National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a exprimé son profond regret de voir que son pays est sur la liste finale des cas individuels à propos de la convention no 98. Cette décision nuit à la crédibilité du mécanisme de contrôle, dans la mesure où des considérations politiques l’emportent sur les questions de fond et les aspects techniques. La décision de la Commission de la Conférence est en contradiction avec le fait que des progrès et des réformes majeurs ont été réalisés dans le domaine de la législation du travail, pour lesquels la commission d’experts a exprimé sa satisfaction concernant l’application de la convention. Ces réformes législatives montrent l’engagement pris par le gouvernement d’appliquer la convention. Le représentant gouvernemental a indiqué que les progrès réalisés consistent notamment en des amendements apportés en 2010 à la Constitution du pays, qui a ouvert la voie à des réformes de la législation du travail, dont: l’adoption de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, de même que les amendements à la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires, l’ensemble de ces textes ayant été transmis à l’OIT. Les amendements à la loi no 4688 ont permis aux représentants des fonctionnaires publics de négocier et de signer des conventions collectives. En outre, l’étendue de la syndicalisation dans la fonction publique a été élargie grâce à la réduction des exceptions prévues par la loi, et suite à une décision récente de la Cour constitutionnelle, l’interdiction de se syndicaliser frappant les fonctionnaires civils travaillant dans des institutions militaires a été levée. Selon le représentant gouvernemental, les changements les plus importants qui ont été apportés consistent en l’adoption de la loi no 6356, qui a non seulement remplacé la législation en matière de syndicats imposée par le régime militaire, mais a aussi créé les conditions de relations professionnelles à la fois plus démocratiques et plus libres. Les éléments nouveaux inscrits dans la loi sont notamment: i) l’extension du champ d’application du droit syndical aux travailleurs indépendants; ii) l’abrogation des restrictions concernant la création, la composition et les prescriptions requises pour être membre fondateur d’un syndicat; iii) la simplification de la procédure de création des syndicats; iv) la réorganisation ou la réduction de 28 à 20 du nombre de branches d’activité; v) l’abrogation de l’exigence de fourniture d’une attestation notariale d’appartenance à un syndicat ou de retrait de ce syndicat; vi) l’autorisation d’appartenir à plusieurs syndicats accordée aux travailleurs employés dans différents établissements dans la même branche d’activité; vii) la fixation par les statuts du syndicat du montant maximal des cotisations syndicales; viii) l’autorisation de continuer à être membre d’un syndicat en cas de chômage temporaire; ix) l’extension des activités internationales auxquelles les syndicats sont autorisés à participer; x) la distinction entre l’engagement de responsabilités individuelles et la personnalité juridique du syndicat; xi) le contrôle des comptes par des experts-comptables indépendants; xii) le renforcement de la liberté d’association; et xiii) la libre détermination par les syndicats de leur affiliation à une branche d’activité. En outre, la loi a aussi apporté des améliorations majeures en matière de conventions collectives, en réponse aux commentaires que la commission d’experts a formulés dans son rapport. Il s’agit notamment des avancées suivantes: i) possibilité de prévoir des conventions collectives à plusieurs niveaux par le biais de conventions-cadres; ii) la mise en place d’un cadre juridique réglementant les conventions collectives de groupes; iii) la garantie du maintien de conventions collectives du travail après un changement total ou partiel de la propriété de l’entreprise; iv) la réduction de la portée des interdictions de grève; v) la levée des restrictions sur différentes formes de grèves, d’actions revendicatives et de piquets de grève; vi) le dégagement de la responsabilité des syndicats pour tous dégâts sur le lieu de travail pendant des grèves; vii) l’autorisation accordée à toutes les confédérations d’être représentées au Conseil d’arbitrage; viii) le remplacement de peines d’emprisonnement par des amendes administratives pour certaines infractions qui figuraient dans la loi précédente. Pour ce qui est des critiques que la commission d’experts a faites au sujet des seuils minima et des conditions requises pour la signature de conventions collectives, le représentant gouvernemental a indiqué que, dans la nouvelle loi, les seuils minima par branche d’activité sont passés de 10 à 3 pour cent. Cependant, pour laisser aux syndicats le temps de s’adapter aux nouvelles conditions, le seuil a été fixé à 1 pour cent jusqu’à juillet 2016. Par ailleurs, les seuils fixés pour la conclusion de conventions collectives d’entreprises ont été réduits de 50 à 40 pour cent du nombre de travailleurs.
En ce qui concerne la protection des membres de syndicats, l’orateur a indiqué que la loi régit la protection des dirigeants syndicaux, des délégués syndicaux et de la liberté individuelle d’association, conformément aux conventions de l’OIT. En outre, un droit absolu à la réintégration est accordé aux dirigeants et aux délégués syndicaux. Les délégués syndicaux ne peuvent être licenciés sans motif valable, qui doit être clairement et précisément indiqué par écrit, ce qui est pleinement conforme à la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. La liberté individuelle d’association est garantie dans la procédure de recrutement, en cours d’emploi et lors du licenciement. Dans toute action en justice intentée pour interruption d’un contrat de travail au motif de l’appartenance à un syndicat, la preuve que le licenciement n’était pas dû à l’appartenance à un syndicat doit être fournie par l’employeur. Il a été fréquemment affirmé, concernant l’article 25, paragraphe 5, de la loi susmentionnée, que l’indemnisation spéciale pour violation des droits syndicaux avait été abrogée pour les salariés d’établissements employant moins de 30 travailleurs. Cette affirmation est infondée car elle ne prend pas en compte la dernière phrase du paragraphe 5 qui garantit pour l’ensemble des travailleurs une indemnisation spéciale en cas de licenciement antisyndical, qui ne peut être inférieure à un an de salaire. Même dans le cas où un travailleur ne saisirait pas la justice pour une infraction aux dispositions sur la protection contre le licenciement, il peut demander une indemnisation syndicale qui ne peut pas être inférieure à son salaire annuel. Par ailleurs, l’article susmentionné a fait l’objet d’une action devant la Cour constitutionnelle et une décision devrait être bientôt rendue. Le représentant gouvernemental conclut qu’en tout état de cause la Commission de la Conférence aurait dû attendre de pouvoir constater l’application pratique de cette nouvelle législation avant d’inscrire son pays dans la liste des cas individuels.
Les membres travailleurs ont indiqué suivre avec une profonde inquiétude les évènements se déroulant ces jours-ci dans les principales villes turques. Ils condamnent les brutalités policières disproportionnées et apportent leur soutien à ceux qui luttent pour l’application des droits démocratiques, sociaux et syndicaux. Ils soulignent que plusieurs organisations syndicales en Turquie, appuyées par la Confédération syndicale internationale (CSI), ont dénoncé le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Il serait utile que le gouvernement indique la procédure applicable pour l’examen des plaintes de discrimination antisyndicale dans le secteur public et qu’il communique des statistiques concernant l’examen des cas de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé. Le gouvernement turc dit ne disposer que de statistiques pour le secteur public. Sans des statistiques précises sur les plaintes déposées et leur traitement, la commission ne peut effectuer l’évaluation qui lui incombe. Concernant le secteur public, les membres travailleurs rappellent que, si l’article 8 de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, offre une certaine latitude dans le choix des procédures de règlement des différends, il convient toutefois que celles-ci soient rapides, impartiales et considérées comme telles par les parties intéressées. Dans le cas de la Turquie, la procédure applicable au secteur public consiste dans la présentation de plaintes écrites ou verbales présentées aux supérieurs, des recours administratifs pouvant être engagés dans un deuxième temps. Ils considèrent que cette procédure, en particulier dans sa première étape, ne présente pas de garanties d’impartialité. Les membres travailleurs soulignent les problèmes posés par l’adoption, le 18 octobre 2012, de la nouvelle loi sur les relations collectives de travail, applicable au secteur privé. Le projet de loi qui a ensuite été adopté avait été plusieurs fois rejeté par les organisations syndicales. Selon les informations disponibles, la loi contiendrait des dispositions régressives par rapport aux textes antérieurement en vigueur. En matière de seuils pour la création de syndicats d’entreprises, la réforme législative pose de nouveaux obstacles et empêche indirectement la création de nouvelles organisations dans les entreprises où un syndicat existe déjà. Il est regrettable que la nouvelle loi n’ait pas pu faire l’objet d’une analyse approfondie par la commission d’experts.
A propos de la négociation collective dans le secteur public, les membres travailleurs constatent des évolutions importantes. La réforme constitutionnelle de 2010 a introduit le droit des fonctionnaires et autres employés du secteur public de conclure des conventions collectives. Plusieurs modifications législatives, dont l’adoption de la loi no 6289 sur les syndicats de fonctionnaires, ont ensuite eu lieu en 2012 pour donner suite à l’amendement constitutionnel. La loi en question contient des éléments positifs, par exemple concernant la durée de la négociation mais il convient toutefois de clarifier les effets de ces changements dans la pratique. La commission d’experts a cependant souligné que certains de ses commentaires n’ont pas été pris en compte, particulièrement vis-à-vis de la participation directe de l’employeur aux négociations aux côtés des autorités financières et du rôle significatif que jouent les négociations entre les parties. Concernant ces deux points, l’utilité de l’étude d’ensemble sur la négociation collective dans le secteur public a été relevée. Les membres travailleurs considèrent qu’il convient de veiller à ce que les nouvelles lois adoptées par la Turquie ne mettent pas en péril les principes de la convention. Une analyse approfondie de la nouvelle loi sur les relations collectives de travail et une vérification de la conformité de la loi no 6289 et de sa mise en œuvre au regard de la convention no 98, de la convention no 151 et de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, s’avèrent à cet égard nécessaires.
Les membres employeurs ont rappelé que la Turquie est membre de l’OIT depuis 1932 et que, vis-à-vis de la présente convention, elle a été appelée pour la dernière fois devant cette commission en 2000. Ils ont fait état des informations demandées au gouvernement par la commission d’experts à propos des points suivants: la procédure applicable pour examiner les plaintes relatives à la discrimination antisyndicale dans le secteur public; les données statistiques démontrant les progrès réalisés dans le traitement efficace des allégations d’actes de discrimination antisyndicale; la copie de la loi sur les relations collectives de travail, afin de prendre connaissance de son contenu et de sa portée. Ils ont souligné la satisfaction exprimée par la commission d’experts à propos des réformes législatives qui renforcent les droits des fonctionnaires et autres employés publics en matière de négociation collective. En revanche, comme l’a mentionné la commission d’experts, certaines questions restent encore à traiter, comme la nécessité de prévoir dans la législation la participation directe à la négociation collective de l’employeur aux côtés des autorités économiques. Les membres employeurs ont félicité le gouvernement de la Turquie pour les informations concernant la loi no 6356, fruit du dialogue social, remplaçant deux normes qui réglementaient la négociation collective. Des changements importants se sont produits en Turquie grâce au dialogue social et au respect du tripartisme, comme le montre la déclaration commune des partenaires sociaux du 10 avril 2013. Grâce à la loi no 6289 et à d’autres changements importants, le pays progresse vers la mise en œuvre pleine et entière de la convention. Dans la mesure où ces réformes établissent un niveau de protection plus approprié pour les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives, il convient que la commission fasse une nouvelle lecture de l’application de la convention en Turquie. Grâce à la mise en place d’activités de coopération technique, le gouvernement devrait rapidement être en mesure d’appliquer de manière pleine et entière la convention.
Un membre travailleur de la Turquie a indiqué que son organisation a participé activement à la préparation de la loi no 6356 mais que le texte final a été amendé de diverses façons sans qu’un plein consensus n’ait été atteint. La commission d’experts avait formulé l’espoir que cette réforme permettrait d’apporter les amendements nécessaires à la législation. Toutefois, des amendements importants sont toujours en attente. La nouvelle loi a supprimé l’«indemnisation syndicale» pour violation des droits syndicaux lorsqu’un travailleur ou une travailleuse est licencié(e) pour ses activités syndicales dans des établissements employant au maximum 30 personnes, ce qui est source de difficultés pour l’activité syndicale de 6,5 millions de travailleurs. Pour ce qui est des critères de représentativité requis pour la négociation collective, il a considéré que le seuil devrait être maintenu à un niveau garantissant l’existence de syndicats indépendants et forts et ne devrait pas avoir d’effets négatifs sur le droit d’organisation. Au niveau de la branche, la nouvelle loi a abaissé le seuil de 10 pour cent à 3 pour cent. Toutefois, la principale difficulté concerne le seuil de «50 pour cent plus un» au niveau de l’établissement et de celui de 40 pour cent au niveau de l’entreprise, qui ont été maintenus dans la nouvelle loi. En outre, alors que le certificat de compétence qui ouvre le droit à négociation est émis par le ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, des recours contre cette décision peuvent être introduits par l’employeur ou par une autre organisation syndicale. Des aménagements doivent être pris en concertation avec les parties concernées pour surmonter ce problème. S’agissant des manquements dans la mise en œuvre d’autres conventions fondamentales, en particulier de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, il faut noter que la pratique consistant à chercher des failles dans la législation pour tenir le syndicat à l’écart du lieu de travail reste de mise et elle constitue le principal obstacle à une mise en œuvre effective de la législation nationale, de la convention no 87 et d’autres conventions. Dans ce contexte, l’orateur évoque les difficultés rencontrées par le Syndicat des travailleurs de l’alimentation et du tabac pour arriver à un consensus avec l’employeur public, notamment par le biais d’une grève de 10 000 travailleurs, et par le Syndicat des travailleurs de l’aviation pour obtenir un accord sur la réintégration de 305 de ses 350 adhérents qui avaient été licenciés pour leurs activités syndicales.
Un autre membre travailleur de la Turquie a noté les modifications législatives et indiqué que, malgré les améliorations, comme souligné dans le rapport de la commission d’experts, les agents de l’Etat connaissent encore de grands problèmes, voire même des régressions en ce qui concerne l’application de la convention, malgré la visite de missions de haut niveau dans le pays en 2008 et 2010. L’orateur a par la suite fait observer plusieurs difficultés, notamment: même si la loi étend la période de négociation collective à trente jours, en pratique, les négociations sont seulement effectivement possibles pendant quinze jours, ce qui est insuffisant; seuls les chefs des délégations des parties concernées peuvent recourir au conseil d’arbitrage en cas de désaccord; les membres employeurs jouissent d’une position dominante au sein du conseil d’arbitrage public; on ne peut faire appel d’une décision du conseil d’arbitrage; en vertu de la loi no 4688 modifiée, les fonctionnaires des institutions militaires et les gardes de sécurité ne jouissent toujours pas du droit d’organisation; à cet égard, le membre travailleur a mentionné le licenciement de membres du syndicat de police Emniyet-Sen; la loi no 4688 modifiée n’inclut aucune réglementation empêchant l’inégalité de traitement entre les syndicats; et les actions collectives de tout type, telle la grève, ne sont pas reconnues pour les fonctionnaires. Enfin, les événements actuels en Turquie sont la conséquence de l’absence de dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux.
Le membre employeur de la Turquie a indiqué que le pays vient d’achever un processus de réformes radicales s’agissant de la législation relative aux relations collectives de travail. La loi récemment adoptée sur les syndicats et les conventions collectives inclut d’importantes modifications sur des thèmes comme l’affiliation syndicale et la désaffiliation; le nombre de branches d’activité: l’interdiction des grèves et des lock-out; et la capacité de négocier collectivement. Au titre des résultats obtenus sur des questions qui ont fait l’objet de débats et de critiques de la part de l’OIT pendant environ deux décennies, il est possible de citer: la possibilité de conclure des accords-cadres; la suppression de l’exigence d’être citoyen turc pour fonder un syndicat, la suppression de l’exigence d’une attestation notariée pour devenir membre d’un syndicat; annuler son adhésion ou radier un membre; le fait que le fonctionnement d’un syndicat relève de ses statuts et que des règlements ont été établis qui permettent aux syndicats de mener librement leurs activités; l’élimination des limites imposées aux cotisations syndicales; la réduction des seuils de représentativité concernant les branches d’activité; la réduction du seuil pour accéder à la négociation collective au niveau de l’entreprise; la réduction de la portée de l’interdiction des grèves et la suppression des peines d’emprisonnement pour certaines infractions. La nouvelle loi a été élaborée en recourant au maximum au dialogue social, et près de 95 pour cent de ces dispositions expriment un large consensus entre les partenaires sociaux turcs. Est aussi mentionnée la signature cette année par le ministère turc du Travail et un grand nombre de partenaires sociaux d’une déclaration commune, dans laquelle est exprimé, compte tenu des réformes juridiques importantes qui ont été adoptées dans le pays, le soutien à l’ouverture du chapitre social et de l’emploi dans le cadre des négociations pour l’adhésion à l’Union européenne. Il a finalement estimé que l’étendue des réformes juridiques et la participation des partenaires sociaux en Turquie justifient que le pays soit retiré de la liste des cas individuels.
Une observatrice représentant la Confédération syndicale internationale (CSI), faisant également référence à la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) et à la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), a déclaré que les violations des droits de l’homme et des droits syndicaux commises actuellement en Turquie restreignent à tous égards la liberté syndicale et la liberté de réunion. Il n’est pas possible de discuter du processus de négociation collective en Turquie sans tenir compte du climat de répression qui règne dans le pays, et en particulier de la répression dirigée contre les membres de la KESK. Il convient de noter à cet égard l’interdiction de voyager qui frappe le président de cette confédération qui n’a dès lors pas pu assister à la Conférence, l’emprisonnement de 89 syndicalistes et les procédures judiciaires intentées contre pratiquement toutes les activités organisées par la KESK. Cinq cent mille fonctionnaires sont privés du droit de créer des syndicats ou d’y adhérer. Il est important que la négociation collective aborde la question des droits syndicaux et des droits politiques et de leurs liens avec d’autres droits, tels que le droit des fonctionnaires d’adhérer à des partis politiques, la sécurité de l’emploi pour tous les travailleurs du secteur public ou encore le droit à la garde d’enfants. Alors que le droit de grève devrait être garanti dans le cadre de la négociation collective, ce droit est inexistant dans le secteur public. S’agissant des critères de représentation pour la négociation collective, l’oratrice fait état des difficultés rencontrées, sous forme de répression notamment, pour représenter les fonctionnaires, ce qui a eu pour conséquence que d’autres syndicats, plus proches du gouvernement, ont été favorisés lors du processus de négociation collective. En outre, la désignation par le gouvernement des membres des conseils d’arbitrage implique elle aussi une violation du droit de négociation collective du fait que le gouvernement peut peser directement sur les négociations. La nouvelle loi n’a pas supprimé les seuils imposés pour la négociation collective, et le seuil des «50 pour cent plus un» est maintenu au niveau des entreprises. A cause du seuil de 3 pour cent au niveau de la branche, 28 syndicats sur 51 risquent de perdre leur homologation. Cela veut dire que 5,1 millions de travailleurs représentant 6 pour cent de la population active ne seront pas en mesure de trouver un syndicat habilité à conclure une convention collective.
Le membre gouvernemental du Pakistan a indiqué que la Turquie a ratifié toutes les conventions fondamentales et que la commission d’experts a pris note avec satisfaction de l’application de la convention no 98. Il est donc décevant de voir ce cas figurer dans la liste des cas individuels. La Turquie a fait beaucoup pour mettre sa législation en conformité avec la convention no 87, ainsi qu’avec la convention no 98. Les nouvelles lois ont été adoptées après un dialogue intense avec les partenaires sociaux, ce qui est un signe que le tripartisme fonctionne bien dans le pays.
La membre travailleuse de la France, faisant également référence à l’Internationale de l’éducation, a souligné l’importance d’un dialogue social tripartite et effectif pour la justice sociale, la lutte contre les inégalités et le respect des principes et droits fondamentaux au travail, lesquels, tels que reconnus par la Commission sur la discussion récurrente de la Conférence internationale du Travail de 2012, constituent des droits humains. Le respect de la liberté d’expression dans un cadre démocratique est fondamental pour le développement du dialogue social, ce qui est loin d’être une réalité en Turquie. Elle a ensuite relevé que le Comité de la liberté syndicale, dans ses conclusions de mars 2012 relatives à une plainte présentée en 2010 pour violation de la convention no 98, a rappelé que «nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir mené ou tenté de mener des activités syndicales légitimes». Pourtant, de nombreux syndicalistes sont actuellement emprisonnés en Turquie ou sont sous le coup d’interdiction de voyager pour cause de procédures en cours. Ces procédures sont démesurément longues comme le démontre le cas des 72 membres et dirigeants de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) arrêtés par la police et soumis à procès depuis 2012. Vingt-deux des syndicalistes détenus ont passé 289 jours en prison avant l’ouverture du procès. S’ils ont obtenu une liberté sous caution, le procès à leur encontre poursuit son cours. Quant au président de la KESK, il est frappé d’interdiction de sortie du territoire pour procès en cours et ne peut pour cette raison assister à la Conférence. Les retards de procédure relèvent du harcèlement et de l’intimidation contre les syndicalistes. Quant aux longues périodes de détention provisoire, la membre travailleuse a souligné qu’elles constituent une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a considéré que, dans ces conditions, la négociation collective est clairement devenue impossible.
Un observateur représentant IndustriALL Global Union, a souligné que la Turquie avait connu une année très difficile en matière de droits de négociation collective en 2012. D’après la législation nationale, le processus de négociation collective ne peut être lancé qu’après délivrance d’un certificat de compétence par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi sur la négociation collective, en novembre 2012, le ministère n’a délivré aucun certificat de compétence pour aucun syndicat. Du fait de cette décision administrative arbitraire et illégale, le droit de négociation collective a été suspendu de fait, ce qui contrevient aux dispositions de la convention et à la Constitution de la Turquie. IndustriALL Global Union a porté plainte devant l’OIT au sujet de cette situation. D’après la législation nationale, les syndicats qui ne peuvent obtenir de certificat de compétence ne peuvent recueillir de cotisations ni nommer de représentants syndicaux, ce qui met en péril la viabilité des syndicats et empêche les travailleurs de jouir de leurs droits fondamentaux. En particulier, les travailleurs se sont massivement abstenus de s’affilier à des syndicats car ceux-ci n’auraient pas été en mesure de protéger leurs membres de quelque manière que ce soit. Les difficultés n’ont pas cessé avec l’adoption de la nouvelle loi. Cette dernière maintient les seuils de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective, ce qui constitue un obstacle à l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective car de nombreux syndicats risquent de ne plus être reconnus à ces fins du fait de la création de secteurs plus larges. La Turquie est le seul pays où un seuil sectoriel s’applique pour la négociation collective au niveau de l’établissement, et un tiers des membres des syndicats n’ont pas accès aux droits de négociation collective. En attendant, les seuils au niveau de l’établissement sont encore trop élevés, ce qui plonge les syndicats dans de profondes difficultés. En outre, la nouvelle législation ne prévoit aucune solution pour les très longues procédures judiciaires liées à la pratique courante des employeurs visant à contester la délivrance du certificat de compétence par le ministère du Travail. Pendant ces procédures judiciaires, les membres des syndicats sont souvent licenciés, comme le montrent de nombreux cas concrets concernant des grandes marques des secteurs textile, chimique et métallurgique.
Le membre gouvernemental de l’Egypte a déclaré que le gouvernement avait pris des mesures importantes en vue de modifier la législation nationale pour assurer sa conformité avec les conventions internationales. Ces changements ont été apportés dans le cadre d’un dialogue social constructif et avec l’engagement de l’ensemble des partenaires sociaux. Ainsi, il convient de noter l’adoption, en avril 2012, de la nouvelle loi relative à la négociation collective des fonctionnaires, qui respecte les principes prévus dans les conventions nos 87 et 98, ainsi que l’abrogation de certaines dispositions de la Constitution qui restreignaient les droits de négociation collective. L’orateur a par conséquent demandé que ce cas ne soit plus examiné par cette commission.
Le membre travailleur de l’Allemagne a déclaré que les actes de discrimination dont sont victimes les syndicalistes dans le secteur privé et le secteur public sont préoccupants et que la discrimination contre les personnes qui veulent se syndiquer constitue une violation patente de la convention. Cette situation affecte non seulement les sociétés nationales, mais également les entreprises internationales présentes en Turquie. L’orateur s’est référé à plusieurs cas d’employés qui ont été victimes de manœuvres d’intimidation car ils voulaient adhérer à un syndicat. Par exemple, le 20 novembre 2007, 17 employés syndiqués ont été arrêtés à Ankara pour avoir soi-disant créé une organisation terroriste ce qui, d’après le syndicat, est dénué de tout fondement. Ces employés ont été relâchés après 200 jours d’emprisonnement, et le gouvernement n’a fourni aucune information à cet égard. En décembre 2012, 11 employés ont été condamnés par le tribunal pénal d’Ankara à des peines de prison allant de un à six ans. Ces cas montrent l’ampleur de la discrimination antisyndicale et suscitent de vives préoccupations. Il faut continuer à suivre cette situation de près.
Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (ISP) a rappelé que, l’an dernier, les droits des syndicats en Turquie ont fait l’objet d’attaques sans précédent, avec notamment l’arrestation en février 2013 de 151 représentants syndicaux, pour la plupart membres de la KESK, et la détention en février 2012 de 15 femmes syndicalistes et de 67 autres syndicalistes en juin 2012. Depuis, certaines des personnes arrêtées ont été libérées, mais d’autres sont toujours emprisonnées sans que des charges n’aient été officiellement retenues contre elles. Des descentes de police armée dans des locaux des syndicats ont été signalées ces derniers mois, avec recours à une violence excessive et, il y a quelques jours, des travailleurs municipaux d’Ankara ont été menacés d’être licenciés s’ils prenaient part à des actions de protestation. Par ailleurs, le nouveau projet de réforme de la législation du travail a pour unique objectif de rendre de plus en plus difficile l’enregistrement des syndicats et le recours à la négociation collective. Il s’agit là en substance d’un autre élément de la stratégie antisyndicale du gouvernement. L’oratrice a demandé au gouvernement de mettre fin à ces actes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des membres et des dirigeants des syndicats, à libérer dans les plus brefs délais les personnes détenues et à entreprendre la révision de la réforme de la législation du travail.
La membre travailleuse des Pays-Bas a centré ses commentaires sur trois questions. Premièrement, s’agissant de la célébration du 1er mai, l’oratrice a regretté l’usage excessif de la violence par la police lors des réunions qui ont eu lieu cette année sur la place Taksim. Ces événements ont jeté une ombre sur l’initiative du gouvernement de déclarer le 1er mai comme jour férié – initiative qui avait été généralement considérée comme un progrès. Deuxièmement, en ce qui concerne la protection contre la discrimination fondée sur l’affiliation à un syndicat et la participation à des activités syndicales, il convient de souligner que la négociation collective est l’un des principaux instruments de redistribution des revenus et, dans la mesure où la négociation collective fait l’objet de restrictions excessives en droit et en pratique, la Turquie a été identifiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme figurant parmi les trois pays où l’inégalité des revenus est la plus importante. Il est donc de la plus haute importance que la nouvelle loi sur les syndicats et les conventions collectives élimine effectivement les obstacles juridiques à la négociation collective. Ce n’est que de cette façon que le gouvernement pourra mettre en conformité la législation avec la convention. Par ailleurs, il est regrettable que la commission d’experts n’ait pas été en mesure d’examiner la nouvelle loi, ce qui aurait permis une discussion au sein de cette commission. Troisièmement, en ce qui concerne le «double seuil», qui a imposé aux syndicats une exigence de représentation plus élevé pour pouvoir participer à la négociation collective, il ressort des informations disponibles et de la déclaration du représentant gouvernemental que ce double seuil s’applique toujours. Il a pourtant fait l’objet de critiques de la part de la commission d’experts et de cette commission à plusieurs reprises. Le pourcentage de représentation exigé serait augmenté – il est de 1 pour cent actuellement. La commission avait demandé au gouvernement de mettre sa législation en conformité avec la convention. Pour ce faire, il n’aurait pas dû augmenter le seuil de représentation du secteur au-dessus de 1 pour cent. Les travailleurs dans les entreprises de moins de 30 salariés jouissent d’une protection moindre contre la discrimination antisyndicale. Toutefois, l’article 25.5 de la nouvelle loi est ambigu et pourrait laisser entendre que les travailleurs des petites entreprises de moins de 30 salariés ne peuvent plus recourir à la justice pour obtenir une indemnisation en cas de licenciement abusif fondé sur la participation à des activités syndicales. Le gouvernement devrait être prié de supprimer dès que possible cette forme flagrante de discrimination antisyndicale. La croissance économique doit se baser sur un socle de normes fondamentales du travail, auquel appartient la convention no 98, qui s’applique à tous les travailleurs.
Le représentant gouvernemental a fourni des explications supplémentaires en réponse aux différents points soulevés pendant la discussion. S’agissant du licenciement de travailleurs qui aurait été prononcé au motif de leur affiliation à un syndicat, il a attiré l’attention sur le Code pénal et sur la législation relative aux syndicats qui prévoient de lourdes sanctions en cas de discrimination antisyndicale. Les personnes qui ont des raisons de penser qu’elles sont victimes de discrimination basée sur leurs activités syndicales peuvent porter plainte à tout moment. S’agissant des plaintes relatives à la discrimination antisyndicale dans le secteur public, des mesures sont prévues dans la loi no 4688 et dans les circulaires pertinentes visant à protéger le droit d’organisation, à éviter toute restriction à la liberté syndicale et à garantir une protection suffisante contre tout type de discrimination. L’article 18(2) de la loi dispose qu’aucune institution ne peut transférer un dirigeant syndical, un représentant syndical de la province ou du district et un administrateur de secteur à un autre poste sans en donner les raisons spécifiques. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les syndicalistes sont poursuivis en justice pour terrorisme dans le but de stigmatiser et de délégitimer systématiquement les activités syndicales, il y a lieu de rejeter ces accusations qui sont totalement infondées. La Turquie est un pays démocratique, un Etat de droit, doté d’un pouvoir judiciaire indépendant. Si des membres de syndicat ont été arrêtés ou jugés, ces arrestations ne sont pas liées à leurs activités syndicales mais plutôt à leur participation à des activités terroristes violentes ou à la constitution d’organisations terroristes. Les informations envoyées par le ministère de la Justice et de l’Intérieur montrent que des syndicalistes ont été arrêtés pour infraction à la loi no 5237 relative au Code pénal, à la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme et à la loi no 2911 sur les manifestations et les marches. S’agissant du système de double seuil qui constituerait un obstacle à la négociation collective, l’orateur a expliqué que le seuil sectoriel devrait être ramené à 3 pour cent à partir de juillet 2018 mais le gouvernement est prêt à envisager la requête des membres travailleurs de ne pas fixer ce seuil au-dessus de 1 pour cent. S’agissant de la diminution du nombre de syndicats autorisés à signer des conventions collectives du travail, il convient de noter que le certificat de compétence octroyé à un syndicat pour qu’il puisse conclure une convention collective était auparavant déterminé par rapport à des statistiques inexactes et gonflées fournies par les syndicats. Le gouvernement a introduit un nouveau système fondé sur le recoupement des chiffres de l’Institut de sécurité sociale depuis 2009, ce qui a permis d’obtenir des chiffres plus précis concernant le nombre d’affiliés et le taux de syndicalisation. D’après de récentes statistiques, en 2013, le taux de syndicalisation en Turquie est de 9,21 pour cent, ce qui est bien entendu inférieur aux chiffres précédemment établis. Les syndicats devraient par conséquent redoubler d’efforts pour augmenter le nombre de leurs affiliés.
Se référant aux incidents ayant entouré les célébrations du 1er mai sur la place Taksim, son gouvernement ne pouvait accepter aucune accusation, et il a indiqué que le gouvernement avait rendu possibles les célébrations du 1er mai sur la place Taksim après une longue période d’interdiction. A une exception près, le 1er mai a été fêté de manière pacifique dans tout le pays: 136 événements se sont déroulés dans 76 provinces et ont enregistré la participation de 250 000 personnes. Cette année, la place Taksim a été fermée aux rassemblements de masse pour des raisons de sécurité du fait de travaux de construction en cours. Certains groupes marginaux ont provoqué des incidents violents ayant endommagé des biens publics et privés mais les actions policières n’ont à aucun moment été dirigées contre des locaux de syndicats ou contre tout groupe exerçant son droit à la liberté syndicale ou à la liberté d’expression.
Les membres travailleurs ont souligné que le gouvernement devait être prié de transmettre les données statistiques demandées par la commission d’experts afin que cette dernière puisse s’assurer que la procédure applicable aux plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public est suffisamment protectrice. S’agissant du secteur privé, le gouvernement ayant indiqué qu’il ne disposait pas de statistiques sur les cas de discrimination antisyndicale, il devrait être prié de mettre en place un système fiable permettant de répertorier ces cas. Par ailleurs, le gouvernement devra également fournir des informations détaillées sur la manière dont la nouvelle loi sur les relations collectives de travail a tenu compte des commentaires formulés depuis de nombreuses années par la commission d’experts dans la mesure où certaines exigences contenues dans cette loi semblent contraires aux dispositions de la convention. Les membres travailleurs ont conclu en soulignant que le processus de collaboration entre le Bureau et le gouvernement n’ayant pas encore produit les résultats escomptés, la coopération technique devrait être intensifiée pour résoudre des questions urgentes: retirer de la loi sur les relations collectives du travail les dispositions qui pourraient aboutir à une discrimination entre les travailleurs des petites et des grandes entreprises; ne pas augmenter le seuil établi pour la création des syndicats – le gouvernement ayant manifesté sa bonne volonté à cet égard –; et lever les obstacles à la liberté d’expression et à l’action collective des syndicats.
Les membres employeurs ont salué les progrès réalisés dans le domaine de la législation du travail et ont souligné que ceux-ci sont le fruit du dialogue social tripartite. Néanmoins, le gouvernement doit fournir des informations plus complètes qui incluent des données statistiques spécifiques afin qu’il soit possible d’évaluer l’ampleur du problème dans le secteur public. Par ailleurs, la législation doit être modifiée, en consultation avec les partenaires sociaux, afin d’assurer sa pleine conformité avec la convention. A cette fin, le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du Bureau et s’engager à collecter les informations demandées ainsi qu’à envoyer un rapport détaillé pour la prochaine session de la commission d’experts.
Conclusions
La commission a pris note des informations orales fournies par le gouvernement et du débat qui a suivi.
La commission a noté que les problèmes qui demeurent concernent de nombreuses allégations d’actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, les mécanismes nationaux de plainte contre ces actes et la nécessité de se doter d’un cadre législatif pour une négociation collective libre et volontaire.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’adoption de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives du travail et de la loi no 6289 sur la négociation collective dans le service public, adoptées dans un esprit de tripartisme et de dialogue social soutenu dans lequel les normes de l’OIT constituent le principal point de référence. La commission a observé que le gouvernement avait énuméré plusieurs dispositions qui étaient davantage conformes à la convention. Le gouvernement a également affirmé qu’il serait aussi tenu compte des commentaires des représentants des travailleurs sur le système de double seuil.
La commission s’est félicitée des progrès accomplis qui ont été observés dans ce cas grâce à l’adoption de la loi sur la négociation collective dans le service public. Elle a toutefois noté qu’il fallait redoubler d’efforts en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs du service public qui ne sont pas couverts par cette loi et d’autres restrictions à la négociation collective dans le secteur public. La commission a exprimé le ferme espoir que la législation, ainsi que son application dans la pratique, serait pleinement conforme à la convention et a invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cet égard. Plus particulièrement, la commission a prié le gouvernement d’établir un système de recueil des données sur la discrimination antisyndicale dans le secteur privé et de veiller à ce que toute ambiguïté dans la nouvelle législation soit levée à la lumière de l’évaluation faite par la commission d’experts. La commission a prié le gouvernement de fournir toutes les informations pertinentes, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des mécanismes nationaux de plainte et toutes les données statistiques relatives à la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Enfin, la commission a prié le gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d’experts pour examen à sa prochaine session.
Un représentant gouvernemental a pris note des observations de la commission d'experts concernant le respect de la protection contre la discrimination antisyndicale, les restrictions à la négociation collective, le droit pour les fonctionnaires de se syndiquer, et le droit pour les travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE) de négocier collectivement.
Abordant la question de la discrimination antisyndicale, l'orateur a rappelé que son gouvernement a communiqué copie, dans son dernier rapport, de plusieurs décisions de justice qui, selon les termes mêmes de la commission d'experts, montrent que, dans diverses affaires portant sur la discrimination antisyndicale, des compensations ont été accordées assez fréquemment. Dans de telles circonstances, l'article 31 de la loi sur les syndicats prévoit une compensation non inférieure au montant total du salaire annuel du travailleur concerné. Ce montant peut en outre être majoré par effet d'une convention collective ou par décision d'un tribunal. Le montant de cette compensation n'est pas fixe et son principe n'altère pas les droits prévus par la législation du travail ou toute autre loi en faveur du travailleur.
En réponse aux propos selon lesquels la négociation collective ferait l'objet de restrictions, l'orateur a rappelé que la commission d'experts a constaté que les limitations que la législation pose à la négociation collective ne semblent pas être observées par les organisations syndicales, lesquelles, dans la pratique, sont libres de recourir à ce moyen. Il a informé la commission du fait que deux projets de loi tendant à modifier plusieurs textes, dont la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, la grève et le lock-out, sont actuellement à l'étude et que ces derniers tiennent compte des commentaires formulés par la commission d'experts en vue de promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective en Turquie. Ces deux textes ont été communiqués aux partenaires sociaux pour avis et une réunion a eu lieu à ce sujet le 30 mai. Des consultations avec les partenaires sociaux se poursuivront dans les semaines à venir. Les textes en question tendent à améliorer les droits relatifs à la négociation collective de même que la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. C'est ainsi que, par exemple, pour conférer un statut légal à l'implication active, qui existe d'ores et déjà, des confédérations dans la coordination des activités de négociation de leurs affiliés, l'amendement proposé autoriserait ces confédérations à conclure des conventions de base au niveau national en vue de fixer des normes générales devant servir de références à leurs affiliés dans le cadre des négociations. Ces projets de textes modificateurs introduisent également des définitions et des clarifications juridiques sur la notion de "conventions collectives de groupe (multi-employeurs)", formule qui, dans la pratique, tient lieu de conventions de branche.
Pour ce qui est du double critère servant à déterminer le statut représentatif d'un syndicat aux fins de la négociation collective, l'orateur a fait valoir que le gouvernement a proposé aux partenaires sociaux, avec le projet de texte susmentionné, l'abrogation de la règle imposant à un syndicat de représenter au moins 10 pour cent des effectifs de la branche d'activité considérée pour que cette qualité lui soit reconnue. Si cette clause est acceptée par les partenaires sociaux, un syndicat représentant la majorité des travailleurs sur le lieu de travail sera réputé représentatif aux fins de la négociation. La forme finale du texte législatif qui sera proposé dépendra de la réponse des partenaires sociaux et du processus parlementaire.
En ce qui concerne le droit, pour les fonctionnaires, de se syndiquer, l'orateur indique que le projet de loi sur les syndicats n'a pas été adopté parce que les partis de l'opposition ont demandé sa révision de même que la tenue d'élections générales dans le pays. Un nouveau projet de loi est désormais inscrit à l'ordre du jour du parlement et est actuellement débattu par la Commission parlementaire de planification et du budget. L'orateur signale à l'attention de la présente commission que le projet de loi soumis par le gouvernement a d'ores et déjà été amendé par la Commission parlementaire pour la santé et les affaires sociales et pourrait encore faire l'objet d'autres modifications avant son adoption.
S'agissant des ZFE, l'orateur a informé la commission d'un amendement tendant à abroger l'article provisoire premier de la loi no 3218 de 1985 sur les zones franches d'exportation. Avec l'abrogation de l'arbitrage obligatoire, qui n'a été imposé que pour une période de dix ans, il ne subsistera pas de restrictions aux droits des travailleurs des zones franches d'exportation de négocier collectivement.
L'orateur a souligné que la Turquie reste attachée à la participation des organisations d'employeurs et de travailleurs à la formulation et à la mise en oeuvre des mesures envisagées par la convention no 144. En fait, un projet de loi sur la création, le fonctionnement et les principes d'un conseil économique et social a été élaboré dans le cadre de consultations avec les partenaires sociaux et se trouve aujourd'hui inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres. Lorsqu'il aura été adopté, ce texte conférera au système de dialogue social un statut légal et l'institutionnalisera au plus haut niveau, pratique qui a déjà cours depuis 1995 en application de diverses circulaires gouvernementales. Pour conclure, l'orateur a signalé à la commission qu'un accord de coopération entre l'OIT et la Turquie serait signé prochainement et que cet accord prévoit la poursuite d'une coopération satisfaisante entre l'OIT et les mandants turcs pour ce qui est de la promotion des quatre objectifs stratégiques de l'Organisation.
Les membres employeurs ont fait observer que c'est la dix-huitième fois en 20 ans que la commission est saisie du cas de la Turquie, ce qui en fait le cas le plus souvent discuté par cette instance, aspect qui, cependant, ne préjuge en rien de sa gravité par rapport à d'autres. Ils ont tenu à faire valoir que, à propos de ce cas, les représentants gouvernementaux se sont toujours présentés devant la commission et que celle-ci a toujours constaté des progrès sur les points soulevés par la commission d'experts dans ses commentaires.
Les membres employeurs ont pris note du nombre de décisions judiciaires en rapport avec les articles 1 et 3 de la convention, qui fait apparaître que, dans diverses affaires de discrimination syndicale, des compensations ont été accordées assez fréquemment. En l'occurrence, des compensations accordées n'étaient pas inférieures au montant total du salaire annuel du travailleur, ce que les membres employeurs considèrent comme plutôt élevé. A cet égard, il serait opportun que les conclusions de la présente commission fassent ressortir que la commission d'experts n'a pas émis de critiques sur ce point, mais qu'elle a seulement demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations à ce sujet.
Pour ce qui est de l'interdiction faite aux confédérations de négocier collectivement, le gouvernement explique dans son rapport que le caractère hétérogène de ces confédérations permettrait difficilement de conclure des conventions obéissant à un ordre hiérarchique, mais qu'en revanche leur implication active dans le processus de négociation est une pratique largement acceptée. Sur ce point, les membres employeurs sont d'avis qu'il est plus important de constater qu'une telle négociation collective a effectivement cours plutôt que d'avoir à se pencher sur l'existence de dispositions légales qui ne seraient pas appliquées. Pour ce qui est de la disposition constitutionnelle selon laquelle il ne peut être conclu plus d'une convention collective par établissement ou entreprise dans un délai déterminé, ils ont relevé que la négociation collective à l'échelle de la branche existe dans la pratique et que les conventions collectives touchent tous les secteurs d'activité.
S'agissant du plafonnement imposé aux indemnités par la loi mais pouvant être majoré par voie de négociation, les membres employeurs ont déclaré que cela constitue, de leur point de vue, une approche normale. Le montant de ces indemnités correspond à un mois de salaire par année d'ancienneté, ce qui est plus élevé, dans certains cas, que ce qui se pratique dans des pays plus développés. Ils pensent que les commentaires de la commission d'experts à cet égard portent davantage sur des aspects généraux de l'article 4 qui concerne la promotion de la négociation collective. Ils ont tenu à rappeler l'importance du fonctionnement de la négociation collective dans la pratique.
S'agissant du droit pour les fonctionnaires de se syndiquer, les membres employeurs ont relevé que le projet de loi concernant les syndicats de fonctionnaires avait été rejeté et qu'un nouveau projet avait été soumis au parlement.
En ce qui concerne les critères fixés par la législation pour déterminer le statut représentatif des syndicats aux fins de la négociation collective, les membres employeurs ont rappelé qu'il s'agit là d'une question bien connue de la présente commission. Le gouvernement serait favorable à une modification des dispositions pertinentes, mais ce sont les partenaires sociaux qui n'en veulent pas. En tout état de cause, une législation qui stipule les critères de détermination du statut de représentativité des syndicats aux fins de la négociation collective est contraire à la convention et le gouvernement doit faire en sorte que cette législation soit rendue conforme aux prescriptions de la convention. Les membres employeurs jugent critiquable que, tandis que les partenaires sociaux bloquent toute tentative de modification de la législation en cause, les représentants des travailleurs turcs continuent de soulever cette question devant la commission.
S'agissant du caractère obligatoire de l'arbitrage pour le règlement des conflits collectifs du travail dans les zones franches d'exportation, les membres employeurs ont relevé que ces dispositions doivent venir à expiration prochainement.
Enfin, les membres employeurs se félicitent de la mise en place d'une commission tripartite ayant pour mandat d'examiner la législation du travail et de proposer des amendements en tant que de besoin. Pour conclure, les membres employeurs ont déclaré qu'il devrait être demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations, en particulier sur les mesures prises pour faire disparaître toute divergence qui pourrait subsister entre la législation en vigueur et les prescriptions de la convention.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental des informations qu'il a fournies et de sa volonté de discuter le cas de manière franche et ouverte. Ils ont exprimé l'espoir que cette attitude positive se traduira par un réel progrès au courant de l'année prochaine. Ce cas, discuté à de nombreuses reprises dans le passé, présente à la fois des aspects réjouissants et d'autres frustrants. Il est réjouissant de savoir que des progrès ont été accomplis, comme la ratification de la convention no 87 en 1993. Par contre, il est frustrant de constater que les progrès annoncés ne se sont pas matérialisés. Cette tension s'est clairement manifestée dans l'observation de la commission d'experts. Concernant l'application des articles 1 et 3 de la convention traitant de la discrimination antisyndicale, la commission d'experts a semblé indiquer que certains progrès avaient été enregistrés, mais a prié le gouvernement de lui faire rapport sur l'adoption de la nouvelle législation, annoncée dans son rapport précédent. Malheureusement, le représentant gouvernemental a indiqué que cette nouvelle législation est toujours en discussion au parlement. Les membres travailleurs ont noté que, d'après la commission d'experts, un certain nombre de restrictions légales à la négociation collective subsistent depuis de nombreuses années et sont contraires à l'article 4 de la convention, ce, malgré l'indication du gouvernement que celles-ci seraient levées. Ces restrictions comprennent notamment l'interdiction de la négociation collective pour les confédérations, la restriction constitutionnelle de la convention collective unique par entreprise et le double critère pour la détermination du statut représentatif des syndicats. La législation actuelle donne pouvoir au ministre du Travail d'approuver la compétence des syndicats avant même le début des négociations. Ces pouvoirs, souvent utilisés de manière arbitraire, engendrent des retards importuns dans le processus de négociation. Les membres travailleurs ont rappelé au gouvernement que ce sont les parties elles-mêmes qui devraient déterminer le niveau de négociation et que la loi doit promouvoir la négociation plutôt que d'en prévoir simplement la possibilité. Ils ont ajouté que le double critère pour la détermination du statut représentatif des syndicats aux fins d'une négociation collective a pour résultat, en pratique, que les travailleurs dans de nombreux secteurs ne sont pas couverts par des conventions collectives en raison de conflits portant sur la représentativité de leurs syndicats. Cependant, malgré l'existence de restrictions légales substantielles à la négociation collective, la commission d'experts a noté que certaines d'entre elles semblent être ignorées en pratique, permettant aux organisations de travailleurs de poursuivre la négociation collective assez librement. Bien que les membres travailleurs n'adhèrent pas complètement à cette vision des choses, ils observent que, si c'était effectivement le cas, il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement refuse de changer les lois en fonction de la pratique. Bien que comprenant que le processus parlementaire est bien souvent lent, ils ont rappelé que celui-ci traîne depuis de longues années et que la crédibilité du gouvernement commence à être mise en question.
