvre et marqué par la guerre. Il devrait être demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé contenant des informations générales et spécifiques sur l'ensemble des sujets soulevés par la commission d'experts. Le BIT devrait également entamer des discussions avec le gouvernement afin d'établir une procédure crédible qui permettra l'établissement des faits. Si le gouvernement pense que le cas est clos, il doit être prêt à le démontrer. Toutefois, si le gouvernement n'est pas prêt cette année à mettre en place une procédure pour établir les faits, l'attitude des membres employeurs changera l'année prochaine.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi. La commission a noté que ce cas a fait l'objet de discussions devant ce comité depuis plusieurs années. La commission a noté les informations contenues dans le rapport de la commission d'experts selon lesquelles le fait que des victimes soient forcées de travailler, dans des conditions parfois extrêmement difficiles, et soient exposées à des mauvais traitements tels que la torture qui peuvent entraîner leur mort, constitue de graves violations de la convention.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles, sur 14000 cas d'enlèvements, 11 000 ont été résolus, au moyen de méthodes traditionnelles; ce qui a coûté plus de trois millions de dollars dont les deux tiers ont été pris en charge par le gouvernement. Le gouvernement a également indiqué que 7 500 personnes ont été retrouvées au cours des douze derniers mois contre 3 500 entre 1999 et 2004. Le gouvernement a encore fait référence à la fin de la guerre civile et au fait que les enlèvements ont cessé. Le gouvernement a demandé de bénéficier de l'assistance technique pour les zones de démobilisation et afin d'assurer la réinsertion des victimes.
La commission a observé que les allégations des agences des Nations Unies, des représentants d'organisations de travailleurs et d'ONG concordent, et que ceux-ci partagent le même point de vue concernant la poursuite et l'étendue des pratiques d'enlèvement et de recours au travail forcé.
La commission a noté que malgré des progrès tangibles, par exemple la conclusion d'un accord de paix, il n'y a pas de preuve vérifiable que le travail forcé ait été éradiqué.
La commission a invité le gouvernement à se prévaloir de l'assistance technique du BIT et d'autres donateurs, afin d'éradiquer les pratiques identifiées par la commission d'experts et d'assurer que les responsables sont poursuivis en justice.
La commission a considéré que seul un contrôle indépendant de la situation dans le pays pourra déterminer si le recours au travail forcé a cessé. La commission a par conséquent décidé que, dans le cadre de l'assistance technique fournie par le BIT, un examen approfondi des faits devra être effectué et a demandé au gouvernement de fournir toute l'assistance nécessaire à cette fin.
La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées, dans son prochain rapport à la commission d'experts, sur tous les points soulevés, et ce de toute urgence. Elle a également exprimé le ferme espoir que des progrès pourront être constatés, dans un proche avenir, concernant la mise en œuvre, en droit comme dans la pratique, de la convention.
Un représentant gouvernemental a commencé en déclarant que son gouvernement condamne toutes les formes d'esclavage, de servitude et actes similaires qui sont contraires à la morale et constituent une violation de la Constitution du Soudan. Ces actes constituent des crimes punis par la législation. En réponse aux observations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), qui étaient parvenues tardivement à son pays, l'orateur a assuré la Commission de la Conférence que des réponses ont été envoyées au BIT et seront soumises à la commission d'experts, à sa prochaine session de novembre 2004. Le gouvernement souhaite et veut sincèrement collaborer avec diverses organisations internationales pour l'éradication du phénomène de l'enlèvement. A cet égard, le Comité pour l'éradication du phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants (CEAWC) avait été créé en vue de l'application de la résolution de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, adoptée à l'unanimité en avril 1999, dont le but est de rechercher les cas d'enlèvement et de favoriser, en priorité, le retour des personnes enlevées dans leurs familles. A cette fin, le CEAWC a élaboré des plans d'action en collaboration avec l'Union européenne, l'UNICEF, l'Organisation du Royaume-Uni "Save the children", l'Organisation suédoise pour l'enfance et recherche des financements supplémentaires, en plus des fonds gouvernementaux.
Il a informé la commission qu'un décret présidentiel avait été promulgué en 2002, aux termes duquel le CEAWC serait rattaché à la présidence. Depuis lors, le CEAWC a permis, à travers ses différents branches et organes, le retour de personnes enlevées dans les régions de Kurdufan, du Darfour et dans le sud du Soudan: a) en mars 2003, 143 personnes enlevées ont rejoint leurs familles dans l'ouest du Kurdufan grâce aux fonds de l'Union européenne et avec la participation de l'UNICEF, b) en mars 2003, 54 personnes ont rejoint leurs familles au sud du Darfour grâce aux fonds de l'Union européenne et avec la participation de l'UNICEF, c) en août 2003, 69 personnes ont rejoint leurs familles dans le sud du Darfour grâce aux fonds de l'Union européenne et avec la participation de l'UNICEF, d) en août 2003, 80 personnes à l'ouest du Kurdufan grâce aux fonds de l'Union européenne et avec la participation de l'UNICEF, e) en septembre 2003, 57 personnes ont pu retrouver leurs familles à l'ouest du Kurdufan grâce à des ressources provenant de BIR International Organisation, f) en octobre 2003, 57 autres ont rejoint leurs familles à l'ouest du Kurdufan grâce au financement de l'Organisation suédoise "Sauvez les enfants", g) 46 personnes au sud du Darfour grâce au financement de l'Organisation suédoise "Sauvez les enfants", h) entre décembre 2003 et janvier 2004, 134 personnes ont pu, grâce à des fonds gouvernementaux, retourner dans leurs familles, i) en janvier 2004, 88 personnes enlevées ont rejoint leurs familles dans l'ouest du Kurdufan grâce à différents donateurs, et j) entre mars et mai 2004, 1 000 re-tours ont été financés par le gouvernement. En mars 2004, son gouvernement avait alloué au CEAWC la somme de 600 000 dollars E.-U., permettant l'envoi de 13 comités tribaux répartis en deux missions en vue du retour dans leurs familles de personnes enlevées. Le 10 avril 2004, la première mission a achevé sa tâche, oeuvrant au retour de 700 personnes dans les régions contrôlées par l'Armée de libération du peuple du Soudan (SPLA). La seconde mission a obtenu le retour de 300 personnes. Le CEAWC fait actuellement le maximum pour permettre le retour des personnes enlevées dans leurs familles dans les régions contrôlées par la SPLA. Il a signalé un arrêté du Premier ministre du Soudan portant approbation d'une allocation de 400 000 dollars E.-U. par mois pour les actions entreprises par le CEAWC, afin de lui permettre de réaliser ses plans d'action dans un délai donné. En conséquence, les enlèvements ont complètement cessé et le CEAWC a réussi à enregistrer des progrès malgré le retard et l'insuffisance des ressources provenant de la communauté des donateurs.
Selon le Rapporteur spécial des droits de l'homme au Soudan, depuis octobre 2002, aucun cas d'enlèvement n'a été enregistré et le phénomène d'enlèvement a diminué au cours de la période couverte par son rapport. Du point de vue du CEAWC, les poursuites pénales contre les auteurs d'enlèvement sont le seul moyen de faire cesser le phénomène d'enlèvement, alors que les tribus, y compris le Comité des chefs de Dinka, ont demandé au CEAWC de ne recourir à ce moyen d'action qu'en cas de défaillance des tribus. Pour eux, les procédures légales sont lentes, comportent des risques pour la vie des personnes enlevées et ne favorisent pas la paix entre les différentes tribus. Le représentant gouvernemental a fait observer l'absence de preuve quant au nombre de personnes enlevées avancé par quelques organisations et a attiré l'attention sur la distinction qu'il convient de faire entre les cas d'enlèvement et d'autres situations de déplacement de personnes séparées de leurs familles. Il a relevé que, dans des circonstances de guerre, le nombre de personnes déplacées augmente, ce qui rend difficile d'en certifier le nombre. Il a indiqué que précédemment, au sein de la commission, l'aggravation du phénomène d'enlèvement en raison de la guerre dans le sud du Soudan avait été notée. A l'époque, a-t-il déclaré, des développements positifs en matière d'éradication du phénomène avaient été mentionnés après la signature de l'Accord de Khartoum pour la paix avec les factions en guerre en 1997. En 2002, la délégation du Soudan avait indiqué à la commission que l'accord de cessez-le-feu dans les monts Nouba, signé le 19 janvier 2002, avait contribué à améliorer les relations entre les tribus dans la région, ce qui avait encore entraîné une diminution du phénomène d'enlèvement.
L'orateur a informé la commission de la signature, par le gouvernement du Soudan, de trois protocoles pour la paix incluant le sud du Soudan, les régions touchées par la guerre dans le Kurdufan, les régions du Nil Bleu et de l'Abyei, le 26 mai 2004, après de longues négociations menées sous l'égide des pays de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), présidée par le gouvernement du Kenya, hôte de ces négociations. Les amis des pays de l'IGAD, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Norvège et l'Italie ont tous contribué à l'instauration de la paix et, en dépit d'un long cessez-le-feu, c'est la signature des protocoles de paix qui a marqué la fin effective de la guerre. Les protocoles incluent le protocole pour le partage de l'autorité, prescrivant les principes fondamentaux des libertés, les droits de l'homme, tels que spécifiés par les conventions et instruments internationaux relatifs aux droits culturels, économiques et politiques, les instruments sur la discrimination raciale, les conventions sur les droits de l'enfant et les lois sur l'esclavage. L'orateur a conclu en se déclarant confiant que le phénomène des enlèvements disparaîtra dès que la paix sera instaurée au Soudan, sur la base de la compréhension mutuelle, et en exprimant l'espoir que cela conduira à une paix juste pour toutes les parties. Il a enfin exprimé l'espoir que la Commission de la Conférence comprendra la position du Soudan et invitera ses membres à fournir leur concours à son pays afin de stabiliser les accords de paix et à fonder leurs conclusions sur la réalité de la situation.
Les membres travailleurs ont souligné que les signaux d'alerte émis par cette commission depuis plus d'une décennie au sujet de la violation de la convention par le Soudan n'ont pas été suffisamment entendus. Au fil du temps, cette commission a pris conscience que les enlèvements de femmes et d'enfants constituaient une blessure au coeur de la société soudanaise. La cicatrisation est lente et les événements du Darfour sont une nouvelle source d'inquiétude. Le Secrétaire général des Nations Unies a lui-même comparé la situation au Darfour au génocide rwandais, et que les forces des Nations Unies pourraient être obligées d'intervenir si le gouvernement ne contrôlait pas la situation. Malgré l'optimisme fragile engendré par la signature de l'accord de paix, des informations graves parviennent sur la situation au Darfour: destructions commises par les milices Janjaweed, massacres, viols massifs, violences contre la population civile, plus d'un million de réfugiés. Selon le Haut Commissariat aux droits de l'homme, les violations des droits de l'homme perpétrées par des structures assimilables à des structures gouvernementales et par les milices pourraient constituer des crimes de guerre. Ce dernier a demandé au gouvernement de condamner tous les crimes commis par le Janjaweed, de procéder au désarmement et à la dissolution de toutes les milices et de punir les auteurs de ces crimes. En réponse, le gouvernement a mis en place une commission d'investigation. Cette commission devra absolument fonctionner de bonne foi et le résultat de ses investigations devra être publié.
Cette commission ne devait pas encourir le risque d'avoir plus tard le sentiment de ne pas avoir fait assez pour les enfants et les femmes enlevés. Ces personnes se trouvent dans un gouffre, elles vivent des moments d'angoisse et de détresse et ont accumulé beaucoup de frustrations. Cette commission doit les délivrer. Or, s'il est vrai que le gouvernement a pris des mesures pour améliorer la situation des droits de l'homme et qu'un accord de paix vient d'être signé, des manquements graves sont encore constatés dans la pratique. Tout d'abord, il convient de noter le précédent refus du gouvernement d'accepter la mission de contacts directs et le ralentissement du processus d'identification et de libération des femmes et des enfants enlevés. Les chiffres avancés à cet égard par le gouvernement ne sauraient masquer la réalité. Par ailleurs, le problème de l'impunité des auteurs de ces actes peut apparaître comme un refus d'éradiquer le problème et génère des frustrations. Le gouvernement doit mettre fin à cette situation et engager des poursuites à l'encontre des personnes qui, à l'avenir, seront suspectées de pratiquer ou de soutenir les enlèvements de femmes et d'enfants. Face à cette situation, le gouvernement doit donner des gages de son engagement et montrer qu'il est revenu de ses errements. Il doit faire face à l'urgence. Il y a en effet urgence à répondre aux préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Cette commission doit être sûre de l'engagement de bonne foi du gouvernement. La guerre a longtemps été invoquée pour expliquer la situation. L'accord de paix devrait permettre de tarir la source du mal. Il ne s'agit pas de donner un blanc-seing au gouvernement. Cette commission doit recevoir des réponses globales, collectives et sincères: le geste doit accompagner la parole.
En conclusion, deux éléments doivent gouverner la démarche de cette commission. Un objectif clair: le gouvernement doit accepter une assistance technique de l'OIT et s'engager à améliorer la situation et à se soumettre à une nouvelle interpellation l'année prochaine. Une méthode: la coopération technique devra imposer au Soudan une coopération active qui devra s'affirmer à chaque étape, ceci en laissant à la commission d'experts son rôle de veille. Les conclusions de la commission devront refléter ses convictions et ses interrogations. Cette dernière doit aider le gouvernement à tisser la mosaïque de relations qui permettront au Soudan d'être une terre fraternelle et d'avenir permettant aux anciens esclaves libres de rentrer chez eux.
Les membres employeurs ont rappelé que la commission d'experts avait indiqué que des milliers de femmes et d'enfants étaient victimes d'enlèvement, de trafic et de travail forcé depuis de nombreuses années. Bien que le gouvernement ait établi un plan d'action pour éradiquer le travail forcé, ce plan ne prévoit pas de sanctions pour les responsables d'un tel travail. Le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, paru en janvier 2003, cite un certain nombre de mesures qui ont été prises pour améliorer la situation des droits de l'homme au Soudan. Cependant, le rapport conclut que la situation globale des droits de l'homme ne s'est pas améliorée. Depuis seize ans, il n'y a pas eu de poursuites des personnes reconnues coupables d'enlèvement, et il n'existe pas de tribunaux spécialisés pour connaître des enlèvements de femmes et d'enfants. Les annonces faites par le représentant gouvernemental suscitent l'espoir sans pour autant constituer de véritables réalisations. La réunion qui a eu lieu entre le gouvernement et les tribus a permis l'impunité des personnes responsables des enlèvements et des personnes qui exploitent le travail forcé. Il semble que l'Etat a presque abandonné son droit de poursuivre les criminels. Cette hésitation à pénaliser les personnes responsables de travail forcé constitue une violation claire de la convention, selon laquelle le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales.
Les membres employeurs ont noté l'accord de paix conclu en mai 2004 avec le soutien du gouvernement du Kenya. Cet accord doit être mis en pratique. A cet égard, des questions se posent quant aux garanties accompagnant la mise en oeuvre de cet accord et quant aux mesures qui doivent être prises pour assurer que tous ceux qui sont concernés aient accès à son contenu. Bien que l'accord de paix couvre plusieurs sujets, certains détails doivent encore faire l'objet de discussions. Il est important que les personnes enlevées retournent dans leurs foyers, que les victimes soient indemnisées, que leurs propriétés leur soient rendues et que les personnes responsables d'enlèvement soient poursuivies. Ce cas est examiné dans le contexte des événements qui ont lieu dans la région du Darfour, où des centaines de milliers de personnes sont forcées de fuir et risquent la famine. Bien que ces événements ne rentrent pas dans le champ d'application de ce cas, ils contrastent clairement avec le nouveau départ espéré grâce à l'accord de paix. Il est à espérer que l'accord de paix sera mis en oeuvre. Ce cas doit toutefois être examiné de nouveau par cette commission. Cette dernière devrait exprimer dans ses conclusions sa profonde préoccupation face à la situation du pays.
Le membre travailleur du Soudan a condamné l'enlèvement de femmes et d'enfants dans certaines zones du Soudan, qui avait eu lieu dans le contexte des conflits de tribus. Il a rappelé que le Soudan est le pays le plus grand d'Afrique, qu'il a connu la guerre civile la plus longue dans le continent, qui a duré de 1955 au mois dernier, et qu'il y a plus de 500 tribus dans le pays qui se disputent l'eau, les pâturages et la terre dans une zone très affectée par la sécheresse ces dernières années. L'orateur a noté des réalisations positives dans le combat contre le travail forcé, y compris l'établissement du CEAWC et son rattachement au Président, le financement de cet organisme en dépit des ressources limitées, le fait que moins de cas d'enlèvement avaient été rapportés ces dernières années, et que plus de 2 000 victimes étaient retournées dans leurs familles. La réalisation la plus positive était la récente signature de l'accord de paix qui comprend la distribution des pouvoirs et des richesses et des arrangements concernant la sécurité. L'orateur a déclaré qu'il fallait tirer avantage de ces réalisations positives et qu'après la conclusion de l'accord de paix le problème des enlèvements devrait se résoudre puisque ces derniers étaient liés à la guerre civile et au sous-développement. En avril 2004, la Commission des affaires sociales et du travail de l'Organisation de l'Union africaine avait adopté au Bénin, à sa deuxième session ordinaire, les recommandations contenant les mesures pour combattre le trafic d'êtres humains. Sur la base de ces recommandations, le gouvernement doit chercher une assistance technique internationale, spécialement de la part de l'OIT, en vue d'abolir le travail forcé, d'utiliser les ressources dépensées antérieurement pour la guerre au développement des zones affectées par le conflit entre des tribus et faire des efforts pour que tous ceux qui ont encouragé ou utilisé le travail forcé soient punis.
Le membre employeur du Soudan a déclaré que plusieurs raisons avaient amené la commission d'experts à insérer le cas du Soudan dans un paragraphe spécial. La guerre civile dans le sud du Soudan, une guerre qui dure depuis cinquante ans, complique la situation. Le 26 mai 2004, le gouvernement a signé six protocoles fondamentaux qui constituent un accord de paix, dont le représentant gouvernemental a déjà fait état. Les protocoles prévoient la création d'un mécanisme concernant les droits de l'homme et l'inclusion de celui-ci dans la Constitution nationale. Bien que les protocoles aient été signés par l'Armée de libération du peuple du Soudan et le gouvernement, ils sont néanmoins le produit d'un processus de négociation, auquel tous les acteurs de la société et leurs organisations ont participé. Ces protocoles de paix ont été pleinement approuvés, tant au niveau national, régional qu'international. L'organisation des employeurs est tout à fait prête à soutenir ces protocoles et à consolider les principes de négociation et de paix à travers le développement durable, à propos duquel le secteur privé est appelé à jouer un rôle déterminant.
L'accord de paix confirme l'importance de la réconciliation nationale, de la participation de tous les acteurs sociaux ainsi que du changement démocratique. A cet égard, les organisations représentant la société civile et le dialogue social sont essentielles. La société civile est appelée à superviser la mise en oeuvre de l'accord de paix. De son côté, l'organisation des employeurs prépare un plan d'action pour examiner et renforcer ses institutions afin de contribuer au développement global. Tenant compte de la structure fédérale du Soudan, l'organisation des employeurs tente d'établir des bureaux de branche dans toutes les zones qui ont été gravement affectées par la guerre. A cet égard, l'organisation des employeurs a: travaillé avec les quelques employeurs des zones concernées afin de les aider à créer leur organisation; participé à la préparation du plan principal pour la reconstruction du sud du Soudan; encouragé l'investissement en initiant le processus de création de sociétés anonymes, en collaboration avec des gens du Sud; facilité les opérations des donateurs dans le pays - une réunion des donateurs doit avoir lieu dans les deux mois; aidé à attirer l'investissement étranger et à faire en sorte qu'il soit utilisé conformément au plan principal. A cet égard, plusieurs accords ont été signés. Après la signature des accords de paix au Soudan, l'organisation des employeurs a la volonté de continuer à en être des acteurs et à jouer un rôle de supervision.
La membre gouvernementale de l'Egypte a loué le représentant gouvernemental et le membre travailleur du Soudan pour les mesures positives prises par le gouvernement en vue d'éradiquer le phénomène des enlèvements. Elle a expliqué à la Commission de la Conférence que le Soudan est le pays d'Afrique ayant le plus grand territoire, où vivent plus de 500 tribus. Le Soudan souffre de guerres civiles qui affligent le pays depuis plus de cinquante ans. La majorité des pays voisins sont aussi aux prises avec des conflits armés, ce qui a un impact négatif sur la région. Ceci provoque une situation d'instabilité et l'émergence de phénomènes négatifs comme celui des enlèvements. Les efforts déployés par le gouvernement devraient être appréciés, et l'allocation de grandes sommes d'argent au CEAWC pour le retour des personnes enlevées constitue une mesure positive, surtout à la lumière de la détérioration de la situation dans le pays. Il est à espérer que le protocole signé récemment par le gouvernement mènera à la sécurité et à la stabilité et qu'il mettra ainsi fin aux conséquences négatives découlant de la guerre civile. Le monde entier suit avec intérêt l'évolution de la situation au Soudan et espère que les efforts continus du gouvernement pour faire avancer le processus de paix porteront leurs fruits. L'oratrice s'est référée à la déclaration faite par le ministre du Travail du Soudan devant le groupe africain selon laquelle le gouvernement a adopté des mesures pour faire avancer le processus de paix et assurer la stabilité dans le pays. Cette déclaration a été bien reçue et appréciée par toutes les personnes présentes. Il est clair que le gouvernement déploie des efforts concrets pour enrayer le phénomène des enlèvements, en dépit du contexte difficile de développement. Il est à espérer que les conclusions de la Commission de la Conférence tiendront compte des mesures prises par le gouvernement sans en diminuer l'importance. La communauté internationale doit intervenir le plus vite possible sur cette question et ce de manière positive, afin d'aider le Soudan et ne pas se contenter de condamner la situation.
Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a condamné la violation de la convention par le Soudan et la lenteur du gouvernement pour mettre fin à une telle pratique. Malgré l'apparente bonne volonté du gouvernement pour collaborer avec les institutions internationales et son plan d'action, plusieurs rapports, parmi lesquels celui de la CEAWC d'octobre 2003, les observations de la CISL de septembre 2002 et 2003 et le rapport de cette commission de 2003, ont souligné la persistance des problèmes et les actions insuffisantes du gouvernement. Il n'y a pas eu de poursuites pénales engagées pour les enlèvements survenus au cours des seize dernières années et le fait de rattacher le CEAWC à la présidence soudanaise n'a pas apporté de résultats significatifs. Il a noté que l'accord de paix récent a fourni l'occasion d'apporter une solution durable au problème des enlèvements. La mise en oeuvre de cet accord exigerait un engagement de longue durée de la part de tous les secteurs de la société. L'expérience de l'Afrique du Sud dans le domaine de la réconciliation avait souligné l'importance du pardon, sans pour autant oublier les souffrances vécues, et le besoin d'honnêteté et de vérité dans la construction d'une nouvelle nation. Il a exprimé l'espoir que le peuple du Soudan saurait profiter de cette expérience.
La membre gouvernementale de Cuba a déclaré que l'on notait un déséquilibre en examinant les éléments contenus dans le rapport de la commission d'experts. Le rapport met de manière disproportionnée l'accent sur les difficultés auxquelles fait face le Soudan en minimisant ou ignorant les actions et les mesures prises par le gouvernement ainsi que les avancées qui ont eu lieu dans ce pays, grâce à la ferme volonté politique et aux efforts réalisés. L'analyse manque d'objectivité. En évaluant la situation du Soudan, il est indispensable de tenir compte qu'il s'agit d'un pays du tiers monde, gravement affecté par les difficultés et le manque de ressources qui provoquent son sous-développement. De plus, on ne peut ignorer le fait que le Soudan est le plus grand pays d'Afrique, où vivent environ 500 tribus qui luttent souvent entre elles pour l'accès aux ressources. L'analyse doit aussi prendre en compte le fait que le Soudan connaît une guerre civile depuis 1955 et que plusieurs de ses problèmes découlent directement de ce conflit. La récente signature de l'accord de paix représente la plus importante et la plus positive étape accomplie par le gouvernement. Le rétablissement de la paix contribuera, sans aucun doute, et de manière décisive, à l'élimination des difficultés signalées dans le rapport. Il permettra également au gouvernement de concentrer ses efforts sur la reconstruction et le développement du pays. Il est nécessaire d'accorder du temps pour que ces avancées se concrétisent dans la pratique. Si l'on considère que la cause principale des difficultés est le sous-développement, aggravé par la guerre civile, le rétablissement de la paix aura incontestablement un impact direct et décisif sur la résolution des problèmes. Dans ce contexte, il appartient à l'OIT et à la communauté internationale d'appuyer les efforts du gouvernement pour consolider la paix. Ceci, par le biais d'une véritable coopération et non au travers d'accusations et d'exigences qui ne tiennent pas compte de la réalité du pays.
Le membre travailleur de Cuba a indiqué que le rapport de la commission d'experts montrait la complexité du cas qui est l'objet de discussions. Il ne fait aucun doute que la situation décrite dans les observations est très préoccupante, même si peu était dit sur les raisons. En même temps, la commission a reconnu que le gouvernement avait pris des mesures positives et avait réitéré son engagement de résoudre le problème du travail forcé. Il est évident que le gouvernement est confronté à d'énormes défis pour remplir effectivement ses engagements. L'information est récemment parvenue de la signature d'un accord de paix dans ce conflit militaire qui durait depuis 1995. Cet accord jouera sans aucun doute un rôle important dans l'amélioration de la situation. Beaucoup de temps et d'énergie seront encore nécessaires pour que ces efforts portent leurs fruits. La commission devrait donc solliciter la coopération de l'OIT et de la communauté internationale pour aider le gouvernement à faire davantage de progrès dans la résolution des problèmes que la commission a identifiés, auxquels il doit faire face.
La membre gouvernementale du Danemark, s'exprimant également au nom des gouvernements de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a rappelé que la commission examine ce cas depuis plusieurs années, et qu'en 2002 elle a dû, à nouveau, faire figurer ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport comme cas de défaut continu d'application de la convention, à notre grande déception. La persistance des rapports, provenant de différentes sources, démontre clairement que la situation demeure extrêmement sérieuse et constitue une grave violation de la convention et des autres obligations internationales du gouvernement. Le travail forcé, dans ses pires formes, persiste et les mesures prises par le gouvernement pour combattre ce sérieux problème ont été inadéquates. Certaines mesures ont été prises par le gouvernement afin d'améliorer la situation, notamment l'adoption du décret présidentiel pour rétablir le Comité pour l'éradication du phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants et la création de tribunaux spécialisés pour poursuivre les personnes responsables d'enlèvement. Le gouvernement devrait fournir instamment des informations sur le fonctionnement de ces tribunaux afin de permettre à la commission d'évaluer les améliorations apportées pour faire cesser l'impunité qui protège les personnes responsables d'enlèvement. L'oratrice a noté l'information relative à la baisse du nombre de personnes enlevées. Cependant, il n'y a pas de preuves crédibles de l'amélioration de la situation globale des droits de l'homme dans le pays. A cet égard, elle a noté avec intérêt la signature, le 26 mai 2004, du récent accord conclu entre le gouvernement du Soudan et le Mouvement pour la libération du peuple du Soudan (SPLM) sur le partage de pouvoirs. Ce dernier démontre un consensus politique afin d'assurer le respect des droits de l'homme, établit un comité des droits de l'homme et stipule que le Soudan doit s'acquitter de ses obligations internationales. Il s'agit d'un développement positif et il est à espérer que les parties respecteront les principes établis dans cet accord de paix.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a rappelé que son organisation, le Trade Union Congress, s'était jointe à d'autres dans cette commission afin de condamner les manquements du gouvernement soudanais et sa complicité avec les groupes Murahalleen en vue d'utiliser les enlèvements et l'esclavage comme instruments de guerre dans le sud du pays. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a avancé les mêmes arguments. La situation actuelle au Darfour est une cause de grave préoccupation et jette une ombre sur les développements positifs récents. Son gouvernement a décrit cette situation comme la crise humanitaire la plus grave dans le monde actuellement. Anti-Slavery International a rapporté de nouveaux enlèvements durant 2003 et 2004 et a souligné le fait que les milices Janjaweed causaient, au Darfour, les mêmes ravages et destructions que les Murahalleen dans le sud. Il est alarmant que le Secrétaire général des Nations Unies compare ces événements au génocide du Rwanda. Le 26 mai dernier, le gouvernement soudanais et le Mouvement de libération du peuple soudanais ont signé un protocole sur le partage des pouvoirs à Naivasha, Kenya. Bien que le conflit au Darfour soulève des doutes quant à la stabilité de cet accord, le texte du protocole indique la reconnaissance de plusieurs points qui sont pertinents dans ce cas. En vertu du paragraphe 1.6, portant sur les droits et libertés fondamentales, le Soudan s'engage à s'acquitter de ses obligations, inter alia, découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention sur l'esclavage de 1926, telle qu'amendée. Bien que le protocole ne fasse pas mention de la convention no 29, de l'OIT, le paragraphe précité mentionne également que personne ne doit être tenu en esclavage, que l'esclavage et le commerce des esclaves, sous toutes leurs formes, doivent être interdits, et que personne ne doit être tenu en servitude ou obligé d'effectuer du travail forcé ou obligatoire. Le paragraphe 1.8 du protocole prévoit le recensement de la population d'ici deux ans.
Si la guerre dans le sud est réellement terminée, cette commission a le droit de s'attendre, suite à ces développements et aux engagements proclamés à Naivasha, à des progrès rapides et substantiels. Les membres travailleurs ne sont pas convaincus par le passé de la bonne foi du Comité pour l'éradication du phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants. Son plus récent rapport, qui couvre la période allant de janvier 2002 à avril 2004, indique pour la première fois l'acceptation des estimations des agences internationales relatives au nombre de victimes. Il semble qu'il y ait maintenant un accord sur le fait qu'elles sont environ 17 000. De plus, il semble qu'il y ait acceptation du fait que ces personnes sont victimes d'enlèvement et d'esclavage. Le Rift Valley Institute's Slavery and Abduction Project a identifié environ 12 000 victimes, pour la plupart de sexe masculin, dont la moitié ont moins de 18 ans. Onze mille n'ont toujours pas été trouvées. Le CEAWC devrait tenir compte de cela. Toutefois, seulement 2 000 personnes ont été rapatriées par le CEAWC depuis les cinq dernières années. L'identification des victimes, leur retour au sein de leur famille et de leur communauté, une indemnisation leur permettant de reconstruire une vie en liberté constituent une priorité absolue. Le gouvernement devrait accepter l'assistance technique du BIT pour l'aider et accélérer le processus. La gravité de ce cas devrait être reflétée dans les conclusions de cette commission et le gouvernement devrait faire rapport détaillé devant la commission d'experts et cette commission, lors de la Conférence l'année prochaine.
Le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a fait part de son soutien au rapport soumis par le représentant gouvernemental et a endossé les propositions faites par le membre travailleur du Soudan. Il a noté avec intérêt la signature de l'accord de paix conclu au cours des dernières semaines. Ce dernier créera un environnement propice à l'amélioration de la situation globale. Il est à espérer qu'il mettra fin à tous les problèmes. La communauté internationale peut jouer un rôle important en assistant le gouvernement du Soudan dans la résolution de ses problèmes.
Un autre représentant gouvernemental (ministre du Travail et de la Réforme administrative) a déclaré que son gouvernement partage pleinement le point de vue selon lequel le travail forcé et le rapt de femmes et d'enfants sont inacceptables et inhumains. Il a rappelé les nombreuses mesures prises pour remédier à ce problème, qui ont été décrites dans la déclaration d'ouverture de son gouvernement. Il a souligné le travail du CEAWC et du Comité des chefs dont les efforts ont porté des fruits. En ce qui concerne la question des poursuites pénales, bien que son gouvernement n'exclue pas cette approche, les procédures légales sont souvent très lentes et exposent les victimes. Son gouvernement préfère appréhender la question en mettant l'accent sur la réunion des familles. Il a rappelé que le problème de l'enlèvement sévit dans une vaste région qui couvre 500 000 km2 et qui est marquée par un conflit tribal touchant la plupart des tribus. Ce conflit semble s'être réglé. Un signe positif en est que 500 000 Dinka ont été récemment déplacés vers une région peuplée en majorité de Messirias (Baggaras). Des terres et des pâturages ont été distribués aux Dinka déplacés, qui vivent en paix au côté des autres tribus de la région. Des observateurs d'Allemagne et d'autres pays témoignent de ces développements. Pour ce qui est du récent accord de paix, il constitue le plus grand espoir pour l'élimination du travail forcé, celui-ci résultant surtout du conflit armé qui a sévi dans la région. Toutes les parties au conflit ont été invitées au processus de paix. L'accord de paix comprend deux protocoles déjà mentionnés. L'orateur a déclaré que son gouvernement entend faire de l'accord de paix un accord du peuple soudanais et pas seulement un accord entre le gouvernement, le SPLM et le SPLA. Il a soulevé des questions quant à la manière dont le cas est appréhendé par la Conférence, son gouvernement ne pouvant pas confirmer le nombre de 17 000 victimes d'enlèvement. Selon lui, ce nombre confond les personnes enlevées et les personnes déplacées par la guerre civile. Il s'est dit confiant dans la résolution du problème du travail forcé dans son pays par l'accord de paix et la poursuite des efforts de son gouvernement, et a exprimé l'espoir que ce cas ne figure plus à l'ordre du jour de la commission. En conclusion, il a signalé que son gouvernement se concentre actuellement sur la crise au Darfour et compte sur le soutien de la communauté internationale pour la recherche de solutions à cette crise.
Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils avaient été choqués par les propos de la membre gouvernementale de Cuba. A cet égard, il convient de protester vigoureusement contre la mise en cause de l'objectivité des experts qui risque d'affaiblir le système de contrôle de l'OIT. La sécurité collective au Soudan est au coeur du problème et constitue une urgence humanitaire à laquelle le gouvernement doit répondre. On ne peut se contenter de belles paroles, il est important de trouver des solutions et de prendre position face aux inquiétudes suscitées par la situation. Les membres travailleurs auraient une nouvelle fois demandé l'insertion de ce cas dans un paragraphe spécial s'ils n'avaient pas reçu l'information selon laquelle un accord de paix venait récemment d'être signé. Tenant compte de ce développement positif, ils ont demandé au gouvernement d'accepter l'assistance de l'OIT et d'indiquer dans ses prochains rapports les améliorations concrètes qui auraient été apportés à la situation.
Les membres employeurs, se référant à la déclaration de la membre gouvernementale de Cuba, ont estimé qu'elle avait exprimé une conception étrange de l'objectivité nécessaire pour évaluer les cas. Selon elle, cette objectivité n'est pas liée aux faits mais plutôt à la grandeur d'un pays, à son système politique et à sa situation économique. Toujours selon elle, la commission ne peut décider si un pays respecte ou non ses obligations découlant de la convention qu'en vertu de ces facteurs. Ce point de vue est basé sur un vieux conflit est-ouest qui n'est plus pertinent de nos jours. Le ministre du Travail a déclaré que la fin de la guerre est une condition essentielle pour mettre un terme aux enlèvements, au trafic de personnes et au travail forcé. Ceci est vrai, mais le gouvernement a aussi la responsabilité de rétablir la paix dans le pays car ses forces militaires ont participé à la guerre. L'accord de paix et le protocole de mai 2004 ne constituent pas l'accord de paix final. Le gouvernement devra transmettre l'accord final à l'OIT et indiquer quelles modifications ont été faites et si certains sujets doivent toujours faire l'objet de discussion. En particulier, le gouvernement devra faire rapport sur la mise en pratique de l'accord de paix. Seule cette information permettra à la commission d'évaluer si des développements positifs ont eu lieu. Finalement, les conclusions de la commission devraient faire mention de la situation dramatique qui prévaut dans la province du Darfour, puisque le ministre s'y est référé.
Le représentant gouvernemental (ministre du Travail et de la Réforme administrative) a contesté la mention du conflit dans la région du Darfour dans les conclusions de la commission. La commission d'experts ne s'était pas référée à cette situation dans son observation. Il s'agit d'un autre problème.
Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils auraient souhaité que la question de l'indemnisation des personnes libérées figure dans les conclusions.
La membre gouvernementale de Cuba a demandé la parole pour déclarer qu'elle déplorait les commentaires, à son avis irrespectueux, qui avaient été faits devant cette commission.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que chaque délégation avait le droit de parler devant la commission, y compris les travailleurs.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet des mesures adoptées pour éradiquer le phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants ainsi que de la discussion détaillée qui s'en est suivie. La commission a signalé qu'il s'agit d'un cas extrêmement sérieux qui affecte les droits humains fondamentaux. Le fait que ce cas ait été discuté au sein de cette commission sept fois au cours des huit dernières années (avec inclusion dans un paragraphe spécial en 1997, 1998, 2000 et 2002) et que de nombreux commentaires aient été reçus de la part d'organisations internationales de travailleurs, en témoigne. La commission a pris note des mesures positives adoptées par le gouvernement, y compris le rétablissement du Comité pour l'éradication du phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants (CEAWC), la création de tribunaux spéciaux chargés de poursuivre les auteurs d'enlèvement et également l'engagement réitéré du gouvernement de résoudre le problème. Le gouvernement a détaillé le nombre de cas dans lesquels les personnes enlevées avaient été libérées, avec la collaboration des agences des Nations Unies et d'autres organisations, en précisant que les enlèvements avaient complètement cessé. En outre, le gouvernement a fait part de la signature de trois protocoles de paix en mai 2004 et a déclaré que la consolidation de ces accords apporterait une solution aux problèmes soulevés. Ayant pris note de cette information, la commission s'est déclarée profondément préoccupée par les rapports successifs faisant état d'enlèvements et d'esclavage, spécialement dans la région du Darfour Sud, et a considéré qu'il était nécessaire d'inviter le gouvernement à adopter des mesures rapides et efficaces pour mettre un terme à ces pratiques et pour punir leurs auteurs, afin de mettre un terme à l'impunité. La commission a déclaré qu'elle comprenait que la situation était exacerbée par le conflit civil continu. Pour cette raison, elle a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement au BIT fasse état des résultats concrets obtenus, de manière à ce que, dans un futur proche, la commission puisse prendre note de la pleine application de la convention, tant en droit qu'en pratique, ainsi que de progrès dans la mise en oeuvre des accords de paix. La commission a rappelé au gouvernement qu'il pouvait demander l'assistance technique de l'OIT.
Un représentant gouvernemental du Soudan a déclaré que sa délégation a lu avec intérêt le rapport de la commission d'experts et a pris note des observations relatives à l'application par le Soudan de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Le gouvernement du Soudan a réaffirmé sa condamnation de l'esclavage, du travail forcé et des pratiques semblables. De tels actes sont des violations de la Constitution et des crimes condamnés par le Code pénal. En vertu du décret présidentiel no 14 promulgué en 2002, le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE) a été placé sous l'autorité directe du Président de la République. Ce nouveau statut renforce l'autorité du CERFE. Son président est le ministre d'Etat et ses membres les ministres de la Culture et des Affaires sociales, dans les provinces où il y a des enlèvements, des personnalités connues et des représentants de la société civile et des ONG. Le mandat du comité, tel que défini dans le décret présidentiel, vise à œuvrer en vue du retour des femmes et des enfants dans leurs foyers; à apporter le soutien nécessaire aux dirigeants de tribus pour mettre fin au phénomène d'enlèvement; à enquêter sur les cas d'enlèvements affectant les femmes et les enfants; à traduire en justice et à poursuivre toute personne soupçonnée de perpétrer, soutenir ou participer à des enlèvements; à étudier les raisons qui ont donné lieu à ces phénomènes d'enlèvements de femmes et d'enfants et de travail forcé; à recommander au Président de la République les mesures et les voies nécessaires afin de mettre un terme au phénomène d'enlèvement de femmes et d'enfants; à coordonner l'action des organisations régionales et internationales, des ONG pour aider à la mise en œuvre de ces objectifs. Le décret présidentiel donne au Président les pouvoirs nécessaires, traditionnellement exercés par le ministre de la Justice, pour engager des poursuites judiciaires sur tous les cas de nature criminelle et prévoit que des comités régionaux seront mis en place dans chacune des provinces concernées. Ces comités compteront parmi leurs membres les procureurs publics et les représentants des forces armées, de la police, de la sécurité locale et des autorités locales. Le CERFE a élaboré un plan ambitieux pour mettre fin au phénomène et devrait être en mesure de remplir sa tâche dans l'année à venir. Le décret présidentiel et le plan détaillé du CERFE figurent au document no 1 soumis au secrétariat.
L'orateur s'est exprimé sur la question relative aux tribunaux qui traitent du crime d'enlèvement de femmes et d'enfants. Depuis sa création, le CERFE a travaillé en conformité avec sa structure organisationnelle et opérationnelle qui inclut des comités tribaux. Dans ce contexte traditionnel, les consultations ont lieu avec les tribus concernées. Leurs dirigeants cherchent des solutions traditionnelles au problème et ont demandé au gouvernement de ne pas intervenir avant les résultats attendus au niveau tribal traditionnel. L'organisation britannique "Save the Children Fund" a confirmé la pertinence de cette approche dans une lettre adressée au ministre de la Justice en date du 9 avril 2000. Cette organisation a souligné que les responsables d'enlèvements ne doivent pas être poursuivis en justice afin de garantir la sécurité des femmes et des enfants enlevés et détenus. Cette lettre figure dans le document no 2 soumis au secrétariat. Plusieurs tentatives de conciliation tribale ont eu lieu; des conférences ont été menées pour mettre en présence toutes les tribus concernées et mettre un terme à cette pratique et renforcer la coexistence pacifique entre les tribus. Il a été dit que la poursuite judiciaire est une composante essentielle du mandat du CERFE alors que le ministre de la Justice a autorité pour traduire en justice les kidnappeurs qui ne collaborent pas avec le travail du CERFE. Le ministre de la Justice a mis en place des substituts spéciaux pour poursuivre et enquêter sur les cas des responsables de tels actes. La décision pertinente du ministre de la Justice est dans le document no 3 soumis au secrétariat.
Le nombre exact de personnes enlevées n'est à ce jour pas confirmé. Il y a de nombreuses allégations mais aucune n'est corroborée. Le gouvernement soudanais coopère avec le CERFE en vue de différencier les personnes enlevées des personnes déplacées qui sont séparées de leurs familles principalement en raison de la guerre dans le sud du pays. Le nombre de ces personnes déplacées est très important et il y a des difficultés en matière d'information et de traitement des cas autres que ceux d'enlèvements. Les chiffres d'environ 5 000 à 14 000 personnes enlevées figurant dans le rapport de la commission d'experts sont extrêmement exagérés et n'ont aucun lien avec la réalité. Une mission de haut niveau a été menée récemment par des personnalités éminentes de divers pays dont les Etats-Unis, la France, l'Italie, la Norvège et le Royaume-Uni. Cette mission de haut niveau a formulé plusieurs recommandations que le gouvernement étudie en vue de les appliquer. Le CERFE, en coopération avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a réussi à rapatrier 118 personnes de la tribu Baggara détenues par des rebelles depuis 1987 dans la ville de Yei au sud du Soudan; le CERFE est parvenu à les rapatrier dans leur région, à l'ouest du pays. L'enlèvement et le rapt sont des phénomènes anciens exacerbés par la guerre dans le sud. Mettre un terme à la guerre dans le sud et rétablir la paix sont un défi majeur afin de parvenir à mettre fin à ce phénomène. La signature de l'accord de Khartoum en avril 1997 a permis de réduire considérablement ce phénomène. Un cessez-le-feu en Nubie depuis janvier 2002 a amélioré les relations tribales dans les régions. Aux Etats-Unis, un reportage télévisé sur la chaîne ABC relatif aux tentatives de libération des personnes enlevées a montré que plusieurs ONG ont exagéré les problèmes et propagé une image fausse du Soudan. Le directeur de l'UNICEF a clairement dit que le nombre de personnes enlevées était moins élevé. Le gouvernement soudanais attache une grande importance au phénomène d'enlèvement dans les régions voisines. Le Président a personnellement dirigé le CERFE et lui a affecté, en janvier 2002, 1 500 000 livres soudanaises afin d'éradiquer ce phénomène. Le gouvernement remercie la commission pour son intérêt pour le Soudan et exprime sa gratitude à tous ceux qui aident à parvenir à l'élimination des enlèvements dont l'UNICEF, Save the Children Fund, le bureau d'aide et la Suède ainsi que les gouvernements du Canada, des Etats-Unis, de la Norvège et du Royaume-Uni et de l'Union européenne. L'orateur a espéré que la commission encouragera les organisations internationales à poursuivre leur coopération pour atteindre les objectifs du CERFE dans l'année afin que la paix soit rétablie dans le pays.
