National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Une représentante gouvernementale, ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité, a déclaré que la soumission tardive du rapport du gouvernement a été due au fait que les ressources humaines sont limitées et à des changements administratifs au ministère du Travail, à la suite des recommandations de l’OIT, dans le cadre du projet en cours d’assistance technique sur l’administration du travail. Néanmoins, le gouvernement a pu soumettre l’ensemble des rapports demandés pour 2017 en vertu de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, le rapport demandé au titre de l’article 19, tous les questionnaires sur la préparation des questions examinées à la présente session de la Conférence, et la réponse du pays aux commentaires de la commission d’experts concernant l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui était attendue en 2018. L’oratrice a souligné que le gouvernement actuel promeut la négociation collective et favorise le dialogue social. Le ministère du Travail a donné la priorité absolue au rétablissement de deux principes essentiels de la négociation collective (le principe d’extension et le principe de faveur). Ces deux principes avaient été suspendus en 2011 par le gouvernement précédent. Le gouvernement actuel a placé les droits collectifs du travail au centre de sa stratégie de croissance afin que les travailleurs obtiennent, par le biais de négociations, une juste part de la richesse produite. Le gouvernement a participé à des négociations longues et difficiles avec ses créanciers, à savoir les institutions européennes et le Fonds monétaire international (FMI) qui étaient persuadés qu’un système coordonné de négociation collective entraverait le retour du pays à la croissance et empêcherait le taux de chômage de baisser. Finalement, la persistance du gouvernement pour rétablir le système de négociation collective a porté ses fruits, après de nombreux mois de négociations. La législation, qui entrera en vigueur en août 2018, a déjà été adoptée et rétablit les deux principes essentiels mentionnés plus haut. L’oratrice a estimé que, ce qui est encore plus important que la législation elle-même, c’est la mobilisation politique qui a eu lieu sur cette question en 2017 pendant les négociations avec les créanciers du pays pour défendre le rétablissement nécessaire du système de négociation collective. Au cours de la deuxième étape de la négociation, les questions du marché du travail ont été fermement débattues afin de traiter les questions soulevées par la commission d’experts. Le gouvernement a été appuyé par la Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération européenne des syndicats (CES), plusieurs députés du Parlement européen, le président de la Commission européenne et le BIT. La question de la négociation collective est devenue emblématique et est considérée comme étant au cœur du modèle social européen. Il est donc surprenant que, après autant d’efforts, le gouvernement ait été prié de fournir des explications au motif de la violation de la convention. Depuis huit ans, la Grèce est soumise à des programmes successifs d’ajustement économique dans le cadre d’un programme de financement par la Troïka, c’est-à-dire l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. Le pays avait signé un protocole d’accord avec ces créanciers pour obtenir un financement, lequel était conditionné notamment à la réalisation de réformes législatives, économiques et politiques spécifiques. Le programme de réforme a été appliqué de 2010 à 2014 pour réduire les coûts de la main-d’œuvre, non seulement en diminuant les salaires, mais aussi en imposant des restrictions générales aux droits relatifs au travail. Afin de parvenir à la dévaluation interne qui était requise, plusieurs mesures sévères ont alors été prises pendant cette période. Elles ont eu pour effet de démanteler les éléments essentiels du système grec de protection de l’emploi, d’où une forte dérégulation du marché du travail et du cadre législatif qui s’est traduite par des violations de la convention. Plus spécifiquement, les réformes adoptées en 2011 ont débouché sur l’abolition des principes d’extension et de faveur, et sur des restrictions à la durée et aux effets dans le temps des conventions collectives. En conséquence, la négociation collective avait cessé d’être une réalité dans le pays. La coordination des négociations collectives avait chuté; les inégalités de revenus et la proportion d’emplois faiblement rémunérés s’étaient accrues considérablement. Dans le même temps, la couverture de la négociation était passée d’environ 85 pour cent de la main-d’œuvre à moins de 30 pour cent. Les contrats individuels, sans protection de la négociation collective, touchaient la majorité de la population active. Ainsi, les salaires annuels réels avaient diminué de 18 pour cent et le travail à temps partiel avait augmenté de 28 pour cent. Néanmoins, ces politiques n’ont pas permis de contenir efficacement la hausse du taux de chômage, qui est de 27,9 pour cent dans l’ensemble de la population et d’environ 60 pour cent pour les jeunes. Le système grec de négociation collective a connu une «décentralisation désorganisée». La confiance parmi les partenaires sociaux, et entre les partenaires sociaux et l’Etat, en avait considérablement pâti. Telle était la réalité que le nouveau gouvernement a essayé de renverser, en 2015, avec un nouveau paradigme axé sur les droits sociaux. L’objectif du nouveau gouvernement était d’atténuer la grave crise humanitaire qui avait abouti à l’effondrement de la société grecque entre 2010 et 2014, et de poursuivre le redressement de l’économie en réduisant le fort taux de chômage et en donnant plus de moyens d’action à la main-d’œuvre. Les négociations susmentionnées ont de fait abouti au rétablissement des deux principes fondamentaux susmentionnés, à savoir l’extension des conventions collectives et le principe de faveur. Comme déjà indiqué, la restauration de ces principes est inscrite dans la loi depuis mai 2017 et entrera en vigueur en août 2018. Les derniers détails techniques ont été convenus récemment avec les partenaires sociaux, ce qui ne laisse aucun doute sur le fait que la négociation collective sera rétablie dans le pays en août 2018.
Passant à la question du système d’arbitrage en Grèce, l’oratrice a rappelé que l’arbitrage a toujours fait partie du cadre législatif grec pour le règlement des différends collectifs. L’article 22, paragraphe 2, de la Constitution grecque dispose que les conditions générales de travail sont déterminées par la loi, et complétées par des conventions collectives et, lorsque la négociation collective volontaire n’aboutit pas, par des sentences arbitrales. Depuis 1990, ce système est confié à une entité autonome, l’Organisation pour la médiation et l’arbitrage (OMED), qui est dirigée pleinement par les partenaires sociaux. Le gouvernement est conscient que la commission d’experts a affirmé à de nombreuses reprises que le droit de recourir unilatéralement à l’arbitrage n’est pas considéré comme compatible avec la convention. Néanmoins, les dispositions spécifiques de la Constitution grecque, ainsi que les décisions répétées des cours suprêmes grecques, ont été respectées par le gouvernement. Les cours suprêmes ont établi que les dispositions et les principes directeurs de la convention avaient été déjà mis en œuvre par les dispositions de la Constitution grecque pour la négociation volontaire et l’arbitrage, et qu’aucun problème de compatibilité ne se pose. En 2012, lorsque le gouvernement précédent a tenté d’abolir le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, l’ensemble des membres du Conseil d’Etat a invalidé en 2014 cette abolition au motif qu’elle allait à l’encontre des dispositions de la Constitution grecque. De plus, en vertu de la décision no 2307/2014, en Grèce: a) l’établissement d’un système d’arbitrage constitue une obligation constitutionnelle; b) le recours unilatéral à l’arbitrage constitue également un droit constitutionnel; et c) les sentences arbitrales doivent couvrir toutes les questions qui peuvent être négociées pendant la négociation collective et ne peuvent pas se limiter à la détermination des salaires. Conformément à ces obligations constitutionnelles, le cadre législatif en vigueur dispose que le droit de recourir de manière unilatérale à l’arbitrage n’est donné à l’une ou à l’autre partie que dans les cas suivants: i) l’autre partie refuse de participer à la procédure de médiation; ou ii) après la présentation de la proposition du médiateur. Ainsi, ce droit ne peut être exercé que lorsque toutes les possibilités de négociations libres et volontaires ont été épuisées. En outre, plusieurs autres dispositions restreignent également le rôle de l’arbitrage afin de promouvoir la négociation collective volontaire. Par exemple, un arbitrage de second degré a été établi (dans le cadre d’un recours en justice). Ce recours est examiné par une commission composée de cinq membres (deux arbitres, deux juges d’une cour suprême (du Conseil d’Etat et d’Areios Pagos) et un membre du Conseil juridique de l’Etat). De plus, les propositions des médiateurs ainsi que les sentences arbitrales doivent être pleinement justifiées et documentées. En outre, le contrôle judiciaire des sentences arbitrales a été accru et renforcé. Enfin, à la lumière des dispositions de la convention, ainsi que des dispositions de la Constitution grecque, le gouvernement a récemment entamé un dialogue tripartite sur la base d’une étude d’un expert indépendant portant sur la médiation et l’arbitrage dans la négociation collective. A la suite de ce dialogue tripartite, le ministère du Travail envisage d’introduire d’autres amendements à l’arbitrage dans le but d’élargir encore la négociation collective libre et volontaire et les négociations de bonne foi entre les parties, et de renforcer la procédure de médiation. Au moyen de ces amendements à la procédure de médiation, il est espéré que la négociation collective volontaire sera élargie encore et que l’arbitrage se limitera à jouer un rôle complémentaire, conformément aux recommandations de la commission d’experts, tout en préservant les particularités constitutionnelles de la Grèce. En conclusion, l’oratrice a souligné l’importance que le gouvernement actuel attache à la négociation collective et au dialogue social. Dans des conditions extrêmement difficiles, le gouvernement rétablit actuellement un système coordonné de négociation collective et garantit les conditions législatives nécessaires pour promouvoir le dialogue social.
Les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement ne se soit pas acquitté de son obligation de faire rapport, condition sine qua non d’un contrôle effectif de l’application des normes de l’OIT. Faisant référence à l’observation de la commission d’experts, ils ont rappelé que, compte tenu du fait que les petites entreprises sont majoritaires sur le marché du travail grec, l’abandon du principe de faveur (loi no 3845/2010), conjugué avec la possibilité pour les associations de personnes de conclure une convention collective d’entreprise, lorsque celle-ci n’a pas de syndicat (loi no 4024/2011), avait de graves effets préjudiciables pour tout le fondement de la négociation collective dans le pays. Les chiffres repris dans le rapport de la commission d’experts sont jugés assez édifiants à ce propos: sur les 409 conventions collectives conclues en 2013, 218 l’ont été par des associations de personnes, et seulement 191 par des syndicats. Or le droit à la négociation collective garanti par l’article 4 de la convention est un droit prévu pour les organisations de travailleurs, et il est évident que des associations de personnes ne sont pas des organisations de travailleurs à proprement parler. A l’occasion d’observations précédentes de la commission d’experts, le gouvernement avait expliqué qu’une association de personnes est créée indépendamment du nombre total de travailleurs et pour une durée déterminée; que trois cinquièmes des travailleurs de l’entreprise au moins sont requis pour créer une association de personnes, et que ces travailleurs sont protégés contre le licenciement antisyndical et peuvent déclencher des actions de grève. Les membres travailleurs considèrent que ces explications ne sont guère convaincantes. La recommandation (nº 91) sur les conventions collectives, 1951, prévoit certes que, en l’absence d’organisations de travailleurs, il est possible pour les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers en conformité avec la législation nationale, de conclure des conventions collectives. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires de cette recommandation que cette possibilité a été introduite afin de prendre en considération les cas des pays où les organisations syndicales n’ont pas atteint un niveau de développement suffisant et afin que les principes posés par la recommandation puissent être appliqués dans ces pays. Or la Grèce n’est certainement pas un pays où les organisations syndicales sont insuffisamment développées, et la législation nationale prévoit que, pour les travailleurs dans les PME, la représentation se fait via les syndicats sectoriels. Les membres travailleurs se sont également référés à la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, ratifiée par la Grèce, qui prévoit en son article 3, paragraphe 2, que des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants non syndicaux ne puisse servir à affaiblir la situation des organisations de travailleurs intéressées. Il en résulte trois conséquences: i) les principes et normes de l’OIT impliquent que les Etats sont tenus de promouvoir et développer la négociation collective: ii) cette négociation doit se faire à un niveau qui permette de faire participer les organisations des travailleurs; et iii) le fait de prévoir via la législation que des accords au niveau de l’entreprise peuvent déroger aux accords sectoriels et nationaux, dans un contexte où les organisations syndicales ne sont pas présentes au niveau de l’entreprise, constitue une violation des conventions et recommandations de l’OIT.
Les membres travailleurs ont en outre souligné que le Comité de la liberté syndicale avait eu l’occasion d’observer, dans des cas concernant l’Espagne et la Grèce, que «la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre des principes des conventions nos 87 et 98». Dès lors, il incombe au gouvernement de prendre les mesures appropriées afin de promouvoir de manière effective le droit à la négociation collective avec les organisations de travailleurs. S’agissant du recours à la procédure d’arbitrage obligatoire, les membres travailleurs ont estimé que la nature du système existant avait pour effet de renforcer la position des employeurs en leur permettant de ne pas participer aux procédures de résolution des différends. Aussi est-il demandé au gouvernement, dans la réponse que ce dernier va apporter à la décision du Conseil d’Etat jugeant inconstitutionnelle la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage, d’adopter une approche consistant à restaurer des mécanismes de négociation collective effectifs. Enfin, pour ce qui est de la protection contre le licenciement antisyndical soulevé dans l’observation de la commission d’experts, les membres travailleurs considèrent que cette question s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des formes de travail flexibles (flexibilité dans la prérogative de la direction d’une entreprise de mettre un terme aux contrats de travail à plein temps, imposition unilatérale d’horaires de travail réduits, durée plus longue du recours autorisé aux agences de travail temporaire, allongement de la période d’essai et de la durée maximale des contrats à durée déterminée). Toutes ces modalités ont pour conséquence de rendre les travailleurs plus vulnérables aux pratiques déloyales et aux licenciements injustifiés. Il est dès lors nécessaire que des mesures soient prises afin de veiller à ce que les travailleurs bénéficient d’une protection adéquate contre les discriminations portant atteinte à la liberté syndicale. Les membres travailleurs ont terminé leur propos en faisant observer que la question de la décentralisation de la négociation collective et celle du rôle joué par les associations de personnes ne sont pas seulement le fait du gouvernement. Il s’agit de mesures conditionnelles, de diktats, imposés à la Grèce depuis 2010 dans les négociations avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI. Il y a lieu de préciser que l’achèvement du programme d’ajustement n’implique nullement la fin des mesures conditionnelles imposées par les créanciers qui réaffirment que la Grèce restera sous stricte surveillance. Dès lors, l’examen du cas de ce pays constitue plutôt une opportunité pour les membres travailleurs de rappeler que la logique de l’austérité avec toutes ses conséquences dramatiques sur les travailleurs et les sociétés sont incompatibles avec les principes et normes fondamentales de l’OIT.
Les membres employeurs ont indiqué qu’ils partagent les préoccupations des membres travailleurs et de la commission d’experts face à l’absence de présentation de rapport du gouvernement à la commission d’experts, qui empêche cette dernière de procéder à l’examen approfondi de la question. Cela restreint la capacité de la Commission de la Conférence à examiner des informations récentes. La convention exige que des mesures appropriées aux conditions nationales soient prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire des conventions collectives entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Se référant à la décision du Conseil d’Etat sur l’inconstitutionnalité de la disposition de la loi no 4046 du 14 février 2012 qui prévoit la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, les membres employeurs ont indiqué qu’il semble que le gouvernement encourage à recourir à l’arbitrage obligatoire plutôt qu’à la négociation volontaire. La commission d’experts a pris note des questions soulevées par la Fédération grecque des entreprises et industries (SEV) et de ses préoccupations concernant l’insistance du gouvernement à maintenir des règlements permettant le recours à l’arbitrage obligatoire pour contourner la négociation collective. Les membres employeurs ont exprimé leur préoccupation face à l’absence de réponse aux questions soulevées par la SEV. Les employeurs se sont dits surpris de la déclaration du gouvernement selon laquelle l’une de ses priorités premières est de rétablir un système de négociation collective, puisqu’il indique aussi que l’arbitrage a toujours fait partie du système juridique grec, en dépit des nombreuses observations de la commission d’experts mentionnant qu’un système d’arbitrage obligatoire ne remplit pas l’obligation découlant de la convention. Le gouvernement a déclaré prendre en considération la décision du Conseil d’Etat à la lumière de la Constitution du pays. La déclaration du gouvernement semble signifier que, compte étant tenu des récents amendements, il s’est acquitté de ses obligations découlant de la convention, et que la responsabilité revient donc aux organisations de travailleurs et d’employeurs. L’arbitrage obligatoire a un effet de distorsion sur le marché du travail et pourrait affecter sensiblement les résultats des négociations. En 1978, le rapport de mission du Programme international pour l’amélioration des conditions et du milieu de travail (PIACT) concernant la Grèce indiquait que le recours systématique à l’arbitrage obligatoire a non seulement pour effet d’empêcher l’instauration d’une tradition de dialogue entre les partenaires sociaux, mais dissuade également les organisations syndicales de concevoir des politiques. La prédiction selon laquelle le recours systématique à l’arbitrage obligatoire étoufferait la négociation collective s’est avérée exacte.