Les membres travailleurs ont également exprimé leur frustration quant à l'absence de progrès dans l'adoption du projet de loi sur les syndicats de la fonction publique, qui est également en chantier depuis de nombreuses années. Ils ont exprimé l'espoir que ce projet soit en conformité complète avec la convention et qu'il assure aux fonctionnaires des droits à la négociation collective complets, avec la seule exception éventuelle des personnes travaillant pour l'administration de l'Etat. La référence faite par la commission d'experts aux recommandations du Comité de la liberté syndicale portant sur un cas de restrictions imposées au droit de négociation collective des fonctionnaires et de l'intervention du gouvernement dans le processus de négociation collective suggère que certaines inquiétudes subsistent à propos de ce projet de loi. Les membres travailleurs ont donc rappelé au gouvernement, une nouvelle fois, que la convention requiert que la négociation collective soit promue et non simplement prévue ou tolérée. En rapport aux zones franches d'exportation (ZFE), la commission d'experts avait prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la nature volontaire de la négociation collective dans toutes les ZFE, dont le nombre augmente en Turquie comme dans beaucoup d'autres pays. Il y a actuellement 17 ZFE dans le pays, employant 15.000 travailleurs et il est prévu d'en créer huit autres dans un futur proche. Il est particulièrement dérangeant que pas un seul travailleur dans ces zones n'appartienne à un syndicat. Sans accès syndical aux ZFE, les travailleurs ne peuvent jouir d'aucun droit de négociation collective, alors que la période de dix ans durant laquelle l'arbitrage obligatoire était imposé a pris fin dans un certain nombre de ZFE. Les membres travailleurs ont prié le représentant gouvernemental de s'exprimer sur ce problème. Les membres travailleurs se sont réjouis du progrès accompli en Turquie depuis le début des années quatre-vingt en matière de droits fondamentaux des travailleurs. Il semble toutefois que le gouvernement ait décidé de faire une pause. Ils l'ont donc exhorté à finaliser le processus de mise en conformité de sa législation avec la pratique dans le cas des restrictions légales à la négociation collective et avec la convention en général. Bien que se réjouissant de l'esprit de dialogue dont a fait preuve le représentant gouvernemental, ils ont souligné qu'il était nécessaire que les changements promis soient finalement reflétés dans la pratique. Ils ont également prié instamment le gouvernement de considérer sérieusement l'offre d'assistance technique du BIT afin de faciliter l'élimination des obstacles subsistants à l'application de la convention.
Le membre travailleur de la Turquie a remercié à son tour le représentant gouvernemental pour les informations fournies, tout en rappelant que l'application de la convention par la Turquie avait fait l'objet d'un examen par la commission à 14 reprises depuis 1983. Bien que le pouvoir des travailleurs dans son pays soit très efficace dans les manifestations de masse, les marches, les rassemblements et les actions revendicatives, les problèmes relatifs à la législation persistent car ce pouvoir n'est pas directement reflété sur la scène politique. Il a souligné que la loi sur les syndicats ne prévoit pas de protection efficace contre la discrimination antisyndicale, puisque la charge de la preuve revient à la victime. En outre, le nombre de travailleurs clandestins en Turquie est estimé à plus de 4,5 millions, en plus des 750.000 travailleurs étrangers employés illégalement, qui ne disposent d'aucun recours contre leurs employeurs lorsqu'ils sont licenciés en raison d'activités syndicales. Il a ajouté que, la Turquie n'ayant pas mis sa législation en conformité avec la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, toute tentative d'exercer son droit d'organisation se heurte à la discrimination antisyndicale dans sa forme la plus sévère. L'intervenant s'est réjoui du fait que le gouvernement ait reconnu la contradiction entre la législation nationale et la convention, concernant l'interdiction de la négociation collective des confédérations. L'étape suivante sera d'éliminer cette divergence. Le gouvernement a également admis que l'exigence d'une convention collective unique par établissement ou entreprise est une violation de la convention. Une autre disposition contraire à la convention est l'article 3 de la loi no 2821, qui contient l'obligation de négocier au nom de tous les établissements d'une entreprise. Cela signifie qu'il n'est pas possible que les travailleurs d'un seul des multiples établissements d'une entreprise s'organisent et négocient en leur nom. Contrairement aux affirmations du gouvernement, il n'est légalement pas possible de conclure des conventions collectives au niveau d'un secteur. L'intervenant a ajouté que la négociation au niveau du secteur et la négociation par branche sont des pratiques différentes qui ne coïncident que très rarement. Dans son pays, l'absence d'une négociation par secteur laisse des milliers de travailleurs hors du champ d'application des conventions collectives dans les secteurs de la banque et des transports maritimes. En outre, la restriction portée au droit de négociation collective ne se limite pas au plafonnement des indemnités. L'article 5 de la loi no 2821 stipule que les clauses contraires aux dispositions légales ou réglementaires ne peuvent être incluses dans des conventions collectives. En vertu de ces dispositions, toute tentative de prévoir une sécurité de l'emploi par négociation collective, conformément à la convention no 158, est considérée comme nulle et invalide. Les parties à un tel accord risquent l'emprisonnement. L'intervenant a également indiqué que le délai de soixante jours imparti pour la conduite des négociations viole la convention no 98 et devrait être abrogé. En dépit de l'affirmation du gouvernement qu'une action de grève ne souffre aucune limite de temps, il a déclaré qu'il existe un délai supplémentaire de soixante jours pour l'exercice du droit de grève après que la décision de l'appel à la grève ne sera prise, sous peine de perdre ce droit.
L'intervenant a répété que l'ensemble de la législation du travail en Turquie devait être mise en harmonie avec les conventions ratifiées. Alors que le ministre du Travail conserve son pouvoir d'émettre des certificats d'approbation à la négociation collective, alors que l'affiliation à un syndicat nécessite l'approbation d'un officier public et alors que chaque établissement ne peut être couvert que par une seule convention collective, l'annulation du seuil de 10 pour cent ne ferait qu'aggraver les problèmes. Concernant le droit d'organisation des fonctionnaires, l'intervenant a souligné l'obligation de promouvoir, en vertu de la convention no 98, les négociations collectives pour tous les fonctionnaires qui ne sont pas employés dans l'administration de l'Etat. Il est nécessaire de tenir compte du fait que le terme "fonctionnaires" dans son pays couvre des catégories de travailleurs telles que les infirmières, les enseignants, les jardiniers, les employés de bureau et les conducteurs de train, qui sont privés de nombre de droits et libertés fondamentaux. Dans le cas no 1989, le Comité de la liberté syndicale a invité le gouvernement à éviter d'avoir recours à l'intervention dans le processus de négociation des fonctionnaires. Cependant, plus d'un an après que ces recommandations ont été émises, elles n'ont toujours pas été honorées.
Abordant le problème de l'arbitrage obligatoire, avec une attention particulière portée aux ZFE, l'intervenant a fait observer que les organes de contrôle de l'OIT ont limité l'interdiction éventuelle du droit de grève aux services essentiels au sens strict. A cet égard, il a souligné que les secteurs pétrolier, banquier, minier, des transports, de la production et de la distribution alimentaires, et de l'éducation ne sont pas essentiels au sens strict et que certains d'entre eux font pourtant l'objet de l'interdiction du droit de grève, et que les conflits survenant dans ces secteurs sont soumis à l'arbitrage obligatoire. Depuis de nombreuses années, le gouvernement turc a soutenu que les restrictions au droit de grève étaient en conformité avec la jurisprudence de l'OIT concernant les services essentiels. Or l'interprétation excessivement large de ce critère par le gouvernement s'illustre bien par les récentes suspensions de grèves dans des usines de pneus sur base de ce qu'elles portent préjudice à la défense nationale. De plus, l'arbitrage obligatoire ne se limite pas à des cas de suspension de grèves. Le large éventail de restrictions portées au droit de grève dans son pays a conduit à des cas d'arbitrage obligatoire pour des affaires de conflits d'intérêts, comme cela a été rappelé par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1810. En vue d'attirer des entreprises étrangères, les grèves et les lock-out n'ont pas été permis durant les dix ans suivant la création des ZFE. Tout conflit survenant dans le cadre de la négociation collective pendant cette période a dû être résolu par le Conseil suprême d'arbitrage. Ces pratiques sont contraires à la Déclaration tripartite des principes concernant les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT. En conclusion, l'intervenant a déclaré que des structures tripartites assez efficaces existent en Turquie et que le gouvernement a promis au cours des négociations de résoudre ces problèmes. Il est à espérer que ces promesses seront honorées dans un futur proche, que les changements nécessaires seront apportés tant dans la loi que dans la pratique et que le cas de la Turquie n'aura plus à être examiné par la commission dans les années à venir. Il a dès lors prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'éliminer les divergences entre la loi et la pratique nationales et la convention.
Le membre travailleur de la Suède, parlant au nom des pays nordiques membres de la commission, s'est référé tout d'abord à l'interdiction de négocier collectivement imposée aux confédérations syndicales en Turquie. Le gouvernement a expliqué que les structures complexes des confédérations turques rendent difficile la conclusion d'accords avec ces dernières. Toutefois, l'oratrice insiste sur le fait que la question principale n'est pas liée à la structure des confédérations ou de savoir s'il est approprié pour ces dernières de conclure des conventions collectives, mais plutôt au fait qu'elles ont été privées de leur droit de négocier collectivement en violation de la convention. Le droit de décider si, comment, où et à quel moment la négociation collective doit être effectuée par les confédérations est un droit qui appartient uniquement aux confédérations elles-mêmes et à leurs affiliées. Ces confédérations sont tout à fait capables de déterminer le partage des responsabilités en ce qui concerne la négociation collective, comme cela est le cas dans plusieurs autres pays. L'oratrice s'est donc réjouie de la déclaration du gouvernement selon laquelle la législation sera modifiée sur cette question. Elle a également soulevé la question du droit d'organisation des fonctionnaires et a insisté sur le fait que le droit d'organisation et de négociation collective sont des droits fondamentaux qui ne doivent faire l'objet d'aucune exception. Elle suppose que le gouvernement craint que la reconnaissance de ces droits pourrait amener de nombreux conflits dans le secteur public. Elle souligne qu'il existe différentes façons de garantir le droit de négociation collective et le droit de grève, tout en évitant des conséquences néfastes dans les secteurs considérés par le BIT comme des services essentiels. Par exemple, dans son pays, un organe indépendant, composé des parties concernées, a été mis sur pied. Cet organe doit décider si une grève peut mettre en danger la vie et la santé de la population. Comme les syndicats ont toujours garanti que les grèves ne causeraient aucun dommage, cet organe n'a jamais eu à se prononcer sur cette question. L'oratrice a souligné que, en conséquence, la reconnaissance du droit de négocier collectivement ne met pas automatiquement en danger la société. Elle estime ainsi qu'il ne devrait y avoir aucune limitation au droit de négociation collective, y compris pour les fonctionnaires, peu importe si ces derniers travaillent au niveau local, régional ou national. Si l'on fait confiance aux partenaires sociaux en leur accordant tous leurs droits, ces derniers assumeront leurs responsabilités et organiseront leurs activités de façon sérieuse. Elle a donc demandé au gouvernement d'octroyer aux organisations de fonctionnaires, sans aucune exception, les pleins droits de négocier collectivement.
Le représentant gouvernemental a rappelé que, contrairement à ce qui se passe dans certains autres pays, le système syndical en Turquie est fondé sur l'enregistrement des membres des syndicats. Cette tradition remonte à fort longtemps et a été introduite afin de remédier au problème des chiffres gonflés donnés par certains syndicats. L'orateur a également rappelé la déclaration du membre travailleur de la Turquie, selon qui l'abrogation du seuil de 10 pour cent pourrait causer des tensions, et a souligné que, même si son gouvernement est disposé à abroger cette disposition, il faut d'abord obtenir un consensus des partenaires sociaux. Il a ajouté que, même si la négociation collective se déroule librement en Turquie, le processus est souvent assez lent. C'est pour cette raison que la limite de soixante jours a été introduite; toutefois, cela ne signifie pas que la négociation ne peut pas se poursuivre par la suite. Il a également réaffirmé que les syndicats ont un libre accès aux ZFE, y compris le droit d'association et de négociation collective. Toutefois, s'il survient des différends durant les négociations, l'arbitrage est imposé afin de prévenir les grèves. Là encore, les dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire dans les ZFE sont censées être abrogées.
S'agissant de la déclaration du membre travailleur de la Turquie concernant la sécurité d'emploi, l'orateur a expliqué que les cas de licenciement en pratique étaient soumis assez fréquemment aux tribunaux et donnaient lieu à des indemnisations. Il a ajouté que la Constitution dispose qu'une seule convention peut être conclue pour un établissement ou une entreprise, pour toute période donnée. Il a expliqué que le système mixte de négociation collective de branche et d'établissement, qui existait avant 1983, avait soulevé plusieurs difficultés et donné lieu à des pratiques abusives, notamment la signature de conventions locales successives sous couvert d'autorisation au niveau de la branche. Il a déclaré, comme l'a rappelé la commission d'experts, que la négociation de branche existe effectivement en pratique et que des conventions collectives couvrant l'ensemble d'un secteur d'activités avaient été conclues dans plusieurs industries. Il a cité à cet égard des données démontrant que plusieurs industries étaient en fait couvertes par des conventions visant plusieurs employeurs.
S'agissant de la question du plafonnement des indemnités, il a fait remarquer que les primes de licenciement constituent la seule indemnité assujettie à un plafond. La législation du travail dispose que la prime de licenciement équivaut à trente jours de salaire pour chaque année de service. Toutefois, ces indemnités peuvent être majorées par convention collective et, en pratique, de nombreuses conventions prévoyaient quarante-cinq ou soixante jours de salaire pour chaque année de service; pour éviter les excès, il s'est avéré nécessaire d'imposer un plafond. Une situation semblable s'est produite en ce qui concerne les bonus, qui peuvent représenter un mois de salaire; ce nombre avait cependant été majoré par négociation collective pour atteindre de 4 à 12 bonus par an, ce qui pouvait représenter un doublement de la rémunération: il est donc devenu nécessaire d'imposer une limite légale de 4 bonus par an.
Quant au droit de syndicalisation des fonctionnaires, l'orateur a mentionné qu'un projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires était à l'étude, et a souligné que de nombreux syndicats de fonctionnaires sont actifs et mènent des négociations collectives dans les municipalités. Toutefois, des problèmes se sont posés dans le cadre des accords sur l'équilibre social en raison de leurs conséquences sur le budget de l'Etat. Des conventions seront conclues avec les fonctionnaires, mais il reste à résoudre certaines questions concernant leurs aspects financiers. En ce qui concerne la suspension de la grève par les travailleurs du secteur du caoutchouc, l'orateur a fait observer que la grève peut être différée pendant soixante jours. Le différend peut être soumis à l'arbitrage mais les travailleurs concernés doivent en appeler à un tribunal d'instance supérieure. L'orateur s'est dit heureux d'informer la commission que les parties à ce différend ont maintenant conclu une entente. D'une façon générale, bien que la reconnaissance du droit de syndicalisation des fonctionnaires fasse partie des projets de son gouvernement, il y a eu certains retards en raison des lenteurs du processus législatif, notamment dans les cas où il existe des conflits d'intérêts. Le processus a été retardé par les élections législatives et l'élection présidentielle, et également en raison du fait que le gouvernement a entrepris plusieurs réformes majeures, y compris une refonte du système de sécurité sociale et la mise en place d'un système d'assurance chômage, réformes attendues de longue date. L'orateur a noté à cet égard que de nombreux amendements ont été apportés à la législation du travail depuis 1986, résultant tous des observations et critiques formulées par le BIT. Il a exprimé sa gratitude pour la contribution importante du BIT au développement du système et de la législation sociale dans son pays, et s'est dit confiant dans la poursuite de cette tendance. Il a mentionné à cet égard deux projets de lois qui seraient communiqués au BIT afin d'améliorer les textes, une fois l'avis des partenaires sociaux obtenu en vue de leur amélioration, et une fois ces textes traduits. Il a ajouté qu'un projet d'accord de coopération a été conclu entre le BIT et son pays, couvrant quatre domaines stratégiques.
Il a rappelé que son pays possède un système de relations professionnelles assez élaboré et a dit espérer qu'en améliorant la législation concernant les droits syndicaux et la négociation collective il sera possible à son gouvernement d'éviter de comparaître à nouveau devant la Commission de la Conférence. Il a finalement informé la commission que son pays a récemment ratifié la convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, et que l'instrument de ratification de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, a été soumis au parlement pour ratification. Suite à un accord avec les partenaires sociaux, le gouvernement envisage de ratifier 15 autres conventions, dont la plupart traitent de questions maritimes.
Les membres employeurs ont fait observer que, si certaines restrictions légales continuent d'exister, contrairement à la convention, la plupart d'entre elles ne sont pas mises en oeuvre en pratique et, que de façon générale, les travailleurs disposent d'une très grande liberté dans plusieurs domaines, tels que la négociation collective. Selon les membres employeurs, cette situation pragmatique est préférable aux cas où la législation est parfaitement conforme à la convention, mais fait l'objet de nombreuses violations. Ils ont fait remarquer que plusieurs mesures ont été adoptées au cours des années afin d'améliorer la situation, en vue d'une meilleure conformité avec la convention, et ils se sont dits convaincus que le gouvernement poursuivra dans cette voie. Ils ont également déclaré que les méthodes utilisées par la commission pour traiter ce cas, qu'elle a examiné à 18 reprises durant les vingt dernières années, ont contribué aux progrès accomplis. S'agissant des services essentiels, ils ont rappelé que cette question n'est pas couverte par la convention no 98, même si la commission d'experts a élaboré une interprétation à cet égard dans le cadre de la convention no 87, concernant des restrictions possibles au droit de grève. Ils ont reconnu en conclusion les progrès accomplis et ont dit espérer pouvoir constater à l'avenir d'autres mesures positives.
Les membres travailleurs ont pris note de la déclaration du représentant du gouvernement, selon qui les syndicats ont libre accès en pratique aux ZFE en Turquie. Ils ont cependant souligné que pas un seul travailleur d'une ZFE n'est membre d'un syndicat ou n'a le droit de négociation collective, situation qui contrevient aux dispositions de la convention. Ils ont dit espérer que le nouveau projet de loi reconnaîtra intégralement le droit de négociation collective de tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires, sous la seule réserve possible des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. Tout en reconnaissant que des progrès ont été réalisés dans l'application de la convention depuis que la commission a examiné ce cas pour la première fois au début des années quatre-vingt, ils ont dit regretter que très peu de progrès aient été accomplis durant ces dernières années pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. Ils ont ajouté que cela ne devrait pas être reproché aux partenaires sociaux et ont souligné qu'il appartient au gouvernement d'adopter des mesures positives avec l'aide technique du BIT, pour réaliser des avancées concrètes.
La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé que ce cas a été discuté à plusieurs reprises et a souligné à nouveau que la commission d'experts insiste depuis plusieurs années maintenant sur la nécessité d'éliminer les restrictions à la négociation collective découlant du double critère de représentativité imposé aux syndicats en vue de la négociation collective; l'importance d'octroyer aux travailleurs du secteur public le droit de négocier collectivement et la nécessité d'abroger l'arbitrage obligatoire pour le règlement des différends collectifs dans toutes les zones franches d'exportation. Rappelant l'indication déjà donnée par le gouvernement selon laquelle un projet de législation est en voie de rédaction afin de promouvoir la libre négociation collective entre les associations de fonctionnaires et les employeurs d'Etat, la commission a exprimé le ferme espoir que cette loi sera rapidement adoptée afin de s'assurer que cette catégorie de travailleurs bénéficie également de la protection de l'article 4 de la convention, à la seule exception possible des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. La commission a exhorté le gouvernement à adopter les mesures nécessaires pour éliminer les contradictions de la législation, afin de parvenir à une pleine conformité avec la convention, et a demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures concrètes prises à cet égard. La commission a noté que des projets de lois amendant la législation en vigueur sont actuellement en discussion avec les organisations d'employeurs et de travailleurs ou ont été soumis au parlement. La commission a également pris note du projet d'accord de coopération entre la Turquie et le BIT.
Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:
Le gouvernement souhaite informer la commission qu'un projet de loi modifiant la loi no 1657 sur les fonctionnaires a été voté par le parlement le 12 juin 1997 (loi no 4275) et est entré vigueur le 17 juin 1997. Cette loi introduit un nouvel article 22 dans la loi no 657, comme suit: "les fonctionnaires peuvent constituer et s'affilier à des syndicats et à des organisations d'un niveau plus élevé, conformément aux dispositions de la Constitution et ses lois spécifiques".
L'adoption de la loi no 4275 doit être interprétée comme un facteur décisif visant à mettre la législation nationale en harmonie avec la Constitution turque, telle qu'amendée par la loi no 4121 du 23 juillet 1995. La législation spécifique concernant les syndicats de fonctionnaires auxquels fait référence le nouvel article 22 de la loi no 657 figure depuis quelque temps dans les projets en chantier. Pour des impératifs de procédure, après la formation d'un nouveau gouvernement au début du mois de juillet 1997, un projet de loi concernant les syndicats de fonctionnaires a été élaboré par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et communiqué aussi bien aux ministères qu'aux partenaires sociaux et autres parties concernées pour commentaires et avis, avant d'être à nouveau soumis au parlement. Le projet de loi pourrait, le cas échéant, faire l'objet de discussions supplémentaires au sein du gouvernement et entre le gouvernement, les partenaires sociaux et autres parties intéressées, avant la soumission du projet de loi au parlement.
Une autre mesure prise en la matière a été la publication, par le Bureau du Premier ministre, d'une circulaire, en date du 20 novembre 1997, à l'intention de toutes les organisations et agences gouvernementales, laquelle se réfère aux obligations contractuelles de la Turquie en vertu des conventions nos 87, 98 et 151 de l'OIT, ainsi qu'à la législation en cours d'élaboration, en même temps qu'elle prescrit:
-- d'opérer les retenues nécessaires sur les salaires pour les cotisations syndicales;
-- d'éviter de faire obstacle à la constitution de nouvelles organisations et à leurs activités;
-- d'éviter d'interdire les réunions de leurs congrès généraux, la diffusion de documents d'information sur leurs organisations et leurs activités ou l'organisation d'activités sociales, culturelles et artistiques de leurs membres;
-- de cesser d'engager des poursuites disciplinaires à l'égard des dirigeants syndicaux, fondées sur leurs activités syndicales;
-- de cesser toute ingérence de la loi dans les activités syndicales légitimes;
-- d'établir le dialogue et la coopération avec les syndicats afin de recueillir leurs avis et propositions;
-- de prendre à tous les niveaux les mesures nécessaires pour faciliter le bon déroulement des activités syndicales des fonctionnaires employés dans les agences gouvernementales et autres institutions publiques.
Comme indication de sa détermination à améliorer la législation concernant les relations professionnelles, le gouvernement souhaite informer la commission que la loi no 4277 en date du 26 juin 1997: i) a levé l'interdiction d'activités politiques des syndicats et de leurs confédérations (art. 37 de la loi no 2821); ii) a abrogé le premier paragraphe de l'article 39 de la loi no 2821 qui interdisait la désignation de candidats par les syndicats et les confédérations aux organes d'organisations publiques professionnelles ou à leurs organes supérieurs, ainsi que toute activité ou propagande en faveur ou contre un des candidats; et iii) a aboli l'audit des syndicats et des confédérations par le gouvernement (art. 47), de même qu'elle a abrogé l'obligation de déposer les revenus, dans un délai de trente jours à compter de leur réception, auprès d'une banque où l'Etat détient plus de la moitié du capital, conformément à l'article 43.
S'agissant de la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement renvoie la commission aux articles 29, 30 et 31 de la loi no 2821 et aux sanctions prévues dans ces dispositions.
(Les textes de la loi no 4277 de 1997 et de la circulaire du 20 novembre 1997 ont été communiqués au BIT.)
En outre, un représentant gouvernemental a rappelé que le rapport de la commission d'experts sur l'application de la convention par son pays concernait quatre points: la prétendue insuffisance de protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, l'existence de restrictions à la négociation collective, le prétendu déni du droit des fonctionnaires à la négociation collective, et le droit à la négociation collective dans les zones franches d'exportation.
S'agissant des allégations selon lesquelles la protection contre les actes de discrimination antisyndicale au moment de l'embauche est insuffisante et la charge de la preuve incombe au travailleur, il convient de préciser que le montant de l'amende prévue dans de tels cas n'est pas inférieur à la moitié du salaire minimum mensuel actuellement en vigueur. Bien que la charge de la preuve repose sur le plaignant, en vertu des principes généraux du droit, un amendement à la loi no 2822, adoptée en 1998, prévoit que le syndicat ne peut informer l'employeur de l'acquisition par un travailleur de la qualité de membre que lorsque cette information ne peut plus porter aucun préjudice au droit d'organisation et à la négociation collective. En cas de licenciement d'un travailleur en raison de ses activités syndicales, l'employeur est tenu de lui verser une indemnité, dont le montant ne peut être inférieur au salaire annuel du travailleur concerné, et qui s'ajoute à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité tenant lieu de préavis. Cette indemnité est versée non seulement si le travailleur est licencié mais aussi lorsqu'il est victime d'autres actes de discrimination antisyndicale, par exemple dans la répartition du travail ou en matière de promotion. Plusieurs jugements rendus par les tribunaux montrent que ce type d'indemnité est octroyée plus fréquemment que le rapport de la commission d'experts ne le mentionne. Des copies de ces jugements seront transmises au Bureau. La protection particulière dont bénéficient les responsables syndicaux comprend leur réintégration à leur poste ou dans un emploi similaire dans le mois qui suit leur demande de réintégration, à la condition qu'ils aient introduit un recours auprès de leur précédent employeur dans les trois mois suivant la perte de leur poste au sein du syndicat. Les dispositions légales pertinentes et les nombreux jugements rendus par les tribunaux turcs du travail confirment l'existence en droit de cette protection. Néanmoins, jusqu'à l'adoption d'une législation conforme à la convention no 158, seuls les délégués syndicaux bénéficiaient d'une complète sécurité de l'emploi, y compris du droit d'être réintégrés. Le processus d'élaboration de la législation qui prévoit de placer la charge de la preuve sur l'employeur est actuellement en cours.
En ce qui concerne les allégations relatives aux restrictions à la négociation collective dans le pays, et en particulier l'affirmation selon laquelle il est fait obstacle à la négociation collective des confédérations, il faut dire que, comme les centrales syndicales nationales de nombreux autres pays, les confédérations sont des structures horizontales dont l'objectif principal est de représenter les mouvements syndicaux aux niveaux national et international. Leur structure hétérogène ne se prête pas à la négociation collective dans les professions ou les industries. Elles peuvent, cependant, coordonner les activités de négociation des organisations qui leur sont affiliées ou même jouer un véritable rôle dans la conclusion des conventions collectives. En réponse à l'affirmation selon laquelle les négociations à tous les niveaux de l'industrie sont interdites, il convient de souligner que, bien qu'ils ne soient pas mentionnés dans la législation comme étant un niveau distinct de négociation, les accords concernant plusieurs employeurs couvrent souvent de larges segments de la même industrie et assurent ainsi la même fonction qu'une négociation à tous les niveaux de l'industrie. D'autre part, les accords d'entreprises, en particulier dans le secteur public, peuvent couvrir toute une industrie, comme par exemple les chemins de fer. Il est toutefois vrai que seule une convention collective par niveau est permise. Le double système de négociation au niveau de l'industrie et de l'entreprise qui existait avant 1983 a créé diverses difficultés et a entraîné des pratiques abusives conduisant à la conclusion d'accords locaux successifs. Par ailleurs, la loi no 2822 permet au gouvernement d'étendre les conventions collectives à d'autres lieux de travail situés dans une même industrie, moyennant le respect de certaines conditions.
En ce qui concerne le prétendu plafonnement des indemnités, seules les indemnités de licenciement sont plafonnées. En raison de l'absence de protection contre le licenciement par le passé, l'octroi aux travailleurs d'une sécurité de revenus a conduit à des montants d'indemnité de licenciement sans précédent dans les conventions collectives. Par conséquent, un plafonnement a été établi par la loi. Ce plafond est relevé tous les six mois selon des modalités spécifiques. Les droits dont jouissent les travailleurs en la matière sont plus étendus que dans de nombreux autres pays. En outre, aucun plafond n'est applicable à l'indemnité tenant lieu de préavis, et cette indemnité atteint des niveaux très élevés dans certaines des plus importantes conventions collectives.
S'agissant du délai dans lequel la négociation collective doit avoir lieu, c'est-à-dire soixante jours, il faut savoir que, passé ce délai, les parties sont libres de continuer les négociations pendant le processus de médiation, ainsi que pendant le déroulement d'une grève, sans limitation dans le temps.
Concernant la question de la suppression du double critère requis pour obtenir l'autorisation de négocier collectivement, le gouvernement continue à s'en occuper mais il doit rechercher le consentement des partenaires sociaux pour procéder à cette abrogation. Les membres employeurs se sont déclarés en faveur de cette mesure, mais les confédérations de travailleurs ne sont pas encore parvenues à un accord sur le sujet.
S'agissant du droit d'organisation et de négociation collective des fonctionnaires, le projet de loi élaboré conformément à la convention no 151 et à la Constitution turque, telle que modifiée en 1995, a été soumis à l'Assemblée nationale. En plus de garantir la liberté syndicale des fonctionnaires, le projet de loi prévoit des procédures d'appel judiciaire et la mise en place d'une commission de conciliation impartiale. Les dispositions de ce projet ont fait l'objet de longs débats au parlement et presque la moitié d'entre elles ont été approuvées. Il est prévu de débattre et d'adopter les dispositions restantes. Entre-temps, un amendement à la loi no 657 sur les fonctionnaires a levé l'interdiction qui pesait sur eux de constituer des syndicats et de s'y affilier. A cet égard, il convient de relever que les employés contractuels du secteur public jouissent des mêmes droits que les travailleurs du secteur privé depuis la mise en place du système de libre négociation collective. Le personnel contractuel des entreprises publiques à caractère commercial sera couvert par la future législation sur les syndicats de fonctionnaires, dans la mesure où ils sont assimilés à des fonctionnaires employés dans des services essentiels et continus de l'Etat. Il convient également de rappeler que leur nombre est en baisse, en raison du dynamisme du processus de privatisation. Dans le même temps, de nombreux fonctionnaires ont déjà constitué leurs propres syndicats. A l'heure actuelle, trois confédérations de fonctionnaires ainsi que nombreux syndicats et syndicats de branche fonctionnent. Par ailleurs, d'autres progrès ont été accomplis. En effet, une circulaire se référant aux obligations souscrites par la Turquie au titre des conventions nos 87, 98 et 151 et ordonnant aux autorités administratives de procéder aux déductions des cotisations syndicales a été publiée par le cabinet du Premier ministre en novembre 1997 en vue d'éviter les obstacles à la constitution de nouveaux syndicats de fonctionnaires et les entraves à leurs activités, et de faciliter le dialogue et la coopération avec ces syndicats.
En ce qui concerne le problème des zones franches d'exportation, le droit d'organisation et de négociation collective est garanti par la loi no 3218 de 1985 qui autorise la création de ces zones de libre-échange. Toutefois, les négociations collectives doivent se dérouler dans les dix ans suivant la création de la zone franche et tout blocage doit être soumis à l'arbitrage obligatoire. Dans la zone franche égéenne, où travaillent la grande majorité des travailleurs concernés, ce délai expire en l'an 2000.
En conclusion, ainsi que l'orateur l'avait annoncé au sein de la présente commission l'année passée, la loi no 4277 de 1997 a supprimé l'interdiction pour les syndicats et leurs dirigeants d'exercer des activités politiques. Elle a également abrogé les dispositions relatives aux contrôles financiers exercés sur les syndicats et les confédérations, conformément aux dispositions de la convention. De plus, le parlement a approuvé la ratification des conventions nos 29 et 138 et examine actuellement la ratification de la convention no 159. Par conséquent, la Turquie aura bientôt ratifié les sept conventions fondamentales. Pour bien montrer qu'il est déterminé à améliorer la législation du travail, le gouvernement a constitué, en mai dernier, un comité tripartite, qui vient s'ajouter au Conseil économique et social, pour encourager le dialogue entre les partenaires sociaux, conformément à la convention no 144 que la Turquie a déjà ratifiée. Malgré les difficultés auxquelles la minorité gouvernementale de coalition est confrontée, la Turquie a toujours apporté la preuve de sa détermination à mettre le système des relations professionnelles en conformité avec les normes de l'OIT. En cette année qui marque le soixante-quinzième anniversaire de la création de la République laïque de Turquie, l'orateur tient à réaffirmer l'engagement du gouvernement envers le progrès social.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations écrites et orales. La commission discute de l'application de la convention dans ce pays pour la sixième fois depuis 1991; elle a discuté de l'application de la convention no 87 en 1997. Le gouvernement fait preuve depuis quelques années d'une attitude plus constructive à l'égard des normes et du système de contrôle, comme en témoigne la ratification de la convention no 87 en 1993. Mais la ratification en tant que telle ne suffit pas. D'importantes divergences de la législation et de la pratique par rapport à la convention ont été identifiées de longue date par la commission d'experts. Certaines des dispositions législatives en cause ont été modifiées, mais différentes lois règlent encore de manière détaillée l'exercice des droits syndicaux. Elles tendent à contrôler la négociation collective plutôt qu'à la promouvoir. Le projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires destiné à couvrir l'ensemble des travailleurs publics, y compris ceux qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, semble procéder de la même approche, comme la Confédération européenne des syndicats l'a constaté lors d'une mission en février 1998. Le gouvernement indique cependant que ce projet pourrait faire l'objet de nouvelles discussions avec les organisations syndicales. Il faut insister auprès du gouvernement pour qu'il amende ce projet et témoigne ainsi concrètement de son attitude plus positive à l'égard des normes, et qu'il communique au BIT les avis recueillis au cours des consultations avec les organisations de travailleurs. Une simple circulaire telle que celle du 20 novembre 1997 ne peut suffire à assurer la protection requise par la convention. La commission d'experts soulève d'autres points importants alors que le gouvernement n'a pas envoyé de rapport. Elle souligne l'insuffisance de la protection contre la discrimination antisyndicale en termes de procédures, de charge de la preuve, d'absence d'obligation de réintégration ou de niveau des indemnités. Par ailleurs, la loi prévoit de nombreuses restrictions à la négociation collective par l'instauration de plafonds ou l'exclusion de certains thèmes. Les procédures sont très strictes, avec le recours à l'arbitrage obligatoire après soixante jours. La double exigence numérique, de 10 pour cent au niveau de la branche et de 50 pour cent au niveau de l'entreprise, est un frein considérable à la négociation collective. En outre, la négociation est limitée au niveau de l'entreprise, ce qui exclut beaucoup de travailleurs des PME de la protection des conventions collectives. Enfin, se pose le problème des zones franches d'exportation établies entre 1987 et 1995 et dans lesquelles l'arbitrage obligatoire est imposé pendant dix ans. Le gouvernement a donc encore beaucoup à faire pour mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Il faut insister pour qu'il modifie la législation sans retard, en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs. Il devrait faire appel à l'assistance technique du BIT à cette fin, comme l'ont suggéré la commission d'experts et la présente commission dans ses conclusions précédentes. Un rapport détaillé doit être fourni pour que les organes de contrôle soient à même de suivre de près l'évolution de la situation.
Les membres employeurs ont noté que le rapport de la commission d'experts concerne quatre points essentiels. Le premier a trait à la protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission d'experts a noté qu'une organisation de travailleurs alléguait que, en cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée était trop faible et la charge de la preuve incombait au travailleur. Or, selon les principes du droit civil et dans une société démocratique fondée sur ces principes, le fardeau de la preuve ne peut être renversé car il repose toujours sur le plaignant. En ce qui concerne les restrictions à la libre négociation collective, les restrictions imposées aux confédérations constituent un point mineur car elles n'existent pas en pratique. S'agissant de l'existence d'un double critère de représentativité, le gouvernement a indiqué qu'il était prêt à modifier cette exigence mais qu'il n'existait aucun consensus sur ce point entre les partenaires sociaux. Par ailleurs, en ce qui a trait au déni du droit des fonctionnaires à la négociation collective, il convient de souligner qu'il s'agit simplement d'une question de modification de la législation puisque ce droit est déjà inscrit dans la Constitution. Le gouvernement a montré sa volonté d'adopter des dispositions légales supplémentaires qui permettraient aux fonctionnaires de négocier collectivement. Par conséquent, la présente commission devrait attendre les commentaires de la commission d'experts sur les informations qui lui seront fournies par le gouvernement. Enfin, s'agissant de l'arbitrage obligatoire, il apparaît que cette question ne pourra faire l'objet d'un examen que lorsque la commission d'experts aura obtenu des informations sur le nombre des zones franches, leur taille, etc. Par conséquent, il conviendrait de prier le gouvernement de fournir les informations pertinentes en la matière.
Le membre employeur de la Turquie a fait des observations qui complètent l'intervention des membres employeurs. Il a pris bonne note des observations de la commission d'experts ainsi que des déclarations du représentant gouvernemental. D'autres faits importants ont eu lieu en Turquie. La Confédération des employeurs turcs (TISK) a souligné dans des déclarations précédentes que les dispositions de la convention no 98 sont appliquées dans les faits. Si l'on compare la législation nationale du travail aux dispositions de la convention, il apparaît que le droit d'organisation est suffisamment garanti. Toutefois, certains problèmes subsistent en ce qui concerne l'application dans les faits de la législation. A ce sujet, l'orateur souligne trois points: à propos des allégations de discrimination antisyndicale, il dit que l'article 10 de la Constitution consacre l'égalité entre toutes les personnes, quelles que soient leur race, leur langue ou leur religion, et que l'article 51 de la Constitution protège les personnes qui se verraient refuser un emploi au motif de leur appartenance à un syndicat; de plus, l'article 31 de la loi sur la négociation collective garantit le même degré de protection que la Constitution. Les travailleurs ne devraient donc pas être licenciés ou faire l'objet de discriminations en raison de leur appartenance à un syndicat. A propos des cas de licenciement au motif de l'appartenance à un syndicat, l'alinéa 6 de l'article 31 de la loi susmentionnée indique que l'employeur est passible dans ce cas d'une amende équivalant à au moins une année de salaire du travailleur licencié. En conclusion, il estime que la législation turque est plutôt ample sur ce point. Toutefois, dans la pratique, ces dispositions ne sont pas efficaces car la législation relative à la protection contre les licenciements (injustifiés) présente quelques lacunes. Revenant sur la question des restrictions à la négociation collective, il indique que la proportion de travailleurs syndiqués s'est accrue considérablement et est passée de 53 pour cent à 63 pour cent, et que le nombre de syndicats est tombé de 750 à 75 en raison du double critère de représentativité qui est prévu par la loi. La Confédération des employeurs turcs est donc favorable à ces critères. A propos des droits des fonctionnaires publics en matière de négociation collective, il y a eu une évolution dans ce domaine. Le parlement turc a récemment annulé l'interdiction qui empêchait les fonctionnaires publics de jouir du droit d'organisation. Conformément à l'article 22 de la loi sur les fonctionnaires publics, telle qu'elle a été amendée, les fonctionnaires ont le droit de créer des syndicats et d'y adhérer. De plus, le parlement a récemment adopté 25 des dispositions d'un projet de loi qui vise à garantir le droit d'organisation des fonctionnaires publics. On devrait inciter le gouvernement à adopter également la deuxième partie du projet de loi en question.
Le membre travailleur de la Turquie a remercié le Département des normes, la commission d'experts et les membres travailleurs pour le soutien qu'ils ont apporté à la lutte pour la démocratie en Turquie, qui est parvenue à son point culminant l'année dernière avec les changements et les progrès de la législation sur un certain nombre des points qui avaient fait l'objet de critiques de la part de la Commission de la Conférence. La modification de loi sur les syndicats a permis la réalisation de progrès considérables et a mis la législation en conformité avec les dispositions de la convention no 87 concernant, entre autres, l'exercice d'activités politiques. Le rapport du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1810, sur une réclamation présentée par l'organisation de l'orateur, ainsi que les délibérations de la Commission de la Conférence en juin 1997 ont énormément contribué à ce résultat. Il subsiste toutefois de nombreux domaines dans lesquels la législation en vigueur ne respecte pas la convention no 87, en particulier en ce qui concerne le droit de grève. Bien que les critiques portées par l'organisation de l'orateur sur l'inexécution de la convention no 87 soient graves, il convient de souligner que la Turquie est le pays le plus démocratique et le seul pays laïc de la région et qu'elle est dotée de moyens démocratiques de revendication pour parvenir à mettre la législation nationale en conformité avec la convention.
S'agissant de la première question soulevée par la commission d'experts, les problèmes persistent. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale accordée par la législation est loin d'être suffisante. En cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée ne doit pas être inférieure à 70 dollars et la charge de la preuve incombe à la victime. Bien que la convention no 158 ait été ratifiée le 4 janvier 1995, il n'existe aucune protection contre les licenciements. Le Comité de la liberté syndicale, dans son rapport de 1996 sur la réclamation présentée par l'organisation de l'orateur, a prié instamment "le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs une protection effective contre les actes de discrimination antisyndicale, conformément aux engagements internationaux souscrits en ratifiant la convention no 98" et a noté "avec intérêt que, d'après le gouvernement, la loi du travail sera amendée pour permettre la réintégration des travailleurs dans leur emploi et assurer la protection des travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale (y compris le licenciement), conformément aux exigences de la convention no 98".
Bien que les commentaires du gouvernement mentionnés dans le rapport datent du 15 septembre 1995, au jour d'aujourd'hui, soit près de trois ans plus tard, cette législation n'a toujours pas été adoptée. En ce qui concerne l'interdiction de licenciement pour des raisons liées à l'exercice d'activités syndicales prévue par la loi sur les syndicats, il convient de demander au représentant gouvernemental de fournir des informations sur le nombre de poursuites judiciaires engagées. Selon l'orateur, l'expérience de tous les jours montre que les dispositions de cette loi sont complètement impuissantes à prévenir les actes de discrimination antisyndicale. Il n'existe aucun projet de loi en attente au parlement pour assurer une protection contre le licenciement aux dirigeants syndicaux autres que les délégués syndicaux sur les lieux de travail. Quant au second point, aucun progrès n'a été accompli ni envisagé, ni discuté, même au parlement, sur les restrictions à la libre négociation collective. Il convient de rappeler l'existence de plafonds imposés par la loi dans les conventions collectives relatives aux primes. Le gouvernement n'a pas rempli ses obligations et n'a pas tenu ses promesses d'encourager et de promouvoir la libre négociation. S'agissant du troisième point, il est regrettable qu'une seule amélioration ait été apportée à la loi sur les fonctionnaires en 1997, à savoir les amendements prévoyant que les fonctionnaires peuvent constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur et s'y affilier. Par ailleurs, le projet de loi actuellement en discussion au parlement restreint le droit de négociation collective du personnel civil des forces armées et de l'administration pénitentiaire, en leur interdisant de constituer des syndicats et de s'y affilier. Ce projet prévoit seulement la négociation collective sans effet contraignant. Ainsi que le représentant gouvernemental l'a reconnu, c'est la convention no 151 et non la convention no 98 qui a été utilisée comme référence pour élaborer le projet. Il faut rappeler au gouvernement l'article 1 de la convention no 151 et l'obligation qui lui incombe d'élaborer le projet de loi conformément aux dispositions de la présente convention.
Les fonctionnaires ne disposent pas du droit de négociation collective car tout accord entre les parties doit être présenté devant le Conseil des ministres pour être approuvé. Quant au quatrième point, il est encore une fois regrettable de constater qu'il n'y a eu aucun progrès. Compte tenu de l'étendue des restrictions au droit de grève dans les domaines qui ne sont pas des services essentiels, tels qu'ils sont définis par l'OIT, l'arbitrage obligatoire a toujours cours et entrave sévèrement le droit à la négociation collective.
Ce manquement concerne aussi les zones franches, dont le nombre est en augmentation. Des neuf zones franches existant actuellement, sept sont soumises à l'arbitrage obligatoire dans les conflits d'intérêts au cours des négociations collectives. Ce n'est donc pas seulement le cas dans la zone franche égéenne, comme l'a déclaré le représentant gouvernemental. En 1998, il y a 1.685 entreprises implantées dans les zones franches. Regrettant que le gouvernement n'ait pas pris les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec la convention, l'orateur le prie instamment de le faire afin de mettre fin aux divergences entre les dispositions de la convention et celles de la législation.
Le membre travailleur de la Norvège, s'adressant également au nom du groupe des travailleurs nordiques (Danemark, Norvège, Finlande, Suède et Islande) a rappelé que ces gouvernements avaient été très actifs depuis plusieurs années dans leur soutien pour une législation du travail démocratique en Turquie, à travers l'OIT et à travers la coopération de ces pays avec le mouvement syndical turc. Elle note avec grand intérêt les points soulevés par la commission d'experts, particulièrement la demande pour plus d'informations sur les mesures prises afin de promouvoir la négociation collective en accord avec l'article 4 de la convention no 98. Elle exprime sa préoccupation concernant les violations graves de la convention no 98 dans les nombreuses zones libres où le gouvernement a accepté l'arbitrage obligatoire dans les cas de conflits durant la négociation collective pour une période de dix ans suivant l'établissement d'une zone libre. Elle insiste sur le fait que les restrictions imposées à de telles négociations sont totalement incompatibles avec la convention no 98. Le gouvernement a déclaré durant cette réunion que ces restrictions prendraient fin en l'an 2000. Elle se demande alors: est-ce que ceci s'appliquera à toutes les zones de libre-échange établies récemment? Elle demande aux gouvernements de fournir des informations détaillées à cet égard.