Les membres employeurs ont déclaré que le cas de l'application par le Soudan de la convention no 29 fait malheureusement l'objet de ses travaux depuis plus de douze ans. Ces trois dernières années, la Commission de la Conférence avait noté dans ses conclusions qu'il s'agissait d'un cas continu de défaut d'application, ce qui constituait la formulation la plus vigoureuse dont elle disposait pour exprimer sa profonde préoccupation. Le rapport de la commission d'experts a relevé un grand nombre de violations de la convention, dont des actes de cruauté comme le rapt et l'enlèvement de femmes et d'enfants et des pratiques de commerce d'esclaves et de travail forcé. Ces pratiques n'ont pas eu cours uniquement dans les régions où des conflits armés se déroulaient, mais également dans celles placées sous le contrôle du gouvernement. Les membres employeurs ont observé l'établissement par le gouvernement d'un Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE) à la suite des pressions exercées par la Commission de la Conférence sur celui-ci. Depuis plusieurs années, la Commission de la Conférence a indiqué que le CERFE n'a eu aucun succès dans l'exécution de son mandat - mettre un terme aux pratiques décrites ci-dessus et assurer le retour en toute sécurité des personnes enlevées ou kidnappées. Ils ont noté la référence faite par le représentant du gouvernement à l'établissement d'un nouveau programme d'action afin d'augmenter l'efficacité du CERFE, efficacité qui, comme l'ont souligné les membres employeurs, avait effectivement besoin d'être renforcée de manière urgente. Comme lors des années précédentes, le gouvernement a indiqué que les pratiques de kidnapping et d'enlèvement font partie des traditions et des pratiques normales des tribus du sud du Soudan, donnant ainsi l'impression que ces pratiques constituent une sorte de folklore. Les membres employeurs ont toutefois rappelé le caractère sérieux de ce cas et le fait que les pratiques en question concernent des actes de cruauté et affectent les vies d'un grand nombre de victimes dans le pays. Les documents soumis à l'Assemblée générale des Nations Unies par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ont, qui plus est, démontré la nécessité d'une action d'envergure dans ce domaine. Les membres employeurs ont, en outre, noté les contradictions figurant dans les informations statistiques fournies par le gouvernement en ce qui concerne les personnes enlevées et celles libérées. Le gouvernement a uniquement indiqué le chiffre de 550 personnes libérées, sans donner de chiffre quant aux milliers de personnes ayant été enlevées. Les données statistiques communiquées par le gouvernement sont le reflet du degré de reconnaissance de ce problème par le gouvernement. Celui-ci a d'ailleurs indiqué à plusieurs reprises les raisons du manque d'efficacité du CERFE. La Commission de la Conférence devrait pour cette raison, comme l'a fait la commission d'experts, demander une action plus ferme incluant des sanctions considérablement accrues en vue de l'élimination du travail forcé. Les membres employeurs ont considéré que le programme d'action mentionné par le gouvernement montre que le CERFE continue de travailler avec lenteur. Bien que le gouvernement ait l'intention de libérer et d'assurer le retour de toutes les personnes enlevées ou kidnappées, il n'est manifestement pas en mesure de le faire. Parallèlement à l'assistance technique, une assistance dans le domaine administratif pourrait s'avérer nécessaire. Les membres employeurs n'ont pas sous-estimé les difficultés auxquelles le pays est confronté. Il est cependant vrai que, dans le même temps, les forces armées, qui comptent parmi les groupes les plus puissants au Soudan, sont impliquées dans ces pratiques. Pour conclure, la Commission de la Conférence est dans l'obligation de recommander instamment au gouvernement d'accélérer la mise en œuvre des mesures nécessaires pour résoudre ce problème.
Les membres travailleurs se sont déclarés profondément préoccupés par le cas de l'application de la convention no 29 au Soudan. En effet, ce cas a été examiné six fois par cette commission au cours des dix dernières années et a été inscrit à cinq reprises dans un paragraphe spécial. Les informations disponibles ne permettent malheureusement pas de constater le moindre progrès, le travail forcé demeurant une triste réalité au Soudan. Les informations émanant du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et de l'organisation Anti-Slavery International rendent compte de la gravité de la situation et de l'inertie du gouvernement. La vie de milliers d'êtres humains est en jeu. Des femmes et des enfants sont achetés, enlevés à leurs familles pour devenir des esclaves. Le gouvernement, conscient du problème, ne prend aucune des mesures nécessaires en vue de l'éradication de ce phénomène. Il préfère ignorer ces pratiques et amnistier de facto les responsables des enlèvements et du travail forcé. Le gouvernement doit prendre des mesures urgentes, pertinentes et efficaces pour lutter contre la pratique du travail forcé au Soudan et fournir des informations écrites détaillées sur les actions menées en vue de mettre fin à ce fléau et sur leurs résultats concrets; le nombre de personnes libérées de l'esclavage et les mesures prises en vue de leur retour dans leurs familles et de leur réhabilitation; les sanctions infligées aux esclavagistes. Les membres travailleurs ont réitéré les deux propositions faites au sein de cette commission l'année dernière, à savoir l'imposition de sanctions significatives et proportionnées à la gravité de la situation et la nécessité de l'envoi d'une mission de contacts directs - proposition qui permettrait d'éliminer la pratique du travail forcé. Cette pratique affectant des milliers d'enfants et de femmes est une violation grave de la convention no 29 et constitue un crime contre l'humanité. Une mission de contacts directs doit se rendre dans le pays et bénéficier de l'accès à toutes les informations et à toutes les régions. Le gouvernement doit indiquer clairement s'il accepte ou non cette mission.
Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que la commission devait s'occuper d'un cas très sérieux qui touchait principalement les membres les plus vulnérables de la société. Il a déclaré que ces victimes ont le droit de demander l'assistance de leur gouvernement relativement à leur sécurité, leur protection et leur défense. Il s'agit d'une obligation et d'une responsabilité pour les gens qui gouvernent d'assurer un environnement paisible, le respect de l'Etat de droit ainsi qu'une forme de justice pour ceux qu'ils gouvernent, et cette obligation du gouvernement soudanais ne doit pas être déléguée. En ratifiant la convention no 29 sur le travail forcé en 1957, le gouvernement a déclaré publiquement son intention de mettre en application, tant en droit qu'en pratique, toutes les conditions de ladite convention. C'est avec regret que l'orateur a noté que les efforts du gouvernement pour satisfaire les exigences de la convention ont été insuffisants. Lorsque la commission a proposé d'envoyer une mission de contacts directs pour assister le gouvernement dans sa recherche de solutions pour éliminer la pratique du travail forcé, le gouvernement a malheureusement refusé. Ce refus mine l'appel du gouvernement à des fonds de la communauté internationale pour couvrir les régions inaccessibles où le trafic, les enlèvements et le travail forcé sévissent.
Historiquement, le gouvernement a nié l'existence du travail forcé. Plus tard, il a remis en cause les statistiques fournies par Anti-Slavery International, soulignant que ces chiffres avaient été grandement exagérés. Toutefois, il a accepté les statistiques fournies par le CERFE. Jusqu'à maintenant, il n'y a aucune preuve de poursuite des coupables ou de l'établissement d'un mécanisme de prévention. Anti-Slavery International a compilé, au mois de mai 2002, les informations suivantes: une correspondance du président du CERFE du 30 août 2001 à Anti-Slavery International qui indique un nombre de 1 200 personnes rapatriées qui avaient été enlevées, une information qui se veut très conservatrice; les représentants de Anti-Slavery International ont noté, au mois d'octobre 2000, que les représentants du gouvernement et les autres responsables ne considèrent pas ces personnes comme des personnes victimes d'enlèvement lorsqu'elles sont intégrées dans une autre famille, soit parce qu'elles lui ont été vendues, soit par mariage, soit à la suite d'une fausse adoption. Pour eux, il ne s'agit pas de victimes de violations de droits humains et encore moins de victimes de travail forcé ou d'esclavage. Les sources des Nations Unies stipulent également que le gouvernement a appuyé des milices qui ont mené des raids dans le nord de la région de Bahr El Ghazal au mois de janvier 2001, enlevant 122 femmes et enfants. Aux mois d'octobre et novembre 2001, les ONG au Soudan ont souligné que des raids avaient eu lieu à nouveau dans le nord de la région de Bahr El Ghazal et qu'un nombre non établi de femmes et d'enfants étaient, à ce jour, portés disparus. Le 28 mars 2002, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan, M. Gerhardt Baum, a noté qu'il recevait toujours des cas de raids suivis d'enlèvements. Le Rapporteur spécial encourage l'idée d'une supervision permanente dans la région de Bahr El Ghazal comme mesure pour freiner ces pratiques honteuses.
Le membre travailleur a exhorté le gouvernement à introduire ou amender la législation en vigueur afin d'assurer que ces pratiques soient interdites et que les sanctions soient proportionnées avec les violations des droits de l'homme. Le gouvernement a souligné qu'en vertu de l'article 162 du Code criminel l'enlèvement est passible de dix ans d'emprisonnement, et qu'à ce jour la sanction pour l'imposition du travail forcé est d'une année d'emprisonnement. En janvier, le directeur de la rédaction d'un journal indépendant, le Khartoum Monitor, a été reconnu coupable de propagation de fausses nouvelles et devait être emprisonné pour six mois en cas de non-paiement d'une amende de 5 millions de livres soudanaises pour avoir fait état de l'utilisation par les milices soutenues par le gouvernement de convois ferroviaires circulant sous protection militaire entre Wau et Babannsa afin de pratiquer des raids et des enlèvements pendant un certain nombre d'années. En avril 2002, une résolution des Nations Unies sur les droits de l'homme au Soudan (E/CN.4/2002/L.27) a appelé le gouvernement du Soudan à prendre des mesures pour éliminer la pratique des enlèvements, "en particulier les affaires liées au passage du train gouvernemental par le Bahr El Ghazal". A la fin du mois de mai 2002, une commission de personnalités éminentes comportant des membres des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l'Italie, de la Norvège et de la France, dont la mission consistait à enquêter sur l'esclavage et les enlèvements, a établi que les enlèvements et l'esclavage existent et sont pratiqués par les milices tribales armées du gouvernement. La commission a également recommandé que la liaison ferroviaire de Bahr El Ghazal soit suspendue en raison de son utilisation par les milices pour leur commerce d'esclaves.
L'orateur a souhaité que le gouvernement du Soudan prenne les mesures suivantes: qu'il condamne publiquement les enlèvements et déclare toutes pratiques similaires illégales; qu'il entreprenne les amendements nécessaires et applique effectivement la loi; qu'il fournisse des informations détaillées au BIT sur les mesures prises pour prévenir de nouveaux enlèvements et sur les poursuites engagées contre les auteurs de toutes pratiques de travail forcé; qu'il invite la mission de contacts directs au Soudan afin d'obtenir des informations complètes et examine les possibilités d'assistance au gouvernement pour éliminer ces pratiques; qu'il s'assure qu'il soit donné aux femmes enlevées et qui se sont par la suite mariées des informations complètes sur leurs droits dans une audience neutre, leur permettant de décider librement de rester avec leur mari ou de partir; en ce qui concerne les enfants incorporés dans des familles, le critère principal à prendre en compte est l'intérêt des enfants.
Le membre travailleur du Soudan a remercié la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) de porter régulièrement à l'attention de la commission les problèmes d'enlèvement et de travail forcé existant dans son pays. En premier lieu, cette pratique était appelée esclavage et ensuite pratique analogue à l'esclavage. Dans cette commission, il a été répété à plusieurs reprises que le phénomène est réellement de l'enlèvement et du rapt et non de l'esclavage ou même du travail forcé. Il ne souhaite pas défendre le gouvernement mais objecte à l'accusation d'esclavage et de traite d'esclaves qui est une insulte pour la nation entière, même si cette terminologie est utilisée quelquefois de bonne foi. Cependant, l'enlèvement et le rapt ne sont pas des pratiques inconnues dans plusieurs pays d'Afrique, y compris le Soudan. Ce pays est le plus grand pays d'Afrique avec une superficie de 1 million de miles carrés, borné par neuf pays dont certains sont confrontés à différents troubles sociaux. La population soudanaise est de seulement 30 millions d'habitants mais est composée de plus de 500 tribus. La majorité des villes sont situées le long du Nil, mais la majorité de la population est nomade et gardienne de troupeaux, et plusieurs d'entre eux vivent dans la région du Sahara. Pendant la saison sèche, plusieurs tribus se déplacent avec leur bétail à travers les zones humides. Les conflits entre les tribus surviennent à propos des pâturages. A l'occasion des conflits intertribaux, femmes et enfants sont parfois capturés lors d'incursions. La pratique est atroce et doit être condamnée, mais elle existe dans plusieurs parties de l'Afrique subsaharienne. Elle est plus répandue lorsqu'il y a effondrement de l'autorité publique. Elle est le résultat de l'exercice de la force brute des plus forts sur les plus faibles. De telles pratiques sont très vieilles et n'ont jamais été décrites comme de l'esclavage ou des pratiques analogues à l'esclavage. Le début de la guerre civile en 1983 a introduit une troisième partie au conflit, l'Armée de libération des peuples du sud, qui a tiré avantage de tous les conflits intertribaux et de l'absence d'autorité. Les personnes enlevées ne font pas toujours partie d'une tribu ou d'un groupe ethnique spécifique. Des conflits existent entre les tribus arabes et les tribus du Nil. A titre de preuve, le paragraphe 12 de l'observation contenue dans le rapport de la commission d'experts peut être mentionné: "en juin 2000, une délégation du CERFE s'est rendue dans la ville de Pibor dans l'Etat de Jongli pour recueillir des informations sur 12 enfants Dinka, Taposa, Nuer et Anyuak, enlevés par les Nurie, tribu du sud du Soudan". Cependant, la meilleure preuve pouvant être citée est l'accord Wunlit Dinka-Uer entre les dirigeants de la SPLA et les dirigeants de la DSF signé en mars 1999, lequel déclare illégal l'enlèvement d'enfants et de femmes entre les deux parties.
Cependant, le Soudan montre actuellement quelque progrès en réduisant voire en éradiquant cette pratique inacceptable d'enlèvement de femmes et d'enfants. En effet, à la suite des efforts du sénateur John Danforth, l'envoyé spécial du Président américain pour la paix au Soudan, un accord de paix a été signé à Genève en janvier de cette année entre le gouvernement du Soudan et la SPLA. Les résultats de cet accord ne peuvent pas être passés sous silence et ont permis d'obtenir une aide humanitaire considérable. Les effets de la guerre et de la paix dans les conflits intertribaux et le phénomène d'enlèvement ne peuvent non plus être ignorés.
Récemment, un comité mené par M. Penn Kemble des Etats-Unis, avec des experts des Etats-Unis, de la Norvège, du Royaume-Uni, de l'Italie, du Canada et de la France, a enquêté sur la pratique de l'enlèvement d'enfants au Soudan et a fait des recommandations qui n'ont été envoyées que la semaine dernière au gouvernement soudanais, selon les médias.
Le Président du Soudan a signé le décret présidentiel no 14/2002 sur le réétablissement du CERFE. Deux points du décret ne peuvent être passés sous silence. Le président du comité est maintenant ministre à plein temps avec les pouvoirs du ministre de la Justice de déférer devant la justice les cas criminels. Le CERFE devrait terminer ses travaux dans l'année et son président devrait soumettre un rapport mensuel ainsi qu'un rapport final au Président de la République.
Le membre travailleur a conclu en rappelant les commentaires de M. Stanley, du TUC, concernant le cas de la Côte d'Ivoire portant sur la convention no 29. Les pouvoirs de cette commission ne devraient pas être utilisés comme une menace au-dessus de la tête des gouvernements. Les progrès réalisés devraient toujours être valorisés. M. Stanley a suggéré de discuter du cas l'année prochaine. Le membre travailleur est totalement en accord avec ces commentaires et a fait la même demande au sujet du Soudan, afin de consolider les progrès faits. Il vaut mieux attendre avant de prendre des décisions qui pourraient mener à des remarques contradictoires. Le cas devrait faire l'objet d'une discussion l'année prochaine.
Le membre travailleur de la Turquie a noté avec regret avoir à discuter à l'aube du troisième millénaire d'un cas d'allégations sérieuses d'esclavage, de servitude, de trafic d'esclaves et de travail forcé qui implique des autorités gouvernementales et militaires, et cela sans aucun progrès depuis des années. Bien que le représentant gouvernemental du Soudan nie catégoriquement, comme il l'a fait dans le passé, toutes les observations faites par des institutions honorables, telles les Nations Unies, Anti-Slavery International et la CISL, aucun argument contraire convaincant n'a été présenté. Le représentant gouvernemental du Soudan a eu une attitude similaire il y a treize ans, en 1989, lorsque ce cas a été étudié pour la première fois devant cette commission. Le représentant gouvernemental de l'époque déclarait: "La législation interdit toute forme d'exploitation ou de travail forcé. Il n'y a aucun doute sur l'engagement du gouvernement vis-à-vis des instruments internationaux de prévention de l'esclavage et du trafic d'esclaves, et d'ailleurs le Soudan a été parmi les premiers pays africains à ratifier la Convention de l'ONU sur l'abolition de l'esclavage". Il a conclu comme suit: "Le Soudan est un pays démocratique et ouvert à quiconque voulant découvrir la situation qui prévaut; il n'y a rien qui empêche de recourir à cette méthode afin que la situation soit confirmée aux yeux du monde".
Dans les rapports des institutions honorables, les observations sont complétées par le nom des victimes et des détails quant à leur vente et leur rachat. Tous les rapports témoignent de pratiques répandues d'esclavagisme et de leur nature systématique, qui ont lieu avec une impunité totale.
L'orateur souligne que les esclaves rachetés ont témoigné de leur enlèvement par le Front islamique international, principalement par sa Force de défense populaire (PDF). Il existe des preuves abondantes des raids systématiques dans les villages, d'assassinats d'hommes et d'enlèvements de femmes et d'enfants dans le sud du pays. Bien que le gouvernement soudanais admette qu'il y ait un nombre limité d'enlèvements par des hommes de tribu et ait mis sur pied une commission pour l'éradication des enlèvements de femmes et d'enfants, la réalité est beaucoup plus dure. Ce que nous avons à combattre n'est pas de nature sporadique, et il ne s'agit pas de cas individuels d'enlèvements, mais bien de l'esclavagisme systématique qui touche quelque 14 000 êtres humains. La réticence du gouvernement soudanais à accepter une mission de contacts directs renforce cette appréciation. La commission doit inviter le membre gouvernemental du Soudan à accepter la visite d'une mission de contacts directs au Soudan cette année. Si cette mission est encore une fois refusée, considérant la gravité du cas, celui-ci devra figurer dans un paragraphe spécial, cette année également.
Le membre travailleur de l'Inde a noté avec préoccupation que, bien que le Soudan ait ratifié cette convention importante le 16 juin 1957, faisant ainsi la preuve de son engagement international à éradiquer le travail forcé dans le pays, des femmes et des enfants sont encore aujourd'hui enlevés, victimes de travail forcé et même vendus comme esclaves. Il n'y a pas de mot pour condamner ces actes contraires aux droits fondamentaux de l'homme. Il y a eu des allégations et contre-allégations relatives à l'étendue de la violation, mais les enlèvements de femmes et d'enfants sont un fait incontesté. Le problème est souligné devant la commission de façon continue ces quatre dernières années. Ce cas a été inclus l'année dernière dans un paragraphe spécial du rapport de la commission comme un cas de manquement continu à l'application de la convention. L'argument du gouvernement selon lequel de tels enlèvements de femmes et d'enfants résultent de conflits entre deux tribus n'est pas acceptable, le rôle du gouvernement ne pouvant pas être négocié. La communauté internationale doit obtenir du peuple et du gouvernement du Soudan qu'ils prennent immédiatement des mesures efficaces en solidarité avec les travailleurs du monde, afin de tenter de mettre un terme à ces pratiques inhumaines et de faire accepter l'assistance technique du BIT pour éduquer et maintenir le moral de la population.
Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que le rapport de la commission d'experts contient des informations choquantes. Le représentant du gouvernement doit fournir des réponses précises afin qu'un espoir puisse naître pour les milliers de personnes qui vivent en esclavage au Soudan. On avance des chiffres de 5 000 à 14 000 personnes en attente d'être libérées. Le gouvernement avance plutôt le chiffre de 1 200 personnes vivant en esclavage. Toujours selon le gouvernement, le CERFE aurait obtenu la libération de 4 enfants et le rapatriement de 118 personnes. Quels que soient les chiffres avancés, l'existence même de l'esclavage n'est pas niée. Des personnes sont réellement enlevées pour être revendues comme du bétail. Ce n'est pas la première fois que ce cas est discuté devant la commission. Le gouvernement s'est toutefois limité à faire de vagues promesses de changements. Le paragraphe spécial s'impose, mais il faut utiliser d'autres moyens pour faire connaître la situation en cours au Soudan.
Le gouvernement a fait valoir l'argument selon lequel l'esclavage est une pratique aussi ancienne que les tribus qui y ont recours. Il va sans dire que cet argument n'a aucune valeur puisque l'esclavage est un crime contre l'humanité. La tradition ne saurait légitimer une telle pratique. En conclusion, le gouvernement est prié d'accepter une mission de contacts directs.
Le membre gouvernemental du Danemark, se prononçant également au nom des gouvernements de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a exprimé son regret que le cas ait été examiné à plusieurs reprises par la commission sans que des progrès notables soient visibles et elle s'est dite sérieusement préoccupée par le fait que des rapports persistants provenant de nombreuses sources font état de pratiques d'enlèvement, de trafics et de travail forcé accompagnées de violence extrême affectant des milliers de femmes et d'enfants au Soudan. Cette information démontre sans aucun doute que le travail forcé demeure une réalité au Soudan et que les personnes enlevées sont victimes de sérieuses violations des droits de l'homme, en plus d'être victimes de travail forcé. De plus, le processus d'amélioration se déroule à une vitesse beaucoup trop lente, ce qui est inacceptable. Pour contrer cette situation inquiétante et sérieuse, il est instamment demandé au gouvernement de prendre position contre les pratiques de travail forcé, de kidnapping et d'enlèvement de femmes et d'enfants de façon à accélérer le processus de leur éradication. Le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires afin d'assurer, conformément à la convention, l'imposition de sanctions pénales aux personnes reconnues coupables d'avoir exigé du travail forcé. Le gouvernement devrait produire des copies des décisions judiciaires en la matière dans son prochain rapport, dont l'oratrice espère qu'il fera état de mesures positives à cet égard.
Le membre gouvernemental de la République arabe syrienne a demandé à la commission d'experts et aux membres travailleurs et employeurs de tenir compte de la situation réelle au Soudan et dans d'autres cas semblables. Il est essentiel de faire la distinction entre un pays ravagé par la guerre et les conflits internes et un pays en paix, et entre un pays dont l'économie est florissante et un pays dont l'économie stagne en raison d'un embargo économique, des pénalités et d'une pénurie d'institutions et de main-d'œuvre productives. Un pays dont la principale préoccupation est de préserver l'unité de la nation et de son territoire et dont tous les efforts visent à la réalisation de cet objectif accusera un retard au niveau de son développement et de la modernisation de sa législation et de ses institutions sociales. Les droits de l'homme sont identiques partout dans le monde, et il est à espérer que les membres de la commission consulteront l'annexe du rapport du Directeur général à la Conférence pour se rendre compte qu'il existe des cas bien plus graves d'agression et de violation des droits de l'homme en Palestine et dans les territoires occupés. La commission devrait chercher des moyens d'aider le Soudan à éliminer ces difficultés au lieu de blâmer le gouvernement de ce pays.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis a indiqué qu'il s'agit d'un cas de longue date aux proportions dramatiques et dévastatrices. Les Etats-Unis ont nommé un envoyé spécial pour aider à rétablir la paix et pour mettre un terme aux souffrances humaines au Soudan, et notamment pour mettre fin aux rapts et à la servitude brutale de femmes et d'enfants. L'oratrice a exprimé son appréciation de la coopération du Soudan avec l'envoyé spécial et son espoir que le gouvernement soit instamment prié de mettre en œuvre les recommandations de cette mission de haut niveau.
Tout en saluant son rapport, l'oratrice a estimé urgent pour le gouvernement de développer une politique claire et sans équivoque en matière de rapts afin d'appuyer le travail du Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE) et de traduire en justice les responsables des rapts et de l'esclavage. Le gouvernement est prié instamment d'accepter l'aide de la communauté internationale, en particulier celle de l'OIT, par l'intermédiaire d'une mission de contacts directs. Il est important d'obtenir des résultats concrets et de prendre des mesures urgentes.
Le membre gouvernemental de l'Egypte a fait référence aux interventions faites par le gouvernement et le membre travailleur du Soudan indiquant que des mesures ont été prises par leur pays et faisant état de l'engagement des leaders politiques du pays de mettre un terme à ce phénomène, malgré les difficultés rencontrées par le Soudan en raison de la guerre dans le pays. La cassette vidéo mentionnée par le représentant du gouvernement du Soudan pourrait aider à clarifier la situation et devrait être visionnée lors de la prochaine session de la commission d'experts en novembre 2002. L'oratrice a fait référence à l'intervention du membre employeur du Soudan au sujet de la nouvelle politique adoptée par son pays pour mettre un terme au travail forcé et aux crimes d'enlèvements. Elle a suggéré que l'OIT apporte un plus grand support au gouvernement du Soudan, et ce non seulement pour l'assister face à ce phénomène en expansion, mais également pour l'encourager à ratifier plus de conventions de l'OIT. En conclusion, l'objectif de l'examen des cas individuels n'est pas d'imposer des pénalités mais d'assister les gouvernements et de donner des conseils sur les meilleurs moyens de surmonter le problème et de s'attaquer à ses causes.
Le membre travailleur de l'Iraq a déclaré soutenir pleinement l'élimination de l'esclavage, du travail forcé et des rapts, en quelque lieu que ce soit et en tout temps, parce que ces pratiques sont contraires aux droits de l'homme. A la lumière des explications détaillées et des mesures concrètes prises par le Soudan pour mettre un terme aux rapts de femmes et d'enfants dans certaines provinces du Soudan, il semble évident que certains conflits opposant différentes tribus dans certaines provinces du Soudan sont causés par une lutte pour des pâturages et non par des différences ethniques ou religieuses. L'Iraq déplore et condamne ce phénomène. Les enlèvements qui surviennent dans plusieurs pays résultent de l'analphabétisme et de la diversité des tribus. En raison du vaste territoire du Soudan et de la guerre constante qui fait rage dans le sud, les combats entre les tribus sont un problème bien plus grave que la stricte question de l'enlèvement. Des efforts réels doivent donc être faits pour rétablir la paix et mettre fin à la guerre d'usure qui est attisée par quelques puissances coloniales. Les grandes puissances extérieures cherchent à prolonger la guerre au Soudan en encourageant la pratique de l'enlèvement de femmes et d'enfants et en aggravant le problème complexe du sud du Soudan, ce qui empêche le rétablissement de la paix. Il serait souhaitable que la communauté internationale condamne cette ingérence extérieure dans les affaires internes du Soudan et qu'elle respecte la souveraineté de ce pays. Il est essentiel d'encourager le gouvernement du Soudan et ses partenaires sociaux à mettre un terme au phénomène de l'enlèvement de femmes et d'enfants par l'application des mesures indiquées par le représentant gouvernemental, ainsi que de mesures supplémentaires qui portent pas atteinte à la souveraineté nationale.
Un autre représentant gouvernemental du Soudan s'est félicité de toutes les recommandations positives faites au cours de la discussion du cas. La position du gouvernement n'est pas de défendre des violations de droits de l'homme ou de les nier. Chaque cas de violation des droits humains est de grande importance. Cependant l'exagération du nombre de cas n'aidera pas à atteindre des résultats positifs. Le gouvernement du Soudan reconnaît l'existence du problème du travail forcé, d'enlèvements et de trafics mais la question est de savoir comment on peut faire avancer les choses dans la bonne direction. Une campagne de sensibilisation menée par le gouvernement vise les gens illettrés des régions éloignées chez qui la situation est la plus critique. Au cours des dernières années, des progrès ont été faits en ce qui concerne les infrastructures. Il est désormais possible de regarder la télévision et d'avoir accès à Internet et au téléphone même dans les régions les plus éloignées du pays. Tous ces développements ont aidé à sensibiliser de façon générale la population sur le sujet. Plus spécifiquement, le gouvernement a rassemblé un groupe de 400 chefs locaux qui ont participé à des séminaires organisés avec l'aide du PNUD et d'organisations non gouvernementales pour initier une campagne de sensibilisation.
Le gouvernement a adopté une approche à deux niveaux visant, d'une part, la sensibilisation et, d'autre part, l'imposition de sanctions sévères. L'éducation et la sensibilisation devraient avoir priorité. Les gens éduqués qui ont commis des crimes devraient être poursuivis en justice alors que ceux qui ignoraient la portée de leur geste ne devraient pas être immédiatement envoyés en prison. La patience devra être requise afin d'éduquer les gens qui ne le sont pas sur le sujet.
Un important financement est nécessaire afin de mener ces activités. Le président a alloué un milliard de livres soudanaises pour les quatre prochains mois. Des montants similaires ont été alloués pour des périodes semblables pour la prochaine année. Un décret présidentiel prévoit l'élimination des pratiques de travail forcé dans l'année suivant son adoption, le 26 janvier 2002. Le gouvernement prend le problème au sérieux et le président s'implique personnellement. Le gouvernement se félicite de la coopération dont fait part la communauté internationale sur cet aspect et espère des résultats tangibles au cours de la prochaine année. Finalement, il a mentionné qu'il espérait que la confrontation laisserait la place à la coopération entre les parties concernées par ce problème dans un proche avenir.
Un autre représentant gouvernemental (ministre du Travail et de la Réforme de l'administration) a indiqué qu'il était natif du sud du Soudan et qu'il en connaissait les conditions réelles. Il a remercié les orateurs qui sont intervenus pour exprimer leur soutien à l'égard des efforts faits par le gouvernement en vue de combattre les problèmes existants. Le gouvernement n'a jamais nié l'existence de cas d'enlèvements de femmes et d'enfants et il s'est engagé à éliminer ce phénomène. La source du problème est la guerre qui fait rage depuis les dix dernières années dans une vaste région sans maître.
Les mesures prises cette année dans le cadre du plan d'action apporteront des résultats positifs et, avec l'aide d'autres gouvernements, il sera possible de faire des progrès. Il est très important de mettre un terme à la guerre qui contribue au problème. Le gouvernement des Etats-Unis et l'Union européenne doivent être remerciés pour les efforts qu'ils ont déployés afin de mettre fin à la guerre. De nombreuses missions ont récemment eu lieu sur cette question et il est possible d'en tirer des informations importantes et précieuses. Il y a toutefois un risque de duplication si d'autres missions devaient avoir lieu. Le film vidéo sur le sujet pourrait être projeté à la Conférence et constituer une source importante d'information. Il faut espérer que des résultats positifs seront obtenus dans un proche avenir.
Les membres travailleurs ont tenu à prendre leurs distances par rapport à une grande partie des interventions faites par les délégués travailleurs du Soudan et de l'Iraq.
A la lumière du rapport de la commission d'experts et des informations fournies par Anti-Slavery International, il faut constater qu'aucun progrès n'a été accompli concernant l'application de la convention. L'objectif de la discussion d'un cas devant la commission n'est pas de gêner le gouvernement mais plutôt de le convaincre de rendre sa législation et sa pratique conformes aux engagements qu'il a pris en ratifiant la convention. L'enlèvement, le trafic, le travail forcé et l'esclavage qui affectent des milliers de femmes et d'enfants constituent de graves violations de la convention et sont des crimes contre l'humanité.
Le gouvernement a une fois de plus fait des promesses devant la commission. Il propose un plan d'action d'un an. En attendant les résultats de ce plan d'action, la commission doit en arriver à une conclusion très ferme. Elle doit conclure qu'il s'agit d'un cas de défaut continu d'application de la convention, et cette conclusion doit figurer dans un paragraphe spécial de son rapport.
Les membres employeurs ont souligné qu'il n'a jamais été allégué que la politique du gouvernement cautionnait la situation actuelle. La commission a simplement affirmé qu'une grande partie de la population est victime depuis très longtemps d'actes de cruauté, notamment d'enlèvement, de kidnapping, de meurtre, de viol et de travail forcé. Le représentant du gouvernement a mentionné un certain nombre d'obstacles qui empêchent la résolution du problème. Les rapports de la commission d'experts mentionnent ces obstacles depuis des années et, même si le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants a été créé en 1999, la situation ne s'est toujours pas améliorée. En réponse à la demande d'assistance technique du représentant gouvernemental, il est proposé d'envoyer une mission de contacts directs dans le pays. Cette proposition plus significative pourrait être un outil approprié pour répondre aux violations très graves des droits de l'homme et pour appuyer, entre autres actions, l'organisation de campagnes de sensibilisation. Il serait très utile au gouvernement de bénéficier de l'expérience et du savoir des autres. Puisque le représentant du gouvernement n'a pas accepté cette proposition, la commission devrait exprimer sa profonde préoccupation de voir le gouvernement manquer de façon continue à son obligation d'appliquer les dispositions pertinentes de la convention. Les conclusions de la commission devraient figurer dans un paragraphe spécial de son rapport.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. Elle a rappelé qu'elle a examiné ce cas à plusieurs reprises ces dernières années. La commission a partagé la préoccupation de la commission d'experts en ce qui concerne les pratiques d'enlèvement, de trafic et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d'enfants, non seulement dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé, mais également dans les régions sous contrôle du gouvernement. La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental, notamment sur les activités du Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE) créé en 1999, sur la nécessité d'un travail d'éducation et de sensibilisation des tribus, sur les ressources financières allouées et sur la création d'un mécanisme pour engager les poursuites dans les nouveaux cas dénoncés, à traiter par des procureurs du ministère de la Justice. La commission a noté l'expression de la volonté du gouvernement de coopérer avec les différentes institutions internationales et le Plan d'action que le gouvernement met en place pour l'élimination des pratiques de travail forcé. La commission a pris note des préoccupations exprimées par les membres de la commission, particulièrement le fait que la tradition ne peut légitimer des violations aussi graves de la convention no 29 et le refus d'accepter une mission de contacts directs. Tout en prenant en considération les explications fournies par le représentant gouvernemental, la commission s'est vue néanmoins obligée d'observer que l'ensemble des informations en provenance, entre autres, des organisations de travailleurs, du Rapporteur spécial des Nations Unies et des membres de la commission qui se sont exprimés font état de la persistance du travail forcé au Soudan et de l'insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour combattre cette situation. Elle a en particulier noté l'absence de sanctions infligées aux responsables. La commission a demandé instamment au gouvernement de prendre une position plus ferme pour combattre les cas de travail forcé résultant des enlèvements de femmes et d'enfants en clarifiant sa politique et en donnant à celle-ci la publicité nécessaire. Elle veut croire que le gouvernement prendra des mesures urgentes, efficaces et pertinentes pour créer et renforcer des mécanismes de prévention, d'identification et de sanctions. Elle a pris note de l'engagement du gouvernement de procéder dans l'année à l'évaluation de la situation et des résultats du Plan d'action et a exprimé le ferme espoir d'être en mesure de constater, dans un proche avenir, des améliorations dans l'action du gouvernement pour combattre le travail forcé. La commission a décidé que ces conclusions figureraient dans un paragraphe spécial du rapport.
Un représentant gouvernemental du Soudan a déclaré que, ayant étudié le rapport de la commission d'experts, sa délégation a souhaité apporter des informations en réponse aux questions qui y sont soulevées. Le représentant a fait observer que la question des enlèvements de femmes et d'enfants a été abordée dans le rapport de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ainsi qu'à l'Assemblée générale des Nations Unies, à propos des droits de l'homme au Soudan, et que l'une et l'autre instances ont conclu qu'en l'occurrence il n'y avait pas de pratique de travail forcé mais simplement des enlèvements. Il a souligné que son gouvernement condamne toutes les formes d'esclavage et a signalé à cet égard l'article 20 de la Constitution du Soudan. Il a également souligné que le Code pénal du Soudan punit de dix ans d'emprisonnement l'enlèvement de mineurs et de sept ans d'emprisonnement l'enlèvement simple. Le représentant gouvernemental a relevé que les informations contenues dans le rapport de la commission d'experts provenaient de Christian Solidarity International. De l'avis du gouvernement, cette organisation n'est pas une source neutre et fiable, elle a au contraire une position d'agression à l'égard du gouvernement du Soudan. C'est ainsi que cet organisme déclarait dans une communication adressée au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme le 5 juillet dernier que 133 enfants pris en charge dans le cadre d'un programme UNICEF/CEAWC pour rejoindre leurs familles avaient été perdus en cours de route. Dans une lettre du 25 juillet 2000 l'UNICEF a signalé que les enfants en question étaient arrivés à destination sains et saufs et a même donné leurs noms et la date de leur arrivée. Le gouvernement avait signalé cet incident à la commission d'experts mais il n'en a malheureusement pas été tenu compte dans le rapport. Le représentant gouvernemental a déclaré que les hostilités affectant la partie méridionale du Soudan ont notamment comme conséquence négative l'enlèvement de femmes et d'enfants des tribus de la région. Il s'agit là d'une pratique très ancienne, que l'on retrouve d'ailleurs dans d'autres parties du continent africain, surtout dans les régions en proie à des conflits, à l'instabilité ou à l'insécurité. La pratique de l'enlèvement de femmes et d'enfants dans les populations tribales est particulièrement courante chez les Dinka et chez les autres tribus du sud. Un accord a été signé en mars 1997 avec les Dinkas et d'autres tribus, stipulant que les femmes et les enfants enlevés devaient être restitués, en raison de la persistance des hostilités, les chefs de tribus qui jusqu'alors réglaient ces problèmes et restituaient les prisonniers ne pouvaient plus le faire. Pour combler ce vide laissé par le départ des chefs tribaux, en mai 1999 le ministère de la Justice a constitué une commission pour l'éradication de l'enlèvement de femmes et d'enfants (CEAWC). Cette initiative a été accueillie par les organes des Nations Unies comme une évolution positive. Cette commission est composée de membres gouvernementaux et non gouvernementaux ainsi que de membres des tribus concernées. Bien qu'étant attaché sans réserve à l'éradication de ce phénomène, le gouvernement se heurte à un certain nombre de difficultés à ce propos. En premier lieu, ces enlèvements se produisent dans une région vaste, dépourvue de routes asphaltées par lesquelles les autorités pourraient se rendre aisément sur les lieux. Les forces de sécurité ne disposent pas des moyens de transport et de communication nécessaires pour couvrir cette région, à cause de la précarité de l'économie. A cela s'ajoute que les routes de la région sont impraticables à certaines époques de l'année, en particulier pendant la saison des pluies. Les enlèvements se produisent dans les zones où sévit la guerre civile. La CEAWC se heurte à de nombreuses difficultés dans l'accomplissement de sa mission. Tout d'abord, il est difficile d'atteindre les familles d'enfants enlevés du fait que ces gens vivent dans une région sous contrôle de groupes armés rebelles et se déplacent constamment dans une région aux mains de l'armée révolutionnaire. Le gouvernement a essayé de recourir à des personnes neutres pour assurer le retour des enfants de sa région vers des régions contrôlées par les rebelles mais il n'a pas rencontré beaucoup de coopération de la part de ces derniers à cet égard. Le problème se trouve aggravé par les difficultés logistiques que posent le transport et la nourriture de ces personnes. La question de la réunion des familles suscite également des conflits touchant les intérêts des rebelles. Les rebelles incitent les tribus à perpétrer des raids. Le conflit est en outre alimenté par le mouvement armé, ce qui attise les pratiques d'enlèvement et complique encore la tâche de la CEAWC. Le Soudan a demandé l'aide de la communauté internationale pour essayer de mettre un terme à ces pratiques et il en a reçu de la part de l'Union européenne, de Save the Children, du Royaume-Uni et de l'UNICEF. Malgré ces difficultés, le gouvernement reste déterminé à mettre un terme à ce phénomène par sa législation et en sensibilisant le public dans un sens propice à l'instauration d'une coexistence pacifique entre les tribus. A cette fin, le gouvernement a mis en place un programme de radiodiffusion dans ces régions. Au nombre des mesures prises, la CEAWC a organisé un colloque et une mission a été envoyée pour rechercher douze enfants enlevés par les Dinkas d'autres tribus du sud. Cette mission, effectuée en juillet 2000, a permis de rendre deux enfants à leurs familles. Le gouvernement poursuit ses efforts en vue de réunir un enfant avec sa famille et un autre enfant a été transféré à Khartoum pour traitement médical. D'autres enfants qui avaient été enlevés ont été recherchés avec succès décembre 2000 et janvier 2001. Relevant les divergences entre les statistiques présentées par le gouvernement en 2000 et les données présentées par la CEAWC en 1999 et 2000, l'intervenant a rectifié ces chiffres devant la Commission de la Conférence, précisant que 353 des personnes enlevées avaient été restituées à leurs familles et non 1 258 comme indiqué dans le rapport de la commission d'experts. Pour conclure, l'intervenant a indiqué qu'en août 2000 un expert de l'OIT attaché à l'équipe multidisciplinaire d'Addis-Abeba s'est rendu au Soudan pour une mission de trois semaines. Pendant cette période, il s'est entretenu avec des représentants du gouvernement, de la CEAWC et d'autres membres de la société civile. Le gouvernement a répondu à toutes les questions des experts et a coopéré avec cette mission, ce qui n'est pas reflété dans le rapport de la commission d'experts.
Les membres employeurs ont souligné que le cas relatif à l'application par le Soudan de la convention no 29 était malheureusement à l'étude depuis très longtemps. Ils ont rappelé que la commission d'experts avait régulièrement formulé des observations sur cette question depuis 1989 et que la Commission de la Conférence en avait été saisie à six reprises. Le rapport de la commission d'experts donne suite aux observations formulées les années précédentes. Toutefois, aucune amélioration digne de ce nom n'a été constatée à ce jour. Au contraire, le rapport de la commission d'experts cite de nombreuses violations de la convention, qui ont été confirmées par diverses sources, y compris de grandes fédérations syndicales, une mission canadienne d'évaluation et le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Ces violations comprennent des actes de cruauté commis dans le cadre d'enlèvement et de rapt de femmes et d'enfants ainsi que des cas d'assassinat, de viol et de travail forcé. Les principales victimes de ces pratiques sont la population dinka et les habitants des Monts Nuba. Ces violations ont été attestées par de nombreux témoins qui ont également indiqué que les agresseurs étaient alliés avec les forces armées du gouvernement. En réalité, le rapport de la mission canadienne d'évaluation, qui était mandatée par le ministre des Affaires étrangères du Soudan, précise que les attaquants n'ont d'autre rémunération que leur butin. Le représentant gouvernemental n'a pas répondu aux points les plus récents soulevés par la commission d'experts mais s'est contenté d'expliquer pourquoi il fallait prendre des mesures supplémentaires pour redresser la situation. Comme les années précédentes, le gouvernement a indiqué que la pratique du rapt et de l'enlèvement au sein des tribus du sud du Soudan faisait partie de la tradition de ces tribus et était une pratique courante, donnant ainsi l'impression que la Commission de la Conférence devrait accepter cette pratique comme une sorte de coutume populaire. Pourtant, il s'agit de meurtres et d'autres actes de cruauté qui mettent en péril l'existence de nombreuses victimes à travers le pays. Dans son précédent rapport, la commission d'experts avait noté certains progrès, du fait de la création par le gouvernement du Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE). En théorie, le mandat du CERFE, qui est de mettre un terme aux pratiques décrites et de faciliter le retour dans leurs familles des femmes et des enfants enlevés, est correct. Toutefois, les membres employeurs posent la question de savoir si le CERFE a le soutien des chefs de tribu concernés et s'il traduit en justice ceux qui se rendent coupables de ces actes. Comme dans le passé, le représentant gouvernemental a fait état de divergences dans les données statistiques contenues dans le rapport de la commission d'experts à propos du nombre de personnes enlevées et du nombre de personnes libérées. Toutefois, il n'a pas dit s'il disposait de nouveaux chiffres démontrant l'efficacité du CERFE. A propos de l'accusation selon laquelle le CERFE travaille trop lentement, les membres employeurs se demandent si cela n'est pas dû à un manque de soutien politique et financier de la part du gouvernement. Dans ce contexte, le représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement avait demandé une aide financière à l'Union européenne et à l'UNICEF. Tout en se félicitant de cette information, les membres employeurs ont fait observer que le gouvernement devait également prendre des mesures pénales efficaces et les appliquer. En effet, l'article 25 de la convention no 29 stipule que les gouvernements sont tenus d'adopter et d'appliquer des sanctions efficaces contre ceux qui exigent du travail forcé. Ils ont fait observer qu'au Soudan la peine actuellement prévue pour l'exaction du travail forcé était seulement d'une année d'emprisonnement. Les membres employeurs considèrent que cette pratique se perpétue depuis si longtemps que le gouvernement a de bonnes raisons d'allonger considérablement cette peine, surtout si l'on tient compte du fait que l'imposition de travail forcé revêt désormais un caractère quasiment routinier. Cette situation inacceptable ne s'améliorera pas tant que les sanctions ne seront pas dans une très large mesure renforcées. Une telle modification de la législation se justifie également en raison de la gravité des crimes commis et de leurs conséquences pour les victimes ainsi que de l'opinion unanime de différentes organisations internationales, selon laquelle il est urgent que le gouvernement prenne des mesures pour mettre un terme à ces pratiques. Enfin, les membres employeurs ont souligné que le gouvernement devra faire état dans son prochain rapport d'efforts beaucoup plus efficaces que cela n'a été le cas dans le passé et a demandé à la commission de l'indiquer dans ses conclusions.
Les membres travailleurs ont déclaré que l'analyse qu'ils avaient faite de ce cas recoupe les déclarations des membres employeurs et qu'ils se limiteraient dès lors à exposer leurs conclusions. Un large consensus de diverses sources indépendantes prouve la persistance des pratiques d'enlèvement, de travail forcé et d'esclavage au Soudan et de l'implication active ou tacite du gouvernement dans ces pratiques. Les membres travailleurs se sont dits également préoccupés par le risque important d'augmentation de telles pratiques suite à la découverte de gisements de pétrole. Le CERFE aurait pu constituer un moyen de mettre en uvre la volonté politique d'éradiquer ces pratiques abominables; il est devenu au mieux une timide initiative et au pire un moyen de masquer l'absence de volonté politique du gouvernement soudanais de se conformer à la convention no 29. Dans son rapport à la commission d'experts, le gouvernement faisait part de sa volonté d'éliminer l'enlèvement de femmes et d'enfants en vue de les soumettre au travail forcé, mais rien ne confirme l'existence de cette volonté. Bien au contraire, les preuves de la complicité tacite ou active du gouvernement dans ces exactions s'accumulent. Comme l'année dernière, le gouvernement du Soudan a eu l'occasion de démontrer sa bonne volonté en acceptant une mission de contacts directs de l'OIT ayant pour mandat d'étudier, en toute sécurité, l'ensemble des questions liées au respect de la convention no 29 par le Soudan et de faire rapport à la commission d'experts. Le gouvernement soudanais devrait bien entendu laisser cette mission accéder à l'ensemble du territoire et à tous les acteurs susceptibles de l'éclairer dans le cadre de son mandat. Le représentant gouvernemental du Soudan est invité à se prononcer clairement sur l'acceptation d'une telle mission et sur sa mise en place d'ici la fin de l'année. Les membres travailleurs ont cependant exprimé leur crainte qu'une réponse négative ne soit déjà certaine. Si une telle mission n'est pas acceptée, étant donné que les pratiques décrites ci-dessus constituent des violations graves de la convention no 29 et des crimes contre l'humanité, la commission devrait exprimer sa condamnation la plus sévère de la violation de la convention no 29 par le gouvernement du Soudan.