Les membres employeurs ne sont pas d’accord avec les membres travailleurs lorsque ces derniers affirment que le statu quo est favorable aux employeurs du pays. Ils conviennent néanmoins que le gouvernement devrait rétablir des mécanismes efficaces de négociation collective. Les dispositions législatives qui permettent à l’une ou à l’autre partie de demander unilatéralement un arbitrage obligatoire pour régler un différend ou établir une convention collective ne sont pas de nature à promouvoir la négociation collective volontaire, et étouffent la négociation collective et sont contraires à la convention. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de veiller à ce que ni une décision d’un tribunal national ni un amendement législatif ne fasse de l’arbitrage obligatoire le processus normal pour régler les différends ou établir des conventions collectives. Ils ont demandé une fois encore au gouvernement d’examiner le système d’arbitrage existant avec les partenaires sociaux, en vue de le mettre en conformité avec les normes internationales du travail. Un véritable dialogue social fort avec les organisations de travailleurs et d’employeurs au niveau national est nécessaire pour régler les questions liées au recours à l’arbitrage obligatoire, y compris en ce qui concerne sa portée. Enfin, les membres employeurs ont demandé au gouvernement de prendre des mesures immédiates à cet égard et de présenter un rapport complet à la commission d’experts sur les mesures prises, avant sa session de 2018.
La membre travailleuse de la Grèce s’est félicitée du soutien offert par l’OIT pour contrôler l’application des normes du travail, ainsi que de son assistance technique. Le gouvernement n’ayant pas résolu les problèmes auxquels le pays est confronté en termes de ressources humaines, celui-ci ne respecte pas ses obligations concernant la soumission de rapports à l’OIT. La négociation collective, déstabilisée par des restrictions légales répétées, n’a toujours pas été rétablie et les problèmes posés par des ingérences importantes dans la négociation collective volontaire et dans le principe de l’inviolabilité des conventions collectives librement conclues, soulevés par le Comité de la liberté syndicale, n’ont pas été traités efficacement. Un certain nombre de questions sont en suspens, notamment: l’infraction réglementaire consistant à fixer le salaire minimum à des niveaux de pauvreté et à l’abaisser encore pour les jeunes travailleurs; la suppression de la Convention générale collective nationale (NGCA), en refusant le droit des partenaires sociaux qui l’ont signée à la négociation collective; l’affaiblissement de la négociation collective par secteur; la suppression des principes fondamentaux qui protègent les conditions de rémunération et de travail, tels que l’extension des conventions collectives et le principe de faveur; et le fait d’accorder à des associations de personnes non élues la capacité de conclure des accords contraignants au sein de l’entreprise. Ces mesures ont privé les partenaires sociaux du droit fondamental à la négociation collective et des moyens de progresser et de défendre leurs intérêts économiques et sociaux, ce qui provoque une baisse de la couverture conventionnelle qui est passée de 80 pour cent de la main-d’œuvre à un peu plus de 30 pour cent. En outre, des mesures successives ont balayé les garanties institutionnelles qui existaient encore, et qui offraient des règles du jeu équitables sur les marchés du travail, ce qui a eu une incidence sur les licenciements collectifs, les baisses du montant des retraites et le droit de grève. De plus, les autorités ont ignoré l’appel pressant lancé par le Comité de la liberté syndicale d’examiner, avec les partenaires sociaux, toutes les mesures contestées ainsi que leurs répercussions. Pour lutter contre l’effet néfaste que cette accumulation des mesures a sur l’exercice du droit à la négociation collective, et pour que les conventions collectives puissent être conclues, il est nécessaire de garantir la conformité sans équivoque du droit et de la pratique de la Grèce avec la convention et l’ordre constitutionnel du pays. Bien que l’adoption de l’article 5 de la loi no 4475/2017, qui restaure l’extension des conventions collectives et le principe de faveur, soit une bonne chose, le gouvernement a entrepris de rationnaliser et de codifier la législation du travail existante, ce qui implique la consolidation et le maintien de toute la législation préjudiciable adoptée depuis 2010, notamment les dispositions qui vont ouvertement à l’encontre de la convention. Pour ce qui est de la procédure d’arbitrage, le gouvernement ne se conforme pas pleinement à la décision no 2307/2014 prise par le Conseil d’Etat en séance plénière, et la nature du système existant n’est que subsidiaire. Le marché du travail est complètement déréglementé, les travailleurs souffrent de désavantages institutionnels importants, et les pratiques abusives de la part des employeurs empêchent la conclusion de conventions collectives. Par exemple, les employeurs évitent de participer ou refusent d’être désignés en tant qu’organisations d’employeurs. En 2013, la commission a demandé au gouvernement d’instaurer un modèle opérationnel de dialogue social afin de promouvoir la négociation collective, mais le dialogue social tripartite a dégénéré en une procédure fragmentée et superficielle, et tout dialogue existant ne peut être mis au crédit que des partenaires sociaux et de l’OIT. En conséquence, la commission est appelée à: réaffirmer les précédentes recommandations et conclusions des organes de contrôle de l’OIT et demander la révision tripartite des mesures susmentionnées, sur la base de l’évaluation de leurs répercussions, dans le but de rendre la législation et la pratique compatibles avec les droits inscrits dans la convention; mettre l’accent sur le fait que les institutions de négociation collective ne peuvent pas être rétablies efficacement sans abroger toutes les interventions légales qui vont à l’encontre de la convention, y compris les associations de personnes et l’article 2(7) de la loi no 3845/2010, qui réduisent le champ d’application des conventions collectives; rappeler que les autorités publiques devraient éviter toute ingérence limitant le droit à la libre négociation collective ou empêchant qu’il soit exercé légalement; et insister à nouveau sur la nécessité de rétablir le prestige et la pratique du dialogue social tripartite, en priant instamment l’Etat de respecter aussi bien l’autonomie et la représentativité des partenaires sociaux que les résultats de la négociation collective.
Le membre employeur de la Grèce a rappelé les deux thèmes principaux de la discussion: d’abord les conventions collectives d’entreprise et les associations de personnes et, ensuite, le problème de l’arbitrage obligatoire. En ce qui concerne l’habilitation des associations de personnes à représenter les travailleurs au sein d’une entreprise où il n’existe pas de syndicat, cette pratique est parfaitement conforme aux normes de l’OIT, promeut activement la négociation collective et le dialogue social et ne devrait, par conséquent, pas être modifiée. Compte tenu du contexte national particulier, la mise en place d’une réglementation spéciale permettant la création de sections syndicales dans les petites entreprises serait considérée comme une ingérence du gouvernement dans la liberté des travailleurs de s’organiser. La législation ne devrait donc pas être modifiée, qu’elle contienne ou non un principe de faveur. Les organes de contrôle de l’OIT ont estimé que le système actuel, prévoyant un recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, est contraire aux normes de l’Organisation. Le système d’arbitrage est prépondérant et essentiel dans les relations professionnelles en Grèce, mais le recours à l’arbitrage obligatoire étouffe la négociation collective et explique, dans la pratique, l’absence d’actions collectives et de développement de la négociation collective. Même si du point vue d’un employeur la quasi-élimination des actions collectives peut paraître positive, l’absence presque totale de grèves sur des questions salariales est un symptôme révélant que le système a invariablement conduit à des solutions aisées satisfaisant les travailleurs et indique une distorsion fondamentale de l’environnement de la négociation collective. Cette situation explique en partie l’inexistence presque totale de dialogue social entre les travailleurs et les employeurs ces dix dernières années. L’adoption de la loi no 4303/2014, dans la foulée de la décision du Conseil d’Etat en 2014, a rétabli l’arbitrage obligatoire, mais essentiellement dans les mêmes termes que les lois précédentes, pourtant jugées contraires à la convention par les organes de l’OIT, et le gouvernement a l’intention de poursuivre dans cette voie. Néanmoins, même au vu de cette décision, il est possible d’améliorer considérablement la situation en ajustant la portée de l’arbitrage obligatoire pour qu’elle s’approche le plus possible des normes de l’OIT. La proposition consiste à n’accepter l’arbitrage obligatoire qu’en tant que mesure ultime pour résoudre des conflits collectifs dans les cas suivants: 1) lorsque les employeurs appartiennent à l’administration de l’Etat ou lorsqu’ils fournissent des services essentiels; 2) dans les secteurs de l’économie où la résolution d’un conflit collectif s’impose, car il met en danger l’intérêt public – exception faite de l’administration de l’Etat et des services essentiels –, un conflit collectif au niveau d’une entreprise ou d’une profession ne peut pas être vu comme faisant courir un risque à l’intérêt public, et l’arbitrage obligatoire ne doit donc pas être autorisé dans les différends survenant à ces niveaux; pour les conflits aux échelles sectorielle, régionale ou nationale, il faut démontrer les risques à l’intérêt public pour déterminer s’il convient de recourir à l’arbitrage obligatoire; 3) lorsque l’une des parties refuse de mauvaise foi d’entamer des négociations; 4) lorsque les négociations ont définitivement échoué et qu’un tel échec est avéré par plusieurs conditions cumulatives (au moins une année s’est écoulée depuis l’expiration de la convention collective précédente, les procès-verbaux des négociations montrent qu’une partie refuse d’accepter les propositions réalistes de l’autre et tous les moyens de pression syndicale ont été épuisés). Le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire est donc inacceptable tant qu’une action de grève n’a pas été menée pour faire pression sur l’employeur. Même si la proposition ne permet pas de satisfaire pleinement aux normes de l’OIT, elle représente une amélioration significative et propose une mesure intermédiaire jusqu’à ce que l’occasion se présente de remédier à la situation au niveau de la Constitution ou de son interprétation. Du reste, il faut apporter des améliorations importantes au cadre actuel de l’OMED, notamment des procédures prévoyant une véritable représentativité des deux parties impliquées dans le conflit, de solides mesures de sauvegarde pour veiller à l’indépendance et aux qualifications professionnelles des arbitres et des médiateurs, des normes visant à ce que les décisions soient suffisamment étayées relativement à leur incidence économique, et l’autogestion totale de l’OMED par les partenaires sociaux en ce qui concerne son organisation administrative ou juridique, son financement et ses procédures internes d’arbitrage et de médiation. En décembre 2017, la SEV a officiellement invité la Confédération générale grecque du travail (GSEE) à discuter d’un nouveau système d’arbitrage mais, depuis, la GSEE a fait connaître son souhait de revenir au système qui existait avant la crise et d’annuler les réformes de la loi no 4303/2014 rétablissant le système d’arbitrage obligatoire, tout en y apportant quelques améliorations marginales par rapport à l’ancien système. La discussion ne s’est pas poursuivie. Quant au gouvernement, il ne manifeste aucune velléité de faire le moindre geste dans la direction indiquée, comme le montre l’absence de toute référence aux changements suggérés dans un document technique rédigé en collaboration avec les créanciers du pays, ce qui montre explicitement que le gouvernement continuera à l’avenir de mépriser la convention au même titre que la convention no 154. Pour conclure, si le gouvernement souhaite véritablement relancer la négociation collective, il est invité à commencer par prendre des mesures pour se conformer à la convention et, si les travailleurs ont la conviction que la négociation collective libre est l’un des piliers d’un dialogue social efficace, ils doivent trouver le courage de dénoncer l’arbitrage obligatoire.
La membre travailleuse du Royaume-Uni rappelle que la capacité des syndicats et des employeurs indépendants à prendre part à la négociation collective volontaire pour défendre et promouvoir l’intérêt de leurs membres est une valeur fondamentale de l’OIT. Les systèmes de négociation collective efficaces garantissent que les travailleurs et les employeurs ont une voix égale dans les négociations et que les résultats de ces négociations sont justes et équitables. Il est profondément regrettable que les réformes du droit du travail qui ont été introduites depuis 2010 à la demande des créanciers de la Grèce et de la troïka aient conduit au démantèlement du mécanisme de négociation collective et considérablement affaibli la position des travailleurs sur le marché du travail, les privant des moyens institutionnels requis pour faire face aux difficultés économiques. En 2012, le salaire minimum national – qui avait été fixé auparavant grâce à la négociation collective et avait offert un filet de sécurité aux travailleurs faiblement rémunérés – a été considérablement réduit. Le système de négociation collective a été sérieusement affaibli par le retrait de mécanismes d’extension de conventions à l’échelle des secteurs et par le fait que la prévalence est donnée aux conventions à l’échelle des entreprises. Les réformes ont aussi limité la durée et le contenu des conventions collectives, de même que leur effet sur les contrats individuels après leur expiration, tout en imposant des restrictions sévères sur le droit accordé aux parties de demander unilatéralement un arbitrage. Ces mesures ont découragé la négociation collective volontaire dans la mesure où elles permettent aux employeurs d’imposer des salaires bas et de moins bonnes conditions de travail, tout en obligeant les syndicats soit à accepter les termes imposés par les employeurs, soit à risquer des pertes de salaires encore plus importantes et une réduction de leurs droits à la négociation. En outre, il n’existe aucune garantie que les baisses de salaire acceptées au niveau d’un secteur ne soient pas encore accrues par la prolifération d’accords moins favorables à l’échelle d’une entreprise. Le démantèlement des institutions chargées de la négociation collective, la suppression de salaire qui l’accompagne et d’autres mesures d’austérité ont eu des répercussions de grande portée, notamment une augmentation dramatique du risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Par conséquent, l’oratrice appelle le gouvernement à ne pas s’immiscer dans l’autonomie collective des partenaires sociaux et à restaurer de toute urgence le mécanisme de négociation collective.
Le membre employeur de l’Espagne a estimé préoccupant, et pas seulement pour les employeurs grecs, le non-respect par un Etat membre de l’UE, depuis tant de décennies, des normes de l’OIT. La crise de ces dernières années a montré l’interconnexion entre les économies des pays européens. En période de crise, il est d’autant plus important que les partenaires sociaux aient une compréhension commune des problèmes de chaque pays. Il n’est pas possible d’obtenir des résultats sans une telle compréhension et une recherche commune de la solution. L’absence d’une culture de négociations collectives efficaces est probablement l’une des raisons du retard dans l’approbation des réformes structurelles. Le dialogue social n’est pas une création spontanée mais nécessite des conditions préalables et repose sur la construction progressive d’une confiance et d’un respect mutuels entre les partenaires sociaux engagés dans des échanges continus à travers des négociations collectives. Un véritable dialogue social profiterait à la fois à l’économie grecque et aux autres partenaires au sein de l’UE. Par ailleurs, l’arbitrage obligatoire est contraire à l’acquis communautaire. La CES réaffirme que l’abolition de l’arbitrage obligatoire ne devrait susciter aucune appréhension et mettrait la situation en conformité avec les conventions de l’OIT et la Charte sociale européenne. En conclusion, l’orateur a appuyé les propositions de la SEV et a prié le gouvernement de se conformer aux normes de l’OIT et aux normes européennes.
La membre travailleuse de l’Allemagne a indiqué que les réformes adoptées par la Grèce depuis 2010 sont contraires à la convention. Sous la pression de la troïka, le gouvernement a affaibli la validité de la convention collective générale nationale et a remplacé les négociations des partenaires sociaux sur la détermination des salaires minima par la législation. Le gouvernement a également aboli le principe de faveur et fragilisé les conventions collectives d’entreprise. Le pouvoir de négociation des syndicats indépendants a été compromis par l’autorisation donnée aux associations de personnes d’agir et de négocier en tant que représentants des travailleurs. Les effets dévastateurs de la décentralisation des négociations collectives sont indéniables. Les conventions collectives d’entreprise sont désormais la principale forme de négociation collective, représentant plus de 90 pour cent de l’ensemble des accords en 2015. Près de la moitié d’entre elles ont été négociées avec des associations de personnes. Le nombre de conventions collectives de branche est passé de 65 en 2010 à seulement 12 en 2015. Etant donné le nombre disproportionné de petites et microentreprises en Grèce, la protection assurée par une convention collective a chuté de 85 pour cent avant la crise à 10 pour cent en 2016, selon les estimations. Les réductions de salaire sont plus fortes lorsque les négociations sont menées au niveau de l’entreprise et avec des associations de personnes et non avec des syndicats représentatifs. Le dialogue poursuivi dans le cadre des conventions collectives est devenu difficile ou, dans certains cas, a totalement cessé. Si cette situation se prolonge, ce sont les droits collectifs et la participation démocratique des travailleurs qui sont menacés. Par conséquent, l’oratrice a demandé instamment au gouvernement de rétablir, dans les meilleurs délais, le cadre institutionnel de façon à ce qu’un partenariat social effectif et des négociations collectives libres soient garantis à tous les niveaux, notamment au niveau de l’entreprise et à l’échelle nationale. Qui plus est, la représentation des intérêts des travailleurs par des associations de personnes et non par des syndicats doit être interdite par la loi. L’oratrice a prié instamment les Etats membres de l’UE d’aider la Grèce à rétablir une société pacifique et à rebâtir un système de négociation collective démocratique et juste.