Le membre travailleur de l'Allemagne s'est référé au droit des fonctionnaires de s'organiser. Il fait mention d'une réunion publique initiée par quatre syndicats majeurs de Turquie en collaboration avec l'Union des syndicats européens. A cette occasion, des limitations injustifiées à la négociation collective ont été dénoncées. De plus, le gouvernement a été prié instamment de revoir sa législation dans ce domaine. Les consultations qui ont eu lieu à cet effet ont mené à des résultats positifs. Toutefois, le problème demeure le même quant à sa substance. Le projet de loi élaboré prévoit toujours des limitations à la négociation collective puisque seuls les salaires peuvent faire l'objet de négociations collectives, et que les articles 30 et 31 stipulent que seules les organisations d'employeurs et de travailleurs du plus haut niveau peuvent se prévaloir de ce droit. Lorsqu'un accord est conclu, il doit être soumis au Conseil des ministres pour approbation. En conclusion, il estime que ces exemples démontrent que le gouvernement doit prendre davantage de mesures afin de respecter pleinement les dispositions de la convention no 98.
Le membre travailleur de la France a estimé que les choses progressaient trop lentement en Turquie au niveau du droit à la négociation collective et que la protection contre la discrimination antisyndicale demeurait insuffisante. Il a estimé que le droit du travail devait être un droit protecteur pour les travailleurs et qu'à cet égard le renversement de la preuve dans les cas de discrimination antisyndicale n'était qu'un principe de justice équitable. De même, le droit à la liberté syndicale et la négociation collective des fonctionnaires devrait être reconnu. Il a considéré également que les Confédérations devraient avoir droit de négocier collectivement sur les questions d'intérêt commun pour tous les travailleurs. Enfin, il a appuyé les conclusions de son porte-parole et salué la promesse du gouvernement de ratifier toutes les conventions fondamentales tout en soulignant que la ratification devait être accompagnée d'une volonté de mise en oeuvre.
Le membre travailleur des Pays-Bas, se référant au double critère numérique actuellement exigé par la législation nationale, a indiqué que le gouvernement n'avait pas précisé la vraie raison qui se cache derrière ce double critère. Le gouvernement a développé une étrange argumentation selon laquelle il ne pouvait le supprimer en raison de l'opposition des syndicats et des organisations d'employeurs. Il faut souligner que le vrai problème est que ce double critère constitue une violation de la convention no 98 et que, par conséquent, le gouvernement devrait prendre des mesures pour y mettre fin. Dans la mesure où le gouvernement a déclaré qu'il hésitait à le faire à cause de l'opposition des partenaires sociaux, il convient de se demander si la politique généralement menée par le gouvernement consiste à rechercher le consentement des partenaires sociaux avant de modifier sa législation. Si tel n'est pas le cas, alors on ne voit pas pourquoi le gouvernement considère l'opposition des partenaires comme étant un obstacle dans ce domaine.
Le membre travailleur de l'Italie a souligné les progrès accomplis en Turquie concernant le droit à la négociation collective et a indiqué que l'Organisation des syndicats européens avait également noté certains pas en avant dans ce domaine. Il mentionne toutefois le problème des zones franches et rappelle qu'il existe 10 de ces zones en Turquie, couvrant un grand territoire, et il se demande combien de travailleurs sont touchés par ce problème. Il a espéré que l'OIT pourra se pencher sur cette question. Concernant le droit de grève, il estime qu'il y a encore trop de restrictions sur les modalités d'exercice de ce droit dans les secteurs où un tel droit existe et les secteurs où l'on doit faire recours à l'arbitrage obligatoire. Enfin, il encourage le gouvernement à appliquer la pratique de la concertation en matière de relations professionnelles, surtout que la Turquie a ratifié la convention no 144.
Le représentant gouvernemental de la Turquie a nié, comme cela a été affirmé, qu'il y a des disparités entre la législation nationale et la pratique. La législation existante est appliquée dans son ensemble. Bien sûr, des divergences mineures existent entre la législation nationale et les conventions nos 87 et 98. Toutefois, son gouvernement s'efforce de les éliminer et la situation s'améliore d'année en année. Quant aux observations selon lesquelles la législation est détaillée à l'excès, il indique que cela tient à la procédure législative en Turquie et au fait que le syndicalisme y est relativement récent. Enfin, la législation remonte à soixante-dix ans et se fonde sur des modèles étrangers. Les allégations selon lesquelles la protection contre les actes de discrimination antisyndicale serait insuffisante sont infondées. Outre les dispositions prévues par la loi, un nombre significatif de décisions judiciaires ont été prises pour indemniser les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales. A propos des plafonds imposés pour certaines indemnisations, le représentant gouvernemental précise que les primes ne sont pas considérées comme des indemnisations. L'octroi de prestations accessoires compense en partie ces plafonds. S'agissant de la critique selon laquelle les travailleurs des petites et moyennes entreprises seraient exclus de la négociation collective, il a indiqué qu'il n'y avait pas d'exigence numérique à cet égard en droit turc, que les "accords d'entreprises" étaient en fait l'exception et que la règle en Turquie était de négocier au niveau de l'établissement. Il a également indiqué que l'allégation selon laquelle après 60 jours de négociation il était fait recours à l'arbitrage obligatoire n'était pas exacte; au contraire, le droit de grève est la règle après cette période, et l'arbitrage obligatoire est l'exception dans les services essentiels uniquement, où les grèves peuvent être interdites. A propos des zones franches d'exportation, notamment la zone franche d'exportation de la mer Egée, qui occupe la plupart des travailleurs, elles cesseront d'exister en tant que telles en 2000. Les autres zones franches d'exportation n'occupent qu'une minorité de ces travailleurs. Le gouvernement turc communiquera dans un rapport à l'OIT le nombre actuel de travailleurs dans ces zones. L'orateur a affirmé que l'on avait recours à la négociation collective mais que, en cas d'impasse, un arbitrage obligatoire était imposé à seulement un cinquième de l'ensemble des travailleurs syndiqués. Les autres travailleurs jouissent du droit de grève. A propos des fonctionnaires publics, il est important de faire une distinction entre, d'une part, le million de travailleurs du secteur public qui sont visés par la même législation que les travailleurs du secteur privé et, d'autre part, les fonctionnaires publics qui ne jouissent pas des mêmes droits, conformément à l'article 6 de la convention no 98. Toutefois, son gouvernement s'efforce d'instaurer une loi sur la réforme du personnel afin de clarifier leur statut. En réponse au membre travailleur des Pays-Bas, il indique que le gouvernement n'est pas tenu d'obtenir l'accord des partenaires sociaux pour modifier la législation. Néanmoins, son gouvernement a consulté à ce sujet les partenaires sociaux, étant donné que la condition acquise d'une représentativité de 10 pour cent vise à garantir la paix dans les relations de travail en Turquie. Cette question, qui a de nombreuses incidences politiques, doit être traitée avec prudence, sans quoi, les tensions sociales s'accroissent.
La commission a pris note des informations écrites fournies par le gouvernement, de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé avec préoccupation que la Commission de la Conférence a examiné ce cas à plusieurs reprises et elle a signalé de nouveau que, depuis de nombreuses années, la commission d'experts insiste sur la nécessité de renforcer la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, et d'éliminer les restrictions à la négociation collective entre les syndicats et les employeurs qui découlent du double critère de représentativité imposée aux syndicats. La commission a aussi souligné la nécessité d'accorder aux fonctionnaires publics le droit de négocier collectivement et de supprimer l'imposition de l'arbitrage obligatoire pour le règlement des différends collectifs du travail dans les zones franches d'exportation. La commission s'est félicitée de l'adoption de la loi no 4275 de juin 1997 qui consacre le droit des fonctionnaires publics de jouir de la liberté syndicale. La commission a exprimé le ferme espoir que le projet de législation qui est en préparation visera à promouvoir et à encourager la liberté de négociation collective entre les organisations de fonctionnaires publics et l'Etat en tant qu'employeur en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi de cette catégorie de travailleurs, à la seule exception éventuelle des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. En outre, la commission a insisté sur l'importance que revêt la pleine application de tous les articles de cette convention fondamentale et elle a prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les disparités qui subsistent dans la législation et dans la pratique, de façon à satisfaire pleinement aux exigences de la convention. La commission a insisté pour que le gouvernement présente un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui sont actuellement prises pour aligner pleinement la législation et la pratique sur les dispositions de la convention relatives à toutes les questions soulevées par la commission d'experts. Elle a rappelé au gouvernement, comme l'année passée, que l'assistance technique du Bureau était à sa disposition.
Un représentant gouvernemental de la Turquie a noté que le rapport de la commission d'experts traite de trois questions: le critère numérique concernant la détermination de l'éligibilité syndicale pour la négociation collective; les droits syndicaux des fonctionnaires; les conditions concernant l'exercice du droit de grève indiqué à l'article 33 de la loi no 2822 des conventions collectives du travail, des grèves et des "lock-out".
Au sujet du critère numérique, l'orateur rappelle que, dans son intervention devant la commission l'an dernier, la proposition de supprimer la demande concernant la représentation de 10 pour cent a été rejetée parce que des objections ont été présentées par la Confédération des syndicats de Turquie (TURK-IS) et par la Confédération des employeurs turcs (TISK). Néanmoins, le gouvernement continue à déployer des efforts dans cette direction. L'orateur fournit des informations sur les progrès qui ont été accomplis pendant la parution du dernier rapport. La composition du Conseil économique et social tripartite a été modifiée par un décret émis par le Premier ministre en mai 1996 pour inclure des représentants non seulement des confédérations de travailleurs et d'employeurs les plus importantes, mais également des représentants d'organisations de travailleurs et d'employeurs ayant moins de membres. La Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK), qui a critiqué l'exigence des 10 pour cent au cours des dernières années, de même que HAK-IS et les fonctionnaires sont à présent représentés au Conseil économique et social. En conséquence, au sein de la structure du Conseil économique et social qui se réunit trimestriellement, la question du critère de représentativité va être largement débattue en vue d'aboutir à une conclusion satisfaisante.
En ce qui concerne les droits syndicaux des fonctionnaires, l'orateur rappelle la teneur de sa déclaration de l'an dernier indiquant qu'un projet de loi destiné à réglementer cette question fut rejeté au fait qu'il était incompatible avec les dispositions de la Constitution de la Turquie, mais que cet obstacle a été surmonté depuis la parution du dernier rapport par l'adoption d'amendements introduits dans la Constitution le 23 juillet 1995. Des efforts connexes ont été déployés pour préparer une législation destinée à réglementer les droits syndicaux des fonctionnaires en accord avec les nouveaux amendements de la Constitution et des principes correspondants, figurant dans la convention no 151.
S'agissant de la suspension du droit de grève, l'orateur croit que les mesures prises pour limiter la portée de l'article 33 de la loi no 2822 sont en conformité avec la convention et ne sont pas différentes de la formulation suggérée par les experts. Selon l'article 33: "Tout appel à une grève légale ou à un lock-out, qui a été déclaré ou a commencé, peut être suspendu par un décret du Conseil des ministres pour une période de 60 jours s'il porte préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale." L'orateur pense que les experts ont demandé que le texte soit amendé comme suit: "Toute grève ou lock-out peut être suspendu s'il met en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population." L'orateur croit qu'il n'y a pas de différence substantielle entre ces deux libellés. De plus, il est possible d'interjeter appel auprès de la Haute Cour administrative pour annuler la décision du Conseil des ministres et pour suspendre les procédures. Les parties intéressées peuvent également avoir recours à l'arbitrage volontaire à tout moment. Il ajoute qu'une large majorité des conflits entrant dans le cadre de l'article 33 ont été réglés soit par un accord entre les parties ou en soumettant le conflit à l'arbitrage volontaire au cours de la période d'interdiction. Parmi les 21 grèves reportées par le gouvernement au cours des 13 dernières années, seules deux ont été traitées en ayant recours à l'arbitrage obligatoire. En outre, il a été souligné, l'an dernier, que le gouvernement peut revenir sur sa décision de suspension de la grève si les circonstances le permettent. Le gouvernement est de fait revenu sur sa décision de suspension dans plusieurs cas lorsque les conditions nécessitant à l'origine cette action n'existaient plus.
L'orateur a conclu en déclarant que la réponse aux commentaires faits par TURK-IS et DISK sur l'application de la convention a été envoyée au Bureau en novembre 1995, mais n'a pas encore été examinée par la commission d'experts.
Les membres travailleurs ont regretté qu'en raison du manque de temps la commission n'ait pas été à même de discuter la convention no 87, étant donné qu'à la fois le gouvernement et les employeurs ont pensé que certaines difficultés liées à l'application de la convention no 98 auraient pu être surmontées après ratification de la convention no 87. Les membres travailleurs ont attendu plusieurs années cette ratification et espèrent donc que l'application de la convention no 87 sera discutée l'année prochaine. Ce cas a fait l'objet d'observations par la commission d'experts depuis 15 ans et les mêmes questions ont été soulevées dans différentes plaintes soumises au Comité de la liberté syndicale. Les positions du gouvernement, des employeurs et des travailleurs sont bien connues, mais les problèmes suscités par ces discussions n'ont pas été résolus, sauf quelques exceptions mineures. Il n'est pas satisfaisant pour les travailleurs de Turquie que la commission ou le système de contrôle dans son ensemble soit saisi de la situation depuis aussi longtemps sans que la commission ne se prononce clairement. La commission a été très patiente avec le gouvernement. Bien qu'il existe de sérieux écarts entre la convention et la législation et la pratique nationales, la commission a exprimé régulièrement son ferme espoir que le gouvernement tiendra ses promesses et donnera entière satisfaction aux commentaires de la commission d'experts. L'optimisme des employeurs sur la volonté politique et le potentiel à résoudre les problèmes des gouvernements turcs successifs constitue un élément positif, mais les faits relatifs à ce cas ne fournissent pas une base crédible pour un tel optimisme après autant d'années. Le fossé sans cesse croissant entre les positions claires de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale, d'une part, et de cette commission, d'autre part, n'est pas un signe favorable pour le système de contrôle. Les responsabilités et la nature des procédures de la commission diffèrent de celles du Comité de la liberté syndicale, mais il y a toujours eu une influence réciproque entre la procédure régulière de supervision et les procédures spéciales de soumission des plaintes, ce qui doit être maintenu dans ce cas.
Les membres travailleurs approuvent les commentaires de la commission d'experts concernant le critère numérique pour l'adhésion à un syndicat ou pour une négociation collective, le critère de 10 pour cent au niveau de la branche d'industrie et de plus de 50 pour cent au niveau de l'entreprise, pour que les syndicats puissent négocier collectivement. Les membres travailleurs n'acceptent pas l'argument du gouvernement selon lequel on ne peut changer la législation parce que la principale confédération syndicale et l'organisation d'employeurs souhaitent maintenir ce critère numérique. Les experts ont déclaré que ces exigences ne sont pas en conformité avec la convention et fondent leurs appréciations sur les cas de jurisprudence établis au cours des années par les experts eux-mêmes et dans les décisions unanimes du Comité de la liberté syndicale composé par les gouvernements, les travailleurs et les employeurs. Ce principe aurait dû orienter le gouvernement plutôt que l'opinion d'importantes organisations d'employeurs.
A propos du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires non engagés dans l'administration publique, les membres travailleurs appuient entièrement les commentaires de la commission d'experts fondés sur la "quasi-jurisprudence" et indiquant que l'actuelle législation définit encore trop largement les services essentiels. Ici encore, ils rappellent aux employeurs qu'ils participent aux interprétations unanimes des conventions par le Comité de la liberté syndicale. Si les gouvernements sont en désaccord avec les décisions des organes de contrôle de l'OIT, ils peuvent solliciter une révision auprès de la Cour internationale de justice. La seule raison pour laquelle cela arrive difficilement est que les gouvernements savent très bien que ces jugements sont d'une haute qualité.
Enfin, à propos de l'arbitrage obligatoire, ils sont également d'accord avec les commentaires de la commission d'experts et n'acceptent pas l'argument selon lequel la disposition légale ne s'applique pas dans la pratique et conduit uniquement à une suspension temporaire de la grève. Il est fondamental qu'une loi soit en conformité avec la convention, qu'elle soit ou non appliquée.
Les membres employeurs ont relevé que ce cas concerne trois points spécifiques soulevés par la commission d'experts, et que la situation n'est pas tragique. Tout d'abord, à propos du critère numérique portant sur le nombre de membres d'un syndicat autorisés à négocier collectivement, ils notent que, depuis des années, le gouvernement a indiqué sa disponibilité pour apporter des changements, mais que les deux confédérations de travailleurs et d'employeurs les plus importantes s'y sont opposées. Néanmoins, étant donné que les négociations tripartites semblent suivre leur cours et inclure les syndicats minoritaires, le résultat sera peut-être quelque peu différent lorsque les négociations seront terminées. Ils rappellent que l'article 4 de la convention no 98 requiert des négociations collectives libres et volontaires, mais n'indique rien à propos de l'acceptabilité du critère numérique. Les organes de contrôle ont signalé qu'il a été admis et reconnu que le droit à la négociation collective peut être restreint aux organisations les plus représentatives. Il est possible d'avoir un syndicat avec un nombre d'adhérents de 51 pour cent, d'un côté, et un autre syndicat disposant de 49 pour cent des membres. En l'occurrence celui comptant 51 pour cent des membres sera le plus représentatif, et cela sera dans la ligne des opinions émises par la commission d'experts et par le Comité de la liberté syndicale.
Le Comité de la liberté syndicale a aussi déclaré que, dans des cas similaires, il est admissible d'introduire une limitation de l'habilité à négocier collectivement quand le critère est objectif et qu'il a été déterminé auparavant, ce qui semble être ici le cas. Les points de vue diffèrent en ce qui concerne le chiffre le plus approprié dans un cas particulier. Ils font remarquer que la commission d'experts a été persévérante dans ses indications mais que, parfois, de nouveaux cas nécessitent une autre approche. En outre, ils soulignent que cette commission ne partage pas toujours les observations faites par la commission d'experts.
Les partenaires sociaux et non le gouvernement devraient être appelés à fixer les restrictions numériques étant donné qu'ils paraissent s'opposer à tout changement. L'optimisme est justifié par l'établissement d'un nouveau Conseil économique et social tripartite qui traitera de cette question et où les syndicats minoritaires sont également représentés. En outre, en référence au deuxième point signalé par la commission d'experts, le gouvernement a pris une mesure inhabituelle en amendant la Constitution afin de permettre aux fonctionnaires d'engager une négociation collective. En conséquence, les membres employeurs sont optimistes du fait qu'une plus grande majorité est requise pour l'adoption d'un amendement constitutionnel que pour l'adoption d'une loi organique.
A propos du troisième point traitant de l'arbitrage obligatoire, la notion de préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale est plus proche de celle des services essentiels de la commission d'experts au sens strict du terme, considérés comme ceux mettant en danger la vie, la sécurité ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population. Dans ce cas, les restrictions du droit de grève restent exceptionnelles, l'approbation de la cour étant requise, et il est possible de soumettre également la question à l'arbitrage volontaire. En conséquence, cela n'est pas un cas alarmant de restriction puisque des changements substantiels sont intervenus et que le gouvernement est sur le point d'en adopter d'autres par des négociations tripartites.
Le membre travailleur de la Turquie informe la commission que les modifications récentes de la Constitution n'ont pas levé l'interdiction sur les activités politiques des syndicats. Les interdictions actuelles figurant dans la loi syndicale et la loi sur les associations ont été utilisées contre le comité exécutif de TURK-IS et les présidents de toutes les organisations affiliées en alléguant leur soutien à certains partis politiques aux élections générales de décembre dernier.
A propos du premier point signalé par la commission d'experts, l'orateur propose qu'une révision tripartite totale de la législation du travail en Turquie soit effectuée pour la rendre conforme avec les conventions ratifiées nos 26, 87, 94, 98, 105, 111, 122, 151 et 158, et ce avec l'assistance technique du BIT. En se référant à d'autres violations de la convention no 98, la commission d'experts a indiqué que les certificats de compétence pour les négociations collectives devraient être accordés par une instance indépendante. Cependant, en Turquie, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est chargé de cette tâche et utilise occasionnellement son pouvoir comme moyen d'interférer dans les affaires syndicales. En cas de discrimination antisyndicale au moment du recrutement, la loi syndicale révisée stipule l'obligation d'une amende de seulement 55 dollars des Etats-Unis et place la charge de la preuve sur la victime. Le syndicat doit informer d'abord le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et ensuite l'employeur concerné au sujet de l'adhésion de nouveaux membres. Aucune protection n'existe en ce qui concerne les démissions et les transferts des dirigeants syndicaux travaillant sur leur lieu de travail et des membres des comités syndicaux de direction pour la période suivant l'expiration de leur mandat. Les confédérations ne peuvent pas avoir de négociations collectives, le niveau de négociation est spécifié par la loi et la négociation collective dans le secteur de l'industrie est interdite. La loi s'impose pour les questions négociées collectivement et interdit toute référence ou convention collective pour le paiement des salaires pendant une période de grève. Enfin, les négociations collectives sont limitées à 60 jours avant qu'une médiation ne devienne obligatoire. L'orateur note que le gouvernement n'a pas fourni d'information concernant les commentaires des travailleurs.
Concernant les travailleurs du secteur public, l'orateur regrette que la situation se soit détériorée depuis l'an dernier. Actuellement, des milliers de dactylographes, de chauffeurs, de mécaniciens, d'employés de bureau, de tailleurs, d'électriciens, de menuisiers, de soudeurs, de plombiers, d'infirmières, de plongeurs, de cuisiniers, de coiffeurs, d'enseignants, de jardiniers, etc. sont employés dans le secteur public dans son pays comme "fonctionnaires" et cette liste n'est pas limitative. Il rappelle que la convention no 98 prévoit dans son champ d'application tous les employés, à l'exception des "fonctionnaires engagés dans l'administration de l'Etat". Il rappelle également que, déjà en 1957, le représentant gouvernemental avait déclaré qu' "une ordonnance est à présent à l'étude qui traite des conditions d'emploi des travailleurs intellectuels", et "il est espéré que cette ordonnance donnera toutes les garanties nécessaires à cette catégorie de travailleurs". Il regrette que ces promesses n'aient pas été tenues.
L'orateur conteste la déclaration du gouvernement indiquant que l'amendement de l'article 53 de la Constitution garantit aux fonctionnaires le droit d'adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. Dans l'amendement, il n'y a pas de reconnaissance explicite du droit de constituer librement un syndicat de fonctionnaires. La seule référence se lit comme suit: "les fonctionnaires peuvent constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur autorisés par la loi ...". Etant donné qu'aucune autorisation n'est accordée par quelque législation que ce soit, l'amendement n'a pas amélioré la situation mais, au contraire, l'a détériorée. En l'absence de toute disposition constitutionnelle réglementant le droit d'association, il est légalement possible d'exercer ce droit alors que cet amendement requiert l'octroi d'une autorisation par la promulgation d'une loi qui n'a pas encore été faite. En conséquence, le Syndicat des employés des PTT (TUM HABER-SEN) a été dissous en décembre 1995. Cet amendement dénie aux fonctionnaires le droit de négociation collective bien qu'il reconnaisse aux syndicats le droit de négocier au nom de ses membres. Si un accord avait été conclu par ces négociations collectives, il n'aurait en aucune manière lié les parties car il aurait dû être soumis "à la discrétion du Conseil des ministres". Ce processus de négociation ne peut être considéré comme une négociation collective telle que prévue par la convention no 98. En outre, le décret no 399 ayant force de loi interdit explicitement la négociation collective pour les contrats d'emploi dans le secteur public. L'orateur recommande instamment au gouvernement de reconnaître le droit de négociation collective dans le secteur public en application de la convention no 98 et d'éradiquer toute action administrative ou interprétation de la législation nationale qui créerait des obstacles pour l'exercice de ce droit fondamental.
S'agissant de l'arbitrage obligatoire, l'orateur indique que l'article 33 de la loi no 2822 stipule que les grèves ne peuvent être suspendues par le Conseil des ministres si elles ne sont pas considérées comme préjudiciables à la santé publique ou à la sécurité nationale. Ce critère n'est pas le même que le concept de "services essentiels" défini par les mécanismes de supervision de l'OIT. Les services essentiels sont seulement ceux dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de tout ou partie de la population.
L'orateur explique que le problème de l'arbitrage obligatoire ne doit pas se limiter aux cas mentionnés dans l'article 33. Il existe une interdiction totale du droit de grève, et par conséquent l'arbitrage obligatoire dans l'exploration, le forage, la production, le raffinage, la purification et la distribution d'eau, d'électricité, de gaz, de charbon, de gaz naturel et de pétrole; les travaux de pétrochimie, les banques, notaires, pompiers, services fonciers publics et urbains, la marine marchande, les chemins de fer et autres transports; la santé et les institutions d'éducation et de défense nationale. Cependant, une petite proportion de travailleurs interdits de droit de grève peut se considérer comme accomplissant des services essentiels. En outre, en relation avec la loi sur les zones franches d'exportation, l'arbitrage obligatoire existe pendant une période de dix ans postérieurement à la création de la zone en question. L'orateur mentionne également que l'arbitrage existe quand un tribunal du travail suspend une grève au fait de l'article 47 de la loi parce qu'il allègue un dommage pour la société et pour la santé nationale. L'arbitrage obligatoire existe également en cas de guerre ou d'état d'urgence sous la loi martiale. L'orateur conclut en indiquant que les interventions de la commission et sa détermination dans ce débat devraient contribuer à amener la législation du travail de Turquie dans la ligne des principes et des normes de l'OIT.
Le membre travailleur de l'Allemagne s'est référé au point 2 du rapport d'experts qui signale comme fait positif l'amendement de la Constitution. Selon cet amendement, les fonctionnaires bénéficient de la possibilité de se syndiquer et de mener des négociations, une loi spécifique étant toutefois nécessaire pour que cette possibilité se traduise dans les faits. Cet état de fait a amené les autorités judiciaires à dissoudre un syndicat de fonctionnaires du secteur des postes et télécommunications. L'orateur a indiqué que les fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat se voient dénier le droit fondamental de la liberté d'organisation et d'accès aux négociations collectives. Enfin, il a déclaré qu'il est inacceptable que des syndicats de fonctionnaires ne puissent pas travailler sans entraves et qu'ils ne jouissent pas pleinement de leur droit à la négociation collective, cela d'autant plus qu'il y a beaucoup de personnel sous contrat nécessitant la protection spécifique de la convention no 98.
Le membre travailleur de la Grèce a signalé qu'il ne peut accepter la déclaration du représentant gouvernemental indiquant que la situation est difficile et qu'en conséquence le gouvernement n'arrive pas à garantir le droit de négociation collective; il ne peut croire que, à cause d'une situation économique difficile, l'on doive restreindre le droit de négociation collective. L'orateur est d'accord pour reconnaître le critère de représentativité exigé des syndicats pour négocier, mais il n'est pas d'accord avec le critère quantitatif. En outre, il a indiqué que, s'agissant de l'arbitrage obligatoire, il est la règle et non l'exception. Il a ajouté que l'arbitrage obligatoire a été aboli dans la plupart des pays qui veulent respecter les dialogues sociaux et les négociations collectives et que les procédures de conciliation sociale et d'arbitrage ne sont efficaces que dans les pays où ce recours est le résultat d'une volonté d'une partie ou d'une autre des travailleurs ou des employeurs. En outre, il faut que les conciliateurs ou les arbitres soient désignés d'un commun accord par les parties intéressées et non par un pouvoir tiers.
Le membre travailleur des Etats-Unis a attiré à nouveau l'attention sur la question de la négociation collective dans le secteur public et sur l'imposition d'un arbitrage obligatoire dans les zones franches de commerce. Tout accord collectif conclu entre les syndicats de fonctionnaires et un employeur doit être approuvé par le Conseil des ministres. Cela empêche le syndicat de négocier directement avec ceux au gouvernement qui possèdent le pouvoir final de décision. En conséquence, cela décourage la négociation de bonne foi avec les syndicats et les engagements pris à la table de négociation et encourage les arrêts de travail comme unique moyen d'amener à la table de négociation ceux qui peuvent conclure un accord non susceptible d'annulation. En outre, la définition légale du fonctionnaire est beaucoup trop large et est en violation de la convention no 98. En ce qui concerne l'implication de l'arbitrage collectif et l'arbitrage obligatoire dans les zones franches de commerce pour une période de dix ans suivant la création de la zone, l'orateur se réfère aux conclusions formulées par le Comité de la liberté syndicale dans son 303e rapport, paragraphe 63, où le gouvernement est prié de lever à brève échéance les restrictions incompatibles avec l'application de la convention. Il déclare que la pression moins forte sur les normes du travail et les droits des travailleurs doit être combattue en insistant pour que les conventions de l'OIT soient strictement et uniformément respectées sans exception. L'orateur conclut en appuyant la suggestion de la commission d'experts de procurer une assistance technique.
En réponse, le représentant gouvernemental indique que la critique relative à l'interdiction de la négociation collective dans les zones franches de commerce n'est pas correcte. Aux termes de la loi no 3218 du 15 juin 1985, il est prévu que pendant les dix premières années de la création de la zone franche de commerce des négociations collectives peuvent avoir lieu entre les parties mais que tout blocage doit être soumis à l'arbitrage obligatoire afin d'encourager le libre-échange sans limitation. Les zones franches de commerce sont traitées séparément et soumises aux règles régissant le commerce international en Turquie. Néanmoins, en référence à la loi no 3218 de 1985, il n'existe plus en Turquie de zones franches de commerce soumises à cette restriction.
L'orateur déclare qu'il a pris note des autres questions soulevées par les autres intervenants et qu'il les prendra en considération.
Les membres travailleurs croient fermement, en ce qui concerne la restriction numérique, que la commission d'experts ne conteste pas le critère de 50 pour cent mais la combinaison des 50 pour cent avec les 10 pour cent au niveau sectoriel car il n'y a pas de négociations collectives à ce niveau. Il est totalement non fondé que les parties principales concernées pensent qu'elles peuvent vivre avec ces restrictions numériques car cela a été vrai par le passé au sujet de cas concernant les syndicats des pays d'Europe de l'Est relatifs aux travaux forcés. A propos des changements constitutionnels ayant trait au droit des fonctionnaires, ils ne considèrent pas que la législation turque promeut actuellement la négociation collective. Au contraire, l'arbitrage concerne uniquement la négociation collective et donc, si le gouvernement ne l'utilise pas souvent, la loi peut être changée. Ils terminent en réitérant la grave préoccupation des membres travailleurs et ils suggèrent le recours à l'assistance technique du BIT.
Les membres employeurs ont à nouveau souligné la validité de l'amendement constitutionnel en Turquie qui reconnaît aux fonctionnaires le droit d'organisation et, d'une certaine façon, le droit de négociation collective. Ils sont optimistes à propos de l'application de la législation lorsqu'elle entrera en vigueur.
La commission a pris note de la déclaration du président gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a regretté que la commission d'experts ait reçu trop tardivement le rapport du gouvernement sur l'application de la convention et qu'il n'ait pas répondu à temps aux commentaires formulés par les organisations syndicales TURK-IS et DISK. La commission se félicite des progrès constatés depuis lors par le Comité de la liberté syndicale, en particulier l'amendement constitutionnel qui reconnaît aux fonctionnaires le droit syndical et le droit de négociation collective, mais elle note que ce comité relève avec préoccupation que de nombreuses divergences subsistent tant en droit qu'en pratique avec les exigences de la convention. Elle note également qu'une commission tripartite examinera les points soulevés par la commission d'experts. Elle demande à nouveau instamment au gouvernement d'adopter des mesures pour lever les restrictions à la négociation collective résultant du double critère de la représentativité exigée des syndicats. Elle exprime également le ferme espoir que seront adoptées, outre les dispositions constitutionnelles, des dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder sans ambiguïté aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi. La commission insiste auprès du gouvernement pour que son prochain rapport détaillé sur l'application de la convention fasse état de mesures concrètes qui auront été effectivement prises, si nécessaire avec l'assistance du BIT, pour donner suite aux commentaires de la commission d'experts, et notamment pour promouvoir la libre négociation collective comme moyen de fixer des conditions d'emploi. La commission exprime le ferme espoir d'être à même de constater des progrès décisifs en droit et en pratique sur ces questions à très brève échéance.
Un représentant gouvernemental, abordant le premier point soulevé par la commission d'experts, a répété que le gouvernement continuait de s'employer à supprimer cette exigence de 10 pour cent de travailleurs pour qu'un syndicat accède à la négociation collective, malgré les objections des organisations d'employeurs et de travailleurs.
S'agissant des droits syndicaux des fonctionnaires, la commission parlementaire chargée d'examiner le projet de loi réglementant la question a conclu que ce projet n'était pas conforme à la Constitution dans sa teneur actuelle. Un projet de modification de la Constitution a donc dû être préparé; bénéficiant du consensus de l'ensemble des partis politiques, il a été soumis au Parlement et examiné par les commissions compétentes la semaine dernière. L'une des modifications proposées vise à garantir les droits syndicaux des fonctionnaires. Le projet de loi devrait être prochainement examiné.
Quant au troisième point de l'observation, qui porte sur l'article 33 de la loi no 2822, il doit être souligné que son libellé visant les cas où la santé publique ou la sécurité nationale serait en péril est pleinement conforme à l'interprétation de la commission d'experts. En outre, toute décision du gouvernement à cet égard est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire indépendante. Les parties intéressées ont par ailleurs la faculté de recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. Enfin, le gouvernement peut revenir sur sa décision lorsque les circonstances qui l'ont justifié ont cessé d'exister.
Les membres employeurs ont rappelé que la présente commission avait déjà traité maintes fois de ce cas dans le passé. Les faits sont donc désormais bien connus. Le premier point porte sur l'effectif requis d'un syndicat pour qu'il accède à la négociation collective. Le gouvernement a indiqué qu'il était prêt à le modifier, mais ce sont les partenaires sociaux qui ont expressément indiqué l'année dernière qu'ils souhaitaient laisser les choses en l'état. Par ailleurs, la commission d'experts n'indique pas à partir de quel effectif l'exigence serait abusive et la convention ne permet pas de le déterminer. Il serait utile que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur les domaines dans lesquels il existe des conventions collectives et leur nombre. Si l'on devait en déduire qu'il est possible de conclure des conventions collectives partout, ce premier point perdrait de son importance.
Le deuxième problème, celui du droit de négociation collective des fonctionnaires, n'est pas nouveau non plus. Un projet de loi avait été déposé et il reviendrait maintenant au Parlement de l'adopter. Le prochain rapport du gouvernement devrait indiquer les nouvelles mesures qui auront été adoptées.
La troisième question a trait au recours à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances. La commission d'experts réitère son interprétation selon laquelle l'arbitrage obligatoire ne doit s'appliquer qu'aux services essentiels au sens strict, c'est-à-dire à ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. On connaît les réserves des membres employeurs à l'égard de cette interprétation. En tout état de cause, les garanties de procédure, les possibilités de recours et l'implication des partenaires sociaux permettent de penser que le problème est en voie d'être résolu, du moins au regard des dispositions de la convention no 98. La récente ratification de la convention no 87 par la Turquie devrait également permettre de nouvelles améliorations. Il devrait être demandé au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur toute nouvelle évolution.
Les membres travailleurs ont souligné que ce cas avait déjà été discuté en 1988, 1989, 1991, 1993 et 1994, raison pour laquelle ils ne pouvaient faire preuve de la même patience que les membres employeurs. Le gouvernement s'était référé l'année dernière au projet de loi en discussion. Pourtant, la commission d'experts n'a pu cette année que répéter son observation sur chacun des trois points en cause. Elle a en outre constaté que le gouvernement n'avait pas répondu aux commentaires formulés par la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).
En ce qui concerne le projet de loi, la présente commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour "adopter les dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi". Or ce projet de loi n'a pas abouti et il semble que le gouvernement soit en train de préparer un nouveau projet qui ne couvrirait plus le droit de négociation collective. Il semble que la position du gouvernement ait évolué et il devrait s'en expliquer.
Le projet de loi sur le double critère de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective est toujours à l'étude. Comme ils ont déjà eu plusieurs fois l'occasion de le rappeler, les membres travailleurs estiment qu'un équilibre entre les exigences du pluralisme et de l'efficacité doit être recherché. Le double seuil de 10 pour cent de la branche et de 50 pour cent de l'entreprise risque d'exclure de nombreux travailleurs de la négociation collective.
L'obligation de promouvoir la négociation collective est également violée en droit et en pratique par les procédures d'arbitrage obligatoire. Les membres travailleurs souscrivent pleinement à l'observation de la commission d'experts selon laquelle le recours à l'arbitrage obligatoire devrait être strictement limité aux services essentiels. Il serait indispensable que des informations complètes soient à nouveau examinées par la commission d'experts.
Des informations précises devraient être fournies par le gouvernement sur chacun des points soulevés par la commission d'experts et aussi en réponse aux commentaires de la TURK-IS. En ratifiant récemment plusieurs conventions fondamentales, la Turquie a témoigné de son intérêt pour les principes qu'elles consacrent. Il revient au gouvernement de démontrer qu'il entend respecter dans la pratique ses engagements internationaux en procédant aux adaptations nécessaires.
Le membre travailleur de la Turquie a rappelé que ce cas a été débattu presque chaque année depuis 1983, année où il avait fait l'objet d'un paragraphe spécial. La question de l'effectif requis pour négocier collectivement appelle une révision complète de la législation sur la base de consultations tripartites et avec la coopération technique du BIT. En ce qui concerne le déni du droit de négociation collective des fonctionnaires, les perspectives se sont assombries depuis l'année dernière. Alors que le gouvernement avait promis de reconnaître ce droit, son attitude a radicalement changé. Aux termes de l'amendement constitutionnel en cours de discussion au Parlement, les négociations seraient autorisées mais les accords conclus n'auraient aucune force obligatoire. En outre, l'arrêt du 25 mai dernier de la Cour d'appel menace l'existence même des syndicats de fonctionnaires. Quant à l'arbitrage obligatoire, il est imposé dans un très vaste ensemble d'activités dont la plupart ne correspondent pas à des services essentiels. Sur tous ces aspects, non seulement la situation ne s'est pas améliorée, mais elle menace de se dégrader encore.
La commission a pris note des déclarations du représentant gouvernemental relatives aux points soulevés par la commission d'experts en ce qui concerne l'effectif requis d'un syndicat pour négocier collectivement, le déni du droit de négociation collective des fonctionnaires et le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. La commission a demandé au gouvernement, après avoir examiné les données de cette déclaration, de fournir des informations complètes sur de nouvelles évolutions tendant à lever les restrictions à la négociation collective et a exprimé l'espoir que la loi proposée pour étendre le droit de négociation collective aux fonctionnaires tiendrait pleinement compte des suggestions antérieures de la commission d'experts. La commission a en outre invité instamment le gouvernement à restreindre encore, comme l'a recommandé la commission d'experts, le champ d'application de l'arbitrage obligatoire afin de respecter pleinement la convention no 98 et de fournir également des informations sur cet aspect dans son rapport.
Un représentant gouvernemental a déclaré qu'il donnerait des informations sur les trois points concernant l'application de la convention no 98 soulevés dans le rapport de la commission d'experts: 1) les exigences numériques concernant la détermination de la représentativité d'un syndicat à la négociation collective; 2) les droits syndicaux des fonctionnaires publics et 3) l'arbitrage obligatoire en relation avec l'ajournement d'une grève. S'agissant du premier point, l'orateur a rappelé avoir indiqué l'année précédente que l'article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out n'avait pas pu être modifié parce que les partenaires sociaux les plus représentatifs voulaient maintenir le système en vigueur et que le gouvernement s'efforçait néanmoins d'apporter les modifications législatives souhaitées par la commission d'experts. Il a ajouté qu'à ce jour un avant-projet du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, prévoyant notamment la suppression de l'une des exigences faites à un syndicat pour pouvoir participer à la négociation collective dans une branche donnée, à savoir de représenter 10 pour cent au moins des effectifs, a été communiqué pour avis aux partenaires sociaux; la Confédération des travailleurs TURK-IS s'est opposée à cette proposition par lettre du 5 avril 1994; la Confédération des employeurs TISK s'est également déclarée contre cette proposition par lettre du 19 avril 1994. Néanmoins, le ministère poursuit ses travaux et ses démarches pour modifier cette loi ainsi que la loi sur les syndicats. En ce qui concerne le deuxième point (droits syndicaux des fonctionnaires publics), l'orateur a rappelé avoir indiqué l'année précédente qu'une nouvelle législation devait être élaborée en conformité avec les conventions nos 87 et 151 récemment ratifiées par la Turquie, et il a annoncé qu'à ce jour un projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires ainsi que leur participation, par l'intermédiaire de leurs représentants, à la détermination de leurs conditions d'emploi a été approuvé par le Conseil des ministres, soumis à l'Assemblée nationale et transmis pour étude à une commission du parlement. Il a ajouté que, dans la pratique, les fonctionnaires ont déjà constitué des syndicats et que, en vertu de la circulaire du premier ministre no 1993/15 du 15 juin 1993, les hésitations de certaines autorités administratives ont été levées et les fonctionnaires peuvent constituer librement des syndicats. En ce qui concerne le troisième point (arbitrage obligatoire en relation avec l'ajournement d'une grève), l'orateur a indiqué que, si la commission d'experts demande la modification de l'article 33 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, elle admet néanmoins que cette procédure peut être appliquée dans les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé. L'orateur a ajouté que le contenu de l'article en cause n'est pas en contradiction avec les principes soutenus par la commission puisqu'il ne permet au gouvernement d'imposer l'arbitrage obligatoire que si la grève est de nature à porter atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale. Il a souligné en outre que toute décision du gouvernement en la matière peut à tout moment être portée par les parties concernées devant des instances judiciaires indépendantes ou bien soumise à l'arbitrage privé. Il a précisé enfin que le gouvernement peut toujours revoir ou annuler sa décision si les circonstances justifiant la suspension ont cessé, les parties intéressées ayant encore la possibilité de parvenir à un accord à ce stade, le conflit n'étant soumis à l'arbitrage obligatoire de la Commission suprême d'arbitrage que s'il ne s'est pas dégagé de solution. En tout état de cause, le gouvernement ne prononce la suspension d'une grève que dans des situations exceptionnelles; il n'a d'ailleurs pas recouru à cette procédure depuis la dernière réunion de la Conférence internationale du Travail. Pour conclure, l'orateur a annoncé l'adoption, par la grande Assemblée nationale, d'une loi autorisant le gouvernement à ratifier la convention no 158 sur le licenciement, 1982, qui a une incidence particulière sur le droit d'organisation et l'activité syndicale.
Les membres travailleurs ont signalé que ce cas a été discuté à plusieurs reprises et que la commission d'experts avait formulé des observations sur l'application de cette convention, ces observations ayant été réitérées dans son dernier rapport, sous les trois points développés ci-après et sur lesquels le représentant gouvernemental s'est exprimé dans son intervention: les exigences numériques en matière de négociation, qui font obligation à un syndicat, pour pouvoir négocier collectivement, de représenter au moins 10 pour cent des effectifs de la branche concernée et plus de la moitié des salariés de l'établissement concerné; le déni, aux fonctionnaires, du droit de négocier collectivement; et l'arbitrage obligatoire dans les conflits du travail qui ne touchent pas les services essentiels.
Ils se sont félicités de la ratification des conventions nos 87, 135 et 151 et de l'annonce de la ratification de la convention no 158. Ils ont toutefois l'impression qu'en dépit des diverses mesures annoncées par le membre gouvernemental l'attitude ambiguë de son gouvernement donne à croire que celui-ci s'efforce à tout prix de continuer de contrôler le mouvement syndical et le développement de la négociation collective. Revenant à la question des exigences numériques, ils s'appuient sur les indications contenues dans l'étude d'ensemble (paragr. 97 et suivants, et paragr. 238 et suivants) concernant l'importance de l'équilibre entre le pluralisme syndical et les impératifs d'efficacité dans le domaine de la négociation collective. Ils souscrivent également aux considérations développées au paragraphe 241 de cette même étude, dans lequel la commission d'experts traite de la reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective et estime que de tels systèmes risquent de déboucher sur l'exclusion de la négociation d'un syndicat majoritaire qui ne réunit pas une majorité de 50 pour cent des membres d'une unité de négociation. Considérant qu'un système national doit promouvoir efficacement la négociation collective et stimuler la qualité du dialogue social, ils estiment que le système prévu par la législation turque ne répond pas à cet impératif du fait de l'exigence du double critère concernant les effectifs de travailleurs représentés, ce double critère permettant d'exclure de nombreux travailleurs de toute négociation collective. En ce qui concerne le droit de négociation des salariés des services publics, les membres travailleurs se rallient à l'opinion exprimée par la commission d'experts au paragraphe 105 de son étude d'ensemble et considèrent que le droit d'association ne peut être dénié aux fonctionnaires ou aux employés publics. Une place significative devrait être laissée dans ce secteur à la négociation collective (paragr. 265). Ils estiment en outre que le concept de fonctionnaire doit être entendu dans un sens strict. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils ont rappelé que la commission d'experts n'admet le recours à cette procédure que dans le cas des services essentiels et ils ont demandé au représentant gouvernemental des explications quant au système d'arbitrage obligatoire prescrit dans les zones franches d'exportation. Pour conclure, les membres travailleurs ont demandé si le gouvernement entend faire droit aux observations de la commission d'experts en abrogeant la double exigence numérique de même que l'arbitrage obligatoire et en adoptant le projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires. Ils ont exprimé l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour stimuler la libre négociation collective à tous les niveaux et dans tous les établissements.