Le membre travailleur de la Côte d'Ivoire a rappelé que ce cas a déjà fait l'objet de paragraphes spéciaux sans que la situation évolue. Des pratiques esclavagistes existent au Soudan et ont pour corollaires viols, meurtres et enlèvements. Les principales victimes en sont les femmes et les enfants. L'esclavage et le travail forcé sont systématiques et érigés en institutions, même dans les régions sous contrôle gouvernemental où existent les tristement célèbres camps de la paix. En outre, le Code pénal ne prévoit qu'une peine d'un an de prison pour l'exaction de travail forcé. Une telle peine ne constitue pas une sanction mais plutôt une mesure d'encouragement. Les informations fournies par le CERFE ne doivent pas faire perdre de vue la souffrance des femmes et des enfants victimes d'enlèvement. Des actions concrètes doivent être entreprises pour mettre un terme à cette situation qui n'honore pas le continent africain.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a relevé qu'il avait déjà formulé des commentaires sur ce cas l'année dernière et a regretté de devoir intervenir de nouveau. Cependant, le cas de l'application de la convention no 29 au Soudan est un cas persistant et extrêmement grave. Il a trait à l'enlèvement, de femmes et d'enfants pour l'essentiel, et à leur utilisation comme esclaves, cette pratique servant d'instrument de guerre. Bien que le nombre de femmes et d'enfants enlevés et réduits en esclavage lors de raids ait varié au cours des années qui ont suivi la reprise de la guerre civile au Soudan en 1983, l'esclavage reste clairement une réalité au Soudan. Des milliers de personnes attendent leur libération et de nouveaux rapts sont perpétrés. Dès la publication des premiers rapports en 1987 et jusqu'en 1999, le gouvernement a constamment nié l'existence de raids militaires ou d'esclavage. Toutefois, lorsque la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a cessé de parler d'esclavage en 1999 et a utilisé à la place les termes de rapt et de travail forcé, le gouvernement a mis en place le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE). La commission d'experts a relevé les dimensions géographiques et ethniques de ce cas épouvantable. L'orateur a souhaité communiquer des informations qui ont été transmises au siège de son syndicat national, avec lequel le TUC entretenait des relations durables et fructueuses, non par Christian Solidarity International, mais par Anti-Slavery International (ASI), une organisation très respectée. En octobre 2000, deux représentants d'ASI ont visité le Soudan pour évaluer l'impact du travail du CERFE. Ils ont interrogé des membres du CERFE, du Comité Dinka, de la communauté Dinka du Nord Soudan et d'anciens esclaves vivant dans trois centres de transit gérés par le CERFE. En avril 2001, ASI a soumis au gouvernement un rapport résumant les informations recueillies au cours de cette visite et formulant une série de recommandations aux autorités soudanaises. L'orateur a noté que le représentant gouvernemental du Soudan condamne toute forme d'esclavage. Toutefois, ASI a établi que les dirigeants gouvernementaux et autres responsables ne considèrent pas que les personnes enlevées et intégrées à une autre famille, que ce soit à la suite d'une vente, d'une adoption simulée, d'un mariage ou après l'écoulement d'un certain temps, sont des victimes de violations de droits de l'homme et encore moins d'esclavage. L'orateur a appelé vivement la Commission de la Conférence à condamner non seulement les rapts, les enlèvements et le travail forcé, mais également les adoptions simulées, la servitude pour dettes, l'emploi d'enfants loin de chez eux et sans le consentement de leurs parents ou tuteurs, et la pratique consistant à forcer les filles et les femmes à se marier ou à les persuader de le faire en les laissant dans l'ignorance de leurs origines et de leurs droits. Le gouvernement devrait garantir que la législation du Soudan interdise toutes ces pratiques et que les sanctions prévues soient proportionnées aux violations des droits de l'homme. L'exaction de travail forcé constitue en réalité une infraction selon le Code pénal de 1991, mais la sanction n'est que d'un an d'emprisonnement. Même si le CERFE a permis la libération de femmes et d'enfants qui avaient été enlevés, ASI a relevé que les progrès dans ce domaine sont extrêmement lents. De mai 1999 à juillet 2000, le CERFE a identifié 1 230 rapts au Sud Darfur et dans le Kordofan occidental. Toutefois, en avril 2001, moins de la moitié des personnes enlevées étaient rentrées chez elles. On évalue entre 5 000 et 14 000 le nombre total de personnes attendant leur libération. Cette lenteur peut être attribuée en partie à la recrudescence des combats. Cependant, le CERFE n'a pas continué les poursuites engagées. Il a simplement adopté des procédures pour essayer d'identifier les personnes qui devraient être libérées et pour assurer leur libération. Pour ce faire, il a impliqué des représentants des victimes dinka et de la communauté qui les maintient en détention. Il est inacceptable que ce processus soit si lent. En effet, les Dinkas ont fermement critiqué le gouvernement au motif que ce dernier ne facilitait pas le travail du Comité dinka pour la libération des esclaves. Le responsable du comité estime que l'inaction du gouvernement a pour effet d'encourager d'autres rapts. Il a également relevé que les représentants dinka continuent de faire l'objet de harcèlement dans l'exercice de leurs fonctions. L'orateur a dès lors exhorté le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour hâter les libérations, et à mettre publiquement fin à l'amnistie de fait dont bénéficient ceux qui enlèvent ou maintiennent en détention les victimes. Le gouvernement doit continuer les poursuites. Il doit également soutenir le CERFE et indiquer clairement aux responsables locaux qu'ils doivent coopérer avec le CERFE dans le processus de libération et protéger les représentants dinka de tout harcèlement. Les dirigeants et individus faisant obstruction au travail du CERFE devraient être punis. Aucune action n'a été prise pour empêcher de nouveaux rapts. Deux des raids qui ont eu lieu en janvier et en février ont conduit à l'enlèvement de plus de 400 femmes et enfants. L'orateur a exhorté le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour faire cesser les attaques contre les civils et empêcher de nouveaux raids et enlèvements. L'orateur a suggéré que le gouvernement établisse et maintienne un corridor terrestre ou aérien du Nord au Sud Soudan, sous le contrôle d'une organisation neutre appropriée, afin de permettre aux victimes libérées de retourner en toute sécurité vers les zones sous contrôle du SPLA dans lesquelles elles avaient été enlevées. En outre, des informations détaillées doivent être fournies à l'OIT sur les procédures légales initiées à l'encontre des responsables de ces crimes et le gouvernement doit prendre des mesures pour empêcher de nouveaux enlèvements. Le gouvernement ayant demandé l'assistance de la communauté internationale, l'orateur a suggéré qu'une mission de contacts directs se rende au Soudan afin d'obtenir des informations factuelles complètes et d'examiner quelle assistance effective l'OIT pourrait offrir au gouvernement pour l'élimination de cette pratique.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que son gouvernement demeure grandement préoccupé par les rapports continus, émanant de plusieurs sources, faisant état de l'enlèvement, du trafic et de l'esclavage - en plus de l'extrême violence - dont sont victimes des milliers de femmes et d'enfants au Soudan. Malgré l'engagement déclaré du gouvernement à éradiquer ces pratiques et à coopérer avec la communauté internationale, le rôle présumé du gouvernement soudanais dans ces atrocités demeure très troublant. Par le passé, la Commission de la Conférence s'est référée au Comité pour l'élimination des rapts des femmes et des enfants (CERFE) comme étant un premier pas positif mais, après ce que la commission a entendu ce soir, ce comité est loin d'être suffisant. La Commission de la Conférence devrait donc insister pour que le gouvernement prenne, de toute urgence, toutes les mesures nécessaires afin d'enrayer ces pratiques d'esclavage. Ces mesures devraient particulièrement faire en sorte que les auteurs de ces actes soient amenés devant les tribunaux, qu'ils soient condamnés et que des sanctions significatives leur soient imposées afin de s'assurer du respect des dispositions de la convention no 29 pour toutes les personnes au Soudan.
Le représentant gouvernemental a remercié les membres de la commission de l'intérêt qu'ils portent à ce cas. Le dialogue a été constructif et fructueux. L'orateur a formulé un certain nombre d'observations en commençant par dire que l'on continuait à parler d'esclavage et de servitude en se fondant sur la résolution d'avril 1999 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, mais que la résolution adoptée ne parlait pas d'esclavage mais d'enlèvements et de rapts. Le gouvernement du Soudan ne nie pas que des enlèvements aient lieu. Il a d'ailleurs réagi positivement en créant le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants (CERFE) dont le mandat est d'éliminer les enlèvements de femmes et d'enfants. La Commission de la Conférence a pris note des difficultés auxquelles se heurte le gouvernement dans les efforts qu'il déploie pour résoudre le problème des enlèvements, et notamment de l'incapacité dans laquelle celui-ci se trouve d'accéder aux zones dans lesquelles les personnes enlevées sont détenues. Tout en partageant l'inquiétude exprimée par les autres membres de la commission en ce qui concerne ces enlèvements, l'orateur a attiré l'attention sur le fait que le problème ne pourrait être résolu qu'en appuyant le CERFE et en mettant fin à la guerre civile qui sévit au Soudan. Il a formé l'espoir que la commission demande à la communauté internationale d'appuyer à cette fin les initiatives de paix.
Un autre représentant gouvernemental a souligné que son gouvernement était résolu à respecter et à promouvoir les droits de l'homme au Soudan. La politique gouvernementale ne consiste pas à nier les violations des droits de l'homme qui se produisent au Soudan mais à en reconnaître l'existence et à essayer d'y mettre un terme. Pour ce faire, le gouvernement préfère adopter une attitude de coopération plutôt qu'une attitude de confrontation. C'est dans cet esprit constructif que le CERFE a été créé en collaboration avec l'UNICEF et des gouvernements occidentaux. Plusieurs centaines de femmes et d'enfants ont été sauvés grâce à l'action du CERFE. L'orateur a toutefois souligné que son gouvernement faisait appel à la compréhension de la commission pour résoudre le problème des enlèvements au Soudan. Il a noté dans ce contexte la contribution des membres de la commission lors de l'examen de ce cas.
Un autre représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Réforme de l'administration, a indiqué que son gouvernement souhaitait coopérer avec le BIT pour trouver des moyens appropriés de résoudre ce problème. Le plus important est d'admettre l'existence du problème. Il a souligné le fait que le problème des enlèvements était dû à la guerre civile qui sévit au Soudan depuis de nombreuses années. Tant que la guerre continuera, il y aura des violations des droits de l'homme. Cela n'est pas particulier au Soudan mais se produit dans d'autres régions du monde qui sont en guerre, y compris en Europe. L'orateur a pris note de la suggestion des membres travailleurs concernant une mission de contacts directs. Son gouvernement examinera cette proposition afin de déterminer les modalités d'une telle mission. Il a assuré la commission que le renforcement de l'action et des capacités du CERFE permettrait de mieux lutter contre l'enlèvement des femmes et des enfants en vue d'éradiquer ce fléau.
Les membres employeurs se sont déclarés surpris par la réaction du représentant gouvernemental en ce qui concerne les difficultés auxquelles se heurte le CERFE, particulièrement eu égard à ses ressources humaines et financières. Ces difficultés sont connues. Il est vrai que la guerre a, dans une large mesure, favorisé le travail forcé dans le pays. Toutefois, lors des précédents examens de ce cas, les représentants gouvernementaux ont affirmé que l'enlèvement de femmes et d'enfants est inhérent aux relations que les tribus entretiennent entre elles étant donné qu'elles se disputent les terres agricoles. A propos de la demande d'assistance technique formulée par le représentant gouvernemental, les membres employeurs ont rappelé qu'une proposition beaucoup plus ambitieuse avait été faite, à savoir l'envoi d'une mission de contacts directs dans le pays. Cependant, la réponse du représentant gouvernemental n'est pas claire à ce propos. Or la mission de contacts directs ne peut avoir lieu sans l'accord du gouvernement. Par conséquent, le représentant gouvernemental doit dire clairement si oui ou non son gouvernement serait disposé à accueillir une telle mission, qui constituerait peut-être un moyen adéquat pour tenter de résoudre les très graves problèmes de violation des droits de l'homme. Il s'agit en effet d'un très grave problème au Soudan et le gouvernement manque de façon persistante à son obligation d'appliquer les dispositions pertinentes de la convention no 29.
Les membres travailleurs ont déclaré que l'on se trouvait face à une situation extrêmement triste. Les pratiques d'enlèvement, de trafic, de travail forcé et d'esclavage affectent des milliers de femmes et d'enfants originaires du Sud du Soudan et constituent de graves violations de la convention no 29. Il s'agit de crimes contre l'humanité; même si le gouvernement refuse le mot "esclavage", nous savons bien que c'est ce qui se produit après l'enlèvement. L'implication active ou tacite du gouvernement soudanais dans ces pratiques est regrettable. A la question claire que les membres travailleurs et employeurs avaient posée, à savoir si le gouvernement acceptait la proposition d'une mission de contacts directs, ce dernier a répondu en utilisant le même langage que l'année dernière. Cela doit être interprété comme un nouveau refus de collaboration. Les membres travailleurs demandent en conséquence que ce cas soit inscrit dans un paragraphe spécial de son rapport.
La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a présentées, à savoir les causes de l'enlèvement de femmes et d'enfants, et les mesures qui ont été prises pour supprimer le travail forcé qui est imposé à des femmes et des enfants. La commission a également pris note de la discussion qui s'est ensuivie. Elle a souligné l'extrême gravité de cette situation qui porte atteinte aux droits fondamentaux de l'homme et qui, pour cette raison, a fait l'objet d'un paragraphe spécial en 1997, 1998 et 2000. La commission a noté que, selon la commission d'experts, il existe un large consensus au sein des organes des institutions des Nations Unies et des organisations représentatives de travailleurs en ce qui concerne la persistance de pratiques d'enlèvement et de travail forcé. La commission a conclu que ces situations constituent de graves atteintes à la convention no 29. La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a données sur les difficultés pratiques que connaît le Comité pour l'élimination des rapts de femmes et d'enfants pour identifier ces personnes et leur permettre de regagner leurs foyers, et a observé que les mesures prises sont insuffisantes. La commission, profondément préoccupée par la grave situation qui prévaut au Soudan, a demandé instamment au gouvernement de prendre des mesures rigoureuses qui soient proportionnelles à l'ampleur et à la gravité du problème en question, et de répondre aux questions soulevées par la commission d'experts, en particulier en ce qui concerne les mesures visant à prévenir ces situations, à identifier les personnes qui exigent du travail forcé et à imposer des sanctions pénales appropriées. La commission a noté que le représentant gouvernemental a refusé la proposition visant à envoyer dans son pays une mission de contacts directs pour que celle-ci puisse collaborer avec le gouvernement en vue de solutions pour éliminer les pratiques de travail forcé. Toutefois, le représentant gouvernemental a déclaré que cette possibilité serait examinée. La commission a décidé de faire figurer le cas à l'examen dans un paragraphe spécial de son rapport comme un cas de défaut continu d'application de la convention.
Un représentant gouvernemental a indiqué qu'il ne s'attendait pas à ce que ce cas soit examiné devant la commission. Il a rappelé que le rapport de la commission d'experts contient des commentaires positifs sur les progrès accomplis dans la situation du Soudan et relève la volonté du gouvernement de se conformer aux recommandations du rapport et de fournir des informations supplémentaires. L'esclavage et le travail forcé sont des pratiques qui vont à l'encontre de l'héritage culturel du pays et sont interdits tant dans la Constitution que dans la législation du Soudan. La résolution de l'Assemblée générale de cette année n'a fait aucune mention d'esclavage et a indiqué que des enlèvements ont été perpétrés dans le contexte de la guerre civile. Les difficultés relevées dans le rapport trouvent leur origine dans le conflit armé qui touche actuellement le Soudan. S'agissant des efforts du gouvernement pour éliminer le travail forcé et l'esclavage, il a rappelé la création de la Commission pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants (CEAWC) par un décret de mai 1999. Cet organe dispose des pleins pouvoirs et est dûment mandaté pour chercher la manière d'obtenir le retour des femmes et des enfants enlevés, d'enquêter sur les rapports d'enlèvements, de juger les responsables et de rechercher les moyens d'éradiquer les pratiques relatives au travail forcé. Le travail de la CEAWC se résume à 1.230 cas traités et au retour de 1.258 personnes dans leur foyer. Des missions d'enquête, la construction de refuges pour les personnes enlevées ainsi que l'établissement de bureaux dans les zones touchées sont prévus pour l'année 2000. En conclusion, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a exprimé sa satisfaction en avril dernier sur la situation au Soudan. La CEAWC poursuivra ses activités en consultation avec les organisations internationales de manière à traiter les problèmes soulevés dans le rapport. La véritable cause des enlèvements est la guerre civile et le gouvernement emploie tous les moyens dont il dispose pour faire cesser ce conflit.
Les membres travailleurs se sont déclarés profondément préoccupés par le fait de devoir une nouvelle fois présenter leurs commentaires sur l'application de cette convention au Soudan. Le cas a d'ailleurs fait l'objet d'un paragraphe spécial en 1992, 1993, 1997 et 1998. Les commentaires de la commission d'experts et les déclarations du représentant gouvernemental ne permettent pas de constater, malgré quelques timides initiatives, de réels progrès en vue de la suppression du travail forcé et de l'esclavage au Soudan. La commission d'experts a examiné les allégations d'enlèvements et de trafics de femmes et d'enfants, de mises en esclavage et d'enrôlements de force d'enfants dans les forces armées rebelles. Selon des sources concordantes et fiables, de telles pratiques continuent au Soudan. En effet, la dernière communication transmise par la CISL à la commission d'experts contenait des informations détaillées sur des cas précis d'enlèvements de personnes, de mises en esclavage, de sévices sexuels, d'islamisation forcée et de travail forcé à l'encontre de femmes et d'enfants dans différentes régions du Sud-Soudan.
Selon le rapport établi par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan à la suite de sa visite au Soudan en février 1999, les Moudjahidin "... attaquent systématiquement les villages, mettent le feu aux habitations, volent le bétail, tuent les hommes et capturent les femmes et les enfants. Souvent, ces femmes et ces enfants sont emmenés vers le nord, et leurs ravisseurs ou d'autres personnes les considèrent comme leur propriété". Ce cas est d'autant plus grave que les indices de l'implication directe du gouvernement dans ces activités s'accumulent. La commission d'experts a noté à cet égard que le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies précité a également soulevé le problème de l'implication des alliés, voire des troupes gouvernementales, dans les activités de travail forcé ou d'esclavage. La communication transmise à la commission d'experts faisait état de témoignages et d'informations sur la manière dont le gouvernement encourage les rapts en armant les milices et sur la non-coopération de la police en cas de plaintes concernant les enlèvements. Comme souligné récemment par l'UNICEF, il existe des preuves irréfutables que diverses formes de pratiques esclavagistes se poursuivent au Soudan. En outre, tous les faits relevés ces dernières années dans de multiples rapports de diverses institutions des Nations Unies ainsi que d'ONG indépendantes font état de la persistance des enlèvements et du trafic de femmes et d'enfants; de la nature systématique des pratiques d'esclavage et de travail forcé; et de la complicité des troupes gouvernementales ou alliées.
Il convient de souligner que, depuis que la commission examine ce cas, l'attitude du gouvernement a évolué. Le gouvernement a d'abord catégoriquement nié l'existence de l'esclavage sur son territoire. En 1998, il a sollicité une assistance technique, qui devait toutefois se limiter à la fourniture de véhicules à l'usage de la commission d'investigation. Le gouvernement semble aujourd'hui reconnaître l'existence d'enlèvements et de travail forcé sur son territoire si l'on en juge par la création de la Commission pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants. Il refuse toujours d'assimiler ces pratiques à de l'esclavage. Le gouvernement s'était engagé à prendre des mesures afin que la commission susmentionnée puisse s'acquitter de son mandat et qu'un registre détaillé recensant les cas d'enlèvements soit constitué. Des résultats concrets devaient être obtenus vers la mi-septembre 1999.
Les membres travailleurs souhaitent que le gouvernement communique une copie de ce registre ainsi que des informations sur les résultats concrets obtenus (nombre et identité des ménages ou des femmes et enfants captifs, nombre d'arrestations effectuées et de sanctions appliquées). Malgré l'engagement du gouvernement, les membres travailleurs constatent que celui-ci n'a pas encore mis fin aux actes d'enlèvement qui conduisent à l'esclavage. Par exemple, le chemin de fer de Kordofan sud à Bahr al-Ghazal, qui constitue l'une des routes clés des esclavagistes, reste une route de ravitaillement privilégiée des troupes gouvernementales et de leurs alliés. Le gouvernement n'a pas mis fin aux activités esclavagistes sur cette route. Il continue à armer les milices esclavagistes et ses troupes sont toujours impliquées dans des rapts.
Certes, le travail de la Commission pour l'élimination de l'enlèvement des femmes et des enfants va dans le bon sens, mais il y a encore un long chemin à faire. Compte tenu de l'implication des autorités dans ces pratiques esclavagistes, une action énergique et immédiate est demandée au gouvernement pour mettre fin à ces pratiques. Les rapports successifs transmis par le gouvernement sur l'application de la convention ne contiennent pas les informations détaillées demandées par la commission d'experts. Ces informations devront donc porter sur les actions menées sur le terrain pour mettre fin à ce fléau; les résultats concrets obtenus suite à ces actions; les données statistiques sur le nombre de personnes libérées de l'esclavage; les actions en vue de leur retour dans leurs familles et les mesures en vue de leur réhabilitation; les sanctions qui ont été infligées aux esclavagistes, y compris dans les rangs des troupes gouvernementales ou des milices alliées au gouvernement. Enfin, le gouvernement devrait indiquer s'il accepte l'aide du Bureau et notamment la visite d'une mission de contacts directs qui examinerait librement sur l'ensemble du territoire les pratiques de travail forcé et d'esclavage ainsi que les mesures prises pour faire cesser ces pratiques.
Les membres employeurs ont rappelé dans des termes similaires à ceux des membres travailleurs que ce cas avait été examiné par la commission à de nombreuses reprises au cours de la décennie écoulée. Ce cas a été mentionné dans des paragraphes spéciaux à quatre reprises et cité deux fois comme cas de défaut continu dans l'application de la convention. Ils ont noté que les commentaires mentionnés dans le rapport de la commission d'experts restent pratiquement de la même nature. Le rapport contient toutefois quelques informations sur certains développements positifs. Le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan de février 1999 est moins positif et contient des informations concernant une sorte de consentement tacite du gouvernement ou de l'armée à l'enlèvement persistant de personnes qui sont ensuite réduites à l'esclavage à moins ou jusqu'à ce qu'une rançon soit versée. De plus, l'esclavage ou les pratiques qui s'y apparentent avec enlèvements et trafics de femmes et d'enfants continuent d'être perpétrés. Les enfants sont enrôlés de force dans les forces armées rebelles où ils sont forcés à transporter des munitions et du matériel. La résolution adoptée en avril 1999 par la Commission des droits de l'homme sur ce sujet a retenu la majorité des termes utilisés dans les résolutions précédentes.
Un premier rapport de la Commission pour la suppression des enlèvements des femmes et des enfants créée en mai 1999 par le gouvernement relate diverses missions et des cas identifiés: en tout 1.230 cas ont été enregistrés et 358 enfants ont été libérés. Vingt-deux missions sont prévues pour cette année. Il ne suffit pas cependant de recenser les cas; les efforts devraient être concentrés sur des actions pratiques de délivrance et d'application de mesures durables pour mettre fin à ces pratiques et punir les responsables. Le gouvernement doit assurer que ses troupes et les alliés ne soient plus impliqués dans ces activités. Le rapport de la Commission pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants est silencieux sur ces mesures et ne fait pas montre d'intérêt pour un réel changement.
Bien que la présente commission soit pleinement consciente de l'existence d'une guerre civile au Soudan, elle estime le gouvernement responsable de la situation et des événements qui surviennent sur son territoire et du manque de mesures appropriées. Le gouvernement a l'obligation d'assurer le maintien de l'ordre public et son action à cette date est insuffisante. Bien que les développements positifs constatés doivent être reconnus, il est regrettable qu'aucun changement réel ne soit encore intervenu. En ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts, la présente commission devrait noter les développements positifs, mais devrait insister sur la nécessité pour le gouvernement d'entreprendre une action concrète. Les membres employeurs se sont donc ralliés à la proposition des membres travailleurs de recommander une mission de contacts directs chargée d'examiner la situation dans toutes les régions et de faire rapport sur la situation globale. Ce cas serait donc réexaminé à la lumière de ce rapport.
Le membre travailleur du Soudan a fait observer que ce cas a été examiné à plusieurs reprises par le passé. La commission d'experts a enregistré des progrès mais de graves allégations, en particulier de cas d'esclavage, ont encore été formulées. L'orateur a souligné que ces allégations d'esclavage sont une injure pour le gouvernement et que ces pratiques sont infamantes pour les nations qui les acceptent. L'évolution et les progrès enregistrés doivent être considérés dans leur contexte historique et culturel. L'orateur a rappelé la situation géographique et démographique du Soudan et le fait qu'y coexistent de nombreuses tribus aux traditions différentes. Cette coexistence a de tout temps été relativement équilibrée mais des provocations de l'extérieur ont entraîné des conflits civils et des personnes ont été faites prisonnières, d'où des représailles. Le gouvernement s'est grandement efforcé d'exercer son autorité sur le territoire national et il a pu libérer des prisonniers, y compris des femmes et des enfants, leur permettant ainsi de se retrouver dans leurs foyers. L'orateur a souligné que c'est cela qui est à l'origine des problèmes et qu'il est nécessaire de traiter les causes des problèmes, lesquels ne pourront être résolus que lorsque la paix aura été rétablie. Il a fermement soutenu que l'islam condamne le recours à la force et à l'esclavage. Il a demandé avec insistance à la commission de laisser le gouvernement poursuivre ses efforts pour remédier à la situation.
Le membre travailleur de la Turquie a exprimé son profond regret de devoir discuter d'un cas d'allégation grave d'esclavage, de servitude, de commerce d'esclaves et de travail forcé avec l'implication directe de forces gouvernementales et de milices dans de tels actes. Il aurait aimé pouvoir penser que ce genre de pratiques appartenait au passé. Il a noté que le représentant gouvernemental du Soudan a rejeté toutes les observations faites par des institutions telles que les Nations Unies, Amnesty International et Anti-Slavery International, mais ces arguments ne sont pas convaincants. Dans les rapports de ces organisations, les observations sont corroborées par les noms des victimes, ainsi que des renseignements sur les trafics d'esclaves et leur rachat. Dans l'un de ces rapports, il a été déclaré que, le 10 mars 2000, les forces populaires de défense avaient effectué des raids dans les villages de Malith et de Rup Deir et avaient enlevé 120 personnes pour les réduire à l'esclavage. Le 11 mars dernier, dans divers autres villages, 299 personnes ont été enlevées. Le nombre d'esclaves au Soudan est aujourd'hui estimé à plus de 100.000 et, depuis 1995, l'on dénombre 30.021 rachats d'esclaves. Les activités de rachat se poursuivent toujours. D'après ces informations, les prix des esclaves ont connu des variations dans le temps. En 1997, le prix de rachat d'un esclave était de 133 dollars des Etats-Unis ou dix têtes de bétail par esclave. En mars 2000, lors de la libération de 4.968 esclaves noirs africains, dans la période du 9 au 19 mars, ce prix était de 50.000 livres soudanaises par esclave, équivalant à 35 dollars des Etats-Unis ou deux chèvres. Les esclaves rachetés ont témoigné qu'ils avaient été enlevés par le Front islamique national, en particulier par les forces populaires de défense (FPD). Il existe de nombreuses preuves que des raids systématiques sont menés dans les villages, où les hommes sont assassinés, les femmes et les enfants enlevés. L'orateur a noté que, si le gouvernement du Soudan avait reconnu que des problèmes existent tels que ceux qui sont allégués et qu'il avait demandé à bénéficier de la coopération et du soutien de la communauté internationale et de l'OIT, il les aurait obtenus. Par contre, le rejet catégorique des faits et des preuves rapportés n'a pas cet effet. L'orateur a lancé un appel urgent pour qu'il soit mis immédiatement fin à ces pratiques déplorables.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a souligné que, même si les autorités soudanaises ont l'intention de prendre des mesures en réponse à ce qu'elles reconnaissent être des enlèvements et du travail forcé, elles continuent à nier que les cas en question constituent de l'esclavage. Il a rappelé que, lorsque des femmes et des enfants sont enlevés, que ce soit au cours d'une guerre civile ou en raison d'un conflit durable entre différentes communautés, et qu'ils sont par la suite forcés de travailler, ou encore forcés de se marier dans la communauté où ils sont détenus captifs, cela constitue un abus aux termes des conventions des Nations Unies sur l'esclavage et aux termes de la convention no 29 de l'OIT.
L'orateur a également fait allusion à des informations en provenance du Soudan selon lesquelles quelque 14.000 personnes du Sud-Soudan se trouvant actuellement dans les zones sud du Darfour ou Kordofan attendent d'être réunies avec leurs familles. Une grande partie de ces personnes ont été enlevées de leur domicile à Bahr-al-Ghazal. La Commission pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants (CEAWC), mise sur pied par le gouvernement du Soudan en mai 1999, est censée avoir obtenu la libération de plusieurs centaines de femmes et d'enfants contraints au travail forcé. Toutefois, le gouvernement du Soudan n'a encore pris aucune mesure pour mettre fin aux raids durant lesquels des civils désarmés sont enlevés et emmenés en esclavage ou contraints au travail forcé, pas plus qu'il n'a dégagé les ressources nécessaires pour s'assurer que les personnes ainsi libérées soient réunies avec leurs familles.
Depuis mai 1999, des organisations caritatives occidentales qui visitent des régions du sud du Soudan contrôlées par l'armée populaire de libération du Soudan (SPLA) ont régulièrement annoncé la libération de groupes de femmes et d'enfants décrits comme "esclaves libérés" - c'est-à-dire des personnes qui étaient détenues en esclavage et pour lesquelles une somme d'argent avait été versée à un agent afin d'obtenir leur libération. L'orateur a déclaré partager le point de vue de Anti-Slavery International, selon qui le versement de ces sommes d'argent pourrait inciter certains agents à enlever d'autres personnes ou à les présenter comme des "esclaves" alors qu'elles n'ont été en fait ni enlevées ni détenues en captivité. Le gouvernement devrait faire en sorte que toutes les personnes détenues en esclavage soient libérées, sans que cette libération soit achetée. Cela ne devrait pas faire l'objet de commerce.
On ne sait pas exactement combien de personnes ont été libérées grâce à l'aide de la CEAWC. En mai dernier, un agent d'information de l'UNICEF au Soudan a déclaré que 500 enfants avaient été découverts durant l'année précédente et que 303 d'entre eux étaient de retour dans leurs familles. On estime que de 5.000 à 10.000 enfants ont été enlevés depuis 1983. Selon des évaluations officieuses, toutefois, environ 14.000 personnes pourraient avoir été "enlevées" dans les régions de Darfur et Kordofan et devraient être réunies avec leurs familles. La plupart d'entre elles seraient des femmes et des enfants de la communauté Dinka. Des centaines d'entre elles auraient été libérées des lieux où elles étaient détenues, mais seule une très faible partie d'entre elles ont regagné leur domicile. La CEAWC en a apparemment conclu qu'une proportion importante de ces personnes préféraient rester là où elles étaient, notamment les femmes qui étaient maintenant mariées. En outre, les méthodes utilisées pour obtenir ces libérations seraient particulièrement compliquées dans les zones habitées par les Arabes Baggara. Certains enfants, libérés des familles baggara chez lesquelles ils effectuaient du travail forcé, ont été par la suite détenus par les autorités gouvernementales, en l'absence de programmes adéquats pour les ramener dans leurs familles. De plus, les mesures mises en oeuvre se sont révélées relativement coûteuses et la CEAWC a demandé des contributions substantielles aux donateurs. Le gouvernement du Soudan n'a à ce jour pas encore indiqué qu'il était disposé à payer ces coûts. Il est également indiqué que la CEAWC serait réticente à prendre des renseignements sur l'identité des lieux où des femmes et des enfants enlevés étaient détenus. Cela vient apparemment du fait que les familles en question semblent refuser de coopérer si par la suite elles risquent des poursuites.
Bien que le gouvernement puisse faire état d'obstacles matériels réels à la réunion des femmes et des enfants avec leurs familles, à Bahr-al-Ghazal ou ailleurs, il est évident qu'une grande partie de ces obstacles pourraient être surmontés si le gouvernement du Soudan avait la volonté de le faire. Dans le même ordre d'idées, le fait que le gouvernement n'ait pas mis un terme à toutes les attaques contre des civils, comme ce fut le cas à Aveil et Wao, signifie qu'il semble toujours tolérer ces raids, ce qui encourage la poursuite des enlèvements.
En conclusion, l'orateur a exhorté la commission à garder à l'esprit la situation de fait déplorable en l'espèce, et notamment les souffrances causées aux enfants mis en esclavage. Le gouvernement doit prendre d'urgence des mesures concrètes. La commission devrait adopter les conclusions les plus sévères possibles. En outre, compte tenu de la faiblesse du tripartisme au Soudan, et de l'absence totale de syndicats libres en mesure de formuler des observations indépendantes sans ingérence du gouvernement, l'orateur a exhorté la commission à recommander l'envoi d'une mission de contacts directs, afin que la présente commission et la commission d'experts disposent d'une image plus complète de la situation.
Le membre travailleur du Soudan a déclaré que les assertions du précédent orateur concernant le syndicalisme au Soudan sont totalement inexactes. Il a souligné que la Confédération des travailleurs du Soudan est composée de syndicats qui se sont constitués librement et qu'elle a tenu des élections démocratiques. L'Organisation arabe du travail ainsi que l'Organisation de l'unité syndicale africaine, qui étaient présentes durant les élections, peuvent en porter témoignage.
Le représentant gouvernemental a remercié les membres de la commission pour leurs commentaires sur le cas. Il avait espéré que les débats seraient fructueux et constructifs et qu'ils auraient pris en considération les besoins et la situation des pays en développement. A cet égard, il a souligné que les déclarations qui avaient été faites concernant l'esclavage dans son pays étaient obsolètes. Le problème examiné concerne l'enlèvement des femmes et des enfants. La situation dans son pays a été rendue plus complexe en raison de la guerre civile, comme le montrent les conclusions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. L'orateur a fait observer à cet égard que la Commission des droits de l'homme n'a pas jugé utile d'établir un rapport spécial sur la situation dans son pays cette année, mais s'est limitée à une note du secrétariat. Il est nécessaire de saluer les nouveaux développements dans les pays et, en particulier, la création de la Commission pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants. Son gouvernement se réjouit de ces conclusions de la Commission des droits de l'homme et continue de coopérer avec les agences internationales, y compris l'UNICEF et les organisations caritatives, pour une prise de conscience de la situation réelle et le retour dans leurs familles des personnes enlevées le plus rapidement possible. Cette commission s'est vu attribuer les pouvoirs pour prendre les mesures destinées à résoudre ce problème et ses moyens d'action ont été déterminés par la loi. Elle dispose également des pouvoirs d'enquête, de poursuite et d'arrestation des personnes coupables d'enlèvements. Aucune poursuite n'est encore engagée car la commission ne bénéficie pas encore de la confiance nécessaire. Elle doit se voir accorder le temps nécessaire pour gagner la confiance de la population. Le fait d'exercer une pression excessive sur cet organe nuirait à la poursuite de ses objectifs.
L'orateur s'est référé aux différentes initiatives déjà entreprises, notamment la tenue d'une réunion pour discuter des problèmes au Soudan et fournir aux personnes concernées toutes les informations nécessaires. Le désir de transparence du gouvernement se reflète également dans la publication de communiqués de presse rendant publiques les données concernant le nombre de personnes enlevées et le nombre de personnes qui ont pu retourner dans leurs familles. Concernant la référence faite par un précédent orateur au chemin de fer reliant le Nord et le Sud de son pays, il a souligné que c'était l'artère vitale du peuple soudanais, reliant la population du Sud-Soudan à la fois au nord du Soudan et au reste du monde. Il a réfuté toute suggestion selon laquelle ce chemin de fer aurait été construit pour pratiquer l'esclavage et a réaffirmé que le but du projet était de promouvoir le progrès et le développement du Sud-Soudan. En conclusion, le représentant gouvernemental s'est engagé à coopérer avec la Commission de la Conférence et la commission d'experts en fournissant toutes les informations demandées. Il a insisté sur la nécessité de développer les mécanismes adéquats pour traiter les problèmes en coopération avec la communauté internationale et en conformité avec la Constitution nationale et ses croyances.
Un autre représentant gouvernemental, ministre des Ressources humaines et du Développement, a ajouté que les déclarations faites par les membres de la commission sont extrêmement dramatiques mais qu'elles ne tiennent pas compte des progrès accomplis. Il a souligné que pas moins de 70 pour cent des Soudanais du sud vivent dans le nord du pays ou dans les régions contrôlées par les rebelles. De nombreux rapports alarmistes ont été concoctés par les rebelles afin de nuire à la réputation du gouvernement. Il est nécessaire de tenir compte du fait que 30 pour cent de l'armée soudanaise est composée de Soudanais du sud qui n'accepteraient certainement pas que leurs propres parents soient réduits à l'esclavage. Il ne nie pas que des excès ont été commis dans certaines zones en conflit. Avant que la guerre n'éclate, le gouvernement a pris des mesures de sécurité afin d'assurer que de telles pratiques ne se produisent pas. Cependant, depuis 1983, la situation s'est détériorée. Citant une nouvelle fois le rapport de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, le ministre a souligné que son gouvernement était favorable à l'ouverture et à la transparence, et qu'il avait accueilli de nombreuses délégations parlementaires afin qu'elles puissent se faire leur propre opinion de la situation.
En réponse à la proposition selon laquelle le gouvernement devrait inviter une mission de contacts directs au Soudan, l'orateur a déclaré que son pays était favorable à toute initiative prise par le BIT pour résoudre le problème. Il a proposé que des discussions soient tenues avec les plus hautes autorités du BIT en vue d'arrangements sur les modalités d'une visite à l'avenir.
Les membres travailleurs ont déclaré que, selon des sources concordantes et fiables, les pratiques d'enlèvements et de trafic de femmes et d'enfants persistent toujours au Soudan. Ils ont estimé que l'argument du gouvernement selon lequel cette situation s'explique par la guerre civile ne peut être accepté et ils l'ont catégoriquement rejeté. Même si la guerre civile peut avoir une influence sur ces pratiques, elle ne peut en aucun cas justifier l'esclavage ou des pratiques similaires sur le territoire national et encore moins dans les régions contrôlées par le gouvernement. Le cas est d'autant plus grave qu'il semble y avoir une complicité active des troupes gouvernementales et alliées dans ces pratiques.
Les membres travailleurs se sont félicités de la création de la Commission soudanaise pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants. Ils ont pris note de certaines initiatives positives qui ont déjà été prises par cette commission, notamment la constitution de registres recensant les cas d'enlèvements identifiés ainsi que les cas de retour des victimes dans les familles. Cependant, cette commission pour l'élimination des enlèvements a également pour mandat de procéder aux poursuites et à l'arrestation des personnes responsables de ces actes. Or il ne semble y avoir à ce jour aucune poursuite engagée à cet égard, alors que de multiples rapports établis par les institutions des Nations Unies et par des ONG indépendantes révèlent la complicité des troupes gouvernementales et alliées.
Les membres travailleurs ont estimé que, vu l'extrême gravité de ce cas et compte tenu de la timidité des initiatives prises par le gouvernement ainsi que du manque de précision et de clarté dans les réponses du gouvernement à la commission d'experts et à la présente commission, ils souhaitent faire les suggestions suivantes à la commission. Premièrement, qu'une conclusion très ferme soit adoptée. Deuxièmement, que le gouvernement soit prié de fournir tous les renseignements demandés par la commission d'experts. Troisièmement, considérant d'après la réponse du représentant gouvernemental à cette commission que le gouvernement serait prêt à accepter une mission de contacts directs du BIT, ils ont exprimé l'espoir qu'une telle mission sera envoyée au Soudan afin d'enquêter sur les pratiques d'esclavage et de travail forcé sur le territoire soudanais et que celle-ci établira des contacts avec toutes les personnes intéressées par ces problèmes.
En conclusion, les membres travailleurs, en décelant dans la dernière phrase du ministre des Ressources humaines et du Développement un élément positif montrant une volonté d'ouverture, ont désiré savoir si le gouvernement accepterait effectivement d'accueillir une mission de contacts directs du BIT.
Les membres employeurs ont noté que la discussion au sein de la présente commission n'a pas apporté de nouveaux éléments d'information et n'a porté que sur des faits qui, globalement, sont déjà connus de la commission. Ils ont pris note des explications fournies par le représentant gouvernemental concernant l'article 25 de la convention qui semble-t-il n'a pas été invoqué pour des raisons politiques. Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental n'a pas fourni de réponses positives à la question de savoir s'il est prêt à recevoir une mission de contacts directs. Une telle mission pourrait faire avancer ce cas mais elle ne peut avoir lieu qu'avec la coopération du gouvernement.
Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il s'opposait à l'utilisation du terme "esclavage" dans les conclusions de la commission. Le dernier rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies n'avait utilisé que le terme "enlèvement". Il a également déclaré qu'il n'avait pas rejeté l'idée d'une mission de contacts directs; il a seulement fait état de conditions relatives aux modalités.
La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental, y compris les informations sur les récentes mesures de libération de personnes qui avaient été enlevées, et de la discussion détaillée qui a suivi. La commission a noté qu'il s'agit d'un cas particulièrement grave et persistant affectant les droits fondamentaux, comme en témoigne son inclusion dans un paragraphe spécial en 1997 et en 1998, et le fait que des commentaires ont été reçus de la part d'organisations de travailleurs. La commission a noté que des mesures positives ont été prises par le gouvernement, y compris la création d'une Commission soudanaise pour l'élimination des enlèvements des femmes et des enfants; toutefois, elle a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance des informations concernant les enlèvements et l'esclavage et prié instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts avec vigueur. Comprenant que la situation était envenimée par la poursuite du conflit armé, elle a noté que des mesures ont été prises en vue de parvenir à un règlement. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement communiqué à la commission d'experts indiquera que des mesures ont été prises, y compris des sanctions à l'encontre des responsables, et que des résultats concrets ont été obtenus, de sorte que la pleine application de la convention tant en droit qu'en pratique pourra être notée dans un proche avenir. La commission a fermement recommandé l'envoi d'une mission de contacts directs du Bureau pour obtenir toutes informations factuelles et pour examiner l'aide effective qu'il conviendrait d'apporter au gouvernement à cet égard. La commission a regretté que le gouvernement n'ait pas accepté sa proposition d'inviter une mission de contacts directs. La commission a décidé d'inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial de ce rapport.
Un représentant gouvernemental a souligné que les commentaires de la commission d'experts sur l'application de la convention dans son pays se fondaient clairement sur les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Lors de son enquête sur les allégations d'esclavage et de pratiques similaires, celui-ci s'est contenté de maintenir sa position antérieure, de citer les dispositions des instruments internationaux applicables et de critiquer les investigations menées par le gouvernement. Cela ne mérite rien d'autre que le rappel de celles fournies par le gouvernement dans le passé. Il faut cependant réaffirmer que l'attitude adoptée par le gouvernement est sérieuse et que celui-ci recherche véritablement à enquêter sur les cas d'esclavage et de pratiques similaires qui lui sont reprochés. C'est pourquoi le gouvernement a accueilli lord McNair de la Chambre britannique des lords pour enquêter sur les allégations et visiter de nombreuses localités, après que le Rapporteur spécial eut quitté le pays sans avoir voyagé hors de Khartoum.
La commission a été informée des conclusions du rapport de lord McNair. Lord McNair a conclu que certaines allégations étaient quelque peu forcées, ce qui laisse supposer une campagne délibérée pour discréditer le gouvernement. En octobre 1997, il a visité un certain nombre de localités dans les régions septentrionale et méridionale du Kordofan où de nombreuses allégations situaient les cas de violations. Il n'y a trouvé aucune preuve d'esclavage. La principale préoccupation des chefs des communautés provient des centaines si ce n'est des milliers d'enfants arabes et nubiens enlevés par l'armée de libération du peuple soudanais (SPLA). D'ailleurs, l'enlèvement de plus de 10.000 enfants par cette armée au cours de la décennie écoulée est une manifestation bien plus tangible de pratiques similaires à l'esclavage que toutes les autres allégations. Parmi les organisations qui ont mis en évidence la situation dramatique de ces enfants figurent le Département d'Etat des Etats-Unis, l'organisation "Human Rights Watch" pour l'Afrique et le Projet sur les droits de l'enfant. L'ICRC oeuvre à la libération de ces enfants depuis un bon nombre d'années. Selon les rapports nationaux sur les droits de l'homme établis par les Etats-Unis, les pratiques similaires à l'esclavage sont causées par la guerre civile dans le sud du pays et se concentrent dans des zones dans lesquelles l'administration gouvernementale est faible ou inexistante. Elles concernent avant tout des personnes qui fuient les zones en guerre et se retrouvent en contact avec des groupes armés. Ces rapports reconnaissent que la législation soudanaise condamne sans ambiguïté toutes les pratiques similaires à l'esclavage, qu'il s'agisse d'enlèvements, de kidnappings, de détentions illégales, de travail forcé ou d'emprisonnement illégal, et les sanctionne par une peine de prison. Il en ressort clairement que le gouvernement a, dès le départ, adopté une attitude responsable face aux cas d'enlèvements et de kidnappings qui ont été portés à sa connaissance. La Société anti-esclavagiste internationale a d'ailleurs démontré l'action ferme du gouvernement en réponse à la capture des enfants Dinka lors des conflits entre tribus. La Société anti-esclavagiste internationale a également répertorié des cas rencontrés dans la communauté Dinka dans lesquels le tribunal avait ordonné la libération des enfants. Pour illustrer l'intervention directe du gouvernement pour libérer les personnes illégalement retenues, on peut encore citer l'étude de 1996 de "Human Rights Watch" pour l'Afrique, Behind the red line: Political repression in Sudan, qui rapporte son rôle dans la libération de 500 femmes et enfants faits prisonniers lors de conflits tribaux. Il est donc clair que, comme des organisations humanitaires réputées s'en sont fait l'écho, le gouvernement actuel est intervenu pour libérer les victimes de la violence et des conflits tribaux qui ont été nombreux depuis l'avènement du gouvernement Sadig-al-Mahdi. Accuser ce dernier d'esclavage est donc sans fondement. C'est ainsi qu'Alex de Waal, codirecteur d'"African Rights", a déclaré qu'il n'existait aucune preuve d'esclavage ou de commerce d'esclaves organisé ou dirigé par le gouvernement. La Société anti-esclavagiste internationale a pour sa part déclaré que l'accusation selon laquelle des troupes gouvernementales seraient responsables des actions visant à se saisir d'esclaves n'était soutenue par aucune preuve. C'est aussi pourquoi lord McNair a conclu que ce qui était vrai en 1992 pour le Département d'Etat américain continuait de l'être pour le pays à l'heure actuelle. Il a de plus regretté que les allégations les plus graves faisant état de l'achat d'esclaves ne soient pas fondées et donnent dans le sensationnel. Il a été reconnu que le prétendu achat d'esclaves consiste probablement dans le paiement d'une rançon à un intermédiaire par les familles pour sauver leurs enfants pris en otages ou d'autres parents enlevés pendant les conflits tribaux qui ne cessent d'affecter le pays depuis la guerre civile. Ces plaintes erronées ne font qu'alimenter la propagande qui affecte le Soudan depuis ces dernières années. Leur absurdité a été illustrée pendant la visite effectuée personnellement par lord McNair dans une communauté chrétienne du Nord Kordofan où un prêtre respecté lui a confirmé qu'il n'y avait aucune preuve de l'esclavage dont il n'avait eu lui-même écho que par les médias.