La membre travailleuse de la France a estimé qu’il était regrettable que les programmes d’ajustement économiques mis en œuvre en Grèce depuis un certain nombre d’années aient fait l’économie d’un dialogue social effectif, constat partagé à la fois par les travailleurs et les employeurs. En dépit des recommandations des organes de contrôle formulées à plusieurs reprises, les seuls formats de dialogue social effectif sont ceux qui impliquent la présence du BIT dans le cadre de l’assistance technique. Les accords bipartites entre travailleurs et employeurs sont tout simplement ignorés et des mesures concernant le droit du travail, et la négociation collective ont été prises en dehors de toute consultation avec les partenaires sociaux. Ces derniers ont clairement demandé de réinstaurer un dialogue social tripartite effectif dans le cadre d’un accord sur la négociation collective générale en mars 2018, demande déjà formulée dans des déclarations communes en 2015 et 2016. Alors que la Grèce a ratifié la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, les partenaires sociaux ne sont même pas conviés à travailler sur les rapports dus par la Grèce. L’oratrice a demandé la restauration du dialogue social tripartite dans un cadre structuré et dont les procédures respectent l’expérience et les connaissances des partenaires sociaux.
Le membre employeur de la France a déclaré que la question de l’arbitrage obligatoire en Grèce devait être examinée au regard des conventions nos 98 et 154, toutes deux ratifiées par la Grèce, ainsi qu’au regard de la recommandation (nº 92) sur la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951, et de la recommandation (nº 163) sur la négociation collective, 1981. Le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire est un problème persistant et contraire aux principes fondamentaux de l’OIT. En résumé, la législation grecque accorde le droit d’entrer, sans consentement de l’autre partie, dans un processus de médiation et, par la suite, dans un processus d’arbitrage, si la convention collective n’aboutit pas. La décision arbitrale est ensuite assimilée à une convention collective normalement conclue, même en l’absence de l’accord des parties, et possède la même force contraignante qu’une convention collective. L’orateur a montré qu’il existait des contradictions juridiques évidentes entre les instruments précités et la législation nationale et a souligné que le gouvernement ne répondait pas aux préoccupations exprimées par la SEV, quand elle affirme que le recours à l’arbitrage obligatoire unilatéral vient étouffer la négociation collective. Il est temps que le gouvernement prenne des mesures en vue d’assurer la mise en conformité de la législation avec les conventions de l’OIT, l’histoire ayant prouvé que le système d’arbitrage obligatoire, par sa nature même, minait la négociation collective, principe fondamental du dialogue social.
Le membre travailleur du Portugal, s’exprimant aussi au nom de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CCOO) et de l’Union générale des travailleurs d’Espagne (UGT), a déclaré que la restructuration du marché du travail explicitement imposée par les créanciers de la Grèce va à l’encontre des conventions fondamentales de l’OIT et prive les travailleurs de moyens institutionnels pour se défendre et conduire des négociations collectives. Associé à une économie informelle importante, le démantèlement de la négociation collective a amplifié l’impact cumulé négatif sur l’emploi, exacerbé des inégalités qui existaient déjà et gravement compromis le droit au travail. D’après les statistiques sur le taux de chômage dans le pays, celui-ci reste le plus élevé dans l’UE, malgré une baisse récente. Le chômage est souvent de longue durée et touche plus d’un million de personnes, en particulier les jeunes, ce qui montre qu’il présente de plus en plus des caractéristiques structurelles. En outre, alors que les emplois à temps plein accusent une baisse, on constate que le nombre de travailleurs à temps partiel et d’emplois à rotation de postes – ce que l’on appelle les formes flexibles de travail – sont en hausse, alors même que ces emplois précaires ne peuvent pas contribuer à une progression durable de l’emploi. La perturbation des relations professionnelles a de fait conduit à une dégradation de la protection fondamentale de l’emploi et à une hausse alarmante du nombre de conventions collectives négociées au niveau des entreprises.
La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom de la CSE, a déclaré que l’état de droit peut être respecté seulement si les Etats membres se conforment aux normes juridiques internationales, même dans des situations économiques difficiles. Le cas en l’espèce concerne les droits de l’homme. Le système de négociation collective en Grèce a été radicalement restreint et démantelé, ce qui a ouvert la voie à des violations. Les syndicats grecs ont entrepris diverses actions juridiques pour rétablir le système de relations professionnelles et le droit à la négociation collective, ainsi que pour garantir et appliquer les accords. En conséquence, depuis 2011, des juridictions nationales, des organes de contrôle internationaux et des procédures spéciales ont identifié des violations des normes internationales des droits de l’homme, dont des droits relatifs au travail et à la sécurité sociale. Ces organismes ont exprimé de profondes préoccupations concernant l’impact des mesures d’austérité et ont regretté profondément que leurs recommandations n’aient pas été suivies. Aucun progrès n’a été réalisé pour faire en sorte que les droits garantis dans la convention soient respectés dans la pratique. On citera par exemple la décision d’établir par voie légale le salaire minimum sans consulter les partenaires sociaux et d’accepter que des accords d’entreprises soient conclus avec des associations de personnes ne présentant aucune garantie en matière d’élections et de représentativité. La CSE a critiqué les mesures d’austérité et assuré la GSEE de sa solidarité et de son soutien, en demandant au gouvernement de poursuivre un dialogue plein et franc avec la confédération. Il faut garantir et respecter les droits de l’homme. En conclusion, le gouvernement est instamment prié de prendre les mesures nécessaires pour respecter la convention, notamment en modifiant sa législation.
Un observateur représentant l’Internationale des services publics (ISP) et l’Internationale de l’éducation (IE) a dit regretter une fois encore que le gouvernement n’ait pas remis son rapport à la commission d’experts, se soustrayant ainsi aux obligations qui lui incombent au titre de la Constitution et des conventions de l’OIT. Cela empêche une discussion honnête sur le secteur public où la mise en application des mémorandums de 2010 a des conséquences dévastatrices. En Grèce, il n’existe pas de conventions collectives dans le secteur public, y compris dans le système d’enseignement. Il faut se rappeler qu’en Grèce plus de 95 pour cent des écoles sont des écoles publiques et que les salaires et les droits au travail des enseignants sont réglementés par le ministère des Finances et le ministère du Travail. Tous les fonctionnaires sont soumis aux mêmes règles, quel que soit le secteur. Toutes les conventions collectives ont été abrogées depuis l’entrée en vigueur des mémorandums de 2010 et elles ont été remplacées par des contrats de travail individuels. Quoi qu’il en soit, avant l’entrée en vigueur des mémorandums, déjà, les hausses de salaires de l’ensemble des fonctionnaires étaient décidées de manière unilatérale par l’Etat en l’absence de toute consultation. S’agissant des enseignants, d’autres augmentations étaient accordées à la suite de grèves et de mobilisations à grande échelle. Or pendant la dernière grève, le ministère de l’Education a publié des arrêtés de mobilisation des enseignants, les privant de facto de leur droit de grève; une décision qui a par la suite été avalisée par les tribunaux. Il n’y a plus de dialogue social. A titre d’exemple, alors que la Fédération des enseignants du secondaire (OLME) siège au Conseil national de l’éducation et doit être invitée à la Commission de l’éducation du Parlement pour être consultée sur tout nouveau texte de loi qui est déposé, l’Etat n’est pas tenu de tenir compte de ses avis. En quarante-quatre ans d’action syndicale, une certaine forme de dialogue s’était instaurée entre le syndicat et l’unique employeur des enseignants de l’école publique en Grèce, le ministère de l’Education. On ne peut toutefois pas parler de «dialogue social» au sens propre du terme parce qu’il ne débouche pas sur un accord entre les parties. Un véritable dialogue social doit être authentique, crédible et efficace.
La représentante gouvernementale a réitéré que les principes d’extension des conventions collectives et de faveur, qui sont suspendus respectivement depuis 2010 et 2011, seront rétablis en août 2018, après la sortie du programme d’ajustement économique. En outre, il n’est pas exact de dire que le contrôle serait strict après avoir quitté ce programme; au contraire, cela serait uniquement limité à la réalisation des objectifs budgétaires. Le gouvernement actuel estime que ces deux principes sont extrêmement importants pour le fonctionnement d’un système de négociation collective stable, efficace et coordonné, raison pour laquelle il tient à leur restauration. Ces principes évitent le déséquilibre des pouvoirs entre les parties, favorisent le dialogue social et incitent les parties à s’y engager; ils uniformisent les règles et les rendent équitables, réduisent l’inégalité des revenus et permettent une répartition équitable du revenu national. En plus du rétablissement des principes de la négociation collective, une augmentation du salaire minimum est en cours. En outre, des structures de négociation collective coordonnées induisent divers avantages en termes économiques et en termes d’efficacité: réduction des coûts de transaction, plus grande productivité, réduction du chômage et paix sociale. En effet, le rétablissement d’un système de libre négociation organisé et pleinement opérationnel a toujours été et reste au cœur de la stratégie de croissance globale que le gouvernement a élaborée et présentée à l’Eurogroupe le mois dernier. La stratégie repose sur un modèle de croissance socialement équitable et durable, où les droits sociaux sont des conditions préalables et non des goulets d’étranglement pour la croissance économique. A cet effet, elle a rappelé le soutien qu’avait reçu le gouvernement suite aux efforts déployés. Notamment: a) une déclaration conjointe du président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, et du Premier ministre grec en mai 2015; b) un communiqué de presse, des déclarations et des lettres adressés au président de la Commission européenne de la part de nombreux membres du Parlement européen en décembre 2016; c) une déclaration de la CES de 2016; et d) un communiqué de presse conjoint de la CES et de la CSI en 2017, alors que la GSEE est restée silencieuse.
En ce qui concerne le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, le gouvernement envisage d’apporter d’autres modifications à l’arbitrage en vue d’améliorer les négociations libres et de bonne foi entre les parties. Les modifications sont les suivantes: 1) le médiateur pourra s’abstenir de toute proposition, bloquant ainsi temporairement la voie vers l’arbitrage, s’il est raisonnablement convaincu qu’il reste une chance de négociation de bonne foi entre les parties; dans un tel cas, les parties retourneront à des négociations directes; 2) le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire ne sera autorisé que: i) pour la partie qui aura opté pour la médiation, l’autre partie ayant refusé d’y participer; ou ii) pour la partie ayant accepté la proposition du médiateur, quand l’autre partie l’a rejetée. La première condition pénalise la partie qui aurait fait preuve de mauvaise foi en refusant de participer au processus de médiation, tandis que la seconde garantit que le droit de recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire sera accordé uniquement à la partie qui aurait fait preuve de bonne foi et d’un comportement consensuel en acceptant la proposition finale du médiateur. L’oratrice a exprimé des doutes quant à l’argument des membres employeurs selon lequel l’arbitrage porterait atteinte à la négociation collective, et souligné que les données statistiques prouvent que la médiation et l’arbitrage ont un rôle complémentaire dans la négociation collective. Les sentences arbitrales ne représentent en général qu’une petite partie de l’ensemble des conventions collectives. En effet, au cours des vingt-huit dernières années, le taux moyen des décisions arbitrales était de 12 pour cent. Depuis 2014, seulement 7,7 pour cent des conflits collectifs ont conduit à la médiation et seulement 2,3 pour cent d’entre eux ont été résolus par une décision arbitrale. Enfin, plus de 55 pour cent des cas ayant abouti à la médiation et à l’arbitrage ont été résolus sur la base d’un consensus entre les parties, sans nécessité de recours à l’arbitrage. L’oratrice a également rappelé que les amendements à la procédure d’arbitrage ont été décidés à la suite d’un dialogue tripartite approfondi, avec la participation de la SEV. Quelques-unes des propositions soumises par cette dernière ont été prises en compte, tandis que la plupart des autres propositions ont été jugées contraires à la fois à la Constitution de la Grèce et à la décision du Conseil d’Etat mentionnée plus haut. Le gouvernement essaye toutefois de limiter l’étendue du recours unilatéral à l’arbitrage. L’oratrice a conclu que les éléments antérieurs illustrent l’objectif, la stratégie et les priorités du gouvernement visant à renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs, à accroître leurs revenus et à poser ainsi les conditions préalables à une croissance socialement équitable et inclusive. Il est important que ces conditions préalables soient définies, au moment où l’économie grecque entre dans une phase de forte reprise. La récession est passée et le pays est revenu à des taux de croissance positifs. Le gouvernement a pris toutes les mesures visant à ce que le nouveau modèle de croissance devienne une réalité. Il appartient désormais aux partenaires sociaux d’utiliser en toute bonne foi les outils qui leur sont donnés et de négocier des conventions collectives favorisant la paix sociale et la promotion de la justice sociale.
Les membres employeurs ont rappelé que plusieurs intervenants ont souligné l’absence de dialogue social au niveau national. L’intervention du gouvernement laisse craindre qu’il se montre réticent à adopter des mesures permettant de respecter pleinement la convention en ce qui concerne la question de l’arbitrage obligatoire. Il demeure préoccupant que le gouvernement n’ait pas soumis à la commission d’experts un rapport sur l’application de la convention. Si des informations statistiques ont été fournies à la Commission de la Conférence, il est nécessaire que les informations soient soumises à la commission d’experts. Quant à l’obligation au titre de l’article 4 de la convention d’encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, il est précisé que le recours à l’arbitrage obligatoire dans le système grec ne favorise pas la négociation volontaire, et que la commission d’experts a déclaré à plusieurs reprises que les obligations de la convention ne sont pas compatibles avec le recours régulier et répété à l’arbitrage obligatoire. Les membres employeurs estiment que l’arbitrage obligatoire n’est pas conforme à l’article 4 de la convention, et que les lois et la pratique en vigueur en Grèce ne semblent pas justifiées par une quelconque exception acceptable. Par conséquent, le gouvernement doit introduire des changements qui interdisent le recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, conformément aux prescriptions de la convention. La référence par le gouvernement à la décision du Conseil d’Etat sur les obligations constitutionnelles ne suffit pas à répondre à cette question. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de rétablir sans tarder l’interdiction du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire, lui demandant d’informer la commission d’experts des mesures prises à cet égard et de se prévaloir de l’assistance technique du BIT afin de se mettre en conformité avec la convention.
Les membres travailleurs ont souhaité lever le malentendu concernant le recours à l’arbitrage obligatoire. Ils n’ont pas soutenu que celui-ci était favorable aux employeurs; en revanche, c’est le contexte et la situation générale dans laquelle se trouve le marché du travail grec qui leur sont favorables. Il ressort des discussions au sein de la commission que l’arbitrage obligatoire prévu en Grèce vise à pallier les insuffisances des mécanismes de négociation collective. Les membres travailleurs ont ensuite réitéré qu’un pays comme la Grèce, dont le marché du travail est composé essentiellement de petites entreprises et qui décide de confier la négociation collective à des associations de personnes, ne garantit pas ce droit de manière effective. Si la convention ne s’oppose pas à ce qu’une négociation puisse se mener à des niveaux différents, le choix du niveau de la négociation doit être laissé aux parties, et les autorités ne peuvent fixer de manière unilatérale et générale que les accords conclus au niveau inférieur peuvent déroger aux accords supérieurs. C’est aux parties elles-mêmes qu’il revient de décider s’il y a lieu ou non de permettre à des accords sectoriels ou d’entreprise de déroger aux accords généraux. Cette décision est donc elle-même soumise à la négociation collective. Au moment de répondre à la décision du Conseil d’Etat concernant l’arbitrage obligatoire, il appartient au gouvernement d’adopter une approche globale passant par la réinstauration des mécanismes de négociation collective effectifs. Il lui appartient également de veiller à prendre les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale. Ce point revêt une importance particulière eu égard à la situation de l’emploi en Grèce et à la multiplication des formes flexibles de travail. La commission se doit de réaffirmer les recommandations et conclusions antérieures des organes de contrôle de l’OIT et de demander la révision sans retard des mesures susmentionnées dans le cadre d’un examen tripartite fondé sur leur analyse d’impact, en vue de rendre le système législatif et la pratique compatibles avec les droits consacrés par la convention. Il importe enfin de réaffirmer que les pouvoirs publics devraient s’abstenir de toute ingérence qui restreindrait le droit à la libre négociation collective ou entraverait son exercice légal et de rétablir d’urgence le statut et la pratique du dialogue social tripartite, afin de montrer que l’Etat respecte l’autonomie collective, la représentativité et les résultats de la négociation collective.
Conclusions
La commission a pris note des déclarations orales de la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi.
La commission s’est dite préoccupée par la déclaration du gouvernement sur le système d’arbitrage obligatoire et par la décision du Conseil d’Etat aux termes de laquelle la disposition de la loi no 4046 qui prévoyait la suppression du recours unilatéral à l’arbitrage obligatoire a été déclarée inconstitutionnelle.
La commission s’est également dite préoccupée par le fait que le gouvernement n’a pas communiqué en temps voulu de rapport à la commission d’experts pour sa dernière session, en novembre 2017.