Les membres employeurs ont évoqué en premier lieu la question des exigences numériques déterminant la représentativité d'une organisation dans le cadre de la négociation collective. Le caractère trop élevé du double critère de 10 et de 50 pour cent qui est critiqué par la commission d'experts est également critiqué par les membres employeurs et par le gouvernement, lequel n'a pas exprimé d'opinion divergente à cet égard. Les membres employeurs comprennent cependant les difficultés qu'éprouve le gouvernement pour modifier les dispositions en la matière du fait que les partenaires sociaux semblent souhaiter le maintien du système en vigueur et que les uns comme les autres ont rejeté son projet de loi. Ils appellent néanmoins le gouvernement à faire tout son possible pour soumettre ce projet de loi au parlement étant donné que cette question ne saurait être résolue que par la modification des dispositions pertinentes. En deuxième lieu, les membres employeurs ont déclaré ne pouvoir se prononcer quant à la situation concernant le droit de négociation des fonctionnaires étant donné que, d'après les informations communiquées par le gouvernement, le parlement est actuellement saisi d'un projet de loi tendant à abolir, ou du moins à limiter, les restrictions imposées aux fonctionnaires. La nouvelle loi leur permettra de négocier collectivement. Toutefois, ils relèvent dans l'observation de la commission d'experts que la TURK-IS n'est pas satisfaite et que les restrictions persistent. La commission d'experts a exprimé l'espoir que le projet de loi garantira aux fonctionnaires publics le droit de négocier collectivement et que le gouvernement fournira des informations sur les changements intervenus. De leur côté, les membres employeurs espèrent que ces changements ont été entamés et se poursuivent, et ils souhaitent être tenus informés des progrès réalisés. En troisième lieu, les membres employeurs ont évoqué la question de l'arbitrage obligatoire, se référant à la formule utilisée par la commission d'experts, selon laquelle il ne doit être recouru à cette pratique qu'en ce qui concerne les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire ceux dont l'interruption peut porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité des personnes dans tout ou partie de la population. Les membres employeurs considèrent, comme ils l'ont dit à plusieurs reprises, que cette formule va trop loin et que l'Etat doit avoir la possibilité d'intervenir avant qu'une situation aussi grave se produise. Le gouvernement déclare qu'il ne recourt à l'arbitrage que lorsque la santé publique, la sécurité ou la vie sont en péril. En outre, le gouvernement déclare qu'un recours peut être introduit devant les tribunaux contre la décision de suspendre la grève pendant 60 jours, et toutes les parties participent à l'arbitrage. Il n'y a d'autre part pas d'indications selon lesquelles il serait souvent fait recours à cette sorte d'arbitrage ou qu'il serait utilisé de manière abusive. Ils considèrent qu'une procédure n'a de signification que lorsque l'on peut en apprécier l'usage dans la pratique. Dans le cas d'espèce, ils rappellent que la procédure d'arbitrage ménage un délai de 60 jours avant l'arbitrage ainsi que la possibilité de faire recours devant les instances judiciaires et de constituer un tribunal d'arbitrage tripartite. La commission d'experts n'a pas signalé d'abus dans le recours à cette procédure et, dans ces circonstances, les membres employeurs estiment qu'ils doivent inviter le gouvernement à poursuivre les mesures qu'il a engagées en vue de modifier les dispositions concernant les exigences numériques et de faciliter la participation des fonctionnaires à la négociation collective. Pour conclure, ils se sont déclarés rassurés du fait que le gouvernement a ratifié la convention no 87 en 1993.
Le membre travailleur de la Norvège a déclaré, au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Suède et des Pays-Bas, qu'il déplorait que le gouvernement turc continue de s'opposer au pluralisme dans les structures de l'activité syndicale. L'examen des conséquences qu'entraînent les exigences numériques prescrites pour admettre la représentativité d'une organisation dans la négociation collective conduit à conclure que le gouvernement souhaite écraser les syndicats de gauche, en particulier la DISK, syndicat dont le gouvernement devrait être fier puisqu'il a apporté une contribution notoire au processus politique ayant abouti à la démocratie. C'est à tort que le gouvernement invoque le fait qu'une confédération syndicale turque n'accepte pas l'interprétation de la commission d'experts en l'espèce. Il a souligné que le droit des fonctionnaires publics à la négociation collective n'a toujours pas été reconnu, en dépit du fait que le gouvernement a assuré à plusieurs reprises que les lois contraires aux droits fondamentaux de l'homme seraient abrogées sans retard après l'adoption de la Constitution de 1980 et en dépit de la tenue d'une conférence, en mars 1994 à Istanbul, avec la participation de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe, des dirigeants syndicaux de la TURK-IS, de la HAK-IS, de la DISK et des centrales internationales CISL et CES, au cours de laquelle le gouvernement a affirmé que les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec les conventions de l'OIT, et notamment la convention no 98, seraient prises. Le gouvernement a également évoqué sa demande d'adhésion à l'Union européenne, laquelle garantirait la consécration des droits fondamentaux dans la législation nationale. L'orateur estime que le projet de loi qui a été présenté envisage les organisations de fonctionnaires publics comme des associations et non comme des syndicats, ce qui implique que le contrôle de l'Etat, selon le droit civil, peut s'exercer sur ces organisations.
Le membre travailleur de la Turquie a regretté que le gouvernement bafoue continuellement les dispositions de la convention no 98. La législation en vigueur fixe les amendes contre les actes de discrimination antisyndicale à un niveau dérisoire de 30 à 130 cents des Etats-Unis. La législation impose également aux syndicats d'informer le gouvernement de leurs nouveaux adhérents dans les quinze jours et le ministère du Travail use de son autorité lors de la procédure d'agrément pour s'ingérer dans les syndicats. Les travailleurs et dirigeants syndicaux peuvent être licenciés sans juste motif et l'employeur peut s'opposer à leur réintégration dans leur emploi. L'orateur a souligné la nécessité d'une refonte totale de la législation du travail turque afin de la rendre conforme aux exigences des conventions nos 87, 98 et 151. A cette fin, il conviendrait de demander l'assistance technique du BIT. L'orateur a cité plusieurs exemples illustrant l'impossibilité, pour les fonctionnaires, de s'organiser. Le projet de législation présenté par le gouvernement comme un progrès décisif à cet égard ne résoudra pas les problèmes et risque même de les aggraver dans certains cas. Un syndicat d'employés civils des établissements militaires, qui s'était constitué en conformité de la législation en vigueur, devra être supprimé avec le projet de loi. La législation laisse peu de place à la négociation collective. En cas de conflit collectif, la législation proposée institue une commission de conciliation, formée de deux fonctionnaires de l'Etat et d'un expert, qui proposera une solution. Le Conseil des ministres décidera d'accorder ou non le droit de faire grève ainsi que les modalités d'exercice de ce droit. L'arbitrage obligatoire est souvent imposé en Turquie. Les grèves sont interdites dans un grand nombre de secteurs non essentiels. Même lorsque la négociation collective est autorisée, elle doit aboutir dans les soixante jours, sinon, au terme de ce délai, la médiation intervient obligatoirement. En vertu de la loi sur les zones franches d'exportation, l'arbitrage obligatoire est imposé durant les dix années consécutives à la création de cette zone. Il s'agit de violations manifestes de la convention no 98. Les amendements proposés à la loi sur les conventions collectives, la grève et le lock-out ne rendront pas la législation conforme à la convention. Le plan gouvernemental de démocratisation n'en fera pas davantage. Pour conclure, l'orateur a réitéré que l'ensemble de la législation du travail turque nécessite une harmonisation avec les conventions nos 87, 98 et 151 et avec les recommandations et propositions de la commission d'experts, du Comité de la liberté syndicale et de cette Commission de la Conférence. Cette démarche nécessitera l'assistance technique du BIT et la participation des partenaires sociaux.
Le membre employeur de la Roumanie a déclaré qu'au lieu de critiquer le gouvernement de la Turquie la Commission de la Conférence devrait le féliciter de ses efforts tendant à l'application de la convention. En ce qui concerne les exigences numériques en matière de représentativité pour négocier collectivement, l'orateur souhaiterait savoir s'il existe des normes internationalement reconnues à cet égard et si la commission d'experts est en mesure de suggérer des conditions numériques optimales. L'orateur a déclaré que les négociations deviendraient plus difficiles avec un plus grand nombre de partenaires et que plus le critère numérique est bas plus le nombre de partenaires est élevé.
Le membre travailleur de la Grèce a déploré que les membres employeurs se déclarent rassurés par le seul fait que la Turquie ait ratifié la convention no 87, si l'on veut bien considérer que, dans de nombreux pays - dont notamment la Grèce -, des conventions ratifiées depuis longtemps restent sans effet, comme l'attestent les débats de la commission, force est effectivement de constater qu'il ne suffit pas qu'une convention ait été ratifiée et qu'il faut que la législation nationale soit rendue conforme à cette convention et qu'elle soit respectée. Enfin, il s'est demandé pourquoi l'organisation syndicale DISK, membre de la Confédération européenne des syndicats et de son bureau exécutif, ne participe pas à la Conférence.
Le représentant gouvernemental, après avoir assuré la Commission de la Conférence de ce que ses observations et suggestions seraient étudiées par les autorités compétentes de son pays, a rappelé, en réponse aux questions posées, qu'en ce qui concerne la suppression de l'exigence numérique il existe un projet de loi, actuellement en discussion, qui prévoit notamment la suppression de l'exigence de 10 pour cent. Abordant la question des droits syndicaux des fonctionnaires, il a rappelé qu'un projet de loi préparé à la lumière des conventions nos 87 sur la liberté syndicale et 151 sur les procédures de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique est à l'étude par le parlement. En ce qui concerne la liberté de négociation entre les partenaires sociaux, l'orateur a déclaré que son gouvernement entend intervenir le moins possible et il a écarté l'idée qu'il n'y aurait pas de liberté de négociation en Turquie, évoquant à cet égard les quelque 1 783 conventions collectives conclues à la suite de libres négociations collectives en 1992, couvrant 1 090 000 salariés, et les quelque 1 153 578 heures de travail perdues en grèves. Pour conclure, l'orateur a précisé que les projets de réforme envisagés par son gouvernement ont été communiqués à toutes les parties concernées, y compris la DISK, la HAK-IS, la TURK-IS et la TISK.
Les membres travailleurs, se référant à l'intervention des membres employeurs, ont déclaré que les problèmes qui subsistent ne sont pas des problèmes sans importance et qu'il est nécessaire de continuer d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci procède à la modification demandée de la législation. Ils considèrent que le problème des exigences numériques ne réside pas tant dans la définition de critères pour définir les organisations les plus représentatives que dans le fait que la législation actuelle comporte une double exigence, laquelle aboutit à exclure une partie importante des travailleurs. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils jugent indispensable de se référer à l'esprit de la convention et à l'opinion de la commission d'experts.
Les membres employeurs sont convenus avec les membres travailleurs qu'il convient de modifier les dispositions concernant les exigences numériques, même si un syndicat important souhaite le maintien de la situation en vigueur. En ce qui concerne les déclarations du représentant gouvernemental, ils ne considèrent pas que le fait qu'un grand nombre de grèves soient intervenues signifie qu'un progrès social important ait été accompli. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils estiment que cette procédure est valable dans la mesure oì des critères non ambigus sont établis et oì la participation des deux parties est garantie. S'agissant de la formule utilisée par la commission d'experts, ils préfèrent s'en tenir à la lettre de la convention plutôt qu'à son esprit, qu'ils jugent parfois confus.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental, des développements intervenus et de la discussion qui a eu lieu. La commission s'est félicitée de la récente ratification par la Turquie des conventions nos 87, 135 et 151, dont elle veut augurer qu'elle conduira à une meilleure application de la présente convention. La commission a rappelé néanmoins que, depuis de très nombreuses années, la commission d'experts relève des divergences importantes entre la législation et la convention. Elle a demandé au gouvernement d'adopter des mesures pour lever les restrictions à la négociation collective résultant du double critère de la représentativité exigé des syndicats, afin qu'ils puissent négocier collectivement avec les employeurs, pour privilégier la négociation collective comme moyen de fixer les conditions d'emploi et pour adopter les dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi. La commission a insisté auprès du gouvernement pour que son prochain rapport détaillé sur l'application de la convention fasse état des mesures concrètes qui auront été effectivement prises pour stimuler et promouvoir prioritairement la libre négociation collective. Elle a demandé au gouvernement de communiquer les projets de loi élaborés dans ce domaine. Elle a exprimé l'espoir d'être à même de constater des progrès décisifs sur ces questions à brève échéance.
Le représentant gouvernemental, se référant à l'arbitrage obligatoire en cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause les services essentiels, a déclaré que le problème ne se pose que dans le cadre des reports de grève. Cette procédure d'arbitrage obligatoire ne s'applique que dans les cas où l'arrêt de travail en raison d'une grève mettrait en danger la sécurité publique ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population, conformément aux dispositions de l'article 33 de la loi no 2822. Comme la commission le sait fort bien, il a été conclu dans le paragraphe 214 de l'étude d'ensemble de la commission d'experts de 1983 que "si le droit de grève fait l'objet de restrictions ou d'interdiction dans la fonction publique ou les services essentiels, des garanties appropriées doivent être accordées pour protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. Les restrictions devraient être compensées par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et les décisions arbitrales devraient dans tous les cas être obligatoires pour les deux parties." En exerçant leur pouvoir d'arbitrage obligatoire, le gouvernement et l'autorité judiciaire ont été extrêmement attentifs à ne pas dépasser les limites fixées par le législateur. Il doit être souligné que cette procédure est régie par des règles constitutionnelles qui limitent strictement son application à des situations exceptionnelles. En outre, la médiation du ministre du Travail reste possible pendant la période de report, et les parties peuvent également recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. De surcroît, le gouvernement peut rapporter sa décision dès lors que les circonstances nécessitant le report ont cessé. Les parties peuvent aussi parvenir à un accord au cours de cette période. Ce n'est qu'au cas où le conflit ne pourrait trouver de solution qu'il serait alors soumis à l'arbitrage obligatoire de la Commission suprême d'arbitrage. Le recours à l'arbitrage obligatoire en cas de report de grève ne constitue donc pas une ingérence dans la procédure de négociation collective. Cette procédure est au contraire appliquée afin de trouver une solution aux conflits dans lesquels la procédure de négociation collective est mise en échec. Il s'agit d'un mécanisme auquel il n'est recouru qu'exceptionnellement, ce qu'atteste le fait que depuis janvier 1991 l'arbitrage obligatoire n'a été utilisé qu'à quatre reprises en Turquie. Cela n'est en aucun cas une procédure automatique mais un mécanisme auquel on recourt exceptionnellement avec le seul objectif d'assurer que les travailleurs ne soient pas dépourvus de leur droit de négociation collective en certaines circonstances. Le deuxième problème est celui des exigences numériques posées par l'article 12 de la loi no 2822. Le gouvernement a évidemment cherché à "prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives". Si les dispositions pertinentes de la loi ont été conservées, c'est simplement en raison de l'accord général des partenaires sociaux les plus représentatifs pour préserver le système existant. Pour cette raison, la préparation en 1991 d'un projet de loi n'a pas pu être poursuivie par le gouvernement. Celui-ci ne manquera toutefois pas de continuer à prendre en considération les observations de la commission d'experts. En ce qui concerne le droit de négociation collective des fonctionnaires, cela ne semble pas être une question relevant directement de la convention mais, comme le gouvernement a ratifié la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical à la fin de 1992, de nouvelles mesures législatives devraient être prises en conséquence à l'égard des fonctionnaires. Plus généralement, il est révélateur que, outre la convention no 87, le gouvernement ait ratifié cinq autres conventions en 1992: la convention (no 59) (révisée) de l'âge minimum (industrie), 1937; la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971; la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975; la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976; et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ce qui témoigne de l'attitude constructive du gouvernement. La convention (no 158) sur le licenciement, 1982, a été également soumise au parlement. En outre, le gouvernement a entrepris de réviser l'ensemble de la législation du travail en vigueur, et notamment la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out. A cet effet, les partenaires sociaux ont été à deux reprises, au cours des dix derniers mois, invités à faire connaître leur opinion et à proposer des modifications au gouvernement. Des réponses viennent d'être reçues et ont été mises à l'étude par le gouvernerment qui est déterminé à poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux. Cependant, certains partenaires sociaux n'ont pas donné de réponse.
Les membres travailleurs, tout en se réjouissant de la ratification par la Turquie de plusieurs conventions importantes, qui témoigne de la bonne volonté du gouvernement, ont exprimé leur inquiétude face aux violations persistantes de la convention. Le cas n'est pas nouveau: il a fait l'objet d'observations de la commission d'experts depuis plusieurs années, ainsi que de discussions au sein de la Commission de la Conférence. Les promesses formelles faites par le gouvernement tant à la Commission de la Conférence en 1991 qu'au Comité de la liberté syndicale en 1992 de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations de la convention ne semblent pas avoir été suivies d'effet. Ces mesures devaient porter sur l'abrogation de la règle n'autorisant les syndicats à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et sur la garantie des droits syndicaux des salariés du secteur public. On est en droit d'attendre que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour donner pleinement effet à la convention, et fournisse toutes les informations utiles à cet égard dans un rapport.
Les membres employeurs ont relevé que, selon le représentant gouvernemental, l'arbitrage obligatoire n'avait quasiment pas de portée dans la pratique. Lorsqu'il a été appliqué, il n'a conduit qu'à une suspension temporaire des grèves. En ce qui concerne les conditions numériques d'accès à la négociation collective, les deux partenaires sociaux sont opposés à toute modification de la législation pertinente. En outre, de telles limitations qualitatives ou quantitatives existent dans la plupart des pays. Bien que ces exigences numériques ne soient pas souhaitables, elles ont l'avantage sur d'autres restrictions mises dans la pratique à la négociation collective d'être plus claires et précises. La commission d'experts elle-même a accepté que des conditions de représentativité soient mises à la négociation collective. S'agissant du droit de négociation collective des fonctionnaires, le représentant gouvernemental a indiqué que la convention no 87 figurait parmi les conventions ratifiées par son pays ces dernières années: le problème devrait donc être examiné ultérieurement au regard de cette convention. En tout état de cause, le gouvernement doit continuer à fournir des informations.
Le membre travailleur de la Norvège a déploré que la Turquie continue d'appliquer une législation sur l'arbitrage obligatoire et l'interdiction du droit de négociation collective des fonctionnaires. Il est également préoccupant que la Turquie continue d'exiger que les salariés représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et de 50 pour cent de celui de l'entreprise aux fins de la convention collective. Dans la pratique, cette législation contraire à la convention empêche de nombreux syndicats nationaux de conclure des conventions collectives dans un grand nombre d'entreprises du pays. C'est le cas, par exemple, pour le syndicat DISK. Le gouvernement devrait être exhorté à modifier cette législation le plus rapidement possible.
Le membre travailleur de la Turquie a regretté que le gouvernement et les employeurs de son pays continuent à violer la convention. Bien que le droit du travail en vigueur comporte des dispositions pour la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale, des dizaines de milliers de travailleurs affiliés à des syndicats sont licenciés sans raison valable. Les droits et les libertés des syndicats sont violés par la Constitution de 1982, la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out, tous textes qui ont été promulgués à la suite du coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980. Bien que l'article 6 de la convention n'exclue que les fonctionnaires publics de l'administration de l'Etat, le gouvernement a également exclu par des mesures administratives d'autres fonctionnaires publics qui ne sont pas couverts par cette définition, y compris des commis et des concierges. Les salariés employés sous contrat dans les entreprises du secteur public se voient également interdire de constituer des syndicats de leur propre choix et de s'y affilier. En outre, la grève est strictement interdite à ces catégories de travailleurs. En réalité, d'une manière générale, l'interdiction de la grève s'applique à la majorité des travailleurs sous contrat, par exemple à ceux des secteurs de la banque, de l'énergie, des charbonnages, de l'ensemble des transports urbains, des pétroles et de la pétrochimie, de la santé et de l'éducation. De nombreux travailleurs et responsables syndicaux ont été condamnés pour avoir enfreint cette interdiction. Le gouvernement a le pouvoir de suspendre les grèves et de soumettre les différends à l'arbitrage obligatoire. Des avant-projets de loi pour la démocratisation de la vie sociale et politique et de la législation du travail ont été soumis par la Confédération des syndicats turcs au ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Aucune activité tripartite n'a cependant été entreprise sur la question. Bien que cela pose un problème, ce serait une erreur d'accorder la priorité à l'abrogation des conditions numériques mises à l'accès à la négociation collective, car le principal problème est celui de la démocratisation de l'ensemble du monde du travail et des structures politiques et sociales. Le droit du travail existant, hérité du pouvoir militaire, doit être modifié en vue d'assurer l'application de la convention. En outre, le gouvernement devrait tenir compte des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans ses rapports soumis au Conseil d'administration sur les cas nos 1521, 1577, 1582 et 1583.
Le membre travailleur des Pays-Bas a souligné que la commission d'experts indiquait que la législation turque était contraire à la convention sur les trois points mentionnés dans leur observation. L'encouragement et la promotion du développement de la négociation collective consacrés par l'article 4 de la convention sont également totalement absents de la législation en vigueur. En outre, la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective sont contraires à la convention. Ces lois se fondent sur la Constitution dont certains articles portent de manière assez détaillée sur les syndicats. Par exemple, l'article 51, paragraphe 7, exige qu'une personne ait dix ans d'ancienneté pour créer un syndicat. Ce ne sont donc pas seulement les lois nos 2821 et 2822 qu'il faut modifier, mais la Constitution elle-même dans ses dispositions portant directement sur les syndicats. Par ailleurs, la déclaration du représentant gouvernemental en ce qui concerne les trois points relevés par la commission d'experts n'est pas satisfaisante. En particulier, l'argument selon lequel le gouvernement ne pourrait pas modifier la loi sur la négociation collective en raison de l'opposition des partenaires sociaux n'est pas acceptable. Lorsqu'une législation est contraire à la convention, le gouvernement doit la modifier même contre l'avis des partenaires sociaux.
Le membre travailleur de l'Italie a indiqué que les obstacles à la libre négociation relevés par la commission d'experts étaient d'autant plus grands que l'Etat jouait un rôle important dans l'économie. Quant à la désignation des syndicats considérés comme les plus représentatifs, elle devrait d'abord appartenir aux travailleurs, même si, comme c'est le cas en Italie, une loi peut venir entériner leur choix.
Le membre travailleur de la Grèce a souhaité poser au représentant gouvernemental trois questions concernant la convention. En ce qui concerne la question de la représentativité, que pense-t-il de l'hypothèse où un syndicat représenterait plus de 50 pour cent des salariés d'une entreprise, mais moins de 10 pour cent des effectifs de la branche? Est-il par ailleurs exact que le travailleur qui change de secteur et veut changer de syndicat ne peut le faire que moyennant un acte notarié coûteux? En ce qui concerne l'arbitrage, quelles sont les conditions de désignation par les parties des membres de l'organe arbitral? Une autre question a plutôt trait à la convention no 87 récemment ratifiée. Il serait utile que la commission soit informée des raisons pour lesquelles l'autre confédération syndicale turque membre de la Confédération européenne des syndicats, la DISK, ne fait pas partie de la délégation des travailleurs.
Le membre travailleur de l'Allemagne s'est associé aux déclarations des autres membres travailleurs, et notamment aux propos du représentant de la Confédération des syndicats turcs. Il est regrettable que, s'agissant de la définition des fonctionnaires publics visés à l'article 6 de la convention, le gouvernement s'en tienne à sa position ancienne. En citant l'étude d'ensemble de 1983, le représentant gouvernemental aurait dû préciser que cette étude donnait une définition très étroite de la notion de fonctionnaire public. Les conclusions adoptées par la présente commission en 1991 demandaient que le gouvernement change aussi d'attitude sur ce point, et l'on devrait également déplorer l'absence de progrès à cet égard.
Le membre gouvernemental de l'Allemagne, se félicitant de la présence du président de la plus importante confédération syndicale turque, a déclaré qu'il aurait été utile que celui-ci indique si les propos du représentant gouvernemental relatifs à l'opposition des partenaires sociaux à une modification des conditions de représentativité aux fins de la négociation collective étaient exacts, et dans ce cas, la raison de cette opposition.
Le membre travailleur de l'Espagne a rappelé que la liberté syndicale reposait sur le droit de négociation collective et le droit de grève. Même dans l'éventualité où les syndicats de Turquie admettraient des restrictions au droit de négociation collective, les organes de contrôle de l'OIT devraient considérer la situation contraire à une application correcte de la convention.
Le membre gouvernemental des Pays-Bas s'est réjoui d'apprendre que la Turquie avait ratifié plusieurs conventions portant sur les droits fondamentaux de l'homme, parmi lesquelles les conventions nos 87 et 151. La ratification ne doit toutefois pas se résumer à une simple profession de foi: les dispositions de la convention ratifiée doivent aussi être introduites dans le droit national pour produire leurs effets.
Le représentant gouvernemental a indiqué que, s'agissant des conditions numériques, il n'avait fait que constater quelle était la position des deux partenaires sociaux les plus représentatifs: il existe un accord très clair entre eux pour conserver la législation existante. Il n'est pas en mesure d'engager son gouvernement quant aux actions qui peuvent être menées à l'avenir, mais il pense que la position des partenaires sociaux doit être considérée comme indicative de l'attitude future du gouvernement. Le gouvernement prendra cependant les observations de la commission d'experts en compte lors des dialogues continus avec les partenaires sociaux. Les problèmes de l'arbitrage obligatoire des fonctionnaires sont importants, mais le gouvernement a récemment ratifié les conventions internationales directement pertinentes et s'efforce de ne pas aller au-delà des limites fixées par le droit national et international, comme en témoigne éloquemment son recours très modéré à l'arbitrage obligatoire. Le dialogue sincère avec les partenaires sociaux sera poursuivi et le BIT sera tenu informé de toute nouvelle évolution.
La commission a pris note des commentaires de la commission d'experts et des déclarations du représentant gouvernemental de la Turquie. La commission a examiné les trois problèmes relatifs à la convention. Elle a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle il n'est recouru à l'arbitrage obligatoire que dans des conditions très strictes, seulement dans le cadre de procédures associant les deux partenaires sociaux et uniquement à l'occasion de circonstances exceptionnelles. La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle les restrictions numériques relevées par la commission d'experts faisaient l'objet d'un accord général des principaux partenaires sociaux, mais que le gouvernement s'efforcerait d'y apporter les modifications souhaitées par la commission d'experts. En ce qui concerne la question de la négociation collective des salariés des services publics, le représentant gouvernemental s'est référé aux conventions récemment ratifiées par la Turquie, et notamment à la convention no 87, au regard de laquelle la question sera examinée ultérieurement. Après une discussion portant sur ces trois problèmes, la commission a rappelé qu'elle avait déjà traité de ces mêmes questions par le passé et a réitéré ses voeux et ses demandes antérieurs que soient modifiés les aspects pertinents de la législation et de la pratique turques. En conséquence, la commission a demandé au gouvernement de la Turquie d'assurer que soient éliminées toutes les divergences qui subsistent entre la législation et la pratique en Turquie et les exigences de la convention, et de continuer de tenir informés de manière détaillée le Bureau international du Travail et la commission d'experts de toute nouvelle évolution.
Un représentant gouvernemental s'est référé aux différents points soulevés par la commission d'experts concernant l'application de la convention. En ce qui concerne les exigences relatives aux effectifs des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822 pour pouvoir négocier une convention collective (10 pour cent des travailleurs d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement), il a déclaré que ces restrictions sont le reflet d'un consensus national et que les critères sont fixés d'avance, éliminant ainsi tout élément d'ambiguïté; l'usage de ces critères renforce les droits de négociation collective des travailleurs étant donné qu'ils permettent la constitution de syndicats plus puissants. D'autres travailleurs bénéficient par l'extension des conventions collectives des avantages et conditions négociés dans le cadre d'une convention collective d'une même branche d'activité. Toutefois, le gouvernement a soumis le 1er juin 1991 un projet de loi au Parlement visant à l'abrogation de l'exigence de l'effectif de 10 pour cent des travailleurs d'une branche. Des informations au sujet de ce projet seront communiquées au BIT par la suite.
En ce qui concerne les dispositions prévoyant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations, l'orateur a indiqué que le recours à l'arbitrage obligatoire dans des cas où la grève est ajournée constitue une procédure appliquée exceptionnellement pour trouver une solution, mais ne fait pas partie du processus de négociation collective. Il a indiqué que durant 1990, il y a eu un recours large et effectif à la négociation collective et il a fourni des informations statistiques à cet égard.
En ce qui concerne la situation des fonctionnaires publics, le représentant gouvernemental a déclaré que la législation nationale classe les fonctionnaires en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. La grande majorité des personnes employées dans les entreprises publiques sont des travailleurs et ont droit de constituer librement des syndicats et de négocier librement. Les agents sous contrat dans les entreprises économiques d'Etat ont le droit d'adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. La Cour constitutionnelle va se prononcer bientôt sur la détermination du statut de ces agents. Les fonctionnaires publics ont toujours été employés en vertu du statut du personnel de l'Etat, leurs conditions d'emploi étant déterminées par la loi et non pas par contrat. Parmi ces agents, on ne distingue pas selon qu'ils sont ou non, commis à l'administration de l'Etat.
Le représentant gouvernemental a indiqué qu'en mai 1991 une nouvelle réunion tripartite de haut niveau s'est tenue suite aux deux réunions mentionnées dans l'observation de la commission d'experts. Il a été décidé notamment d'instituer une commission pour finaliser différents projets de loi en matière de travail, d'organiser périodiquement des réunions tripartites et un mécanisme visant au développement du dialogue social et à la recherche de solutions pacifiques aux problèmes existants. La convention no 144 sur les consultations tripartites a été soumise au Parlement en vue de sa ratification.
Les membres travailleurs, se référant à la situation des fonctionnaires publics, ont regretté que les travailleurs du service public tel que les médecins, les infirmières, les enseignants, les employés du gouvernement et des municipalités, se voient dénié le droit d'organisation et de négociation collective; ces fonctionnaires se sont efforcés au cours des dernières années de constituer des syndicats indépendants, mais ces syndicats n'ont pas d'existence légale dans le cadre juridique existant. Dans le secteur bancaire public, les employés se sont vus déniés le droit de constituer des syndicats, alors qu'ils constituent plus de la moitié du secteur bancaire turc; quant aux travailleurs du secteur bancaire privé, ils ont le droit de s'organiser en syndicat, mais ils se voient explicitement dénié le droit de grève, en vertu de la loi no 2822, alors que les banques ne sont pas un service essentiel. Se référant à l'arbitrage obligatoire qui a été imposé dans les industries du papier, des textiles, de la porcelaine, du travail des métaux, les membres travailleurs considèrent que l'intervention et l'ingérence du gouvernement ne permet pas aux syndicats de négocier librement comme l'exige la convention. Tout en notant qu'un projet de loi visant à abroger les exigences relatives à l'effectif des syndicats avait été introduit au Parlement de même que le gouvernement a indiqué qu'une commission a été instituée et que des réunions tripartites ont eu lieu, ils ont regretté qu'il n'y ait aucun changement en ce qui concerne les fonctionnaires. Ils ont demandé au gouvernement d'indiquer si les développements auxquels il s'est référé peuvent offrir quelque espoir que le droit d'organisation et de négociation collective seront accordés aux fonctionnaires publics.
Le membre travailleur des Etats-Unis soulignant que les peuples ne peuvent supporter longtemps la répression politique liés à l'hypocrisie politique, a rappelé les graves violations des droits de l'homme notamment de la liberté syndicale et de la négociation collective notées depuis dix ans par la commission. Se référant à la loi "Wagner" de 1935 adoptée aux Etat-Unis, il a souligné que la convention no 98 vise la promotion de la négociation collective dans le but de sauvegarder la paix du travail. Les mesures adoptées par le gouvernement turc vont à l'encontre de la résolution pacifique des conflits du travail. La possibilité d'imposer un délai de 60 jours avant le déclenchement d'une grève, pour motif de "sécurité nationale" même dans des industries telles que la fabrication de porcelaine, les textiles, le papier; l'interdiction du droit de grève dans des secteurs d'activité tels que les banques, les industries pétrolières; l'arbitrage obligatoire en lieu et place de la négociation collective par un conseil d'arbitrage dont la composition est déséquilibrée: toutes ces restrictions au droit de grève sont des restrictions à la négociation collective, car c'est seulement au travers d'un véritable accord et non par l'imposition d'un règlement que des conventions collectives peuvent être conclues. Etant donné la gravité, la durée des violations et le défaut du gouvernement de mesurer l'urgence de la situation, l'orateur a proposé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la présente commission.
Le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que la seule information nouvelle reçue aujourd'hui était que des discussions tripartites s'étaient tenues en mai 1991. La commission d'experts a demandé au gouvernement d'apporter des éclaircissements sur la situation des fonctionnaires, mais le représentant gouvernemental a répété des arguments déjà entendus et que le Comité de la liberté syndicale a rejetés dans le cas no 1521. L'exclusion de la négociation collective des fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat n'est pas compatible avec les exigences de l'ar ticle 6 de la convention ni avec la législation turque. En fait, la Constitution de la Turquie montre une ouverture surprenante au droit international. Toutefois, une circulaire du ministère des Affaires intérieures dispose que le gouvernement ne reconnaît aux enseignants et aux infirmières qui sont des fonctionnaires ni les droits syndicaux, ni le droit de négocier collectivement. La circulaire décrit la législation nationale et indique en outre que les conventions internationales, ratifiées par la Turquie, ne contiennent aucune disposition au terme de laquelle les fonctionnaires auraient le droit de négocier collectivement. Une telle interprétation de la législation nationale et du droit international est inacceptable et contraire à la convention. En outre, l'arbitrage obligatoire dans certains cas n'est pas seulement contraire à la convention no 98, il viole également la convention no 87 que la Turquie n'a pas ratifiée. La législation relative aux circonstances extraordinaires donne au gouverneur régional le droit d'arrêter toute activité syndicale, telle que la grève, et de demander aux autorités publiques de transférer des fonctionnaires dont l'emploi mettrait en danger l'ordre public et la sécurité, une telle demande devant être exécutée immédiatement. Plus de dix provinces dans l'est et le sud-est de la Turquie sont placées sous le régime de l'état d'urgence qui est devenu le régime ordinaire dans ces provinces.
Le membre travailleur de la Finlande s'exprimant également au nom du membre travailleur de la Norvège a déclaré qu'il ressortait du rapport de la commission d'experts que la législation turque classait les fonctionnaires publics en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. Seuls les derniers ont le droit d'organisation et de négociation collective. Le gouvernement turc a ratifié la convention no98 ainsi que la convention européenne sur les droits fondamentaux de l'homme qui traite de la liberté syndicale. Aux termes de la Constitution turque, les traités ratifiés par la Turquie peuvent être appliqués d'office et font partie intégrante de la législation du pays. Aucune loi en Turquie ne dispose spécifiquement que les fonctionnaires, non commis à l'administration de l'Etat, n'ont pas le droit d'organisation. La Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) est donc fondée juridiquement à déposer plainte contre le gouvernement de la Turquie auprès de la Commission européenne des droits de l'homme. La DISK, pour sa part, a préparé une plainte contre le gouvernement de la Turquie en ce qui concerne sa reconnaissance légale et la confiscation par l'Etat de ses biens qui s'élèvent à 500 millions de dollars.
Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré que le rapport de la commission d'experts montrait clairement que plusieurs dispositions de la législation turque devaient être modifiées. Lors d'une réunion précédente de la Commission de la Conférence, le représentant gouvernemental avait fait une remarque impliquant que la Constitution turque pourrait être contraire à la convention. La Constitution n'a certainement pas été amendée et le représentant gouvernemental pourrait peut-être indiquer si après avoir réexaminé certaines questions, la Constitution turque a été considérée conforme à la convention. Se référant à l'opinion de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) selon laquelle aucune modification législative n'était nécessaire, les membres travailleurs ont indiqué à nouveau que les changements étaient nécessaires, et la commission d'experts et le Conseil d'administration partage ce point de vue. Il serait intéressant de connaître l'opinion des membres employeurs sur la position de la TISK. Les membres travailleurs ont réclamé à nouveau un paragraphe spécial. Les années précédentes, cette requête avait été rejetée par les membres employeurs pour diverses raisons. Compte tenu du fait que le rapport de la commission d'experts montre clairement l'absence de tout changement, on se demande sur quelles bases les membres employeurs pourraient maintenant rejeter une telle demande.
Les membres employeurs se sont déclarés étonnés des remarques faites par le membre travailleur des Pays-Bas, étant donné que jusqu'à présent personne n'a encore proposé de paragraphe spécial et que les membres employeurs n'ont pas encore fait de déclarations à propos de ce cas. Ils ont déclaré que leurs commentaires se fondent uniquement sur le rapport de la commission d'experts qui ne vise que l'application de l'article 4 de la convention. Le premier point soulevé dans ce rapport est celui du critère numérique imposé aux syndicats pour qu'ils soient autorisés à négocier une convention collective, à savoir qu'un syndicat doit représenter dix pour cent au moins des travailleurs de la branche et plus de la moitié des travailleurs d'un établissement. Or, selon la commission d'experts, l'on peut admettre que les syndicats les plus représentatifs aient des droits de négociation préférentiels ou exclusifs. En d'autres termes, les syndicats moins importants sont exclus et on aboutit au même résultat qu'en fixant un pourcentage précis. Les deux conceptions peuvent se justifier mais il n'y a aucune raison pour que l'une ou l'autre soit considérée comme contraignante en vertu de la convention no 98. En tout état de cause, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un projet de loi visait à supprimer ce critère numérique, ce qui est une bonne chose. Le deuxième point a trait à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances. Selon le représentant gouvernemental ce mécanisme ne s'applique que dans des situations extrêmes et n'a jamais été utilisé en pratique; si telle est la réalité cela prouve que le gouvernement n'y recourt pas systématiquement pour s'ingérer dans les négociations collectives. Le nombre impressionnant de grèves tendrait par ailleurs à conforter cette thèse. S'agissant du troisième point, relatif au classement des fonctionnaires en trois catégories dont une seule, à savoir celle des travailleurs manuels, a le droit d'organisation et de négociation collective, il semblerait que la situation puisse être améliorée. C'est peut-être un thème pour les discussions tripartites qui ont été entamées dans le pays. C'est en tout cas la bonne façon de préparer la voie aux modifications législatives nécessaires. Quoi qu'il en soit, par rapport à la situation antérieure, des progrès substantiels ont été réalisés en ce qui concerne l'application de la convention.
Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que si l'on pouvait constater certains progrès par rapport à la situation antérieure, beaucoup restait à faire pour qu'une vraie liberté syndicale soit instaurée en Turquie. Ainsi, s'il faut se féliciter que le gouvernement ait abrogé la loi interdisant l'organisation syndicale DISK, encore faudrait-il qu'il lui restitue ses biens.
Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que la convention no 98 faisait l'objet de violations graves et répétées dans son pays. La grève est catégoriquement interdite dans certaines branches. Dans ces mêmes branches, le système d'arbitrage obligatoire empêche toute négociation collective libre. Dans les secteurs où la grève est théoriquement impossible, le gouvernement peut la faire différer pendant soixante jours, ce qui équivaut en fait à décourager d'éventuels grévistes pour des raisons sociopsychologiques évidentes. Lorsqu'une grève est effectivement déclenchée, les forces de l'ordre interviennent même quand elle se déroule de manière pacifique. Par ailleurs, la composition du Conseil suprême d'arbitrage est très déséquilibrée, sur huit membres il n'y a que deux représentants des travailleurs. Enfin, le classement de fonctionnaires en trois catégories distinctes est incompréhensible et arbitraire. Le fait de priver sans justification réelle certains travailleurs de leur droit d'organisation est une discrimination flagrante et une pratique inéquitable en violation totale de l'article 6 de la convention. La commission d'experts doit être félicitée pour avoir, par son observation, donné à des millions de fonctionnaires en Turquie l'espoir d'exercer leur droit d'organisation et de négociation collective. Les grèves, dont a fait état le représentant gouvernemental, ne prouvent pas l'existence d'un clinat libéral en Turquie mais reflètent plutôt une détérioration de la situation en raison d'une législation répressive en matière de négociation collective. Cette législation répressive, qui entrave la liberté syndicale et viole les conventions de l'OIT, doit être abrogée. Les atermoiements du gouvernement ont assez duré et il est temps que la présente commission lui enjoigne fermement de respecter ses obligations internationales afin que la Turquie devienne une nation libre et démocratique.
Le représentant gouvernemental a déclaré que sa réponse se limiterait aux questions qui avaient un lien direct avec les points soulevés par la commission d'experts au sujet de la convention no98. S'agissant de la question du critère numérique relatif à la représentativité des syndicats, le gouvernement a, le 1er juin 1991, déposé un projet de loi devant le Parlement en vue de supprimer l'exigence pour un syndicat de représenter dix pour cent des travailleurs d'une branche afin de pouvoir négocier une convention collective. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ce mécanisme n'est appliqué que dans des situations exceptionnelles, c'est-à-dire lorsqu'une grève mettrait en danger la santé de la population ou la sécurité nationale. L'ajournement de la grève dans de telles circonstances peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat. A tout moment, les parties peuvent recourir à l'arbitrage volontaire. Le mécanisme de l'arbitrage obligatoire ne vise donc pas à s'ingérer dans le processus de négociation collective mais à apporter une solution à un conflit. Jusqu'en août 1990, l'arbitrage obligatoire n'a été appliqué qu'une seule fois et depuis cette date il a été utilisé huit fois. La raison de cette soudaine augmentation du recours à l'arbitrage est imputable à la guerre du Golfe car, dans de telles circonstances et compte tenu de la situation géographique de la Turquie, certaines grèves auraient pu mettre en péril la sécurité nationale. Pour ce qui est de la composition du Conseil suprême d'arbitrage, les travailleurs et les employeurs y sont représentés sur un pied d'égalité. Cet organisme tripartite, présidé par le premier juge de la Cour suprême, comprend deux représentants des travailleurs, deux représentants des employeurs, un professeur nommé par le Conseil supérieur de l'éducation, un représentant du gouvernement et un expert en droit du travail. En ce qui concerne les grèves, dont il faut déplorer le nombre excessif, elles prouvent néanmoins que la négociation collective existe car elles font partie inhérente de ce processus. Quant à la question de la négociation collective dans la fonction publique, la législation turque reprend textuellement les termes de la convention no 98 de sa version française.
Les membres travailleurs se sont félicités de l'annonce d'un projet de loi qui a été déposé afin de supprimer l'exigence relative à l'effectif des syndicats. Cela étant, deux points importants continuent de susciter une inquiétude particulière: l'arbitrage obligatoire et le droit d'organisation et de négociation collective dans la fonction publique. Le représentant gouvernemental a évoqué des négociations tripartites mais il n'a pas donné de réponse claire aux observations de la commission d'experts sur ces points. Les problèmes relevés par la commission d'experts ne datent pas d'aujourd'hui, ils ont fait l'objet de discussions approfondies à la présente commission en 1988 et 1989. Aucun progrès n'ayant pu être constaté concernant les deux points susmentionnés, les conclusions de la commission devraient faire l'objet d'un paragraphe spécial afin d'inciter le gouvernement à prendre les mesures requises.
Les membres employeurs ont indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure de donner leur appui à la demande d'un paragraphe spécial.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de celles communiquées par le gouvernement à la commission d'experts. Elle a noté en particulier que trois réunions tripartites avaient été tenues en mars et juillet 1990 ainsi qu'en mai 1991 afin d'examiner les modifications à apporter éventuellement à la législation pour la mettre en conformité avec la convention et que deux commissions avaient été créées à cet effet. Elle a également noté qu'un projet de loi avait été déposé récemment devant le Parlement en ce qui concerne le critère numérique imposé aux syndicats pour pouvoir négocier collectivement. La commission a rappelé avec préoccupation que les problèmes soulevés quant à l'application de cette convention l'ont été depuis bientôt dix ans et elle a à nouveau exprimé le très ferme espoir que les consultations tripartites se poursuivraient et que les progrès attendus depuis si longtemps pouraient être notés dans un très proche avenir. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations aussi précises que possible sur les mesures prises pour lever les entraves à la négociation volontaire des conventions collectives et reconnaître aux fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi.
Un représentant du gouvernement a déclaré que la Turquie venait de traverser une période de profonde mutation politique, sociale et économique. Les progrès réalisés dans le domaine des relations professionnelles entrent pour une bonne part dans cette mutation. En juin 1986, puis en 1988, des améliorations notables ont été apportées à la législation du travail. Pendant les années 1988-89, le gouvernement a également poursuivi ses efforts dans la même direction en ce qui concerne la législation nationale et les accords internationaux, comme en témoigne la récente soumission au parlement des amendements apportés à la Constitution de l'OIT en 1986. L-orateur s'est félicité que la commission d'experts ait relevé avec intérêt, à la page 317 de son rapport, les améliorations introduites par les lois nos 3449 et 3451 de juin 1988. Il faut persévérer dans cette voie par le dialogue et le consensus tripartite.
A propos de la convention no 98, la commission a évoqué. dans sa recommandation, trois points que soulève la loi no 2822 de 1983 sur la négociation collective, la grève et le lock-out. Le premier point a trait à la condition que doivent satisfaire les syndicats pour être admis à négocier une convention collective, à savoir que 10 pour cent au moins de leurs membres soient occupés dans la branche d'activité et plus de 50 pour cent dans l'entreprise ou l'établissement. Cette exigence a été dûment étudiée par le gouvernement qui a entamé des consultations avec les organisations syndicales et patronales. L'orateur a rappelé que les positions des employeurs et des travailleurs sur cette question demeuraient inchangées. En l'absence d'une demande formelle présentée par les partenaires sociaux de modifier ce critère numérique. le gouvernement ne se trouve pas en mesure d'entamer aucune procédure législative à l'heure actuelle. Il poursuivra néanmoins l'examen de cette question en respectant les principes du tripartisme. L'orateur a ajouté qu'en vertu de la présente législation les syndicats minoritaires ont toute latitude d'agir librement et jouissent de certains droits comme celui de faire des représentations au nom de leurs membres et de les représenter dans les litiges individuels. En outre, pendant la seule année 1988, 2 454 conventions collectives ont été conclues, couvrant 629 000 travailleurs, soit environ un tiers des salariés syndiqués.
Concernant le second point évoqué par la commission d'experts, à savoir l'intervention de la Cour suprême d'arbitrage dans le règlement de certains conflits, le représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement, ainsi que l'avait demandé la commission dans son rapport, avait veillé à ce que cette procédure ne soit appliquée en fait que dans les cas où l'arrêt du travail causé par une grève risquait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population. Le gouvernement et le pouvoir judiciaire ont été extrêmement soucieux de n'y avoir recours que dans les limites prévues par le législateur.