La commission se doit aussi de savoir que le mandat de la commission d'investigation constituée pour enquêter sur les allégations d'esclavage demeure ouvert et que le Conseil consultatif des droits de l'homme a nommé un représentant permanent à Kordofan. De plus, depuis la discussion du cas par la commission l'an dernier, un certain nombre de faits nouveaux sont intervenus dans le domaine politique et constitutionnel. Des pourparlers de paix ont eu lieu à Nairobi en mai 1998 qui ont abouti à un accord d'autodétermination pour le Soudan du Sud. Le principe en a été inscrit dans la nouvelle Constitution qui doit faire l'objet d'un référendum ce mois-ci. Il faut espérer que ces développements mettront un terme à la guerre civile qui est l'une des principales causes des problèmes dont il est ici question. La commission d'investigation a grand besoin de l'assistance demandée au BIT puisqu'elle travaille avec les ressources techniques et financières limitées du Conseil consultatif pour les droits de l'homme. L'assistance technique demandée comprend, en priorité, de la formation, des équipements de bureau, ainsi que des moyens de transport et de communication. Il semble que le Bureau soit prêt à discuter afin d'identifier les formes d'assistance qu'il pourrait fournir pour renforcer le travail de la commission d'investigation. En conclusion, il faut souligner que le gouvernement, convaincu que le dialogue est plus productif et bénéfique que la confrontation, est prêt à informer la commission de tout fait nouveau qui affecterait la situation ainsi que du travail de la commission d'investigation.
Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait fait l'objet d'une discussion difficile au sein de la commission l'an passé et d'un paragraphe spécial de son rapport comme cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée. Des renseignements supplémentaires sont aujourd'hui soumis à la commission sous la forme d'un rapport détaillé du gouvernement ainsi que du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Des informations ont par ailleurs été communiquées par la Confédération mondiale du travail. Les informations disponibles montrent que de graves problèmes se posent en ce qui concerne le respect des droits de l'homme en général dans le pays. Les allégations concernant l'existence de l'esclavage sont convaincantes et le gouvernement lui-même a d'ailleurs institué une commission d'investigation pour les examiner. Les conclusions des enquêtes menées par le gouvernement, du moins en ce qui concerne la partie du pays sur laquelle celui-ci exerce un contrôle effectif, sont toutefois préoccupantes pour la commission d'experts. Elles divergent en effet fortement de celles d'autres sources d'information disponibles qui rapportent des témoignages complets et crédibles de l'existence de l'esclavage dans les zones contrôlées par le gouvernement. Il est donc nécessaire de faire davantage d'efforts pour identifier et éliminer l'esclavage. Il n'y a aucun doute que l'esclavage et le travail forcé existent dans d'autres régions du pays, même si leur ampleur n'est pas claire. Ainsi que le Rapporteur spécial des Nations Unies en a fait état, de nombreux raids sont par ailleurs menés par les Forces populaires de défense (FPD) et le Front national islamique (FNI) dans certaines régions du pays depuis qu'ils ont pris le pouvoir à la suite du coup militaire de 1989. Nombreux sont les esclaves enlevés qui ont eu à souffrir de tortures physiques et psychologiques, y compris des viols et des coups.
S'il est vrai que le gouvernement a demandé l'assistance du Bureau, ainsi que la commission l'avait suggéré, il a limité cette demande à la fourniture de véhicules pour aider la commission d'investigation. Le gouvernement devrait donc être exhorté à demander une assistance plus large dans le but d'établir quels sont exactement les faits. Il devrait également être prié, comme la commission d'experts le demande, de prendre des mesures effectives pour assurer le respect de la convention et faire rapport sur les mesures concrètes qui auront été adoptées. S'il convient de noter les informations relatives aux efforts déployés pour rechercher un règlement pacifique de la guerre civile, il faut aussi souligner que la situation de guerre qui règne dans le pays ne justifie ni l'esclavage ni des pratiques similaires où que ce soit sur le territoire national, et moins encore dans les régions que le gouvernement contrôle. Compte tenu des violations graves répétées de la convention, la commission devrait inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.
Les membres employeurs ont souligné que c'était la cinquième fois que la commission se penchait sur ce cas depuis 1989. Le gouvernement avait d'abord rejeté toutes les allégations. Il avait par la suite indiqué que d'autres causes étaient à l'origine du problème tout en continuant à nier les allégations d'esclavage dans le territoire sous son contrôle. On ne peut que regretter que le rapport de lord McNair, que le représentant du gouvernement a cité, n'ait pas été mis à la disposition de la Commission de la Conférence pour lui permettre de l'étudier plus complètement. Il n'en demeure pas moins que de nombreux rapports crédibles, dont celui du Rapporteur spécial des Nations Unies, ont, au fil des ans, confirmé l'existence de l'esclavage et de pratiques similaires dans le pays. Un certain nombre de ces rapports suggèrent que le gouvernement tolère, voire encourage et participe à de telles pratiques, que ce soit par l'intermédiaire des Forces populaires de défense ou d'autres groupes. Selon ces rapports, des esclaves sont vendus et échangés, en particulier dans le sud du pays. Il n'est guère surprenant pour les membres de la commission que la commission d'investigation mise en place par le gouvernement conteste l'existence de l'esclavage. Bien que le BIT ait offert son assistance technique, la réponse avait déjà été décrite par les membres travailleurs. Les membres employeurs sont pleinement conscients de la situation du pays et de la guerre qui y sévit. Il ne s'agit d'ailleurs pas réellement d'une guerre civile mais d'opérations dont le but est d'étendre le contrôle sur certaines parties du pays. Dans ses dénégations des allégations d'esclavage, le gouvernement se sert de la situation du pays pour prétendre que les pratiques en cause sont le fait des forces rebelles. On ne saurait contester que l'esclavage existe dans le pays, ce qui est en violation avec la convention; il est en revanche difficile de dire si cette pratique est organisée ou non. Ce qui est certain, c'est que trop peu est fait pour résoudre les problèmes existants. Le gouvernement devrait donc être instamment prié de prendre les mesures qui s'imposent pour remédier à une situation totalement inacceptable.
Le membre employeur du Soudan a soutenu que les questions examinées étaient extrêmement sensibles et sérieuses dans la mesure où la pratique de l'esclavage, particulièrement odieuse, amène à s'interroger sur la moralité et les croyances du peuple soudanais. En conséquence, la présente commission doit être avisée et faire preuve d'un sens critique dans l'examen de ce cas. La situation qui prévaut actuellement au Soudan est le résultat de quinze ans de guerre. Les conclusions de la commission devraient apporter des solutions à deux aspects de la question: le premier concerne la difficulté de recueillir des informations dans des régions en guerre; le deuxième aspect porte sur les régions bordant ces zones où des enlèvements sont commis entre tribus en conflit. A cet égard, parler d'esclavage est largement exagéré. La traite d'esclaves implique l'existence d'un marché qui n'existe pas de fait au Soudan. La présente commission devrait avoir vocation à encourager les parties en conflit à résoudre leurs différends.
Le membre travailleur du Soudan a soutenu que les allégations d'esclavage et de commerce d'esclaves sont dirigées contre le peuple soudanais et non contre le gouvernement. Il a souligné que le rapport de la commission d'experts se fonde sur les rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies et de la baronne Cox qui, l'un et l'autre, n'ont pas visité les régions concernées. Les difficultés que rencontre le Soudan n'ont pas tant trait à l'esclavage qu'à la guerre civile qui isole le pays. La présente commission devrait discuter des moyens de fournir une assistance aux différentes parties en conflit plutôt que de traite d'esclaves qui n'existe pas.
Le membre travailleur de l'Italie a déclaré que, suite à la longue discussion de l'année dernière, il aurait été en droit d'espérer que des progrès aient été accomplis, mais que malheureusement ce n'était pas le cas. Il estime que l'état de guerre civile au Soudan n'est pas une justification acceptable pour violer la convention no 29. Les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies témoignent de la gravité des violations permanentes de la convention no 29 et confirment la nécessité d'intégrer tous les instruments des Nations Unies et autres organisations non gouvernementales qui visent le même objectif. Le paragraphe 3 de l'observation de la commission d'experts fait référence aux formes extrêmes d'exploitation des enfants et à l'utilisation des enfants dans les groupes paramilitaires ainsi que de travail forcé et d'exploitation sexuelle. L'Organisation internationale de solidarité chrétienne a prouvé l'existence même de marchés des enfants esclaves et de leur prix. La condition de travail forcé touche surtout les Noirs du sud et certaines tribus des monts de la Nubie. Le gouvernement devrait, entre autres, encourager l'action du Conseil national de consultation sur les droits humains établi en 1996 comme suivi d'une Résolution de l'Assemblée des Nations Unies; il ne devrait pas faire obstacle aux initiatives d'assistance des organisations internationales; et il devrait donner immédiatement protection aux enfants touchés par la guerre et faire cesser les formes extrêmes de travail des enfants.
Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que ce cas porte sur des pratiques inhumaines, à savoir l'esclavage, le commerce d'esclaves, le travail forcé et le trafic d'hommes et de femmes à des fins de servitude sexuelle.
Il s'agit de crimes contre l'humanité qu'aucune société civilisée ne saurait tolérer. Le gouvernement soudanais est tenu de protéger ses citoyens, quels que soient leur âge, sexe, situation ou religion. La réponse du gouvernement montre son intransigeance et sa grande indifférence envers ses citoyens. Le gouvernement a nommé, sans procéder à des consultations et de manière arbitraire, lord McNair. On ne connaît pas le bagage de cette personne et son mandat n'a pas été défini. Tout ce que l'on sait de lui, selon le gouvernement, c'est qu'il a vécu au Soudan en 1994 et qu'on lui a demandé d'élaborer un rapport sur la question à l'examen en 1997. Ce rapport est tendancieux et il favorise le gouvernement. Le peu de temps qu'il a fallu pour l'élaborer le rend encore moins crédible. Le Soudan est le plus grand pays d'Afrique et cela tient du miracle que lord McNair ait pu établir le rapport en dix jours. Le gouvernement a nié l'existence du commerce d'esclaves au Soudan en arguant du fait qu'il n'y a pas dans le pays de marché pour cette activité. Il n'a toutefois pas nié qu'il existe des intermédiaires qui n'agissent pas sur le marché officiel. Il est également très contradictoire, de la part du gouvernement, d'affirmer d'un côté que les cas d'enlèvements et d'esclavage se produisent dans la zone de conflits qui échappe à son contrôle alors que, d'un autre côté, il a connaissance de quelque 299 cas de disparitions dans cette zone. Avant que la commission ne formule ses conclusions sur ce cas, elle devrait tenir compte du fait que le Soudan a ratifié la convention il y a plus de trente ans et que le gouvernement s'est délibérément abstenu de créer un organe indépendant d'enquête sur ces allégations. Dans un paragraphe spécifique, il devrait être mentionné que le gouvernement ne satisfait pas aux dispositions de la convention.
Le membre travailleur de la Turquie a regretté profondément que l'on en soit encore à examiner, à l'aube du XXIe siècle, un cas de graves allégations d'esclavage, de servitude, de trafic d'esclaves et de travail forcé dans lequel des forces gouvernementales et des milices sont directement impliquées. Bien que le représentant gouvernemental du Soudan ait réfuté tous les commentaires formulés par des organisations dignes de foi, telles que les Nations Unies, Amnesty International et Anti-Slavery International, il n'a pas présenté à la commission d'arguments prouvant le contraire. Dans les rapports de ces organisations, les commentaires sont étayés par des noms de victimes, des détails sur la vente d'esclaves et sur des libérations. Par exemple, une de ces organisations déclare avoir libéré 800 Soudanais et les avoir renvoyés dans leur famille. Les esclaves ont précisé qu'ils ont été libérés en échange d'un montant de 133 dollars des Etats-Unis en 1997 ou contre du bétail, le taux de change étant de 10 têtes de bétail par esclave. D'après ces sources dignes de confiance, il y a non seulement beaucoup de fumée mais aussi des preuves de feu. En reconnaissant l'existence de pratiques ponctuelles assimilables à de l'esclavage et en demandant l'aide de la communauté internationale et l'assistance du BIT pour mettre fin à ces horreurs, le représentant gouvernemental du Soudan est sûrement animé des meilleures intentions du monde et fait preuve de bonne volonté. Toutefois, la réfutation expresse par le gouvernement, à la fois dans son rapport et dans sa déclaration, ne produit malheureusement pas le résultat escompté. Des allégations bien fondées concernant l'existence d'esclavage au Soudan montrent que la situation est bien plus grave que celle qui prévalait en Afrique du Sud lors de l'apartheid. Par conséquent, les Nations Unies et l'OIT ont un grand rôle à jouer. L'orateur apporte son soutien à la proposition de faire figurer le Soudan dans un paragraphe spécial et appelle les représentants gouvernementaux présents dans la salle à prendre une position plus ferme que celle qui a été prise contre l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid, et ce tant que des organisations internationales dignes de confiance feront état de pratiques d'esclavage et de travail forcé au Soudan.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis, s'exprimant au nom des gouvernements de l'Allemagne, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de la France, de l'Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suède, a exprimé les préoccupations des gouvernements mentionnés ci-dessus sur la situation générale des droits de l'homme au Soudan. Dans les nombreux problèmes de droits de l'homme qui existent au Soudan, sont invoquées de façon continue des pratiques d'esclavage, et aucun élément dans la déclaration du gouvernement ne permet d'atténuer ces craintes. Il est difficile d'évaluer l'étendue de cette affreuse pratique, dans la mesure où le gouvernement non seulement nie son existence mais refuse également de permettre aux observateurs internationaux d'accéder aux zones de conflits dans lesquelles l'esclavage est le plus fréquemment évoqué. Malgré les évolutions positives relatives au rapatriement d'individus en Ouganda, le peuple soudanais, en particulier les femmes et les enfants, continue de subir des enlèvements de la part de ceux qui se trouvent aux côtés du gouvernement dans la guerre civile. On signale également que des groupes de rebelles ont enlevé des femmes et des enfants. Ceux qui ont été enlevés par les forces qui se battent aux côtés du gouvernement sont engagés de force comme soldats et comme domestiques. Il est également signalé que certains d'entre eux ont subi des abus sexuels. L'ambiguïté de la situation sur le terrain ne peut être levée par le gouvernement que s'il permet à des observateurs internationaux de visiter le pays et s'il assure qu'ils auront accès à toutes les régions. Par ailleurs, les gouvernements précités ainsi que le gouvernement de l'orateur ont répété leur profonde préoccupation à propos de l'esclavage et des autres violations des droits de l'homme ayant cours au Soudan, et continuent à appeler le gouvernement soudanais à mettre fin à l'esclavage et aux pratiques similaires, quelle que soit la forme qu'elles prennent. L'orateur prie instamment le gouvernement du Soudan de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient respectés les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et s'associe à la commission d'experts pour prier instamment le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour assurer le respect de la convention no 29. Il lui est en particulier demandé de fournir des informations sur les mesures concrètement adoptées, y compris des informations sur les actions introduites devant la justice, le nombre des condamnations et les sanctions prises.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'un organisme soudanais s'occupant des droits de l'homme a déchargé de toute responsabilité le régime militaire soudanais en ce qui concerne le travail forcé, l'esclavage, la servitude, le commerce d'esclaves ou toutes autres pratiques analogues. Les conclusions de la commission gouvernementale ne correspondent en rien à celles de la commission d'experts et à celles de la Conférence de l'OIT qui, l'an dernier, a consacré un paragraphe spécial au Soudan. Cette année, les experts ont fait preuve d'une grande fermeté en soulignant le caractère profondément incohérent des informations données par le gouvernement soudanais sur la question du travail forcé. A aucun moment, le gouvernement n'a dit qu'il était disposé à prendre des mesures pour lutter sérieusement contre les cas d'exploitation que la Conférence a condamnés l'an dernier. Nier ces faits n'empêche pas ces pratiques inhumaines d'exister et il serait éhonté d'affirmer qu'il s'agit là de malentendus, liés à des facteurs culturels, sur les notions de travail forcé et d'esclavage. Il a rappelé que d'autres orateurs se sont dits consternés par le fait que le gouvernement a refusé de traiter de ces questions. Le membre travailleur a cité le Rapporteur de l'ONU qui a dit que "l'ensemble des droits de l'homme reconnus par les Nations Unies font l'objet de violations continuelles". L'attitude et les dénégations du gouvernement sont tout à fait inacceptables, et le membre travailleur demande qu'il soit pris note, dans des termes aussi vigoureux que possible, de ses objections et requêtes devant la commission.
Le représentant gouvernemental reconnaît que ce cas a été examiné à maintes reprises depuis 1989. Toutefois, son gouvernement s'est toujours efforcé de répondre aux observations de la commission d'experts. Cette fois-ci, le gouvernement a répondu de manière exhaustive à la commission. Il salue le ton modéré de la déclaration des membres travailleurs. Il assure la commission que le gouvernement n'épargne aucun effort pour prendre des mesures effectives. Le gouvernement est en mesure d'aller de l'avant grâce à la commission spéciale d'enquête qui a été établie par le ministère de la Justice en vertu d'une ordonnance du 4 février 1996. A propos de la déclaration des membres employeurs, le représentant gouvernemental estime qu'ils auraient dû faire preuve de plus de tolérance, ce qui aurait contribué aux débats. Les membres employeurs ont indiqué que, faute d'informations, aucun élément nouveau n'a nourri les débats. Cela n'est pas vrai. Le rapport de lord McNair comporte des informations. Il n'est pas vrai, comme l'affirment les membres employeurs, que le gouvernement a régressé dans le domaine à l'étude puisqu'il a créé récemment la Commission nationale des droits de l'homme. Les membres employeurs ont déclaré, à tort, qu'il n'y avait pas de guerre civile au Soudan mais, en fait, une guerre menée par le gouvernement contre certains secteurs de la population. De plus, un certain nombre de membres travailleurs ont formulé des contre-vérités. On ne saurait leur en tenir rigueur étant donné qu'ils se sont fondés sur le rapport du Rapporteur spécial de l'ONU. En conclusion, l'intervenant indique que son gouvernement reste entièrement à la disposition de la commission pour lui fournir de plus amples informations.
Un autre représentant gouvernemental, le ministre des Ressources humaines, a indiqué qu'étant originaire du sud du Soudan elle est particulièrement embarrassée d'entendre les plaintes concernant les cas d'esclavage qui persistent au Soudan, notamment dans le sud du pays. Un article écrit par un Soudanais du sud, M. Aldo Ajo, porte-parole de l'assemblée de 1993 à 1994, est à l'origine de ces plaintes, et l'auteur a par la suite pris ses distances par rapport à son article devant le Rapporteur spécial. Le précédent ministre des Ressources humaines a tenté en vain de trouver les régions où l'esclavage était pratiqué. Le ministre actuel a abouti aux mêmes conclusions et se déclare prêt à fournir toutes informations pertinentes à la présente commission, comme aux institutions internationales désireuses d'enquêter sur l'existence de commerce d'esclaves dans le sud du pays, afin de résoudre les problèmes que rencontre actuellement le Soudan et qui découlent de la guerre civile. Il est surprenant d'entendre des allégations répétées sur l'inaction du gouvernement qui, au contraire, souhaite résoudre tout problème éventuel.
Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que le CV et les termes de référence de lord McNair n'étaient pas connus et qu'il était donc inutile de se référer à son rapport. Bien que les représentants gouvernementaux aient exprimé leur désir de coopérer, ils auraient dû demander l'assistance technique du BIT afin de les aider à établir les faits et à éradiquer l'existence de l'esclavage au Soudan. Ainsi, un message très clair, dans des termes les plus forts possibles, se doit d'être envoyé au gouvernement concernant le cas.
Les membres employeurs ont estimé que le représentant gouvernemental avait tenté de faire preuve de générosité en commentant les interventions faites durant la discussion. Le représentant gouvernemental a rejeté toutes les allégations concernant l'existence de l'esclavage dans son pays et les a qualifiées d'insultes pour le peuple soudanais. Toutefois, le représentant gouvernemental n'a fourni aucune nouvelle information sur ce cas. Bien qu'un rapport d'un certain lord McNair niant l'existence de l'esclavage au Soudan ait été présenté, ce rapport ne peut faire l'objet d'une étude puisqu'il a été présenté oralement. En conclusion, la situation dans le pays demeure très précaire, et l'esclavage et le travail forcé sont des réalités. En conséquence, le gouvernement doit être instamment prié de faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer la situation dans le pays.
Les membres travailleurs ont déclaré que, compte tenu de la gravité des faits et que très peu a été accompli dans ce domaine, le cas doit continuer à figurer dans un paragraphe spécial.
Les membres employeurs ont manifesté leur accord.
La commission a pris note des informations communiquées par les représentants gouvernementaux, ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. La commission a souligné qu'il s'agissait là d'un cas particulièrement grave affectant les droits de l'homme, comme en témoignent sa mention, l'année dernière, dans un paragraphe spécial, ainsi que les commentaires reçus d'une organisation mondiale des travailleurs. La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures en cours pour détecter et mettre fin aux pratiques d'esclavage. En particulier, elle a accueilli favorablement les réalisations de la commission d'investigation récemment instituée. Toutefois, la commission a exprimé sa profonde préoccupation et a prié instamment le gouvernement de faire beaucoup plus. La commission a insisté pour que la demande d'assistance du Bureau traite de la substance du problème et, à cet égard, a instamment prié le gouvernement de demander à nouveau une assistance qui garantirait une réelle tentative d'élimination de l'esclavage à travers le pays. La commission a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport à soumettre à la commission d'experts contiendra des indications détaillées sur les mesures concrètes qui auront été prises, les cas présentés devant la justice, le nombre de condamnations prononcées et les sanctions imposées. Elle a également exprimé le ferme espoir que le prochain rapport décrira les mesures envisagées, de manière à ce qu'une pleine application de la convention dans la loi et la pratique soit observée dans un très proche avenir.
Un représentant gouvernemental a réitéré l'engagement de son gouvernement à mettre fin au travail forcé s'il était vérifié que de telles pratiques existaient. La commission d'enquête, créée par le ministère de Justice en 1995, a mené des investigations complètes dans 249 cas où ces pratiques étaient alléguées. Le décret no 2 du 5 mars 1996 a étendu le mandat de la commission d'enquête et le décret no 3 du 21 mai 1996 a élargi sa composition à de nouvelles personnalités non gouvernementales. Les mesures qu'elle a adoptées consistent à sensibiliser les citoyens; informer les organisations non gouvernementales et s'assurer leur participation; informer les autorités compétentes des allégations de travail forcé ou d'esclavage; convoquer les personnes impliquées et enquêter sur les allégations; mener des inspections; informer par la radio et la télévision locales des inspections qui sont menées afin que les citoyens puissent soumettre à la commission des plaintes ou des allégations; et rencontrer pour assurer leur information des personnalités telles que l'Ambassadeur des Etats-Unis, le Rapporteur spécial des Nations Unies, les membres de la délégation africaine des droits de l'homme et des peuples, ou des représentants du département d'Etat ou du Congrès des Etats-Unis. Cette commission a mené une première visite d'inspection dans la région des monts Nouba du 4 au 14 juillet 1996 à la suite d'informations - assez vagues - reçues de l'association Solidarité chrétienne internationale et de la Commission africaine des droits de l'homme concernant la pratique de la traite des esclaves et l'utilisation d'enfants comme domestiques chez des officiers des forces armées ou de hauts fonctionnaires. A la suite de rencontres avec plusieurs autorités haut placées, y compris les principaux responsables de la police - tous les entretiens ayant été enregistrés et consignés par écrit -, la commission d'enquête a conclu qu'elle n'avait recueilli aucune information concernant la traite d'esclaves dans la région; qu'aucun cas de viol ou de rapt ne pouvait être établi; qu'après enquête sur le cas d'enfants domestiques, il a été vérifié que tous recevaient un salaire; et qu'aucun élément ne permettait d'établir l'utilisation par des fonctionnaires d'enfants en servitude pour des travaux agricoles.
Une deuxième visite a eu lieu dans une autre région du 16 au 20 novembre 1996 pour enquêter sur des allégations concernant l'enlèvement et le transfert forcé de 27 élèves qui aurait eu lieu en mai 1996. Sur la base des contacts établis avec des représentants des forces armées, de la sécurité intérieure, de la police et du Croissant-Rouge soudanais, ainsi que des appels à tout témoignage pouvant confirmer ou infirmer ces allégations qui ont été lancés par voie de presse, la commission d'enquête a établi que le chef de la province n'avait eu aucun rôle dans ce transfert et que les élèves étaient volontairement partis pour poursuivre leurs études secondaires avec l'accord de leurs parents. Tous ont pu être retrouvés et se trouvent actuellement auprès des membres de leur famille. Il ne s'agissait en fait que d'une rumeur colportée par la radio de l'opposition au prétexte que la date de leur départ ne coïncidait pas avec le début de l'année scolaire.
Une troisième visite a eu lieu du 13 au 17 janvier 1997 dans la région du Bahr El-Ghazal. La commission d'enquête a constaté qu'aucune plainte n'avait été enregistrée; que les allégations du Rapporteur spécial des Nations Unies devaient être infirmées; qu'enfants et adultes se déplacent librement en train vers le nord à la recherche de meilleures conditions de vie et pour s'éloigner des combats; et que les responsables des disparitions d'enfants sont les rebelles qui les enrôlent pour les utiliser comme porteurs.
Les efforts de la commission d'enquête pour établir les faits selon une méthode rigoureuse témoignent de la détermination du gouvernement de mettre fin à toute violation. Le rapport préliminaire de la commission d'enquête a été remis au Centre des droits de l'homme des Nations Unies, et il montre clairement que le gouvernement respecte pleinement ses obligations en cherchant systématiquement à établir les cas éventuels de travail forcé ou d'esclavage. Plusieurs fonctionnaires sont chargés de recueillir les plaintes dans l'ensemble du pays et le travail de la commission d'enquête se poursuit. Il doit être souligné qu'il ne s'agit pas d'un problème d'esclavage mais des conséquences malheureuses d'affrontements tribaux qui donnent lieu à des prises d'otages. Le gouvernement essaie d'intervenir pour limiter ces affrontements et obtenir la libération et l'indemnisation des otages. La guerre a encore ajouté à la complexité de la situation car les rebelles se livrent au rapt de centaines d'enfants dans des territoires sur lesquels le gouvernement n'a aucun contrôle. Il faut espérer que la mise en oeuvre de l'accord de paix, signé en avril 1997 avec toutes les factions rebelles, sauf une, et qui prévoit le respect de l'ensemble des droits de l'homme fondamentaux, permettra de mettre fin à cette situation. Par ces explications, le gouvernement entend continuer le dialogue avec la commission d'experts et la présente commission afin que les faits soient clairement établis et que son engagement à prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire toute violation de la convention soit reconnu.
Un autre représentant gouvernemental, le ministre de la Main-d'oeuvre, a déclaré qu'il avait lu avec attention l'observation de la commission d'experts qui mentionne l'esclavage, l'enlèvement de femmes et d'enfants, le trafic d'esclaves sur une large échelle ainsi que le fait que des personnes viennent de l'étranger pour acheter et vendre des esclaves au Soudan. Il a souhaité expliquer la situation au Soudan, qui ne correspond pas à ces informations. La guerre a connu deux phases. La première s'est terminée après dix-sept ans pendant lesquels un grand nombre de Soudanais du Sud se sont réfugiés dans des pays voisins. Aussi, le HCRNU a été obligé de rapatrier certains de ces réfugiés. Pendant la seconde phase, qui a débuté en 1983, la situation était différente. Cette fois, les habitants du Sud se sont réfugiés en masse au nord du Soudan. Les Soudanais du Sud vivent au sein de familles élargies mais, du fait de la guerre et des exodes, les familles ont été séparées et dispersées. Elles erraient par milliers dans Khartoum et ses environs. Dans ces conditions, on peut se demander comment un marché pour le commerce des esclaves pourrait exister. Les rapports auxquels la commission d'experts se réfère dans ses commentaires proviennent de sources extérieures et répondent à des motivations politiques. L'orateur a déclaré que, lorsqu'il était président de la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée nationale, en 1994 et 1995, il avait conduit une délégation dans le Soudan du Sud. Celle-ci n'avait pu que constater qu'un grand nombre de réfugiés revenaient du nord. Bien que ces réfugiés manquassent de nourriture et de vêtements, ils n'étaient pas en esclavage. La délégation n'a constaté aucun cas de travail forcé. Les régions dans lesquelles on a prétendu qu'il y avait des cas de travail en servitude et qui étaient citées par Solidarité chrétienne internationale sont situées en zone rebelle et sont souvent le théâtre d'affrontements entre tribus pendant la saison sèche lorsque l'eau est rare. Les autorités gouvernementales ne peuvent se rendre dans ces zones tenues par les rebelles car elles risquent de se faire tuer. On ne voit donc pas comment les troupes gouvernementales pourraient recourir au travail forcé dans ces zones, comme l'organisation mentionnée ci-dessus le prétend.
Se référant à la signature récente d'accords établissant une période transitoire de quatre ans au terme de laquelle le Soudan du Sud devra décider s'il souhaite rester avec le Nord ou devenir un Etat indépendant, l'orateur a déclaré qu'il ne pourrait être totalement mis fin au travail forcé tant que la paix ne serait pas revenue dans le pays.
Les membres travailleurs ont affirmé que ce cas concernait le commerce d'esclaves, la pratique de l'esclavage, la servitude et le travail forcé imposés aux ethnies Dinka, Shilluk et Nuer ainsi qu'aux tribus des monts Nouba dans le Soudan du Sud. Des témoignages oculaires ainsi que des sources directes apportent la preuve de graves violations des droits de l'homme encouragées ou infligées par le gouvernement et ses forces de sécurité. Ce cas est aggravé par sa forte connotation raciale. La commission d'experts a fait des commentaires sur l'application de cette convention fondamentale par le Soudan en 1989, 1990, 1992, 1993, 1994 et encore cette année. Lorsque ce cas a été discuté par la présente commission en 1989 et en 1992, il avait été décidé de faire figurer les conclusions dans un paragraphe spécial. Quand il a été soumis à la présente commission en 1993, il avait été décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial pour défaut continu d'application de la convention. Le gouvernement a toujours nié l'existence du travail forcé. En 1993, il avait déclaré que les problèmes étaient liés à des affrontements tribaux. Comme la commission d'experts le relève, cela n'exonérerait, en aucun cas, le gouvernement de sa responsabilité d'assurer à ses citoyens le droit à la vie, à la sécurité et à la liberté. L'observation de 1994 se fondait sur deux visites effectuées au Soudan en 1993 par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan. Le rapporteur a rassemblé des éléments concordants en ce qui concerne les circonstances d'enlèvements et de ventes d'esclaves. L'observation de cette année se fonde sur le dernier rapport du Rapporteur spécial (février 1996) qui est corroboré par les commentaires de la Confédération mondiale du travail (CMT) et par les preuves rassemblées par Human Rights Watch, Solidarité chrétienne internationale et la presse. Le gouvernement n'a pas répondu aux commentaires de la CMT. Selon le paragraphe 22 de l'observation de la commission d'experts, le nombre d'esclaves détenus dans le nord du Soudan est estimé à plusieurs dizaines de milliers. Les milices soutenues par le gouvernement procèdent régulièrement à des raids contre les communautés africaines soudanaises pour se procurer des esclaves et d'autres formes de butin. Les esclaves, dans la plupart des cas des enfants et des jeunes femmes, sont emmenés dans le Nord pour servir de domestiques ou de main-d'oeuvre agricole ou pour assouvir, contre leur gré, des besoins sexuels, sans autre rétribution que le minimum d'aliments indispensables à leur survie. Certains garçons sont embrigadés dans des camps militaires, où ils subissent un entraînement et un endoctrinement pour se battre contre la population dont ils sont issus. Les raids effectués par les milices soutenues par le gouvernement s'accompagnent d'atrocités. Les captifs jugés impropres à servir d'esclaves sont en général torturés et/ou tués.
Le Rapporteur spécial a noté l'absence d'intérêt des autorités pour enquêter sur les cas de travail forcé portés à leur attention, ainsi qu'une augmentation alarmante des cas rapportés d'esclavage, de servitude, de commerce d'esclaves et de travail forcé. Il convient par conséquent de demander au gouvernement de prendre immédiatement des mesures efficaces pour assurer le respect des dispositions de la convention et de fournir des informations sur les mesures adoptées, y compris des renseignements sur les cas soumis aux tribunaux, le nombre des condamnations et les peines appliquées aux coupables. Les informations fournies par le gouvernement au sujet du rapport de la commission d'enquête devront être évaluées par la commission d'experts. En raison de la gravité de ce cas, de son ancienneté et des preuves écrasantes mettant en évidence la participation directe du gouvernement à ces violations, les membres travailleurs prient instamment la présente commission de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport pour défaut continu d'application de la convention.
Les membres employeurs ont souligné qu'il s'agissait d'un cas très grave qui a été discuté à de nombreuses reprises. De nombreuses informations émanant de diverses sources ayant enquêté sur le terrain - telles que le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et des organisations non gouvernementales - convergent pour conclure à l'existence, depuis de nombreuses années, de plusieurs formes de travail forcé sur une grande échelle. La campagne de "nettoyage" menée à Khartoum consiste dans l'enlèvement des enfants vagabonds que leurs familles ont la possibilité de racheter car c'est un moyen pour les soldats mal payés de gagner de l'argent. Il semble que cette pratique soit systématique et tolérée par le gouvernement. La stratégie de défense du gouvernement a évolué au fil des années. Il a commencé par nier les allégations. Puis il a déclaré que, le travail forcé étant sanctionné par le Code pénal, on pouvait conclure de l'absence de condamnations à l'inexistence du problème. Enfin, il a expliqué que le problème devait être imputé aux conflits tribaux plutôt qu'à des rafles d'esclaves. Un représentant gouvernemental semble admettre qu'il existe un problème de travail forcé, mais l'autre représentant a déclaré que des mesures seraient prises si des cas étaient identifiés. Il semble donc que le gouvernement continue à nier l'existence de l'esclavage et du travail forcé. En dépit des bonnes relations qu'il semble avoir avec le Rapporteur spécial des Nations Unies, le gouvernement n'aurait donc trouvé aucun élément permettant de conclure à l'existence de ces pratiques, sinon pour les imputer aux seuls rebelles ou aux conflits tribaux présentés comme une sorte de spectacle folklorique alors qu'il s'agit d'une guerre civile sanglante. Cette position est inacceptable. Pendant des années, le gouvernement a menti et n'a pris aucune des mesures nécessaires. La présente commission doit donc accueillir avec méfiance les propos des représentants gouvernementaux. Ce cas devient de plus en plus préoccupant à mesure que le temps passe. L'accord de paix est un élément ténu d'espoir mais il n'a pas eu d'effet jusqu'à présent. Les membres employeurs partagent donc pleinement la position des membres travailleurs et le caractère profondément préoccupant de ce cas doit apparaître dans les conclusions de la commission.
Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que tous les témoignages sérieux et crédibles sur le Soudan font état de nombreux cas graves d'esclavage, de servitude, de traite des esclaves et de travail forcé. Pire encore, les forces armées, les Forces populaires de défense et les moudjahidins combattant aux côtés du gouvernement sont directement impliqués dans ces actes horribles contre l'humanité. Les esclaves sont forcés de travailler, violés, battus et affamés. Il y a des allégations selon lesquelles certains maîtres coupent les tendons d'Achille des esclaves pour éviter leur fuite. La réponse du gouvernement, selon laquelle des rivalités entre tribus soudanaises mènent à des captures d'otages de part et d'autre, est hors de propos. L'esclavage est bien réel, le prix des esclaves fluctuant selon l'offre. Des sources sérieuses indiquent qu'une femme ou un enfant pouvaient être achetés pour 90 dollars des Etats-Unis en 1989. A cause de l'importance de l'offre, ce prix est tombé à 15 dollars des Etats-Unis en 1990. En décembre 1996, 58 esclaves ont été libérés pour un prix de trois vaches par esclave. L'esclavage au Soudan est pire que le régime de l'apartheid qui a existé en Afrique du Sud. L'orateur soutient la proposition d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.
Le membre travailleur de l'Italie a fait part de son sentiment d'effroi et d'impuissance face à ce qui semble une synthèse des pires maux de l'humanité: conflits ethniques et religieux, réduction d'enfants en esclavage et déni du droit à la vie et à la dignité. Bien que ces pratiques déplorables d'esclavage et de travail forcé doivent être replacées dans le contexte de la guerre, elles n'en engagent pas moins au premier chef le gouvernement. La pression de la communauté internationale pour que le gouvernement entreprenne concrètement de mettre fin à cette violation extrême de la convention doit être accentuée. L'ouverture d'un dialogue avec les Nations Unies est un élément intéressant qui devrait être complété par un dialogue au niveau national.
Le membre travailleur du Soudan a souligné que le problème ne concernait pas seulement le gouvernement mais l'ensemble de la société soudanaise. Si les pratiques décrites par le Rapporteur spécial des Nations Unies existaient, cela signifierait le retour à l'époque de l'esclavage et du servage. La situation doit donc être examinée en profondeur. La Fédération des syndicats de travailleurs du Soudan a invité la Confédération mondiale du Travail à venir effectuer des visites sur place pour être à même de fonder son jugement sur une base plus solide que des articles de journaux. Le cas doit être traité en demandant de plus amples informations afin de parvenir à un jugement plus équilibré.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que les détails de ce cas sont effrayants et horribles. Le représentant gouvernemental a une fois encore répété que le problème ne tourne pas autour de l'esclavage mais des conflits entre tribus qui poussent à capturer des otages. La commission d'experts souligne cependant que les rapports et témoins oculaires font état des circonstances et des lieux des enlèvements, des noms des camps spéciaux où sont détenus les femmes et les enfants et où les gens du nord du Soudan ou d'autres pays viennent les acheter. Le commerce et le trafic d'enfants semblent être des activités politiques et organisées à grande échelle. La commission d'experts note que le gouvernement n'a pas répondu aux commentaires de la Confédération mondiale du travail qui souligne que les officiers et soldats responsables des raids pour enlever des gens poursuivent leurs agissements en toute impunité. En dépit de toutes ces preuves, les représentants gouvernementaux déclarent que ces accusations sont plutôt vagues. Elle attire l'attention de la commission sur le paragraphe 23 de l'observation de la commission d'experts qui décrit en détail une allégation où un père a essayé de racheter sa fille en avril 1993 séquestrée par les troupes gouvernementales du Soudan, cas où figurent des noms, des lieux et des dates. De quel autre genre de détail le gouvernement a-t-il besoin? Le gouvernement ne peut dénier sa responsabilité dans cette situation atroce qui est une violation grave de ses obligations envers la convention.
Le membre gouvernemental du Royaume-Uni, s'exprimant également au nom des gouvernements de l'Allemagne, du Canada, du Danemark, des Etats-Unis, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège, de la Suède et de la Suisse, a indiqué être gravement préoccupée par les rapports, établis pendant de nombreuses années et provenant de nombreuses sources, faisant état de la persistance de l'esclavage et d'autres pratiques analogues au Soudan. Les conclusions du rapport de 1996 du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme au Soudan ainsi que les commentaires de la Confédération mondiale du travail sont particulièrement inquiétants. Les réponses du gouvernement à ce sujet ne sont pas crédibles. L'oratrice a déclaré partager la profonde préoccupation exprimée par la commission d'experts à propos du non-respect persistant du gouvernement à l'égard de ses précédents engagements d'éliminer de telles pratiques. Par conséquent, elle a pleinement approuvé l'appel lancé par la commission d'experts au gouvernement, afin qu'il prenne immédiatement des mesures efficaces pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la convention.
Le membre gouvernemental du Maroc a dit avoir écouté avec attention les exposés des représentants gouvernementaux qui ont fait état des efforts déployés du gouvernement pour assurer l'application de la convention dans la pratique. La présente commission devrait faire appel au dialogue et à la coopération pour aboutir à des résultats concrets et aider les Etats Membres à résoudre leurs problèmes. A cet effet, la Commission devrait pleinement utiliser les différents moyens à sa disposition. Si elle doit parfois recourir à des moyens moins agréables, il faudrait veiller à ce que cela ne soit pas à l'encontre de certains pays. Bien que la coopération technique soit le moyen le plus approprié pour aider les Etats Membres à assurer l'application de la convention, il serait temps d'engager une réflexion sur les résultats concrets qui peuvent être obtenus par les moyens habituels de l'assistance technique, des paragraphes spéciaux ou des missions de contacts directs. Une telle évaluation devrait permettre de réexaminer les méthodes de travail de la commission de façon à assurer une meilleure efficacité à ses travaux.
Le membre travailleur du Pakistan a soutenu que toute personne a le droit de vivre dans la dignité. Il considère que le dialogue politique engagé en vue d'un processus de paix auquel se réfère le représentant gouvernemental devrait être accéléré car la période de transition de quatre années avant le référendum est trop longue. Les enlèvements de femmes et d'enfants ainsi que leur exploitation constituent autant des violations graves de la convention que des crimes odieux. Il incombe au gouvernement de protéger ses administrés. Ces pratiques injustes et inhumaines doivent cesser au plus tôt. Etant donné la gravité extrême du cas, l'orateur demande au gouvernement d'exprimer avec force sa volonté politique et de mobiliser toutes ses ressources afin de mettre un terme au travail forcé et à la discrimination. Le gouvernement devrait accepter l'assistance technique du Bureau ou une mission de contacts directs afin de remédier à la situation.
Un représentant gouvernemental, le ministre de la Main-d'oeuvre, a déclaré qu'il n'était pas surpris par l'attitude des orateurs dans la mesure où ils s'appuient sur l'observation de la commission d'experts comme unique source d'information, et que, selon cette observation, la situation est très mauvaise. Il est certes regrettable que son gouvernement n'ait pas répondu aux commentaires de la Confédération mondiale du travail mais, à la fin de l'observation, il est demandé au gouvernement de communiquer un rapport détaillé en 1997 et cela sera fait. Eu égard à la taille du pays et à ses infrastructures médiocres, le gouvernement rencontre des difficultés dans la collecte d'informations. Mais les autorités ont pu démontrer, lors des différentes visites du Rapporteur spécial des Nations Unies dans le pays, que des réponses peuvent être obtenues. L'orateur a souhaité que son opinion, selon laquelle un organe tel que la présente commission peut être trompé par des rapports émanant d'institutions prestigieuses mais ayant un mobile politique, soit consignée au compte rendu. Un grand nombre de Soudanais du Sud ont été déplacés et dispersés dans la région du nord du Soudan parmi lesquels des enfants des rues. Il n'y a donc aucun marché pour le trafic d'esclaves. L'orateur a enjoint la communauté internationale à aider son pays à résoudre le problème du transfert massif de la population. Il a dit prendre au sérieux les préoccupations exprimées par la commission mais a mis en doute des informations telles que celles relatives au prix des esclaves, car elles proviennent de régions contrôlées par les rebelles où tant les membres des autorités gouvernementales que les commerçants risqueraient leur vie.
Les membres employeurs comme les membres travailleurs ont estimé que cette discussion prolongée n'avait apporté aucun élément qui justifierait qu'ils reviennent sur leur position initiale.
L'autre représentant gouvernemental du Soudan a estimé que les informations fournies démontraient la volonté de dialogue du gouvernement et suffisaient à clarifier la situation. La commission d'enquête, nommée par son gouvernement, continuera ses travaux et la commission d'experts ainsi que la présente commission seront informées de ses résultats. Les propos de certains orateurs suggèrent que la volonté de dialogue n'est pas également partagée, une situation qui porte atteinte aux travaux de cette commission. La commission devrait mettre fin à cette évolution inquiétante. Il a exprimé l'espoir qu'elle prendrait note des efforts entrepris par son gouvernement pour poursuivre le dialogue.