Prenant en compte les éléments fournis par le gouvernement et la discussion qui a suivi, la commission a prié instamment le gouvernement de:
Prenant en compte que le gouvernement n’a pas satisfait à ses obligations de faire rapport en 2017, la commission l’a prié instamment de respecter à l’avenir ses obligations de faire rapport à la commission d’experts.
Une représentante gouvernementale s’est félicitée du fait que la commission d’experts reconnaisse la gravité et le caractère exceptionnel de la situation que connaît la Grèce. Son gouvernement s’est aussi félicité de la reconnaissance par le Comité de la liberté syndicale des conditions exceptionnelles et particulièrement difficiles qu’a entraînées la crise financière en Grèce, ainsi que des efforts constants déployés par toutes les parties, le gouvernement et les partenaires sociaux pour les surmonter. En juin 2011, cette commission a débattu de ce cas et a recommandé, dans ses conclusions, qu’une mission de haut niveau de l’OIT visite la Grèce, afin d’étudier la complexité des problèmes soulevés. Le gouvernement a rappelé que le plan de sauvetage de l’économie grecque prévoit l’application de mesures qui renforceront la flexibilité du marché du travail, tout en garantissant la protection des travailleurs et la compétitivité de l’économie grecque. Des mesures ont été prises pour restructurer le système de négociation collective libre, en conformité avec les principes énoncés dans la convention. Ces mesures ont réformé le système de négociation collective en décentralisant l’application des conventions collectives et en mettant l’accent sur l’ajustement des salaires au niveau des entreprises en fonction du potentiel économique de ces dernières. En outre, les salaires minima légaux complètent le système de fixation des salaires, en comblant les lacunes existant entre les conventions collectives, dans la mesure où leur prolongation légale a été suspendue depuis novembre 2011 en vertu de la loi no 4024/2011, et où le principe garantissant le traitement le plus favorable en cas de conflit entre les conventions collectives de différents niveaux a également été suspendu. Ces réformes figurent dans les protocoles actualisés qui accompagnent les plans d’ajustements économiques révisés des accords de prêt internationaux, conclus entre le gouvernement grec et la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne (BCE) et Fonds monétaire international (FMI)). Toutefois, bien que certaines dispositions des protocoles prévoient un dialogue social sur toutes les questions liées aux réformes du marché du travail, les circonstances politiques et les délais fixés ont freiné le processus de dialogue.
Compte tenu de ce qui précède, et particulièrement des commentaires de la commission d’experts concernant le développement d’une vision globale des relations professionnelles, le ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Protection sociale a entamé, depuis juillet 2012, une nouvelle série de consultations avec les représentants des partenaires sociaux, convaincu que le dialogue social contribuerait, d’une part, à rétablir l’équilibre sur le marché du travail et, d’autre part, à renforcer son efficience et son bon fonctionnement. Concernant l’importance d’un espace de dialogue social et du rôle des partenaires sociaux dans l’examen des mesures déjà prises, il y a lieu de signaler en ce qui concerne la fixation du salaire minimum, qu’en vertu de la loi no 4093/2012 un nouveau système a été mis en place en décembre 2012 pour fixer le salaire minimum légal. La loi prévoit que, conformément au décret du Conseil des ministres, le salaire minimum légal sera défini en tenant compte de la situation et des perspectives de l’économie et du marché du travail (en ce qui concerne en particulier les taux d’emploi et de chômage). Des consultations entre le gouvernement et les représentants des partenaires sociaux, d’instituts scientifiques spécialisés et de recherche, et d’autres entités auront lieu à cette occasion. La loi no 4093/2012 a fixé les salaires minima journaliers et mensuels tels que prévus par le décret no 6/2012 du Cabinet ministériel. Le salaire minimum constitue un filet de sécurité pour tous les travailleurs du pays et, par conséquent, toutes les conventions collectives, y compris la convention collective générale nationale, peuvent établir des salaires plus élevés que les salaires minima légaux. La convention collective générale nationale reste la pierre angulaire du système de négociation collective puisque ses clauses autres que salariales sont appliquées d’une manière générale. En revanche, ses clauses salariales ne s’appliquent qu’aux travailleurs dont les employeurs sont représentés par des organisations d’employeurs signataires. Le 14 mai 2013, une nouvelle convention collective générale nationale a été conclue, ce qui montre que les parties signataires veulent toutes renforcer le dialogue social bipartite. En outre, depuis juillet 2012, une négociation collective a été menée à bien au niveau sectoriel et a débouché sur la conclusion de conventions collectives dans d’importants secteurs de l’économie grecque – tourisme, commerce, services privés de santé, secteur bancaire. En ce qui concerne la négociation collective au niveau de l’entreprise, 976 conventions collectives ont été signées en 2012, contre 179 en 2011, par des syndicats ou par des associations de personnes. L’association de personnes fait entendre collectivement la voix des travailleurs au niveau de l’entreprise et, en vertu de la loi no 1264/1982, est considérée comme un syndicat. Par ailleurs, la loi no 4024/2011 permet d’établir une association de personnes dans les entreprises occupant moins de 20 personnes. Ces associations permettent d’assurer un taux de syndicalisation important étant donné que le taux de participation à une association de personnes dans une entreprise doit être de trois travailleurs sur cinq et qu’elles n’acquièrent le droit de signer une convention collective que si aucun syndicat n’est en place dans l’entreprise. Pour pouvoir établir un syndicat, il faut aux moins 20 membres et le syndicat est annulé lorsqu’il compte moins de dix membres. Ainsi, il ressort de ces éclaircissements que les réformes sont conformes aux dispositions de la convention qui, tout en établissant la droit à la liberté syndicale et la négociation collective, n’impose pas un système spécifique et n’interdit pas la réforme du système national dès lors que les fondements de ces droits sont respectés. A propos du financement de l’Organisation pour la médiation et l’arbitrage (OMED), le Fonds spécial pour la mise en œuvre des politiques sociales (ELEKP) a été créé en 2013 en vertu de la loi no 4144. Il revient à l’Organisation de l’emploi de la main-d’œuvre (OAED) de l’administrer, laquelle a assumé les responsabilités du Fonds social des travailleurs (OEE), y compris le financement de l’OMED.
Le rapport de la mission de haut niveau de l’OIT a fourni des informations très utiles sur les positions communes du gouvernement, des partenaires sociaux et des organismes internationaux qui interviennent dans l’accord sur le prêt international, à savoir la troïka. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement accueille favorablement la coopération avec le BIT. Son gouvernement attend avec impatience le séminaire national qui, dans le cadre de l’initiative «Promouvoir une reprise équilibrée et participative pour sortir de la crise en Europe au moyen de bonnes relations professionnelles et du dialogue social», sera organisé avec l’OIT et la Commission européenne en Grèce à la fin juin 2013. Le gouvernement a exprimé l’espoir que le séminaire permettrait de reprendre le dialogue social afin de mettre en œuvre des politiques pour augmenter la croissance économique, lutter contre le chômage et préserver le niveau de vie des travailleurs.
Les membres employeurs ont fait observer que ce cas soulève un grand nombre de questions concernant la récente crise financière et économique que connaît le pays et qu’il est important de se consacrer uniquement aux questions ayant trait à l’application de la convention par le gouvernement. Le Comité de la liberté syndicale a récemment examiné des allégations en grande partie similaires concernant l’application de la convention par le gouvernement. Même s’il ne convient pas toujours de se référer aux conclusions du Comité de la liberté syndicale étant donné le mandat spécifique qui lui est assigné, le contexte du cas qu’il a examiné est similaire à celui de cette discussion. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a qualifié la situation du pays comme étant grave et exceptionnelle et a préconisé dans ses conclusions la promotion et le renforcement du dialogue social, tout comme l’avait fait la commission d’experts. De même, lorsque la Commission de la Conférence a examiné ce cas à sa session de 2011, elle a aussi conclu que le gouvernement devait redoubler d’efforts pour engager un dialogue social. En outre, la convention admet la mise en œuvre de mesures d’urgence, sous réserve du respect de certaines sauvegardes. Les articles 3 et 4 de la convention prévoient expressément de prendre des mesures adaptées aux conditions qui règnent dans le pays. Ceci est particulièrement justifié dans ce contexte, étant donné que le pays est criblé de dettes et dévasté par une crise financière et économique.
Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas pose la question de la pertinence des politiques d’austérité menées dans le cadre de l’Union européenne, et particulièrement de la zone euro. Selon le gouvernement lui-même, les mesures très dures qui ont été prises ont été pratiquement dictées par la troïka en échange des facilités de prêt dont le pays avait un urgent besoin. Le rapport de la mission de haut niveau de l’OIT donne largement raison au gouvernement. Néanmoins, le gouvernement reste responsable en dernier ressort des politiques qu’il met en œuvre. Les conclusions de la neuvième Réunion régionale européenne qui s’est tenue à Oslo en 2013 réaffirment la volonté des mandants tripartites de sortir de la crise dans les meilleures conditions. Dans ce cas est démontré le besoin d’accroître la cohérence des politiques avec les organisations et institutions internationales et régionales sur les questions macroéconomiques, de marché du travail, d’emploi et de protection sociale, comme le souligne la Déclaration d’Oslo de 2013. Les membres travailleurs se sont associés à la demande de la commission d’experts visant la création d’un espace dans lequel les partenaires sociaux seront en mesure de participer pleinement à la définition d’éventuelles modifications ultérieures dans le cadre des accords avec la troïka, touchant des aspects qui constituent le cœur même des relations professionnelles, du dialogue social et de la paix sociale. Des consultations doivent en effet être menées entre le gouvernement et les partenaires sociaux en vue de permettre une reprise riche en emplois, dans les domaines de la protection des salaires et leur pouvoir d’achat; la formulation et la mise en œuvre des mesures de politique du marché du travail; les moyens d’aborder les problèmes d’inégalité de rémunération, y compris la négociation collective; l’avenir de la sécurité sociale; la réforme du système d’administration du travail; et la négociation collective dans la fonction publique. Les membres travailleurs se sont faits l’écho des préoccupations exprimées par la commission d’experts au sujet de mesures prises dans le cadre d’une loi du 12 février 2012 approuvant le plan lié à l’octroi de crédits dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité financière. Cette législation aggrave la situation en imposant soit l’annulation, soit la renégociation des conventions collectives de travail, qui avaient été entre-temps transformées en conventions de durée indéterminée. Elle permet notamment que des conventions collectives soient conclues, du côté des travailleurs, non par des organisations syndicales représentatives, mais par des «associations de personnes» qui n’offrent pas les garanties suffisantes d’indépendance afférentes aux représentants des travailleurs. Enfin, le gouvernement a imposé unilatéralement diverses mesures de flexibilité, qui permettent aux employeurs de disposer de larges possibilités de modifier unilatéralement des conditions essentielles du contrat de travail. Exprimant leur grande inquiétude pour les travailleurs grecs, les membres travailleurs se sont associés à la mission de haut niveau qui, dans son rapport, a affirmé que l’OIT devrait être capable d’assister les partenaires sociaux dans la discussion d’un modèle de dialogue social et de négociation collective leur permettant de préserver leur rôle notamment dans la négociation collective au niveau sectoriel.
La membre travailleuse de la Grèce a considéré que le dialogue social et la négociation collective ont servi de levier dans le processus de négociation du mécanisme de prêt; l’unilatéralisme autoritaire s’est substitué au tripartisme démocratique, dépouillant ainsi les partenaires sociaux de leur rôle. En février 2012, les partenaires sociaux grecs ont participé à des pourparlers sur un vaste programme prévoyant notamment un gel du salaire minimum national sur deux ou trois ans. Ils ont accepté de renégocier un accord censé expirer au bout d’un an. Toutefois, le cycle de négociation collective n’a jamais abouti: sous la pression de la troïka, le gouvernement a décidé unilatéralement, par voie législative, une diminution du salaire minimum national de 22 pour cent, malgré sa promesse de se conformer aux résultats du dialogue social, et faisant ainsi passer les salaires sous le niveau de subsistance. Par cette ingérence, le gouvernement a porté un coup fatal aux institutions du travail. En outre, le gouvernement a virtuellement aboli les acquis de la négociation collective repris dans la convention collective générale nationale; il a supprimé les normes minimales de travail qui résultaient d’accords conjoints; il a fait passer des catégories entières de travailleurs sous le seuil de pauvreté en intégrant les cotisations de sécurité sociale et les impôts dans le salaire brut; et il a automatiquement réduit les prestations sociales qui sont directement liées au salaire minimum. Depuis 2010, on assiste à une désintégration progressive d’un système de relations professionnelles qui, pourtant, fonctionnait bien. Le FMI et la Commission européenne ont qualifié les interventions du gouvernement visant à réduire le champ de la négociation collective et l’influence des syndicats sur la détermination des salaires de politiques «favorables à l’emploi», mais cette qualification fausse: un chômage galopant, la pauvreté, une récession interminable, des entreprises en faillite, des ménages insolvables et une absence d’investissement dans l’économie confirment leur échec total; un échec que le FMI lui-même a récemment reconnu.
Citant la commission d’experts, l’oratrice a souligné que l’affaiblissement de la négociation collective a été préjudiciable à la reprise parce que la négociation collective est un élément essentiel des processus constructifs qui mettent les réponses à la crise en phase avec l’économie réelle et parce que le dialogue social est vital en situation de crise. En outre, les travailleurs sont doublement désarmés: à la perte de leur influence économique s’ajoute un recul grave de leur capacité institutionnelle à survivre dans un marché du travail de plus en plus hostile. Un dialogue social intense, franc, constructif et productif est une nécessité parce qu’il constitue la clé d’une vision d’ensemble des relations du travail. Cette vision d’ensemble repose notamment sur la convention collective générale nationale et sur le principe d’une parfaite conformité du mécanisme de fixation des salaires aux normes internationales du travail, c’est-à-dire un mécanisme régi par la négociation collective. Considérant les recommandations formulées à diverses occasions par l’OIT, l’oratrice a considéré qu’une intervention directe dans des mécanismes légitimes de détermination des salaires constitue une violation des fondements de la convention. L’impact de cette situation sur le processus de négociation collective est très préoccupant, et il conviendrait que la commission envoie un message ferme quant à l’impérieuse nécessité de respecter les droits au travail en tant que droits humains fondamentaux à l’occasion de la mise en œuvre de mesures et stratégies budgétaires et sociales. Pour conclure, il faut souligner que l’argument qui veut que le dialogue social soit un luxe inabordable en temps de crise et que l’intervention de l’Etats seul soit préférable est dénué de sens et politiquement dangereux en ce qu’il ne tient pas compte de la valeur ajoutée que représente le dialogue social, tant sur le plan politique qu’économique, pour le fonctionnement d’un système et pour la cohésion sociale. Le dialogue social n’est pas une discussion oisive entre parties adverses mais bien un processus politique et social fondamental qui, s’il est détruit, laisse la place aux errements d’une prise de décisions non démocratique.