En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1983, le gouvernement ne s'en est prévalu qu'une fois, le 22 mars 1989, lorsqu'il a décidé de suspendre la décision de grève des travailleurs de l'industrie du fer et de l'acier. La décision du gouvernement a été ensuite portée par le syndicat devant la cour d'appel administrative et, avant que le tribunal ait pu se prononcer sur ce cas, le gouvernement avait décidé de lever son interdiction. La grève a en effet duré encore quarante-cinq jours et mobilisé 23000 travailleurs. Cette procédure est régie par une réglementation constitutionnelle qui en limite l'application à des situations tout à fait exceptionnelles. En outre, la loi garantit une procédure d'abrogation pour toute décision similaire du gouvernement qui exclut toute possibilité d'action arbitraire. Par ailleurs, la loi no 3451 de juin 1988 a apporté des améliorations à la composition de la Cour suprême d'arbitrage de manière à assurer une répartition tripartite mieux équilibrée. L'orateur a ensuite fait observer que le nombre élevé de grèves (156 en 1988) et de grévistes (30000 en 1988) montrait qu'en Turquie l'exercice du droit de grève était bien une réalité; le nombre des journées de travail perdues par fait de grève a battu tous les records, en 1987 et 1988, avec environ 1900 000 journées perdues par année.
Le troisième point concerne les agents de la fonction publique et leurs droits de négocier collectivement. L'orateur a rappelé à la commission que le gouvernement turc n'avait pas encore ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. De plus, l'article 6 de la convention no 98 dispose que "la présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut". Les fonctionnaires qui, aux termes de l'article 6, n'entrent pas dans le champ d'application de la convention no 98 sont définis par la loi no 657 sur le statut du personnel de la fonction publique. Ainsi donc, la commission d'experts, dans son rapport, fait manifestement allusion à une autre catégorie d'agents du service public dont les conditions d'emploi sont régies en fait par le décret no 233. Un changement s'est produit récemment dans ce domaine: l'article 3 et d'autres dispositions du décret no 308 du 18 janvier 1988, qui interdisait au personnel employé par des entreprises du service public de conclure des conventions collectives et d'en bénéficier, ont été déclarés "contraires à la Constitution" par le Tribunal constitutionnel. Ces salariés devraient donc très bientôt jouir de nouveau du droit de négocier collectivement.
En conclusion, l'orateur a déclaré que son gouvernement avait pris acte des observations de la commission d'experts et qu'il ne manquerait pas de soumettre à la commission des informations plus détaillées à une date ultérieure.
Le membre travailleur de la Turquie a déclaré qu'une fois de plus la commission n'était pas en mesure de prendre acte d'un quelconque progrès dans l'évolution de ce cas. Le gouvernement s'est borné à répéter les arguments que la commission a systématiquement rejetés tout comme la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. On ne saurait mettre cette situation au compte de l'absence de dialogue puisque, depuis plusieurs années, ou plus précisément depuis 1983, les employeurs et les travailleurs poursuivent un dialogue constructif. On ne peut pas non plus invoquer le défaut d'assistance de la part de l'OIT puisque celle-ci a été fournie sous la forme de trois missions de contacts directs, deux missions d'assistance technique, dix-huit rapports du Comité de la liberté syndicale, des heures de discussion, des pages de commentaires, pour ne pas citer les conclusions de la commission auxquelles le gouvernement a, semble-t-il, toujours souscrit. Comment expliquer alors que la commission ne puisse observer de progrès?
Pour répondre à cette question, il faut examiner la situation dans une perspective plus large, en tenant compte du principal argument du gouvernement, à savoir que "la Turquie est entrée dans une phase de mutation rapide qui se répercute dans tous les secteurs de la vie et dans toutes les couches de la société... améliorer la législation du travail a toujours été un objectif prioritaire et, à ce stade du processus, un des principaux éléments dynamiques de la vie du travail en Turquie". L'orateur constate que la législation du travail dont il est fait mention n'a jamais participé à ce processus évolutif du monde du travail et n'y participera jamais. Elle fait partie d'un système imposé aux travailleurs turcs et aux habitants du pays dans une période hors du commun, alors que la Turquie était sous le coup de la loi martiale et que pour ainsi dire toute activité syndicale était proscrite. Ce système avait pour objectif de juguler les droits et les libertés des syndicats et comme l'indique le représentant du Directeur général dans le rapport qu'il a présenté à la suite de sa cinquième et dernière mission en Turquie:"... Les lois nos 2821 et 2822 (relatives aux syndicats, aux négociations collectives, aux grèves et aux lock-out) forment un corset étroit de dispositions législatives qui soumettent les syndicats au contrôle des pouvoirs publics, lesquels s'immiscent dans toutes les activités que les syndicats devraient pouvoir conduire librement, sans ingérence aucune de la part de l'Etat..."
Lorsque le représentant gouvernemental fait valoir que des modifications ont été apportées à la législation du travail, encore faut-il indiquer que ces modifications ne visent pas à remédier aux lacunes observées dans l'application des principes de l'OIT, à savoir le refus du droit d'association aux agents de la fonction publique, l'ingérence de l'Etat dans la gestion et les activités des syndicats, la limitation excessive du droit de grève et autres problèmes liés à la négociation collective. On constate qu'à ce jour les enseignants occupés dans des établissements privés et publics, à l'instar de quelque 2 millions d'agents du service public, sont toujours privés du droit d'association.
En résumé, un an de plus a passé et rien n'a changé: le gouvernement a fait des promesses qu'il n'a pas tenues. Il n'y a pas eu de consultations, sous quelque forme que ce soit, et les violations continuent. Il est peut-être temps que la commission constate, qu'une telle attitude n'est plus acceptable.
Le membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a déclaré que la commission d'experts, dans son rapport, établissait clairement que la négociation collective soulevait encore de sérieuses difficultés en Turquie. Les travailleurs n'ont toujours pas le droit de négocier leurs conditions de travail. Le droit de grève est soumis à de nombreuses limitations qui s'étendent bien au-delà des services publics essentiels. Dans nombre de secteurs, les travailleurs se heurtent à de très grandes difficultés et son soumis, en cas de conflit, à une procédure d'arbitrage qui n'est pas appropriée puisqu'ils peuvent constamment être mis en minorité en raison de la composition de la Cour suprême d'arbitrage. De manière générale, la libre négociation collective est proscrite en Turquie, les grèves peuvent être suspendues et les travailleurs se voient contraints de renoncer à leur droit de grève sous la menace d'être soumis à de lourdes peines et d'être emprisonnés pour une durée qui peut aller jusqu'à huit mois dans certains cas. C'est là une situation grave qu'il faut étudier et à laquelle il faut mettre un terme.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'il aurait presque pu reprendre mot pour mot sa déclaration de l'année dernière car la situation n'a pour ainsi dire pas changé. Il a rappelé avec insistance que le droit de grève était considéré comme un droit fondamental par le mouvement ouvrier, puisque c'est la seule ressource qui reste aux travailleurs lorsque, dans un conflit, toutes les autres possibilités de se faire entendre sont épuisées. Nul n'oserait prétendre que le droit de grève existe réellement dans la Turquie d'aujourd'hui; en outre, nombreux sont les travailleurs qui sont quasiment privés de ce droit ou, lorsqu'il leur est reconnu, toute une série de lois leur interdisent des actions considérées comme parfaitement légitimes dans d'autres pays et en d'autres circonstances, comme le droit de collecter des fonds pour aider les grévistes et celui d'établir des piquets autour d'une entreprise en grève.
Concernant le droit d'affiliation des agents de la fonction publique, le gouvernement a fait valoir qu'il n'avait aucune obligation vis-à-vis des fonctionnaires puisqu'il n'avait pas ratifié la convention no 151; à ce propos, l'orateur tient à rappeler que la convention no 151 n'a pas préséance sur les conventions nos 87 et 98 pour les pays qui l'ont signée et, dans le cas d'un pays qui n'est pas partie à la convention no 151, cela n'affecte en rien l'obligation de reconnaître aux agents du service public le droit de s'organiser. Un pays qui refuse ce droit à ses fonctionnaires ne peut prétendre respecter ses obligations aux termes des conventions. Les membres travailleurs espéraient que le gouvernement serait en mesure . de faire état de changements significatifs dans la situation, mais ils doivent malheureusement constater qu'elle n'a pas progressé d'un pouce.
Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré qu'il s'agissait d'un cas très grave qui avait fait l'objet d'examens répétés au cours desquels le gouvernement avait fait de nombreuses promesses auxquelles il n'a jamais donné suite de manière satisfaisante. La commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont eu tous deux l'occasion de se prononcer sur ce cas, et les commentaires du comité étaient aussi sévères que le jugement de la commission. Etant donné que les employeurs prennent part à toutes les activités de contrôle du Comité de la liberté syndicale, ils devraient adhérer pleinement à ses observations. C'est un cas qui a de multiples prolongations et qui soulève le problème des violations des droits syndicaux, mais aussi des droits de l'homme: deux syndicats ont été dissous et leurs dirigeants emprisonnés avec, pour la plupart, de très lourdes peines. Il est donc difficile d'imaginer que les employeurs n'acceptent pas de réserver à la Turquie un paragraphe spécial du rapport de la commission afin d'appeler l'attention sur la gravité de ce cas, qui a été discuté année après année sans résultat significatif.
Les membres travailleurs, après avoir exprimé leur plein soutien aux précédents orateurs travailleurs, ont souligné certains points qui, de leur avis, montrent la gravité de la situation... 1) l'engagement pris en 1986 par le gouvernement de restaurer la liberté syndicale et la négociation collective n'a pas été suivi d'effet et les problèmes fondamentaux subsistent, les améliorations n'ayant porté que sur des questions mineures; c'est la conclusion à laquelle ont abouti la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale: la législation et la pratique sont donc inacceptables et doivent être modifiées; 2) l'ingérence dans les affaires syndicales, et notamment dans la négociation collective, ne peut être tolérée: en dépit des injonctions répétées des membres travailleurs, le gouvernement n'a pas ratifié la convention no 87, ce qui est regrettable étant donné que le droit de négociation collective est fonction du droit d'association; 3) malgré l'assistance technique dont a bénéficié ce pays et les missions qui y ont été organisées, les trois problèmes signalés par la commission d'experts n'ont toujours pas été résolus: concernant les conditions numériques ouvrant droit à la négociation, le gouvernement s'obstine à déclarer qu'il n'entreprendra rien tant que les partenaires sociaux ne seront tombés d'accord, ce qui n'a pas de sens; pour ce qui est de la procédure du règlement des conflits, quelques progrès ont été réalisés mais elle continue à être soumise à des restrictions importantes; quant aux fonctionnaires enfin, ils ne peuvent ni s'organiser ni négocier bien qu'ils soient extrêmement nombreux. Tout cela montre qu'il n'y a pas eu de progrès satisfaisant.
Le membre travailleur des Etats-Unis a insisté sur l'extrême gravité de ce cas, un cas si préoccupant que la commission d'experts l'a porté à l'attention de la commission en se référant à certaines conclusions du Comité de la liberté syndicale, au paragraphe 25 du rapport général. En outre, les travailleurs de la délégation tripartite des Etats-Unis ont, lors d'une séance préparatoire de la Conférence, exprimé leur préoccupation sur ce cas à la lumière des observations de la commission d'experts. L'orateur tient aussi à souligner qu'il s'associe tout particulièrement aux déclarations des membres travailleurs qui l'ont précédé.
Les membres employeurs ont signalé qu'au cours de la présente discussion des faits nouveaux ont été portés au jour qui n'avaient pas été mentionnés par la commission d'experts, et c'est pourquoi ils ne souhaitaient pas s'y arrêter. Lors de ces deux dernières années, la commission a signalé deux points: premièrement, la Turquie a ratifié la convention no 98 sans être partie à la convention no 87; ainsi donc, lorsque la commission d'experts évoque les conclusions du Comité de la liberté syndicale, elle ne se réfère qu'à celles qui concernent la convention no 98. Bien que des liens unissent ces deux conventions, on ne devrait pas discuter au sein de la présente commission de problèmes qui relèvent exclusivement de la convention no 87. Deuxièmement, la discussion de cette année comme celle de l'année dernière a laissé apparaître que certains nouveaux textes législatifs contribuaient, de l'avis de certains orateurs, à aggraver la situation. A cet égard, ils ont indiqué que la commission d'experts s'était penchée cette année avec intérêt sur certains instruments légaux qui montrent une certaine amélioration.
La commission d'experts critique, d'une part, les conditions numériques imposées aux organisations syndicales pour être autorisées à négocier et, d'autre part, l'obligation faite dans certains cas de se soumettre à l'arbitrage. Le gouvernement a expliqué à la commission d'experts les raisons pour lesquelles il ne lui semblait pas indiqué de modifier la législation mais la commission d'experts, sourde à ses arguments, lui indique directement dans ses observations la voie qu'il devrait suivre. Ils ont attiré l'attention sur cette façon de faire de la commission d'experts à laquelle il leur semble impossible de s'habituer. Ils ont souligné que, à leur avis, la législation nationale devrait prévoir une réduction des critères numériques, tels qu'ils sont prescrits actuellement. La commission d'experts aurait pu répondre aux arguments du gouvernement et lui fournir des explications complémentaires afin de lui montrer, par exemple, que les conditions prévues sont excessives, qu'elles risquent d'empêcher la création de nouveaux syndicats ou d'être utilisées par les syndicats puissants non seulement pour concurrencer les syndicats plus faibles, mais pour les éliminer. Concernant l'arbitrage obligatoire, la commission d'experts estime qu'il n'est justifié que lorsqu'il permet de prévenir des grèves qui mettraient en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. La commission d'experts n'a pas rappelé dans le présent cas le principe qu'elle avait souligné dans le cas des Pays-Bas selon lequel des limitations peuvent être imposées à la négociation collective pour des raisons impérieuses d'intérêt économique national. Le gouvernement dit que l'arbitrage obligatoire ne s'applique qu'à des circonstances exceptionnelles (santé publique ou sécurité de la population). On observe donc une certaine convergence de vues entre le gouvernement et la commission d'experts. Les membres employeurs contestent la formule régulièrement utilisée par la commission d'experts pour définir les cas dans lesquels il est justifié de limiter le droit de grève au regard de la convention no 87. La commission d'experts recourt elle aussi à la même formule, dans ses observations sur l'état d'application de la convention no 98 en Turquie, en ce qui concerne l'arbitrage obligatoire. Les membres employeurs ne sont pas d'accord avec les critères invoqués par la commission d'experts, car ils estiment qu'il n'est ni réaliste ni acceptable de s'en tenir aux limites imposées par le danger de porter atteinte à la vie de la population, l'Etat devant être en mesure d'intervenir avant que l'on arrive à une telle situation. Quoi qu'il en soit, ils ont ajouté que, par le dialogue, on pouvait arriver à prévenir une ingérence excessive de la part de l'Etat dans la libre négociation, sans pour autant la limiter uniquement aux situations où il y a menace pour la population. Le nombre gigantesque de journées perdues en raison de grève invoqué par le représentant gouvernemental montre que les grèves existent et que l'arbitrage obligatoire a été moins utilisé que le laissent entendre certains orateurs.
Pour ce qui est du droit d'association et de négociation collective des fonctionnaires, la commission d'experts a demandé au gouvernement de lui soumettre pour examen les instruments et les informations pertinents.
Ils constatent, en conclusion, que les problèmes que soulève l'application de la convention no 98 n'ont pas encore trouvé de solution. Il faut que la situation continue à évoluer au regard des problèmes mentionnés par la commission d'experts et cette nécessité doit se refléter dans les conclusions de la présente commission, laquelle devra poursuivre la discussion de ce cas
Au sujet des propos tenus par les membres employeurs sur le cas des Pays-Bas, les membres travailleurs ont souligné que la commission d'experts et que la mission de contacts directs avaient abordé ce cas au regard de la convention no 87, ratifiée par les Pays-Bas, alors que ce cas aurait dû normalement être traité par référence à la convention no 87. On se trouve ici devant la situation inverse; ce cas relève de la convention no 98 et ne peut néanmoins être totalement dissocié de la convention no 87. Dans la pratique, les activités syndicales sont l'objet de discriminations; des fonctionnaires ont été punis, des syndicats dissous, et certains dirigeants syndicaux se sont vu retirer la possibilité d'assumer leurs devoirs syndicaux. Dans la situation politique actuelle, on aurait pu s'attendre à des changements et des améliorations spectaculaires mais, malheureusement, aucun progrès n'a pu encore être observé. La commission devrait insister auprès du gouvernement pour qu'il adopte des mesures permettant d'améliorer la situation de manière à mettre la pratique en harmonie avec les diverses conventions qu'il a ratifiées et même avec celles qu'il n'a pas ratifiées.
Le membre travailleur des Pays-Bas a ajouté que le problème soulevé par le cas néerlandais était, en résumé, celui de l'ingérence dans la négociation collective. Les travailleurs auraient souhaité invoquer la convention no 98 mais cela n'a pas été possible puisque les Pays-Bas ne l'ont pas ratifiée. C'est la raison pour laquelle la convention no 87 a été citée. Se référant aux déclarations des employeurs sur l'ingérence de l'Etat dans la négociation collective en ce qui concerne le cas des Pays-Bas, il a souligné que la commission d'experts avait défini les critères à respecter pour permettre ce que la commission d'experts avait désigné sous l'expression d'"ingérence légitime". Comme l'ont montré très clairement les observations de la commission et le rapport no 265 du Comité de la liberté syndicale, lorsqu'on respecte ces critères il n'y a pas d'ingérence illégitime dans la négociation collective. Cependant, la mesure dans laquelle ces critères sont respectés doit être dûment évaluée.
Le membre travailleur de la Grèce s'est déclaré en complet désaccord avec l'argument invoqué par les employeurs selon lequel les syndicats puissants nuisent aux plus faibles d'où ils infèrent que l'on pourrait interdire les "petits syndicats". La concurrence entre syndicats n'est certainement pas incompatible avec un système pluraliste, c'est le principe même de la démocratie, mais cette concurrence devrait s'exercer par le dialogue et l'action de soutien aux travailleurs, ce qui ne justifie en aucune manière une ingérence de la part des pouvoirs publics ou des employeurs. L'orateur a demandé en particulier au représentant gouvernemental d expliquer pourquoi la DISK, importante centrale syndicale turque, était toujours interdite et pourquoi ses représentants n'assistaient pas à la Conférence.
Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il ne fallait pas discuter de ces cas dans l'abstrait. Cela dit, et concernant la question du critère numérique, il observe que les organisations de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives n'ont introduit aucune demande de révision de la situation légale actuelle; ce ne sont là que les faits.
Quant à la deuxième question, le gouvernement n'a nullement abusé du recours à la Cour suprême d'arbitrage - de fait il n'y a recouru qu'une seule fois dans le passé récent et a renoncé à poursuivre l'affaire peu après. En outre, il existe des sauvegardes judiciaires tout à fait réelles, qui garantissent la légalité du recours à ce mécanisme par le gouvernement. Qui plus est, les critères invoqués par la commission d'experts sur ce point se fondent sur la convention no 87, qui ne saurait lier le gouvernement puisqu'il ne l'a pas ratifiée. Au sujet de la troisième question, le gouvernement se fera un devoir de compiler toutes les informations dont il dispose et de les transmettre aux organes de contrôle de l'OIT en temps utile.
Le représentant gouvernemental a rappelé ses observations préliminaires sur la convention no 151 qui traite tout spécialement de la fonction publique et ne lie pas le gouvernement turc puisqu'il ne l'a pas ratifiée. Quant à la convention no 98, elle ne s'applique pas aux fonctionnaires; l'orateur a réitéré ses commentaires antérieurs sur les droits syndicaux des fonctionnaires.
Concernant les autres observations selon lesquelles aucune mesure n'aurait été prise en Turquie pour mettre la politique en harmonie avec les principes de l'OIT, l'orateur a informé la commission que son gouvernement venait de saisir le parlement en vue de ratifier quatre nouvelles conventions (nos 59, 123, 142 et 144) et qu'il a signé la Charte sociale européenne. Les amendements à la Constitution de l'OIT ont également été soumis au parlement qui devrait les ratifier sous peu. En ce qui concerne la situation du DISK, des jugements rendus par les tribunaux sont actuellement en appel, ce qui prend du temps, comme dans tous les pays. En l'absence de jugement définitif sur ces questions, le gouvernement ne peut prendre aucune mesure pour des raisons évidentes.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental, ainsi que des discussions détaillées qui se sont déroulées en son sein. La commission a noté avec préoccupation les conclusions de la commission d'experts selon lesquelles. même si la législation syndicale a été améliorée à certains égards, les amendements à cette législation n'ont entraîné aucun changement au regard des points soulevés par la commission d'experts. La commission a tenu à rappeler à cet égard les conclusions du Comité de la liberté syndicale. La commission a noté avec regret la position adoptée par le gouvernement et elle a exprimé le ferme espoir, que égard aux graves divergences qui subsistent depuis des années, le gouvernement prendra dans un très proche avenir toutes les mesures nécessaires, suite à de véritables consultations tripartites, pour donner pleine satisfaction aux observations de la commission d'experts et contribuer à une nette amélioration en ce qui concerne le plein respect de la convention dans la loi et dans la pratique. La commission a espéré que les progrès attendus depuis si longtemps pourront être notés dès le prochain rapport du gouvernement pour permettre la poursuite de la discussion au sein des organes de contrôle.
Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils souscrivaient entièrement à ces conclusions et proposé qu'elles fassent l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission, eu égard à leur extrême importance. Les membres employeurs ont rejeté cette proposition.
Le gouvernement souhaite indiquer que le parlement a approuvé, en date des 25 et 27 mai 1988, les lois nos 3449 et 3451 - contenant les amendements proposés par le gouvernement et par le législateur aux lois nos 2821 et 2822.
Le gouvernement précise que les travaux concernant ces amendements, élaborés sur une base tripartite, ont commencé immédiatement après que le gouvernement eut pris ses fonctions à la fin de l'année passée. L'objectif suivi a été d'adapter la législation existante sur les relations professionnelles aux engagements internationaux de la Turquie, sans préjudice de la nécessité de disposer d'une paix sociale saine. De grands efforts ont été déployés pour incorporer dans les amendements les opinions de toutes les parties et les suggestions formulées par la mission du BIT, dans la mesure du possible et dans les limites permises par la Constitution.
Le gouvernement précise qu'ont été pris en considération les failles observées pendant les quelque cinq années de mise en oeuvre des deux lois, les propositions d'amendements présentées par les employeurs et les travailleurs, la conformité avec les principes contenus dans les conventions de l'OIT ratifiées par la Turquie, ainsi que les décisions pertinentes des tribunaux et les avis des universitaires. En vue de protéger la paix sociale, une attention particulière a été portée à la préservation du rôle de contrepoids de l'Etat dans les relations entre travailleurs et employeurs ainsi qu'aux exigences de codification.
Compte tenu de cette approche, les modifications suivantes seront apportées à la loi no 2821 sur les syndicats:
- les conditions requises pour les membres fondateurs seront simplifiées;
- les dirigeants syndicaux pourront assumer des fonctions dans la direction ou les organes de contrôle des entreprises et établissement publics;
- les conditions requises pour être élu dans les organes de direction syndicale ont encore été simplifiées;
- les fonctions des délégués syndicaux sont continues;
- la possibilité d'être réélu aux organes directeurs d'un syndicat a été étendue de 4 à 8 mandats;
- le mandat relatif à la vérification des comptes des syndicats a été limité et clairement défini;
- les conditions requises pour ouvrir de nouvelles sections syndicales seront facilitées;
- les personnes assumant des fonctions religieuses et les étudiants pourront s'affilier aux syndicats;
- en cas de cessation du contrat de travail pour des raisons d'affiliation syndicale, l'employeur devra verser des indemnités au minimum égales à une année de salaire;
- la définition des activités politiques des syndicats sera clarifiée;
- les syndicats seront autorisés à dépenser une partie de leurs ressources à des fins sociales;
- la disposition selon laquelle les avoirs des organisations dissoutes sont transférés au trésor public sera abrogée. Le sort de ces avoirs sera maintenant déterminé par les organisations elles-mêmes. Si cela ne peut être mis en pratique ou si l'organisation est dissoute par décision judiciaire, les avoirs seront transférés à un fonds géré sur une base tripartite, et les fonds seront utilisés pour l'orientation et la formation professionnelles ainsi que pour la réadaptation des travailleurs;
- les comptes des syndicats ne seront contrôlés qu'une fois par période électorale et non chaque année;
- les cotisations des membres seront aussi versées aux syndicats qui ont obtenu le "certificat de compétence";
- les défauts observés et les abus commis dans la détermination des syndicats agréés seront éliminés par l'amendement, en faveur des syndicats, de certains articles;
- les controverses liées à l'acquisition de la qualité de membre seront éliminées en assurant le droit à l'affiliation. En outre, les inconvénients rencontrés par les syndicats dans leur organisation sur les lieux de travail seront complètement éliminés par l'abrogation et l'obligation de remettre une copie des formulaires d'adhésion des travailleurs à l'employeur.
Pour ce qui est de la loi no 2822 concernant la négociation collective, la grève et le lock-out:
- l'accord collectif de travail ne sera pas étendu lorsqu'un syndicat agréé existe, et la mise en oeuvre se conformera au système des accords collectifs de travail;
- le champ des interdictions relatives aux grèves et aux lock-out, dans certaines activités et certains services, a été de nouveau restreint;
- les règles que les employeurs doivent observer en cas de grèves légales ont été clairement définies;
- le nombre de piquets de grève autorisés a été doublé;
- les dispositions sur l'interdiction temporaire des grèves quand l'état d'urgence ou la loi martiale étaient proclamés ont été abrogées;
- l'interdiction de former des groupes autour d'un établissement pendant une grève ou un lock-out légal sera abrogée;
- la possibilité d'avoir accès à un abri pour les piquets de grève sera accordée;
- le montant des amendes dont sont passibles les employeurs qui recrutent des travailleurs pendant une grève légale sera augmenté;
- le parlement a également abrogé les dispositions accordant à la Cour supérieure d'arbitrage le pouvoir de reconduire toute convention collective de travail qui avait expiré avec les modifications qu'elle jugeait nécessaires, dans les cas où le déclenchement d'une grève ou d'un lock-out n'était pas autorisé ou lorsque les règles administratives d'urgence étaient applicables; par exemple, en cas de guerre ou de mobilisation générale ou partielle;
- la composition de la Cour supérieure d'arbitrage sera modifiée pour permettre la présence d'un nombre égal de représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement, sous la présidence du juge titulaire de la Chambre sociale de la Cour d'appel.
En outre un représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement croyait fermement dans un dialogue constructif avec l'Organisation internationale du Travail, et il a rappelé que la commission d'experts se réfère dans son rapport à l'article 12 de la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out (relatif aux critères numériques exigés des syndicats pour obtenir un certificat de négociation collective), et à l'article 33 de la même loi concernant la possibilité d'imposer l'arbitrage obligatoire sous réserve de certaines conditions. Ces questions sont examinées par la présente commission depuis 1984. Le gouvernement a fourni des informations détaillées à chaque occasion sur l'évolution actuellement en cours en Turquie. Dans le cadre du processus dynamique visant à introduire des changements politiques, économiques et sociaux, introduit au cours des dernières années en Turquie, l'objectif prioritaire a été de porter une attention particulière aux libertés. Bien évidemment, au cours de ce processus, une attention particulière a été portée aux améliorations nécessaires de la législation du travail. Dans ce contexte, des amendements à la législation du travail ont été introduits en juin 1986 et en juin 1988 en tenant compte des opinions des organisations de travailleurs et d'employeurs. Depuis la Conférence internationale du Travail de 1987 le calendrier politique de la Turquie a été très chargé. Un important référendum national a eu lieu en septembre 1987 dont le résultat fut la levée de toutes les restrictions relatives à la participation de certains dirigeants politiques aux élections. Ces élections ont eu lieu immédiatement après le référendum. Les lois nos 3449 et 3455, adoptées respectivement le 25 et le 27 mai 1988, contiennent des amendements à la loi no 2821 sur les syndicats et à la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il revient à la commission d'experts d'étudier attentivement ces amendements et il s'est référé particulièrement à certaines améliorations qu'elles apportent, mentionnées dans sa communication écrite. Le gouvernement estime que les récents amendements et les améliorations consécutives de 1986 correspondent à maints égards à ce qu'avait précédemment demandé la présente commission au sujet de la législation du travail turque. Ces nouveaux amendements apportent également des améliorations qui n'ont pas été demandées par la présente commission. Le gouvernement n'a donc pas ménagé ses efforts pour mettre en oeuvre ses promesses de révision et d'amélioration de la législation du travail. Le gouvernement s'est efforcé en premier lieu d'adapter la législation aux changements nécessaires et à la nouvelle évolution dans son pays. Le point de vue du BIT a été attentivement pris en considération. Se référant aux critères numériques exigés des organisations syndicales pour pouvoir négocier des conventions collectives (l'article 12 de la loi no 2822 mentionné par la commission d'experts), le représentant gouvernemental a déclaré que cette question a été envisagée sérieusement par le gouvernement et qu'il a entrepris des consultations très larges auprès des organisations d'employeurs et de travailleurs à cet égard. La position du gouvernement est à l'effet que toute initiative législative nécessite, comme prérequis, l'obtention d'un consensus social sur ce thème. En l'absence de toute demande écrite de la part des organisations de travailleurs et d'employeurs visant à amender les dispositions relatives aux critères numériques et compte tenu des déclarations orales insistantes de ces mêmes organisations pour le maintien de ces dispositions, le gouvernement n'a aucune raison à l'heure actuelle d'envisager une réforme législative dans ce domaine. Ce qui est important est que le processus de négociation collective se développe actuellement, dans le pays, avec une efficacité sans précédent. Actuellement, depuis l'adoption de la loi en 1983, dans chaque branche d'activité il existe un certain nombre d'organisations de travailleurs qui satisfont à l'exigence légale des 10 pour cent de travailleurs occupés dans la branche et qui peuvent négocier un nombre croissant de conventions collectives. Le nombre de conventions collectives au terme de l'ancienne législation pour la période 1964-1979 est de 1751 par an, alors que la moyenne annuelle pour la période 1984- 1987 est de 2577 conventions collectives par an. Ces chiffres témoignent d'un recours plus fréquent aux mécanismes volontaires de négociation collective conformément à la présente législation. En ce qui concerne les commentaires de la commission-d'experts relatifs à l'intervention de la haute commission d'arbitrage, lors d'un conflit (article 33 de la loi no 2822), le représentant gouvernemental déclare que le champ d'application de cet article est très limité pour les raisons suivantes: il ne s'applique que dans des cas exceptionnels où la santé publique et la sécurité nationale sont en cause; il ne peut être appliqué que si la situation persiste; la haute commission d'arbitrage est composée de représentants du gouvernement et des organisations d'employeurs et de travailleurs en nombres égaux, ce qui garantit ainsi des décisions équilibrées; il s'applique non seulement en cas de grève, mais également de lock-out; aux termes de la loi, il peut être fait appel des décrets du Conseil des ministres devant la Cour administrative d'appel afin de demander la suspension immédiate des procédures. Il faut signaler que cette disposition est également inscrite dans la Constitution. L'article 33 n'a été utilisé par le gouvernement qu'une seule fois; en outre, avant l'intervention de la haute commission d'arbitrage, les parties peuvent conclure un accord. Le représentant gouvernemental signale également que le droit à la grève est actuellement beaucoup plus exercé, ce qui indique qu'il n'existe pas de restrictions graves à cet égard en Turquie. Le représentant gouvernemental a fourni certains chiffres qui montrent que, depuis 1979, le nombre des grèves a eu tendance à s'accroître. En outre, suite aux récent amendements à la loi no 2822, 165000 travailleurs ont obtenu le droit de grève après la levée de l'interdiction visant certaines activités. Enfin, il a souligné que la liberté syndicale, la négociation collective et les grèves sont une réalité en Turquie à un niveau beaucoup plus important qu'auparavant et se comparent à la situation existant dans les Etats Membres de l'OIT. Il a réitéré l'intention et la détermination de son gouvernement de poursuivre ses efforts dans la réalisation de plus grands progrès. Il a signalé que son gouvernement a l'intention de maintenir une coopération fructueuse avec l'OIT afin de réaliser ses objectifs et a espéré profiter des critiques constructives de l'OIT ainsi que de ses encouragements.
Les membres travailleurs ont rappelé que la question de la liberté syndicale et de la liberté de négociation collective en Turquie se pose depuis un bon nombre d'années. La Turquie a souffert de la loi martiale et de nombreux dirigeants syndicaux ont été poursuivis en justice et ont subi des persécutions. Ils ont espéré que la Turquie ratifiera dans un proche avenir la convention no 87, car cette convention est étroitement liée à la convention no 98 dont l'application est actuellement discutée. Ils ont rappelé qu'en 1986 le cas n'a pas été discuté compte tenu des promesses faites par le gouvernement et qu'en 1987 il y a eu une longue discussion très difficile. Il avait alors été conclu que de sérieuses divergences existaient entre la législation et la pratique, d'une part, et la convention, d'autre part, malgré les promesses précédentes du gouvernement faites à plusieurs reprises. Il avait alors été indiqué que si ces promesses n'étaient pas réalisées dans un proche avenir, la commission de la Conférence se verrait obligée de recourir à d'autres mesures. A cet égard, ils ont souligné qu'il existe toujours des plaintes contre le gouvernement de la Turquie déposées devant la Comité de la liberté syndicale et que les nouvelles lois mentionnées dans la communication écrite du gouvernement, bien que paraissant apporter des améliorations, maintiennent en réalité une situation extrêmement lamentable. Avant de poursuivre leur intervention, ils ont invité le membre travailleur de la Turquie à prendre la parole afin de s'exprimer sur cette question.
Le membre travailleur de la Turquie a indiqué que la déclaration du représentant gouvernemental ne reflète absolument pas la situation réelle en Turquie. Aucun des amendements apportés ne répond aux commentaires des organes de contrôle qui se réfèrent à des points fondamentaux de la législation non conformes aux principes de l'OIT. Une fois encore, le gouvernement n'a pas tenu ses promesses de 1986 et de 1987 lorsqu'il s'engageait à prendre les mesures nécessaires pour appliquer la convention et les principes de la liberté syndicale. On a dit que les observations des organisations représentatives des travailleurs et des employeurs avaient été considérées en vue de l'adoption de ces amendements mais ces observations ont, d'une manière générale, été ignorées; quant à celles de la Confédération des syndicats turcs, elles ont été complètement ignorées. Ces amendements n'ont pas apporté de solutions aux principaux problèmes concernant: l'interdiction du droit de s'associer à des catégories importantes de travailleurs (fonctionnaires publics, enseignants, etc); l'ingérence de l'administration dans les activités des syndicats; le droit d'élire librement les représentants; les restrictions excessives au droit de grève et les problèmes relatifs à la négociation collective. La situation, par exemple, concernant les activités politiques des syndicats ou la prétendue élimination de la disposition qui permet de suspendre la grève durant l'état d'urgence décrété en vertu de la loi martiale - que le gouvernement considère comme des améliorations - n'est en aucun cas différente de la situation qui prévalait au cours de la période du gouvernement militaire. En outre, une série de lois et de décrets ont été pris qui aggravent la situation. Par exemple le décret no 308 concernant les entreprises d'Etat qui interdit aux travailleurs de ces entreprises toute négociation collective. De la même manière, un décret gouvernemental prévoit la constitution de trois organisations d'employeurs pour le secteur public (institution publique, entreprises de l'Etat, etc.) et l'affiliation forcée à ces organisations, qui dépendent d'un ministère de l'Etat et qui sont dirigées par un haut fonctionnaire. L'objectif de ces trois organisations ainsi qu'il ressort du programme du gouvernement pour 1988 est d'exercer les fonctions assignées antérieurement au Comité gouvernemental de coordination des conventions collectives dans le secteur public et d'imposer la politique salariale du gouvernement. De même, il existe de sérieuses restrictions au droit de grève. Le représentant gouvernemental a indiqué que la possibilité de différer une grève n'a été utilisée qu'une seule fois. Ceci est uniquement la preuve qu'aucune des grèves qui ont eu lieu mettait en danger la sécurité nationale ou la santé publique. En outre, tout est pratiquement considéré comme un service essentiel, ce qui a pour effet d'interdire le droit de grève à plus de 500000 travailleurs. Les grèves de solidarité sont également interdites comme les grèves du zèle, les grèves générales, et toute infraction fait l'objet de sanctions pénales. Ces restrictions n'existaient pas avant 1980. Enfin, l'orateur a rappelé qu'aucun amélioration n'a été apportée, que seulement des promesses on tété faites et il a demandé au représentant gouvernemental si le gouvernement se considère tenu par les principes de la liberté syndicale inscrits dans la Constitution de l'OIT.
Les membres travailleurs ont considéré donc, d'après les informations fournies par le membre travailleur de la Turquie, qu'il aurait mieux valu que les nouvelles lois n'aient pas été adoptées. La question est maintenant de savoir si l'on a l'intention d'apporter des modifications en profondeur à la législation. Les membres travailleurs se sont référés à une série d'informations récentes de sources syndicales indiquant que les nouvelles lois restreignent gravement la négociation collective et l'action syndicale. Il y a peu de temps, la Confédération européenne des syndicats a adopté une déclaration au même effet. soulignant qu'en Turquie les syndicats ne peuvent librement élaborer leurs statuts ou règlements, ni élire librement leurs représentants, ni appliquer librement leurs programmes et qu'ils peuvent être sujets à dissolution ou suspension par voie administrative. Les activités de la DISK sont en fait interdites et les dirigeants de cette organisation, contre qui des procès sont en cours ou qui ont été condamnés en raison de leurs activités syndicales, ne peuvent reprendre leurs activités syndicales. Dans ces conditions, il faut souligner que les prétendues améliorations touchent en fait un très petit pourcentage des recommandations signalées au cours de l'assistance technique du BIT; que les nouvelles lois compliquent considérablement la situation sur d'autres points; qu'il n'y a pas eu non plus une véritable consultation tripartite, bien que cela ait fait l'objet d'une promesse concrète du gouvernement; que la négociation collective et l'activité syndicale sont freinées par l'ingérence des autorités; et que les organisations de travailleurs se trouvent dans l'impossibilité de se structurer. En conséquence, comme les nouvelles lois n'ont pas rempli les promesses du gouvernement, cela implique que la commission de la Conférence doit recommencer à zéro.
Les membres employeurs ont résumé les questions soulevées dans l'observation de la commission d'experts sur l'application de la convention. La commission d'experts n'a pu encore examiner les nouvelles lois adoptées cette année après qu'aient eu lieu des consultations tripartites. L'année dernière, la commission d'experts a considéré qu'il y avait eu certaines améliorations dans la législation mais qu'il persistait des restrictions à la liberté de négociation collective. Si l'on envisage la situation depuis son début, il faut conclure que certains progrès ont eu lieu. La libre négociation collective ne peut être réalisée que progressivement, surtout dans un pays qui sort d'une longue période d'état d'urgence, et où la situation en matière de libertés syndicales était radicalement différente de celle d'aujourd'hui. Le représentant gouvernemental a fourni des chiffres récents qui montrent certains résultats dans le sens d'un accroissement des conventions collectives. Le représentant gouvernemental a également souligné que la procédure d'arbitrage obligatoire n'a été appliquée qu'une seule fois. Dans ce contexte, il faut se demander si l'arbitrage obligatoire ne devrait pas être aboli, ce que demande la commission d'experts. En ce qui concerne l'accroissement du nombre des grèves, il ne s'agit pas pour les employeurs d'un signe de progrès. Le représentant gouvernemental et le membre travailleur de la Turquie ont fait des déclarations totalement différentes concernant la mise en oeuvre des promesses du gouvernement, relatives à l'application de la convention, et il n'appartient pas aux membres employeurs de décider qui a raison. A cet égard, il est clair que l'examen des amendements apportés par les deux nouvelles lois incombe à la commission d'experts et non à la présente commission. D'autre part, il faut considérer comme une évolution positive la levée totale de l'état de siège et l'organisation d'élections, points auxquels s'est référée la commission d'experts, et qui vont dans le sens de la démocratie. Enfin, ils ont souligné que les restrictions qui existent encore concernant l'application de la convention no 98 doivent être éliminées et que ces mesures devront être prises sur une base tripartite.
Le membre travailleur de la Finlande, parlant également au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Norvège et de la Suède, a rappelé que les conclusions de la commission d'experts faisaient état de sérieuses contradictions entre la législation et la convention no 98, et que la commission de la Conférence avait indiqué la possibilité de recourir éventuellement à d'autres mesures si elle constatait une absence de progrès. La réponse du gouvernement de la Turquie contient des points mineurs d'amélioration reflétés dans les amendements à la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Ces amendements ont été introduits par les lois nos 3449 et 3451 adoptées respectivement les 25 et 27 mai 1988, Les membres travailleurs susmentionnés ont comparé ces amendements avec les principes de la convention no 98 et concluent qu'ils constituent certains progrès mais en aucun cas ils ne satisfont aux principes stipulés dans la convention no 98 et la Constitution de l'OIT relatifs à la liberté syndicale et aux droits syndicaux. Le membre travailleur de la Turquie a souligné ce fait et les membres travailleurs susmentionnés s'associent pleinement à ses commentaires. Ils ont rappelé à la commission de la Conférence que la Constitution turque de 1982 contient également plusieurs dispositions contraires à la convention no 98 et aux principes de la liberté syndicale consacrés dans la Constitution de l'OIT. L'orateur a cité à titre d'exemple l'article 51 prévoyant que seuls les employés ayant dix années de service peuvent être élus comme responsables syndicaux, l'article 22 interdisant aux syndicats de participer à toutes activités politiques, l'article 53 prévoyant un seul accord collectif par entreprise et l'article 54 interdisant toute grève de solidarité, ainsi que plusieurs autres dispositions de la Constitution. Plusieurs dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats soumettaient les syndicats au contrôle des gouvernements, permettaient à la police d'effectuer des enquêtes dans les locaux des syndicats et prévoyaient que les dirigeants syndicaux doivent obtenir l'autorisation du ministère de l'Intérieur avant de quitter la Turquie pour une conférence syndicale, que tous les communiqués de presse devaient être adressés au Procureur général vingt-quatre heures avant leur parution et que toute activité politique était interdite pour les syndicats. En conclusion, l'orateur a rappelé à la présente commission que le représentant gouvernemental n'a pas indiqué si son gouvernement avait l'intention d'abroger ces dispositions; toutefois, les membres travailleurs susmentionnés sont fermement d'avis que cela devrait être fait dès que possible.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que, lorsqu'il avait vu pour la première fois la liste des amendements apportés par le gouvernement de la Turquie mentionnés dans la communication écrite du gouvernement, il avait espéré que la question était finalement réglée et que la Turquie pouvait être considérée comme faisant partie du monde libre en tant qu'Etat garantissant les libertés syndicales. La commission d'experts doit, bien sûr, examiner toutes les nouvelles lois adoptées, mais cela n'empêche pas la commission de la Conférence d'exprimer son point de vue également. Ce que fait apparaître la communication écrite du gouvernement est intéressant mais ce qu'il cache est vital. Il aimerait poser un certain nombre de questions à cet égard. Premièrement, la Turquie reconnaît-elle le droit aux fonctionnaires de s'associer librement? La réponse est négative puisque le membre travailleur de la Turquie a informé la commission que ce n'était pas possible. Les restrictions légales qu'il a décrites touchent environ 1,8 million de travailleurs turcs. Dans quelle mesure les grèves sont-elles affectées par ces restrictions? Le représentant gouvernemental a indiqué à la commission de la Conférence que le droit de grève était interdit seulement dans les services essentiels. Cependant, un examen attentif de la liste des services essentiels révéle qu'ils comprennent les secteurs de l'eau, de l'électricité, du gaz, les mines de charbon, la propriété foncière, les transports par mer et par air, les services de santé, les pharmacies, les institutions d'enseignement, les garderies, les maisons de retraite, etc. En fait, les grèves sont soit interdites, soit sérieusement limitées dans tous les services publics. Deuxièmement, la Turquie reconnaît-elle aux travailleurs le droit de choisir leurs propres dirigeants syndicaux? C'est peut-être le cas, mais il note un point fondamental. La loi prévoit qu'un syndicaliste ayant passé plus de six mois en prison pour une infraction aux termes de cette loi ne peut pas être élu dirigeant syndical, ni fonder un syndicat. Cependant, certains des dirigeants syndicaux les plus courageux, les plus héroïques et les plus dévoués qu'il a pu connaître ont passé plus de six mois en prison pour s'être battus pour leurs convictions. Troisièmement, la Turquie reconnaît-elle aux syndicats le droit d'élaborer leur propre constitution, lois et règlements? La réponse, là encore, est négative. La loi sur les syndicats en Turquie prévoit des modèles détaillés de lois et de règlements à l'intention des syndicats. Selon lui, il s'agit d'une contradiction aux principes de la liberté syndicale. La commission d'experts peut sans doute examiner ces nouvelles lois et faire part de son opinion, mais la présente commission peut déjà déclarer qu'elles ne satisfont pas pleinement aux demandes de la commission d'experts. On avait beaucoup espéré après la période de dictature, qu'une des premières choses que ferait la Turquie en tant que pays libre serait de rétablir les droits syndicaux qui sont le signe évident d'une véritable démocratie. Toutefois, il doit faire part de sa profonde préoccupation car les perspectives ne sont pas très bonnes pour les syndicats en Turquie. Le gouvernement de la Turquie montre la nouvelle législation comme un père fier mais, selon lui, elle n'a pas encore fait preuve de sa légitimité. Le gouvernement a encore un long chemin avant de parvenir à des progrès réels, et une tentative timide dans cette direction n'est pas suffisante.
Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que, depuis hier, le Premier ministre de la Turquie effectuait une visite officielle à Athènes et que chacun pouvait imaginer l'importance de cet évènement dans les relations entre la Grèce et la Turquie. Les travailleurs grecs appuient toutes améliorations dans ces relations. Cet état d'esprit ne doit pas empêcher l'orateur de soutenir le membre travailleur de la Turquie dans ses commentaires concernant les restrictions légales et les interdictions relatives aux activités syndicales en Turquie. A cet égard, il a noté qu'une déclaration conjointe a été adoptée le 10 juin 1988 par laquelle les deux principales organisations syndicales de Turquie, la TURK-IS et la DISK, déclaraient que les organisations syndicales en Turquie étaient empêchées de fonctionner normalement et appelaient à une reprise de toutes les activités de la DISK. Le représentant gouvernemental a déclaré à la commission que le droit de grève existait, que des progrès avaient été réalisés et que les libertés syndicales existaient en Turquie. L'orateur s'est demandé si le gouvernement peut indiquer à quel moment la DISK serait en mesure de fonctionner à nouveau et quand ses biens, qui ont été confisqués à l'époque de la dictature, lui seraient restitués.