La commission a pris note des informations communiquées par les représentants gouvernementaux ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission d'experts fait mention depuis de nombreuses années d'accusations selon lesquelles le travail forcé est imposé avec la complicité ou dans l'indifférence du gouvernement. Les mêmes allégations ont été faites dans les différents rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan et dans des commentaires reçus de la Confédération mondiale du travail. La commission a pris note des informations détaillées qui ont été communiquées par les représentants gouvernementaux sur les questions posées, mais elle a regretté qu'elles n'aient pas été communiquées plus tôt. Elle a considéré que ces informations, et plus particulièrement celles relatives aux activités de la commission d'enquête établie par le gouvernement, devraient être examinées par la commission d'experts. La commission a également pris note du contexte historique et de la situation de conflit armé qui prévaut au Soudan auxquels s'est référé un représentant gouvernemental, ainsi que de son opinion selon laquelle les allégations avaient un mobile politique. La commission a constaté que le gouvernement n'était pas en mesure de faire la preuve de son engagement ne ménager aucun effort pour mettre fin au travail forcé. Eu égard aux informations contradictoires reçues et à la persistance des allégations de violation de la convention, la commission a insisté auprès du gouvernement pour qu'il accroisse ses efforts pour appliquer pleinement la convention, et pour qu'il demande l'assistance technique du Bureau. Etant donné la gravité des allégations et le temps écoulé sans qu'aucun progrès tangible n'ait été accompli, la commission a décidé d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport et de le mentionner comme un cas de défaut continu d'application.
Un représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement avait envoyé un rapport contenant des informations détaillées répondant aux allégations concernant les pratiques d'esclavage et autres pratiques assimilées formulées par la Sous-commission de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies chargée de la prévention des discriminations et de la protection des minorités. Déplorant que ce rapport ne soit pas parvenu à temps pour être examiné par la commission d'experts, il a précisé qu'un autre exemplaire avait été remis au secrétariat. Il a expliqué que les problèmes soulevés ont trait à des conflits de type tribal, motivés par la volonté de maîtriser des ressources en eau ou des zones de pâturage, conflits qui donnent lieu à des prises d'otages que les tribus échangent ensuite, comme le veut la tradition, dans le cadre de conseils de sages chargés de trancher, comme il convient et conformément à la tradition, ces litiges entre tribus. Ces litiges ne sont pas considérés comme des cas d'esclavage dans son pays. Dans ce contexte, la particularité des règles du droit coutumier ne permet pas d'établir des comparaisons avec les règles suivies par les tribunaux institutionnels. S'il est difficile de réunir des informations, le gouvernement fait tout son possible pour en obtenir. Enfin, il a indiqué qu'après avoir effectué plusieurs visites dans les régions en question une commission chargée d'enquêter sur les allégations susmentionnées n'a pas recueilli d'éléments confirmant leur bien-fondé.
Les membres travailleurs ont fait observer que l'application de la convention au Soudan est un cas très grave, qui a été discuté par la Commission de la Conférence en 1989 et 1992 et qui a fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts en 1989, 1990, 1992 et 1993. Tous les points soulevés dans le rapport de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU sont très graves puisqu'il y est question notamment d'esclavage, de servitude d'enfants et de sévices sexuels. Constatant que, jusqu'en 1992, le gouvernement niait purement et simplement l'existence de l'esclavage, qu'auparavant il ne communiquait jamais de rapports et qu'aujourd'hui il déclare en avoir remis un tardivement au BIT, ils font observer que ce pays n'a toujours pas demandé l'assistance technique du BIT et qu'il est toujours impossible à des commissions d'enquêtes internationales de se rendre dans les régions concernées. Ils voient dans la nouvelle loi pénale, qui ne punit guère l'esclavage que d'une peine d'un an de prison, éventuellement assortie d'une amende, et sur l'application de laquelle on ne dispose d'aucune donnée, qu'un instrument purement formel. Précisant que tout avis que le membre travailleur du Soudan voudra sans doute exprimer cette année encore à l'appui de la position tenue par le gouvernement de son pays ne reflète aucunement la position générale des membres travailleurs, ils proposent de souligner dans les conclusions le défaut continu d'application de la convention no 29 au Soudan, le manque total de coopération de la part du gouvernement et la gravité des faits allégués. Ils proposent en outre de mettre les conclusions dans le paragraphe spécial consacré au défaut continu d'application.
Les membres employeurs ont constaté qu'aucun rapport n'est parvenu en dépit des demandes de la commission d'experts et que ce cas a été étudié par la commission en 1989 et 1992. Antérieurement, le gouvernement rejetait essentiellement toutes les allégations et ne se jugeait pas tenu de fournir des informations détaillées au motif qu'il existe une loi interdisant l'esclavage et qu'aucune affaire n'a été portée devant les tribunaux à ce sujet. En conséquence, la situation ne pouvait être examinée et, par ailleurs, les organisations internationales ne pouvaient se rendre dans le pays pour enquêter. Aujourd'hui, par contre, le représentant gouvernemental admet l'existence de certaines des pratiques alléguées mais les présente comme des traditions tribales devant être acceptées comme telles. Soulignant que le Soudan est membre d'une communauté internationale reconnaissant l'état de droit et qu'il s'est obligé en ratifiant cette convention, ce pays ne saurait invoquer la loi de la jungle comme une loi acceptable à l'égard de populations tribales au regard de cette convention. La première responsabilité d'un Etat étant d'assurer la protection de l'ensemble de ses citoyens, les membres employeurs ne peuvent accepter les explications du gouvernement. Compte tenu du fait que ce cas a déjà fait l'objet d'un paragraphe spécial et que la situation a plutôt tendance à se dégrader qu'à s'améliorer, ils suggèrent que cette commission relève dans ses conclusions le défaut continu d'application de cette convention.
Le membre travailleur du Soudan a déploré que les informations envoyées par le gouvernement soient parvenues avec retard et n'aient pas pu être examinées par la commission d'experts. Il souhaite que cela ne se renouvelle pas, afin que les experts soient en mesure d'apprécier les dimensions réelles des problèmes, lesquels pourraient être sans rapport avec l'application de la convention. Evoquant les diverses réformes en matière de législation ainsi que la création d'un conseil chargé d'examiner les problèmes résultant de l'ajustement structurel, il exprime l'espoir qu'elles déboucheront sur le véritable contrat social auquel tous les travailleurs aspirent.
Le membre travailleur du Koweït, appuyant l'opinion exprimée par les membres travailleurs, ajoute qu'il y a lieu de s'interroger sur les motifs des retards dans l'envoi des rapports par les gouvernements. Il déplore que le gouvernement du Soudan rejette les allégations formulées dans le rapport de l'ONU, alors qu'il ne semble pas présenter toutes les garanties sur le plan de la démocratie et de la liberté syndicale. Il demande qu'un paragraphe spécial du rapport soit consacré à la situation du Soudan.
Un autre représentant gouvernemental du Soudan a renouvelé les explications relatives à l'envoi du rapport de son gouvernement, aux particularités de la situation dans ces régions du pays et aux conclusions négatives de la commission qui avait été chargée d'enquêter sur les allégations. Concédant que les conflits entre tribus se sont accrus à la suite des années de sécheresse, il a fait valoir que les conseils de conciliation dirigés par des sages et des chefs de tribus y apportaient une solution mutuellement acceptable. Ces conseils fonctionnent conformément au droit coutumier qui fait partie du système judiciaire du Soudan. Il a conclu en soulignant les traditions authentiques de civilisation de son pays ainsi que son attachement au respect de ses engagements internationaux. En réponse à l'intervention du membre travailleur du Koweït, il a indiqué qu'une loi sur les syndicats avait été adoptée et que des élections syndicales libres avaient eu lieu. Dans ce contexte, nous présentons l'état du droit pour cette situation spécifique et rien d'autre. En ce qui concerne la soumission des précédents à la commission d'experts, le Procureur général nous a indiqué qu'aucun cas de ce genre ne s'est jamais présenté si l'on en juge par les actes des tribunaux. Traditionnellement, les verdicts rendus par les conseils de conciliation tribaux sont considérés comme ayant force légale et étant exécutoires au même titre que ceux des tribunaux ordinaires. Enfin, il a affirmé la disponibilité du gouvernement du Soudan de coopérer avec la commission d'experts ainsi qu'avec cette commission en fournissant toutes nouvelles informations requises. En attendant, le gouvernement est prêt à recevoir quiconque est intéressé à connaître la situation en ce qui concerne ce cas.
La commission a pris note des informations orales communiquées par le gouvernement et de la discussion ayant eu lieu en séance. La commission a constaté avec regret qu'en dépit des assurances exprimées en 1992 le gouvernement n'a pas communiqué son rapport en temps voulu pour être examiné par la commission d'experts. La commission, exprimant sa profonde préoccupation devant l'attitude du gouvernement, a rappelé que celui-ci fait partie d'une communauté internationale et que des traditions tribales ne sauraient être invoquées pour ne pas appliquer les dispositions prévues par cette convention fondamentale. Elle a pris note du fait que le gouvernement a déclaré avoir constitué une commission d'enquête, laquelle n'a pas recueilli d'élément confirmant l'une quelconque des allégations de l'ONU. La commission a rappelé que ce cas concerne des violations graves des droits de l'homme à l'encontre d'hommes, de femmes et d'enfants, violations revêtant la forme de l'esclavage, du travail forcé, du séquestre et de l'enlèvement sur une base systématique et organisée. Elle a de même noté que le gouvernement n'a pas donné suite aux suggestions de la commission et n'a pas envisagé de recourir aux mesures d'assistance appropriées du BIT, notamment aux missions de contacts directs. La commission a pris note du fait que le gouvernement a communiqué récemment un rapport en langue arabe au titre de cette convention. Elle espère pouvoir examiner ce rapport lors de sa prochaine réunion. Considérant la gravité des faits allégués et considérant que ce cas a déjà fait l'objet à deux reprises d'un paragraphe spécial sans que l'on ait pu constater de progrès, la commission a décidé de signaler ce cas dans son rapport dans le paragraphe spécial consacré au défaut continu d'application.
Un représentant gouvernemental a relevé que l'observation de la commission d'experts faisait état d'allégations de commerce d'esclaves et de travail forcé dans son pays émanant de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités en 1988 et en 1989. Un démenti formel doit être apporté à ces allégations. Comme le gouvernement l'a souligné lors de la session de 1989 de la Conférence, tous les Soudanais sont pleinement libres et égaux en droits et en devoirs. La loi du Soudan interdit toute forme de commerce d'esclaves et, dans la mesure où les tribunaux n'ont pas eu à connaître d'une telle pratique qui n'existe pas, le gouvernement n'a pas d'information à fournir à ce sujet. Les représentants des Nations Unies ou de l'Organisation internationale du Travail sont invités à venir sur place vérifier la situation. En outre, le texte du Code pénal de 1991 sera transmis en réponse à la demande formulée par la commission d'experts dans son observation.
Les membres travailleurs ont estimé que la réponse du représentant gouvernemental à la demande de la commission d'experts était insuffisante à bien des égards. Tout d'abord, il faut noter que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Des observations sur ce cas ont été faites en 1989, 1990 et 1992, et la question a été discutée par la Commission de la Conférence en 1989. Il n'y a pas de différence entre ce que le gouvernement avait dit alors et la déclaration de cette année du représentant gouvernemental. Depuis 1988, le gouvernement nie les allégations portant sur les rapts et les ventes d'esclaves qui figurent dans les documents des Nations Unies et auxquels l'observation de la commission d'experts se réfère. En outre, le gouvernement nie les allégations plus récentes sur des enfants maintenus en esclavage et utilisés comme domestiques, figurant dans le rapport du 19 août du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités auquel la commission d'experts se réfère également dans son observation. L'argument du représentant gouvernemental selon lequel il n'existe pas de cas d'esclavage dans son pays du fait que la législation l'interdit n'a rien de convaincant. On peut s'interroger sur ce que font les autorités nationales pour appliquer cette législation. Plus précisément, comme l'a demandé la commission d'experts, il importerait de savoir si des personnes imposant le travail forcé ont été appréhendées et reconnues coupables et si des sanctions leur ont été infligées. Enfin, une autre difficulté tient à l'incertitude quant à la nature exacte de la législation qui s'applique actuellement. Le gouvernement s'est référé dans ses précédents rapports aux articles 311 et 313 du Code pénal, mais la commission d'experts a été informée de la promulgation en 1991 du nouveau Code pénal, qu'elle n'a pas eu la possibilité d'examiner afin d'établir s'il répondait aux exigences de la convention. Les membres travailleurs ne peuvent en conséquence qu'exprimer leur insatisfaction la plus profonde tant en ce qui concerne le manquement à fournir un rapport sur la convention que sur la nature de la réponse apportée par le représentant gouvernemental.
Les membres employeurs se sont largement associés à la déclaration des membres travailleurs. La présente commission connaît depuis plusieurs années les très graves allégations émanant de deux organes des Nations Unies qui, à la suite d'études minutieuses de la question, sont parvenus à la conclusion qu'il continuait d'exister une certaine pratique de ventes d'esclaves et de maintien en esclavage d'enfants utilisés comme domestiques. L'argument du représentant gouvernemental selon lequel l'esclavage a été mis hors la loi par la législation nationale et que, par conséquent, le gouvernement n'avait plus rien d'autre à faire est extrêmement faible. Le gouvernement ne peut se borner à s'en remettre à une loi interdisant le travail forcé mais doit s'assurer que de telles pratiques ont réellement disparu. Il y a trois ans, la commission d'experts, tout comme la présente commission, avait demandé que les mesures nécessaires soient prises afin d'atteindre une situation satisfaisante. Pourtant, trois ans plus tard rien n'a changé, ce qui, eu égard à la gravité des allégations, est en soi très regrettable. En outre, les dispositions du Code pénal de 1983 doivent être révisées et il faudrait également examiner le nouveau texte du Code pénal de 1991. Mais, dans la mesure où le gouvernement ne s'est pas conformé à son obligation de faire rapport, la commission ne dispose pas de ces informations. Dans l'ensemble. on se trouve donc face à un cas de très grave violation de la convention.
Le membre travailleur du Soudan a indiqué que les informations figurant dans le rapport de la commission d'experts provenaient d'un livre dont la Fédération des travailleurs du Soudan avait critiqué le contenu. La fédération a procédé à des visites dans la région visée par cet ouvrage sans rencontrer un seul cas pouvant être considéré comme relevant de l'esclavage. Le problème de l'esclavage des enfants a été suscité par la rébellion dans le pays. La commission du travail de l'Organisation de l'unité africaine a soulevé le problème en avril 1991 et a adopté à l'unanimité une résolution dénonçant la rébellion dans le sud du Soudan pour avoir procédé au rapt de 15 enfants utilisés comme domestiques. Mais, à l'exception de ce cas bien réel, la Fédération des travailleurs du Soudan n'a pas connaissance d'autre cas d'esclavage, et la commission peut être assurée que, s'il en était autrement, un soulèvement général se produirait contre le gouvernement. Les membres de la commission sont invités à venir se rendre compte par eux-mêmes de ce qui se passe réellement dans cette partie du Soudan.
Le représentant gouvernemental a répété qu'il n'existait pas de cas prouvé d'esclavage au Soudan et indiqué qu'il était prêt à fournir à l'OIT le texte du Code pénal de 1991 afin que la commission puisse l'examiner.
Les membres travailleurs ont déclaré que visiter le pays n'apporterait rien de nouveau à ce cas, que les membres de la présente commission n'étaient pas des émissaires, et que c'était à la commission d'experts qu'il revenait d'examiner les informations fournies par le gouvernement. En outre, c'est au Bureau d'apporter, le cas échéant, son assistance aux pays qui ne sont pas en mesure de remplir leurs obligations au titre de la convention. En raison de son caractère d'extrême gravité et du refus persistant du gouvernement de traiter les problèmes soulevés à la fois par la commission d'experts et par la présente commission, ce cas devrait faire l'objet d'un paragraphe spécial.
Les membres employeurs ont indiqué qu'il revenait au gouvernement d'exposer si, et dans quelle mesure, il remplissait ses obligations au titre de la convention. De façon à souligner l'urgence de ce cas et la préoccupation de la présente commission de constater que la situation ne s'améliorait pas, ils ont également estimé qu'un paragraphe spécial montrerait clairement au gouvernement qu'il devait enfin se décider à agir.
Le membre travailleur du Soudan a souligné qu'il ne devait pas être critiqué pour tenter de venir en aide à son gouvernement, car il s'était exprimé au nom des travailleurs du Soudan sur le grave problème du travail forcé des enfants.
Le représentant gouvernemental a indiqué, en réponse aux interventions des membres travailleurs et employeurs, que les informations demandées par la présente commission seraient transmises par son gouvernement avec la plus grande diligence. En acceptant que ce cas soit discuté, son gouvernement a montré qu'il souhaite collaborer avec la présente commission. Bien que le gouvernement ne verrait pas d'inconvénient à ce qu'un paragraphe spécial figure au rapport de la commission, cela n'aurait toutefois pour seul effet que d'apporter une nouvelle complication. Quant au membre travailleur du Soudan, il a exprimé librement son propre point de vue.
Un membre travailleur des Pays-Bas a déclaré que les membres travailleurs étaient libres d'exprimer leur point de vue et de se porter au secours de leur gouvernement tout comme certains membres employeurs le faisaient à l'occasion.
La commission a noté que la commission d'experts n'avait pas été en mesure d'examiner la situation car le gouvernement n'avait pas envoyé de rapport. La commission a également pris note des informations orales fournies par le gouvernement. Elle a exprimé sa profonde insatisfaction compte tenu du fait qu'aucun progrès ne semblait avoir été accompli depuis qu'elle a discuté de ce cas il y a quelques années. Elle a éprouvé le sentiment que le gouvernement s'en tenait à une simple dénégation de l'existence de l'esclavage dans son pays. A cet égard, elle s'est estimée tenue de rappeler au gouvernement que divers organes des Nations Unies avaient fait état de tels cas et que la Commission de la Conférence ne pouvait qu'estimer que ces allégations n'étaient pas totalement infondées, dans la mesure où le gouvernement ne fournissait pas de rapport complet sur la situation existante. La commission a, en conséquence, exprimé l'espoir, dans les termes les plus fermes possibles, que le gouvernement transmettrait un tel rapport. Elle s'est estimée tenue, eu égard à l'extrême gravité de la question examinée, d'une part, et de l'attitude susmentionnée du gouvernement, d'autre part, de faire figurer ces conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport.
Un représentant gouvernemental a indiqué au sujet de l'article 25 de la convention que les informations mentionnées par la commission d'experts. et figurant dans le document de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU, proviennent de la Société anti-esclavagiste pour la protection des droits de l'homme, informations qui se réfèrent à l'esclavage (document E/CN.4/Sub.2 /AC.2/1988/7/Add.1). L'orateur s'est étonné que le rapport de la commission d'experts n'ait pas renvoyé au rapport du groupe de travail sur l'esclavage qui figure dans le document de la sous-commission no E/CN.4/Sub.2/1988/32 du 22 août 1988. Au paragraphe 16 de ce rapport, on peut lire que des informations portant sur l'esclavage ont été présentées par la Société anti-esclavagiste au sujet de certains problèmes qui se sont posés dans le contexte du conflit du Soudan. Par la suite, la Société anti-esclavagiste et le gouvernement du Soudan se sont mis d'accord pour une visite sur place afin de pouvoir disposer l'année prochaine d'informations plus précises. A la lumière du rapport du groupe de travail, il est clair que la Société anti-esclavagiste avait accepté de retirer les informations qu'elle avait présentées sur le Soudan jusqu'à ce qu'elle puisse disposer d'informations objectives recueillies par un groupe composé de membres du gouvernement du Soudan et de la Société anti-esclavagiste. Un représentant de la Société anti-esclavagiste s'est rendu au Soudan où il a rencontré le ministre de la Justice et le ministre des Affaires étrangères et d'autres autorités compétentes, ainsi qu'un certain nombre de personnalités soudanaises. Dans une lettre adressée à Genève, ce représentant s'est déclaré satisfait de sa visite et le gouvernement soudanais, conformément au désir exprimé par la Société anti-esclavagiste, a présenté un document sur ce point. Ce document a été soumis à la Commission des droits de l'homme lors de sa dernière session.
Un représentant gouvernemental a déclaré qu'il n'existe aucune discrimination raciale et religieuse dans son pays, et que l'esprit de tolérance, la liberté et la démocratie règnent; les lois sont applicables à tous, qu'ils soient forts ou faibles, gouvernés ou gouvernants, et le gouvernement s'efforce de faire régner la paix afin d'assurer le développement et la justice. Les lois sont conformes aux normes internationales du travail et protègent les droits de l'homme; l'application des lois et les possibilités de recours garantissent la paix et la sécurité personnelle. La législation interdit toute forme d'exploitation ou de travail forcé. On ne peut douter de l'engagement du gouvernement en ce qui concerne les instruments internationaux sur la prévention de l'esclavage et la traite des esclaves, et le Soudan a été parmi les premiers pays africains a avoir ratifié la convention des Nations Unies sur l'abolition de l'esclavage.
Le membre travailleur du Soudan, après avoir déclaré avoir été choisi comme représentant des travailleurs soudanais sans ingérence de quelque autorité que ce soit, a réfuté ce qu'il considère comme des accusations fausses contenues dans le rapport mentionné par la commission d'experts, qui peuvent porter préjudice aux Soudanais, au mépris de leur esprit de tolérance. Il ne s'agit pas de rapports adressés officiellement au gouvernement du Soudan car sinon il aurait réagi autrement s'il s'était agi de la vérité. Les allégations sont sans fondement. Les travailleurs du Soudan veilleront de très près à protéger les libertés fondamentales et les droits légitimes des citoyens, tels que le droit à la liberté, à la dignité et à la justice, principes fondamentaux inscrits dans la Constitution de l'OIT. Après avoir indiqué que son pays jouit des libertés politiques et syndicales qui n'existent pas dans beaucoup d'autres pays du tiers monde, et que le conflit politique entre le mouvement populaire du sud du Soudan et le gouvernement est en voie de résolution pacifique, l'orateur a conclu en soulignant les traditions humaines démocratiques de la nation soudanaise qui ne peut tolérer la fausse propagande et les rumeurs fallacieuses.
Les membres travailleurs se sont référés au document de la Sous-commission de l'ONU mentionné par la commission d'experts. Il s'agit là d'informations sûres et les faits mentionnés sont si précis et si tragiques qu'on se demande comment on pourrait prouver qu'ils sont inexacts. Le pays devrait pouvoir être visité par des experts des Nations Unies ou par des organisations de défense des libertés publiques; il devrait s'ouvrir à la presse qui devrait pouvoir voyager librement pour constater les faits, ce qui permettrait de connaître la vérité. Les allégations citées par la commission d'experts, témoignages à l'appui, sont accablantes. Elles portent entre autres sur la vente par des parents démunis de leurs propres enfants, en particulier les garçons, à des gens dont ils ignorent l'identité, et sans aucun espoir de revoir leurs enfants. Les membres travailleurs espèrent que des efforts seront faits dans le sens d'une totale transparence et que des informations objectives seront communiquées en ce qui concerne les faits relatés et que les droits de l'homme seront respectés.
Les membres employeurs ont déclaré que la situation n'est pas claire sur quelques questions très sérieuses portant sur l'esclavage et qu'il n'y a pas eu de constatation de faits permettant de lever les ambiguïtés. Le gouvernement n'a pas fourni de preuves de l'existence d'une législation prévoyant des sanctions efficaces contre l'esclavage, conformément aux exigences de la présente convention. Les membres employeurs ont déclaré partager l'opinion des membres travailleurs sur ce cas.
Le représentant gouvernemental a rappelé que le Soudan est un pays démocratique, de liberté, ouvert à quiconque aimerait constater sur place ce qui s'y passe, et il n'y a pas d'inconvénient à ce que des efforts soient déployés pour confirmer cela aux yeux de monde. L'orateur informera son gouvernement des discussions pour que des rapports complets soient préparés contenant toutes les informations demandées pour préciser la situation.
Le membre travailleur du Soudan a précisé que la question ne porte pas sur un conflit entre le gouvernement et les syndicats, mais qu'il s'agit d'une question ayant trait à la dignité des citoyens. Les syndicats auraient été les premiers à s'opposer à leur gouvernement dans le cas contraire.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et des opinions et commentaires formulés au cours de discussion. La commission a noté les sérieuses allégations relevées par la commission d'experts qui ont une incidence directe sur le respect de la convention, du moins dans la pratique. La commission a exprimé le souhait que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour assurer l'application de la convention et que les sanctions imposées par la loi pour l'exaction de travail forcé soient réellement efficaces et pleinement appliquées dans la pratique. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement sera en mesure de fournir dans un proche avenir des informations substantielles sur les mesures prises à cet effet.
Répétition Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission a précédemment noté que la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains prévoit une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Elle a également noté l’établissement de la Commission nationale de lutte contre la traite (NCCT). La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que sur les activités de la NCCT et l’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la traite. Elle l’a aussi prié d’indiquer les mesures prises pour assurer protection et assistance aux victimes de la traite.Le gouvernement indique dans son rapport que la stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes a été adoptée en 2016 et qu’un plan d’action national contre la traite des personnes pour la période 2018-2019 a par la suite été élaboré. Ce plan a pour objectifs la prévention de la traite des personnes, la protection et l’assistance aux victimes de la traite, la conduite d’enquêtes et la traduction en justice des auteurs, ainsi que l’établissement de partenariats et la coopération. Le gouvernement déclare que plusieurs ateliers et séminaires ont été organisés, et du personnel a été formé sur la question de la traite des personnes. Il précise également que la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains est appliquée par des tribunaux spécialement établis. Toutefois, la commission note l’absence d’informations sur le nombre de procédures engagées et de condamnations prononcées, ainsi que sur les mesures adoptées pour assister les victimes de traite.La commission note que l’article 57 de la Constitution de transition du Soudan, signée le 17 août 2019, précise que toute forme de traite des personnes est interdite. Elle observe aussi que la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains a été modifiée par la loi du 30 avril 2020 comportant plusieurs amendements en vue de durcir les sanctions prévues pour la traite des personnes en doublant les peines d’emprisonnement. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures adoptées pour mettre en œuvre les objectifs du plan d’action national contre la traite des personnes, ainsi que les résultats obtenus à cet égard, et de préciser si un nouveau plan a été formulé. Elle le prie également de fournir des informations sur les cas de traite des personnes identifiés et ayant fait l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires, ainsi que sur le nombre de condamnations prononcées par les tribunaux spécialement établis pour appliquer la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains, et de préciser les sanctions infligées aux responsables. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure adoptée pour assurer protection et assistance aux victimes de traite et d’indiquer le nombre de victimes ayant bénéficié d’une telle assistance.
Répétition Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Enlèvements à des fins d’imposition de travail forcé et sanctions. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note de la pratique d’enlèvement à des fins d’imposition de travail forcé dans le contexte d’un conflit armé. Elle a noté que dans son dernier rapport, le gouvernement indiquait qu’aucun élément probant n’avait été trouvé en ce qui concerne des cas d’enlèvement. La commission a également pris note de l’indication, en 2016, de l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan selon laquelle des affrontements entre les forces gouvernementales et le Mouvement de libération du Soudan-faction Abdul Wahid se poursuivaient, surtout au Darfour, s’accompagnant de meurtres, d’enlèvements, de violence sexuelle et de déplacements de civils. La commission a noté qu’un Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour avait été désigné et a pris note de l’information du gouvernement selon laquelle aucune des poursuites engagées par ce dernier n’était liée à des cas d’enlèvement à des fins de travail forcé. Par conséquent, la commission a prié le gouvernement de prendre immédiatement des mesures efficaces pour s’assurer que des sanctions pénales sont imposées aux auteurs de pratiques d’enlèvement à des fins d’imposition de travail forcé.Dans son rapport, le gouvernement indique qu’il n’y a eu aucun signalement d’enlèvement à des fins de travail forcé et que le Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour n’a été informé d’aucun cas d’enlèvement à des fins de travail forcé. Le gouvernement déclare que la situation en matière de sécurité au Darfour est stable grâce aux efforts déployés par le gouvernement de transition qui a fait de la paix sa priorité.La commission note d’après les informations disponibles sur le site internet des Nations Unies qu’un gouvernement de transition a été formé en août 2019 par le Conseil militaire de transition et la principale alliance d’opposition du pays pour une période de trois ans devant mener à des élections démocratiques. La commission note que l’une des priorités établies dans le cadre général du programme du gouvernement de transition est de mettre fin à la guerre et d’établir une paix juste, totale et durable. À cet égard, les mesures pratiques adoptées incluent notamment: i) la création et la mise en service d’une Commission pour la justice de transition, ainsi que l’établissement d’institutions d’indemnisation et de réparation; et ii) la création d’unités d’aide et de soutien psychologique pour les victimes de violations. En outre, la commission note que l’article 6(3) de la Constitution de transition, signée le 17 août 2019, prévoit que malgré les dispositions de lois existantes, il n’y aura pas de prescription légale pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, les exécutions extrajudiciaires, les violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et les infractions relatives à la corruption et à l’abus de pouvoir commis depuis le 30 juin 1989. La commission salue la signature officielle d’un accord de paix au Soudan le 3 octobre 2020 entre le gouvernement de transition et les groupes d’opposition. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures pour s’assurer qu’aucun cas d’enlèvement à des fins d’imposition de travail forcé ne se produise à l’avenir et pour garantir une protection complète aux victimes de telles pratiques. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur la mise en place de la Commission pour la justice de transition, des institutions d’indemnisation et de réparation et des unités pour prendre en charge et soutenir les victimes d’infractions, et de préciser les activités qu’elles mènent pour indemniser et réintégrer les victimes d’enlèvement à des fins d’imposition de travail forcé.
Répétition Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission note que la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains a été promulguée en 2014. Elle note que, en vertu de l’article 9 de la loi, la traite des personnes est une infraction pénale punissable d’une peine de trois à dix ans de prison et, en cas de circonstances aggravantes, de cinq à dix ans. Elle note également qu’un comité national de lutte contre la traite a été créé et qu’il est notamment chargé: i) d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la traite; ii) d’agir en coordination avec les parties prenantes concernées en matière de mesures de prévention visant à combattre la traite; et iii) d’élaborer des campagnes de sensibilisation en organisant des conférences, en publiant des lignes directrices et en créant des outils éducatifs sur la question de la traite. De plus, la commission note que, en vertu de l’article 28 de la loi, les victimes de traite doivent être exemptées des frais de justice liés à l’action qu’elles engagent pour demander réparation pour toutes les atteintes subies, du fait qu’elles aient été victimes de toute infraction visée par la loi. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application, dans la pratique, de la loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains, notamment sur les activités de la Commission nationale de lutte contre la traite, en matière de prévention, de répression et de sanction de la traite. Elle le prie également d’indiquer si une stratégie nationale de lutte contre la traite a été adoptée et de fournir des informations sur sa mise en œuvre. Enfin, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour assurer protection et assistance aux victimes de la traite.
Répétition Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté l’existence de pratiques d’enlèvement et de travail forcé dont étaient victimes des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où sévissait un conflit armé. Elle a pris note des allégations de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon lesquelles il continuait d’y avoir de graves problèmes en ce qui concerne les enlèvements à des fins de travail forcé et l’indemnisation des victimes de travail forcé. Elle a également noté que, dans son rapport de 2013, l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan a indiqué que, à Abyei, au Kordofan méridional et dans le Nil Bleu, l’intensification des combats avait engendré une multiplication des violations des droits de l’homme et des déplacements massifs de population. L’expert indépendant a relevé que les violations massives des droits de l’homme et les déplacements massifs de civils en raison de la poursuite des hostilités entre les forces armées soudanaises et les groupes d’opposition armés continuaient à se produire dans la région du Darfour (A/HRC/24/31, paragr. 11 et 13). De plus, la commission a noté que, d’après le rapport du Secrétaire général sur l’Opération hybride de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD), du 14 octobre 2013, entre le 1er avril et le 30 juin 2013, il y a eu 21 enlèvements touchant la population civile locale contre 10 entre le 1er juillet et le 30 septembre 2013 (S/2013/607, paragr. 26). A cet égard, la commission a prié le gouvernement de prendre d’urgence des mesures, conformément aux recommandations des organes et institutions internationaux compétents, pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme et à l’impunité. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique qu’aucun élément probant n’a été trouvé en ce qui concerne les cas d’enlèvement. Elle note cependant que, dans son rapport de 2016, l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan indique que, au cours de la période considérée (octobre 2015-juin 2016), la situation en matière de sécurité au Darfour s’est caractérisée par une intensification des affrontements entre les forces gouvernementales et le Mouvement de libération du Soudan-faction Abdul Wahid. L’expert indépendant s’est déclaré préoccupé par les effets néfastes du conflit sur les civils, compte tenu des allégations d’atteintes aux droits de l’homme et de graves violations du droit international humanitaire, y compris des meurtres aveugles, des destructions et des incendies de villages, des enlèvements de femmes et des actes de violence sexuelle à leur égard, ainsi que des déplacements massifs de civils. De plus, au cours des cinq premiers mois de 2016, environ 80 000 personnes auraient été déplacées dans l’ensemble du Darfour, 142 000 autres auraient été déplacées aussi (A/HRC/33/65, paragr. 41 et 42). A la lumière de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre immédiatement fin à la pratique des enlèvements à des fins d’imposition de travail forcé et pour garantir que les victimes sont pleinement protégées contre ces pratiques abusives. La commission réitère que le gouvernement doit prendre d’urgence des mesures, conformément aux recommandations des organes et institutions internationaux compétents, pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme et à l’impunité, ce qui contribuera à assurer la pleine application de la convention. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les mesures prises à cet égard. Article 25. Sanctions pour imposition de travail forcé. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que des tribunaux spéciaux avaient été créés dans certaines régions en conflit pour éradiquer toute activité comportant un travail forcé et qu’un Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour avait été désigné. Elle a également noté que, dans son rapport de 2013, l’expert indépendant s’est dit préoccupé par la lenteur des poursuites dans les crimes liés au conflit au Darfour (A/HRC/24/31, paragr. 43). Elle a prié le gouvernement d’indiquer le nombre de poursuites engagées par le Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour relatives à des enlèvements à des fins d’imposition de travail forcé, ainsi que le nombre de condamnations prononcées et la nature des sanctions infligées. La commission note que le gouvernement indique que, en ce qui concerne les informations statistiques sur le nombre de poursuites engagées par le Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour, aucune d’entre elles n’était liée à des cas d’enlèvement à des fins de travail forcé. Le gouvernement indique également qu’il existe actuellement plusieurs institutions qui facilitent l’accès des victimes de violations des droits de l’homme à la justice, notamment la Commission nationale des droits de l’homme et le Conseil supérieur de l’enfance. Rappelant qu’il est important d’imposer des sanctions pénales efficaces aux auteurs de pratiques de travail forcé afin que celles-ci ne restent pas impunies, la commission prie le gouvernement de prendre immédiatement des mesures efficaces en la matière. Elle le prie également de fournir des informations statistiques sur le nombre de poursuites engagées par le Procureur spécial pour les crimes commis au Darfour relatives à des enlèvements à des fins de travail forcé, ainsi que sur le nombre de condamnations prononcées et sur la nature des sanctions infligées.
La commission a pris note des informations présentées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes de la Conférence dans une communication reçue le 6 juin 2010 incluant la réponse du gouvernement aux commentaires de la commission concernant la présente convention et à ceux concernant la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. Elle prend également note de la discussion qui a eu lieu en juin 2010 au sein de la Commission de la Conférence et à l’issue de laquelle le gouvernement a été prié de fournir un rapport complet en vue de son examen par la commission d’experts à sa prochaine session. La commission note en outre les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) datées du 26 août 2010 concernant l’application de cette convention par le Soudan, observations qui ont été transmises au gouvernement le 7 septembre 2010 pour tout commentaire qu’il souhaiterait formuler sur les questions soulevées.
La commission note que le gouvernement n’a pas fourni le rapport demandé par la Commission de la Conférence et n’a pas communiqué de commentaires en réponse aux observations susvisées de la CSI. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira un rapport complet, ainsi que ses commentaires sur les observations de la CSI, pour examen par la commission à sa prochaine session.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. Depuis de nombreuses années, la commission se réfère, dans le contexte de l’application de la convention, à la persistance de pratiques d’enlèvements et de travail forcé dont sont victimes des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où sévit un conflit armé. La commission rappelle que cette situation a été examinée à de nombreuses reprises au fil des ans dans ses propres observations et discutée à plusieurs reprises par la Commission de la Conférence. La commission a souligné à chacune de ces occasions que ces pratiques constituent une grave violation de la convention dans la mesure où les victimes sont contraintes d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré et où ce travail s’accomplit dans des conditions extrêmement difficiles associées à des mauvais traitements, y compris de la torture et la mort. La commission a considéré que cette situation appelle d’urgence une action systématique à la mesure de sa gravité et de son ampleur. Le gouvernement a par conséquent été prié de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre un terme à ces pratiques de travail forcé qui font suite aux enlèvements de femmes et d’enfants et pour s’assurer que, conformément à la convention, des sanctions pénales sont infligées aux auteurs de ces pratiques.
Commission de l’application des normes de la Conférence. La commission note que, dans ses conclusions de juin 2010, la Commission de la Conférence a pris note des efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation sur le plan des droits de l’homme dans le pays et, en particulier, des informations concernant les récentes élections qui sont considérées comme une étape nouvelle vers la mise en œuvre pleine et entière de l’Accord de paix global de 2005. Tout en prenant note de cette évolution positive, ainsi que des déclarations réitérées du gouvernement selon lesquelles les enlèvements ont complètement cessé avec la fin de la guerre civile, la Commission de la Conférence a observé à nouveau qu’aucun élément vérifiable ne démontre que le travail forcé ait été complètement éradiqué dans la pratique. A cet égard, la Commission de la Conférence a noté avec regret que les plus récentes statistiques de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC), relatives au nombre de cas d’identification des victimes et de réunification de ces victimes avec leur famille, remontaient à mai 2008 et qu’aucune information plus récente de cette nature n’a été communiquée par le gouvernement. La Commission de la Conférence a relevé une fois de plus la convergence des allégations et le large consensus parmi les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales quant à la persistance et à l’ampleur des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. Elle a également noté avec préoccupation que les auteurs de ces violations n’ont pas eu à répondre de leurs actes et que les mesures de réinsertion des victimes n’ont pas été suffisantes. La Commission de la Conférence a prié instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, notamment dans le cadre de la CEAWC, pour assurer la pleine application de la convention, en droit comme dans la pratique. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait des informations détaillées dans son prochain rapport qui serait examiné par la commission d’experts, en indiquant en particulier si le recours au travail forcé a cessé complètement, si les victimes ont retrouvé leur famille, si elles ont bénéficié de réparations et d’une réinsertion appropriées et si les auteurs de ces actes ont été punis, en particulier ceux qui refusent de coopérer. Notant que le gouvernement a sollicité une assistance technique du Bureau, la Commission de la Conférence a invité le BIT à fournir l’assistance nécessaire.
Organes des Nations Unies. La commission a précédemment noté que, dans sa résolution no 1881 (de 2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est déclaré préoccupé par la gravité persistante de l’état de sécurité et la détérioration de la situation humanitaire au Darfour et il a réitéré sa condamnation de toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans cette région. Le Conseil de sécurité souligne que les auteurs de ces crimes doivent être traduits en justice et demande instamment au gouvernement soudanais d’honorer ses obligations à cet égard. La commission prend également note d’un rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/11/14, juin 2009), dans lequel elle constate que, malgré certaines mesures positives de réforme de la législation, l’amélioration de la situation des droits de l’homme sur le terrain reste un défi considérable. C’est ainsi qu’au Darfour les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international continuent d’être perpétrées par toutes les parties et que, dans le sud du Soudan, des centaines de civils ont été tués dans des raids commis par l’Armée des Seigneurs de la Résistance (LRA) dans le cadre de conflits tribaux, et qu’un grand nombre de femmes et d’enfants ont été enlevés. Selon ce rapport, l’impunité de ces crimes continue à affecter gravement toutes les régions du Soudan; les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme ne font pas dûment l’objet d’enquêtes, nombre d’auteurs présumés de crimes graves ne sont pas traduits en justice et aucune réparation n’est accordée aux victimes. La Rapporteuse spéciale renouvelle toutes les recommandations qu’elle a formulées antérieurement dans ses rapports et qui n’ont pas été mises en œuvre et, en particulier, celles qui visent à ce que toutes les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire international fassent dûment l’objet d’enquêtes et que les auteurs présumés soient promptement traduits en justice (paragr. 92(d)).
La commission prend note du rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/15/CRP.1) publié en application de la décision 14/117 du Conseil des droits de l’homme, dont il est pris acte dans la résolution 15/27 du Conseil des droits de l’homme (A/HRC/RES/15/27), rapport qui offre une vue d’ensemble de l’évolution de la situation et des activités menées au cours de la période du 1er mai au 31 août 2010. Selon ce rapport, au cours de la période considérée, si le gouvernement a poursuivi les mesures en vue de la transformation démocratique du pays, la situation générale des droits de l’homme au Soudan s’est détériorée. Au Darfour, les affrontements entre les forces gouvernementales et les mouvements armés ainsi que la violence intercommunautaire ont continué de faire des morts et d’entraîner des déplacements de population civile. Au Sud-Soudan, la situation continue de se caractériser par une grande instabilité dans certaines zones, affectant des populations civiles, notamment les femmes et les enfants, et par une aggravation des violations des droits de l’homme par l’Armée de libération populaire du Soudan (SPLA). Selon ce même rapport, des mesures concrètes visant à rétablir la loi et l’ordre et à apporter une réponse au problème de la responsabilité et de l’impunité devraient être examinées d’urgence par le gouvernement national et par le gouvernement du Sud-Soudan. Le rapport reprend toutes les recommandations relatives aux droits de l’homme qui n’ont pas été mises en œuvre, y compris celles qui ont été faites par le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan, et recommande que le gouvernement, entre autres choses, veille à ce que toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui sont dénoncées fassent dûment l’objet d’investigations et que les auteurs de ces actes, en particulier ceux qui détiennent des responsabilités de commandement, soient rapidement traduits en justice.
Commentaires d’organisations de travailleurs. Dans les observations datées du 26 août 2010 mentionnées plus haut, la CSI indique qu’il continue d’y avoir de graves problèmes en ce qui concerne le travail forcé et la réparation des victimes. D’après la CSI, les pratiques d’enlèvements de personnes et de leur exploitation dans le cadre d’un travail forcé ont toujours cours, frappant des milliers de femmes et d’enfants des zones affectées par le conflit armé. Le gouvernement continue de refuser de punir ceux qui imposent ce travail forcé, persistant à considérer que ces affaires se règleront au moyen de la médiation des chefs des communautés traditionnelles. Toutefois, aucun élément tangible ne démontre que le processus de médiation informelle au niveau des communautés ait produit des résultats concrets. La CSI affirme en outre qu’il existe encore des cas de rapatriement contre leur gré de personnes enlevées et aussi des cas extrêmement nombreux d’enfants abandonnés ayant, pour la plupart, perdu les autres membres de leur famille, morts ou déplacés par la guerre. La CSI considère que le gouvernement doit renforcer l’action de la CEAWC en ce qui concerne l’engagement des poursuites contre les auteurs d’enlèvements et de travail forcé, considérant qu’un grand nombre de ces derniers refusent encore de coopérer. Enfin, la CSI accueille favorablement la volonté du gouvernement d’accepter l’assistance technique du BIT.
Réponse du gouvernement. La commission note que la réponse du gouvernement aux commentaires de la commission, jointe à une communication reçue le 6 juin 2010, reproduit les informations déjà communiquées au BIT en novembre 2008 en réponse à la communication de la CSI datée du 29 août 2008. Ces informations concernent notamment les activités menées par le CEAWC jusqu’à fin avril 2008 et incluent des statistiques sur les cas avérés d’enlèvement et de réunification de personnes enlevées avec leur famille, statistiques dont la commission avait déjà pris note. Le gouvernement réaffirme à nouveau son engagement ferme et constant d’éradiquer intégralement les pratiques d’enlèvement et de fournir un soutien constant à la CEAWC. Il réitère également sa déclaration précédente, selon laquelle les enlèvements ont totalement pris fin, comme en atteste, selon ses affirmations, le Comité des chefs Dinka (DCC). C’est pour cette raison que le gouvernement a demandé instamment que ce cas soit déclaré clos et que l’OIT cesse d’en discuter, puisque la situation a d’ores et déjà été réglée de manière satisfaisante, selon les rapports des organes spécialisés des Nations Unies. S’agissant de la situation au Darfour, le gouvernement déclare à nouveau qu’à son avis, puisque cette question est actuellement à l’examen du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union africaine, elle ne devrait pas être discutée à l’OIT, de manière à éviter tout chevauchement. S’agissant de la poursuite en justice des auteurs de ces crimes, le gouvernement renouvelle ses déclarations antérieures, selon lesquelles la CEAWC, qui estimait initialement qu’une action de la justice serait le meilleur moyen d’éradiquer le phénomène des enlèvements, a été priée par toutes les tribus concernées, y compris le DCC, de ne pas engager d’action judiciaire à moins que les efforts de négociation amiable des tribus n’échouent. Le gouvernement réaffirme qu’à son avis les actions en justice prennent beaucoup de temps, sont très coûteuses et, au surplus, ne sauraient instaurer la paix entre les tribus concernées et servir ainsi l’esprit de réconciliation nationale. La commission note également que le représentant gouvernemental a déclaré devant la Commission de la Conférence, en juin 2010, que la traduction en justice des auteurs de ces actes aurait un impact négatif sur les efforts déployés pour aider les personnes enlevées à revenir dans leur lieu d’origine ou à s’établir. Toutefois, le gouvernement a néanmoins fourni les informations disponibles à ceux qui souhaiteraient engager une telle action. Le représentant gouvernemental a également déclaré que le gouvernement avait fait ce qui était en son pouvoir pour que ces personnes soient traduites en justice et qu’il ne pouvait toutefois pas contraindre les gens à porter plainte mais seulement les encourager à le faire.