Le membre employeur de la Grèce a déclaré que, dans le rapport de la commission d’experts, cinq points de possible non-conformité entre la législation nationale et la convention pourraient être identifiés. Sur les deux premiers points, la commission a indiqué qu’il n’y avait pas eu de violation de la convention, considérant que l’imposition légale d’une durée maximum de trois ans pour les conventions collectives n’est pas contraire à la convention à condition que les parties disposent de la liberté de s’accorder sur une durée différente. Il en est de même pour la suppression du recours unilatéral à la procédure d’arbitrage obligatoire opérée par la loi no 4046 de 2012 et l’acte no 6 du 28 février 2012 du Conseil des ministres. Or, actuellement, le recours à l’arbitrage se fait exclusivement avec le consentement de toutes les parties intéressées. Par ailleurs, le Comité de la liberté syndicale a adopté la même position en ce qui concerne la suppression de l’arbitrage obligatoire. Ainsi, la législation s’avère conforme aux dispositions de l’article 6 de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, et à la recommandation n o 92 et à la recommandation no 163. La question la plus épineuse concerne le troisième point relatif aux interventions de la part du législateur sur le contenu de la convention collective générale nationale qui jouait, en fait, le rôle d’une convention collective interprofessionnelle. Cette convention collective a déterminé pendant des décennies les salaires et autres conditions minimales de travail applicables à tous les employeurs et à tous les travailleurs indépendamment de leur affiliation syndicale. Or, la nouvelle loi a entraîné une baisse importante des salaires minima fixés par la convention collective interprofessionnelle de 2010. Elle a également suspendu les augmentations de salaires de même que le versement des primes d’ancienneté prévues dans les conventions collectives à tous les niveaux. Enfin, elle précise que les niveaux des salaires et de toutes les autres formes de rémunération du travail prévues dans une convention collective interprofessionnelle ne seront obligatoires que pour les employeurs affiliés aux organisations signataires. S’agissant des autres questions (par exemple, les jours de congés payés supplémentaires), la convention collective interprofessionnelle s’imposera à tous les employeurs et travailleurs du pays. Les salaires minima seront désormais déterminés par voie administrative, après consultation, entre autres, des partenaires sociaux. Dans ce contexte, la réduction légale des salaires minima fixés dans la convention collective interprofessionnelle va sûrement à l’encontre de l’article 4 de la convention, de même que la suspension des clauses relatives aux augmentations salariales sur la base de l’ancienneté. Il n’en est toutefois pas de même pour la future fixation des salaires par voie administrative à laquelle la convention ne s’oppose pas. Il est à noter que toutes les ingérences dans le contenu des conventions collectives, justifiées ou non par la gravité et le caractère exceptionnel de la crise économique du pays, concernent les conventions collectives en vigueur au moment de la publication des lois respectives. Actuellement, les parties contractantes ne sont soumises à aucune restriction quant au contenu des conventions collectives. Toutefois, en l’absence actuelle d’une convention collective générale nationale, il incombe aux parties signataires de trouver les moyens de sortir de l’impasse. L’orateur s’est référé à la définition des termes «convention collective» dans la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, et a indiqué que, pour faciliter la conclusion d’une convention collective dans une entreprise dépourvue de syndicat d’entreprise, la loi no 4024/2011 permet que les travailleurs soient représentés à cet effet par une «association de personnes». L’association de personnes figure en effet parmi les organisations syndicales de 1er degré reconnues depuis 1982 par la loi syndicale fondamentale. Elle a toujours bénéficié du droit de grève, sans que cela ait été remis en cause. La reconnaissance de l’association de personnes comme interlocuteur social constitue en réalité une évolution logique, voire nécessaire puisque celle-ci ne constitue qu’une forme d’organisation syndicale à caractère purement supplétif. Cette association doit toutefois réunir au moins 60 pour cent du personnel de l’entreprise, alors que le syndicat d’entreprise est habilité à conclure une convention collective indépendamment du nombre de ses membres. Le dernier point concerne la relation entre convention collective d’entreprise et convention collective de branche. Précédemment, lorsqu’il y avait conflit entre ces deux types de conventions collectives, la convention la plus favorable au salarié l’emportait. De nos jours, la convention collective d’entreprise, même la moins avantageuse pour les salariés, prime toujours sur la convention collective de branche. Le principe garantissant le traitement le plus favorable a été remplacé par le principe de spécialité dans la mesure où, désormais, c’est la convention qui se trouve être la plus proche de la relation de travail à réglementer qui s’applique. Etant donné qu’il ne semble pas exister de règle internationale établissant une hiérarchie parmi les différents niveaux de conventions collectives, cette réforme législative permettra aux entreprises d’ajuster leur masse salariale à leur propre situation économique, de manière à préserver des emplois.
En conclusion, l’orateur a reconnu que les négociations collectives traversent actuellement une étape difficile, et que le changement du contexte légal a provoqué un certain désarroi dans les relations collectives de travail. Ainsi, les problèmes qui se posent ne sont pas d’ordre juridique, mais plutôt de nature politique et économique. Enfin, l’orateur a indiqué que la Fédération grecque des entreprises et industries (SEV), en tant qu’organisation d’employeurs la plus représentative, a exprimé à plusieurs reprises son attachement au dialogue social et à la négociation collective. La SEV est prête à participer, avec la Confédération des travailleurs et le gouvernement, à toute plate-forme commune de niveau approprié dans le but de trouver des solutions adéquates à la situation actuelle, avec l’assistance du Bureau.
Le membre gouvernemental de la France, s’exprimant également au nom des membres gouvernementaux de l’Allemagne, de Chypre, de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal, a considéré que le dialogue social constitue sans aucun doute un instrument privilégié de l’action gouvernementale, notamment au travers de la consultation des partenaires sociaux dans les processus de réforme économique. La Grèce se trouve actuellement encore confrontée à une situation de crise sans précédent et dont les effets ont été particulièrement sévères. Dans ce contexte difficile, il convient de prendre acte du fait que le gouvernement s’est engagé devant la commission à respecter les principes de la convention et qu’il a exprimé son souci de protéger le niveau de vie des travailleurs. Le gouvernement ne peut être qu’encouragé à poursuivre dans ce sens.
La membre travailleuse du Royaume-Uni a déclaré que l’application de la convention est un élément essentiel à l’amélioration de la protection sociale et au renforcement du dialogue social. La Grèce dispose d’un mécanisme et d’institutions bien implantés et bien développés en matière de négociation collective, mais ceux-ci sont aujourd’hui sévèrement mis à l’épreuve, ce qui a de profonds effets sur la vie des travailleurs, leurs familles et les communautés. Les mesures contenues dans le mémorandum sur les politiques économiques et financières démantèlent presque tous les aspects du système de négociation collective. La convention collective générale nationale a été abolie. Quatre-vingt-dix pour cent de la main-d’œuvre employée dans les petites entreprises ne peut s’affilier à un syndicat. Avec les baisses de salaire et les réductions drastiques des retraites, la pauvreté en Grèce explose. Plus d’un tiers de la population a un revenu inférieur au seuil de pauvreté, qui est juste au-dessus de 7 000 euros par an et par personne en 2012, et presque 44 pour cent des enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté. Le niveau d’assistance sociale est faible et rares sont ceux qui reçoivent des indemnités de chômage. Le nombre de personnes sans abri est estimé à au moins 40 000. Le nombre de personnes devant recourir aux soupes populaires a explosé et l’accès aux médicaments et aux services de santé a chuté de façon drastique. La commission doit exiger que la convention soit respectée, que le dialogue social soit rétabli et que les travailleurs ainsi que leurs organisations soient à même de prendre part aux décisions concernant le marché du travail et les niveaux de vie. La réalité de la crise économique rend ces exigences d’autant plus indispensables, et non l’inverse.
Le membre travailleur de la France a observé que les travailleurs grecs subissent depuis trois ans des mesures d’austérité d’une brutalité et d’une ampleur rares, qui ont plongé le pays dans une profonde récession et ont gravement restreint les droits économiques et sociaux des salariés et des pensionnés. Les catégories les plus fragiles de la population ont été particulièrement affectées par les mesures que le gouvernement a mises en œuvre pour appliquer les politiques imposées par l’Union européenne et le FMI. A cet égard, le gouvernement a fait adopter plusieurs lois depuis 2010; le 5 mars 2010, une loi d’austérité (no 3833/2010) a imposé de fortes réductions des salaires et des congés payés des secteurs public et privé, qui ont encore été réduits par une loi ultérieure. Le droit de négociation collective est encadré par le gouvernement, qui prohibe la conclusion de conventions collectives pouvant comporter des augmentations de salaire. Il a été mis fin au principe garantissant le traitement le plus favorable qui prévoyait que les conventions collectives au niveau de l’entreprise ou local ne pouvaient pas déroger aux dispositions des conventions de niveau national ou sectorielles, mais pouvaient les améliorer ou les compléter. La situation s’est aggravée par l’interdiction de former des syndicats dans les petites et moyennes entreprises. La commission d’experts a estimé, à juste titre, que le gouvernement devrait permettre l’exercice de la liberté syndicale dans les petites et moyennes entreprises de 20 travailleurs ou moins pour que la compétence de négociation revienne à des syndicats, et maintenir le principe garantissant le traitement le plus favorable, comme cela est prévu dans la recommandation no 91; le gouvernement a également pris des mesures de dérégulation et de flexibilisation du marché du travail, et a imposé des ajustements à la baisse dans les prestations sociales. Toutes ces mesures restrictives et de recul social violent ouvertement les engagements internationaux de la Grèce. Néanmoins, le 5 mai 2013, une convention collective nationale a été signée par une majorité des organisations d’employeurs et la Confédération générale grecque du travail (GSEE), qui voulait préserver pour l’avenir l’existence de cette convention générale du secteur privé, ce qui montre que les principaux partenaires sociaux restent attachés au principe de libre négociation indépendante. Les violations continues et graves de la convention ne font aucun doute. Le rapport de 2012 du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, celui de la mission de haut niveau de l’OIT en 2011 ou celui plus récent du Comité de la liberté syndicale font, comme la commission d’experts, les mêmes constats de graves violations des droits fondamentaux des travailleurs. Si des mesures d’urgence avaient dû être prises, elles auraient dû faire l’objet de consultations et négociations préalables et être très limitées dans le temps; mais le pouvoir a choisi de renier tout le droit du travail et la jurisprudence établie. Les violations de la convention constatées par les organes de contrôle résultent de décisions politiques délibérées, portant atteinte aux droits d’organisation et de négociation collective des syndicats, réduisant massivement et sans nécessité le niveau de vie des travailleurs et retraités, au lieu d’envisager une restructuration de la dette sur un plus long terme, ou d’autres mesures ne ruinant pas l’économie. La commission devrait dénoncer fermement cette situation et exiger du gouvernement le plein respect de la liberté syndicale et du droit de libre négociation collective, et la fin des politiques de régression sociale.
La membre travailleuse de l’Italie a déclaré que les mesures de restructuration du marché du travail et d’austérité pèsent très lourd sur la société grecque et qu’elles frappent davantage les plus vulnérables: les enfants, les personnes âgées et les migrants, et particulièrement les femmes et les filles. De ce fait, il est sévèrement porté atteinte au droit du travail, ce qui constitue un dangereux précédent pour le modèle et la gouvernance sociaux européens. Le chômage est actuellement plus de deux fois supérieur au taux moyen de la zone euro. Il a enregistré une hausse de 95 pour cent en trois ans (2009-2011) et s’élevait à 27 pour cent en février 2013. Les mesures d’austérité ont creusé les inégalités et les écarts entre hommes et femmes dans l’emploi. Le chômage des femmes est beaucoup plus élevé que celui des hommes, et les femmes sont davantage touchées par la législation promouvant la flexibilité du marché du travail. Le médiateur grec a indiqué qu’il y avait une hausse régulière des plaintes pour licenciement abusif pour cause de grossesse ou de congé maternité, ainsi que pour harcèlement sexuel. L’attaque lancée à l’aveugle contre les systèmes de négociation collective a entraîné, d’une part, le démantèlement délibéré de l’Etat-providence et, d’autre part, une augmentation du marché «noir» du travail. La décentralisation du marché du travail est en réalité l’objectif central de la troïka. L’expert indépendant de l’ONU sur les effets de la dette extérieure a noté, lors de sa récente mission en Grèce, que les perspectives d’une partie importante de la population en matière d’accès au marché de l’emploi et de garantie d’un niveau de vie suffisant conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme sont en péril. Les travailleurs les plus formés quittent le pays, ce qui fait peser une menace sur le potentiel national. Ces faits prouvent que les politiques d’austérité ne font qu’aggraver la situation.
Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (ISP) a déclaré que les plans de sauvetage successifs sont présentés comme étant une solution extrême pour sauver la Grèce de la banqueroute. Ils sont incorporés à la législation grecque de manière expéditive et immédiatement mis en œuvre au lieu de recourir à la négociation collective pour renforcer l’efficacité des entreprises et des institutions publiques et en améliorer la conduite. De plus, la troïka fait pression sur le gouvernement depuis février 2012 pour qu’il supprime 150 000 emplois du secteur public d’ici à 2015, ce qui aura des répercussions importantes sur le niveau de vie et les possibilités d’emploi des générations actuelles et futures. Des services publics de qualité constituent le socle des sociétés démocratiques et des économies prospères. L’élément moteur de la privatisation de ces services est la maximisation des profits des sociétés et non pas l’intérêt public L’une des principales exigences de la troïka est que le gouvernement privatise en masse pour lever des fonds (50 milliards d’euros) afin de réduire la dette publique. Parmi les entreprises visées par la privatisation figurent les services d’approvisionnement, qui fournissent des services publics essentiels tels que l’eau, l’assainissement et l’énergie. De plus, les systèmes publics de santé sont devenus de plus en plus inaccessibles, en particulier pour les citoyens pauvres et les groupes marginalisés, du fait de l’augmentation des frais et des franchises, de la fermeture d’hôpitaux et de centres de soins, ainsi que du fait que de plus en plus de personnes perdent leur assurance-maladie publique, essentiellement à cause de leur chômage prolongé. L’oratrice a rappelé que la convention s’applique aux travailleurs du service public, à l’exception de la police et des forces armées, et des fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat. Elle a demandé que les droits des travailleurs du secteur public à la négociation collective soient respectés et que la crise actuelle ne serve pas d’excuse au démantèlement des mécanismes de dialogue social. Le programme d’austérité est mis en œuvre dans un contexte où le système de protection sociale se caractérise par des lacunes en matière de protection. Dans sa forme actuelle, ce système n’est pas en mesure d’absorber le choc du chômage, les réductions de salaire et les hausses d’impôt. Au lieu de renforcer le filet de sécurité sociale et de l’étendre davantage, la priorité semble avoir été accordée à l’assainissement des finances publiques aux dépens du bien-être de la population grecque. L’oratrice a demandé au gouvernement de mener des négociations collectives authentiques car elles constituent le principal instrument de sortie de crise et de reconstruction des structures démocratiques.
La représentante gouvernementale a assuré que son gouvernement a pris bonne note de tous les commentaires, et a déclaré avoir particulièrement apprécié la déclaration conjointe des membres gouvernementaux de l’Allemagne, de Chypre, de l’Espagne, de la France, de l’Italie et du Portugal. En effet, l’importance du dialogue social dans le processus de réforme économique est évidente. S’agissant des points soulevés par les membres employeurs et travailleurs, elle a observé que les déclarations conjointes des partenaires sociaux au sujet des questions concernant le système de négociation collective n’ont pas traité de manière consensuelle les questions clés liées à la réforme, et ne constituent pas un dialogue social en tant que tel. La réforme du système de négociation collective est un problème politique qui ne concerne pas les aspects juridiques de la convention. La réforme vise à augmenter la flexibilité du système de fixation des salaires et à ajuster rapidement les salaires à la situation de l’économie grecque. En particulier, les réductions salariales prévues dans la convention collective générale nationale sont temporaires car seul un processus de négociation collective peut les modifier. Les restrictions au champ d’application de la convention collective ont été introduites en lien avec la création du système de salaire minimum obligatoire. Cette réforme est une question politique qui doit être traitée par consensus entre les partenaires sociaux, essentiellement en élargissant le champ d’application de la convention collective par une participation accrue des organisations d’employeurs signataires et en fixant des salaires minima différents du salaire minimum obligatoire. Malheureusement, la convention collective générale nationale du 14 mai 2013 n’a pas fixé de salaires minima, ce qui témoigne des difficultés auxquelles est confronté le dialogue bipartite et de la nécessité d’un salaire minimum légal. La durée des conventions collectives, bien que fixée à trois ans par la loi, n’empêche pas les parties signataires d’en décider autrement et de décider, à travers l’exercice de négociation collective, de prolonger les conventions collectives. Cette pratique est largement répandue dans la déontologie de la négociation collective en Grèce ces soixante dernières années, depuis que les parties signataires ont pris l’habitude de mettre à jour leurs conventions collectives déjà anciennes par de simples modifications. Le mandat restreint des arbitres en ce qui concerne le prononcé de sentences arbitrales sur les salaires de base, malgré l’abolition du recours unilatéral à l’arbitrage, n’empêche pas les parties signataires de choisir d’un commun accord un autre système de règlement collectif des différends octroyant un mandat élargi aux arbitres pour toutes les questions qui les concernent. Cette possibilité a été établie par l’article 14 de la loi no 1876/1990 et, si elle était incluse dans la convention collective générale nationale, elle pourrait être contraignante pour tous les employeurs et employés du pays. L’oratrice a souligné que les problèmes susmentionnés démontrent la nécessité d’un dialogue social à tous les niveaux et étendu à tous les partenaires sociaux. A cette fin, le gouvernement compte sur la participation active de l’OIT pour l’aider à construire un dialogue social solide et effectif pour surmonter la crise économique.
Les membres employeurs ont déclaré avoir apprécié la discussion intense qui a eu lieu au sujet de ce cas. Les membres employeurs ont relevé que divers orateurs ont exprimé des préoccupations graves, mais nombre d’entre elles sont liées aux difficultés économiques qui affectent le pays et non à l’application de la convention. La Grèce vit des changements considérables et s’adapter à ces changements prendra du temps. A cet égard, la convention ne prévoit pas un système spécifique de négociation collective. Par conséquent, et rappelant que le Comité de la liberté syndicale a qualifié la situation de la Grèce de grave et d’exceptionnelle, les membres employeurs ont exprimé l’espoir que les conclusions, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’appliquer la convention, tiendront compte de la situation. Enfin, ils ont noté qu’un consensus s’était dégagé sur le renforcement du dialogue social et ont demandé que des mesures soient prises à cette fin.