Le membre travailleur des Etats-Unis s'est senti obligé de faire plusieurs commentaires après les déclarations du vice-président des membres travailleurs et du membre travailleur de la Turquie. Les membres travailleurs se félicitent toujours des mesures visant à rectifier les atteintes persistantes aux conventions internationales du travail; aussi se félicitent-ils des mesures prises par le gouvernement de la Turquie. Toutefois, ces mesures contiennent souvent des dangers cachés. Il s'agit souvent de corrections superficielles et non de fond. Dans ce contexte, un exemple est la disposition qui permet au gouvernement de la Turquie d'interdire ou d'ajourner une grève lorsqu'elle peut mettre en danger la santé publique et la sécurité nationale. Le représentant gouvernemental a déclaré que cette disposition n'a jamais été appliquée et ne devrait pas faire l'objet de préoccupations. L'orateur s'est senti toutefois mal à l'aise devant cette disposition. Se référant à la Haute commission d'arbitrage et à ses pouvoirs aux termes de l'article 54 de la Constitution turque, il a déclaré que cette disposition a un effet paralysant et constitue un frein pour toute grève. Pour cette raison, de telles dispositions devraient être abrogées.
Le membre travailleur de l'Autriche a rappelé qu'à peu près au même moment où le Parlement turc adoptait ces deux lois en mai 1988, le rapport du Comité de la liberté syndicale était adopté par le Conseil d'administration de l'OIT. Ce rapport fait mention de la loi no 2821 parmi les lois dont la révision est nécessaire pour être conforme à la convention no 98. Le Comité de la liberté syndicale formule donc les même préoccupations que la Commission de la Conférence. En conséquence, lorsque la commission d'experts analysera ces lois, il semble évident qu'en conclusion elle indiquera que ces lois ne rencontrent qu'en partie les recommandations du Comité de la liberté syndicale et que le gouvernement n'a qu'en partie satisfait à ces recommandations. En conclusion, il a rappelé que plusieurs syndicalistes des services publics ont été condamnés aux termes de cette loi sans que les motifs de cette condamnation ne soient rendus publics, ce qui les empêche de se défendre. Il a demandé au représentant gouvernemental à quelle date ces motifs seront rendus publics.
Le membre employeur de la Turquie a estimé que les critiques qui ont été faites ne sont pas justifiées en ce qui concerne le sujet en discussion. A cet égard, il a cité deux observations formulées par la commission d'experts dans son rapport, à savoir, premièrement, que la commission veut croire que les amendements législatifs nécessaires à la promotion de la négociation collective seront adoptés et, deuxièment, que celle-ci prie le gouvernement de la tenir informée de l'évolution de la situation dans ce sens. L'orateur a déclaré que, d'une part, une nouvelle loi modifiant plusieurs articles de la loi sur les conventions collectives vient d'entrer en vigueur en Turquie et que la première demande formulée par la commission d'experts et rappelée ci-dessus est déjà réalisée. D'autre part, il convient d'attendre l'avis que fera connaître la commission d'experts sur cette nouvelle loi avant d'adopter des conclusions sur celle-ci. Il a donc estimé qu'il est préférable d'attendre l'appréciation qui sera fournie par la commission d'experts l'année prochaine sur la légitimité des lois en question.
Le membre travailleur des Pays-Bas a pris note des informations présentées par le gouvernement dans sa communication écrite qui portent sur les nombreuses modifications faites à la loi no 2821 sur les syndicats. Il a noté que cette liste ne représente pas la suppression des limitations à la liberté syndicale mais simplement une réduction des obstacles qui entravent la pleine jouissance de cette liberté. A cet égard, il a fait référence à certaines expressions telles que "les conditions requises seront simplifiées" ou encore "seront facilitées". Cette réduction des restrictions est estimée insuffisante lorsqu'on la compare aux dispositions de la convention no 98. Il a noté par ailleurs qu'au vu de l'expérience de cette commission au cours des dernières années, certains gouvernements ont fait l'objet d'un paragraphe spécial tandis que d'autres dont le comportement n'est pas meilleur ont réussi à éviter le paragraphe spécial en fournissant de longues réponses, en participants au dialogue d'une voix douce et agréable et en faisant des petites promesses ou en exprimant de vagues espoirs. Il a souligné que le comportement des gouvernements doit être apprécié sur la base des faits et non sur la base de leur présentation.
Le représentant gouvernemental de la Turquie a noté que, en ce qui concerne les observations formulées par la commission d'experts, des consultations tripartites se sont déroulées qui portaient sur les points soulevés dans le rapport. Le ministre du Travail ainsi que le Premier ministre ont eu des discussions au sujet de ces problèmes avec les représentants d'organisations de travailleurs et d'employeurs. Ces consultations n'ont eu aucune incidence sur les deux points mentionnés dans le rapport de la commission d'experts car, d'une part, aussi bien les organisations de travailleurs que les organisations d'employeurs ont insisté pour que le gouvernement maintienne les critères exigés pour accorder à ces organisations la compétence de négocier collectivement et, d'autre part, en ce qui concerne l'intervention de la Haute commission d'arbitrage, elle est prévue par une disposition constitutionnelle, qui ne peut être amendée, avant que tout un processus ne soit terminé. En ce qui concerne les observations formulées en dehors du cas de la convention no 98, une image faussée a été présentée à cette commission. Il a fait état des importants progrès réalisés en ce qui concerne la législation et il a estimé qu'il serait prématuré pour cette commission de porter un jugement sur les mérites des nouveaux amendements avant que la commission d'experts n'ait effectivement examiné leur teneur objective et impartiale. En conclusion, l'orateur a cité des chiffres qui montrent la mesure dans laquelle les amendements reflètent réellement les avis formulés par les travailleurs turcs lors des consultations tripartites. Pour la loi no 2821, sur un total de 18 recommandations faites par les associations de travailleurs turcs, 11 ont été incorporées en totalité ou en partie dans les nouveaux amendements. Le gouvernement a en outre ajouté quatre amendements qui n'avaient pas été proposés par les associations de travailleurs. En ce qui concerne la loi no 2822, sept recommandations sur les 17 qui ont été présentées par les associations de travailleurs ont été incorporées. Ici également, le gouvernement a apporté quatre améliorations qui n'avaient pas été proposées par les associations de travailleurs. L'on voit donc que les nouveaux amendements comportent 52 pour cent des recommandations des travailleurs.
Les membres travailleurs se sont félicités du dialogue franc et ouvert qui s'est déroulé au sein de la présente commission. Ils ont donc proposé à la lumière des interventions des membres employeurs et du membre employeur de la Turquie, une conclusion formulée comme suit:
"Les membres de la commission ont pu avoir un dialogue sur deux lois promulguées en mai dernier et qui devraient apporter une solution à la plupart des préoccupations qui sont exprimées depuis plusieurs années. La discussion qui s'est déroulée en commission montre qu'il existe des éléments positifs mais également un nombre important de points qui n'ont pas reçu de réponse satisfaisante. Etant donné le fait que ces lois n'ont été que récemment mises en vigueur, la commission d'experts est priée de les examiner avec attention, particulièrement au vu des promesses faites antérieurement et des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale ainsi que par le BIT qui a fourni une assistance dans ce domaine. Il est demandé qu'une véritable consultation tripartite soit reprise et que le gouvernement soit disposé à amender les lois actuelles pour les mettre pleinement en conformité avec la convention no 98 et avec le principe de la liberté syndicale."
Les membres travailleurs proposent formellement que ces conclusions soient contenues dans un paragraphe spécial, une demande justifiée par l'importance du cas qui fait l'objet de discussions depuis de nombreuses années et par le fait qu'un paragraphe ne contient ni jugement ni condamnation, et est appelé à refléter les aspects positifs aussi bien que négatifs. L'objectif de ces conclusions et de leur inclusion dans un paragraphe spécial est de donner une mission à la commission d'experts et d'indiquer clairement au gouvernement le sens d'un nouveau dialogue tripartite.
Les membres employeurs ont noté qu'un certain nombre de questions ont été soulevées à propos de ce cas, qui n'ont pas reçu de réponses définitives. Toutefois, le point principal en discussion est la nouvelle législation qui a été adoptée et qui devra faire l'objet d'un examen par la commission d'experts. Les membres employeurs sont convaincus qu'au moment d'examiner ce cas à leur prochaine réunion, la commission d'experts n'analysera pas simplement les lois mais gardera également à l'esprit ce qui ne figure pas au rapport ainsi que les avis exprimés au cours de la discussion et les informations fournies. En ce qui concerne les conclusions proposées par les membres travailleurs, les membres employeurs ont estimé qu'ils ne pouvaient souscrire à cette proposition dans sa forme actuelle surtout si elle devait être incluse dans un paragraphe spécial, car elle portait une appréciation sur une nouvelle loi que les experts n'avaient pas encore pu examiner.
Les membres travailleurs ont regretté vivement le rejet par les employeurs de leur proposition de conclusion et de son inclusion dans un paragraphe spécial. Toutefois, ils n'ont pas demandé de vote, mais ils ont indiqué clairement qu'ils mèneront une campagne d'information, dans leur pays et au niveau des organisations syndicales, régionales et internationales, sur leur position vis-à-vis de la situation et de son examen à la commission.
Le représentant gouvernemental ne peut s'associer pleinement aux interventions précédentes portant sur les mérites de la proposition. D'une part, cette commission n'est parvenue à aucune conclusion sur les problèmes soulevés dans cette proposition et, d'autre part, celle-ci n'apporterait aucune contribution à l'effort de consultations tripartites qui seront poursuivies de toute manière.
Le membre travailleur de l'Autriche a rappelé au représentant gouvernemental de la Turquie la question qu'il lui a adressée concernant la date de publication des informations sur les motivations du jugement portant sur la dissolution de la DISK.
Le représentant gouvernemental a répondu que les autorités compétentes l'ont avisé que le texte de ces décisions, ainsi que leurs motifs, sera publié à la fin de l'été de 1988.
La commission prend acte des renseignements présentés par écrit et oralement par le gouvernement ainsi que des discussions détaillées qui se sont déroulées au sein de la commission. Elle prend note en particulier du fait que le Parlement a adopté récemment des amendements à la législation syndicale qui fera l'objet d'un examen par la commission d'experts sur la base des discussions antérieures au sein de la commission, des recommandations de missions du BIT, de promesses faites par le gouvernement et des conclusions du Comité de la liberté syndicale. Elle espère que ces amendements apaiseront les préoccupations exprimées l'année précédente par la Commission de la Conférence. Elle formule en outre l'espoir fervent qu'étant donné que des divergences graves subsistent depuis bien des années, le gouvernement prendra, dans un avenir proche, toutes les mesures nécessaires à la suite de consultations tripartites véritables pour donner pleine satisfaction aux observations de la commission d'experts et contribuer à une amélioration en ce qui concerne le plein respect de la convention, dans la loi et dans la pratique.
Le gouvernement a fourni les informations suivantes:
Le gouvernement, conformément aux objectifs mentionnés dans la lettre adressée au Directeur général le 30 avril 1986 par le précédent ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a examiné à fond les questions relatives aux relations professionnelles en Turquie.
A cet égard, à la suite des consultations qui ont eu lieu entre le gouvernement et tout d'abord les partenaires sociaux puis, ultérieurement, un représentant du Bureau, au cours d'une récente mission consultative technique et à la lumière des souhaits exprimés tant par les travailleurs et les employeurs que par l'OIT, et en tenant compte à la fois de ces souhaits et d'autres facteurs, le gouvernement a estimé nécessaire de revoir de nouveau d'une manière plus complète la question afin d'amender la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out, conformément aux changements intervenus dans les conditions nationales. A cet effet, il sera naturellement nécessaire de tenir compte de certaines dispositions de la Constitution.
Le gouvernement est d'avis que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour élaborer une législation du travail qui soit pleinement conforme aux principes et aux normes de l'OIT. A cette fin, le gouvernement va de nouveau engager de véritables consultations tripartites en Turquie. Le gouvernement espère également pouvoir bénéficier des avis techniques que pourra lui fournir le Bureau à cet égard.
Le gouvernement a l'intention de faire débuter immédiatement cet exercice et il espère qu'il sera achevé le plus rapidement possible à la condition que toutes les parties y participent pleinement et de manière constructive et que le processus législatif lui en offre les possibilités appropriées.
Un représentant gouvernemental, se référant aux informations écrites communiquées par le gouvernement, a déclaré que les observations formulées par la commission d'experts en ce qui concerne la convention no 98 avaient fait l'objet d'un examen approfondi sur une base tripartite et qu'un effort réel avait été entrepris avec les organisations d'employeurs et de travailleurs pour mettre la législation en meilleure conformité avec les normes de l'OIT en la matière. La loi no 3299 du 3 juin 1986 contient un certain nombre d'amendements à la loi no 2822 de 1983 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Des missions consultatives techniques se sont rendues en Turquie sur l'invitation du gouvernement en avril 1986 ainsi qu'en 1987 pour discuter des amendements législatifs en considération. Le gouvernement en a conclu qu'un certain nombre de problèmes législatifs existent encore, qui sont dus au fait que la loi de 1983 avait été adoptée sous l'empire de la loi martiale dans les années quatre-vingt, période justifiant des mesures spéciales. La situation politique et sociale s'étant considérablement améliorée depuis lors tant sur le plan national qu'international, le gouvernement estime que toutes les mesures législatives nécessaires peuvent et doivent être prises pour mettre les dispositions de la législation du travail en conformité avec les principes et les normes de l'OIT et éliminer ainsi tout élément incompatible avec ceux-ci. Le gouvernement a l'intention d'entreprendre immédiatement un réexamen plus complet de la question qu'il espère pouvoir achever le plus rapidement possible à condition que toutes les parties intéressées participent pleinement et de manière constructive à ce processus. Il est également déterminé à maintenir sa coopération très fructueuse avec l'OIT afin de réaliser ces objectifs.
En ce qui concerne la convention no 111, le représentant gouvernemental a indiqué que l'état de siège en vigueur en vertu de la loi no 1402 sera levé à partir du 19 juillet 1987 dans les cinq provinces dans lesquelles il demeure encore appliqué. Indépendamment de l'existence de la loi martiale, un certain nombre de garanties existent dans la législation nationale contre le risque de discrimination fondée sur l'opinion politique. L'article 10 de la constitution prévoit que toute personne est égale devant la loi quelle que soit, notamment, son opinion politique et que les organes de l'Etat et les autorités administratives doivent agir en conformité avec ce principe d'égalité. En outre, en vertu de l'article 125 de la Constitution, tous actes de l'administration sont susceptibles de recours. En application de ces dispositions, sur un total de 4 530 fonctionnaires ayant fait l'objet d'un licenciement, 3 999 cas ont été ainsi réexaminés à ce jour. Dans les cinq provinces dans lesquelles la loi martiale demeurait en application, seuls cinq fonctionnaires ont été licenciés au cours des trois dernières années, le dernier licenciement datant de février 1986. L'application de la loi martiale no 1402 est donc assortie des procédures juridiques nécessaires empêchant que son application ne puisse conduire à des discriminations d'ordre politique ou autre. En outre, cette loi n'a pas été appliquée depuis février 1986 et cessera d'être en vigueur dès la levée totale de l'état de siège du 19 juillet 1987.
Le membre travailleur de la Suède a rappelé que le cas de la Turquie faisait l'objet d'une discussion de la commission depuis plusieurs années. A chaque fois le gouvernement s'engageait à prendre des mesures pour améliorer la situation mais, dans la réalité, très peu a été fait. L'exercice du droit de négociation collective est rendu pratiquement impossible en raison d'exigences exagérées de la législation quant à la représentabilité des syndicats et le droit de grève est limité par une procédure qui permet de l'ajourner pendant une durée de 60 jours, de sorte que son exercice en est rendu extrêmement difficile. Le droit de négociation collective n'est qu'une extension du droit syndical le plus fondamental: la liberté syndicale. Le droit de négociation collective ne peut être pleinement utilisé que si les organisations de travailleurs et d'employeurs jouissent du droit suprême d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action sans ingérence des autorités publiques. Or, dans ce domaine, beaucoup reste également à faire. Les syndicats suédois sont profondément préoccupés par la situation syndicale en Turquie et ils expriment l'espoir que les modifications législatives nécessaires seront adoptées le plus rapidement possible, de manière à assurer la pleine application des conventions des normes de l'OIT concernant la liberté syndicale, la négociation collective ainsi que l'exercice du droit de grève et de lock-out.
Le membre travailleur de la Grèce a déclaré s'associer à la déclaration du membre travailleur de la Suède. Il a rappelé qu'une des organisations syndicales turques avait été interdite. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que le droit de négociation collective existe librement en Turquie. Le représentant gouvernemental devrait être prié de fournir des informations sur les procès faits aux syndicalistes turcs ainsi que sur l'état de la liberté syndicale dans le pays.
Le membre travailleur de la Turquie a insisté sur le fait que le gouvernement n'avait pas tenu sa promesse faite en 1986. Il est regrettable qu'aucun progrès n'ait été réalisé cette année. La mission d'évaluation technique du BIT d'avril 1987 décrit la situation syndicale générale de manière parfaitement claire. Les lois nos 2821 et 2822 sur les syndicats, la négociation collective et les grèves violent les droits fondamentaux reconnus dans la convention no 98 et ne sont pas en conformité avec le principe selon lequel les organisations ont le droit d'organiser leur administration et leurs activités et de formuler leurs programmes d'action en toute liberté. Ainsi, il est interdit aux fonctionnaires, aux enseignants des écoles privées, aux travailleurs des institutions religieuses et aux étudiants qui travaillent d'établir des syndicats et de s'y affilier. Les candidats aux postes de dirigeants syndicaux ne doivent pas avoir été condamnés pour violation des dispositions concernant la négociation collective et les grèves, et il faut avoir travaillé au moins 10 ans avant d'être éligible aux fonctions de dirigeant syndical. Toute activité politique est interdite aux syndicats. Il est mis fin automatiquement aux fonctions des dirigeants syndicaux et des confédérations lorsqu'ils acceptent une fonction dans un organe gouvernemental ou un parti politique. Les autorités disposent du pouvoir discrétionnaire de faire des enquêtes périodiques sur les affaires internes des syndicats et des confédérations. Les syndicats doivent regrouper 10 pour cent des travailleurs occupés dans une branche d'activité déterminée ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs employés dans l'établissement ou l'entreprise pour avoir le droit de négocier collectivement. Des restrictions sévères sont apportées au droit de grève dans plusieurs secteurs qui ne peuvent pas être considérés comme des services essentiels. Le gouvernement est en droit de différer l'application d'une décision de grève et de soumettre le conflit à l'arbitrage obligatoire d'un organe contrôlé par lui. Le gouvernement n'a non seulement pris aucune mesure pour donner suite aux assurances qu'il avait données en 1986, mais il a encore aggravé la situation en étendant l'application du décret no 2333 concernant les contrats privés d'emploi aux entreprises publiques. Les travailleurs soumis à ce décret ne peuvent pas s'affilier à un syndicat ni bénéficier des conventions collectives. En outre, il a été créé en 1986 trois soi-disant organisations d'employeurs publics qui représentent les entreprises d'Etat et les institutions publiques dans les négociations. Par l'intermédiaire de ces organisations qui sont dirigées par des fonctionnaires, le gouvernement réglemente tout ce qui ferait normalement l'objet de la négociation collective.
Le membre travailleur de la France s'est référé à certains faits montrant dans la pratique des restrictions très importantes à la liberté syndicale, à la liberté d'expression et au droit de négociation collective. Ainsi le siège de l'organisation syndicale TURK-IS a été encerclé par la police alors que 700 militants syndicaux y étaient rassemblés dans le but d'aller remettre une pétition au parlement sur des problèmes politiques et sociaux. D'autre part, le président de la DISK, organisation syndicale déclarée illégale, a reçu son visa avec retard pour se rendre à la Conférence internationale du Travail. Il s'agit d'atteintes au pluralisme et à la liberté syndicale qui sont inacceptables. Le gouvernement a demandé son adhésion à la Communauté économique européenne. Celle-ci n'est pas simplement une structure économique, c'est aussi une entité de caractère politique qui exige que les éléments de démocratie traditionnels soient appliqués dans ses Etats membres. C'est pourquoi, si le gouvernement veut avoir le soutien du mouvement syndical européen dans sa demande d'adhésion à la CEE, il est nécessaire qu'il applique correctement les engagements internationaux qu'il a pris, et notamment qu'il respecte les conventions fondamentales de l'OIT.
Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que les informations fournies par le membre travailleur de la Turquie illustraient la gravité des agissements du gouvernement. L'article 37 de la loi no 2821 interdit toute activité politique des syndicats et de leurs confédérations, ce qui est en contradiction directe avec l'article 1 de la convention no 111.
Le membre travailleur de la Norvège a rappelé que la Fédération des syndicats norvégiens avait présenté en 1982 une réclamation contre la Turquie concernant la violation des conventions nos 111 et 98 par ce pays. Cinq ans plus tard, la législation turque contrevient toujours et de manière grave à ces deux conventions fondamentales. Malgré ses promesses, le gouvernement turc n'a toujours pas pris de mesures pour modifier l'article 12 de la loi no 2822 qui subordonne le droit de la négociation collective des syndicats à des conditions de représentativité exagérées. En ce qui concerne la convention no 111, il convient de rappeler que, selon les normes internationales concernant les droits de l'homme, l'établissement ou le maintien de la loi martiale ne se justifient que dans des situations d'urgence exceptionnelles affectant la vie de la nation. Dans ces conditions, le maintien de la loi martiale en Turquie constitue une sérieuse violation des droits fondamentaux de l'homme tels qu'ils sont reconnus dans l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme ainsi que par la Constitution et les conventions de l'OIT, et notamment la convention no 111. Le maintien de la loi martiale ne saurait être une justification pour le gouvernement de ne pas s'acquitter de ses obligations découlant de la ratification de la convention no 111. Depuis plusieurs années, cette législation a conduit à de sérieuses et nombreuses discriminations de fonctionnaires ou de candidats à la fonction publique. Les employés concernés ont été licenciés, transférés ou envoyés dans d'autres régions sur la base de critères ne donnant aucune garantie certaine contre les discriminations fondées exclusivement sur des motifs politiques. En conséquence, la commission devrait exprimer sa profonde préoccupation devant le maintien dans cinq provinces de la loi martiale dont les dispositions impliquent de sérieuses violations de ladite convention à l'égard des fonctionnaires. La commission devrait également constater avec regret la lenteur avec laquelle des efforts ont été entrepris pour assurer la mise en oeuvre de la convention no 98 sur le plan législatif.
Les membres travailleurs ont rappelé que le droit de négociation collective est intimement lié à la liberté syndicale qui est un principe fondamental de la Constitution de l'OIT. Les interventions précédentes ont montré que dans ce domaine des violations flagrantes étaient constatées. Une organisation a été dissoute, des dirigeants syndicaux ont été condamnés de sorte que tant le droit de négociation que la liberté d'association sont bafoués. Les conditions exigées des syndicats pour qu'ils puissent bénéficier du droit de négociation collective montrent que l'on veut arriver à une sorte d'unicité syndicale. Or, il n'appartient pas au gouvernement d'imposer de telles mesures, mais la décision doit en être laissée aux responsables syndicaux. En 1986, la commission, par manque de temps, avait renoncé à discuter du cas de la Turquie compte tenu des informations écrites fournies par le gouvernement et des assurances données par celui-ci. Elle avait toutefois insisté sur le fait qu'elle s'attendait à ce que les promesses formulées par le gouvernement soient réalisées dans les meilleurs délais de manière à pouvoir constater des progrès lors de sa prochaine session. Or, force est de constater que ces promesses n'ont pas été tenues. Fait plus grave encore, le gouvernement, immédiatement après la discussion de 1986, a tenu une conférence de presse pour faire valoir que la situation syndicale en Turquie ne faisait pas l'objet de critiques au niveau international et que les problèmes en suspens seraient réglés sans intervention extérieure. De tels procédés ne favorisent pas le dialogue et ne permettent pas de réaliser des progrès. Aujourd'hui, le représentant gouvernemental indique que la loi martiale sera levée prochainement dans un certain nombre de provinces. En fait, le gouvernement paraît toujours vouloir se réserver la possibilité d'intervenir arbitrairement en se prévalant de soi-disant dangers pour la sécurité de l'Etat. Par ailleurs, dans les informations écrites communiquées à propos de la convention no 98, le gouvernement indique avoir l'intention de revoir la question de la manière la plus appropriée mais qu'il sera naturellement nécessaire de tenir compte de certaines dispositions de la Constitution. L'ambiguïtè de cette déclaration est embarrassante. Cela signifie-t-il que la Constitution turque contient des dispositions contraires à la convention ou que la convention ne peut pas être appliquée intégralement? Les informations fournies dans le cadre de la convention no 111 manquent également de clarté, aucune réponse valable n'ayant été fournie aux observations de la commission d'experts. Il n'a été fait état d'aucun progrès concret; seules des promesses et des déclarations ont été faites. Dans ces conditions, il importe que le gouvernement prenne au sérieux la préoccupation manifestée par les membres travailleurs.
Les membres employeurs ont rappelé, en ce qui concerne la convention no 98, que des rapports détaillés avaient été communiqués par le gouvernement. Si la commission d'experts a pu noter avec intérêt l'évolution qui a lieu en Turquie, des restrictions considérables limitent toujours le droit de négociation collective. Avec l'assistance du BIT, ces problèmes ont pu être discutés avec le gouvernement. Celui-ci indique maintenant que de nouvelles propositions sont en voie d'élaboration pour modifier la législation. A cet effet, le gouvernement espère pouvoir en discuter les détails avec une nouvelle mission du BIT. Il semble que le gouvernement s'engage sur la bonne voie mais il serait souhaitable que le représentant gouvernemental précise si c'est bien l'intention de son gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre tous les points soulevés par la commission d'experts en conformité avec la convention. Il convient également de souligner que, comme l'ont relevé les membres travailleurs dans leurs nombreuses interventions, la situation n'est pour l'instant toujours pas conforme à la convention no 98. En ce qui concerne la convention no 111, il serait souhaitable que le représentant gouvernemental indique si la décision de lever la loi martiale a été prise officiellement et si elle sera publiée dans le Journal officiel. Peu d'informations ont été fournies sur les mesures prises, notamment en ce qui concerne les licenciements et les condamnations à des peines de prison. Des informations complémentaires sont nécessaires car pour l'instant la situation n'est pas en conformité avec la convention.
Le représentant gouvernemental a rappelé qu'en 1986 un certain nombre d'amendements à la loi no 2822 de 1983 avaient été adoptés en vue d'assurer une meilleure application de la convention no 98. Etant donné que certains points demeurent en suspens, le gouvernement a décidé de réexaminer la question d'une manière approfondie mais cela prendra un certain temps car, dans un système parlementaire, la modification de la législation ne dépend pas seulement du gouvernement. Il est nécessaire d'obtenir l'accord des partenaires sociaux et de susciter une certaine prise de conscience du parlement et de l'opinion publique. En outre, il est nécessaire de développer un dialogue constructif avec l'OIT. La vie politique, économique et sociale a évolué de manière positive ces dernières années, ce qui ne manquera pas d'avoir un effet favorable sur les relations professionnelles. Le gouvernement est prêt à s'acquitter de ses obligations internationales et à prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation sociale de manière à supprimer tout élément incompatible avec les normes internationales du travail. Cela sera accompli dans un délai compatible avec l'évolution politique, économique et sociale. C'est le parlement qui a pris la décision de lever la loi martiale dans les provinces où elle est encore en application avec effet au 19 juillet 1987. Il n'y aura donc plus aucune question en suspens en ce qui concerne la convention no 111. Quant à la manifestation organisée par la Confédération des syndicats turcs, celle-ci aurait dû en demander l'autorisation préalable, ce qu'elle n'a jamais fait. Il était donc normal que des complications s'ensuivent. Son gouvernement est conscient du fait que pour pouvoir adhérer à la CEE, il devra se conformer aux normes prévalant dans cette organisation. Enfin, la loi d'amnistie générale a été soumise au parlement. Celui-ci a adopté une loi qui prévoit une certaine réduction des peines de prison.
La commission a noté les informations communiquées par le gouvernement et son représentant. Elle a exprimé sa préoccupation au sujet des sérieuses divergences qui existent toujours entre la législation et la pratique nationales et les conventions nos 98 et 111, et cela malgré les promesses faites à plusieurs reprises par le gouvernement. Elle a exprimé l'espoir que ces promesses seront pleinement réalisées dans un avenir très proche et qu'elle pourra enregistrer des progrès lors de sa prochaine session. Si tel ne devait pas être le cas, la commission se verra obligée de recourir à d'autres moyens en vue d'assurer la conformité avec les conventions.
Commentaire précédent
La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 24 août 2010, la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) dans des communications datées des 20 août 2009 et 28 août 2010 et la Confédération des agents publics de Turquie (TÜRKIYE KAMU-SEN) dans une communication datée du 15 septembre 2009. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet dans son prochain rapport.
Tout en prenant note des observations formulées par le gouvernement sur les commentaires de la CSI dans une communication datée du 29 août 2008, la commission regrette qu’il n’ait communiqué aucune observation sur les commentaires formulés antérieurement par la KESK dans une communication datée du 1er septembre 2008 et par la DISK dans une communication datée du 2 septembre 2008. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet.
La commission note que le rapport du gouvernement sur l’application de la présente convention n’a pas été reçu.
La commission note qu’une mission bipartite de haut niveau de l’OIT s’est rendue dans le pays en mars 2010 suite à la demande faite en ce sens par la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009. Elle prend note du projet de loi sur les syndicats visant à modifier les lois nos 2821 et 2822, élaboré par un «comité scientifique» nommé par le ministère en 2009.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, dans son observation précédente, tout en prenant dûment note des dispositions législatives instaurant des sanctions dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale (art. 118 et 135 de la loi no 5237 portant Code pénal et art. 18(2) de la loi no 4688), elle a observé que la CSI dénonçait le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, avec notamment des mutations de salariés syndiqués ou exerçant des responsabilités syndicales, des ingérences de l’Etat en tant qu’employeur dans les activités des syndicats du secteur public, des listes noires et des pressions antisyndicales dans le secteur privé. La commission note avec préoccupation que des allégations similaires ont été soumises par la KESK dans ses communications. Le gouvernement n’ayant pas répondu ni donné d’autres informations à ce sujet, la commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport quelle est la procédure qui s’applique pour l’examen des plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public, et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés quant à l’examen effectif des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et réparations ordonnées). La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer que, en la matière, les dispositions de la convention sont appliquées en droit et dans la pratique.
La commission avait demandé précédemment que le gouvernement revoie les sanctions prévues aux articles 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et 59(3) (discrimination antisyndicale à l’embauche) de la loi no 2821 et assure que les réparations dues à un dirigeant syndical qui ne serait pas réintégré dans son poste pour des raisons antisyndicales ont un caractère dissuasif. La commission note à cet égard que l’article 24 du projet de loi sur les syndicats répondrait à la question soulevée précédemment par la commission quant aux réparations adéquates des actes de discrimination antisyndicale puisque cet article envisage, outre les réparations déjà prévues par la loi sur le travail (no 4857), une réparation non inférieure au salaire annuel du travailleur. S’agissant de la non-réintégration d’un délégué syndical désireux de reprendre son poste, l’article 22 du projet de loi prévoit que, dans le calcul des réparations, la période d’emploi dans l’établissement considéré sera prise en considération, de même que le salaire et les autres droits dont le travailleur bénéficiait auparavant. La commission considère qu’une réparation déterminée uniquement sur la base de ce critère ne constituerait pas une sanction suffisamment dissuasive à l’égard de l’employeur. La commission prie donc le gouvernement de réviser le projet de loi sur les syndicats et de procéder à une nouvelle modification des articles pertinents de la loi no 2821.
Article 4. Négociation collective libre et volontaire. La commission rappelle qu’elle avait précédemment émis le souhait de voir le gouvernement prendre les mesures nécessaires pour que l’article 12 de la loi no 2822 soit modifié de telle sorte que, si aucun syndicat ne représente pas plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats établis dans l’établissement ou l’entreprise considéré(e) aient le droit, sans considération de leur affiliation à une confédération, de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres affiliés. La commission note que, si l’article 39 du nouveau projet de loi sur les syndicats visant à modifier l’article 12 de la loi no 2822 supprimait l’obligation faite à un syndicat, pour pouvoir négocier collectivement au niveau de l’entreprise, d’être affilié à une grande confédération, ce texte maintient en revanche l’exigence faite aux syndicats de représenter la majorité des travailleurs (50 pour cent plus un) de l’établissement considéré pour pouvoir participer aux négociations avec l’employeur en vue de la conclusion d’une convention collective. La commission rappelle à nouveau que dans de tels systèmes, lorsque aucun syndicat ne représente 50 pour cent des travailleurs, les syndicats existant dans l’établissement doivent avoir le droit de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres affiliés. La commission prie donc le gouvernement de réviser le projet de loi sur les syndicats de manière à modifier l’article 12 de la loi no 2822.
Négociation collective dans la fonction publique. La commission rappelle qu’elle aborde, depuis un certain nombre d’années, la question de la négociation collective dans le secteur public telle que prévue par la loi no 4688 sur les syndicats dans le secteur public. Elle note que la loi no 5982 modifiant la Constitution, adoptée par la Grande Assemblée nationale le 7 mai 2010, est entrée en vigueur après avoir été approuvée par l’électorat dans un référendum qui s’est tenu le 12 septembre 2010. La commission note avec satisfaction que, en vertu de cette loi, les dispositions suivantes de la Constitution ont été modifiées:
– l’article 53, modifié par l’ajout du paragraphe suivant: «Les fonctionnaires et autres employés du public ont le droit de conclure des conventions collectives. Les parties peuvent saisir le Conseil de conciliation si un conflit survient au cours du processus de négociation collective. Les décisions du Conseil de conciliation sont définitives et ont force de convention collective. Le champ couvert par le droit de négociation collective, les exceptions à ce droit, les personnes appelées à bénéficier de cette négociation, la forme, la procédure et l’entrée en vigueur des conventions collectives et l’étendue des dispositions d’une convention collective, ainsi que l’organisation, les procédures de fonctionnement et les principes du Conseil de conciliation et d’autres aspects, seront déterminés par la loi»;
– l’article 53 a été modifié par la suppression de son paragraphe 3, qui restreignait l’autonomie des parties dans la négociation collective; et
– l’article 128 (2) a été modifié de manière à énoncer que «les qualifications des fonctionnaires et autres employés du secteur public, les procédures régissant leur nomination, leurs attributions et pouvoirs, leurs droits et responsabilités, leurs salaires et prestations annexes et les autres éléments liés à leur statut seront réglementés par la loi, sans préjudice des dispositions d’une convention collective établissant leurs droits sur les plans financier et social».
S’agissant de la loi no 4688, la commission note que le gouvernement a expliqué à la Commission de la Conférence, en juin 2010, que l’amendement à la Constitution serait suivi des amendements législatifs pertinents. La commission note que les amendements constitutionnels susmentionnés semblent répondre à certaines des questions qu’elle avait soulevées à propos de la loi no 4688 et, en particulier, de l’article 28 de cette loi qui limitait le champ possible de négociation aux questions financières et de son article 34 qui rendait possible une modification par les autorités de conventions collectives signées par les parties.
La commission prend note des indications du gouvernement concernant l’imminence d’un amendement de la loi no 4688, et veut croire que cette loi sera ainsi modifiée prochainement de manière à garantir que les fonctionnaires jouissent pleinement du droit de négocier collectivement et non simplement du droit de «mener des consultations collectives», comme prévu actuellement. La commission veut croire que la législation une fois modifiée répondra aux points suivants qu’elle avait soulevés précédemment: i) la nécessité de veiller à ce que, lorsque la législation prévoit que l’employeur direct participe à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, la négociation collective entre les parties revête un rôle significatif; ii) la nécessité de garantir clairement dans la législation que les négociations ne doivent pas porter uniquement sur les questions d’ordre financier, mais qu’elles peuvent aussi porter sur les conditions d’emploi; iii) la nécessité de garantir clairement que la législation ne confère pas aux autorités, notamment au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou rejeter des conventions collectives dans le secteur public; et iv) la nécessité de rendre les parties à même de mener des négociations pleines et significatives sur une période de temps plus longue que celle qui est fixée actuellement (quinze jours selon l’article 34).
La commission rappelle une fois de plus que le problème restant à résoudre de surcroît pour que la négociation collective dans le secteur public soit véritablement libre et volontaire est la reconnaissance du droit de se syndiquer à l’égard d’un grand nombre de catégories de salariés du secteur public qui ne sont pas des fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat mais qui sont pourtant exclus de ce droit et, par conséquent, du droit d’être représentés dans les négociations collectives (voir à ce sujet les commentaires concernant l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948).
La commission prie instamment que le gouvernement s’engage dans une assistance suivie avec l’OIT afin de parvenir à l’adoption rapide des amendements nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688, et elle exprime l’espoir que les textes définitifs de ces instruments tiendront pleinement compte des commentaires ci-dessus. Elle prie le gouvernement de communiquer avec son prochain rapport les textes législatifs ou projets de textes pertinents.
Articles 1 et 3 de la convention. Discrimination antisyndicale. 1. Indemnisation en cas d’actes de discrimination antisyndicale et de licenciement abusif. La commission avait noté que, en vertu de l’article 31(6) de la loi no 2821 concernant l’indemnisation en cas de licenciement pour motif antisyndical, lorsqu’il est mis fin au contrat de travail pour des raisons d’affiliation ou d’activité syndicale, les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 de la loi no 4857 sont applicables. Toutefois, l’indemnité accordée à un travailleur en vertu de l’article 18 de la loi no 4857 en cas de licenciement abusif peut être inférieure à celle versée en vertu de l’article 31 de la loi no 2821.
La commission note, d’après le rapport du gouvernement, que l’indemnité versée en application de l’article 21 de la loi no 4857 en cas de licenciement abusif constituant une infraction à l’article 18 de cette loi (en vertu duquel l’appartenance à un syndicat ou la participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou pendant les heures de travail avec le consentement de l’employeur ne constitue pas un motif valable pour mettre fin au contrat) vise à assurer la sécurité de l’emploi. En conséquence, les moyens de réparation prévus (quatre à huit mois de salaire) sont destinés à assurer une indemnisation pour les pertes précédant la réintégration du travailleur, ou, si l’employeur ne réintègre pas le travailleur dans un délai d’un mois, à assurer une indemnisation consistant en une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement. L’indemnisation prévue par la loi no 2821 a pour objectif de compenser tous les actes de discrimination antisyndicale, y compris le licenciement. Des sanctions pénales sont envisagées en cas d’infraction à la disposition mentionnée, et une indemnisation est prévue lorsqu’un employeur établit une discrimination entre les travailleurs, ou licencie des travailleurs pour des raisons syndicales. En conséquence, l’indemnité prévue pour chacun des cas ne peut pas être équivalente. La commission prend note de cette information.
2. Révision des amendes prévues aux articles 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et 59(3) (discrimination antisyndicale lors du recrutement) de la loi no 2821. La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés pour modifier les articles 59(2) et (3) de la loi no 2821 concernant la révision des amendes infligées en cas d’actes de discrimination antisyndicale.
3. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de s’assurer que l’indemnité accordée à un dirigeant syndical qui souhaite retrouver son poste, mais qui n’est pas réintégré pour des raisons antisyndicales, a un effet dissuasif. La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi portant modification de la loi no 2821 prévoit que, si un employeur ne réintègre pas un employé qui souhaite retrouver son poste après avoir exercé les fonctions de dirigeant syndical, on considère que le contrat de travail prend fin, et le montant de l’indemnité est calculé sur la base de la durée de l’emploi actif sur le lieu de travail. Le salaire et les autres droits valables d’un travailleur comparables au moment de la cessation d’emploi servent de base de calcul. La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés pour modifier l’article 29 de la loi no 2821.
La commission note qu’une mission de haut niveau de l’OIT s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008 suite à une demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2007.
La commission prend note des rapports du gouvernement qui contiennent notamment des réponses aux observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) figurant dans des communications en date du 10 août 2006 (communication du gouvernement du 2 janvier 2007) et du 28 août 2007 (communications du gouvernement des 9 janvier, 28 mars et 17 juin 2008). Elle prend également note de la réponse du gouvernement aux communications de la Confédération des syndicats des agents publics (KESK) en date du 2 septembre 2006 et du 31 août 2007 (communications du gouvernement en date du 16 février 2007 et du 9 janvier 2008) et à celles de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) figurant dans des communications en date des 9 et 24 avril 2007 (communication du gouvernement du 16 octobre 2007).
La commission prend note des observations de la CSI figurant dans une communication du 29 août 2008, des observations de la KESK transmises dans une communication du 1er septembre 2008 et de celles de la DISK figurant dans une communication en date du 2 septembre 2008. La commission prie le gouvernement de transmettre les commentaires qu’il souhaiterait faire à propos de ces observations.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note d’informations communiquées par des organisations de travailleurs concernant les actes de discrimination antisyndicale qui visaient des agents publics syndicalistes ou dirigeants syndicaux; elle avait noté que plusieurs mesures avaient été adoptées afin de mettre en place des sanctions dissuasives pour les actes de ce type. En particulier, en vertu de l’article 118 du nouveau Code pénal de la Turquie no 5237, entré en vigueur en juin 2005, quiconque a recours à la force ou à la menace pour contraindre une personne à s’affilier ou à ne pas s’affilier à un syndicat, à participer ou à ne pas participer à des activités syndicales, à se désaffilier d’un syndicat ou à démissionner de son poste de dirigeant syndical, encourt une peine d’emprisonnement allant de six à douze mois; de plus, quiconque fait obstruction à des activités syndicales par la force, la menace ou d’autres actes illicites encourt une peine d’emprisonnement allant d’un à trois ans. L’article 135 dispose que toute personne reconnue coupable de détenir illégalement des renseignements sur la vie privée d’une personne, y compris sur ses liens avec un syndicat, encourt une peine d’emprisonnement allant de six mois à trois ans.
La commission rappelle aussi que, s’agissant du secteur public, le gouvernement avait indiqué que les infractions à l’article 18 de la loi no 4688, qui interdit les actes de discrimination antisyndicale de la part des agents de l’administration, pouvaient entraîner des mesures disciplinaires conformément à la législation applicable au personnel de la fonction publique (loi no 657). Dans son dernier rapport, le gouvernement ajoute que, en vertu de l’article 18(2) de la loi no 4688, un employeur public ne peut pas muter un représentant ou un dirigeant syndical sans raison valable, ni sans indiquer clairement et précisément les motifs de la mutation. Les plaintes concernant les mutations communiquées au ministère par les syndicats sont transmises aux organismes compétents en vue de leur examen, conformément à l’article 18 de la loi et aux circulaires du Premier ministre. De plus, aux termes de l’article 18(3), un employeur public ne peut pas établir de discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à un syndicat. Enfin, l’article 18(a) de la loi no 4857 sur le travail prévoit une protection contre le licenciement abusif pour appartenance à un syndicat ou participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail, ou pendant les heures de travail avec le consentement de l’employeur.
La commission prend dûment note de ces mesures et note aussi que, dans ses observations de 2007 et 2008, la CSI souligne la fréquence des actes de discrimination antisyndicale dans le secteur public et le secteur privé, notamment des mutations d’agents de la fonction publique qui sont membres de syndicats ou exercent des fonctions syndicales, des ingérences de l’employeur – l’Etat – dans les activités de syndicats du secteur public, de l’établissement de listes noires et de pressions pour contraindre des membres à quitter leur syndicat dans le secteur privé.
La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, la procédure applicable pour l’examen des plaintes concernant la discrimination antisyndicale dans le secteur public et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés pour examiner efficacement les allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans le secteur public et le secteur privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et sanctions infligées). La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, en la matière, les dispositions de la convention sont appliquées en droit et en pratique.
Article 4. Négociation collective libre et volontaire. La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle mentionne le double critère utilisé pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective. En vertu de l’article 12 de la loi no 2822, pour pouvoir négocier une convention collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de la moitié des employés du lieu de travail. La commission avait pris note d’un projet de loi portant modification de la loi no 2822 pour traiter cette question. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi portant modification de la loi no 2822 prévoit des modifications pour supprimer la condition selon laquelle un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs du secteur pour être reconnu agent négociateur au niveau de l’entreprise. La modification, qui devrait être adoptée par la grande Assemblée nationale turque, se lit comme suit:
Un syndicat affilié à l’une des confédérations représentées au Conseil économique et social, actif dans l’ensemble du pays dans sa branche et organisé dans plus d’un lieu de travail ou établissement, ou un syndicat membre d’une confédération de travailleurs comptant au moins 80 000 membres, est habilité à conclure une convention collective applicable à l’établissement/aux établissements en question si ses membres représentent plus de la moitié des travailleurs employés dans l’établissement, ou dans chacun des établissements, auquel s’appliquera la convention collective.
Si les syndicats qui remplissent les conditions susmentionnées représentent plus de la moitié des travailleurs du lieu de travail ou de l’établissement dans lequel ils sont organisés, ils sont habilités à conclure une convention collective applicable au lieu de travail ou à l’établissement en question. S’agissant des conventions collectives d’entreprise, les établissements sont considérés comme une seule unité pour le calcul de la majorité absolue.
La commission note que, d’après le gouvernement, en Turquie, les partenaires sociaux sont généralement d’accord sur les principaux paramètres du système de relations professionnelles (tels que les organisations de branche et les négociations collectives au niveau de l’entreprise ou du lieu de travail), système en place depuis 25 ans. Le gouvernement est d’avis que, une fois la législation modifiée, le système continuera à fonctionner sans encombre et conformément aux normes de l’OIT.
La commission note que, d’après les observations de la DISK de 2007, le projet de loi maintient le statu quo, ne propose aucune solution aux problèmes concernant les relations professionnelles, ne contribue pas au libre exercice des droits syndicaux.