Prenant note de ces informations, la commission prie à nouveau fermement le gouvernement de redoubler ses efforts en vue de l’éradication totale des pratiques de travail forcé, qui constituent une grave violation de la convention et, en particulier, qu’il fasse en sorte que les affaires d’enlèvement ayant sévi dans toutes les régions du pays soient résolues et qu’il s’assure que les victimes retrouvent leur famille. Tout en prenant note de l’engagement réitéré exprimé par le gouvernement de résoudre le problème, la commission exprime le ferme espoir que celui-ci continuera de fournir des informations détaillées sur la libération des personnes enlevées et leur retour dans leur famille, en fournissant des statistiques fiables et réactualisées, étayées par des rapports de la CEAWC. Ayant également noté que le gouvernement déclare de manière répétée que les enlèvements ont totalement pris fin, la commission observe avec préoccupation que cette déclaration est en contradiction avec les autres sources d’information fiables. Elle se réfère à cet égard au large consensus qui se dégage parmi les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales quant à la persistance et l’ampleur des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. La commission réaffirme qu’il est nécessaire que le gouvernement prenne d’urgence des mesures, conformément aux recommandations des organes et institutions internationaux compétents, pour mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme et à l’impunité généralisée, ce qui contribuerait à instaurer des conditions plus propices au respect plein et entier des conventions relatives au travail forcé. Notant également que le gouvernement demande l’assistance technique du BIT, la commission exprime l’espoir qu’il prendra toutes les mesures nécessaires, avec l’assistance du Bureau, pour assurer que la convention soit pleinement respectée, en droit et dans la pratique, et qu’il fournira dans son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 25. Sanctions punissant l’imposition illégale de travail forcé ou obligatoire. La commission a précédemment noté les dispositions du Code pénal punissant les enlèvements par des peines d’emprisonnement, et elle a demandé au gouvernement de prendre les mesures pour s’assurer que des sanctions pénales sont imposées aux auteurs de tels actes, conformément à la convention. La commission note que le gouvernement réitère dans ses rapports que la CEAWC, qui était initialement d’avis que les actions en justice seraient le meilleur moyen d’éradiquer la pratique des enlèvements, a été priée par toutes les tribus concernées de ne pas engager d’action sur le plan légal, à moins que les efforts de négociation amiable déployés par les tribus n’échouent. Le gouvernement réitère qu’à son avis, dans le contexte du processus de paix global, il y a lieu, dans un esprit de réconciliation nationale, de ne pas engager de poursuites légales contre les auteurs d’actes d’enlèvement et de travail forcé.
La commission rappelle à nouveau à cet égard que, en vertu de l’article 25 de la convention, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission considère donc que la non-application de sanctions pénales à l’égard des auteurs de ces violations est contraire à cette disposition de la convention et peut avoir pour effet de créer un environnement d’impunité pour les auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé d’autrui.
La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour que des poursuites judiciaires soient engagées à l’égard des auteurs de ces actes, en particulier à l’égard de ceux qui refusent de coopérer, et que des sanctions pénales seront imposées aux personnes condamnées pour avoir imposé du travail forcé, comme le prescrit la convention. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application dans la pratique des dispositions pénales punissant le crime d’enlèvement ainsi que des dispositions punissant le kidnapping et l’imposition de travail forcé (art. 161, 162 et 163 du Code pénal), en communiquant copie de toute décision judiciaire pertinente et en indiquant les sanctions imposées.
La commission prend note du rapport du gouvernement daté du 27 avril 2008, reçu en mai 2008, du rapport de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC) sur ses activités, joint au premier, et enfin de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence sur l’application des normes en juin 2008. Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) concernant l’application de la convention par le Soudan datées du 29 août 2008, ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations datée du 2 novembre 2008, transmise au Bureau par communications datées des 12 et 20 novembre 2008 puis, à nouveau, par communication datée du 9 janvier 2009.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère, dans le contexte de l’application de la convention, à la persistance de pratiques d’enlèvements et de travail forcé dont sont victimes des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où sévit un conflit armé. La commission rappelle que cette situation a été examinée à de nombreuses reprises au fil des ans dans ses propres observations et discutée à plusieurs reprises par la Commission de la Conférence. La commission a souligné à chacune de ces occasions que ces pratiques constituent une grave violation de la convention dans la mesure où les victimes sont contraintes d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas proposées d’elles-mêmes, que ce travail s’accomplit dans des conditions extrêmement difficiles associées à des mauvais traitements, y compris de la torture et la mort. La commission a considéré que cette situation appelle d’urgence une action systématique à la mesure de sa gravité et de son étendue. Il a donc été demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre un terme à ces pratiques de travail forcé qui font suite aux enlèvements de femmes et d’enfants et pour s’assurer que, conformément à la convention, des sanctions pénales sont infligées aux auteurs de ces pratiques.
Commission de l’application des normes de la Conférence. La commission note que, dans ses conclusions de juin 2008, la Commission de la Conférence a relevé une fois de plus la convergence des allégations et le large consensus parmi les différentes institutions des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales au sujet de la persistance et de l’étendue des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. La Commission de la Conférence a pris note des mesures prises par le gouvernement, et notamment les progrès obtenus par la CEAWC en ce qui concerne la libération des personnes enlevées, ainsi que les efforts déployés pour améliorer la situation dans le pays sur le plan des droits de l’homme. Elle a cependant estimé qu’il n’a pas été fourni d’éléments tangibles permettant de vérifier que le travail forcé a été complètement éradiqué dans la pratique et s’est déclarée préoccupée par certaines informations faisant état de retour involontaire des victimes d’enlèvement, pour certaines après avoir été séparées de leur famille, et notamment de certaines affaires de déplacement d’enfants non accompagnés. La Commission de la Conférence a également noté avec préoccupation qu’aucune responsabilité n’a été recherchée du côté des auteurs de ces actes. Elle a instamment appelé le gouvernement à poursuivre ses efforts avec vigueur et à s’employer de toute urgence, y compris avec le concours de la CEAWC, à éradiquer totalement les pratiques de travail forcé et à mettre un terme à l’impunité, en traduisant en justice les auteurs de ces actes, notamment ceux qui ne veulent pas coopérer. Elle a à nouveau invité le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT et d’autres donateurs dans ce but, gardant à l’esprit que seule une vérification indépendante de la situation dans le pays permettra de déterminer si les pratiques de travail forcé ont été complètement éradiquées.
Organes des Nations Unies. La commission note que, dans sa résolution no 1881 (de 2009), le Conseil de sécurité des Nations Unies se déclare préoccupé par la gravité persistante de l’état de sécurité et la détérioration de la situation humanitaire au Darfour et a réitéré sa condamnation de toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international au Darfour. Le Conseil de sécurité souligne que les auteurs de ces crimes doivent être traduits en justice et demande instamment au gouvernement soudanais d’honorer ses obligations à cet égard. La commission prend également note d’un rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/11/14, juin 2009), dans lequel il est constaté que, malgré certaines mesures positives de réforme de la législation, l’amélioration de la situation des droits de l’homme sur le terrain reste un défi considérable. C’est ainsi qu’au Darfour les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international continuent d’être perpétrées par toutes les parties et que, dans le sud du Soudan, des centaines de civils ont été tués dans des raids commis par l’Armée des Seigneurs de la Résistance dans le cadre de conflits tribaux, et qu’un grand nombre de femmes et d’enfants ont été enlevés. Selon ce rapport, l’impunité de ces crimes continue à affecter gravement toutes les régions du Soudan, les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme ne font pas dûment l’objet d’enquêtes, nombre d’auteurs présumés de crimes graves ne sont pas traduits en justice et aucune réparation n’est accordée aux victimes. La Rapporteuse spéciale renouvelle toutes les recommandations qu’elle a formulées antérieurement dans ses rapports et qui sont restées sans suite et, en particulier, celle qui vise à ce que toutes les dénonciations d’atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire international fassent dûment l’objet d’enquêtes et que les auteurs présumés soient promptement traduits en justice (paragr. 92(2)).
Commentaires d’organisations de travailleurs. Dans les observations datées du 29 août 2008 mentionnées plus haut, la CSI souligne que, malgré les déclarations du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2008 selon lesquelles il n’y a plus eu d’autres cas d’enlèvement et de travail forcé dans le pays, des informations provenant de sources diverses attestent au contraire de la persistance des enlèvements au Darfour, dans le cadre du conflit qui sévit toujours dans cette région, et les violations des droits de l’homme qui s’y commettent accusent une similarité marquée avec celles qui ont sévi dans le sud du Soudan tout au long de la guerre civile de 1983 à 2005, notamment avec de nombreux cas documentés d’enlèvements à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. La CSI se réfère en particulier au rapport de novembre 2007 sur la situation des droits de l’homme au Darfour établi par le groupe d’experts des Nations Unies, au rapport de mars 2008 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan et aux conclusions des recherches menées par Anti-Slavery International en 2006-07. Tout en accueillant favorablement le fait que le gouvernement a, finalement, reconnu l’ampleur du problème et a résolu 11 300 cas d’enlèvement, la CSI se déclare préoccupée par le processus de libération et de réunification des familles. Elle se réfère en particulier aux constatations de l’UNICEF selon lesquelles certaines des personnes prises en charge ne sont pas les véritables victimes d’enlèvement, certaines des personnes retournant dans leur foyer ne le font pas de leur plein gré et certaines familles ont été séparées de leurs enfants, lesquels ont été déplacés sans être accompagnés. La CSI relève également que, alors que le gouvernement affirme que 11 300 des 14 000 cas d’enlèvement ont été «résolus», la réunification des familles ne s’est produite que dans 3 394 cas, c’est-à-dire dans moins d’un tiers des cas. La CSI reste persuadée que l’impunité dont les auteurs de ces enlèvements ont bénéficié – attestée par l’absence de toutes poursuites pour enlèvement au cours des seize dernières années – a été la cause de la persistance de cette pratique tout au long de la guerre civile de 1983 à 2005 et de sa persistance, encore aujourd’hui, au Darfour. La CSI appuie donc fermement la recommandation formulée par la Commission de la Conférence en 2008 selon laquelle ce ne sera «qu’à travers une vérification indépendante de la situation dans le pays qu’il sera possible de déterminer que les pratiques de travail forcé ont été complètement éradiquées». Elle considère que le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du BIT sous la forme d’une mission qui aurait pour mandat d’examiner la mesure dans laquelle les victimes d’enlèvements ont effectivement été réintégrées dans leur communauté d’origine.
Réponse du gouvernement. Dans son rapport de 2008, le gouvernement reprend les informations communiquées au BIT en mai 2007 et présente une mise à jour des activités menées par la CEAWC à fin avril 2008. Il réaffirme une fois de plus son engagement ferme et constant à éradiquer totalement le phénomène des enlèvements et à fournir un soutien continu à la CEAWC. Le gouvernement indique, dans son rapport, ainsi que dans sa réponse aux observations susmentionnées de la CSI, que sur près de 14 000 cas documentés d’enlèvements, la CEAWC a été en mesure de réintégrer les personnes enlevées dans leur famille dans 6 000 cas. La commission constate cependant que, d’après le rapport d’activité de la CEAWC daté du 27 avril 2008, joint au rapport du gouvernement, il n’y a eu que 3 708 cas de retour de personnes enlevées dans leur famille, en incluant les 310 cas récemment comptabilisés par le gouvernement du sud du Soudan. Le gouvernement confirme une fois de plus sa déclaration antérieure selon laquelle les enlèvements ont totalement pris fin ce qui, toujours selon lui, est confirmé par le Comité des chefs Dinka (DCC). C’est pour cette raison que le gouvernement a demandé instamment que ce cas ne soit plus examiné et que l’OIT cesse d’en discuter puisque, comme en attestent les rapports des organes spécialisés des Nations Unies, la situation est désormais réglée de manière satisfaisante. Pour ce qui est de la situation au Darfour, le gouvernement est d’avis que, puisque le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’Union africaine examinent actuellement cette question, elle ne devrait pas être discutée par l’OIT, de manière à éviter toute duplication. Pour ce qui est des préoccupations des travailleurs exprimées dans l’observation de la CSI évoquée plus haut au sujet du processus de libération et de réintégration des victimes dans leur famille et du caractère volontaire du retour des victimes, le gouvernement déclare que ces préoccupations ne sont pas fondées. Il se réfère au rapport précité de la CEAWC, qui fait lui-même référence à une lettre du représentant de l’UNICEF au Soudan selon laquelle il n’a pas été signalé de cas de retour forcé et, par ailleurs, sur le terrain, une solution a été apportée de manière effective à plusieurs affaires d’enfants non accompagnés dans le nord du pays. Le gouvernement fait part, dans son rapport, de son engagement à fournir tous les fonds nécessaires pour que le travail restant à faire soit mené à bien, bien que nombre d’institutions internationales ont déclaré que le reste des victimes d’enlèvements ne sont plus des personnes enlevées au sens strict du terme et ont demandé à la CEAWC d’éviter les retours forcés. S’agissant de la traduction en justice des auteurs de ces crimes, le gouvernement renouvelle ses déclarations antérieures, selon lesquelles la CEAWC, initialement convaincu qu’une action de la justice serait le meilleur moyen d’éradiquer le phénomène des enlèvements, a été prié par toutes les tribus concernées, y compris le DCC, de ne pas recourir aux actions en justice, à moins que les efforts amiables des tribus échouent. Le gouvernement a estimé que les actions en justice prennent trop de temps, et sont très coûteuses; elles ne sauraient en outre construire la paix entre les tribus concernées et servir ainsi l’esprit de réconciliation nationale. Le gouvernement déclare également qu’il n’est pas en mesure de forcer les gens à engager une action en justice. Il rejette également la recommandation tendant à une vérification indépendante du travail accompli par la CEAWC.
Prenant note de ces avis et commentaires, de même que de l’engagement renouvelé du gouvernement à résoudre le problème, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts afin d’éradiquer totalement les pratiques de travail forcé, qui constituent une grave violation de la convention et, en particulier, de résoudre les cas d’enlèvements qui ont sévi dans toutes les régions du pays, et de prévoir les moyens pour que les victimes retournent dans leur famille. Tout en prenant note des nouveaux résultats enregistrés par la CEAWC en ce qui concerne la libération des victimes d’enlèvements, la commission espère que le gouvernement continuera de fournir des informations détaillées sur ce processus de libération et de réintégration des victimes dans leur famille, s’appuyant sur des statistiques précises et fiables, étayées par des rapports de la CEAWC. Notant également avec préoccupation les déclarations du gouvernement selon lesquelles les enlèvements ont cessé complètement sont en contradiction avec d’autres sources d’information, la commission se réfère à nouveau au large consensus parmi les organes des Nations Unies, les organisations représentatives de travailleurs et les organisations non gouvernementales au sujet de la persistance et de l’étendue des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. Elle exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra d’urgence les mesures préconisées dans les recommandations des institutions et organes internationaux compétents en vue de mettre fin à toutes les violations des droits de l’homme et ainsi contribuer à établir les conditions d’un respect plein et entier des conventions relatives au travail forcé. La commission incite le gouvernement à recourir, comme proposé par la Commission de la Conférence, à l’assistance technique du BIT.
Article 25. Sanctions pénales punissant le fait d’avoir exigé illégalement du travail forcé ou obligatoire. La commission avait pris note des dispositions du Code pénal punissant les enlèvements de peines d’emprisonnement et elle avait demandé au gouvernement de prendre les mesures pour s’assurer que des sanctions pénales sont imposées aux auteurs de tels actes, conformément à la convention. La commission note que le gouvernement réitère dans ses rapports que la CEAWC, qui était initialement d’avis que les actions en justice sont le meilleur moyen d’éradiquer la pratique des enlèvements, a été priée par toutes les tribus concernées de ne pas recourir à ces actions, à moins que les efforts amiables déployés par les tribus n’échouent. Le gouvernement précise également à nouveau qu’à son avis, dans un esprit de réconciliation nationale, il y a lieu de ne pas engager de poursuites à l’égard des auteurs d’actes d’enlèvement et de travail forcé. La commission rappelle à cet égard qu’en vertu de l’article 25 de la convention «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». Elle considère donc que la non-application de sanctions pénales à l’égard des auteurs de ces crimes est contraire à cette disposition de la convention et peut avoir pour effet d’assurer l’impunité aux auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé d’autrui.
La commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront enfin prises pour que des poursuites judiciaires soient engagées à l’égard des auteurs de ces actes, en particulier à l’égard de ceux qui refusent de coopérer, et que des sanctions pénales seront imposées aux personnes condamnées pour avoir exigé illégalement du travail forcé, comme le prescrit la convention. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application dans la pratique des dispositions pénales punissant le crime d’enlèvement, de même que des dispositions punissant le kidnapping et l’imposition de travail forcé (art. 161, 162 et 163 du Code pénal), en communiquant copie de toute décision judiciaire pertinente.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Abolition des pratiques de travail forcé. 1. Depuis plusieurs années, la commission examine les informations relatives aux pratiques d’enlèvement et de travail forcé touchant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où se déroule un conflit armé. La commission a fait observer à plusieurs occasions que les situations concernées constituent des violations graves de la convention. Ces victimes sont forcées d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de plein gré, et le travail est effectué dans des conditions extrêmement pénibles. Elles sont également victimes de mauvais traitements pouvant comporter la torture et l’assassinat. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a estimé qu’il était nécessaire d’engager une action urgente et systématique qui réponde à l’ampleur et à la gravité du problème. Le gouvernement a donc été prié de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour lutter contre le travail forcé imposé aux femmes et enfants victimes d’enlèvement, et d’assurer, conformément à la convention, l’application de sanctions pénales à l’encontre des auteurs de tels actes.
2. La commission prend note avec intérêt de l’adoption en 2005 de la Constitution nationale provisoire, à la suite de la signature en janvier 2005 de l’Accord global de paix. La commission note avec intérêt que la partie II de la Constitution nationale provisoire comporte la Déclaration des droits qui assure la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et que l’article 30 de la Constitution nationale provisoire interdit expressément l’esclavage et le travail forcé ou obligatoire.
3. La commission prend note du rapport du gouvernement reçu en octobre 2006 et des résumés des rapports d’activité de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC) fournis en novembre 2005 et octobre 2006, ainsi que des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2005. Elle note également les observations datées du 6 septembre 2005, reçues de la part de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), désormais Confédération syndicale internationale (CSI), concernant l’application de la convention par le Soudan, ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations.
Commission de l’application des normes de la Conférence. 4. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2005, la Commission de la Conférence a constaté la convergence des allégations et le large consensus existant entre les organismes des Nations Unies, les organisations représentatives des travailleurs et les organisations non gouvernementales en ce qui concerne les pratiques d’enlèvement et de travail forcé qui continuent à être largement répandues. La commission a noté que, malgré des progrès tangibles, par exemple la conclusion de l’Accord global de paix, il n’y avait pas de preuve que le travail forcé ait été éradiqué. La Commission de la Conférence a invité le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT et d’autres donateurs afin d’éradiquer les pratiques identifiées par la commission d’experts et d’assurer que les responsables sont poursuivis en justice. La commission a considéré que seule une évaluation indépendante de la situation dans le pays pourra déterminer si le recours au travail forcé a cessé. La commission a décidé que, dans le cadre de l’assistance technique fournie par le BIT, une investigation approfondie des faits devra être effectuée et a demandé au gouvernement de fournir toute l’assistance nécessaire à cette fin.
Organismes des Nations Unies. 5. La commission note que, dans la résolution no 1769 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies, celui-ci note avec une profonde préoccupation les attaques constantes contre la population civile et le personnel humanitaire ainsi que la généralisation des violences sexuelles. La résolution se réfère au rapport du Secrétaire général et du président de la Commission de l’Union africaine sur l’opération hybride au Darfour et au rapport du Secrétaire général en date du 23 février 2007. La résolution souligne la nécessité de traduire en justice les auteurs de ces crimes et prie instamment le gouvernement soudanais de le faire. De même, elle condamne à nouveau toutes les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international commises au Darfour. La commission note par ailleurs que, dans sa décision no 2/115 du 28 novembre 2006 concernant le Darfour, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, tout en se félicitant de l’Accord de paix au Darfour, a constaté avec préoccupation la gravité de la situation des droits de l’homme et de la situation humanitaire au Darfour et a engagé toutes les parties à mettre fin immédiatement aux violations constantes des droits de l’homme et du droit humanitaire international, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables, notamment aux femmes et aux enfants. La commission prend note également d’un rapport sur la situation des droits de l’homme au Darfour élaboré par le groupe d’experts mandaté par la résolution no 4/8 du Conseil des droits de l’homme et présidé par la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/HRC/5/6 du 8 juin 2007), dans lequel le groupe d’experts a partagé la préoccupation du conseil au sujet de la gravité des violations constantes des droits de l’homme et du droit humanitaire international au Darfour et de l’absence de poursuites des auteurs de tels crimes. Selon les recommandations figurant dans le rapport, toutes les allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international doivent faire dûment l’objet d’enquêtes, et les personnes qui s’avéreraient responsables de ces violations doivent être promptement traduites en justice (paragr. 43 (h)).
Commentaires des organisations de travailleurs. 6. Dans ses observations de 2005 susvisées, la CISL accueille favorablement le fait que le gouvernement ait enfin reconnu l’étendue du problème, au sein de la Commission de la Conférence en juin 2005, et en particulier les indications du gouvernement selon lesquelles la CEAWC a réussi à résoudre 11 000 cas d’enlèvements, grâce à un travail d’examen des documents et de recherche et à des mesures de regroupement. Cependant, la CISL exprime sa préoccupation au sujet de l’assistance devant être apportée à ces personnes et leur réinsertion dans la société soudanaise. Tout en se félicitant des progrès accomplis, tels que la signature de l’Accord global de paix et l’adoption de la Constitution nationale provisoire, qui donnent au gouvernement une possibilité historique de résoudre la question des enlèvements et du recours au travail forcé, la CISL est d’avis que cet accord ne conduira pas automatiquement à la fin des enlèvements, du travail forcé et des autres violations des droits de l’homme, comme les événements au Darfour l’ont montré. Elle se réfère par ailleurs à ce propos aux informations au sujet de cas généralisés et systématiques d’esclavage sexuel et de prostitution forcée et appelle le gouvernement à veiller à ce que les auteurs de tels crimes soient poursuivis et punis sévèrement. La CISL estime que l’impunité dont ont bénéficié les responsables des enlèvements et du travail forcé, comme le montre l’absence de toutes poursuites pour enlèvements au cours des seize dernières années, a contribué à la persistance de cette pratique tout au long de la guerre civile, et plus récemment au Darfour. Enfin, la CISL appuie fortement la recommandation formulée par la Commission de la Conférence, selon laquelle seule une évaluation indépendante de la situation dans le pays pourra déterminer si le recours au travail forcé a cessé, et demande instamment au gouvernement d’appuyer pleinement et d’assister une investigation du BIT sur les enlèvements au Soudan.
Réponse du gouvernement. 7. Dans son rapport de 2006, le gouvernement confirme son engagement ferme et constant d’éradiquer le phénomène des enlèvements et de continuer à soutenir la CEAWC. Le gouvernement indique que, sur 14 000 cas d’enlèvements, la CEAWC a déjà résolu 11 000 cas et a été en mesure de réintégrer dans leurs familles les personnes enlevées dans 3 394 cas. Le gouvernement confirme sa déclaration à la Commission de la Conférence, selon laquelle les enlèvements se sont complètement arrêtés et il ajoute que cela a été également confirmé par le Comité des chefs Dinka (DCC). Le gouvernement déclare que la préoccupation des travailleurs au sujet de l’assistance devant être apportée aux personnes enlevées et leur réinsertion n’a pas de fondement. En ce qui concerne la poursuite des auteurs d’enlèvements, le gouvernement répète ses indications précédentes selon lesquelles toutes les tribus concernées, y compris le DCC, ont demandé à la CEAWC de ne pas recourir à la justice, sauf si les efforts à l’amiable des tribus n’aboutissent pas. Il indique par ailleurs que, dans le cadre du processus de paix globale, il conviendrait, au nom de la réconciliation nationale, de ne pas poursuivre les responsables des enlèvements et du travail forcé depuis 1983 (et même avant).
8. Tout en notant l’engagement renouvelé du gouvernement de résoudre le problème, ainsi que les progrès réalisés par la CEAWC dans la libération des personnes enlevées, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre fermement ses efforts en vue de résoudre les cas d’enlèvements restants et d’assurer la réinsertion des victimes pour mettre ainsi un terme au travail forcé imposé aux femmes et enfants victimes d’enlèvements, qui sévit depuis de nombreuses années à une très grande échelle. La commission se réfère à nouveau au large consensus existant au sein des organismes des Nations Unies, des organisations représentatives des travailleurs et des organisations non gouvernementales au sujet de la persistance et de l’étendue des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international dans certaines régions du pays. La commission veut croire que le gouvernement prendra des mesures urgentes, conformément aux recommandations des agences et organismes internationaux concernés, afin de mettre un terme à toutes les violations des droits de l’homme, contribuant ainsi à créer de meilleures conditions pour respecter pleinement les conventions sur le travail forcé.
Article 25. Imposition de sanctions en cas de recours au travail forcé ou obligatoire. 9. Dans ses commentaires antérieurs, la commission s’était référée aux dispositions du Code pénal prévoyant des sanctions comportant des peines d’emprisonnement en cas d’enlèvement et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient imposées à l’encontre des coupables. Tout en prenant note de l’avis du gouvernement exprimé dans son rapport, selon lequel, dans le contexte du processus de paix globale, il conviendrait, dans un esprit de réconciliation nationale, de ne pas engager de poursuites à l’encontre des auteurs des enlèvements et de travail forcé, la commission attire à nouveau l’attention du gouvernement sur l’article 25 de la convention. Aux termes de celui-ci, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission estime que la non-application des sanctions pénales à l’encontre des coupables est contraire à cette disposition de la convention et a pour effet d’assurer l’impunité aux auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé. La commission veut croire en conséquence que les mesures nécessaires seront prises pour veiller à ce que des poursuites judiciaires soient engagées à l’encontre des coupables, particulièrement ceux qui refusent de coopérer, et que des sanctions pénales soient imposées à l’encontre des personnes ayant recouru au travail forcé, comme exigé par la convention. La commission prie également le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur l’application dans la pratique de la disposition pénale sanctionnant le crime d’enlèvement ainsi que des dispositions sanctionnant le kidnapping et le recours au travail forcé (art. 161, 162 et 163 du Code pénal), en transmettant des copies des décisions de justice pertinentes.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 97e session et de communiquer un rapport détaillé en 2008.]
Abolition des pratiques analogues à l’esclavage
1. Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de traite et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du pays où se déroule un conflit armé. Le gouvernement a été prié de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour combattre la pratique du travail forcé par l’intermédiaire de l’enlèvement de femmes et d’enfants et pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions sont imposées aux coupables.
2. La commission prend note du rapport du gouvernement reçu en octobre 2004 et de la note d’informations à propos des activités de la Commission pour l’éradication de l’enlèvement des femmes et des enfants (CEAWC) transmise en janvier 2004, ainsi que de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2004. Elle prend note également des observations datées du 31 août 2004 reçues de la part de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) concernant l’application de la convention par le Soudan, lesquelles ont été transmises au gouvernement en septembre 2004 pour tous commentaires que celui-ci estimerait appropriés. Etant donné que le rapport du gouvernement reçu en octobre 2004 ne comporte aucune référence à ces observations, la commission espère que le gouvernement ne manquera pas de communiquer, dans son prochain rapport, ses commentaires à leur sujet.
Commission de l’application des normes de la Conférence
3. La commission note que, dans ses conclusions adoptées en juin 2004, la Commission de la Conférence a expriméà nouveau sa profonde préoccupation au sujet des rapports continus d’enlèvements et d’esclavage, particulièrement dans la région du sud du Darfour, et a estimé nécessaire d’inviter le gouvernement à prendre des mesures efficaces et rapides pour mettre un terme à ces pratiques et punir les responsables, mettant ainsi fin à l’impunité. Tout en prenant note des mesures positives prises par le gouvernement, la Commission de la Conférence a exprimé le ferme espoir que le prochain rapport du gouvernement décrira les résultats concrets obtenus et a rappelé que le gouvernement pouvait avoir recours à l’assistance technique du BIT.
Organismes des Nations Unies
4. La commission note que, dans sa décision 2004/128 du 23 avril 2004 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (E/CN.4/DEC/2004/128), la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a exprimé sa profonde préoccupation à propos de la situation au Soudan et en particulier au Darfour - Soudan occidental -, et a appelé le gouvernement à promouvoir et à protéger de manière active les droits de l’homme et le droit humanitaire international à travers le pays. La commission prend note également du rapport du représentant du Secrétaire général sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays «Mission au Soudan - la crise du Darfour» (E/CN.4/2005/8 du 27 septembre 2004), dans lequel il constate que «ce auquel le monde assiste aujourd’hui au Darfour s’est produit dans le sud du pays pendant la presque totalité de la guerre civile avec notamment des incendies de villages, des assassinats, la destruction et le pillage des propriétés, le recours aux milices tribales arabes, le déplacement massif des populations de leurs territoires et l’enlèvement des femmes et des enfants» (paragr. 16). La commission prend note aussi d’un rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans la région du Darfour au Soudan (E/CN.4/2005/3), dans lequel il se réfère à«l’esclavage sexuel» et à«la prostitution forcée» qui «constituent des crimes contre l’humanité lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque générale ou systématique dirigée contre la population civile» (paragr. 69). Selon les recommandations contenues dans le rapport, «les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire doivent être examinées de manière approfondie et rapide et les auteurs poursuivis devant la justice» (paragr. 97).
Commentaires formulés par les organisations de travailleurs
5. Dans les observations de 2004 susmentionnées, la CISL conteste la déclaration du gouvernement devant la Commission de la Conférence en juin 2004 selon laquelle les enlèvements se sont complètement arrêtés. La CISL se réfère à un rapport sur la situation au Darfour établi par Amnesty International en juillet 2004, qui contient des informations obtenues à partir de déclarations de témoins oculaires au sujet de cas d’enlèvements de femmes et d’enfants par la milice Janjaweed, et notamment de plusieurs cas d’esclavage sexuel. Se référant aux informations reçues de la part de différentes sources, et notamment du rapport du Département d’Etat des Etats-Unis sur le rapport relatif au Soudan, la CISL soutient que les enlèvements, dont l’existence a été documentée ces dernières années, se sont poursuivis en 2003 et 2004. Elle partage aussi l’avis exprimé par le Groupe des sages dans son rapport de 2002 selon lequel ces enlèvements sont «le produit d’une stratégie contre-insurrectionnelle» poursuivie par le gouvernement, qui «a omis de reconnaître sa propre responsabilité dans les actes commis par les milices et d’autres forces placées sous son autorité».
6. Se référant à la déclaration du représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence, selon laquelle il n’existe pas de preuve du nombre de personnes enlevées et les estimations ont confondu les cas d’enlèvements avec d’autres cas de personnes déplacées, la CISL souligne que, la Commission des chefs Dinka (DCC) estime qu’il y a environ 14 000 personnes qui ont été enlevées et que ce chiffre a été admis par la CEAWC. Selon les estimations de la CEAWC, de la DCC et d’autres sources, il y a toujours 10 000 personnes enlevées attendant d’être identifiées et réunifiées avec leurs familles. Pour ce qui est des poursuites à l’encontre des auteurs des enlèvements, la CISL fait remarquer qu’elle n’est au courant d’aucune poursuite engagée jusqu’à ce jour et que, selon le rapport du Groupe des sages, en ce qui concerne l’esclavage et les enlèvements, aucune poursuite pénale n’a été engagée devant les tribunaux soudanais au cours des seize dernières années.
7. Tout en accueillant favorablement les développements positifs, tels que la conclusion des trois accords de paix en mai 2004, la CISL est d’avis que ces derniers ne permettront pas automatiquement de mettre un terme aux enlèvements et aux violations des droits de l’homme, comme l’ont montré les récents événements au Darfour, et appelle le gouvernement à déclarer publiquement que toutes ces pratiques sont illégales et à donner la prioritéà la poursuite des auteurs des nouveaux enlèvements et de ceux qui ne coopèrent pas avec la CEAWC.
Réponse du gouvernement
8. Dans son rapport de 2004, le gouvernement réitère sa condamnation de toutes les formes d’esclavage et de travail forcé et confirme son engagement de coopérer avec les organisations internationales pour éradiquer le phénomène des enlèvements. Suite aux informations sur les activités sur le terrain de la CEAWC, fournies au BIT en janvier 2004, la commission note, d’après le rapport du gouvernement reçu en octobre 2004 et la déclaration du représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en juin 2004, qu’au cours de la période de mars à mai 2004, la CEAWC a été en mesure de libérer, avec le financement du gouvernement, plus de 1 000 personnes enlevées qui ont rejoint leurs familles, notamment dans les zones contrôlées par l’armée de libération du peuple du Soudan (SPLA). Le gouvernement répète aussi sa précédente déclaration selon laquelle les enlèvements se sont arrêtés complètement. Se référant aux observations de 2004 ci-dessus formulées par la CISL, dans lesquelles cette déclaration du gouvernement a été contestée, la commission espère que le gouvernement répondra à ces observations et continuera à fournir des informations sur l’application dans la pratique du décret présidentiel no 14 de 2002 concernant la réinstallation du CEAWC en indiquant, en particulier, le nombre de personnes enlevées identifiées et libérées et le nombre d’auteurs poursuivis.
9. La commission note, d’après le rapport du gouvernement et la discussion au sein de la Commission de la Conférence, qu’en mai 2004 le gouvernement du Soudan a signé trois protocoles de paix, et notamment un protocole sur le partage du pouvoir, comportant des dispositions sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales et se référant à ce propos aux instruments internationaux, en particulier à ceux relatifs aux droits de l’enfant et à l’abolition de l’esclavage. Le gouvernement déclare que l’application de ces accords devrait résoudre les problèmes en suspens.
10. Tout en prenant note de ces développements positifs et de l’engagement renouvelé du gouvernement de résoudre le problème, la commission demande instamment au gouvernement de poursuivre ses efforts avec fermeté en vue de combattre la pratique du recours au travail forcé par l’intermédiaire de l’enlèvement de femmes et d’enfants, menée sur une large échelle dans le pays. La commission constate à nouveau la convergence des allégations et le large consensus parmi les organismes des Nations Unies, les organisations représentatives des travailleurs et les organisations non gouvernementales au sujet de l’existence continue et de l’ampleur des pratiques d’enlèvement et de recours au travail forcé. La commission constate que les situations concernées constituent des violations flagrantes de la convention, vu que les victimes sont forcées d’accomplir un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de plein gré, dans des conditions extrêmement dures et accompagnées de mauvais traitements pouvant comporter la torture et l’assassinat. La commission estime qu’il est nécessaire d’engager une action urgente et systématique qui réponde à l’ampleur et à la gravité du problème.
Article 25 de la convention
11. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’aux termes de l’article 162 du Code pénal l’enlèvement est passible de dix ans d’emprisonnement et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient appliquées aux coupables. Le gouvernement avait cependant estimé dans son rapport de 2002 que toute poursuite engagée contre les auteurs d’enlèvements risquerait, à l’heure actuelle, de porter atteinte aux recommandations émanant des réunions de conciliation tribales, organisées parmi les différentes tribus concernées par les cas d’enlèvements, dans une tentative d’éradiquer le phénomène des enlèvements réciproques, dans le cadre de la coexistence pacifique entre les tribus. La commission note, d’après la note d’informations sur les activités de la CEAWC, transmise en janvier 2004, et d’après la déclaration du représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en juin 2004, que la CEAWC estimait que les actions en justice représentaient le meilleur moyen d’éradiquer les enlèvements, alors que les tribus, et notamment la DCC, avaient demandé au CEAWC de ne pas recourir aux actions en justice à moins que les efforts de conciliation des tribus n’aient échoué.
12. La commission souligne à nouveau qu’une telle approche pourrait avoir pour effet d’assurer l’impunité aux auteurs d’enlèvements qui exploitent le travail forcé. Rappelant qu’aux termes de l’article 25 de la convention «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et que tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées», la commission veut croire que les mesures nécessaires seront bientôt prises pour que les poursuites légales soient engagées contre les auteurs et que des sanctions soient imposées à l’encontre des personnes convaincues d’avoir recouru au travail forcé, comme exigé par la convention.
13. La commission avait précédemment pris note des indications du gouvernement dans son rapport de 2002 concernant la création par le ministre de la Justice de tribunaux spéciaux chargés de poursuivre les auteurs d’enlèvements de femmes et d’enfants. La commission espère que le gouvernement fournira, dans son prochain rapport, des informations sur le fonctionnement de ces tribunaux dans la pratique, en indiquant le nombre de tribunaux créés et le nombre de poursuites engagées et en transmettant des copies des décisions de justice.
[Le gouvernement est prié de fournir des détails complets à la Conférence à sa 93e session.]
1. Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de trafic et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé. La commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour abolir le travail forcé et pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient imposées aux coupables.
2. La commission a pris note des informations figurant dans le rapport du gouvernement et ses annexes, y compris des informations supplémentaires au sujet des activités sur le terrain effectuées par le Comité pour l’éradication du phénomène de l’enlèvement de femmes et d’enfants (CEAWC), fournies en octobre 2003, ainsi que de la discussion qui s’est déroulée en juin 2002 au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence. Elle a également pris note des observations reçues en septembre 2002 et en septembre 2003 de la part de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) concernant l’application de la convention par le Soudan, lesquelles ont été transmises en octobre 2002 et en septembre 2003 au gouvernement, afin que celui-ci formule à leur sujet les commentaires qu’il juge appropriés. La commission observe qu’aucun commentaire n’a été reçu jusqu’à présent de la part du gouvernement et veut croire que le gouvernement communiquera ses commentaires au sujet de ces graves questions avec son prochain rapport.
3. Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2002, la Commission de la Conférence s’est déclarée à nouveau préoccupée par la grave situation qui prévaut au Soudan. Tout en prenant note de la volonté du gouvernement de collaborer avec les différentes institutions internationales et du plan d’action élaboré par le gouvernement en vue de l’éradication des pratiques de travail forcé, la Commission de la Conférence a dû observer que toutes les informations fournies, notamment par les organisations de travailleurs, le Rapporteur spécial des Nations Unies et les membres de la commission, avaient montré la persistance du travail forcé au Soudan et l’insuffisance des mesures prises par le gouvernement pour combattre cette situation. Elle a noté en particulier l’absence de sanctions imposées aux coupables et a prié instamment le gouvernement d’établir et de renforcer le mécanisme de prévention, d’identification et de sanction. La Commission de la Conférence a noté le refus du gouvernement d’accepter la mission de contacts directs du BIT et a décidé de faire figurer à nouveau ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport comme un cas continu de défaut d’application de la convention.
4. La commission a pris note du rapport provisoire du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, au sujet de la situation des droits de l’homme au Soudan (document des Nations Unies A/57/326), transmis à l’Assemblée générale le 20 août 2002 ainsi que du rapport publié le 6 janvier 2003. Les rapports comportent les conclusions de sa visite au Soudan en février-mars et en septembre-octobre 2002, ainsi qu’une mise à jour de la situation globale, sur la base des informations qui ont été recueillies depuis. La commission a observé que le Rapporteur spécial a pris note avec satisfaction de plusieurs mesures qui ont été prises et qui sont susceptibles d’améliorer la situation des droits de l’homme au Soudan. Il constate, cependant, qu’en général et malgré les engagements qui avaient été pris, la situation globale des droits de l’homme ne s’est pas améliorée. En ce qui concerne les enlèvements, le Rapporteur spécial a noté que, dans une tentative de renforcer le Comité pour l’éradication du phénomène de l’enlèvement de femmes et d’enfants (CEAWC), le Président de la République a placé ledit comité directement sous son contrôle, tout en le dotant d’une présidence à plein temps et des ressources appropriées. Cependant, selon le rapport, aucune mesure n’a été prise en vue de la poursuite des personnes reconnues coupables de nouveaux enlèvements et aucune politique spécifique n’a été mise en place pour décourager les murahalleen de pratiquer des enlèvements. Le Rapporteur spécial a appelé le gouvernement à redoubler d’efforts en vue d’éradiquer les enlèvements et de garantir que les coupables soient traduits en justice, ce qui mettrait un terme à l’impunité dont ces derniers ont bénéficié jusque-là.
5. La commission a noté que, dans sa résolution du 19 avril 2002 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (E/CN.4/RES/2002/16), la Commission des droits de l’homme des Nations Unies s’est déclarée à nouveau profondément préoccupée par «le rapt de femmes et d’enfants de la part des groupes murahalleen et d’autres groupes militaires pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues» et par «les violations continues des droits de l’homme, en particulier dans des zones contrôlées par le gouvernement du Soudan». La commission a également pris note de la déclaration du Rapporteur spécial à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies en 2003, dans laquelle celui-ci faisait observer qu’en dépit des nouveaux engagements, les abus en matière de droits de l’homme n’ont diminué ni dans le nord ni dans le sud du Soudan, que la situation globale des droits de l’homme ne s’est pas améliorée de manière significative et que certaines sources parlent de «dysfonctionnement grave» du CEAWC.
6. Dans ses observations de 2002 et 2003 susmentionnées, la CISL se réfère au rapport (établi le 22 mai 2002) du Comité des sages, composé de huit membres originaires des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d’Italie, de Norvège et de France. Le comité a visité le pays en vue de faire des recherches sur l’esclavage, les enlèvements et le travail forcé. Le rapport fait référence à des estimations du nombre total de personnes enlevées, effectuées par le CEAWC et le Comité des chefs Dinka (14 000), ainsi que par l’UNICEF et l’Aide à l’enfance (entre 10 000 et 17 000). La CISL conclut que les estimations précédemment faites, de 5 000 à 14 000, correspondent à celles établies par d’autres organisations et appuie fortement une recommandation faite par le Comité des sages selon laquelle des recherches systématiques sur le terrain, effectuées par des organismes indépendants, sont toujours nécessaires.
7. La CISL se réfère à une communication du CEAWC à AntiSlavery International, datée du 30 août 2001, dans laquelle il était indiqué que le nombre de personnes enlevées répertoriées par le CEAWC continue à n’être que de 1 200; elle allègue que 34 femmes et enfants seulement ont été libérés et sont rentrés chez eux depuis septembre 2001, ce qui prouve que le processus d’identification et de libération des femmes et enfants enlevés a été extrêmement lent. Se référant aux informations figurant dans la déclaration du Rapporteur spécial à la 58e session du Comité des droits de l’homme ainsi qu’au rapport du Comité des sages susmentionné, la CISL allègue que le gouvernement n’a pas pris les mesures adéquates pour prévenir de futurs enlèvements et en particulier n’a pas réussi à mettre sous contrôle militaire les forces qui combattent à ses côtés. Elle se réfère aussi à la déclaration dans le rapport du Comité des sages, selon laquelle, en ce qui concerne l’esclavage et les enlèvements, aucune poursuite pénale n’a été engagée au cours des seize dernières années devant les tribunaux soudanais. Pour ce qui est de l’annonce du ministre de la Justice, en novembre 2001, de la création de deux tribunaux à Kordufan Ouest chargés de poursuivre les responsables d’enlèvements, la CISL se réfère à la déclaration du Comité des sages dans son rapport, selon laquelle, à sa connaissance, à la fin de mai 2002, les tribunaux en question n’avaient pas encore été créés. Tout en accueillant favorablement l’engagement du gouvernement de renforcer et d’appuyer le travail du CEAWC, la CISL est d’avis que l’intention déclarée du CEAWC d’accomplir son mandat dans le délai d’une année apparaît comme extrêmement optimiste et partage la préoccupation du Comité des sages sur le fait que le CEAWC sous-estime l’importance et la nature du problème.
8. Dans ses commentaires reçus en 2003, la CISL se réfère à un rapport publié en janvier 2003 par le président du CEAWC, indiquant que 2 000 cas environ d’enlèvements ont été signalés depuis 1999 et que le CEAWC prévoit «de répertorier les 11 500 cas restants, selon les estimations du Comité Dinka, dans le délai d’un an à partir de la date de disponibilité des fonds». La CISL estime que, vu les commentaires susvisés du Rapporteur spécial et les progrès limités réalisés par le CEAWC au cours des deux dernières années, le chiffre de 11 000 cas pouvant être identifiés et répertoriés en un an semble totalement irréaliste.
9. Dans son dernier rapport, le gouvernement condamne une nouvelle fois toutes les formes d’esclavage et de travail forcé, ainsi que tous actes similaires considérés comme des crimes sanctionnés par le Code pénal. La commission a pris note de l’adoption du décret présidentiel no 14 de 2002 sur le rétablissement du CEAWC, lequel rattache directement son travail au Président de la République et lui donne le pouvoir d’examiner les rapports faisant état de cas d’enlèvements et d’engager des poursuites à l’encontre de toute personne suspectée de pratiquer ou de soutenir des enlèvements de femmes ou d’enfants ou de participer à de tels actes. Le décret prévoit la possibilité de créer des comités similaires au niveau de la province. Dans les informations supplémentaires sur les activités sur le terrain réalisées par le CEAWC, fournies au BIT en octobre 2003, le gouvernement se réfère à 506 cas d’enlèvements qui ont été signalés et résolus dans le cadre de plus de 20 missions sur le terrain dans plusieurs régions du Sud de Darfur et de l’Ouest de Kordofan. La commission a aussi noté que le CEAWC a élaboré un projet annuel de plan d’action destinéà résoudre les cas restants d’enlèvements, plan qui devra être achevé dans les douze mois qui suivent la date de disponibilité des fonds requis. Le gouvernement indique aussi que les enlèvements ont complètement cessé. Cependant, la CISL déclare dans sa communication de 2003 que le fait que le CEAWC n’ait reçu aucun nouveau cas d’enlèvement ne signifie pas que les enlèvements aient cessé, vu que le CEAWC n’a pas la capacité de réunir les informations sur les enlèvements et de faire des recherches sur les rapports et n’est donc pas en mesure de répertorier les nouveaux cas à moins que ces derniers ne lui soient communiqués directement. La commission demande au gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application dans la pratique du décret no 14, en indiquant, notamment, le nombre de personnes enlevées, identifiées et libérées, et le nombre de responsables d’enlèvement poursuivis, ainsi que des informations sur l’application pratique du plan d’action du CEAWC annexé au rapport. Prière d’indiquer aussi si des comités similaires ont été créés au niveau de la province, et dans l’affirmative de fournir des informations sur leur fonctionnement dans la pratique.