Les membres travailleurs ont fermement soutenu l’appel de la commission d’experts pour la création d’un espace dans lequel les partenaires sociaux seront en mesure de participer pleinement à la définition d’éventuelles modifications ultérieures dans le cadre des accords avec la troïka touchant des aspects qui constituent le cœur même des relations professionnelles, du dialogue social et de la paix sociale. Comme la commission d’experts, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de revoir avec les partenaires sociaux, dans le cadre de cet espace, toutes les mesures qui ont fait l’objet de discussions au sein de cette commission afin de limiter leur impact et leur durée et d’assurer des garanties adéquates pour protéger les niveaux de vie des travailleurs. Le gouvernement doit être instamment prié de s’assurer que les partenaires sociaux puissent jouer un rôle actif dans tout mécanisme de détermination des salaires. Les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement, dans le cadre du suivi de la mission de haut niveau de 2011, d’accepter d’urgence que soit mis à sa disposition et à celle des partenaires sociaux un programme de coopération et d’assistance technique visant à la création d’un espace de dialogue social prenant comme point de départ la convention collective générale nationale et ayant pour objectif la mise en œuvre des observations de la commission d’experts. Le gouvernement devrait présenter un rapport pour la prochaine session de la commission d’experts de façon à lui permettre de faire l’évaluation des étapes déjà franchies.
La commission a pris note de la déclaration faite par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi.
La commission a observé que les questions en suspens dans ce cas concernaient de nombreuses interventions dans les conventions collectives et des allégations selon lesquelles, dans le cadre des mesures d’austérité imposées par les accords de prêt entre la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international et le gouvernement de la Grèce dans un contexte qualifié de grave et d’exceptionnel, la négociation collective était sérieusement affaiblie et l’autonomie des partenaires de négociation n’était pas respectée.
La commission a pris note des informations fournies par la représentante gouvernementale au sujet de la réforme du cadre juridique de négociation collective prévoyant la décentralisation de la mise en œuvre des conventions collectives du fait de la crise économique. La représentante gouvernementale a fourni des informations sur le Fonds spécial pour la mise en œuvre des politiques sociales (ELEKP), créé en 2013, administré par l’Organisation pour l’emploi de la main-d’œuvre (OAED), instance chargée du Fonds social des travailleurs, et notamment du financement de l’Organisation pour la médiation et l’arbitrage (OMED). Elle a néanmoins déclaré que le processus de fixation du salaire minimum obligatoire, qui serait établi par décret ministériel, serait défini en consultation avec les partenaires sociaux. Elle a réaffirmé que la situation économique critique et les négociations compliquées au niveau international ne laissaient aucune place à la consultation avec les partenaires sociaux avant les réformes législatives. Elle a fait observer que le séminaire national sur la promotion d’un redressement équilibré pour tous grâce à des relations professionnelles et à un dialogue social solides, conjointement organisé par l’OIT et la Commission européenne, les 25 et 26 juin, offrirait une occasion importante de tirer parti de l’expérience de l’OIT afin de renforcer la confiance dans les objectifs communs et la confiance entre les partenaires sociaux et le gouvernement. La représentante gouvernementale a exprimé l’espoir que cet événement relancerait le dialogue social pour mettre en œuvre des politiques visant à renforcer la croissance économique, la lutte contre le chômage et la protection du niveau de vie des travailleurs.
La commission a rappelé que l’ingérence dans les conventions collectives dans le cadre d’une politique de stabilisation ne devrait être imposée qu’à titre exceptionnel, qu’elle devrait être limitée dans le temps, que sa portée devrait être restreinte et qu’elle devrait être assortie des garanties adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs. Consciente de l’importance d’un dialogue franc et exhaustif avec les partenaires sociaux concernés pour examiner les effets des mesures d’austérité et les mesures à prendre en temps de crise, la commission a prié le gouvernement de redoubler d’efforts, avec l’assistance technique du BIT, pour mettre en place un modèle de dialogue social opérationnel sur tous les sujets de préoccupation en vue de promouvoir la négociation collective, la cohésion sociale et la paix sociale en totale conformité avec la convention. La commission a exhorté le gouvernement à prendre des mesures pour créer un espace dans lequel les partenaires sociaux seront en mesure de participer pleinement à la définition d’éventuelles modifications ultérieures touchant des aspects qui constituent le cœur même des relations professionnelles et du dialogue social. La commission a invité le gouvernement à fournir des informations supplémentaires détaillées à la commission d’experts cette année sur les points soulevés et sur les effets des mesures susmentionnées sur l’application de la convention.
Une représentante gouvernementale a observé que l’examen du cas de la Grèce est une tâche difficile et nécessite que l’on se penche sur toute une série d’informations complexes relatives à la réforme du système de la négociation collective, entreprise dans le cadre de la crise économique actuelle. Le gouvernement est conscient des sacrifices qui sont demandés aux citoyens pour lutter contre la crise financière qui, apparue pour la première fois fin 2008, a émergé en 2009 et s’est intensifiée en 2010. Le sauvetage de l’économie du pays, essentiel à la pérennité du système de protection sociale et à la cohésion sociale, a toujours été et reste la priorité du gouvernement. Tout en étant conscient des préoccupations exprimées par la Confédération générale grecque du travail (GSEE) au sujet du droit d’organisation et de négociation collective, le gouvernement estime que ce cas, même s’il pose des questions d’ordre social et politique, ne constitue pas une violation de la convention.
En 2009, la Grèce est entrée dans une grave crise financière, caractérisée par un déficit extrêmement élevé: le coût de l’emprunt public étant devenu excessif, le pays ne pouvait plus obtenir de prêts. Pour sauver l’économie, un mécanisme de soutien financier a été établi au niveau européen entre février et avril 2010 et un prêt de 110 milliards d’euros a été accordé selon des conditions conclues entre la Grèce et la Troïka (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international-FMI). Les conditions du prêt fixaient le calendrier des mesures de politique et de remboursements pour une période de trois ans. S’agissant de la législation du travail, les politiques indiquées dans le mémorandum visent à réduire les dépenses publiques, avec pour corollaire: la baisse des salaires, facteur indispensable à la maîtrise du déficit public; l’amélioration de la compétitivité de l’économie grâce à la décentralisation des négociations collectives; la réforme du système de fixation des salaires et l’instauration de la flexibilité de l’emploi; et la réforme du système de sécurité sociale. L’application de ces mesures a requis l’adoption rapide et effective d’une nouvelle législation introduisant les réformes suivantes. Dans un premier temps, s’agissant de l’allégation de la GSEE à propos de la réforme du système des conventions collectives introduisant la possibilité d’écarts entre ceux-ci, cette réforme, initiée par la loi no 3845/2010 sur «les mesures destinées à mettre en oeuvre un mécanisme de soutien à l’économie grecque de la part des Etats membres de la zone euro et du FMI», a décentralisé le système de convention collective, en assouplissant le principe selon lequel les conventions sectorielles et la convention collective générale nationale priment par rapport aux conventions aux niveaux de la branche et de l’entreprise. La loi no 3819/2010 a établi des conventions collectives spéciales au niveau des entreprises, pouvant suspendre, pour une période limitée, l’application des clauses plus favorables contenues dans les conventions sectorielles s’appliquant à une entreprise donnée. La convention collective générale nationale reste en vigueur et il ne peut être dérogé à aucune de ses dispositions. Ces réformes ne modifient pas le principe de la libre négociation collective inscrit dans la convention, le droit des syndicats de conclure des conventions collectives étant maintenu. L’allégation de la GSEE, selon laquelle la nouvelle législation démantèle un solide système de négociation collective, est un argument sociopolitique et non juridique. Deuxièmement, s’agissant de l’allégation de la GSEE relative aux dérogations au salaire minimum, introduites en application de la convention collective générale nationale concernant les enfants (de 15 à 18 ans) et les jeunes travailleurs (de 18 à 24 ans), visent à favoriser l’accès des jeunes au marché du travail et à les aider à acquérir une expérience professionnelle. La prise en charge de leurs contributions de sécurité sociale par le service d’emploi public garantit que leurs salaires réels demeurent au niveau fixé par la convention collective générale nationale. Troisièmement, s’agissant de l’allégation de la GSEE concernant les réductions permanentes des salaires introduites par les lois nos 3833/2010 et 3845/2010 pour les employés du secteur public et toutes les entités juridiques du secteur public, la législation est assortie de mesures visant à maîtriser et à réduire au minimum les dépenses du gouvernement central. En raison de la gravité de la situation, les réductions de salaires devaient être immédiates, la négociation collective n’étant pas assez rapide pour donner les résultats nécessaires. C’est là une pratique peu commune et sans précédent en Grèce. Ceci étant, le droit à la libre négociation collective sur les questions non salariales dans le secteur public n’a pas été touché ou restreint. Dans le secteur privé, aucune baisse de salaire n’a été imposée par la loi et le droit à la libre négociation collective n’a aucunement été touché. Dans un climat sociopolitique très lourd, une convention collective générale nationale a été signée en juillet 2010 par la GSEE et les organisations d’employeurs. La négociation collective est absolument capitale dans la mesure où elle fixe les salaires minimums et autres conditions minimums de travail pour tous les employés du pays. Pour la première fois dans l’histoire de la négociation collective en Grèce, la convention collective générale nationale a été conclue pour une période de trois ans afin de garantir la stabilité des salaires pour l’année 2010 et prévoir une augmentation de salaires à compter du 1er juillet 2011 et du 1er juillet 2012, équivalente au taux moyen d’inflation de l’euro de l’année précédente. Les accords collectifs signés dans le pays en 2010 et 2011 comportent des clauses similaires.
En 2010, les partenaires sociaux se sont montrés extrêmement responsables en soutenant l’effort national destiné à surmonter la crise économique, qui s’est accompagnée d’une montée du chômage et de signaux forts de récession économique, avec les risques que cela comporte pour la cohésion sociale du pays. Le gouvernement respecte le dialogue social et lui attache l’importance qu’il mérite. Pour autant, la situation économique critique et les négociations complexes au niveau international n’ont pas permis de consulter les partenaires sociaux avant l’introduction de toutes les réformes législatives. Un dialogue social constructif en cas de situation d’urgence économique se révèle extrêmement difficile et demande des délais bien plus longs que ceux dont disposait le gouvernement alors. Pour répondre à l’intérêt général, il a dû s’écarter d’une longue tradition de respect du processus de libre négociation collective, en introduisant des baisses de salaires sans précédent dans le service public et en accélérant les réformes de la législation du travail. Si ces mesures ont, dans une certaine mesure, abaissé le niveau de protection de la législation nationale du travail, elles n’ont pas touché, sur le fond, aux droits fondamentaux inscrits dans les recommandations et les conventions de l’OIT ou dans la Constitution grecque. Les mesures touchant les droits à la négociation collective sont limitées dans le temps et couvrent la période allant de 2010 à 2012. Si la convention et la Constitution nationale interdisent aux pouvoirs publics d’interférer dans les négociations collectives, elles n’empêchent pas le législateur de prendre des mesures visant à réformer le système de négociation collective. Le gouvernement assume l’entière responsabilité des mesures législatives adoptées pour surmonter la crise économique. Ses actions sont prises dans l’intérêt général en sauvant l’économie nationale. Ce cas qui a une forte dimension politique porte sur des mesures prises dans le cadre de politiques européennes et mises en oeuvre sous le contrôle permanent et l’évaluation de la Troïka. Ces politiques peuvent également être appliquées dans d’autres pays de l’Union européenne (UE) confrontés à une crise économique du même ordre. Alors que le gouvernement est conscient des préoccupations des syndicats et considère que l’examen de ce cas met en relief l’importance de la cohésion sociale, il considère que, d’un point de vue juridique, il est en conformité avec les normes fondamentales de l’OIT. C’est dans cet esprit que le gouvernement grec accueille avec satisfaction la suggestion de la commission d’experts de recevoir une mission de haut niveau, et qu’il a déjà pris contact avec le BIT pour prendre les dispositions nécessaires, pour que soit comprise la complexité du cas de la Grèce des points de vue économique et juridique, et que soit évalué le respect des normes de l’OIT dans un pays développé traversant une crise économique.
Les membres travailleurs ont souligné que la sélection de ce cas fait suite aux inquiétudes du mouvement syndical grec au sujet des mesures législatives appliquées ou devant l’être dans le cadre du mécanisme de soutien à l’économie. Les informations transmises à la commission d’experts concernent les dispositions de la convention no 98, tout en englobant des thématiques connexes comme celles de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952. Ces informations touchent également les domaines régis par la négociation collective tels que la protection du salaire, l’égalité de rémunération, la discrimination (emploi et profession), la politique de l’emploi, l’âge minimum d’admission à l’emploi, la sécurité sociale, l’administration du travail et les travailleurs ayant des responsabilités familiales. La commission d’experts examinera ces questions prochainement, dans la mesure où elle a demandé au gouvernement de prêter attention à l’impact des politiques adoptées dans le cadre du mécanisme d’appui international, et de communiquer un rapport détaillé sur l’application des conventions concernées en 2011. Cet examen se fera à la lumière de l’adoption, très dernièrement, d’un nouveau programme d’ajustement budgétaire échelonné sur trois ans qui va succéder à celui de mai 2010, entraînant de nouvelles mesures d’austérité budgétaire. Les points litigieux relatifs à la convention concernent trois lois adoptées dans le cadre du premier plan de sauvetage des finances publiques, négocié avec les pays de la zone euro et le FMI: la loi no 3833/2010 concernant la protection de l’économie nationale – mesures d’urgence pour aborder la crise fiscale; la loi no 3845/2010 relative aux mesures destinées à mettre en oeuvre un mécanisme de soutien à l’économie grecque de la part des Etats membres de la zone euro et du FMI; et la loi no 3863/2010 relative au nouveau système de sécurité sociale. La loi no 3845 bouleverse la hiérarchie des conventions collectives de travail (CCT) établie par une loi de 1990 et permet que des CCT d’entreprise ou de branche dérogent aux CCT nationales ou de secteur, démantelant un solide système de négociation collective qui avait jusque-là fonctionné sans heurts. Elle soustrait les enfants (15-18 ans) et les jeunes travailleurs (18-24 ans) aux CCT et permet de réglementer leurs salaires et conditions de travail par décret; et prévoit également des réductions de salaires drastiques et permanentes dans les services publics, y compris dans les secteurs où les relations de travail se font sous contrat de travail privé, et sont soumises au système des CCT. Ces mesures soit n’ont pas fait l’objet de concertation avec les partenaires sociaux, soit ont donné lieu à un simulacre de consultation sur des conclusions préétablies. Alors que la justification de ces mesures est conjoncturelle, leur nature est structurelle. Aucune alternative plus équilibrée socialement n’a été étudiée bien qu’elles soient disproportionnées. Les trois lois précitées conduisent à un affaiblissement permanent et injustifiable des droits des travailleurs compte tenu des effets combinés des licenciements, du gel des salaires et de l’abandon des niveaux minimums de salaires alors que, comme le souligne la commission d’experts, si des exceptions aux normes se justifient par des nécessités urgentes, elles doivent être exceptionnelles et temporaires. En effet, l’expérience du mouvement syndical démontre que les crises sont souvent utilisées comme prétexte à la mise en place de mesures visant à diminuer les droits des travailleurs plutôt qu’à la mise en place de mesures dûment réfléchies d’ajustement de l’économie. Il faut prendre conscience des effets réels et des implications d’un cas tel que celui de la Grèce et du fait que les mesures prises ne sont jamais temporaires, et que les effets des politiques d’austérité dépasseront très largement le cadre de ce pays. Comme le souligne la commission d’experts dans son étude d’ensemble, «il semble que, dans certains cas, le besoin urgent d’assainir le budget n’a pas été contrebalancé par une attention suffisante portée aux coûts sociaux et humains de ces mesures précipitées d’austérité. Non seulement la cohésion sociale sera mise en danger mais, dans de telles conditions, il se peut que la reprise économique soit accompagnée d’une longue récession humaine. Force est, à cet égard, de rappeler que gouverner uniquement sur la base de critères financiers peut conduire à un affaiblissement de la justice sociale et de l’équité. L’opinion publique est d’autant moins prête à accepter ces mesures drastiques d’austérité si elle s’aperçoit que les efforts qui lui sont demandés ne sont pas également répartis entre tous.» Il faut, en effet, s’inquiéter du fait que les prétextes tirés de la crise pourraient à terme mettre à mal les mécanismes de supervision de l’OIT puisqu’ils portent atteinte à l’essence même des principes qui fondent l’OIT, et refuser que la Grèce devienne un laboratoire de révision radicale et permanente des conventions fondamentales et un outil de démantèlement des systèmes de relations collectives.