La commission relève que, d’après le texte communiqué par le gouvernement, pour pouvoir participer à la négociation collective au niveau du lieu de travail, un syndicat ne doit plus remplir la condition des 10 pour cent figurant à l’article 12 de la loi no 2822, mais doit être affilié à une grande confédération. Toutefois, la commission note que le système semble continuer à limiter le niveau de la représentation et de la négociation collective, qui devrait être déterminé par des négociations libres et volontaires. Elle relève aussi que, en vertu de la modification, pour pouvoir engager des négociations avec l’employeur en vue de conclure une convention collective, les syndicats doivent toujours représenter la majorité des travailleurs d’un lieu de travail (50 pour cent plus un). La commission rappelle que, dans de tels systèmes, si aucun syndicat ne regroupe pas plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient être accordés aux syndicats opérant sur le lieu de travail, au moins au nom de leurs propres membres; or, en l’espèce, cela n’est pas possible en raison de la condition d’affiliation à une grande confédération. Un syndicat d’entreprise représentatif devrait notamment pouvoir négocier même s’il n’est pas affilié à une confédération.
La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour amender le projet de loi et modifier l’article 12 de la loi no 2822 afin que, lorsque, aucun syndicat ne remplit le critère des 50 pour cent, les syndicats opérant sur le lieu de travail ou dans l’entreprise puissent négocier, au moins au nom de leurs propres membres, indépendamment de leur affiliation à une confédération. Elle le prie d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés à cet égard pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation collective volontaire, conformément à l’article 4.
Négociation collective dans la fonction publique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations fournies par le gouvernement sur la structure des négociations collectives dans le secteur public, et avait soulevé certaines questions concernant: i) la nécessité de donner un complément d’information montrant comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables au sein du Comité des employeurs publics, qui est l’agent négociateur du gouvernement en vertu de l’article 3(h) de la loi no 4688; ii) la nécessité de modifier l’article 28 de la loi no 4688, qui limite l’objet des négociations aux questions financières; iii) la nécessité de donner des informations complémentaires montrant comment l’article 34 de la loi no 4688 s’applique en pratique, et la nécessité de confirmer qu’il ne s’applique pas d’une manière donnant aux autorités, en particulier au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou de rejeter des conventions collectives (en vertu de l’article 34 de la loi no 4688, si un accord est trouvé pendant la négociation, l’accord est soumis au Conseil des ministres afin que les mesures administratives, exécutives et légales appropriées soient prises dans un délai de trois mois, et les projets de loi sont soumis à la grande Assemblée nationale turque en vue d’être adoptés).
La commission note que, d’après le rapport du gouvernement: i) le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances, du Trésor, de la présidence des employés publics et de l’organisation des employeurs publics; ii) même si l’article 28 de la loi no 4688 limite l’objet des négociations collectives aux droits financiers des agents publics, d’autres thèmes ont été inscrits à l’ordre du jour de quatre négociations collectives menées depuis 2004, et des protocoles d’accord ont été signés sur des sujets autres que les droits financiers en 2004, 2006 et 2007; en 2005, un protocole d’accord a été signé sur l’ensemble des questions abordées au cours de la négociation collective, y compris les droits financiers; iii) après la signature de protocoles d’accord, des commissions constituées d’un nombre égal de représentants de syndicats et d’employeurs publics mènent des activités pour aller de l’avant sur les thèmes qui ont fait l’objet de l’accord. Le protocole d’accord reprend les revendications des syndicats; il peut s’agir de revendications acceptées par le Comité des employeurs publics ou de revendications que le comité doit prendre en considération ou évaluer. Même si les revendications des syndicats sont accueillies favorablement par le Comité des employeurs publics, il a été estimé qu’elles devraient être abordées dans un projet de loi sur la réforme du régime applicable au personnel de la fonction publique, réforme envisagée depuis près de cinq ans, qui concernera environ 2,5 millions d’agents publics; iv) la présidence des employés publics mène des travaux préparatoires en vue de l’élaboration de projets de loi sur les questions qui ont fait l’objet d’un accord, en consultation avec l’autorité concernée si la question est du ressort d’une autre autorité; les projets de loi préparés selon cette procédure sont soumis au bureau du Premier ministre; v) lors d’une réunion du 28 décembre 2006, le groupe de travail tripartite a décidé de modifier la loi no 4688 en tenant compte des observations de la commission, et des travaux ont été entrepris en la matière. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale mène des activités en vue de cette modification et un projet de loi visant à modifier le préambule et les articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 a été communiqué aux organismes compétents pour avis. Suite aux négociations collectives menées en 2007 par le Comité des employeurs publics et deux agents négociateurs, les parties ont convenu de poursuivre les travaux sur plusieurs questions, dont quatre concernent les modifications à apporter à la loi no 4688. La Confédération des agents publics de Turquie (Turkiye Kamu Sen) et le Syndicat des travailleurs des services municipaux et publics (HAK-IS) ont pris part aux négociations. La KESK n’y a pas pris part, même si elle est agent négociateur.
De plus, dans une demande directe, la commission avait indiqué la nécessité d’amender l’article 34 de la loi no 4688 afin de modifier le délai de 15 jours prévu pour mener à bien les négociations collectives. Passé ce bref délai, en cas de désaccord, le Comité de conciliation était saisi. Le gouvernement indique que, même si le délai de quinze jours est suffisant (puisqu’en général, à ce jour, cinq à six sessions ont eu lieu au cours des négociations collectives et que des sessions supplémentaires peuvent être organisées au besoin), une modification est à l’examen pour faire passer ce délai à un mois, afin de tenir compte des demandes des partenaires sociaux.
La commission accueille favorablement ces éléments nouveaux.
La commission prend note des nombreuses observations de la KESK et de la CSI sur les négociations du secteur public. D’après ces observations, la loi no 4688 ne se réfère pas à des négociations collectives mais plutôt à des «consultations», limitées aux questions financières. En conséquence, la KESK ne participe pas aux consultations depuis 2007 pour protester contre le refus du gouvernement de mener des négociations, au lieu de consultations qui lui permettent de prendre des décisions de façon unilatérale. La KESK ajoute que l’article 30 de la loi no 4688 (en vertu duquel seuls les syndicats affiliés à la confédération qui compte le plus grand nombre de membres dans un secteur d’activité peuvent participer aux négociations) est contraire à la convention parce qu’il limite la liberté de déterminer les agents négociateurs. Enfin, la KESK indique que, depuis 2005, le ministère de l’Intérieur exerce des pressions sur les autorités locales pour empêcher l’application de 130 conventions collectives signées par le Syndicat des agents des municipalités et des services administratifs locaux (TUM BEL SEN), affilié à la KESK, et les autorités municipales au cours des douze dernières années. Même si la Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision favorable au syndicat le 21 novembre 2006, le ministère n’a pas modifié sa politique. De façon plus générale, les syndicats ne seraient pas considérés comme des partenaires sociaux et le gouvernement ne les consulterait pas sur les principaux textes de loi qui ont un impact sur les intérêts des travailleurs.
A cet égard, la commission prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle les consultations prévues par la loi no 4688 permettent de mener des négociations sur les droits économiques, sociaux et individuels et que, en cas de désaccord, le comité de conciliation entreprend de régler le désaccord. Il est conforme au principe de justice que la représentation soit fonction de l’affiliation à une confédération qui compte le plus grand nombre de membres dans le secteur d’activité. S’agissant des conventions collectives signées par les municipalités, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 146(1) et (2) de la loi no 657, dans sa teneur modifiée, aucun salaire ne peut être versé aux agents publics et aucun avantage ne peut leur être accordé s’ils ne sont pas prévus dans cette loi. Les conventions collectives du secteur public sont régies par les articles 3(h) et 29 de la loi no 4688, et par les articles 28 et 53 de la Constitution. Comme les agents publics n’ont pas le droit de signer des conventions collectives, les conventions en question ont été considérées comme illégales. Dans la notification no 158 du 6 janvier 2005, le ministère des Finances a indiqué que le statut des agents publics était régi par les lois nos 657 et 4688, et qu’il était impossible d’agir en dehors du champ d’application de ces lois pour jouir de droits qui n’ont pas été accordés conformément à leurs dispositions. En conséquence, le syndicat TUM BEL SEN n’a pas le droit de participer à la négociation collective.
A cet égard, la commission prend note de la décision définitive rendue il y a peu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme sur la question des conventions collectives signées entre TUM BEL SEN et les municipalités (12 nov. 2008). Dans cette décision, la cour a estimé que:
Le droit de mener des négociations collectives avec un employeur est en principe devenu l’un des éléments essentiels du «droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts» énoncé à l’article 11 de la [Convention européenne des droits de l’homme]. […]. Comme les autres travailleurs, les fonctionnaires devraient jouir de ces droits, sauf dans des cas très spécifiques, et sans préjudice des effets des restrictions légales qui devraient être imposées aux membres de l’administration de l’Etat, catégorie à laquelle les requérants n’appartiennent pas en l’espèce.
A la lumière de ce qui précède, la commission souligne à nouveau que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient avoir le droit de participer à une négociation collective libre et volontaire, dans des délais suffisants permettant de véritables négociations. Les dispositions législatives qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective pourraient être envisagées comme une méthode particulièrement appropriée pour surmonter les difficultés actuelles. La commission rappelle aussi que le droit de s’affilier à l’organisation de son choix comprend la libre détermination du niveau de représentation (au niveau du secteur ou de l’institution, indépendamment de l’affiliation à une confédération). De plus, pour permettre une négociation collective libre et volontaire dans le secteur public, il faudrait reconnaître le droit syndical à de nombreuses catégories d’agents publics qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Privées de ce droit, ces catégories ne peuvent pas être représentées dans les négociations (cette question est traitée dans une demande adressée directement au gouvernement concernant la convention no 87).
La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées, y compris la réforme de la fonction publique, afin de rendre la loi no 4688 et son application conformes à la convention sur les points suivants: i) la nécessité que l’employeur direct participe à des négociations franches avec les syndicats représentant les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat et qu’une place significative soit laissée à la négociation collective entre les parties; ii) la nécessité de prévoir clairement dans la législation que les négociations ne couvrent pas seulement les questions financières mais également les autres conditions d’emploi; iii) la nécessité de clairement confirmer que la législation n’octroie pas aux autorités, en particulier au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou de rejeter des conventions collectives dans le secteur public; iv) la nécessité que les parties disposent d’un délai plus long que celui actuellement prévu pour mener des négociations complètes et véritables.
La commission prend note de l’indication du gouvernement sur la modification prochaine de la loi no 4688, et veut croire que l’ensemble des questions soulevées seront prises en compte dans ce cadre. Elle prie à nouveau le gouvernement de transmettre le texte portant modification de la loi no 4688, et d’indiquer dans son prochain rapport les progrès réalisés et l’échéance prévue pour adopter les modifications de la loi no 4688.
La commission invite le gouvernement à solliciter l’assistance technique du Bureau s’il le souhaite.
La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
La commission prend note du rapport du gouvernement.
Articles 1 et 3 de la convention. Discrimination antisyndicale. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 4857 sur le travail garantissaient la protection contre la discrimination antisyndicale. Elle avait également noté que se posait la question de savoir si l’article 31 de la loi no 2821, sur l’indemnisation, s’appliquait à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. La commission relève, dans le rapport du gouvernement, que l’article 31 s’applique bien à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. Cependant, elle prend note de l’indication donnée par le gouvernement, selon laquelle l’article 31(6) dispose que, dans les cas où il est mis fin à un contrat de travail pour des raisons d’affiliation syndicale ou d’activités syndicales, les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 de la loi sur le travail s’appliquent:
– considérant que le licenciement d’un travailleur pour motifs antisyndicaux, dans les conditions énoncées à l’article 18 de la loi no 4857, peut donner lieu à une indemnité inférieure à celle prévue à l’article 31 de la loi no 2821 (même si un salaire échu est versé), la commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’indemnité soit d’un montant équivalent;
– considérant que les sanctions prévues à l’article 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et à l’article 59(3) (discrimination antisyndicale lors du recrutement) de la loi no 2821 n’ont manifestement pas été révisées depuis longtemps et sont beaucoup plus légères que les sanctions prévues dans la loi no 4857, la commission prie le gouvernement de revoir les sanctions prévues à l’article 59(2) et (3) de la loi no 2821 et de les aligner sur celles qui sont prévues dans la loi no 4857, de telle sorte qu’elles soient suffisamment dissuasives.
La commission prie le gouvernement de la tenir informée des mesures prises sur ces questions.
La commission note que le projet de loi portant modification de l’article 29 de la loi no 2821 ne précise pas le montant de l’indemnité accordée à un dirigeant syndical, lorsque l’employeur refuse de le réintégrer pour motifs antisyndicaux à la fin de son mandat, refus qui met un terme au contrat du dirigeant syndical. L’indemnité accordée en vertu de l’article 29 peut dans certains cas être inférieure au minimum prévu à l’article 31. La commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’indemnité accordée à un dirigeant syndical qui n’est pas réintégré pour des raisons antisyndicales ait un effet dissuasif et ne soit pas inférieure au montant minimum prévu dans la disposition générale de l’article 31, relative à l’indemnité due pour discrimination antisyndicale.
Article 4. Négociation collective. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que, en vertu de l’article 34 de la loi no 4688 relative aux syndicats de fonctionnaires, les négociations collectives ne devaient pas durer plus de quinze jours. Si les parties sont parvenues à un accord dans ce délai, elles signent un texte qui doit être soumis au Conseil des ministres en vue de l’adoption de mesures appropriées, législatives notamment. Si les parties n’ont pas conclu d’accord dans le délai imparti, l’article 35 prévoit que l’une d’elles peut saisir le Comité de conciliation. Le Comité de conciliation prend une décision qui, si elle est acceptée par les deux parties, a la même valeur que l’accord signé à soumettre au Conseil des ministres. Si la décision n’est pas acceptée par les parties, tous les points de l’accord, y compris les questions non résolues, sont soumis au gouvernement sous la forme d’un rapport officiel signé par les parties.
Si le fait de fixer un délai pour les négociations n’est pas en lui-même incompatible avec la convention, la commission estime que ce délai doit être raisonnable afin de permettre la tenue de négociations constructives en bonne et due forme. Le délai de quinze jours fixé à l’article 34 semble trop court pour atteindre cet objectif. La commission note que le gouvernement indique que ces commentaires seront pris en considération lorsque la loi no 4688 sera modifiée. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette disposition de manière à allonger la durée des négociations collectives.
Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait prié le gouvernement de lui donner des informations concrètes sur l’issue du processus de négociation, et notamment sur le nombre de négociations qui ont abouti à des accords et sur celles qui ont conduit à la soumission d’un rapport au Conseil des ministres à la suite du rejet par les parties de la décision du Comité de conciliation. De plus, la commission avait prié le gouvernement de préciser si de tels accords donnaient nécessairement lieu à l’adoption de mesures par le Conseil des ministres et d’indiquer le nombre de cas où celui-ci aurait éventuellement refusé de prendre des mesures ou aurait modifié des conventions collectives. Le gouvernement indique qu’au 31 décembre 2005 quatre négociations avaient été conclues. En 2004, les négociations ont abouti à un accord sur toutes les questions hormis celle des salaires, et en 2005 un accord a été conclu sur toutes les questions et le Conseil des ministres l’a entériné. La commission prend note de cette information.
Elle prend note des observations formulées par les organisations de travailleurs suivantes: Confédération des syndicats des fonctionnaires de Turquie (TURKIYE-KAMU-SEN) (communication datée du 9 février 2006), Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) (communication datée du 9 juin 2006) et Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (communications datées du 12 juillet 2006 et du 10 août 2006). La commission prend note des observations transmises par le gouvernement à propos de la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN et de celle de la DISK.
Elle prend également note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale à propos du cas no 2303 (voir 342e rapport, juin 2006) concernant, entre autres, la modification de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.
Dans ses commentaires antérieurs, la commission a examiné la conformité des lois suivantes avec la convention: loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires, loi no 2821 sur les syndicats et loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out. Elle avait relevé que certains articles de la loi no 4688 avaient été modifiés par la loi no 5198 et qu’un projet contenant d’autres amendements à la loi no 4688 était à l’étude. A propos des lois nos 2821 et 2822, elle avait noté que deux projets de loi avaient été préparés. De plus, la commission prend note de l’adoption de la loi no 5253 sur les associations, qui a été promulguée en 2004 et remplace la loi no 2908, ainsi que d’un nouveau Code pénal. Elle examinera ces deux textes dès qu’elle en aura la traduction. La commission prie à nouveau le gouvernement de lui faire parvenir le deuxième texte portant modification de la loi no 4688.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que ses commentaires antérieurs portaient sur l’article 18 de la loi no 4688, qui interdit d’une manière générale les actes de discrimination antisyndicale, mais ne prévoit pas de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. Elle note que, dans ses observations de 2005, la CISL signale un nombre de cas dans lesquels des agents de la fonction publique ont été victimes de divers actes de discrimination antisyndicale en leur qualité de membres d’un syndicat ou de dirigeants syndicaux. La commission relève également que le Comité de la liberté syndicale a examiné, dans le cas no 2200, des allégations de discrimination antisyndicale dans la fonction publique (voir 334e rapport, paragr. 722-762, et 338e rapport, paragr. 319-327). Dans son rapport, le gouvernement indique que les infractions à l’article 18 de la loi no 4688, commises par un agent de l’administration, feront l’objet de mesures disciplinaires conformément à la législation applicable au personnel de la fonction publique. Le gouvernement indique en outre que le nouveau Code pénal de la Turquie no 5237, entré en vigueur en juin 2005, contient de nouvelles dispositions qui garantissent une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. L’article 118 interdit les actes de discrimination antisyndicale et prévoit des sanctions dissuasives: il dispose que toute personne, qui a recours à la force ou profère des menaces dans le but de contraindre une personne à s’affilier ou à ne pas s’affilier à un syndicat, à participer ou à ne pas participer à des activités syndicales, à se désaffilier d’un syndicat ou à démissionner de son poste de dirigeant syndical, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. L’article 118 dispose que quiconque fait obstruction à des activités syndicales par la force, la menace ou autres actes illicites est passible d’une peine d’emprisonnement de un à trois ans. L’article 135 dispose que toute personne reconnue coupable de détenir illégalement des renseignements sur la vie privée d’une personne, y compris sur ses liens avec un syndicat, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans. La commission prend note avec intérêt de cette information.
A propos des commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN concernant la violation générale de l’article 18 de la loi no 4688 (telle que modifiée par la loi no 5198) et des infractions précises à cet article, le gouvernement répond que cette disposition offre des garanties suffisantes aux représentants et dirigeants syndicaux. Elle impose une obligation juridique dont l’inobservation peut être portée devant les tribunaux. Tout représentant ou dirigeant syndical qui est muté à un autre lieu de travail sans raison valable a le droit de saisir la justice. Le gouvernement indique que faute d’informations plus précises il n’est pas en mesure de juger du bien-fondé des 62 cas mentionnés dans la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN mais souligne qu’il attache une très grande importance à ce que la pratique administrative soit parfaitement conforme à la loi. La commission prie le gouvernement de veiller à ce que les dispositions de la convention soient appliquées dans la législation et dans la pratique et prie celui-ci de l’informer dans ses prochains rapports de toutes mesures complémentaires prises ou envisagées pour garantir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale.
Article 4. Négociation collective libre et volontaire. 1. S’agissant du double critère servant à déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective, qui est prévu à l’article 12 de la loi no 2822 (en vertu duquel, pour pouvoir négocier une négociation collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de 50 pour cent des salariés de l’entreprise), la commission avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 respecte les exigences de la convention. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle le projet de loi no 2822 propose deux méthodes différentes pour déterminer la représentativité des syndicats. D’une part, l’amendement à l’article 12 stipule que le syndicat majoritaire d’une entreprise donnée sera reconnu comme étant le syndicat compétent pour négocier collectivement s’il est affilié à l’une des trois confédérations syndicales les plus représentatives. Quant au deuxième amendement proposé, il consisterait à éliminer progressivement l’obligation de représenter 10 pour cent de la branche d’activité concernée sans aucune condition d’affiliation. La commission note que, dans sa communication du 9 juin 2006, la DISK indique que le gouvernement lui a fait parvenir les projets de loi portant modification des lois nos 2821 et 2822 ainsi que le deuxième texte sur la question des 10 pour cent. Ayant examiné ces projets, la DISK estime que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 et le deuxième texte proposé au sujet des 10 pour cent ne résolvent aucun des problèmes relatifs aux relations du travail et ne contribuent pas au libre exercice des droits syndicaux. La commission rappelle que le double critère numérique, prévu à l’article 12 de la loi no 2822, n’est pas conforme au principe de la négociation collective volontaire. En effet, selon la législation actuellement en vigueur, les syndicats qui représentent la majorité des travailleurs d’une entreprise mais pas plus de 50 pour cent des travailleurs ne peuvent pas négocier collectivement avec l’employeur. La commission estime qu’au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, le droit de négocier au moins au nom de leurs propres membres devrait être accordé à tous les syndicats existants. De même, la commission fait observer qu’un syndicat qui remplit le critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s’il ne représente pas au moins 10 pour cent des salariés d’une branche d’activité donnée. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour supprimer les deux critères numériques de la législation nationale afin d’encourager et de promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l’article 4, et le prie de l’informer de tout progrès réalisé en vue de modifier l’article 12 de la loi no 2822.
En outre, dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que, selon les commentaires envoyés directement par la DISK, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne la mentionnait pas dans ses statistiques publiées le 17 juillet 2003, alors que celle-ci avait rempli le critère des 10 pour cent pour sa branche d’activité; elle n’avait donc pas pu participer à la négociation collective. La DISK avait formulé des griefs analogues concernant certains de ses affiliés. La commission avait noté que, dans sa réponse, le gouvernement mentionnait seulement les statistiques publiées au sujet d’un des affiliés de la DISK (Sosyal-IŞ), qui ont été ensuite rectifiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à la suite d’une plainte déposée par le syndicat intéressé auprès des tribunaux. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les statistiques publiées se fondent sur les effectifs syndicaux déclarés par les syndicats et que les syndicats concernés ont le droit de contester ces statistiques devant le tribunal du travail d’Ankara. Le gouvernement indique en outre que, les confédérations n’étant pas parties aux négociations, la DISK n’est pas tenue de représenter 10 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité. La commission prend bonne note de cette information.
Dans une communication transmise à la CISL le 30 août 2005, la DISK indique que l’un de ses syndicats affiliés (DEV-SAGLIK IŞ – syndicat des travailleurs de la santé) n’ayant pas atteint le seuil des 10 pour cent du secteur, il a été obligé de signer un protocole et non une négociation collective. Le ministère a demandé l’annulation de ce protocole en arguant que le DEV-SAGLIK IŞ n’avait pas dépassé le seuil de 10 pour cent. Dans sa réponse, le gouvernement renvoie aux statistiques publiées sur le DEV-SAGLIK IŞ. Rappelant qu’en vertu de l’article 4 les gouvernements sont tenus de prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, la commission prie le gouvernement de faire en sorte qu’en l’absence d’un syndicat représentatif les syndicats puissent négocier au nom de leurs propres membres et d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier les dispositions législatives correspondantes.
2. Négociation collective dans la fonction publique. Dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), la commission avait prié le gouvernement de lui donner des précisions sur le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la Commission administrative suprême, des commissions administratives institutionnelles et du Comité des employeurs publics. Elle avait noté que le gouvernement ne traitait pas de la question de la portée des négociations mais donnait certaines explications sur le rôle et les fonctions de la Commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles. Dans son dernier rapport, le gouvernement donne des indications sur le Comité des employeurs publics. La commission note que les parties à la négociation sont, d’une part, le Comité des employeurs publics et, d’autre part, les syndicats de chaque administration et leurs confédérations. L’article 3(h) de la loi no 4688 définit en effet l’expression «négociation collective» aux fins de cette loi comme la négociation entre le Comité des employeurs publics et les syndicats compétents de fonctionnaires et leurs organisations faîtières. Le Comité des employeurs publics et les syndicats et confédérations concernés se réunissent le 15 août de chaque année (art. 32), et la négociation collective commence avec la présentation par le Comité des employeurs publics des informations et documents relatifs aux questions en négociation, les propositions de la Commission administrative suprême étant elles aussi prises en considération (art. 33). L’article 33 dispose que les parties présentent alors leurs propositions qui formeront la base de la négociation et l’ordre du jour de celle-ci. Les principes qui régissent la négociation sont déterminés par les parties. Conformément aux dispositions de l’article 53 de la Constitution et à celles de l’article 34 de ladite loi, lorsque les parties sont parvenues à un accord, le texte de celui-ci est soumis au Conseil des ministres afin que les dispositions administratives ou juridiques puissent être prises. Les négociations portent sur le coefficient et les indicateurs, les traitements et les salaires, toutes les augmentations et avantages, la rémunération des heures supplémentaires, les indemnités de déplacement, les primes, l’allocation de logement, les allocations de naissance et de décès, les allocations familiales, les dépenses médicales et les frais d’enterrement, ainsi que les indemnités pour frais de nourriture et d’habillement auxquelles ont droit les fonctionnaires et toute autre allocation de cette nature qui stimule l’efficacité et la productivité (art. 28). Dans ses derniers commentaires, la commission avait noté que le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances et du Trésor et de l’Organisation des employeurs publics. La commission rappelle que les dispositions législatives, qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct, sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 263). La commission prie une nouvelle fois le gouvernement d’expliquer comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables.
De plus, la commission rappelle que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 250). La commission prend note des indications du gouvernement, selon lesquelles les discussions qui ont lieu au niveau de la Commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles portent sur les conditions de travail et sur les droits et devoirs des salariés de la fonction publique, mais souligne que l’article 28 limite clairement l’objet des négociations en les faisant porter uniquement sur des questions financières. Elle prie par conséquent le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 afin de le rendre conforme à l’article 4 de la convention.
3. Commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN. En ce qui concerne les formalités requises pour l’approbation de la négociation collective, la commission prend note des observations transmises par le gouvernement le 19 juillet 2006 en réponse à la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN datée du 9 février 2006. Dans sa communication, la TURKIYE-KAMU-SEN attire l’attention sur le fait que l’article 34 de la loi no 4688 comporte des entraves aux activités syndicales en ce sens qu’il stipule que, si la négociation aboutit à un accord, le texte de cet accord doit être soumis au Conseil des ministres, afin que les dispositions administratives et juridiques correspondantes soient prises dans un délai de trois mois, et que le projet de loi doit être soumis pour adoption à la grande Assemblée nationale turque. La TURKIYE-KAMU-SEN estime que ces dispositions reviennent à affaiblir le rôle des syndicats et des fonctionnaires dans le processus de négociation collective, et demande au gouvernement d’obtenir de la part du ministère du Travail et de la Sécurité sociale un règlement qui définisse de façon plus objective et plus claire le rôle des syndicats et des fonctionnaires dans la négociation collective. Le gouvernement n’est pas de cet avis; il estime que la disposition en question ne restreint ni les obligations juridiques ni la participation des syndicats au processus de négociation. La commission rappelle que l’approbation discrétionnaire des conventions collectives par les autorités est, dans son esprit même, contraire au principe de la négociation volontaire. Les législations, qui disposent que les conventions collectives doivent être soumises pour approbation à une autorité administrative, aux autorités du travail ou encore au tribunal du travail avant d’entrer en vigueur, sont incompatibles avec la convention lorsqu’elles se bornent à prévoir que l’approbation peut être refusée si la convention collective est entachée d’un vice de forme ou ne respecte pas les normes minima prévues dans la législation générale du travail (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 251-252). La commission prie le gouvernement de l’informer de la manière dont l’article 34 est appliqué dans la pratique et de faire en sorte qu’il ne soit pas appliqué de façon à donner aux autorités le pouvoir discrétionnaire d’approuver les conventions collectives.
Article 6. Salariés commis à l’administration de l’Etat. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté qu’en raison des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissaient pas du droit d’organisation et étaient du même coup privés du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et qui ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de sorte que les fonctionnaires autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat jouissent pleinement du droit de négociation collective, conformément à la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note avec intérêt de l’indication donnée par le gouvernement, selon laquelle, dans le projet de loi portant modification de la loi no 4688, la référence à la période d’essai serait supprimée et la définition des «agents de la fonction publique» serait révisée pour englober notamment le personnel de sécurité exerçant des fonctions particulières. Elle avait toutefois relevé, dans les informations fournies par le gouvernement, qu’il semblait que les agents de la fonction publique occupant des postes de confiance resteraient exclus du champ d’application de la loi no 4688. La commission rappelle qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat (par exemple, dans certains pays, les fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, ainsi que leurs auxiliaires) qui peuvent être exclus du champ d’application de la convention et, d’autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions autonomes, qui devraient bénéficier des garanties de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 200). La commission exprime à nouveau le ferme espoir que la révision des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 tiendra compte des commentaires ci-dessus, et prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport le texte des amendements correspondants.
Commentaires de la CISL. La commission prend note des commentaires de la CISL sur plusieurs questions déjà soulevées dans de précédentes observations. En outre, la CISL attire l’attention sur un certain nombre de violations de la convention telles que des obstacles à la négociation dans le secteur de la boulangerie, qui laissent 2 500 boulangers sans protection; des cas de discrimination antisyndicale (par exemple, en 2005, 520 travailleurs du secteur public ont été mutés sans autre motif que leur affiliation à un syndicat, 164 membres du Syndicat uni des travailleurs de la métallurgie, qui est affilié à la DISK, ont été licenciés, et 275 ont été obligés de démissionner); des cas de harcèlement antisyndical; des cas de violence policière contre des travailleurs syndiqués au cours d’une manifestation pacifique organisée le 26 novembre 2005 (17 blessés, 10 arrestations); des cas de violence policière contre des travailleurs, leurs épouses et leurs enfants et l’arrestation de travailleurs syndiqués pendant une action revendicative organisée le 20 juillet 2005; des pressions exercées sur les autorités locales afin qu’elles n’appliquent pas environ 130 conventions collectives et l’ordre donné à des travailleurs de rembourser les salaires perçus en application d’une convention collective. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses observations sur ces derniers commentaires de la CISL.
La commission exprime à nouveau l’espoir que la réforme législative à venir concernant la négociation collective tiendra pleinement compte des commentaires ci-dessus. Elle rappelle à nouveau que le gouvernement peut, s’il le souhaite, faire appel à l’assistance technique du BIT.
La commission soulève plusieurs autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
La commission prend note des commentaires en date du 2 février 2005 du Syndicat des agents des municipalités et des services administratifs locaux (TUMBEL SEN), qui est affilié au KESK, et de la réponse du gouvernement y relative. Elle note également les commentaires de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) et de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) qui ont été transmis par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), ainsi que de la réponse du gouvernement y relative en date du 30 août 2005. Enfin, la commission prend note des observations du gouvernement à propos des commentaires, en date du 10 novembre 2004, de la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Turquie (TÜRKIYE KAMU-SEN). La commission note que toutes ces communications portent sur des questions liées au droit des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat de prendre part à la négociation collective. La commission examinera ces questions lors de sa prochaine session, dans le cadre du cycle régulier de soumission des rapports, ainsi que les informations qu’elle a demandées au gouvernement dans son observation et sa demande directe précédentes (voir l’observation de 2004, 75e session, et la demande directe de 2004, même session).
Enfin, la commission prend note des commentaires du YAPI YOL SEN, en date du 1er septembre 2005, à propos du droit d’organisation des fonctionnaires ainsi que de la réponse du gouvernement à cet égard. Ces commentaires, qui portent sur des questions liées aux conventions nos 87 et 98, seront examinés dans le cadre de la convention no 87.
Articles 1 et 3 de la convention. Se référant à son observation, la commission prend note des observations faites par la CISL selon lesquelles, si les loi no 2821 et no 4857 prévoient des règles qui protègent la liberté syndicale, il est généralement admis qu’elles ne suffisent pas à protéger les dirigeants syndicaux contre les transferts et les licenciements. Il n’est pas fait obligation à l’employeur de réintégrer les syndicalistes qui auraient fait l’objet de discrimination (à l’exception des délégués d’entreprise). De plus, les amendes prévues en cas d’actes de discrimination antisyndicale sont très peu élevées et pas suffisamment dissuasives. A propos de la loi no 4857, la CISL souligne que, si l’adhésion à un syndicat et la participation à des activités syndicales ne peuvent pas être considérées comme des motifs valables pour licencier un employé, le nombre d’employés requis pour que cette loi s’applique dans une entreprise est passé de 10 à 30. Cela donne aux employeurs la possibilité de ne pas appliquer la loi s’ils emploient moins de 30 personnes dans une unité de production, ou s’ils emploient des travailleurs pour une durée déterminée. La CISL signale que, depuis 2000, 95 pour cent des entreprises de Turquie emploient moins de 30 personnes.
La commission note que dans son rapport, le gouvernement se réfère à l’article 5 de la loi no 4857 aux termes duquel toute discrimination fondée sur la langue, la race, le sexe, la religion, l’opinion politique ou des motifs similaires est illégale. Si un employeur enfreint cette disposition, le travailleur peut demander réparation. Le gouvernement ajoute que, si la discrimination se fonde sur des motifs antisyndicaux, le travailleur peut également demander réparation sous forme d’une indemnisation qui ne peut être inférieure à son salaire annuel, conformément à l’article 31 de la loi no 2821. De plus, un employeur qui contrevient à l’article 5 encourt une amende de 50 millions de livres turques pour chaque travailleur concerné. Le gouvernement confirme qu’aux termes de la loi no 4857, une raison valable doit être avancée pour mettre fin à un contrat de travail, et que la participation à des activités syndicales, notamment en qualité de représentant syndical, ne peut être considérée comme une raison valable.
La commission relève que la loi no 2821 et la loi no 4857 prévoient une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Cependant, elle note que la question se pose de savoir si l’article 31 de la loi no 2821 s’applique à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. La commission prie donc le gouvernement de fournir des éclaircissements concernant les cas de figure ci-dessous:
- licenciement pour motifs antisyndicaux d’un travailleur qui remplit les conditions énoncées à l’article 18 de la loi no 4857; la commission note à cet égard que l’indemnité accordée au travailleur peut être inférieure à celle prévue à l’article 31 de la loi no 2821 (même si un salaire échu est versé);
- refus de l’employeur de réintégrer un dirigeant syndical lorsque son mandat prend fin pour des motifs antisyndicaux, refus qui met un terme au contrat du dirigeant syndical; la commission note que la disposition applicable (l’article 29 de la loi no 2821 tel que modifié par le projet de loi) ne fixe pas de montant pour l’indemnité; dans certains cas, elle peut donc être inférieure au montant minimal prévu par l’article 31.
S’agissant des sanctions applicables en cas de discrimination antisyndicale, la commission prend note des observations de la CISL concernant l’insuffisance de la protection contre la discrimination antisyndicale. La commission relève qu’en cas de discrimination antisyndicale lors d’un licenciement ou en cours d’emploi (en contravention de l’article 31), la loi no 2821 ne prévoit pas de sanctions. L’interdiction de licenciement pour les motifs antisyndicaux énoncés à l’article 18 de la loi no 4857 n’est pas non plus assortie de sanctions. Rappelant que les normes juridiques interdisant la discrimination antisyndicale sont incomplètes si elles ne prévoient pas de sanctions suffisamment dissuasives pour garantir leur application, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les interdictions des deux dispositions susmentionnées soient assorties de sanctions dissuasives. Enfin, la commission relève que les montants des sanctions prévues à l’article 59(2) de la loi no 2821 (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et à l’article 59(3) (discrimination antisyndicale à l’embauche) n’ont apparemment pas été révisés depuis longtemps, et qu’ils sont donc bien inférieurs aux montants des sanctions prévues par la loi no 4857. La commission prie donc le gouvernement de réviser les montants des sanctions prévues aux articles 59(2) et (3) de la loi no 2821 afin qu’elles soient suffisamment dissuasives.
La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les points soulevés plus haut. Elle le prie également de transmettre, avec son prochain rapport, des copies de décisions judiciaires ordonnant une indemnisation à la suite d’actes de discrimination antisyndicale et appliquant les sanctions prévues à l’encontre des employeurs.
Article 4. La commission note que, d’après la KESK, la loi no 4688 prévoit des consultations devant aboutir à un texte non contraignant. La commission note également les commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN à cet égard. La commission relève qu’aux termes de l’article 34 les négociations collectives ne doivent pas durer plus de quinze jours. Si, dans ce délai, les parties sont parvenues à un accord, un accord signé par toutes les parties sera soumis au Conseil des ministres en vue de l’adoption de mesures appropriées, notamment législatives. Si les parties ne sont pas parvenues à un accord dans le délai imparti, l’article 35 prévoit que l’une d’elles peut saisir le Comité de conciliation. Le Comité de conciliation prend une décision qui, si elle est acceptée par les deux parties, aura la même valeur que l’accord signéà soumettre au Conseil des ministres. Si la décision n’est pas acceptée par les parties, toutes les questions abordées, même celles restées irrésolues, seront soumises au gouvernement sous la forme d’un rapport officiel signé par les parties.
Si le fait de fixer un délai pour les négociations n’est pas en lui-même incompatible avec la convention, la commission estime que ce délai doit être raisonnable afin de permettre la tenue de négociations constructives en bonne et due forme. Le délai de quinze jours fixéà l’article 34 semble trop court pour atteindre cet objectif. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures voulues pour modifier ces dispositions afin que les parties disposent d’un délai plus long pour négocier. Enfin, elle le prie de transmettre des informations pratiques sur l’issue du processus de négociation, notamment sur le nombre de négociations qui ont abouti à des accords, et sur le nombre de négociations qui ont conduit à la soumission d’un rapport au Conseil des ministres suite au refus, par les parties, de la décision du Comité de conciliation. De plus, la commission prie le gouvernement de préciser si de tels accords donnent nécessairement lieu à l’adoption de mesures par le Conseil des ministres, et d’indiquer le nombre de cas où ce conseil a refusé d’en prendre.
La commission prend note des informations communiquées dans le rapport du gouvernement et des observations de différentes organisations qui accompagnent le rapport. Ces observations émanent de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (TÜRKIYE KAMU-SEN), de la Confédération des syndicats de Turquie (TÜRK-IS), et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK). La commission prend également note des réponses du gouvernement aux observations formulées par la DISK, par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération des syndicats des employés des services publics (KESK). Elle prie le gouvernement de transmettre ses commentaires sur les observations envoyées par la CISL et la TÜRKIYE KAMU-SEN dans leurs communications respectives du 15 décembre 2003 et du 11 novembre 2004. Ces observations concernent le processus de négociation collective dans les secteurs public et privé.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait examiné la conformité des lois suivantes avec la convention: la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, la grève et le lock-out et la loi no 3218 dont l’article 1 (provisoire) impose un arbitrage obligatoire pour les zones franches d’exportation. La commission relève que certains articles de la loi no 4688 ont été modifiés par la loi no 5198, et qu’un projet contenant d’autres modifications de la loi no 4688 est en préparation. S’agissant des lois nos 2821 et 2822, la commission note que deux projets de loi ont été préparés. Elle note avec satisfaction que la loi no 4771 a abrogé l’article 1 (provisoire) de la loi no 3218. Enfin, elle prend note de l’entrée en vigueur du nouveau Code du travail no 4857. Elle prie le gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, le deuxième texte portant modification de la loi no 4688, ainsi qu’une version à jour des textes portant modification des lois nos 2821 et 2822.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient l’article 18 de la loi no 4688. Bien que cette disposition contienne une interdiction générale des actes de discrimination antisyndicale, cette garantie ne s’accompagne pas de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. La commission note que, dans ses observations les plus récentes, la CISL signale un nombre de cas où des agents de la fonction publique ont été victimes de divers actes de discrimination antisyndicale, en tant que membres d’un syndicat ou responsables syndicaux. La commission relève également que le Comité de la liberté syndicale a examiné récemment des allégations de discrimination antisyndicale dans la fonction publique (cas no 2200, voir 330e rapport, paragr. 1077 à 1105, et 334e rapport, paragr. 722 à 762). Dans son rapport, le gouvernement indique qu’il envisage actuellement d’établir des sanctions pour garantir que l’interdiction de la discrimination antisyndicale soit effective. Rappelant que les normes juridiques sont inadéquates si elles ne sont pas assorties, entre autres, de sanctions suffisamment dissuasives pour assurer leur application, la commission prie le gouvernement de soumettre, avec son prochain rapport, le texte de tout amendement établissant des sanctions suffisamment dissuasives pour garantir que l’interdiction de l’article 18 soit effective.
Article 4. Négociation collective libre et volontaire. 1. S’agissant du double critère prévu par l’article 12 de la loi no 2822 pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective, la commission exprimait, dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), le ferme espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 soit conforme aux dispositions de la convention. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement signale que le projet de loi assouplit l’un des critères: désormais, il suffira qu’un syndicat représente au moins 5 pour cent des employés d’une branche d’activité- et non 10 pour cent. La commission prend bonne note de cette modification, mais relève également que l’autre critère -à savoir, le fait qu’un syndicat doit représenter plus de la moitié des employés sur le lieu de travail - est maintenu; l’association des deux critères est elle aussi maintenue. La commission souligne donc une nouvelle fois que les critères numériques de l’article 12 de la loi no 2822, même modifiés, ne sont pas conformes au principe du caractère volontaire des négociations collectives. Les syndicats qui représentent la majorité des travailleurs sur un lieu de travail, mais pas plus de 50 pour cent des travailleurs, ne peuvent pas négocier collectivement avec l’employeur. La commission estime que, au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient être accordés à tous les syndicats existants, au moins au nom de leurs propres membres. De même, la commission note que, d’après le projet de loi, un syndicat qui remplit le critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s’il ne représente pas au moins 5 pour cent des employés d’une branche d’activité, cette proportion étant actuellement de 10 pour cent. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour supprimer les deux critères numériques de la législation nationale afin d’encourager et de promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l’article 4. De plus, la commission note que, selon les commentaires envoyés directement à la commission par la DISK, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans ses statistiques publiées le 17 juillet 2003, n’a pas mentionné cette organisation, bien que celle-ci ait rempli le critère des 10 pour cent pour sa branche d’activité; elle n’a donc pu participer au processus de négociation collective. Dans sa communication jointe au rapport du gouvernement, la DISK présente des commentaires similaires concernant certains de ses affiliés. La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement mentionne seulement des statistiques publiées au sujet d’un des affiliés de la DISK (Sosyal-IŞ), qui ont été finalement rectifiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à la suite d’une plainte déposée par le syndicat intéressé auprès des tribunaux. La commission prie le gouvernement de lui transmettre des informations concernant le cas de la DISK et les autres cas soulevés dans ses commentaires joints au rapport, afin que la commission puisse parvenir à des conclusions à ce sujet.
2. S’agissant des conventions collectives dans la fonction publique, dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), la commission avait prié le gouvernement de lui donner des précisions sur le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la commission administrative suprême, des commissions administratives institutionnelles et du Comité des employeurs publics. La commission avait souligné que la négociation des conditions d’emploi ne devait pas être limitée aux conditions économiques mentionnées à l’article 28 de la loi, mais devait englober toutes les questions relatives aux conditions de travail. La commission note que le gouvernement ne traite pas de la question de la portée des négociations. Elle relève qu’il a donné certaines explications sur le rôle et les fonctions de la commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles mais pas sur le Comité des employeurs publics. Les deux premières commissions ont été créées afin de permettre aux agents de la fonction publique de donner leur avis sur leurs conditions de travail et sur l’application de la législation pertinente, au sein d’une institution donnée ou au niveau interinstitutionnel. La commission administrative suprême soumet au Comité des employeurs publics des propositions concernant les conditions de travail et les droits et les devoirs des agents de la fonction publique; ces propositions servent de base à la négociation collective. La commission administrative suprême surveille l’application de l’accord résultant des négociations. Le gouvernement souligne que des réunions ont eu lieu avec les partenaires sociaux portant, entre autres, sur le fonctionnement de ces commissions. Les représentants des confédérations et des employeurs publics ont suggéré que la commission administrative suprême soit dissoute, puisqu’elle n’exerce pas de véritables fonctions.
La commission prend note des explications communiquées par le gouvernement sur la commission administrative suprême et les commissions administratives institutionnelles. Elle note que les parties à la négociation sont, d’une part, le Comité des employeurs publics et, d’autre part, les syndicats et les confédérations auxquels ces derniers sont affiliés. La commission relève que le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances et du Trésor et des organisations d’employeurs publics. La commission rappelle que les dispositions législatives qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 263). La commission prie donc une nouvelle fois le gouvernement d’expliquer le rôle et les fonctions du Comité des employeurs publics et d’indiquer notamment comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables.
De plus, la commission rappelle que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention; des discussions tripartites visant àélaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 250). La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles les discussions qui ont lieu au niveau de la commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles portent sur les conditions de travail et sur les droits et les devoirs des employés de la fonction publique, mais souligne que l’article 28 limite clairement l’objet des négociations en les faisant porter uniquement sur des questions financières. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 afin de le rendre conforme à l’article 4.
Article 6. Fonctionnaires publics. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, en raison des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissaient pas du droit d’organisation, et donc du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et qui ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de sorte que les fonctionnaires autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat jouissent pleinement du droit de négociation collective, conformément à la convention. La commission prend note avec intérêt de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le projet de loi portant modification de la loi no 4688, la référence à la période d’essai sera supprimée, et la définition des «agents de la fonction publique» sera révisée pour englober notamment le personnel de sécurité exerçant des fonctions particulières. Toutefois, il semble que les agents de la fonction publique occupant des postes de confiance resteront exclus du champ d’application de la loi no 4688. La commission rappelle qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat (par exemple, dans certains pays, les fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, ainsi que leurs auxiliaires) qui peuvent être exclus du champ d’application de la convention et, d’autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions publiques autonomes qui devraient bénéficier des garanties de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 200). La commission exprime le ferme espoir que la révision des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 tiendra compte des commentaires ci-dessus, et prie le gouvernement de lui soumettre, avec son prochain rapport, le texte de ces modifications.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.
La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires en date du 18 septembre 2002 formulés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). La commission prend également note des commentaires en date du 3 juin 2003 formulés par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la réponse du gouvernement. La DISK se réfère à des questions en suspens devant la commission, à savoir la question de la révision de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, et en particulier la nécessité de modifier l’article 12 de la loi no 2822 (aux termes duquel, en vue d’être autoriséà négocier une convention collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de la moitié des employés sur le lieu de travail). La commission note que le gouvernement répond qu’un projet d’étude, conduit par des académiciens en vue de modifier certains articles des deux lois susmentionnées, a été achevé et transmis aux partenaires sociaux avant l’élaboration d’un projet de loi.