10. La commission a pris note des indications du gouvernement concernant la création par le ministre de la Justice de tribunaux spéciaux chargés de poursuivre les personnes responsables d’enlèvements de femmes et d’enfants. Se référant aux allégations susmentionnées de la CISL à ce sujet, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement dans la pratique de tels tribunaux, en indiquant le nombre de tribunaux créés et le nombre de poursuites engagées, et de communiquer des copies des décisions de justice.
11. Tout en accueillant favorablement les mesures positives prises par le gouvernement et son engagement renouvelé de résoudre le problème, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts avec détermination et d’adopter une position plus ferme pour combattre la pratique du travail forcé par l’intermédiaire de l’enlèvement de femmes et d’enfants. La commission veut croire que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer les résultats concrets obtenus à cet égard.
12. La commission avait précédemment noté que, aux termes de l’article 162 du Code pénal, l’enlèvement est passible de dix ans d’emprisonnement et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient appliquées aux coupables. Cependant, dans son rapport de 2002, le gouvernement estime que toute poursuite engagée, à l’heure actuelle, contre des personnes ayant commis des enlèvements, risque de porter atteinte aux recommandations émanant des réunions de conciliation tribale, organisées parmi les différentes tribus concernées par les cas d’enlèvements, dans une tentative d’éradiquer le phénomène des enlèvements réciproques, dans le cadre de la coexistence pacifique entre les tribus.
13. La commission observe que le fait de ne pas poursuivre les personnes ayant commis des enlèvements pourrait avoir pour effet d’assurer l’impunité de ces personnes qui ont recours au travail forcé. Elle rappelle que, aux termes de l’article 25 de la convention, «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées». La commission invite instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir pour garantir que des poursuites légales soient engagées contre les coupables et que des sanctions pénales soient appliquées à l’encontre de toute personne convaincue d’avoir recouru au travail forcé, comme exigé par la convention.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 92e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2004.]
1. Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de trafic et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé, mais également dans des régions sous contrôle du gouvernement. Dans sa dernière observation, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour abolir le travail forcé. Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et de transmettre copie des décisions de justice prononcées. Elle avait également prié le gouvernement de fournir des informations complètes à la Conférence lors sa 89e session et de faire parvenir un rapport détaillé en 2001.
2. Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2001, la Commission de l’application des normes de la Conférence s’est déclarée profondément préoccupée par la grave situation qui prévaut au Soudan. Elle a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures rigoureuses qui soient proportionnelles à l’ampleur et à la gravité du problème et de répondre aux questions soulevées par la commission d’experts, en particulier dans le domaine de la prévention, pour identifier les personnes qui exigent du travail forcé et imposer des sanctions pénales appropriées. La Commission de la Conférence a noté que le représentant gouvernemental avait refusé la proposition visant à envoyer dans son pays une mission de contacts directs pour que celle-ci puisse collaborer avec le gouvernement à la recherche de solutions pour éliminer la pratique du travail forcé, mais avait déclaré que cette possibilité serait examinée. La Commission de la Conférence a décidé de faire figurer ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport comme un cas continu de défaut d’application de la convention.
3. La commission note les informations fournies par un membre travailleur pendant la discussion de la Commission de la Conférence, indiquant qu’en octobre 2000 deux représentants d’Anti-Slavery International (ASI) se sont rendus au Soudan pour évaluer les résultats de l’action du Comité pour l’élimination des rapts de femmes et d’enfants (CERFE), institution créée en 1999 qui dépend du ministère de la Justice. Les représentants d’ASI se sont entretenus avec des membres du CERFE, du Comité dinka, de la communauté dinka du nord du Soudan et d’anciens esclaves qui vivent dans trois centres de transit administrés par le CERFE. Les informations fournies par le membre travailleur ont indiqué que les représentants d’ASI ont découvert que les dirigeants gouvernementaux et autres responsables ne considéraient pas les personnes enlevées qui sont intégrées dans une autre famille, soit parce qu’elles lui ont été vendues, soit à la suite d’une adoption simulée ou d’un mariage ou après l’écoulement d’un certain temps, comme des victimes de violations des droits de l’homme et encore moins comme des victimes de l’esclavage.
4. La commission note que, selon les informations fournies par le membre travailleur, le CERFE ne s’est pas acquitté de son mandat en engageant des poursuites, mais a opté pour une procédure consistant à identifier ceux qui devraient être libérés et assurer leur libération, avec la participation aussi bien de représentants de la population dinka que de la communauté qui les maintient en détention. Toutefois, cette procédure est d’une lenteur inacceptable.
5. La commission a également pris note des informations fournies oralement par un représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence. La commission note que le représentant du gouvernement a fait observer que la résolution adoptée en avril 1999 par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et par l’Assemblée générale des Nations Unies se réfère à«l’enlèvement» et au «rapt» mais non pas au travail forcé. Selon ce représentant gouvernemental, le gouvernement du Soudan ne nie pas que des enlèvements aient lieu et soient «communément pratiqués» dans certaines tribus.
6. La commission note que, dans sa résolution d’avril 2001 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (E/CN.4/RES/2001/18), la Commission des droits de l’homme s’est à nouveau déclarée profondément préoccupée par «le rapt de femmes et d’enfants pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues». De même, dans une résolution adoptée en décembre 2000 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/RES/55/116), l’Assemblée générale s’est déclarée profondément préoccupée par «les cas de conscription forcée dans le cadre du conflit dans le sud du Soudan» et «le rapt de femmes et d’enfants pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues».
7. La commission prend également note du rapport intérimaire du 7 septembre 2001 du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan (document des Nations Unies A/56/336).
8. Dans ce rapport, le Rapporteur spécial rend compte des résultats de la mission qu’il a effectuée au Soudan du 9 au 14 mars 2001 et donne des informations actualisées sur l’évolution générale de la situation, qui sont fondées sur des renseignements recueillis par la suite. La commission note que, dans ses conclusions et recommandations, le Rapporteur spécial, tout en reconnaissant que des mesures positives ont été prises, considère qu’une vaste campagne de sensibilisation demeure nécessaire. Plus précisément, le Rapporteur spécial a encouragé le gouvernement du Soudan à se prononcer publiquement contre les enlèvements et à soutenir ouvertement le CERFE. Il a indiqué que jusqu’au milieu de l’année 2001 le CERFE avait seulement facilité le retour dans leurs foyers d’environ 550 personnes enlevées alors que le nombre total de personnes qui attendent d’être libérées se situe, de l’avis général, entre 5 000 et 14 000, même si les estimations varient sensiblement, certains rapports faisant état de chiffres beaucoup plus élevés.
9. La commission note que, selon le Rapporteur spécial, le gouvernement doit exercer toute son influence sur les Murahaleen. Le Rapporteur spécial estime que le gouvernement a une part de responsabilité parce que l’armée soudanaise fait participer les Murahaleen à son action militaire et, dans une certaine mesure, les finance, les équipe et les déploie. Le Rapporteur spécial est d’avis qu’adopter une politique claire et sans équivoque sur les enlèvements permettrait d’éviter que des enlèvements ne se reproduisent et renforcerait l’efficacité du CERFE, surtout au niveau de la population locale, ce qui accélérerait la libération des personnes enlevées et la restitution à leurs familles.
10. La commission a pris note de la communication transmise en août 2001 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui contient des informations émanant d’Anti-Slavery International (ASI). Copie de la communication de la CISL a été transmise au gouvernement le 18 octobre 2001 pour qu’il puisse formuler les commentaires qu’il jugerait appropriés.
11. Les informations réunies par ASI et communiquées par la CISL ont également été portées en juin 2001 à la connaissance du Groupe de travail sur les formes contemporaines d’esclavage de la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. La commission note les indications d’ASI selon lesquelles, bien que le nombre de femmes et d’enfants enlevés et réduits en esclavage au cours de raids ait varié au cours des années qui ont suivi la reprise de la guerre civile en 1983, l’esclavage reste clairement une réalité au Soudan où des milliers de personnes attendent leur libération et où de nouveaux enlèvements ont encore lieu.
12. La commission note que, dans son rapport reçu en novembre 2001, le gouvernement indique qu’en juin 2000 une délégation du CERFE s’est rendue dans la ville de Pibor dans l’Etat de Jongli pour recueillir des informations sur douze enfants dinka, taposa, nuer et anyuak enlevés par les Murie, tribu du sud du Soudan. A son retour à Khartoum en juillet 2000, la délégation a pu produire des informations sur huit cas. Le gouvernement indique que deux personnes enlevées ont été restituées à leur famille dans la ville de Bor et deux autres ont été transférées à Khartoum pour y subir un traitement médical. Le gouvernement indique qu’en février 2001, le CERFE a remis quatre enfants à leurs familles dans la ville de Wau et qu’avec la coopération du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il a réussi à rapatrier 118 Baggara enlevés qui étaient détenus par les rebelles dans la ville de Yei depuis 1997. Ces personnes sont arrivées à Khartoum en mars 2001.
13. La commission note également la réponse fournie par le CERFE, apparemment au nom du gouvernement, à ASI à propos du rapport de cette organisation, intitulé«Is there slavery in Sudan?». La réponse du CERFE, envoyée le 30 août 2001, indique que la pratique de l’enlèvement dans les tribus de l’ouest et du sud du Soudan est aussi ancienne que les tribus elles-mêmes, et que cette pratique est profondément ancrée dans divers aspects de la vie économique, sociale et culturelle. Elle a été favorisée par l’éloignement géographique et la médiocrité de l’infrastructure dans ces régions, et aussi par le manque d’information, d’instruction et de sécurité dans les tribus. Le CERFE indique que la réapparition et l’aggravation de ce phénomène ont été dans une très large mesure favorisées par les rébellions qui sont à l’origine de la guerre civile. Selon le CERFE, il est devenu difficile de recourir aux mécanismes traditionnels pour résoudre le problème des enlèvements entre tribus.
14. Dans sa réponse, le CERFE a indiqué que l’enlèvement est un crime aux termes de l’article 162 du Code pénal et non de l’article 161 qui traite du détournement, et que l’enlèvement est passible de dix ans d’emprisonnement. Il a également indiqué que la lenteur des procédures était due aux effets cumulés d’une pratique qui dure depuis plus de dix ans et que l’immensité du territoire en question et son éloignement des médias empêchaient le gouvernement de diffuser largement une «culture» des droits de l’homme. Le CERFE a indiqué qu’à sa connaissance le nombre de personnes enlevées n’est que de 1 200 et qu’il est difficile d’obtenir des renseignements et de traiter des affaires autres que les affaires d’enlèvement. Le CERFE a souligné qu’il a pour objectifs de contribuer à la coexistence pacifique par la sensibilisation, la restauration de la confiance, le règlement des conflits tribaux et le renforcement des structures de base et de celles qui favorisent le développement. Le CERFE a indiqué que, lorsque des personnes enlevées sont identifiées, la procédure suivie consiste à libérer immédiatement ces personnes et à les transférer dans des centres de paix. Selon le CERFE, il traite de cas complexes et particuliers au mieux des intérêts de la personne enlevée. Lorsque des enfants plus âgés et des femmes mariées sont en cause, c’est à eux qu’il appartient de prendre la décision finale.
15. La commission a pris note de la réponse d’ASI aux commentaires du CERFE, qui a été transmise au gouvernement le 12 octobre 2001. En réponse à l’indication du CERFE selon laquelle il n’avait connaissance que de 1 200 cas d’enlèvement, ASI fait observer que ce chiffre est très éloigné de l’estimation du Comité dinka, selon laquelle un nombre total de 14 000 personnes auraient été enlevées depuis 1986. ASI fait remarquer que le nombre de personnes enlevées dont fait état le CERFE n’est pas sensiblement supérieur à celui qu’il indiquait l’année précédente et se déclare par conséquent extrêmement préoccupé par le fait que le CERFE semble ne pas avoir pu, dans une mesure significative, poursuivre son action de libérer les victimes d’enlèvement au cours de l’année écoulée.
16. La commission demande instamment au gouvernement de prendre une position plus ferme pour combattre les cas de travail forcé dus aux enlèvements de femmes et d’enfants qui sont très répandus dans le pays. Cela requiert, de la part du gouvernement, une approche ferme et rendue publique en même temps que les mécanismes officiels de prévention, d’identification et de sanction de tels cas. La commission veut croire que le gouvernement sera prochainement en mesure de faire état de progrès à cet égard.
17. La commission a précédemment noté que le rapport du gouvernement ne comportait pas d’information lui permettant de s’assurer du respect des dispositions de l’article 25 de la convention, en vertu duquel «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout membre ayant ratifié cet instrument a l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées».
18. La commission a noté que les articles 161, 162 et 163 du Code pénal (the Criminal Act, 1991) portent sur l’enlèvement, le rapt et le travail forcé et que la peine prévue pour le fait d’exiger du travail forcé est d’une année d’emprisonnement seulement.
19. Dans son observation antérieure, la commission a prié le gouvernement de faire état des procédures pour engager des poursuites contre les personnes ayant imposé du travail forcé. La commission a en outre prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et de communiquer copie des décisions de justice prononcées. La commission invite instamment le gouvernement à fournir ces informations dans son prochain rapport.
Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de trafic et d’esclavage affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé, mais également dans des régions sous contrôle du gouvernement. Dans sa dernière observation, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les mesures mises en œuvre pour éliminer ces pratiques, notamment dans les cas où les troupes gouvernementales et/ou des forces alliées y prennent part. Elle demandait également au gouvernement de fournir des informations sur les enquêtes menées et le détail de mesures concrètes qui ont été prises, y compris les affaires portées devant les tribunaux et le nombre de condamnations, de sanctions et de mesures correctives prises.
Dans les conclusions adoptées en juin 2000 par la Commission d’application des normes de la Conférence, celle-ci, tout en notant les mesures positives prises par le gouvernement, y compris la création du Comité pour l’élimination des rapts de femmes et d’enfants, a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance des informations concernant les enlèvements et l’esclavage et exhorté le gouvernement à poursuivre ses efforts avec vigueur. Elle avait exprimé l’espoir que le rapport du gouvernement indiquerait les mesures prises, y compris les sanctions à l’encontre des responsables pour assurer l’application de la convention en droit et en pratique. La commission avait décidé d’inclure les conclusions sur le cas du Soudan dans un paragraphe spécial de son rapport.
La commission a pris note des commentaires présentés par la Confédération mondiale du travail (CMT) dans une communication du 16 octobre 2000, qui ont été transmis au gouvernement par communication du 31 octobre 2000 pour qu’il puisse formuler les commentaires qu’il juge appropriés. Les commentaires de la CMT, sur la base des informations recueillies par Christian Solidarity International et Christian Solidarity Worldwide, font état de la persistance de pratiques d’enlèvements de femmes et d’enfants accompagnées de violences et dans le but de réduire ces personnes en esclavage. Selon les témoignages recueillis par Christian Solidarity International au cours de plusieurs missions dans le pays (janvier- mai-juin 2000), «Les raids sont pratiqués principalement par les milices formées à l’intérieur des Forces populaires de défense et de l’armée régulière. Ils sont accompagnés d’atrocités telles que meurtres, tortures, viols (…) et destruction de propriétés. L’objectif principal de ces raids sont la communauté dinka du Bahr El-Ghazal et la population de la région des monts Nouba». Les commentaires se réfèrent également à la persistance de pratiques esclavagistes à grande échelle dans des régions contrôlées par le gouvernement, spécialement dans les régions de Darfur et Kordofan, et à«l’esclavage d’Etat» qui, selon Christian Solidarity International, continue d’exister dans les camps appelés camps de la paix où, selon cette organisation, sont placés des centaines de milliers de femmes et d’enfants, ces derniers étant obligés de suivre l’enseignement coranique et les femmes obligées à travailler dans des fermes ou des maisons particulières. Christian Solidarity Worldwide se réfère également à la participation du Front national islamique dans l’enlèvement et la réduction en esclavage des centaines de femmes et d’enfants utilisés comme force de travail dans l’agriculture au nord du pays. Les documents communiqués contiennent un nombre important de témoignages de personnes ayant été enlevées qui confirment que leur expérience a été celle décrite dans les allégations que la commission reçoit depuis de nombreuses années.
La commission note les commentaires communiqués par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en août 2000. Le BIT a transmis au gouvernement une copie de cette communication le 18 septembre 2000.
La commission a pris note du rapport sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies (A/55/374) du 11 septembre 2000. «Au cours de sa mission, le Rapporteur spécial a reçu des informations d’ordre général confirmant des données recueillies antérieurement, selon lesquelles entre 5 000 et 15 000 enfants et femmes dinka avaient été enlevés et transférés vers les zones contrôlées par la tribu arabe baggaara. Les rapts auraient lieu au cours des raids organisés par la milice armée baggaara, par des groupes ou des bandits indépendants ou des membres du Front démocratique populaire (PDF) affilié au gouvernement. Les personnes ayant fait l’objet de rapt sont ensuite contraintes de garder le bétail, de travailler aux champs, d’aller chercher de l’eau, de creuser des puits, de faire le ménage et de se livrer à des actes sexuels. Elles sont traitées de manière extrêmement dure, et il n’est pas rare qu’elles soient malmenées, torturées ou violées, voire même tuées (paragr. 30).»
La commission note le rapport de la mission canadienne d’évaluation, de janvier 2000, sur la sécurité humaine au Soudan. Cette mission avait été mandatée par les ministres soudanais et canadien des Affaires étrangères pour mener de manière indépendante une investigation sur les violations aux droits de l’homme, particulièrement sur les allégations d’esclavage et de pratiques similaires au Soudan. Le rapport indique que l’allégation fondamentale d’esclavage au Soudan n’est pas une plainte sensationnaliste qui peut être critiquée pour l’inflation des chiffres ou en invoquant l’ignorance de la complexité, mais qu’il s’agit d’un fait avéré. Selon le rapport, c’est l’agression continue contre la vie et la liberté de la population dinka de Bahr El-Ghazal par des milices arabes, les Moudjahidin, armés au début par le gouvernement en 1985, et figurant, d’une manière ou d’une autre, dans la stratégie de guerre du gouvernement soudanais aujourd’hui. Dans le rapport sont cités trois auteurs des opérations d’enlèvement: 1) «Des groupes tribaux connus pour organiser des razzias avec des «représentants» d’autres groupes arabes»; 2) «Nous croyons que le gouvernement recrute formellement des milices pour protéger le train (qui transporte les marchandises du nord à travers Aweil et Wau au Bahr El-Ghazal) des attaques du SPLA. Ces Moudjahidin, engagés par le gouvernement mais non rémunérés, attaquent les villages suspectés de collaborer avec le SPLA sur le chemin de Babanusa à Wau et retour. Leur butin ne consiste pas seulement en biens mobiliers, mais est également composé de femmes et d’enfants, et la question d’abolir cette pratique des enlèvements perdurera tant que ces personnes n’auront pas d’autre rémunération que leur butin»; 3) des razzias punitives faites par les Moudjahidin et le gouvernement qui, en vertu de la loi sur la défense populaire, jouissent du statut de milices organisées et sponsorisées par l’Etat, les Forces populaires de défense (PDF).
La commission a pris note du rapport du gouvernement et des informations que celui-ci a communiquées oralement à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2000.
Dans son rapport, le gouvernement réitère sa volonté d’éliminer l’enlèvement des femmes et des enfants et de coopérer avec la communauté internationale à cet égard. La commission note que le gouvernement n’a pas répondu aux commentaires formulés par la Confédération internationale des syndicats libres en septembre 2000.
La commission avait précédemment noté la création, en mai 1999, du Comité pour l’élimination des rapts de femmes et d’enfants (CERFE) dont le mandat est de faciliter, en priorité, le retour dans leurs familles des femmes et enfants enlevés en appuyant financièrement et administrativement les efforts des chefs de tribu, d’investiguer les cas d’enlèvement des femmes et d’enfants soumis au travail forcé ou à des pratiques similaires, à amener devant les tribunaux les personnes suspectées d’appuyer et de participer dans ces pratiques et qui ne coopèrent pas avec le CERFE. Le CERFE devra, en outre, recommander les moyens à mettre en œuvre pour éliminer cette pratique. (Ordonnance sur l’élimination des enlèvements des femmes et des enfants, 1999.)
Dans sa déclaration devant la Commission de l’application des normes de la Conférence (juin 2000), le représentant gouvernemental a indiqué que 1 230 cas d’enlèvements ont été traités et que 1 258 personnes ont pu retourner dans leur foyer. En outre, il a indiqué que des missions d’enquête, des constructions de refuges pour les personnes enlevées et l’établissement de bureaux dans les zones touchées étaient prévus pour l’année 2000.
La commission a pris note du rapport du CERFE pour la période mai 1999-juillet 2000 dans lequel elle a retrouvé le chiffre de 1 230 cas traités énoncé par le gouvernement en juin 2000. Le rapport donne pour le retour dans leurs foyers de personnes enlevées le chiffre de 353, contrairement au chiffre de 1 258 cité par le représentant gouvernemental devant la Commission de l’application des normes de la Conférence. Le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme cite également le chiffre de 353 enfants qui ont pu retourner dans leurs familles sur 1 230 cas documentés de rapts d’enfants qui ont pu être retrouvés et récupérés dans le cadre des missions sur le terrain (A/53/374, paragr. 32). La commission prie le gouvernement de fournir des explications concernant cette différence des chiffres en ce qui concerne le nombre des personnes qui ont pu retourner dans leur foyer et de communiquer les prochains rapports d’activité du CERFE.
En ce qui concerne l’efficacité du CERFE, la commission note que:
- d’après le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, «malgré la ferme détermination dont ont fait preuve certains membres du CERFE, le processus avait été excessivement lent et coûteux». Selon le Rapporteur spécial, «aucune enquête sérieuse n’avait été menée pour déterminer les causes profondes de la pratique des enlèvements, sans doute en raison du faible intérêt manifesté par les hauts dirigeants politiques à l’égard du processus ou de leur réticence à coopérer» (paragr. 33 à 35). Il a également manifesté sa déception à propos d’un nouveau raid intervenu après la création du CERFE «opéré par le PDF le 21 février 2000 aux villages des comtés de l’Aweil oriental et du Twic dans le Bahr El-Ghazal nord, tuant 16 civils, enlevant quelque 300 femmes et enfants»;
- selon les conclusions de la mission canadienne d’évaluation, «la création du CERFE est un premier pas, mais pour le moment c’est insuffisant pour en finir avec une pratique qui doit cesser, celle d’enlever quelqu’un dans le but de le réduire àêtre la propriété d’un autre»;
- la CISL, dans ses commentaires, sur la base des informations recueillies par Anti-Slavery International, fait état du chiffre de 14 000 personnes originaires du sud et se trouvant actuellement à Darfour ou à Kordofan du Sud. Beaucoup d’entre elles, femmes et enfants, appartiennent au groupe ethnique dinka et avaient été enlevées à Bahr El-Ghazal; certains seraient encore soumis au travail forcé et très peu parmi plusieurs centaines de personnes qui ont été libérées ont pu retourner dans leur foyer.
Les informations recueillies par Anti-Slavery et soumises par la CISL se réfèrent également aux milices qui accompagnent le train de ravitaillement des garnisons de l’armée à Aweil et Wao, villages du Bahr El-Ghazal situés sur la route du train, et indiquent qu’aussi longtemps que le train qui traverse Bahr El-Ghazal sera accompagné de ces groupes armés il est prévisible que les rapts continueront. Référence a été faite aux enlèvements du 21 février 2000. Anti-Slavery indique qu’aucune mesure n’a été prise par le gouvernement pour mettre un terme aux razzias dans lesquelles des civils non armés sont enlevés et soumis au travail forcé ou à l’esclavage. Le gouvernement n’a pas non plus fourni les ressources nécessaires pour assurer la réunification avec leurs familles de ceux qui ont été libérés. Le résultat étant que certains enfants, qui avaient été libérés et qui avaient quitté les familles baggara pour lesquelles ils travaillaient, ont été arrêtés par des agents du gouvernement en raison de l’absence de planification des arrangements pour leur retour au foyer. Anti-Slavery indique encore que le CERFE a fait appel à d’importantes sommes de la part des donateurs, mais le gouvernement du Soudan ne semble pas disposéà participer aux coûts assez élevés des opérations de rapatriement.
Article 25 de la convention. La commission note qu’aux termes du mandat du Comité pour l’élimination des rapts des femmes et des enfants (CERFE) celui-ci devra amener devant les tribunaux les personnes suspectées d’appuyer et de participer aux pratiques d’enlèvement des femmes et des enfants.
La commission note que le rapport du gouvernement ne comporte pas d’information permettant de s’assurer du respect des dispositions de l’article 25 de la convention selon lequel «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout membre ayant ratifié cet instrument a l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées».
La commission note les dispositions des articles 161, 162 et 163 du Code pénal (The Criminal Act 1991) sur l’enlèvement, le rapt et le travail forcé. La commission note que la peine prévue pour l’exaction du travail forcé est seulement d’une année d’emprisonnement.
La commission note, d’après les indications d’Anti-Slavery International communiquées par la CISL, que le CERFE n’a pas enregistré l’identité des personnes qui détenaient les femmes et les enfants, apparemment pour éviter que ces personnes refusent de collaborer par crainte d’être poursuivies. Selon Anti-Slavery, ceci aurait comme effet d’assurer l’impunité de ceux qui exploitent le travail forcé.
La commission prie le gouvernement d’indiquer sur la base de quelles dispositions de la loi pénale seront jugées les personnes reconnues coupables d’enlèvement et d’imposition du travail forcé et quelle sera la procédure permettant d’instruire l’action pénale contre ces personnes.
La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales sont infligées aux personnes convaincues d’avoir imposé du travail forcé et qu’il communiquera copie des décisions de justice prononcées.
La commission observe et relève, une fois de plus, la convergence des allégations et le large consensus tant des instances et des agences des Nations Unies que des organisations représentatives de travailleurs et des organisations non gouvernementales en ce qui concerne l’existence et l’étendue des pratiques d’enlèvement et d’imposition du travail forcé. La commission observe que les situations considérées constituent de graves violations de la convention no29 sur le travail forcé puisque les personnes se font imposer, par la force, l’accomplissement d’un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes volontairement, dans des conditions d’extrême dénuement, accompagnées de mauvais traitements physiques allant jusqu’à la torture et la mort, travail qui, par ailleurs, dans la plupart des cas, implique pour les femmes l’exigence de services d’ordre sexuel. Tout en notant qu’une première mesure a été prise avec la création du CERFE, la commission constate que l’extension et la gravité du problème sont telles qu’il est nécessaire d’engager une action systématique et d’intensité proportionnelle.
La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures qui ont été prises pour porter à la connaissance des groupes, identifiés comme des auteurs d’enlèvements, l’intention du gouvernement de mettre fin à ces pratiques et de communiquer des informations sur toute autre mesure destinée àéliminer l’imposition du travail forcé.
La commission espère que le gouvernement pourra faire état dans son prochain rapport de mesures efficaces qu’il aura prises pour assurer le respect de la convention.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 89esession et de communiquer un rapport détaillé en 2001.]
1. La commission rappelle que la situation a été examinée à maintes reprises au cours des années précédentes, dans le cadre de ses propres observations et par la Commission de la Conférence sur l'application des normes qui a adopté un paragraphe spécial à ce sujet en 1998. La commission a examiné des allégations d'enlèvements et de trafic de femmes et d'enfants, d'enrôlement de force d'enfants dans les forces armées rebelles et d'enfants contraints à transporter des munitions et du ravitaillement. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des efforts déployés par le gouvernement pour enquêter sur les allégations de pratiques esclavagistes ou proches de l'esclavagisme, particulièrement dans le sud du pays où se déroule un conflit armé, et pour résoudre ce problème. La commission a demandé au gouvernement de lui fournir divers documents relatifs aux enquêtes menées et le détail des mesures concrètes prises, y compris les affaires portées devant les tribunaux et le nombre de condamnations, de sanctions et de mesures correctives prises. Elle prend note des informations figurant dans le rapport du gouvernement et dans ses annexes, mais elle renouvelle sa précédente demande et souhaiterait des informations détaillées sur les mesures pratiques mises en oeuvre et sur leurs résultats.
2. La commission prend note également des commentaires formulés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) le 28 septembre 1999 qui ont été communiqués au gouvernement le 6 octobre 1999 pour tous commentaires qu'il aurait pu souhaiter formuler. Cette communication contenait un nombre important d'informations recueillies par l'Anti-Slavery International et par Christian Solidarity Worldwide qui prenaient acte des mesures positives évoquées ci-après, mais marquaient leur préoccupation devant les rapports continuels d'enlèvements et de pratiques esclavagistes et communiquaient des informations détaillées sur un certain nombre de cas précis. Le gouvernement a répondu le 25 novembre 1999 dans les mêmes termes que ceux de son précédent rapport reçu le 8 octobre 1999. Ces rapports traitent de certaines des questions soulevées par la CISL dans sa communication.
3. La commission note que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Soudan a déclaré dans le rapport à la Commission des droits de l'homme qu'il a établi à la suite de sa visite dans le pays en février 1999 que:
"C'est surtout lors d'attaques effectuées par les milices que sont commises des violations des droits de l'homme. A Bahr-al-Ghazal, les Moudjahidin (milices Murahaleen) accompagnent souvent le train de ravitaillement de l'armée escorté par les forces populaires de défense (FPD)... Selon des sources concordantes et fiables, les Moudjahidin ... attaquent systématiquement les villages, mettent le feu aux habitations, volent le bétail, tuent les hommes et capturent les femmes et les enfants. Souvent ces femmes et ces enfants sont emmenés vers le nord, et leurs ravisseurs ou d'autres personnes les considèrent comme leur propriété. Les FPD participeraient également aux attaques... Elles s'inscrivent dans un vieux schéma de rivalité et de confrontation entre la population locale (Dinka) et des nomades arabes venus du Nord (appartenant au peuple Baggara et Misseriya) pour le contrôle des pâturages et de l'eau. Au cours des combats, l'un et l'autre camp capturent traditionnellement des prisonniers, qui sont réduits en esclavage à moins ou jusqu'à ce qu'une rançon soit versée. Depuis le début de la guerre civile, ces pratiques, qui étaient en voie de disparition, auraient repris, avec le consentement, du moins tacite, des autorités soudanaises... (Il est) difficile de dire si des troupes régulières prennent également part aux attaques. Selon certains témoignages, les auteurs de tels actes portaient des uniformes, alors que les Moudjahidin et autres milices sont généralement en civil. Bien que constituant une force auxiliaire, les FPD relèvent directement des autorités soudanaises." (E/CN.4/1999/38/Add.1, 17 mai 1999, paragr. 61-63).
4. Par conséquent, les conclusions du rapport McNair, cité précédemment par le gouvernement (et de nouveau communiqué avec le présent rapport), selon lequel les enlèvements pratiqués par les deux factions belligérantes résultent d'une forme de guerre traditionnelle et ne sont pas assimilables à l'esclavage, doivent être lues à la lumière des conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies en ce sens que des alliés, voire des troupes, du gouvernement prennent part à ces activités; et, si la rançon n'est pas versée, ces otages demeurent des travailleurs forcés ou des esclaves.
5. Dans ses rapports, le gouvernement condamne l'esclavage sous toutes ses formes, déclarant qu'il est anticonstitutionnel, illicite au regard de la législation nationale et des instruments internationaux ratifiés par le Soudan, et moralement inacceptable. Le gouvernement déclare qu'il accepte les termes de la Résolution 1999/15 de la Commission des droits de l'homme (avril 1999) qui lui demande instamment de faciliter le retour, dans des conditions de sécurité, des femmes et des enfants enlevés dans le cadre de rivalités tribales et de s'employer à éliminer cette pratique qui, selon lui, "existe dans certaines parties du sud-ouest du Soudan depuis des temps immémoriaux".
6. La commission prend note avec intérêt du fait qu'en mai 1999 le gouvernement a créé une Commission pour l'élimination de l'enlèvement des femmes et des enfants "dotée des pleins pouvoirs et dûment mandatée". Le gouvernement indique que cette commission travaille en étroite collaboration avec la communauté internationale et qu'en mai 1999 elle a organisé un séminaire avec les représentants d'un certain nombre d'ambassades et d'organisations internationales. Un second séminaire a été organisé en juin 1999 sous le parrainage de l'UNICEF en vue d'élaborer un plan de travail global.
7. Le gouvernement a indiqué que des mesures sont prises pour permettre à la commission de s'acquitter de son mandat, y compris des mesures destinées à constituer un registre détaillé des cas d'enlèvements. Des résultats concrets devaient être obtenus vers la mi-septembre 1999 à l'issue d'une mission sur le terrain qui devait identifier, retrouver et réunir 200 femmes et enfants enlevés et en identifier 300 autres dans un délai de deux mois. La commission note l'objectif déclaré du gouvernement de mettre définitivement un terme à l'enlèvement des femmes et des enfants et de s'attaquer à la racine du problème.
8. La commission se félicite de ces mesures positives et elle encourage le gouvernement à s'employer activement à les mettre en oeuvre. Elle espère qu'il sera en mesure d'indiquer dans son prochain rapport les résultats concrets obtenus, y compris le nombre de personnes enlevées, le nombre de celles qui ont été libérées et les sanctions qui auraient pu être infligées en application de l'article 25 de la convention.
9. La commission note également que le gouvernement n'a pas répondu directement à certains des points soulevés par la CISL (voir paragr. 2 ci-dessus) et dans ses propres commentaires précédents. Elle demande une réponse à ces commentaires.
10. La commission espère que le gouvernement continuera à fournir des informations détaillées dans son prochain rapport sur les mesures mises en oeuvre pour éliminer ces pratiques, en priorité dans les cas où les troupes gouvernementales et/ou des forces alliées y prennent part. Toute situation où un travail forcé ou obligatoire est exigé est contraire à la convention, bien que les mesures nécessaires à l'élimination de ce fléau puissent varier suivant son origine. Il est évident que la situation est exacerbée par la poursuite de la guerre civile, et la commission note avec intérêt les mesures prises pour parvenir à un accord. La commission exprime de nouveau sa profonde inquiétude devant cette situation, tout en se félicitant de l'engagement renouvelé du gouvernement à s'attacher à résoudre ces problèmes.
1. La commission prend note du rapport du gouvernement et de la discussion à la Commission de la Conférence en juin 1998. Dans sa précédente observation, la commission se référait aux allégations de persistance de pratiques esclavagistes dans l'ensemble du pays, notamment dans le sud, en proie à un conflit armé. Se fondant sur les informations relatives à la situation au Soudan provenant du rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (document Nations Unies E/CN/4/1997/58) et des communications de la Confédération mondiale du travail, la commission relevait l'existence de problèmes tels que des enlèvements et des actes de traite de femmes et d'enfants de la part, notamment, des Forces de défense populaire. Elle avait pris note de l'enrôlement de force d'enfants dans les forces armées rebelles, ces enfants étant contraints de transporter les munitions et les vivres de ces unités. Elle avait également noté qu'une commission spéciale d'investigation avait été constituée par le ministère de la Justice et que, selon le gouvernement, les problèmes signalés n'avaient pas tant trait à l'esclavage en tant que tel qu'aux conséquences de conflits tribaux. Le gouvernement déclarait également que sa responsabilité n'était pas en cause puisque les zones aux mains des rebelles échappaient à son contrôle. La commission avait relevé de profondes contradictions dans les informations portées à sa connaissance. Elle avait rappelé les allégations persistantes d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement. Elle avait incité le gouvernement à reprendre ses investigations et à fournir des informations précises sur leurs résultats.
2. La commission note que, devant la Commission de la Conférence, le gouvernement a réaffirmé prendre la situation au sérieux et s'employer sincèrement à enquêter sur toutes les allégations d'esclavage et pratiques connexes. Il a également fait référence aux conclusions du rapport d'un investigateur indépendant (le rapport McNair) et a réaffirmé que le droit soudanais condamne sans ambiguïté comme infractions pénales les pratiques relevant de l'esclavagisme, telles que l'enlèvement, la détention illégale, le travail forcé et la séquestration, de tels actes étant passibles d'emprisonnement. Il déclare ne ménager aucun effort afin que des mesures effectives soient prises. Il se déclare désireux d'obtenir des progrès, par l'entremise de la Commission spéciale d'investigation. Il a constitué récemment une Commission nationale des droits de l'homme. Il évoque également les mesures décisives prises au fil du temps pour obtenir la libération d'enfants et d'autres victimes, comme plusieurs organismes ont pu en attester, et déclare que certains problèmes résultent du fait que des enfants ou d'autres personnes, après avoir été pris en otage, ont été rachetés par versement d'une rançon.
3. Le gouvernement fait également état des récents développements sur les plans politique et constitutionnel. Les pourparlers qui se sont tenus à Nairobi en mai 1998 ont abouti à un accord d'autodétermination du Sud-Soudan, qui trouve son expression dans la nouvelle Constitution. Ces événements, espère-t-il, préludent au dénouement d'une guerre civile interminable qui est la principale cause des problèmes évoqués. Le gouvernement demande à nouveau une assistance technique, notamment sur le plan de la formation, et se déclare prêt à fournir des informations sur tous faits nouveaux et sur les travaux en cours de la commission d'investigation.
4. La commission note que la Commission de la Conférence a souligné que ce cas constitue un cas particulièrement grave touchant aux droits de l'homme. Elle prend dûment note des informations données à la Commission de la Conférence quant aux mesures prises pour dépister les pratiques d'esclavage et y mettre un terme, et relève que cette commission a accueilli favorablement les succès obtenus par la commission d'enquête mais se déclare néanmoins profondément préoccupée par la situation et recommande avec insistance au gouvernement à faire appel à nouveau à l'assistance du Bureau pour tenter de régler le problème quant au fond, ce qui garantirait le sérieux des efforts en vue de l'élimination de l'esclavage dans l'ensemble du pays. La Commission de la Conférence a exprimé l'espoir que le gouvernement fournirait à la présente commission des précisions sur les mesures concrètes prises, les affaires soumises à la justice, le nombre de condamnations obtenues et les sanctions infligées, ainsi que les mesures envisagées.
5. La commission constate que le rapport du gouvernement ne comporte aucune des informations nouvelles que la Commission de la Conférence avait demandées. Elle constate en outre qu'aucune information nouvelle n'a été reçue des organisations d'employeurs ou de travailleurs ni de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.
6. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 2, paragraphe 1, de la convention le gouvernement s'engage à supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes et que le travail forcé ou obligatoire s'entend d'un travail ou service exigé d'un individu et pour lequel celui-ci ne s'est pas offert de plein gré. Il incombe donc au gouvernement de mettre un terme aux pratiques d'enlèvement, de kidnapping, de traite et d'esclavage. La commission est consciente des difficultés que traverse le pays, notamment de l'existence de la guerre civile, et note que le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que certaines parties du pays échappent à son contrôle direct. Elle rappelle cependant qu'il est de la responsabilité d'un gouvernement de veiller à l'application d'une convention ratifiée.
7. La commission prie le gouvernement de communiquer le texte intégral du "rapport McNair" et de préciser dans quelles conditions et par rapport à quelle période il a été établi. Elle le prie également de communiquer le texte de l'accord d'autodétermination ainsi que celui de la nouvelle Constitution, dont elle a fait mention. Elle note que le gouvernement a demandé l'assistance du Bureau pour tenter de régler le problème quant au fond, et elle attend de connaître les résultats de cette initiative.
8. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer le rapport de la Commission spéciale d'investigation et de l'informer de tout progrès obtenu grâce à cette instance. Elle le prie également de communiquer tous rapports de la Commission nationale des droits de l'homme sur cette question.
9. La commission prie le gouvernement de fournir des indications détaillées sur les mesures concrètes prises, les affaires soumises à la justice, le nombre de condamnations obtenues, de sanctions prises (eu égard à l'article 25 de la convention) et de mesures correctrices envisagées.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1999.]
1. La commission prend note de la discussion ayant eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 1997, à l'issue de laquelle cette instance a décidé d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport et de le signaler comme un cas de défaut continu d'application d'une convention ratifiée. Elle prend également note du rapport détaillé que le gouvernement a présenté à la suite de cette discussion. Elle prend note par ailleurs du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan présenté à la 53e session de la Commission des droits de l'homme (mars 1997, document des Nations Unies E/CN.4/1997/58) et de la résolution 1997/59 adoptée par cette instance lors de cette session. Enfin, elle prend note d'une communication reçue de la Confédération mondiale du travail (CMT) le 23 octobre 1997 et transmise au gouvernement le 17 novembre 1997 pour tous commentaires qu'il voudra faire. (Cette communication complète celle que la CMT avait faite en 1996, qui avait été prise en considération dans la précédente observation et pour laquelle une réponse figurait dans le rapport du gouvernement.)
Informations dont la commission est saisie
2. Depuis plusieurs années, la commission traite des allégations selon lesquelles des pratiques d'esclavage et des pratiques similaires persisteraient, aussi bien dans les régions sous contrôle du gouvernement que dans les régions du sud du pays en proie à un conflit armé. Se fondant sur les informations communiquées par le Rapporteur spécial des Nations Unies et sur un grand nombre d'informations provenant de sources indépendantes reçues par la CMT et discutées par la Commission des droits de l'homme et ses organes subsidiaires, la commission avait pris note, dans sa précédente observation, "des accusations d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement, (qui) sont portées depuis des années par le Rapporteur spécial et rejetées en bloc par le gouvernement". Elle s'était déclarée "profondément préoccupée par le fait que le gouvernement n'a pas fait suivre d'effets son engagement réitéré de ne ménager aucun effort pour mettre un terme aux pratiques de travail forcé chaque fois que de telles pratiques sont avérées".
3. Les informations dont la commission est saisie recouvrent des allégations détaillées selon lesquelles les Forces populaires de défense (FPD), alliées au gouvernement, ont procédé à des enlèvements et se livrent au trafic de femmes et d'enfants, dans le cadre d'une guerre civile sévissant dans le sud du pays. Selon ces allégations, des officiers des forces gouvernementales sont parfois impliqués dans ces actes. Il y est également question de sévices sexuels infligés à des femmes et à des enfants réduits en esclavage. Le gouvernement lui-même reconnaît dans son dernier rapport, comme il l'a fait antérieurement, que des enlèvements à vaste échelle sont commis par des forces rebelles échappant à son contrôle et que des enfants sont incorporés de force dans ces groupes armés ou bien contraints de servir de porteurs de munitions et d'approvisionnement pour les rebelles (voir ci-après). Ces allégations sont à replacer dans un contexte général dans lequel, comme le dit le Rapporteur spécial des Nations Unies, "l'ensemble des droits de l'homme reconnus par les Nations Unies font l'objet de violations continues de la part d'agents du gouvernement du Soudan ou de personnes ayant partie liée et travaillant avec lui de façon notoire" et "des membres des différentes parties au conflit sévissant dans le sud du Soudan et dans les Monts Nouba, qui n'appartiennent pas aux forces gouvernementales du Soudan ni à ses affiliés, sans aucune considération pour la sécurité personnelle, la liberté ou la vie de l'individu, se sont rendus coupables de toute une série d'atrocités contre des citoyens soudanais se trouvant dans les zones contrôlées par eux".
4. Le rapport intitulé "Slavery in Sudan", publié par Anti-Slavery International (mai 1997) et communiqué par la CMT, indique que les principaux auteurs de prises d'esclaves sont des milices armées gouvernementales des tribus Rezigat et Mesriya des régions limitrophes du Kordofan et du Darfour, des membres des FPD, certains officiers de l'armée régulière étant eux aussi impliqués. En général, les esclaves sont capturés à l'occasion de razzias opérées par ces groupes sur des villages, les captifs étant ensuite vendus ou négociés à de petits trafiquants qui, en général, n'en gardent que quelques-uns. C'est ainsi que plusieurs milliers d'esclaves sont retenus captifs, même s'il n'y a pas d'indices qu'il s'agit d'un vaste marché organisé d'esclaves.
Le rapport gouvernemental
5. Dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare, pour compléter sa communication à la Commission de la Conférence, qu'une commission spéciale d'investigation a été constituée par le ministère de la Justice par effet d'une ordonnance du 4 février 1996, pour enquêter sur les cas de disparitions forcées et involontaires qui, indique-t-il, s'élèvent à 249. Le 5 mars 1996, le décret no 2 a étendu ce mandat à des enquêtes sur les cas d'esclavage, de servitude, de commerce d'esclaves et pratiques similaires et, le 21 mai 1996, le décret no 3 a étendu la composition de cette instance à des délégués non gouvernementaux, de sorte que sa présidence puisse être confiée au président de l'organisme soudanais pour les droits de l'homme, qui est une ONG. Le rapport, reçu en septembre 1997, donne des détails sur trois inspections sur le terrain effectuées entre juillet 1996 et janvier 1997, qui ont nécessité chacune de quatre à dix jours. Cette commission a recouru également à d'autres moyens pour recueillir des informations, notamment à une campagne publique avertissant la population de sa disponibilité et même de sa volonté de recueillir des informations. Le gouvernement déclare que cette commission est parvenue aux conclusions suivantes:
a) Région des Monts Nouba: allégations d'esclavage et de commerce d'esclaves, y compris d'utilisation d'enfants nubiens comme domestiques d'officiers, et allégations d'utilisation d'esclaves nubiens dans des exploitations agricoles de personnes proches du gouvernement. La commission n'a recueilli aucun élément confirmant l'existence de telles pratiques. Les domestiques nubiens rencontrés sont tous des salariés déclarés percevant un salaire. Il n'a été recueilli aucun élément concernant des exploitations agricoles publiques ou privées sur lesquelles des Nubiens seraient contraints de travailler.
b) Régions de Bahr el Djebel et de Junqali: allégations d'enlèvements d'un grand nombre d'enfants par des forces du camp gouvernemental des villages proches de la ligne de chemin de fer Babanusa-Wau en 1993 et transfert de 27 scolaires de cette région dans la région de El Gezira en mai 1996. La commission a conclu que les scolaires avaient été transférés volontairement, à des fins pédagogiques, avec le consentement de leurs parents et sous le contrôle des autorités. S'agissant des allégations d'enlèvements d'enfants, la commission n'a reçu aucune plainte de la part de nationaux, et les témoignages recueillis réfutent ces allégations.