Les membres employeurs ont souligné que les faits évoqués concernent la nouvelle législation d’austérité adoptée en 2010 par le gouvernement et le Parlement pour faire face à une profonde crise économique et financière de nature structurelle. C’est la première fois que la Commission de la Conférence est appelée à examiner la réponse à la crise, mais pas la première fois que la commission d’experts commente l’application de la convention par la Grèce. Depuis la ratification de cet instrument par la Grèce, en 1962, la commission n’a discuté de problèmes concernant l’application de cette convention en Grèce qu’en 1989 et 1991. De l’avis des membres employeurs, les commentaires de la commission d’experts étaient prématurés compte tenu du fait que le gouvernement n’avait ni finalisé ni communiqué sa réponse à l’observation de la commission d’experts de 2010, et que ces commentaires ne reposaient que sur les allégations des plaignants. Pour cette raison, les éléments auxquels la commission d’experts se réfère sont incomplets et la Commission de la Conférence n’est pas en mesure de formuler des recommandations fermes. Alors qu’ils se sont déclarés profondément préoccupés par les graves circonstances auxquelles le gouvernement, les employeurs et les travailleurs grecs doivent faire face en raison des difficultés que ce pays connaît, les membres employeurs ont souligné la nécessité d’une démarche prudente, afin que la situation ne devienne pas plus conflictuelle, voire empire par une intervention inopinée ou des conclusions reposant sur une image incomplète de la réalité. La commission a un mandat plus ciblé et devrait s’en tenir aux questions relevant de la convention. S’agissant de l’argument des organisations plaignantes dénonçant la multiplicité des taux de salaires minima, les membres employeurs estiment que cela n’a rien d’exceptionnel et ne constitue pas en soi une atteinte à la convention. S’agissant de la première question soulevée par la commission d’experts relative à la nécessité de consultations pleines et entières des organisations d’employeurs et de travailleurs avant l’adoption d’une législation d’urgence qui modifie le mécanisme de la négociation collective, les membres employeurs ont fait valoir que, sans la réponse du gouvernement, on ne saurait dire si ces consultations ont bien eu lieu (dans l’affirmative, comment et, dans la négative, pourquoi?). Sur la seconde question, concernant les répercussions potentielles de la modification du mécanisme de négociation collective sur l’application des autres conventions de l’OIT ratifiées par la Grèce, les membres employeurs ont estimé que l’analyse de la commission d’experts pourrait laisser croire à des atteintes multiples, ce qui est peut-être prématuré. En l’absence de réponse du gouvernement, ils se sont déclarés réservés quant à la recommandation de la commission d’experts tendant à ce que le gouvernement fasse appel à une assistance technique et accueille une mission de haut niveau pour faciliter la compréhension globale de ces questions. La convention admet la mise en oeuvre de mesures d’urgence, sous réserve du respect de certaines sauvegardes. Ainsi, les termes de l’article 4 de la convention, en se référant à «des mesures appropriées aux conditions nationales», ne sauraient être plus pertinents que dans le contexte d’une crise économique et financière nationale survenant dans un pays submergé de dettes. L’idée d’une mission du type de celle qui est proposée par la commission d’experts doit être abordée avec prudence, du moins jusqu’à ce que la position du gouvernement soit comprise et tant que la situation ne se sera pas stabilisée. De plus, alors que la commission d’experts a fait une suggestion dans ce sens, la Grèce n’est pas mentionnée au paragraphe 72 du rapport, où il est question des Etats Membres pour lesquels une assistance technique serait utile. Tout en observant que des observations d’ordre juridique ou politique formulées par une instance internationale telle que l’OIT pourraient être mal interprétées par des interlocuteurs extérieurs et altérer la confiance d’autres acteurs internationaux dans la conduite de la politique du pays, les membres employeurs ont émis une mise en garde quant à la nature et le choix du moment des réponses de l’OIT, réponses qui devraient, à tout le moins, être formulées avec la coopération du gouvernement pour avoir un effet réellement positif. A cet égard, il convient de noter que le gouvernement a indiqué qu’une mission de l’OIT serait la bienvenue et que cela est encourageant.
La membre travailleuse de la Grèce a déclaré que la suggestion d’une assistance technique était particulièrement bienvenue, eu égard à la complexité et à l’étendue des mesures appliquées à ce pays. Elle a exprimé l’espoir que la mission de haut niveau apporterait des clarifications sur ces mesures et sur leur implication étendue au regard de la convention et des autres conventions ratifiées par la Grèce. Il convient de souligner que non seulement la législation mentionnée dans les derniers commentaires demeure en vigueur mais que, en plus, au cours des douze derniers mois, plusieurs autres lois – contenant plus d’une centaine de dispositions – ont été adoptées, qui ont déconstruit encore davantage les fondements des conventions collectives. La situation relevait de l’urgence, mais les mesures prises ont un caractère permanent, disproportionné et aux effets destructeurs irréversibles. Tout au long de cette période, le dialogue social s’est encore dégradé pour ne plus devenir qu’une procédure sommaire, informative et superficielle. A trois reprises l’an dernier, les travailleurs du secteur public au sens large, notamment ceux des compagnies gestionnaires des réseaux publics, ont vu leurs salaires amputés de 25 pour cent en application de mesures unilatérales et permanentes violant les conventions collectives en vigueur. La semaine passée, l’Etat, par une décision unilatérale, a fait passer la cotisation salariale obligatoire pour le chômage de 0,5 pour cent à 3 pour cent. L’offensive dirigée contre les conventions collectives sectorielles avec la nouvelle loi de décembre 2010 portant création d’une convention collective spéciale au niveau de l’entreprise représente un nouvel élément de préoccupation. Cette loi permet à tout employeur, sous la menace de licenciements, de contraindre un syndicat à accepter des normes inférieures à celles qui étaient prévues par des accords sectoriels contraignants. De même, l’employeur peut désormais, unilatéralement ou avec le consentement du travailleur, transformer des emplois à plein temps en emplois à temps partiel ou en un travail par rotation à durée réduite, qui constitue la pire forme d’emploi précaire. Cette législation, de nature à favoriser les syndicats contrôlés par les employeurs a affaibli le pouvoir de négociation des travailleurs dans de nombreux secteurs clés de l’économie, comme par exemple le tourisme. Plusieurs conventions collectives couvrant des centaines de travailleurs, qui venaient à échéance au début de 2010, soit ont été renouvelées avec des retards importants et ne prévoient pour la plupart qu’une croissance des salaires nulle, soit doivent toujours l’être. De plus, les données récentes de l’inspection du travail révèlent une augmentation considérable, atteignant 2,725 pour cent en deux mois à peine, des contrats individuels de travail en rotation à durée réduite, suite à l’adoption de la législation susmentionnée. De tels contrats individuels sont une négation même du concept de négociation et portent atteinte de facto à la négociation collective et à l’essence du syndicalisme, rendant potentiellement inutiles les syndicats. Rappelant les critiques émises par la Commission européenne à propos de l’action inadéquate du gouvernement afin d’éliminer les conventions sectorielles et de les remplacer par des contrats au niveau de l’entreprise, l’oratrice a souligné que la conception de la Commission européenne et du FMI, consistant à vouloir établir dans la loi le niveau de la négociation collective, va directement à l’encontre du principe de la négociation collective libre et volontaire établi par l’article 4 de la convention, en vertu duquel la détermination du niveau de la négociation est essentiellement du ressort des parties. Elle a fait remarquer que ce cas pose une question fondamentale s’agissant de la valeur, la validité et la fiabilité des principes en situation d’urgence alors qu’ils sont d’autant plus nécessaires en tant que cadre de référence. Au fil de la longue histoire de la liberté syndicale, la question fondamentale de savoir si les principes établis par la convention représentent un cadre stable, particulièrement nécessaire dans les conjonctures difficiles, ou si elle peut être mise de côté dans les situations d’urgence, a été suffisamment éclairée et clarifiée, y compris par la commission d’experts, tout autant que l’a été la relation cruciale entre cette convention et la portée des programmes de stabilisation ou de reprise. Pour conclure, l’oratrice a souligné qu’il faut à tout prix éviter que la régression qualitative et quantitative que connaît le marché du travail en raison de la crise ne s’installe dans la durée pour devenir une régression sociale profonde et structurelle, mettant à mal la cohésion de la société. La situation en Grèce a un contexte sociopolitique complexe, mais la position défendue par la GSEE est fermement fondée sur les normes et sur des faits. La ratification des conventions doit être prise au sérieux, non seulement par la Grèce, mais par toutes les parties prenantes au mécanisme de prêt. D’autres éléments et d’autres données réactualisées seront communiquées au BIT, voire on l’espère, à la mission de haut niveau. La valeur ajoutée de la discussion par la commission consistera en la force du message qui sera envoyé en faveur du respect des normes, de la préservation de l’autonomie des partenaires sociaux et de la promotion d’un dialogue social effectif, auquel syndicats et travailleurs sont partie prenante et non des cibles.
Le membre employeur de la Grèce s’est interrogé sur la possibilité d’opposer une fin de non-recevoir à la discussion de ce cas, dans la mesure où la commission d’experts n’a pas eu le temps de formuler des observations et où le délai accordé au gouvernement pour envoyer son rapport n’a pas encore expiré pour l’année 2011. De plus, une mission de haut niveau du BIT doit se rendre dans le pays, juste après la session de la Conférence, comme le préconise d’ailleurs la commission d’experts dans son rapport. L’ensemble de ces éléments indiquent que ce cas n’est pas encore parvenu à la maturité nécessaire pour être discuté par la commission, sauf si le but recherché était de faire en sorte que, dorénavant, la Commission de la Conférence puisse se saisir de cas sur lesquels la commission d’experts ne s’est pas encore exprimée. Tout en prenant note de l’intervention de la membre travailleuse de la Grèce, l’orateur a suggéré que la commission s’abstienne de se prononcer sur ce cas, en attendant les résultats de la visite de la mission de haut niveau ainsi que les commentaires de la commission d’experts.
La membre gouvernementale de la France, s’exprimant au nom des membres gouvernementaux de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de Chypre, de l’Espagne, de l’Estonie, de la France, de l’Italie, de la Lituanie, du Luxembourg et du Portugal, a déclaré que ces pays étaient pleinement conscients du fait que, depuis mai 2010, la Grèce a pris des mesures d’ordre financier et juridique tendant à la réduction du déficit public et à la restructuration du marché du travail, en vue de faire progresser la compétitivité de son économie. L’oratrice a réaffirmé l’attachement de ces pays à l’importance du dialogue social, au respect des droits des travailleurs et à l’autonomie des partenaires sociaux dans la négociation collective et a indiqué qu’il convient dès lors d’accorder une grande importance à la mission de haut niveau de l’OIT qui doit se rendre en Grèce prochainement.
Le membre travailleur de l’Espagne a souligné que le moment est bien choisi pour discuter ce cas. Il ne faut pas attendre l’effondrement total de l’économie grecque ni la disparition des droits des travailleurs pour agir. La révision du système de négociation collective grec a des répercussions sur le respect d’autres normes internationales du travail, ainsi que sur le modèle social européen. De fait, la crise sert de prétexte au démantèlement du modèle de développement économique et de cohésion sociale au profit de l’économie financière et spéculative. Le plan d’austérité, mis au point par l’Union européenne sous la forme du Plan européen de gouvernance et du Pacte pour l’euro, fondé sur l’austérité budgétaire, la réduction des prestations sociales, la baisse des salaires et la limitation de la négociation collective, ne fait qu’aggraver la situation sociale des pays, en particulier de ceux qui sont soumis à un contrôle permanent des marchés financiers. On ne saurait admettre que ceux qui ont été sauvés moyennant l’intervention des finances publiques imposent aux travailleurs des sacrifices toujours plus importants. Comme souligné par le Comité de la liberté syndicale, les obligations suivantes devront néanmoins être respectées dans le contexte d’ajustements budgétaires ou de politiques de stabilisation impliquant une restriction à la libre fixation des salaires: une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable; elle ne devrait pas excéder une période raisonnable (le comité a considéré à cet égard que trois ans constitue une période trop longue) et devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. La Grèce n’a respecté aucune de ces obligations et il est encore plus préoccupant de constater que certaines institutions, en particulier le FMI, font pression sur certains pays pour passer outre les normes internationales du travail.
Le membre travailleur de l’Allemagne a souligné que les propositions de la Commission européenne et des gouvernements des Etats membres de l’Union européenne, de la Banque centrale et du FMI, pour trouver une solution à la situation financière de la Grèce ont eu pour effet l’adoption de mesures juridiques et administratives venant éroder les droits fondamentaux des partenaires sociaux, et en particulier ceux des syndicats. Le gouvernement a limité le droit des syndicats à la négociation collective de manière disproportionnée et procédé au gel des salaires en se prévalant de la nécessité de prendre des mesures d’urgence et sans les avoir clairement assorties de délais. Cette tentative du gouvernement d’occuper l’espace traditionnellement réservé aux partenaires sociaux doit être refusée de manière catégorique puisque contraire non seulement à la convention, mais aussi à d’autres normes de l’OIT et de l’Union européenne, dont la Charte des droits fondamentaux, qui reconnaît les libertés d’association et de négociation aussi. En mai 2011, la Confédération européenne des syndicats a invité les ministres de l’Economie et des Finances de l’UE et le gouvernement grec à respecter l’autonomie des partenaires sociaux. Par ailleurs, il doit être remédié au fait que la Cour de justice européenne donne priorité aux capitaux et services sur les droits sociaux notamment en incluant une clause de progrès social dans les textes régissant l’Union européenne. L’orateur a conclu en apportant son soutien plein et entier aux recommandations de la commission d’experts en ce qui concerne notamment la promotion de l’emploi et de l’égalité des chances, de salaires décents, de bonnes conditions de travail et la nécessité de respecter la liberté et l’autonomie des partenaires sociaux dans la négociation et la détermination des conditions de travail aux niveaux des entreprises et des branches.
La membre travailleuse de la France a indiqué que la loi du 5 mai 2010 remet en cause la primauté de la convention collective générale nationale dans la mesure où les conventions conclues aux niveaux d’une branche et d’une entreprise pourront désormais s’écarter des termes des conventions sectorielles et donc de cette convention collective générale nationale. En déplaçant le niveau de négociation vers les entreprises, cette loi a engendré un certain nombre d’effets négatifs et favorisé l’adoption des mesures de discrimination et d’exclusion, en particulier vis-à-vis des jeunes et des femmes. Ce démantèlement de la négociation collective a déjà eu ses premiers effets en termes de chômage qui touche quatre jeunes sur dix. Tout comme l’Espagne, la Grèce compte la plus forte proportion de jeunes sans emploi en Europe (40 pour cent contre 21,4 pour cent en Europe). Le taux de chômage général risque d’atteindre 22 pour cent d’ici à la fin 2011. Les jeunes se retrouvent dans une situation de précarité sans précédent, avec des contrats d’apprentissage payés à 70 ou 80 pour cent du salaire minimum ou des contrats dits «nouvelle embauche», dérogeant au cadre institutionnel de protection minimum alors que la question de la protection sociale revêt une importance capitale pour cette 100e session de la Conférence. La non-conformité de ce type de contrats avec les conventions de l’OIT a déjà été reconnue. Le démantèlement du niveau de négociation remet également en cause la parité entre les femmes et les hommes comme en témoigne l’augmentation du taux de chômage des femmes – 18,7 pour cent contre 11,6 pour cent pour les hommes –, ainsi que des inégalités salariales allant jusqu’à 20 pour cent. Les plus touchées par des conditions d’embauche précaires sont particulièrement les jeunes femmes, les mères, les femmes âgées et les migrantes. Elle a souligné qu’une organisation de charité en faveur des enfants appelée SOS Village et basée notamment à Athènes et Salonique a enregistré une hausse de 45 pour cent des demandes des mères célibataires sur la seule année dernière. La remise en cause de la convention entraîne des conséquences sociales inacceptables et bafoue l’objectif stratégique de l’emploi réaffirmé par le Pacte mondial pour l’emploi de l’OIT ainsi que de nombreuses autres conventions de l’OIT. Le cadre normatif de l’OIT est lui-même mis en cause par les conditionnalités imposées par le FMI entraînant un problème de cohérence des décisions internationales. Pour conclure, l’oratrice a insisté sur la nécessité que la Conférence délivre un message fort pour sortir de cette crise économique en garantissant la protection et la cohésion sociales grâce à des processus de discussion inclusifs et démocratiques et dans le respect des droits fondamentaux du travail. Elle a demandé la stricte application de la convention.
La membre travailleuse de la République bolivarienne du Venezuela a exprimé sa solidarité avec les travailleurs grecs en lutte contre la violation de leurs droits à la négociation collective à la suite de l’accord intervenu entre le FMI et l’Union européenne. De fait, les droits des travailleurs grecs à la stabilité, à la sécurité sociale, à une durée du travail décente et à la négociation collective, droits gagnés au prix d’efforts et de rudes sacrifices, sont aujourd’hui réduits pour faire face à une crise dont ces travailleurs ne sont pas à l’origine. Les mesures qui ont été décidées n’entraîneront qu’une plus grande exploitation des travailleurs, au profit des monopoles. D’ores et déjà, on a assisté à des réductions dramatiques des salaires dans le secteur public, à deux reprises en 2010, en violation des conventions collectives en vigueur, alors que, dans le même temps, le coût du panier de la ménagère, les tarifs des transports et ceux de l’électricité n’ont cessé d’augmenter.