La commission poursuivra l’année prochaine, dans le cadre du prochain cycle de présentation des rapports, l’examen des questions soulevées dans sa dernière observation, compte tenu des commentaires formulés par la CISL et la DISK, et des réponses du gouvernement à cet égard. La commission examinera également le nouveau Code du travail no 4857 adopté le 22 mai 2003.
La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie, de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie et de la Confédération nationale des syndicats libres (CISL). Elle prend également note de l’adoption de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique.
Articles 1 et 3 de la convention. La commission note que, bien que l’article 18 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique contienne une interdiction générale des actes de discrimination antisyndicale, cette garantie ne s’appuie pas sur des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. Dans son dernier rapport le gouvernement avait indiqué, en ce qui concerne la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale, qu’un nouveau projet de loi portant modification de la loi no 1475 sur le travail et de la loi no 2821 sur les syndicats, élaboré par une commission d’experts nommée par les partenaires sociaux et le ministre du Travail, avait été soumis au Conseil des ministres. La commission prie le gouvernement de lui transmettre une copie du projet de loi susmentionné et d’indiquer si le nouveau projet de loi prévoit la protection des agents de la fonction publique non commis à l’administration de l’Etat contre la discrimination antisyndicale.
Article 4. Dans son observation précédente, la commission avait noté que le gouvernement avait entamé des travaux pour modifier les lois nos 2821 et 2822 et proposé de supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans une branche d’activitéà des fins de négociation collective. Le gouvernement avait indiqué que ces travaux n’étaient pas achevés parce que les consultations visant à dégager un consensus sur la question du double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective se poursuivaient avec les partenaires sociaux. La commission considère qu’au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne représente plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats devraient avoir le droit de négocier collectivement, au moins au nom de leurs propres membres. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour garantir la conformité des projets de loi avec les dispositions de la convention et lui demande à nouveau de lui transmettre une copie des projets de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822.
Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait également prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les travailleurs des zones franches d’exportation (ZFE) aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi. Le gouvernement avait indiqué, en ce qui concerne la question de l’arbitrage obligatoire dans les ZFE, que l’amendement proposé n’avait pas encore été adopté. La commission note que, dans son rapport sur la convention no 87, le gouvernement déclare qu’une loi adoptée par le Parlement le 3 août 2002 (non transmise par le gouvernement) a abrogé la loi no 3218 sur les ZFE. La commission prie donc le gouvernement de lui faire parvenir une copie de la nouvelle législation.
Article 6. La commission note, à la lecture des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, que plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissent pas du droit d’organisation, et donc du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission attire l’attention sur le fait que, si l’article 6 de la convention permet d’exclure de son champ d’application les fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat, les autres catégories doivent bénéficier des garanties de la convention et, en conséquence, pouvoir négocier collectivement leurs conditions d’emploi (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 262). En outre, en ce qui concerne les forces armées et la police, bien qu’elles puissent être exclues du champ d’application de la convention, il est entendu que les travailleurs civils de ces institutions doivent pouvoir exercer pleinement les droits conférés par la convention au même titre que tous les autres travailleurs. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de telle sorte que les fonctionnaires, autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat, jouissent pleinement du droit de négociation collective conformément aux dispositions de la convention.
En outre, la commission prie le gouvernement de lui donner des précisions sur le lien entre le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la commission administrative suprême, de la commission administrative institutionnelle et de la commission des agents de la fonction publique. La commission souligne le fait que, en ce qui concerne les salariés des entreprises et institutions publiques, c’est l’employeur public, et non une commission composée de plusieurs autorités, qui doit négocier directement avec les syndicats représentatifs d’une entreprise ou institution publique donnée et que la négociation des conditions d’emploi ne devrait pas être limitée aux conditions économiques mentionnées à l’article 28 de la loi mais englober toutes les questions relatives aux conditions de travail. Des consultations avec les autorités budgétaires ou autres organes et instances publics pourraient alors être possibles avant et pendant la négociation collective.
La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toutes mesures prises pour garantir la pleine application de la convention.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note des commentaires de la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie, de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (les commentaires de ces deux dernières sont en cours de traduction).
Articles 1 et 3 de la convention. Dans ses observations précédentes, la commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tout progrès accompli dans l’adoption de la nouvelle législation sur la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Le gouvernement indique dans son rapport qu’une commission d’experts, nommée par les partenaires sociaux et le ministère du Travail, a élaboré un nouveau projet de loi. Ce projet de loi, qui modifie la loi no 1475 sur le travail et la loi no 2821 sur les syndicats, a été soumis au Conseil des ministres. La commission demande au gouvernement de lui communiquer copie du projet de loi afin qu’elle s’assure qu’il est conforme aux exigences de la convention.
Article 4. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le gouvernement avait initié des travaux pour modifier les lois nos 2821 et 2822 de manière à supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans un secteur d’activitéà des fins de négociation collective. Le gouvernement indique dans son rapport que ces travaux n’ont pas été achevés en raison des consultations avec les partenaires sociaux qui se poursuivent; elles visent un consensus sur la question du double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective. Le gouvernement indique également que le Programme national donne prioritéà moyen terme à ces réformes. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour veiller à la conformité de ces projets de loi avec les exigences de la convention, et elle lui demande de nouveau de fournir copie, dès qu’ils auront étéélaborés, des projets de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822.
Dans ses commentaires précédents, la commission avait également demandé au gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer que tous les travailleurs des zones franches d’exportation aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi. Dans son rapport, le gouvernement indique à propos de l’arbitrage obligatoire dans les zones franches que la réforme proposée à cet égard n’a pas encore été adoptée, et il renvoie la commission aux informations que le représentant gouvernemental a fournies à la 88e session de la Commission des normes de la Conférence. La commission rappelle que l’imposition de l’arbitrage obligatoire (tel que prévu à l’article 1 de la loi no 3218) est contraire au principe du caractère volontaire des négociations établi à l’article 4. Elle demande donc instamment au gouvernement de modifier sa législation pour que tous les travailleurs des zones franches aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi.
Dans ses commentaires précédents, la commission avait également demandé au gouvernement de l’informer sur le projet de loi relatif aux syndicats de fonctionnaires, et exprimé le ferme espoir que ce projet de loi reconnaîtrait le droit de négocier collectivement aux fonctionnaires, à la seule exception de ceux commis à l’administration de l’Etat. La commission prend note de l’adoption de la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires. Elle souhaite en examiner la conformité avec les dispositions de la convention, à sa prochaine session.
La commission note les commentaires de la Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK) faits dans une communication datée du 19 juillet 2000 et concernant le déni du droit de négocier collectivement de dix syndicats dû au fait que leur nombre de membres n’atteignait pas le pourcentage requis de 10 pour cent.
La commission note l’information fournie par le gouvernement selon laquelle il a initié des travaux pour amender les lois nos2821 et 2822 de manière à supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans un secteur d’activitéà des fins de négociation collective et que les consultations avec les partenaires sociaux sur ces projets de loi seront bientôt finalisées. La commission prie le gouvernement de lui envoyer une copie des projets d’amendement des lois nos2821 et 2822 dès qu’ils seront élaborés afin d’évaluer leur conformité avec les exigences de la convention.
Cette question ainsi que celles soulevées dans les observations antérieures feront l’objet d’un examen de la part de la commission, l’an prochain, dans le contexte du contrôle régulier de l’application de la convention.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note également des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans l'affaire no 1981 (313e rapport, paragr. 244-269, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de mars 1999). Enfin, la commission prend note des commentaires formulés par la Confédération des associations d'employeurs de Turquie (TISK), la Confédération des syndicats d'ouvriers de Turquie (TURK-IS) et de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK).
Articles 1 et 3 de la convention. Faisant suite à ses observations précédentes sur la protection contre la discrimination antisyndicale en application de la loi no 2821 sur les syndicats, la commission prend note des décisions judiciaires communiquées par le gouvernement qui montrent qu'une compensation est assez fréquemment versée à titre de sanction contre divers actes de discrimination antisyndicale. La commission note en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle l'article 31 de la loi no 2821 prévoit que la compensation versée ne doit pas être inférieure au montant total du salaire annuel du travailleur. Il ne s'agit pas là d'un montant fixe et celui-ci peut être augmenté par contrat, par accord collectif ou par décision judiciaire. La commission demande néanmoins au gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé dans l'adoption de la nouvelle législation évoquée par le gouvernement dans son rapport précédent.
Article 4. En ce qui concerne un certain nombre de restrictions au droit de négociation collective dénoncées par la confédération TURK-IS dans ses observations, le gouvernement a présenté les explications suivantes.
Sur la question de l'interdiction de la négociation collective opposée aux confédérations, la commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la structure hétérogène des confédérations rend difficile la conclusion d'accords verticaux. Toutefois, la participation active des confédérations dans le processus de négociation, voire leur rôle prédominant dans ces négociations au nom des syndicats qui leur sont affiliés, en particulier dans le secteur public, est une pratique largement acceptée.
L'obligation de n'avoir qu'une seule convention collective à un niveau donné est imposée par la Constitution qui dispose qu'un seul accord peut être conclu par établissement ou entreprise pour une période donnée. Le système à double niveau de négociation - branche et entreprise - a suscité diverses difficultés et donné lieu à des pratiques abusives, notamment la conclusion d'accords locaux successifs au prétexte d'une autorisation couvrant la branche dans son ensemble. Par ailleurs, la négociation par branche existe en pratique et certaines conventions collectives couvrent des secteurs d'activité entiers, par exemple la banque, les transports maritimes, les transports ferroviaires et la défense nationale, etc.
En ce qui concerne le plafonnement des indemnités, la commission note que les minima imposés par la loi no 2821 et la loi sur le travail peuvent être augmentés au bénéficie du travailleur à l'issue d'un accord. Le seul plafonnement obligatoire concerne les indemnités de licenciement en vertu de la loi sur le travail. Ces indemnités, qui s'élèvent à 30 jours de salaire par année de service, peuvent aussi être augmentées au bénéfice du travailleur, par contrat ou convention collective, mais pour une seule année et elles ne peuvent dépasser la prime maximale annuelle de retraite qui peut être versée au fonctionnaire occupant le rang le plus élevé lorsqu'il part en retraite.
En ce qui concerne la question du délai de soixante jours imparti pour la conduite des négociations, le gouvernement rappelle qu'à l'issue de ces soixante jours les parties sont libres de poursuivre les négociations dans le cadre d'une médiation, de même que lors d'un mouvement de grève, sans limitation de durée.
En ce qui concerne les doubles critères figurant dans la législation pour la détermination du statut représentatif des syndicats aux fins d'une négociation collective, la commission note que selon le gouvernement il s'agit là d'une question majeure qui doit être traitée dans un cadre tripartite sans permettre la prolifération sur le lieu de travail de syndicats "jaunes" contrôlés par l'employeur.
La commission relève que les restrictions législatives susmentionnées relatives aux négociations collectives ne semblent pas être respectées par les organisations de travailleurs qui, dans la pratique, sont libres de poursuivre leurs négociations collectives. La commission demande donc au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour supprimer ces restrictions en vue de promouvoir la négociation collective conformément à l'article 4 et à la pratique nationale.
Sur la question du droit d'organisation des fonctionnaires, le gouvernement indique qu'il n'a pas été mesure de faire voter le projet de loi sur les syndicats de la fonction publique qui avait été déjà discuté par le Parlement, en raison des demandes formulées par les partis d'opposition pour qu'il soit révisé. Le projet de loi a été soumis de nouveau lors de la dernière session du Parlement par le nouveau gouvernement. La commission exprime de nouveau le ferme espoir que la loi sur les syndicats de la fonction publique donnera aux fonctionnaires le droit de négociation collective, à la seule exception éventuelle des fonctionnaires commis à l'administration de l'Etat. La commission demande au gouvernement de lui fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport.
En ce qui concerne la question du droit de négociation collective des travailleurs dans les zones franches d'exportation (ZFE), la commission a déjà relevé que, en cas d'échec, la loi no 3218 de 1985 impose un arbitrage ayant force obligatoire pour le règlement de conflits collectifs du travail. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la période de dix ans fixée par la loi no 3218 de 1985 est parvenue à expiration dans les zones de Mersin et Antalya en 1997 et viendra à expiration dans les zones de l'Egée et de l'aéroport Atatürk en l'an 2000.
La commission souhaite cependant rappeler que l'imposition d'un arbitrage ayant force obligatoire est contraire au principe du caractère volontaire des négociations consacré par l'article 4. Elle demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que tous les travailleurs de l'ensemble des zones franches d'exportation puissent se prévaloir de leur droit de négocier librement leurs termes et conditions d'emploi.
Enfin, la commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, afin de supprimer toute contradiction entre la législation nationale et les conventions de l'OIT ratifiées par la Turquie, le gouvernement et les partenaires sociaux ont décidé en mars 1999 d'instaurer un comité d'experts tripartite ayant pour mandat d'examiner la législation du travail et de proposer les amendements nécessaires.
La commission espère que ce comité d'experts tripartite tiendra compte des observations qu'elle a formulées lorsqu'il proposera des amendements à la législation du travail. La commission demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard. Elle prie de nouveau le gouvernement d'envisager la possibilité de faire appel à l'aide du Bureau pour lever les obstacles entravant la pleine application de la convention.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, ainsi que des informations données à la Commission de la Conférence en juin 1998 et de la discussion approfondie qui a fait suite. Elle prend également note des commentaires de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK), de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) et du Syndicat des employés de l'énergie, des routes, de la construction, des infrastructures, des titres fonciers et du cadastre.
1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission, dans ses observations antérieures, avait pris note des commentaires de la TURK-IS concernant l'insuffisance de la protection offerte par la loi no 2821 sur les syndicats contre la discrimination antisyndicale. Elle note à ce sujet que, dans les informations fournies à la Commission de la Conférence, le gouvernement déclare que les articles 29, 30 et 31 de cet instrument, et les sanctions qu'il prévoit, assurent une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale. Il indique plus précisément qu'en cas de discrimination au stade de l'embauche l'amende prévue n'est pas inférieure à la moitié du salaire mensuel en vigueur. De plus, bien que, selon la législation turque, la charge de la preuve repose sur le plaignant, un amendement à la loi no 2822, adopté en 1988, prévoit que le syndicat ne peut informer l'employeur de l'acquisition par un travailleur de la qualité de membre que lorsque cette information ne peut plus porter aucun préjudice au droit d'organisation ou à la négociation collective. En cas de licenciement d'un travailleur en raison de ses activités syndicales, outre les droits que lui reconnaît la législation du travail -- indemnité de licenciement et indemnité de préavis --, l'employeur est tenu de lui verser une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à son salaire annuel total. Cette indemnité est versée non seulement si le travailleur est licencié, mais aussi lorsqu'il est victime d'autres actes de discrimination antisyndicale, par exemple dans la répartition du travail ou en matière de promotion. Plusieurs jugements rendus par les tribunaux montrent que ce type d'indemnité est octroyé plus fréquemment que ne l'affirme la TURK-IS. De plus, l'article 29 de la loi no 2821 prévoit une protection particulière des dirigeants syndicaux, qui comprend la réintégration dans leur poste ou dans un emploi similaire dans le mois qui en suit la demande, à condition que cette demande ait été adressée à l'ancien employeur dans les trois mois ayant suivi la perte de la fonction exercée au sein du syndicat. Néanmoins, jusqu'à l'adoption d'une législation conforme à la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, seuls les délégués du personnel bénéficient d'une complète sécurité de l'emploi, y compris du droit d'être réintégrés. Le processus d'élaboration de la nouvelle législation est actuellement en cours.
La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé dans le sens de l'adoption de cette législation. Elle exprime l'espoir que cette législation assurera une protection effective de tous les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Elle le prie en outre de communiquer copie, dans son prochain rapport, des décisions de justice faisant apparaître que l'indemnisation est accordée assez fréquemment dans les divers cas de discrimination antisyndicale.
2. Article 4. S'agissant d'un certain nombre de restrictions à la négociation collective mentionnées par la TURK-IS dans ses observations (confédérations empêchées de négocier collectivement, impossibilité de négocier collectivement au niveau de la branche d'activités, acceptation d'une seule et unique convention collective par niveau, plafonds imposés sur les indemnités, limitation à 60 jours des délais de négociation), la commission prend note des informations données par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence, informations qui, en voulant justifier ces restrictions, semblent confirmer leur existence, exception faite de la limitation à 60 jours des délais de négociation. De plus, en ce qui concerne le double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d'un syndicat aux fins de la négociation collective, le représentant gouvernemental a déclaré que les efforts tendant à la suppression de cette règle se poursuivaient mais que les partenaires sociaux, dont le consentement est nécessaire, ont soulevé des objections.
La commission rappelle que toutes les dispositions susvisées constituent de graves restrictions à la négociation collective. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises pour lever ces restrictions afin de promouvoir la négociation volontaire des conditions d'emploi par la voie de conventions collectives, conformément à l'article 4 de la convention.
3. S'agissant du déni du droit à la négociation collective des fonctionnaires, la commission prend note de la déclaration du représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence, en juin 1998, à l'effet qu'un projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires a été élaboré conformément à la Constitution turque (art. 53), telle que modifiée en 1995 et que l'Assemblée nationale en a été saisie. Ce projet de loi, outre qu'il garantit la liberté syndicale des fonctionnaires, définit les voies de recours judiciaires et prévoit la mise en place d'une commission de conciliation impartiale. Les dispositions de ce projet ont fait l'objet de longs débats au Parlement et près de la moitié d'entre elles ont été approuvées. Le débat sur les dispositions restantes, comme leur adoption éventuelle, est prévu. Entre-temps, la loi no 4275 du 12 juin 1997 a été adoptée pour modifier la loi no 657 sur les fonctionnaires, de manière à reconnaître à cette catégorie le droit de constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur.
Pour ce qui est des droits de négociation collective des travailleurs du secteur public, le représentant gouvernemental a indiqué que les contractuels du secteur public ont toujours joui des mêmes droits que les salariés du secteur privé. Les contractuels employés dans les entreprises publiques seraient couverts par le projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires, du fait qu'ils sont assimilés à des fonctionnaires employés dans des services essentiels et continus de l'Etat.
La commission exprime à nouveau le ferme espoir que le projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires reconnaîtra le droit de négocier collectivement aux fonctionnaires, à la seule exception, éventuellement, de ceux commis à l'administration de l'Etat, et que ce texte sera adopté dans un proche avenir. Elle prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, de tout progrès réalisé à cet égard et de lui communiquer copie du texte une fois qu'il aura été adopté.
4. S'agissant des droits de négociation collective des travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE), la commission note que les informations données à la Commission de la Conférence confirment que, lorsque la négociation échoue, la loi no 3218 de 1985 impose, dans ces zones, l'arbitrage obligatoire pour le règlement des conflits collectifs du travail, encore que cette loi ne s'appliquera plus à partir de l'an 2000 à la zone franche d'exportation de la mer Egée, qui emploie 90 pour cent des travailleurs de cette catégorie.
La commission tient néanmoins à rappeler que l'imposition d'une telle forme d'arbitrage obligatoire va à l'encontre du principe d'une négociation à caractère volontaire prévu à l'article 4. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que tous les travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE) aient le droit de négocier librement leurs conditions d'emploi.
La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les points soulevés ci-dessus. Elle lui rappelle à nouveau qu'il lui est loisible de recourir à l'assistance technique du Bureau en vue de lever les obstacles s'opposant à une application pleine et entière de la convention.
La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle prend note des observations du gouvernement en date de janvier 1997 relatives à la communication de la Confédération des syndicats d'ouvriers de Turquie (TURK-IS) de juin 1996.
La commission note que la TURK-IS, dans ses observations, se réfère aux commentaires répétés de la Commission de la Conférence sur l'application des normes, du Comité de la liberté syndicale et de la commission d'experts. Les points soulevés concernent des divergences persistantes en droit et en pratique.
La commission note que le gouvernement précise que des projets de loi destinés à mettre la législation en conformité avec les conventions ratifiées ont été retournés au ministère du Travail pour réexamen; ils seront soumis aux partenaires sociaux avant d'être réintroduits. La commission note également que, durant les débats sur la convention no 87, le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 1997 a fait mention de différents projets de loi et amendements présentement à l'étude, en particulier, concernant le droit à la négociation collective des fonctionnaires.
1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission, dans ses observations antérieures, avait noté les commentaires de la TURK-IS relatifs à la protection inadéquate contre la discrimination antisyndicale. Elle note que dans ses observations récentes la TURK-IS déclare que sous la loi sur les syndicats no 2821, dans les cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée est insuffisante et le fardeau de la preuve incombe au travailleur. Il n'existe aucune protection efficace contre les licenciements puisque des compensations (une année de salaire) ne sont que très rarement accordées et la réintégration demeure impossible en vertu de la législation actuelle, à l'exception des délégués syndicaux. En ce qui concerne les dirigeants syndicaux, à l'exception des délégués syndicaux, ils ne bénéficient pas d'une protection adéquate contre les mutations ou les licenciements. Une fois de plus, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesure nécessaires dans un proche avenir afin de modifier sa législation pour garantir une protection adéquate des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale (incluant les licenciements) en accord avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées dans son prochain rapport sur les mesures prises et les progrès accomplis.
2. Article 4. La commission note que la TURK-IS fait mention dans ses observations de nombreuses restrictions à la négociation collective (confédérations empêchées de négocier collectivement, négociations à tous les niveaux de l'industrie interdites, seule une convention collective par niveau est permise, des limites sont imposées sur plusieurs indemnités, la négociation doit se faire dans un délai de soixante jours, etc.). Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait également noté l'intention du gouvernement de modifier le double critère actuel de représentativité prévu par la loi.
La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour éliminer les restrictions et encourager et promouvoir la libre négociation collective en conformité avec l'article 4 de la convention.
3. Pour ce qui est du déni du droit à la négociation collective des fonctionnaires, la commission note qu'un projet de loi a été élaboré, lequel accorde aux fonctionnaires le droit d'association et de négociation collective avec l'administration en ce qui a trait à leurs salaires et leurs conditions de travail, et que ce projet de loi, après des consultations avec les partenaires sociaux, a été soumis pour examen au Conseil des ministres en mai 1997. Une fois de plus, la commission exprime le ferme espoir que la législation entrera en vigueur sous peu, en accord avec les dispositions de la Constitution nationale (art. 53 tel que modifié) qui établissent le droit des fonctionnaires de former des associations et de négocier collectivement, et stipulent que ce droit doit être réglementé par la loi.
La commission demande au gouvernement de lui communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès accomplis et de lui envoyer une copie de la loi dès son adoption.
Elle prie également le gouvernement de lui faire parvenir des informations détaillées sur le droit d'association, et particulièrement sur le droit à la négociation collective des employés du service public qui ne sont pas fonctionnaires et du personnel contractuel des entreprises publiques ainsi que des autres employés des entreprises publiques.
4. La commission avait, dans le passé, fait des commentaires sur l'arbitrage obligatoire. La commission traite ce point dans le cadre de la convention no 87.
Afin de favoriser les échanges commerciaux, la commission note que la loi no 3218 de juin 1985 sur les zones de libre-échange prévoit que, si les négociations échouent, le conflit sera référé à l'arbitrage obligatoire pour une période de dix ans suivant la création de la zone de libre-échange. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur le droit à la négociation collective dans les zones franches.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées dans son prochain rapport sur les questions soulevées ci-dessus. Une fois de plus, elle prie le gouvernement d'envisager de faire appel à l'assistance du BIT afin d'éliminer les obstacles qui empêchent la pleine application de la convention.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1998.]
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son dernier rapport, ainsi que des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS) et de la Confédération des employeurs turcs (TISK). Elle note également la déclaration faite par le représentant du gouvernement devant la commission de la Conférence, en juin 1996, et le débat qui a fait suite. Elle note enfin les conclusions du comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1810 et 1830 (303e rapport du comité, adopté par le conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)).
1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission prend note des commentaires de la TURK-IS selon lesquels, bien que l'article 31 de la loi sur les syndicats semble prévoir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale, l'absence de sécurité de l'emploi et l'inexistence de sanctions efficaces rendent cette disposition insuffisante. A cet égard, la commission note que le gouvernement déclare qu'une fois que les études visant à assurer la conformité avec les dispositions de la convention no 158 récemment ratifiée par la Turquie seront terminées, il fournira à la commission les informations nécessaires à ce sujet. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les progrès accomplis dans ce domaine, ainsi que toute autre mesure prise pour garantir aux travailleurs une protection plus efficace contre les actes de discrimination antisyndicale.
2. Article 4. En ce qui concerne les deux critères de représentativité des syndicats aux fins de la négociation collective, la commission note que le représentant du gouvernement a déclaré devant la commission de la Conférence, en 1996, que les tentatives d'abrogation de cette règle n'ont pas abouties à cause des objections soulevées par la TURK-IS et la TISK. Ce représentant a néanmoins ajouté que les efforts dans ce sens continueront de s'exercer et qu'avec la création du Conseil économique et social tripartite la question des critères de sélection de ces représentants sera amplement examinée et menée à une conclusion satisfaisante. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu'un projet de loi tendant à modifier la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out fait disparaître l'obligation selon laquelle un syndicat doit représenter au moins 10 pour cent des travailleurs d'une branche pour être admis à participer à une négociation. La commission prend note de cet élément et prie le gouvernement d'indiquer, dans son prochain rapport, tout progrès réalisé dans le sens de l'atténuation de cette double obligation et, en conséquence, dans le sens du développement et de l'utilisation les plus larges des procédures de négociations volontaires de conventions collectives, selon ce que prévoit l'article 4 de la convention.
3. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, la commission note que le représentant du gouvernement a déclaré à la commission de la Conférence, en 1996, que des efforts étaient déployés en vue d'élaborer une législation énonçant les droits syndicaux des fonctionnaires d'une manière conforme aux nouveaux amendements apportés à la constitution de la Turquie et aux principes correspondant de la convention no 151. Toutefois, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il croit comprendre, en s'appuyant sur la version française de ce texte, que cette convention ne s'applique pas aux fonctionnaires publics. La commission appelle l'attention du gouvernement sur le paragraphe 200 de son étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, dans lequel elle indique qu'il convient de distinguer, d'une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat, qui peuvent être exclus du champ d'application de la convention, et, d'autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions publiques autonomes, qui devraient bénéficier des garanties de la conventions. Notant, à la lecture du premier rapport du gouvernement au titre de la convention no 151, qu'un projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires publics en général est actuellement devant la grande Assemblée nationale turque, la commission exprime l'espoir que les dispositions contenues dans ce projet de législation sont conformes à la convention no 98.
4. Faisant suite à ces précédents commentaires concernant l'arbitrage obligatoire prévu par l'article 33 de la loi no 2822, la commission poursuit l'examen de cette question dans le cadre de l'application de la convention no 87 par la Turquie.
5. La commission rappelle à nouveau au gouvernement qu'il lui est loisible de recourir à l'assistance technique du BIT pour faciliter l'élimination des obstacles s'opposant à une application complète de la convention.
La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1994 et des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).
La commission rappelle que, depuis plusieurs années, ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires et sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels.
1. En ce qui concerne l'effectif nécessaire d'un syndicat pour négocier collectivement, la commission prend note des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence et par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la suppression de l'exigence de compter 10 pour cent des travailleurs d'une branche est toujours à l'étude, malgré les objections avancées par les organisations d'employeurs et de travailleurs.
La commission rappelle au gouvernement que des mesures doivent être effectivement prises pour assouplir les exigences numériques posées par la législation et permettre ainsi le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de convention collective, conformément à l'article 4 de la convention.
2. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires, la commission note que le projet de loi réglementant le droit d'organisation des fonctionnaires et leur participation à la détermination des conditions d'emploi est toujours devant la commission compétente de l'Assemblée nationale.
La commission rappelle à cet égard que la présente convention n'exclut de son champ d'application que les salariés commis à l'administration de l'Etat. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit de négocier collectivement soit accordé sans délai aux fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat. Elle le prie de fournir des informations sur les progrès intervenus à cet égard dans son prochain rapport.
3. Au sujet de l'arbitrage obligatoire, la commission note que le gouvernement maintient sa position selon laquelle l'article 33 de la loi no 2822 imposant cet arbitrage n'est pas contraire aux principes de la commission mais qu'il est prêt à prendre en considération toute proposition concrète de la commission à cet égard.
La commission ne peut que souligner à nouveau que la législation devrait limiter le recours à l'arbitrage obligatoire aux services essentiels au sens strict du terme. En conséquence, de l'avis de la commission, l'article 33 de la loi no 2822 ne devrait s'appliquer qu'aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La commission prie donc le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour limiter ainsi le champ d'application de l'article 33 en question.
4. Compte tenu du fait que les problèmes importants posés dans la présente observation sont soulevés depuis de nombreuses années, la commission estime nécessaire de rappeler au gouvernement que l'assistance du BIT est à sa disposition en vue de faciliter la levée des obstacles empêchant la pleine application de la convention.
5. La commission note enfin que les commentaires formulés par TURK-IS sur l'application de la convention n'ont pas fait l'objet d'observations de la part du gouvernement. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet dans son prochain rapport.
La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 1995 ainsi que des discussions qui ont eu lieu.
La commission a aussi pris note des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS) qui portent notamment sur le caractère insuffisamment dissuasif des sanctions pour discrimination antisyndicale, sur l'impossibilité pour les fédérations et les confédérations de négocier collectivement et également sur l'arbitrage obligatoire imposé aux termes de la loi no 3218 du 15 juin 1985 pour dix ans dans les zones franches d'exportation. La Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK), quant à elle, fait des commentaires en particulier sur le déni du droit de négocier collectivement résultant des exigences trop élevées de la loi en matière de critère de représentativité et également sur l'arbitrage obligatoire imposé depuis 1985 dans les zones franches d'exportation. La Confédération des employeurs turcs (TISK) estime, pour sa part, que la convention est convenablement appliquée en Turquie.
La commission rappelle que, depuis plusieurs années, ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires autres que ceux commis à l'administration de l'Etat, ainsi que sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels.
1. En ce qui concerne l'effectif nécessaire d'un syndicat pour négocier collectivement, la commission prend note des informations réitérées par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence selon lesquelles la suppression de l'exigence de compter 10 pour cent des travailleurs d'une branche est toujours à l'étude, malgré les objections avancées par les organisations d'employeurs et de travailleurs (TISK et TURK-IS).
La commission observe cependant que la DISK, dans ses commentaires, critique ces dispositions qui ont pour effet de dénier à de nombreux travailleurs le droit de négocier leurs conditions d'emploi avec les employeurs. La commission rappelle en conséquence au gouvernement que des mesures doivent être effectivement prises pour assouplir les exigences numériques posées par la législation et permettre ainsi le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de convention collective, conformément à l'article 4 de la convention.
2. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat, la commission a pris connaissance des amendements constitutionnels publiés au Journal officiel du 25 juillet 1995 et en particulier de l'article 53, alinéas 2 et 3, de la Constitution qui accorde le droit de se syndiquer et de négocier collectivement aux fonctionnaires, conformément aux lois spéciales qui régissent la matière. La commission exprime le ferme espoir qu'une législation d'application sera adoptée à brève échéance et qu'elle contiendra des dispositions conformes aux exigences des conventions nos 98 et 151 ratifiées par la Turquie.
3. Au sujet de l'arbitrage obligatoire, la commission note que le représentant gouvernemental maintient la position de son gouvernement selon laquelle l'article 33 de la loi no 2822 imposant cet arbitrage n'est pas contraire aux principes de la commission. Il souligne que son libellé visant les cas où la santé publique ou la sécurité nationale serait en péril est pleinement conforme à la position de la commission d'experts. En outre, toute décision du gouvernement est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire indépendante. Les parties intéressées ont par ailleurs la faculté de recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. Enfin, le gouvernement peut revenir sur sa décision lorsque les circonstances qui l'ont justifiée ont cessé d'exister.
La commission prend note de ces indications, mais elle rappelle à nouveau que la législation devrait limiter le recours à l'arbitrage obligatoire aux services essentiels au sens strict du terme. En conséquence, de l'avis de la commission, l'article 33 de la loi no 2822 ne devrait s'appliquer qu'aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La commission prie donc le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour limiter ainsi le champ d'application de l'article 33 en question.
4. Compte tenu du fait que les problèmes importants posés dans la présente observation sont soulevés depuis de nombreuses années, la commission, tout en notant avec intérêt certaines évolutions constitutionnelles, estime nécessaire de rappeler au gouvernement que l'assistance du BIT est à sa disposition en vue de faciliter la levée des obstacles empêchant la pleine application de la convention.
5. La commission note par ailleurs que les commentaires formulés par la TURK-IS et par la DISK sur l'application de la convention n'avaient pas fait l'objet d'observations de la part du gouvernement. Le gouvernement a envoyé son rapport sur l'application de la convention pendant la présente session de la commission. Celle-ci ne doute pas que le gouvernement réponde à certaines des questions traitées ci-dessus. Elle examinera le rapport du gouvernement lors de sa prochaine réunion. Pour compléter les informations à sa disposition, la commission prie le gouvernement de répondre à l'ensemble des points soulevés par les deux confédérations dans son prochain rapport.
[Le gouvernement est prié de fournir un rapport détaillé en 1996.]
La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1993 et des commentaires de la Confédération des syndicats turcs (HAK-IS) et de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).
La commission rappelle que depuis plusieurs années ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels et sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires.
1. La commission prend note des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence et par le gouvernement dans son rapport d'après lesquelles les restrictions numériques imposées par l'article 12 de la loi no 2822 font l'objet d'un accord général entre les principaux partenaires sociaux, mais que le gouvernement s'efforcera d'y apporter les modifications souhaitées par la commission.
La commission exprime l'espoir que le gouvernement prendra effectivement les mesures nécessaires pour supprimer de la législation nationale la double exigence numérique afin d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l'article 4 de la convention.
2. En ce qui concerne la question de la négociation collective des salariés des services publics, le gouvernement indique qu'aux fins d'assurer la conformité de la législation avec la convention no 87 récemment ratifiée par la Turquie, un projet de loi sur le droit syndical des fonctionnaires a été soumis pour discussion aux partenaires sociaux. Il ajoute que dans la pratique les fonctionnaires ont déjà constitué des syndicats et que la circulaire du Premier ministre no 1993/15 du 15 juin 1993 a éliminé les obstacles pratiques à l'exercice de leur droit syndical.
TURK-IS, pour sa part, regrette que les activités syndicales des organisations de fonctionnaires aient été entravées par des décisions administratives, que des fonctionnaires aient été victimes de discrimination antisyndicale et que leur droit à la négociation collective n'ait toujours pas été garanti.
La commission prend note de ces informations et de ces commentaires. Elle exprime le ferme espoir que le projet de loi garantira aux fonctionnaires le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi. Elle prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport tout progrès intervenu à cet égard ainsi que de communiquer copie de cette loi, dès qu'elle sera adoptée.
3. La commission regrette d'observer que le gouvernemnt réitère qu'il n'est recouru à l'arbitrage obligatoire que dans des conditions très strictes, dans le cadre de procédures associant les deux partenaires sociaux et uniquement à l'occasion de circonstances exceptionnelles dans le but de protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels.
Rappelant à nouveau que l'imposition de l'arbitrage obligatoire est contraire à la promotion de la négociation collective volontaire et devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, la commission demande une fois de plus au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour modifier l'article 33 de la loi no 2822 afin de la mettre en conformité avec le principe énoncé ci-dessus et d'indiquer dans son prochain rapport tout progrès intervenu à cet égard.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]
La commission exprime depuis de nombreuses années son inquiétude devant les contradictions des dispositions législatives avec la liberté de négocier collectivement, l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels et le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires.
La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas de commentaires sur la question de l'arbitrage obligatoire et qu'il indique seulement que les employés publics, tels que les enseignants et les employés de banque, jouiront du droit et des libertés de s'organiser. En outre, la commission regrette que le gouvernement, bien qu'ayant déclaré à la Commission de la Conférence en 1991 avoir soumis un projet de loi tendant à abroger la règle n'autorisant les syndicats à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche, déclare dans son dernier rapport qu'étant donné que les partenaires sociaux restent hostiles à cette modification, il n'estime pas lui-même être en position de modifier la législation qui prévoit le double critère de 10 pour cent des travailleurs d'une branche et de plus de la moitié des salariés d'un établissement pour que les syndicats soient autorisés à négocier une convention collective. La commission ne peut que souligner une fois de plus qu'aux termes de l'article 4 de la convention les gouvernements doivent prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives.
La commission rappelle donc que les exigences relatives à l'effectif des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822 sont en désaccord avec le principe de négociation volontaire consacré par la convention et prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour mettre sa législation sur ces trois points en conformité avec la convention.
La commission prend note des informations que le gouvernement a présentées à la Commission de la Conférence en 1991 et du long débat qui s'en est suivi, ainsi que des communications du Syndicat turc des chemins de fer (Demiryol-Is) et de l'Internationale des services publics (ISP) datées de mai et de juin 1991. Elle note en outre en particulier les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 997, 999 et 1029 (282e rapport) et nos 1582 et 1583 (281e rapport) concernant la Turquie, approuvés par le Conseil d'administration à sa session de février-mars 1992.
Depuis de nombreuses années, la commission exprime sa préoccupation à l'égard de deux problèmes issus de la législation turque sur la négociation collective: l'obligation pour les syndicats de justifier d'effectifs déterminés pour pouvoir négocier une convention collective et le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. Dans sa dernière observation, la commission a aussi rappelé ses principes concernant les droits des fonctionnaires.
La commission note avec intérêt qu'après la récente élection générale le nouveau gouvernement a annoncé son intention de s'orienter vers une plus grande libéralisation et démocratisation de la législation en vigueur en général et de la législation du travail en particulier. La commission note tout particulièrement que, selon le programme que le gouvernement a présenté en novembre 1991 à la grande assemblée nationale, la nouvelle Constitution institutionnalisera les droits syndicaux en conformité avec les normes internationales du travail et que les droits syndicaux et la liberté syndicale seront assurés aux fonctionnaires et aux autres travailleurs du secteur privé, y compris ceux de la banque.
La commission note le ferme engagement pris par le gouvernement qui, s'il est concrétisé, mettra la législation en plus étroite harmonie avec les exigences de la convention. La commission, notant que les services consultatifs du BIT ont été offerts au gouvernement, espère fermement que cette déclaration d'intention sera suivie sans tarder de mesures législatives, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi, conformément à l'article 4 de la convention.
La commission note le rapport du gouvernement et les informations qu'il a fournies à la Commission de la Conférence en juin 1989, ainsi que la large discussion qui s'en est suivie. La commission note aussi les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 997, 999, 1029 (273e et 276e rapports, mai-juin et novembre 1990) et 1521 (273e et 275e rapports, novembre 1990). Elle note, en outre, les observations présentées par la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) et par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).
La commission exprime depuis plusieurs années sa préoccupation à l'égard de deux problèmes liés avec la législation turque sur la négociation collective: les exigences relatives à l'effectif des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822, en vertu duquel les syndicats ne sont autorisés à négocier une convention collective que s'ils représentent 10 pour cent des travailleurs d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement; la procédure exposée à l'article 33 de la loi no 2822 qui prévoit le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. Dans sa dernière observation, la commission avait demandé aussi au gouvernement de bien vouloir clarifier la situation en ce qui concerne les fonctionnaires.
1. Pour ce qui est de l'effectif exigé, la commission note une fois encore que le gouvernement réitère simplement ses réponses antérieures et déclare qu'il ne trouve aucun motif pour engager le processus de modification de cette disposition en l'absence de demandes à cet effet de la part des organisations de travailleurs ou d'employeurs.
Comme la commission l'a souligné à maintes reprises, bien que l'on puisse admettre que les syndicats les plus représentatifs aient des droits de négociation préférentiels ou exclusifs (à condition qu'ils soient fondés sur des critères objectifs et préétablis), les conditions relatives à l'effectif posées à l'article 12 de la loi no 2822 ne sont pas conformes au principe de la négociation collective volontaire puisque, en particulier, les syndicats qui sont majoritaires dans un établissement mais qui ne comptent pas plus de 50 pour cent des travailleurs ne peuvent pas négocier collectivement avec l'employeur; de même, un syndicat qui satisfait au critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s'il ne représente pas 10 pour cent des travailleurs de la branche.
2. En ce qui concerne les dispositions prévoyant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations (article 33 de la loi no 2822), le gouvernement indique une fois de plus que cette disposition ne vise que des circonstances extrêmement délicates qui pourraient se présenter et qu'elle n'a jamais été appliquée pour entraver le fonctionnement du système de libre négociation collective.
Force est à la commission de rappeler à cet égard que l'application de la procédure d'arbitrage obligatoire établie par la législation devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme.
3. En ce qui concerne la situation des fonctionnaires, le gouvernement déclare que la législation nationale classe les fonctionnaires en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. Seuls les derniers ont le droit d'organisation et de négociation collective. Le gouvernement ajoute que tant les fonctionnaires publics que les agents sous contrat sont considérés comme étant commis à l'administration de l'Etat et, en conséquence, exclus de la portée de la convention en vertu de l'article 6.
La commission note que ce sont là essentiellement les arguments présentés par le gouvernement et rejetés par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1521. Elle rappelle que, si la notion de fonctionnaire public peut varier selon les différents systèmes juridiques nationaux, l'exclusion de la portée de la convention de personnes qui ne sont pas commises à l'administration de l'Etat n'est pas compatible avec les exigences de l'article 6 de la convention. En conséquence, il faut faire une distinction entre les fonctionnaires publics employés, à des titres divers, dans les ministères ou autres organismes comparables, et les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou des sociétés indépendantes de droit public.
4. La commission note également que deux réunions tripartites ont été tenues en mars et en juillet 1990 et ont examiné les modifications qui pourraient éventuellement être apportées à la législation en vigueur. Ayant jugé les résultats peu satisfaisants jusqu'à présent, le gouvernement a l'intention de reprendre ces entretiens jusqu'à ce qu'un consensus émerge, étant donné qu'il souhaite parvenir à un accord de vaste portée plutôt qu'à un accord limité. Le gouvernement réitère sa ferme intention de modifier la législation.
5. Enfin, la commission note que, si la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) considère qu'il n'est pas nécessaire de modifier la législation, la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) considère que tous les problèmes soulevés par l'OIT attendent encore une solution; la TURK-IS se plaint notamment qu'aucun progrès sérieux n'a été accompli dans les réunions tripartites.
Tenant compte de toutes les considérations ci-dessus, de ses commentaires antérieurs répétés, des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale approuvées par le Conseil d'administration, des nombreuses occasions de conseils techniques offerts au gouvernement par l'OIT, comme aussi des larges discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1986, 1987, 1988 et 1989, la commission invite instamment le gouvernement:
a) à poursuivre et à accélérer des discussions tripartites constructives sur les modifications à apporter à sa législation du travail;
b) à modifier sa législation conformément aux suggestions ci-dessus afin d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les organisations de travailleurs et d'employeurs en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi, conformément à l'article 4 de la convention.
La commission prie une fois encore le gouvernement de bien vouloir lui présenter dans un bref délai un rapport sur l'évolution de la situation.
La commission a pris note du rapport du gouvernement, des renseignements qu'il a fournis à la Commission de la Conférence en juin 1988 ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. La commission a également pris note des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas concernant la Turquie que celui-ci a examinés (260e rapport, novembre 1988), dans la mesure où elles concernent l'application de la convention et des observations communiquées par la Confédération turque des employeurs (TISK) et par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).
Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait exprimé sa préoccupation à l'égard de deux problèmes en rapport avec la législation turque sur la négociation collective, à savoir les critères numériques exigés des syndicats pour être admis à négocier une convention collective (art. 12, loi no 1822) et le mécanisme d'ajournement d'une grève et d'arbitrage obligatoire dans certains cas de figure (art. 33, loi no 2822). La commission a examiné avec intérêt les modifications apportées par les lois nos 3449 et 3451 qui améliorent la législation à certains égards. Toutefois, force lui est de constater que la situation reste inchangée en ce qui concerne les deux dispositions ci-dessus mentionnées.
Le gouvernement se dit convaincu qu'il n'existe aucun motif, juridique ou pratique, de modifier la disposition imposant le double critère numérique, en se fondant essentiellement sur les arguments suivants:
- cette exigence reflète les "conditions nationales";
- elle n'a pas fait l'objet de critiques des autres partenaires sociaux;
- elle a permis la constitution de syndicats puissants, disposant des ressources humaines et matérielles suffisantes pour bien représenter leurs membres.
Quant aux dispositions instituant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations, le gouvernement souligne, d'une part, que ce mécanisme n'a été imposé qu'une fois depuis 1983 et, d'autre part:
- qu'il s'applique seulement dans des cas exceptionnels (santé publique ou sécurité nationale compromises), et seulement si ces circonstances exceptionnelles se poursuivent;
- que la loi institue la possibilité d'un appel au tribunal d'appel administratif;
- qu'une entente reste toujours possible durant la période de suspension;
- que la composition tripartite de la Haute Cour d'arbitrage garantit le caractère équilibré de ses décisions.
La commission prend note avec regret de la position adoptée par le gouvernement et insiste auprès de lui pour qu'il modifie sa législation de façon à encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire des conventions collectives entre organisations de travailleurs et d'employeurs, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi conformément à l'article 4 de la convention.
Elle demande instamment au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures envisagées, d'une part, pour assurer aux syndicats ne réunissant pas 50 pour cent des travailleurs d'une entreprise et 10 pour cent des travailleurs d'un secteur d'activité le droit de négocier collectivement les conditions d'emploi au moins au nom de leurs propres membres et, d'autre part, pour restreindre l'application du mécanisme d'arbitrage obligatoire institué par la législation aux cas ou aux circontances où l'interruption du travail due à une grève risquerait de mettre en danger dans l'ensemble ou dans une partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne.
Par ailleurs, étant donné l'ambiguïté qui persiste à ce sujet, la commission demande au gouvernement d'indiquer si, dans le contexte de la convention, les fonctionnaires publics couverts par la convention, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, jouissent du droit de se syndiquer et de négocier librement leurs conditions d'emploi, et de communiquer dans son prochain rapport les textes législatifs et réglementaires s'y rapportant.