6. Le gouvernement déclare que les problèmes qui existent effectivement se rapportent non pas à de l'esclavage en tant que tel mais plutôt, comme il l'a indiqué antérieurement, à des conséquences de conflits entre tribus nomades de l'ouest du Soudan et du Kordofan-sud et, plus précisément, entre elles et la tribu Dinka du Bahr el Gazal, à propos des pâturages et des points d'eau. Comme il l'a déjà déclaré, il s'agit de prises d'otages, dans le cadre de conflits localisés, qui ne sont pas assimilables à de l'esclavage. Il ajoute que des groupes de rebelles sont responsables de la disparition d'enfants parce qu'ils enlèvent ces enfants et les incorporent de force dans leurs unités et que, parfois, des enfants disparaissent temporairement parce qu'ils sont contraints de transporter les munitions de ces unités rebelles. Il déclare que ces actes ne relèvent pas de sa responsabilité parce que les zones en question échappent à son contrôle. Il a néanmoins pris de nombreuses initiatives pour mettre un terme à la guerre civile et a même signé, en avril 1997, un traité de paix comportant diverses garanties sur le plan des droits de l'homme avec certaines des tribus en cause.
Commentaires de la commission
7. La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement, la CMT et autres ONG sur les formes de travail forcé et d'esclavage ayant cours dans le pays. Elle note également que le gouvernement a demandé l'assistance technique du BIT, comme suite à la recommandation de la Commission des normes de la Conférence en juin 1997, mais que, comme la demande portait sur la fourniture de véhicules pour l'usage de la commission d'enquête, le Bureau avait répondu que d'autres formes d'assistance seraient sans doute à envisager même si le type d'aide matérielle demandée n'était pas à exclure dans le contexte d'un accord d'assistance plus large.
8. La commission constate les profondes contradictions entre les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies ainsi que divers organismes non gouvernementaux dignes de foi, confirmées par les communications de la Confédération mondiale du travail et, d'autre part, les propres conclusions du gouvernement, établies par sa commission spéciale d'enquête. Les conclusions selon lesquelles aucune partie du territoire contrôlé par le gouvernement ne connaîtrait de problème de travail forcé ou de travail obligatoire sont profondément différentes des autres sources d'informations disponibles. La commission rappelle les allégations persistantes d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement. Elle incite donc le gouvernement à reprendre ses investigations sur les allégations formulées et à fournir des informations précises sur ses conclusions dans son prochain rapport. Elle le prie également de prendre des mesures effectives pour assurer le respect de la convention et de faire rapport sur les mesures concrètes qui auront été adoptées, en donnant notamment des informations sur toute affaire portée en justice, le nombre des condamnations prononcées et des sanctions prises.
9. En ce qui concerne les cas de travail forcé dans les zones échappant au contrôle effectif du gouvernement, la commission note que, selon les informations communiquées, des efforts sont déployés pour parvenir à un règlement pacifique de la guerre civile qui fait rage actuellement. Elle exprime l'espoir que ces efforts seront prochainement couronnés de succès et que des mesures immédiates et efficaces seront prises dans ces zones dès que le gouvernement sera en mesure de le faire afin que les obligations découlant de la présente convention soient appliquées.
1. La commission a pris note de la réponse du gouvernement à son observation de 1994 et du rapport du gouvernement sur l'application de cette convention, reçu le 18 octobre 1996. Elle a également pris note du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, présenté à la 52e session de la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social des Nations Unies (document E/CN.4/1996/62 du 20 février 1996) et de la réponse du gouvernement, faisant l'objet d'une lettre de la Mission permanente du Soudan auprès de l'Office des Nations Unies à Genève datée du 29 mars 1996 (document E/CN.4/1996/145). La commission a en outre pris note d'une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) datée du 1er août 1996, dans laquelle cette organisation a présenté des observations sur l'application de la convention et joint un certain nombre de documents publiés par Human Rights Watch et Solidarité chrétienne internationale ainsi que des articles publiés dans The Wall Street Journal Europe et The Times. Une copie de cette communication a été envoyée au gouvernement le 27 août 1996. La commission constate qu'aucun commentaire n'a été reçu du gouvernement sur les questions soulevées par la CMT.
Observation antérieure et réponse du gouvernement
2. Dans son observation de 1994, la commission a pris note du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, qui s'est rendu dans le pays en septembre et décembre 1993 (Commission des droits de l'homme, 50e session, 1994 (document E/CN.4/1994/48 du 1er février 1994). Le Rapporteur spécial, abordant la question de l'esclavage, de la servitude, de la traite des esclaves, du travail forcé et des institutions et pratiques analogues, déclarait que les rapports et témoignages oculaires concordaient largement quant aux circonstances des enlèvements, lieux de destination et noms des lieux de détention où des femmes et des enfants étaient détenus dans des camps spéciaux et où des personnes venues du nord du Soudan ou même de l'étranger venaient les acheter. La vente et le trafic d'enfants semblaient être pratiqués à grande échelle et de manière concertée, avec des motivations politiques, par des forces armées non régulières, telles que les Forces populaires de défense et les contingents de moudjahidin dans les zones de conflit du sud du Kordofan et du Bahr El-Ghazal. Le Rapporteur spécial avait reçu des rapports et des témoignages réitérés d'enlèvements d'enfants, comme celui commis en été 1993, où 217 enfants, essentiellement de l'ethnie Dinka, avaient été enlevés. Evoquant les craintes exprimées par la population que ces enfants ne soient vendus comme esclaves au Darfour et au nord du Kordofan, le rapporteur indiquait que le gouvernement n'avait pris aucune mesure, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local, pour qu'une enquête soit menée.
3. La commission a noté également que ce rapport indiquait qu'en septembre 1992 les autorités de l'Etat de Khartoum avaient entrepris une campagne de "nettoyage" de la ville de ses enfants vagabonds, qui faisaient l'objet de rafles systématiques vers des camps. Alors que les autorités affirmaient que ces enfants recevaient une formation professionnelle, le Rapporteur spécial avait pu conclure que la pratique de la rafle des enfants des rues correspondait dans la plupart des cas à une arrestation et une mise en détention arbitraires, au mépris des garanties prévues par la loi. Le régime des camps était très dur. Des sources non gouvernementales avaient fait savoir au Rapporteur spécial qu'un grand nombre d'enfants, en majorité du sud, issus principalement des ethnies Dinka, Shilluk et Nuer ou de familles déplacées des monts Nouba subissaient un entraînement militaire, avant d'être envoyés au combat.
4. Ayant relevé qu'aux termes de l'article 163 de la loi pénale de 1991 "celui qui contraint illégalement autrui à fournir un travail contre sa volonté sera puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée n'excédant pas un an, d'une amende, ou des deux peines à la fois", la commission avait rappelé que l'article 25 de la convention place tout Membre ayant ratifié cet instrument dans l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi pour réprimer l'imposition illégale d'un travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle avait en conséquence prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer l'application de l'article 25 de la convention dans la pratique et pour assurer la protection des ethnies Dinka et Nouba contre des pratiques contraires à la convention.
5. Dans sa réponse à la précédente observation de la commission, le gouvernement déclarait que le Rapporteur spécial avait établi son rapport sur des informations sans fondement, rendant ce document déraisonnable, sans crédibilité et de mauvaise foi, ce qui était attesté par un exemple dans lequel ce document s'appuyait sur des allégations antérieures de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU et par le fait que le Rapporteur spécial reprenait explicitement à son compte des déclarations de personnes animées par des motivations politiques - probablement des personnes n'existant même pas. Le gouvernement disait que ce rapport ne cite pas de personnes ou autorités précises comme sources de son information et attribue souvent la paternité de tous les agissements à des personnes inconnues, suivant en cela la même démarche et méthode que la sous-commission susmentionnée, qui proférait des accusations et des allégations mensongères contre le Soudan en s'appuyant sur des déclarations orales ne reposant sur aucun élément de preuve.
6. Le gouvernement avait précédemment répondu de manière détaillée aux allégations de travail forcé et de commerce d'esclaves dont font état les documents E/CN.4/Sub/A(21)1987/71/Add.1 et E/CN.4/Sub.2/1988/32. L'un et l'autre documents se référaient à l'existence de l'esclavage, de la traite d'esclaves et de l'enlèvement de femmes dans la partie méridionale du Soudan, chez les ethnies Dinka, Shilluk et Nuer et les tribus des monts Nouba. Le gouvernement avait invité la commission à se reporter au rapport qui contient sa réponse aux allégations du Rapporteur spécial, et il avait déploré que le rapporteur ait basé son rapport, comme il l'indiquait lui-même, sur des relations et des témoignages oculaires, c'est-à-dire sur des déclarations verbales non acceptables du point de vue du gouvernement; le rapporteur n'avait fait été d'aucun événement dont il aurait pu dire qu'il en avait été témoin ou sur lequel il aurait enquêté lui-même.
7. En ce qui concerne la visite du rapporteur dans les camps pour enfants vagabonds, et son affirmation selon laquelle ces camps ne seraient rien d'autre qu'un moyen d'arrestation et de détention arbitraires, la réponse du gouvernement est que le problème des enfants des rues est un problème qui se pose également à bien d'autres pays et que le gouvernement applique une stratégie commençant par la recherche des parents et se terminant par le retour des enfants à leurs parents. Le gouvernement indique qu'il existe néanmoins des enfants qui choisissent de vivre dans la rue, sombrent dans la délinquance et refusent de réintégrer leur foyer, et qu'il doit s'occuper de cette catégorie. Il ajoute que le droit à un abri est un droit humain, auquel les enfants vagabonds peuvent eux aussi légitimement prétendre et que les camps ne sont pas un lieu conçu pour détenir arbitrairement ces enfants mais pour les protéger et s'occuper de leur éducation et de leur formation afin d'en faire de bons éléments de la société.
8. En réponse à la demande de la commission tendant à ce que des mesures soient prises pour la protection des ethnies Dinka et Nouba contre des pratiques contraires à la convention, le gouvernement a souligné que tous les citoyens du Soudan sont égaux en droit et jouissent d'une protection égale, sans aucune discrimination.
Rapport de 1996 du Rapporteur spécial et réponse du gouvernement
9. La commission a pris dûment note de ces indications. Elle note également que, dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan présenté le 20 février 1996, le Rapporteur spécial regrette que les autorités compétentes du Soudan n'aient pas manifesté le moindre souci d'enquêter sur les cas portés à leur attention ces dernières années. Le rapporteur exprime également sa préoccupation devant le fait que, depuis février 1994, les rapports et informations émanant de sources très diverses sur les cas d'esclavage, de servitude, de traite des esclaves et de travail forcé se sont multipliés de façon alarmante. Bien que le Bahr El-Ghazal et les monts Nouba soient les régions les plus touchées par ces pratiques, on a signalé également dans toute la partie méridionale du Soudan des cas d'enlèvement d'hommes, de femmes et d'enfants par l'armée gouvernementale, les Forces populaires de défense (FPD), les milices locales armées par le gouvernement et les groupes de moudjahidin combattant aux côtés du gouvernement dans cette région. L'enlèvement de civils - hommes, femmes ou enfants - originaires du sud, qu'ils soient musulmans, chrétiens ou de croyance africaine traditionnelle, et quels que soient leur statut social ou leur appartenance ethnique, est devenu une façon de faire la guerre. Au cours de sa mission d'enquête sur le terrain, le Rapporteur spécial a recueilli des témoignages détaillés d'enlèvements couramment pratiqués à Gogrial et ses environs au cours de raids réalisés conjointement par l'armée, les FPD et les milices armées et dans le cadre desquels, à des dates diverses comprises entre avril 1994 et juillet 1995, des civils dont le nombre allait de quelques individus à plusieurs centaines de femmes et d'enfants avaient été capturés, placés en détention et déportés dans le nord du Soudan. De même, on a signalé l'enlèvement d'au moins 250 civils par des militaires à la suite d'une opération effectuée le 21 février 1995 par l'armée gouvernementale contre le village de Toror (comté d'Umgurban), dans les monts Nouba. Leurs proches pensent qu'ils ont été emmenés dans l'un des "villages pacifiés" du Kordofan: Um Dorein, Agab ou Um Sirdiba.
10. Selon le Rapporteur spécial, toutes les informations obtenues confirment un engagement direct et généralisé de l'armée gouvernementale, des FPD, des milices armées gouvernementales et des formations de moudjahidin, ces dernières étant soutenues par le gouvernement et opérant aux côtés de l'armée et d'unités paramilitaires, dans le cadre d'enlèvements et de déportations de civils des zones de conflit vers le nord du Soudan. Les lieux où les captifs sont provisoirement rassemblés avant d'être envoyés vers leur destination finale sont également sous le contrôle de l'armée, des FPD et/ou des formations de moudjahidin. A la lumière de ces informations, le Rapporteur spécial conclut que la passivité totale affichée par le gouvernement, qui reçoit depuis des années des informations concernant cette situation, ne peut être interprétée que comme une approbation et un soutien politiques tacites de la pratique de l'esclavage et de la traite des esclaves. De multiples rapports indiquent que des civils locaux fortunés, dont les liens étroits avec le gouvernement sont souvent de notoriété publique, seraient impliqués dans ces pratiques, qui ont toutes une connotation raciale marquée, étant donné que les victimes sont exclusivement des Soudanais du sud et des membres des tribus indigènes des monts Nouba, les Musulmans eux aussi étant réduits en esclavage dans cette deuxième catégorie.
11. S'agissant plus particulièrement de l'enlèvement d'enfants, le Rapporteur spécial indique que certains jeunes garçons enlevés dans le sud du Soudan ainsi que ceux qui sont raflés dans les rues des villes du nord sont utilisés comme domestiques, tandis que les jeunes filles sont forcées à vivre en concubinage ou à se marier, principalement avec des soldats et des membres des FPD dans le nord du Soudan. Il existe une autre catégorie d'enfants, en particulier des garçons de l'ethnie Dinka âgés de 11 ou 12 ans, qui recevraient une formation militaire pour être envoyés au combat dans le sud par le gouvernement du Soudan. Il convient d'établir cette distinction essentiellement parce que les enfants de la première catégorie ont, dans quelques cas, été retrouvés par leurs parents et, après de longues négociations suivies du versement d'une rançon à leurs ravisseurs, rendus à leur famille.
12. Dans sa réponse du 29 mars 1996 au rapport du Rapporteur spécial, le gouvernement, rappelant ses réserves antérieures à l'égard du Rapporteur spécial, déclare qu'il n'est pas approprié, pour le Rapporteur spécial, de soulever des considérations telles que celles contenues dans son dernier rapport, notamment de conclure à une approbation politique tacite de la pratique de l'esclavage, conclusion qu'il n'a pas été en mesure d'étayer bien que s'étant rendu au Soudan trois fois. Le gouvernement déclare en outre que le Rapporteur spécial ne parvient pas à établir, à travers les allégations et témoignages de deuxième main qu'il réunit dans son rapport, que le droit de propriété sur l'esclave envisagé par les différents instruments internationaux en la matière ait jamais été exercé sur aucun individu, dans quelque partie du pays que ce soit, au su des autorités du Soudan. Il signale, en outre, que l'article 7 de la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage définit la traite des esclaves comme "tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'une personne en vue de la réduire en esclavage...", ce qui fait que l'élément d'intention est décisif dans ce contexte. Dans le cadre des rivalités entre tribus soudanaises, qui s'accompagnent normalement de captures de prisonniers de guerre de part et d'autre, il n'existe aucune intention de cette nature puisque ces hostilités n'ont pour cause que la volonté de s'approprier de nouveaux pâturages et de nouvelles ressources en eau pour le bétail et non de prendre des esclaves.
13. A cet égard, la commission note que, dans son rapport du 20 février 1996, le Rapporteur spécial a déjà formulé ses commentaires quant à l'erreur d'appréciation dont il aurait fait preuve à propos de conflits tribaux s'accompagnant de la capture de membres de la tribu adverse en vue du règlement du conflit. Selon le rapporteur, dans la plupart des cas portés à l'attention du gouvernement du Soudan, les auteurs signalés appartiennent à l'armée du Soudan et aux Forces populaires de défense (FPD), qui relèvent du gouvernement. Même dans les cas mettant aux prises des membres de milices tribales différentes, la pratique de l'esclavage s'inscrit dans le contexte de la guerre et montre qu'il existe une politique délibérée de la part du gouvernement tendant à passer sous silence, voire à cautionner, la pratique de l'esclavage en tant que moyen de combat dans le cadre de la guerre civile. En outre, l'argument selon lequel ces pratiques s'inscrivent dans un cadre tribal n'exonère pas le gouvernement de sa responsabilité d'assurer le respect du droit de ses administrés à la vie, à la sécurité et à la liberté.
14. En ce qui concerne l'implication des forces paramilitaires, y compris des Forces populaires de défense (FPD) dans les pratiques d'esclavage décrites par le Rapporteur spécial, le gouvernement déclare dans sa réponse du 29 mars 1996, que le Rapporteur spécial a été mal conseillé et que les éléments qui lui ont été fournis à propos de ces forces tendaient à l'induire en erreur. En réalité, ces forces s'acquittent de la noble mission de protéger les axes d'acheminement de l'assistance et de combattre le banditisme et les éléments qui perturbent régulièrement les opérations d'assistance.
15. De même, en ce qui concerne l'enlèvement d'enfants, le gouvernement déclare que les considérations développées ne sont pas véridiques mais sont plutôt la création soit du Rapporteur spécial lui-même, soit des sources lui ayant fourni ses informations. Si le Rapporteur spécial avait cité les noms de personnes se livrant à de telles pratiques illégales, le gouvernement n'aurait pas hésité à prendre des mesures judiciaires immédiates contre les personnes concernées, d'autant plus que le Code pénal du Soudan punit le crime d'enlèvement.
Commentaires de la CMT et rapport du gouvernement
16. La commission prend bonne note de ces indications. Elle a également pris note des commentaires présentés par la Confédération mondiale du travail (CMT) dans sa communication datée du 1er août 1996 et des documents joints à cette communication. La CMT déclare que, sur la base des informations dont elle dispose, l'esclavage et le travail forcé persistent au Soudan, au mépris de la convention no 29, ratifiée en 1957; que les milices, souvent avec l'accord des autorités, continuent d'agresser des villages, de voler du bétail, de mettre le feu à des habitations et d'enlever des civils - hommes, femmes et enfants - pour les contraindre ensuite à travailler comme esclaves dans la domesticité, ou dans l'agriculture ou l'élevage, dans des conditions de vie et de travail terribles, les mauvais traitements étant monnaie courante et les femmes étant souvent violées. La CMT signale, en particulier, le témoignage reproduit dans le rapport 1995 de Human Rights Watch sur le sort des enfants du Soudan, qui sont réduits en esclavage, vivent dans la rue ou sont enrôlés dans les forces armées du Soudan, témoignage qui contredit les déclarations du gouvernement mentionnées dans l'observation de 1994 de la commission.
17. La commission note, à la lecture du rapport de Human Rights Watch, que ce rapport s'appuie sur des recherches effectuées à Khartoum en mai et juin 1995 à l'invitation du gouvernement du Soudan, et en mars 1995 au Kenya et dans le sud du Soudan; que les entretiens à Khartoum ont eu lieu en privé, avec des personnes et des institutions n'appartenant pas au gouvernement et ayant demandé l'anonymat par crainte de représailles de la part de celui-ci, tandis que les entretiens à Juba, la plus grande ville du sud, se sont déroulés sous le contrôle de la sécurité soudanaise, laquelle a mis un terme à la visite avant que des témoignages concernant la plupart des agissements puissent être recueillis dans cette ville.
18. Dans son rapport, Human Rights Watch indique que les milices arabes, qui ont été, sous le gouvernement actuel, plus ou moins incorporées dans les Forces populaires de défense (FPD), ont été constituées dans le but de mettre en déroute l'ALPS (Armée de libération populaire du Soudan) en combattant sa prétendue base sociale dans le sud du Kordofan et dans le nord du Bahr El-Ghazal, à distance tactique pour les opérations de razzia arabes. Les cibles sont principalement les ethnies Nouba et Dinka, dans une certaine mesure rivales traditionnelles des tribus arabes. Outre qu'elles sont effectivement habilitées par les gouvernements central et fédérés à s'en prendre à ces civils en toute impunité, les milices arabes ont toute latitude pour voler du bétail, brûler des biens et prendre des civils en captivité. Des soldats et officiers, de l'armée comme des milices, ont capturé et réduit des civils en esclavage pour leur servir de domestiques. Ces civils, essentiellement des femmes et des enfants, n'ont pas été arrêtés par les autorités aux fins d'une procédure pénale; ils n'ont pas été pris non plus comme otages pour des négociations entre tribus. Ils ont été pris comme butin de guerre. Ils ont été emmenés loin de leur village d'origine, pour accomplir sans aucune rémunération des tâches ménagères ou garder des troupeaux. Certains ont subi des sévices sexuels de la part de leurs maîtres. Les enquêteurs n'ont connaissance que du sort de ceux qui ont réussi à s'échapper ou qui ont été libérés, c'est-à-dire d'une infime minorité. Un grand nombre de femmes et enfants enlevés n'ont pas été vendus mais simplement gardés par les soldats ou les membres des milices qui les ont capturés. Bien que les pratiques ayant cours au Soudan ne présentent pas toutes les caractéristiques de l'esclavage, elles en présentent plusieurs: les esclaves appartiennent à d'autres ethnies et communautés (populations africaines méridionales et Nouba); la coercition peut s'exercer à volonté à leur endroit et leur force de travail est à l'entière disposition d'un maître. Le cas d'un groupe de plus de 500 femmes et enfants captifs a connu un dénouement heureux: un officier de police du sud a pu les libérer de leurs ravisseurs militaires lors de leur passage sur le territoire de sa juridiction. D'autres affaires démontrent, malheureusement, que les cas de libération par une intervention officielle restent rares. Le rapport relate le cas de plusieurs groupes et donne un résumé des témoignages de certaines victimes d'autres raids et des personnes leur ayant prêté assistance. Les enquêteurs ont découvert des affaires d'enfants retrouvés par leur famille ou ayant réussi à s'échapper des années plus tard. Ces familles ont dû procéder elles-mêmes aux recherches, n'obtenant l'aide des autorités que lorsque, par hasard, elles ont eu affaire à des policiers originaires du sud au cours de leurs recherches. Il apparaît clairement que les voies de recours qu'offre la loi sont insuffisantes pour obtenir une prompte libération de tous les enfants volés. Si, dans certains cas évoqués, les procédures légales (administratives ou judiciaires) ont abouti à la réunification des enfants à leur famille, cette voie se révèle coûteuse et souvent sans résultat.
19. Dans son rapport, Human Rights Watch indique également que de très jeunes garçons ont été enrôlés comme soldats dans l'armée ou dans des milices patronnées par le gouvernement et envoyés au combat, en violation de la législation du Soudan, qui fixe à 18 ans l'âge minimum pour le recrutement. On cite l'exemple d'un garçon Dinka de 10 ans embrigadé dans une milice tribale Mundari par les forces gouvernementales en 1991 et tenu en service jusqu'au moment où il a réussi à s'échapper en 1995. L'Armée de libération populaire du Soudan (ALPS) et l'armée d'indépendance du Sud-Soudan (AISS) continuaient également d'enrôler des soldats n'ayant pas l'âge légal alors même que l'AISS coopérait avec l'UNICEF à un programme de réunification des familles.
20. La commission a en outre pris note de divers rapports et documents de Solidarité chrétienne internationale, également évoqués par la CMT. Le document intitulé Evidence on Slavery, with Special Reference to Young Mothers and Children in Sudan (témoignages sur l'esclavage, notamment en ce qui concerne les jeunes mères et les enfants au Soudan), soumis en avril 1996 par la baronne Cox et M. John Eibner à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, est cité comme s'appuyant sur des témoignages de première main recueillis au cours de huit visites effectuées au Soudan entre 1993 et 1996. Depuis la session de 1995 de la Commission des droits de l'homme, les délégués de Solidarité chrétienne internationale ont accompli trois missions d'enquête dans le nord du Bahr El-Ghazal pour faire suite à des rapports du Rapporteur spécial signalant la persistance au Soudan de pratiques d'esclavage d'enfants et pratiques analogues, comme l'enrôlement de force de jeunes garçons dans le service militaire, 9 034 étant embrigadés dans 20 centres de détention du seul sud du Kordofan à la fin de 1995.
21. Les délégués de Solidarité chrétienne internationale ont séjourné sur plusieurs sites du Bahr El-Ghazal, notamment Tirole, Marial, Mayen Abun et Nyamiell, et se sont rendus sur d'autres, notamment Manyiel. Ils ont:
- recueilli les témoignages d'hommes, de femmes et d'enfants capturés et emmenés en esclavage;
- parlé à des familles dont les enfants étaient alors en esclavage dans le nord du Soudan et entendu les relations explicites d'atrocités commises au cours des raids par les Arabes des FPD contre les villes et villages africains noirs;
- rencontré des négociants arabes qui leur ont décrit de quelle manière les esclaves africains sont ramenés du nord et vendus à leur famille ou, en l'absence de membres de leur famille survivants, aux administrateurs des communautés locales;
- recueilli des témoignages de chefs de communautés locales et mis à leur disposition les ressources disponibles pour le rachat d'un certain nombre d'enfants asservis.
22. S'appuyant sur des témoignages oculaires et des relations de première main, les délégués de Solidarité chrétienne internationale attestent de violations flagrantes des droits de l'homme, encouragées ou commises directement par le gouvernement du Soudan, violations qui recouvrent la réduction en esclavage de femmes, d'enfants et d'hommes du sud du Soudan et l'enlèvement de garçons et de jeunes femmes originaires des monts Nouba ou issus de la population Beja et leur enrôlement forcé dans l'armée gouvernementale pour combattre la population du sud. Dans leurs conclusions, qui confirment intégralement celles du Rapporteur spécial, les délégués de Solidarité chrétienne internationale indiquent que l'institution de l'esclavage connaît une recrudescence à vaste échelle dans les régions du Soudan contrôlées par le gouvernement. Le nombre d'esclaves détenus dans le nord du Soudan est chiffré à plusieurs dizaines de milliers. Les milices soutenues par le gouvernement procèdent régulièrement à des raids contre les communautés africaines pour se procurer des esclaves et d'autres formes de butin. Les esclaves, dans la plupart des cas des enfants ou de jeunes femmes, sont emmenés au nord pour servir de domestiques ou de main-d'oeuvre agricole ou pour assouvir contre leur gré des besoins sexuels, sans autre rétribution que le minimum d'aliments indispensable à leur survie. Certains garçons sont embrigadés dans des camps militaires, où ils subissent un entraînement et un endoctrinement pour se battre contre la population dont ils sont issus. Les raids effectués par les milices soutenues par le gouvernement s'accompagnent d'atrocités. Les captifs jugés impropres à servir d'esclaves sont en général torturés et/ou tués. Les hommes sont systématiquement massacrés. Les Arabes de certains clans Rizeigat opposés au gouvernement ont toutefois cessé leurs raids et signé des accords locaux qu'ils honorent avec certains chefs Dinka. Aux termes de ces accords, des esclaves sont rendus à leur famille dans le sud. Les razzias esclavagistes et les hostilités plus classiques ainsi que le déni de l'aide humanitaire sont autant de moyens utilisés par le gouvernement pour transformer un pays ethniquement divers en un Etat islamique arabe, contre la volonté de l'immense majorité de sa population noire africaine. Les effets dévastateurs de cette politique équivalent à un génocide. Une liste nombreuse de cas est citée de manière détaillée à l'appui de ces conclusions.
23. A nouveau, dans leur projet de rapport préliminaire d'une visite effectuée en juin 1996 en plusieurs lieux du nord du Bahr El-Ghazal, leur treizième au Soudan et dans des pays voisins au cours des trois dernières années, les délégués de Solidarité chrétienne internationale confirment les conclusions établies sur la base de leurs précédentes visites. S'appuyant sur des témoignages détaillés d'esclaves affranchis, ils ajoutent que plusieurs centaines d'esclaves ont été ramenés, après avoir été échangés pour un prix convenu avec les autorités locales Dinka. Les communautés africaines ont dû accepter ces transactions puisqu'elles devaient s'en remettre aux négociants arabes pour obtenir le retour de leurs congénères capturés et asservis. Les Arabes arguaient du fait que cet argent leur était dû au titre des risques encourus par eux-mêmes et pour couvrir les frais de rapatriement des esclaves. C'est ainsi que le gouvernement a généré un commerce d'esclaves en incitant les Arabes du nord du pays à prendre part dans un conflit pour lequel ils ne sont pas directement payés, mais dans le cadre duquel ils sont encouragés à se saisir de tout butin à leur portée - y compris des êtres humains. En juin 1996, Solidarité chrétienne internationale a adressé un appel au Haut Commissaire pour les droits de l'homme, au nom d'une fillette de 8 ans, Abuk Kwany, esclave d'Ahmed Ahmed à Naykata, au Soudan. Abuk a été capturée en mars 1994, lors d'un raid contre son village Dinka effectué par les troupes gouvernementales du Soudan. En avril 1996, le père d'Abuk s'est rendu à Naykata avec un officier de police soudanais pour libérer sa fille, qui porte désormais le nom musulman de "Howeh", mais le propriétaire de l'esclave a exigé 50 000 livres soudanaises pour sa liberté. Le policier n'est pas parvenu à contraindre Ahmed à rendre la fillette et son père a dû la laisser en esclavage.
24. Dans ses commentaires, la CMT conclut des divers documents soumis par Solidarité chrétienne internationale que le travail forcé et l'esclavage persistent au Soudan, que, selon les autorités civiles, 12 000 enfants sont en servitude dans le nord du pays, leur nombre allant croissant avec la poursuite des raids. La CMT souligne que les officiers et soldats responsables savent qu'ils peuvent poursuivre leurs odieux agissements, contraires à la législation nationale, en totale impunité et que le gouvernement omet de remplir l'obligation qui lui incombe de protéger ses administrés et prévenir et réprimer de tels actes.
25. La commission note qu'aucun commentaire n'a été reçu du gouvernement sur les questions soulevées par la Confédération mondiale du travail. Elle note également que, dans son rapport sur l'application de la convention reçu le 18 octobre 1996, le gouvernement déclare que le Soudan condamne fermement toutes les pratiques de cette nature, où qu'elles se produisent, parce qu'elles sont dégradantes pour l'être humain et sa dignité, et qu'il s'engage à ne ménager aucun effort pour mettre un terme à de telles pratiques s'il est établi qu'elles existent. Le gouvernement ajoute que le Soudan s'est acquitté pleinement des obligations résultant pour lui de la décision de l'Assemblée générale des Nations Unies de 1995 l'appelant à enquêter sur les accusations d'esclavage et de pratiques analogues à l'esclavage en établissant une commission d'enquête. Cette commission fonctionne désormais dans les monts Nouba et dans les régions voisines et enquête sur de telles accusations. Le gouvernement conclut en déclarant son attachement à l'application de la convention, sa ratification faisant de cet instrument une loi qui doit être appliquée.
Conclusions de la commission
26. La commission prend bonne note de ces indications. Elle note que des accusations d'imposition illégale et généralisée de travail forcé, avec la caution ou les encouragements du gouvernement, sont portées depuis des années par le Rapporteur spécial et rejetées en bloc par le gouvernement. Les mêmes allégations sont désormais formulées dans les commentaires de la CMT, sur la base de rapports détaillés qui déclarent s'appuyer sur des témoignages de première main. Dans ces conditions, la commission, tout en prenant note de l'indication du gouvernement selon laquelle une commission d'enquête a été constituée et fonctionne dans les monts Nouba, est profondément préoccupée par le fait que le gouvernement n'a pas fait suivre d'effets son engagement réitéré de ne ménager aucun effort pour mettre un terme aux pratiques de travail forcé chaque fois que de telles pratiques sont avérées. Rappelant qu'en vertu de l'article 1 de la convention le gouvernement s'est engagé à supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible et qu'en vertu de l'article 25 il a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées, la commission demande instamment le gouvernement de prendre des mesures effectives pour assurer le respect de la convention et de faire rapport sur les mesures concrètes ainsi prises, en donnant des informations sur toutes les affaires portées en justice, le nombre des condamnations prononcées et les sanctions prises contre les coupables.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 85e session et de communiquer un rapport détaillé en 1997.]
La commission note le rapport du gouvernement, soumis pendant la Conférence de 1993. Elle note également les informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence de 1993 ainsi que les discussions ayant eu lieu au sein de la commission.
Dans des commentaires précédents, la commission avait pris note de plusieurs documents de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU (en particulier, les documents E/CN.4/Sub/AC2/1988/7/Add.1, E/CN.4/Sub.2/1988/32 et E/CN.4/1992/55), qui contiennent des allégations de pratiques d'esclavage.
La commission avait relevé qu'en vertu de l'article 163 de la loi pénale de 1991 quiconque force quelqu'un à fournir un travail contre sa volonté sera puni d'emprisonnement pour une durée maximale d'un an ou d'une amende, ou de ces deux peines à la fois. La commission avait relevé également la déclaration d'un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence de 1992, qui avait déclaré que tous les Soudanais sont pleinement libres et égaux en droits et en devoirs, que la loi du Soudan interdit toute forme de commerce d'esclaves, et que, dans la mesure oû les tribunaux n'ont pas eu à connaître d'une pratique qui n'existe pas, le gouvernement n'a pas d'informations à fournir à ce sujet.
La commission avait encore noté que, dans un document soumis par Anti-Slavery International au Comité des droits de l'enfant, des allégations de travail forcé continuaient d'être formulées non plus seulement en rapport avec les populations Dinka, mais aussi en relation avec les Nubiens, et que le comité, dans un rapport de 1993, avait exprimé sa préoccupation quant au travail forcé et à l'esclavage, et demandé des informations supplémentaires à cet égard (document CRC/C19 du 2 mars 1993).
La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer l'application de l'article 25 de la convention dans la pratique.
La commission a pris connaissance des indications données par le gouvernement à la Commission de la Conférence, ainsi que dans son rapport, selon lesquelles les problèmes soulevés ont trait à des conflits de type tribal, motivés par la volonté de maîtriser des ressources en eau ou des pâturages, ajoutant que ces conflits se sont accrus en raison de la sécheresse et de la désertification. De tels conflits sont réglés dans le cadre de conseils de conciliation dirigés par des sages et des chefs de tribu, chargés de trancher les litiges conformément à la tradition et dont les décisions sont exécutoires. La particularité des règles du droit coutumier ne permet pas d'obtenir des comparaisons avec les règles suivies par les tribunaux ordinaires, de sorte qu'il est difficile de réunir des informations. Le Procureur général a indiqué qu'aucun cas de ce genre ne s'est jamais présenté si l'on en juge par les actes des tribunaux ordinaires. Après avoir effectué plusieurs visites dans les régions en question, une commission chargée d'enquêter sur les allégations susmentionnées n'a pas recueilli d'éléments confirmant leur bien-fondé.
La commission note, dans la réponse du gouvernement aux observations préliminaires du Comité des droits de l'enfant, que "ces accusations relèvent d'une confusion entre l'esclavage et des situations qui sont sans aucun rapport avec celui-ci. Il s'agit en fait de conflits tribaux et de disputes sur les pâturages et les ressources en eau dans certaines régions à composition tribale mixte. Dans ce genre de situation, il arrive qu'une tribu s'empare de membres d'une ou plusieurs autres tribus, qu'elle retient, en attendant le règlement du différend qui les oppose, conformément aux traditions locales" (CRC/C/3/Add.20).
Dans son rapport, le gouvernement rejette toutes les allégations de travail forcé comme n'étant pas fondées ou étayées par des sources bien déterminées ou des données précises, ni fournies par des personnes dont l'identité et l'adresse seraient connues.
La commission a également pris note du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, qui s'est rendu dans le pays en septembre et décembre 1993 (Commission des droits de l'homme, 50e session, 1994; document E/CN.4/1994/48 de février 1994). Le Rapporteur spécial, évoquant l'esclavage, la servitude, la traite des esclaves, le travail forcé et des institutions et pratiques analogues, déclare que des rapports et des témoignages sont largement concordants pour ce qui est des circonstances des enlèvements, des lieux de destination des personnes enlevées, des noms, des localités oû des femmes et des enfants seraient détenus dans des camps spéciaux auprès desquels des gens en provenance du Soudan septentrional, ou même de l'étranger, viendraient les acheter. Le rapport évoque, par exemple, le cas d'un garçon enlevé astreint au travail forcé dans une exploitation agricole placée sous la surveillance d'hommes armés. La vente et le trafic d'enfants paraissent être pratiqués massivement de façon organisée et à des fins politiques par des formes armées non régulières telles que les Forces populaires de défense et les contingents de moudjahedines dans les zones de conflit du Kordofan méridional et du Bahr Al-Ghazal. Le Rapporteur spécial fait état de rapports et témoignages répétés, de rapts d'enfants, notamment en été 1993, portant sur 217 enfants, principalement de la tribu Dinka. Le rapport évoque l'inquiétude de la population, qui craint que ces enfants n'aient été vendus comme esclaves au Darfour et au Kordofan septentrional et relate que le gouvernement n'a pris aucune mesure d'enquête sur ce cas, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau local. Prenant en considération les témoignages oraux et écrits dont il dispose, le Rapporteur spécial considère que les explications du gouvernement ne sont pas satisfaisantes.
La commission note également les indications figurant dans le rapport, selon lesquelles en septembre 1992 les autorités de l'Etat de Khartoum auraient lancé dans la ville une campagne de "nettoyage" d'enfants vagabonds, considérés comme un danger pour l'ordre public. Les enfants seraient ramassés de façon systématique partout dans la ville et en certains endroits de l'Etat, puis emmenés dans des camps. Alors que les autorités affirment que les enfants en question suivent une formation professionnelle, le Rapporteur spécial estime que les craintes exprimées sont fondées et que la pratique du ramassage des enfants des rues constitue dans la plupart des cas une série d'arrestations et de détentions arbitraires au mépris des formes légales. Le traitement dans les camps et dur et la formation professionnelle n'est en fait qu'un redressement rigoureux des enfants, provenant en majorité du Sud et appartenant principalement aux tribus du sud, essentiellement aux tribus Dinka, Shilluk et Nuer, ou à des familles déplacées depuis les monts Nouba. Selon des sources non gouvernementales, beaucoup d'enfants subiraient un un entraînement militaire, puis seraient renvoyés au combat.
La commission rappelle que l'article 25 de la convention exige non seulement que des sanctions pénales soient imposées par la loi en cas de travail forcé ou obligatoire, mais encore que tout Membre ratifiant la convention ait l'obligation de s'assurer que ces sanctions sont réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l'application dans la pratique de l'article 25 de la convention et de faire connaître les mesures prises pour protéger les populations Dinka et Nuba contre des pratiques contraires à la convention.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle note la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1992. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que divers documents de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU (notamment: documents E/CN.4/Sub.2/AC2/1988/7/Add.1; E/CN.4/Sub.2/1988/32; E/CN.4/Sub.2/1989/39 et E/CN.4/1992/55) contenaient des allégations de pratiques d'esclavage.
La commission note la déclaration d'un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence selon laquelle un démenti formel doit être apporté à ces allégations: tous les Soudanais sont pleinement libres et égaux en droits et en devoirs; la loi du Soudan interdit toute forme de commerce d'esclaves et, dans la mesure où les tribunaux n'ont pas eu à connaître d'une telle pratique qui n'existe pas, le gouvernement n'a pas d'informations à fournir à ce sujet.
La commission a pris note de la loi pénale de 1991. Elle relève qu'en vertu de l'article 163 quiconque force quelqu'un à fournir un travail contre sa volonté sera puni d'emprisonnement pour une durée maximale d'une année ou d'une amende ou des deux.
La commission note que dans un document soumis par Anti-Esclavage International (Anti Slavery International) à la Commission sur les droits de l'enfant des Nations Unies des allégations de travail forcé continuent d'être formulées non plus seulement en rapport avec les populations Dinka, mais aussi les Nuba. Elle note que la Commission sur les droits de l'enfant, dans son rapport du 29 janvier 1993 (document CRC/C/19 du 2 mars 1993), a exprimé sa préoccupation quant au travail forcé et à l'esclavage, et a demandé des informations supplémentaires à cet égard.
La commission rappelle que l'article 25 de la convention exige non seulement que des sanctions pénales soient imposées par la loi en cas de travail forcé ou obligatoire, mais encore que tout Membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission relève que la Commission de la Conférence a rappelé que divers organes des Nations Unies avaient fait état de cas d'esclavage et que de telles allégations ne pouvaient être considérées comme totalement infondées, d'autant plus que le gouvernement ne fournissait pas de rapport complet sur la situation existante.
Pour être en mesure d'examiner la situation, la commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises dans la pratique pour donner effet à l'article 25 de la convention, et notamment pour assurer la protection des populations Dinka et Nuba contre toutes pratiques contraires à la convention.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence, à sa 80e session, et de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1993.]
La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle note que la Constitution de 1985 est suspendue et que l'état d'urgence est toujours en vigueur, et elle renvoie à son observation sous la convention no 105.
Article 25 de la convention. 1. Dans des commentaires précédents, la commission a pris note d'une communication que la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU avait reçue en 1988 de la Société anti-esclavagiste pour la protection des droits de l'homme (Anti-esclavage international) (document E/CN.4/Sub.2/AC.2/1988/7/Add.1), qui faisait état des rapts et des ventes d'esclaves qui auraient eu lieu dans le pays à la faveur des troubles internes qui y sévissaient. La commission avait prié le gouvernement de fournir des commentaires détaillés sur ces allégations et d'indiquer toutes les mesures prises pour assurer que les sanctions imposées par la loi pour l'exaction de travail forcé soient réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission avait pris note de la discussion, ayant eu lieu en 1989 à la Commission de la Conférence, du rapport du gouvernement pour la période se terminant au 30 juin 1989 et d'autres informations reçues par la Sous-commission de l'ONU en 1988-89 (documents E/CN.4/Sub.2/1988/32 et E/CN.4/Sub.2/1989/39).
Un représentant gouvernemental a déclaré à la Commission de la Conférence en juin 1989 que, dans son pays, la législation interdit toute forme d'exploitation ou de travail forcé.
La commission note que le rapport du groupe de travail sur les normes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (document E/CN.4/Sub.2/1991/41 du 19 août 1991) se réfère à des informations sur des enfants maintenus en esclavage et utilisés comme domestiques.
La commission prie le gouvernment de fournir des informations sur les mesures prises en application des dispositions du Code pénal et visant à sanctionner le recours au travail forcé. Le gouvernement est prié d'indiquer notamment le nombre de cas où des personnes ont été poursuivies ou punies ces dernières années pour exaction de travail forcé, de même que sur les sanctions infligées à celles qui auraient été reconnues coupables.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires afin d'assurer le plein respect des dispositions de la convention.
2. Le gouvernement s'était référé dans son précédent rapport aux articles 311 à 313 du Code pénal de 1983 prévoyant des sanctions pour le recours au travail forcé.
La commission a été informée qu'un nouveau Code pénal a été promulgué en 1991. Elle prie le gouvernement d'en communiquer le texte.
Article 25 de la convention. Dans des commentaires précédents, la commission a pris note d'une communication que la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l'ONU avait reçue en 1988 de la Société antiesclavagiste pour la protection des droits de l'homme (document E/CN.4/Sub.2/AC.2/1988/7/Add.1), qui faisait état des rapts et des ventes d'esclaves qui auraient eu lieu dans le pays à la faveur des troubles internes qui y sévissent. La commission avait prié le gouvernement de fournir des commentaires détaillés sur ces allégations et d'indiquer toutes les mesures prises pour assurer que les sanctions imposées par la loi pour l'exaction de travail forcé soient réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission a pris note de la discussion, qui a eu lieu en 1989 à la Commission de la Conférence, le dernier rapport du gouvernement et d'autres informations reçues par la sous-commission en 1988-89 (documents E/CN.4/Sub.2/1988/32 et E/CN.4/Sub.2/1989/39).
Selon ces informations, la Société antiesclavagiste et le gouvernement se sont mis d'accord pour une visite sur place permettant à cette organisation de disposer en 1989 d'informations plus précises. En août 1989, la Société antiesclavagiste a indiqué à la sous-commission qu'en décembre 1988 avait été conclu, avec le ministère des Affaires étrangères, le Parquet et le ministère de la Justice, un accord aux termes duquel une mission de l'organisation devait visiter le Soudan afin d'évaluer objectivement le bien-fondé des allégations portant sur les pratiques esclavagistes dans le pays. Elle ajoutait que l'évolution politique plus récente n'avait pas rendu possible cette mission, mais qu'elle demeurait en contact avec des fonctionnaires du gouvernement et espérait être en mesure de présenter un rapport de mission au groupe de travail de la sous-commission à sa prochaine session, en août 1990.
Un représentant gouvernemental a déclaré à la Commission de la Conférence, en juin 1989, que, dans son pays, la législation interdit toute forme d'exploitation ou de travail forcé. On ne peut douter, a-t-il ajouté, de l'engagement du gouvernement en ce qui concerne les instruments internationaux sur la prévention de l'esclavage et la traite des esclaves, et le Soudan a été parmi les premiers pays africains à avoir ratifié la Convention des Nations Unies sur l'abolition de l'esclavage.
La commission relève l'indication du gouvernement dans son rapport, selon laquelle les articles 311 à 313 du Code pénal de 1983 prévoient des sanctions pour le recours au travail forcé. En vertu de l'article 311, quiconque force illégalement une personne à travailler contre sa volonté sera fouetté ou puni d'une peine d'amende ou d'emprisonnement. Aux termes de l'article 312, quiconque enlève ou capture une personne dans l'intention de la forcer illégalement à travailler contre sa volonté sera fouetté ou puni d'une peine d'amende ou de prison d'une durée d'une année. En application de l'article 313, quiconque, contre argent ou récompense équivalente, transfère ou tente de transférer la possession ou le contrôle qu'il exerce sur une personne à un tiers dans l'intention de permettre à ce dernier de la priver de liberté contrairement à la loi ou de la forcer illégalement à travailler contre sa volonté sera puni du fouet et d'une peine d'amende et d'emprisonnement.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises en application des articles 311 à 313 du Code pénal, notamment sur le nombre de cas où des personnes ont été poursuivies ou punies ces dernières années pour exaction de travail forcé, de même que sur les sanctions infligées à celles qui auraient été reconnues coupables.