La représentante gouvernementale s’est vivement félicitée de la déclaration commune faite par les gouvernements de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, de Chypre, de l’Espagne, de l’Estonie, de la France, de l’Italie, de la Lituanie, du Luxembourg et du Portugal. Elle a partagé leur point de vue concernant l’importance de la mission de haut niveau de l’OIT qui devrait se rendre en Grèce prochainement. Elle a indiqué que ses observations concerneront uniquement des questions relatives à la convention no 98, mais a rappelé que la réponse du gouvernement, déjà transmise au Bureau, comporte toutes les informations nécessaires sur les autres conventions qui, d’après le GSEE, étaient en cause. Des informations supplémentaires seront communiquées à la commission d’experts dans le cadre de la présentation régulière de rapports, et les éventuels changements apportés à la législation seront discutés à l’occasion de la visite de la mission de haut niveau de l’OIT. Le gouvernement reconnaît que les réformes en cours ont une incidence sur le droit du travail, mais estime que, si ces changements entraînent une décentralisation des conventions collectives, celle-ci ne limite pas la liberté de négociation collective. Par ailleurs, les réformes permettent davantage de souplesse, sans porter atteinte à l’essence des normes de l’OIT, ce que la mission de haut niveau pourra vérifier. Les principaux effets des mesures d’austérité concernent les perspectives d’emploi et la qualité des salaires, mais il s’agit là de facteurs économiques. Le dialogue social relatif à certaines mesures législatives nécessaires n’a pu avoir lieu faute de temps, mais la négociation collective se déroule sans encombre, sauf pour la question des réductions de salaires dans le secteur public. Le gouvernement reste déterminé à promouvoir le dialogue social, la négociation collective, les droits syndicaux et les droits sociaux, car ce sont des valeurs fondamentales assurant la cohésion sociale. Même en période de crise, les politiques économiques doivent être intelligibles pour l’ensemble de la population, et nécessitent leur participation. Toutes les mesures prises par le gouvernement, quel qu’en soit le coût pour les citoyens et le pays, ont été adoptées en connaissance de la nécessité de maintenir la cohésion sociale. D’après le gouvernement, le train de mesures destiné à sauver l’économie grecque est compatible avec les normes internationales du travail. Enfin, la mission de haut niveau de l’OIT aura la possibilité d’examiner la situation plus avant et d’apprécier la complexité des questions juridiques, sociales et politiques en jeu. Le gouvernement est fermement convaincu qu’il n’a pas été porté atteinte aux normes fondamentales du travail de l’OIT et a considéré qu’il est prématuré de tirer des conclusions à ce stade.
Les membres employeurs se sont félicités du fait que le gouvernement ait accepté la visite d’une mission de haut niveau. Ils ont pris note des déclarations faites par les employeurs et les travailleurs de la Grèce, qui traduisent le bon esprit dans lequel la commission devrait traiter des questions économiques, professionnelles et sociales particulièrement préoccupantes. Des mesures ont été prises et il importe à présent de veiller à leur conformité avec les principes et les dispositions de la convention. Les conclusions de la commission devront être pragmatiques et témoigner de la compréhension de la complexité de la situation et du respect du soutien qu’apportent actuellement les membres de l’Union européenne et le FMI à la Grèce. La commission doit examiner la situation dans une perspective très large. Elle doit exprimer sa préoccupation tant en ce qui concerne les circonstances auxquelles font face les travailleurs et les employeurs dans le pays, mais également les difficultés rencontrées par le gouvernement pour tenter de sortir de la crise. Les membres employeurs ont considéré que la discussion et la volonté du gouvernement de continuer à recueillir des informations, à mener des investigations et des analyses, jettent les bases d’une évaluation adéquate de la conformité des mesures prises avec la convention.
Les membres travailleurs ont considéré qu’il est important que la commission envoie un message fort aux institutions internationales et aux institutions financières, compte tenu du contexte global actuel dans lequel les mesures prises pour sortir de la crise financière se traduisent par une érosion des droits des travailleurs. Les politiques économiques adoptées en vue de la sortie de crise et du redressement économique ne peuvent être efficaces si elles ne tiennent pas compte de la nécessité de sauvegarder la cohésion sociale et de garantir une protection sociale à tous les citoyens. La dérégulation drastique des relations professionnelles qui a lieu en Grèce ne conduira pas au développement économique ni au maintien d’entreprises compétitives. Dans ce contexte, le gouvernement doit entamer un dialogue tripartite effectif et ouvert au sujet des mesures qui ont été prises, dans le cadre du plan de sauvetage, sans que les partenaires sociaux n’aient été consultés. Ce dialogue aura pour objectif d’examiner si ces mesures de sauvetage des finances, qui ont porté atteinte au système des relations collectives, étaient vraiment justifiées. Il permettra également d’analyser s’il n’aurait pas été plus opportun d’adapter temporairement la loi sur les relations professionnelles, jusqu’alors garante de la paix sociale, plutôt que de procéder à une réforme définitive de cette loi. Il permettra enfin de voir dans quelle mesure les informations communiquées par le représentant gouvernemental correspondent aux principes contenus dans la convention. Les membres travailleurs ont salué la proposition du gouvernement d’accueillir une mission de haut niveau et ont souhaité que cette mission traite de l’ensemble des points abordés lors de la discussion, et entre en contact avec l’Union européenne et le FMI.
La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté les informations fournies par la représentante du gouvernement concernant la réforme du cadre juridique des négociations collectives en raison de la crise économique actuelle. Elle a souligné que la priorité absolue du gouvernement a été et reste le sauvetage de l’économie nationale comme une exigence fondamentale pour la durabilité de l’Etat providence et afin de maintenir le dialogue social. Elle a rappelé que les termes de l’accord de prêt indispensable entre la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI) ont été prévus dans les protocoles qui l’accompagnent. En ce qui concerne les réductions de salaire dans la fonction publique et dans les entreprises publiques, la représentante du gouvernement a déclaré que, en raison de la gravité de la situation, les réductions de salaire devaient avoir lieu rapidement et que la négociation collective ne s’avérait pas efficiente dans ces circonstances. Tout en réaffirmant la grande importance que le gouvernement accorde au dialogue social, elle a souligné que la situation économique critique et les négociations complexes au niveau international ne laissaient aucune place à la consultation des partenaires sociaux avant la mise en place des réformes législatives. La commission a noté que la commission d’experts avait été saisie de nombreuses allégations de la part des syndicats grecs concernant la non-application de la convention, en particulier en ce qui concerne la promotion de la négociation collective et l’autonomie des partenaires à la négociation.
La commission a accueilli favorablement le caractère constructif de la discussion sur un sujet dont la portée est allée bien au-delà de la question dont elle était saisie. Elle a rappelé l’importance du principe selon lequel les restrictions à la négociation collective dans le cadre d’une politique de stabilisation doivent être appliquées comme une mesure d’exception, se limiter au nécessaire, ne pas dépasser une période raisonnable et être assorties de garanties appropriées. Elle a exprimé l’espoir d’avoir à sa disposition rapidement toute l’information nécessaire afin de lui permettre de déterminer si ce principe était effectivement appliqué. La commission a prié le gouvernement d’intensifier ses efforts et d’entreprendre des consultations franches et complètes avec les partenaires sociaux afin d’examiner l’impact des mesures d’austérité prises ou envisagées en vue de s’assurer que les dispositions de la convention soient pleinement prises en compte dans les actions futures. Elle a accueilli favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle il travaillait de pair avec le BIT sur les dispositions à prendre pour la visite de la mission de haut niveau proposée par la commission d’experts. Elle a estimé que le contact avec le FMI et l’Union européenne pourrait également aider la mission dans sa compréhension de la situation. Elle a invité le gouvernement à fournir cette année des informations additionnelles et détaillées à la commission d’experts sur les questions soulevées en vertu de la convention et sur l’impact des mesures susmentionnées sur l’application de la convention.
Un représentant gouvernemental a déclaré qu'en 1990 a été adoptée la nouvelle loi no 1876/1990 sur les négociations collectives libres qui remplace la loi no 3239/1955 relative aux négociations collectives et aux différends du travail, loi qui avait fit l'objet des commentaires de la part des organes de contrôle. La nouvelle loi constitue un progrès reconnu d'ailleurs par la commission d'experts. Le retard dans l'envoi de réponses du gouvernement aux commentaires de certaines organisations syndicales s'explique par des difficultés d'ordre administratif mais ces réponses viennent d'être communiqué au BIT. Selon les allégations présentées, le gouvernement serait intervenu pour réduire les augmentations salariales prévues par la convention générale nationale du travail faisant ainsi perdre aux travailleurs 13 pour cent de leur pouvoir d'achat. Dans cette réponse, le gouvernement réaffirme sa foi dans l'institution de la libre négociation collective. L'adoption de la loi no 1876/1990 vise au renforcement de cette institution. Les représentants des organisations les plus représentatives, à savoir: la Ligue des industries grecques et la Confédération générale du travail viennent de signer, à la suite de négociations collectives libres, une nouvelle convention collective nationale générale d'une durée de deux ans. Les travailleurs grecs conscients de la gravité de la situation que traverse l'économie nationale ont consenti à des hausses salariales inférieures aux variations de l'indice des prix à la consommation pour les années 1991 et 1992.
En ce qui concerne plus spécifiquement les allégations des organisations plaignantes au sujet de la suppression de l'indexation automatique des salaires dans le secteur privé, l'orateur relève que la réglementation effectuée dans le cadre de la loi no1884/1990 concernait exclusivement les fonctionnaires et les travailleurs du secteur public au sens large du terme pour la période de mai à août 1990, et que cette réduction a été jugée absolument nécessaire en raison de l'évolution négative de presque toutes les composantes variables de l'économie nationale telles que l'énorme déficit du secteur public. La réglementation en question s'inscrivait dans le cadre plus large de la modernisation mise en oeuvre par le gouvernement en vue de la sauvegarde de l'économie nationale qui traverse une période critique.
Ces mesures n'ont pas touché le secteur privé en vertu des dispositions de l'article 21 de la loi no 1884/1990 qui dispose que les augmentations de salaire des travailleurs du secteur privé pour la période de mai à août 1990 seraient précisées ultérieurement par une convention collective nationale générale supplémentaire. Cette convention supplémentaire n'a pas été signée parce que les parties intéressées n'ont pas voulu négocier mais ceci ne saurait être imputé à une intervention arbitraire du gouvernement. Depuis l'entrée en vigueur de la loi no 1884/1990, de nombreuses conventions collectives ont été négociées et signées prévoyant des augmentations de salaires dans différentes branches de l'économie et sans la moindre intervention de la part du gouvernement. L'orateur a conclu en déclarant que ni la loi no 1884/1990 ni aucune autre loi ultérieure n'entraînent la caducité des dispositions des conventions collectives du travail.
Les membres travailleurs ont indiqué que la loi no 1876/1990 peut être considérée comme un progrès, vu qu'elle prévoit la possibilité de négocier par branche et par secteur et l'obligation de négocier. Cependant, malgré l'existence de la loi, le gouvernement continue à intervenir dans la libre négociation collective. Ils rappellent les commentaires de la commission d'experts selon lesquels le principe de la négociation volontaire des convention, et donc l'autonomie des partenaires sociaux, constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale. Toute restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception limitée à l'indispensable, ne devrait pas excéder une période raisonnable et devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. Le gouvernement devrait répondre aux commentaires formulés par la commission d'experts et communiquer des réponses et des informations plus détaillées sur l'application de la loi et sur les circonstances de l'intervention gouvernementale.
Les membres employeurs ont noté que la loi no 1876/1990 apporte une amélioration en matière de négociation collective volontaire. Se référant aux deux interventions du gouvernement en 1990, ils relèvent que la convention parle de la "promotion" de la négociation collective volontaire, ce qui n'exclut pas une certaine intervention en cas de force majeure, dans les conditions précisées par la commission d'experts. Celle-ci note que des mesures restrictives ne devraient pas dépasser un délai raisonnable; on peut se poser la question de savoir ce qu'est un délai raisonnable. Une période de quatre mois peut être considérée comme une période limitée.
Quant à l'indexation des salaires, prévue auparavant dans une loi et dont les travailleurs regrettent la disparition, les membres employeurs considèrent qu'une indexation salariale imposée par la loi ne peut se concilier avec la notion de négociation collective libre.
Ils considèrent que les explications fournies par le représentant gouvernemental permettent de conclure qu'on veut libérer la négociation collective de certaines restrictions imposées auparavant et il sera certainement possible de poursuivre le dialogue à l'avenir.
Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que les solutions des grands problèmes de l'économie de son pays ne peuvent être recherchées qu'à travers un dialogue véritable et tripartite, mais que, dans la pratique, le gouvernement a suivi une politique de plus en plus autoritaire et arrogante: en mai 1990, il a fait voter une loi qui supprime une partie fondamentale de la convention collective nationale du travail signée par la GSEE et les organisations patronales; en septembre 1990, le gouvernement a limité de manière arbitraire les augmentations salariales à 50 pour cent de ce qui était prévu pour le 1er septembre 1990 et il a déposé un projet de loi sur la sécurité sociale qui ne prévoit pas la participation tripartite à la gestion des caisses de sécurité sociale, qui supprime les augmentations des pensions et des salaires minima des conventions collectives et qui diminue les pensions par un changement du mode de calcul de leur montant et des augmentations futures. Ainsi, la voie de la privatisation totale du régime de sécurité sociale est ouverte. Devant le refus du gouvernement de signer un accord national sur la sécurité sociale, une série de grèves ont eu lieu dans tous les secteurs importants de l'économie.
L'orateur s'est référé aux dispositions de la loi no 1915/1990 sur la protection des droits syndicaux et de la collectivité sociale et pour l'autonomie financière du mouvement syndical. Cette loi permet de licencier les travailleurs qui participent à une grève jugée "illégale et abusive" par le tribunal. Le licenciement est effectif 24 heures après la prononciation d'un jugement en première instance, et si on tient compte qu'habituellement les tribunaux jugent la quasi-totalité des grèves "illégales et abusives", il faut conclure que l'exercice du droit de grève a été limité par voie judiciaire, de manière drastique. En outre, en vertu de la nouvelle loi, seul l'employeur peut fixer le nombre et la liste des travailleurs constituant le personnel minimum ainsi que le genre de travaux et services qui devront être garantis pendant la durée de la grève.
L'orateur a déclaré que le gouvernement a supprimé l'aide financière à laquelle ont droit les organisations syndicales tout en maintenant les retenues obligatoires sur les salaires. Actuellement, l'Etat ne participe pas aux recettes de l'organisme "Foyer Ouvrier" chargé de financer les charges administratives des organisations syndicales, recettes qui proviennent exclusivement de la retenue de 0,25 pour cent du salaire des travailleurs, les employeurs versant la même somme. Or l'Etat seul gère les ressources de cet organisme et intervient de manière inacceptable dans l'orientation de la disposition de ces ressources. Ainsi, il étrangle financièrement le mouvement syndical, mais lui impose en même temps son mode de collecte et de distribution des cotisations syndicales.
En avril 1983, la GSEE et les trois organisations représentatives des employeurs ont signé une convention collective nationale et, en mai 1991, une loi a été adoptée qui exclut du champs d'application de la convention collective nationale les travailleurs occupés dans les services publics avec un contrat de droit privé. Il s'agit de nouveau d'une intervention autoritaire rendant partiellement caduque la convention collective nationale conclue par les interlocuteurs sociaux à la suite de libres négociations. La même loi supprime l'application d'une disposition fondamentale de la loi no 1876/1990 et réintroduit l'arbitrage obligatoire des conflits sociaux par des comités administratifs qui étaient prévus dans la loi no 3239/1955, loi caractérisée par l'intervention inacceptable de l'Etat et de l'administration dans les négociations collectives. L'orateur s'est référé au cas de M. Stelios Koletsis, président de la Fédération des travailleurs du tourisme et de l'hôtellerie et membre du comité directeur de la GSEE qui a été licencié pour avoir essayé de défendre les intérêts des travailleurs de son secteur, ainsi qu'au licenciement de M. Grigores Felonis, membre du comité directeur de la section régionale d'Athènes.
L'orateur a conclu en demandant au représentant gouvernemental de prendre l'engagement d'abroger toute législation non conforme à la convention.
Le membre employeur de la Grèce a déclaré que le système d'indexation automatique des salaires existe en Grèce depuis 1982 avec l'approbation des travailleurs, mais contre la volonté des employeurs. Ce système a été légalisé en 1990, mais le gouvernement a décidé de le suspendre pendant quatre mois pour des raisons purement économiques. En même temps, il a invité les partenaires sociaux à trouver des solutions à travers la négociation collective volontaire. C'est ainsi que la Fédération des industries grecques ensemble avec d'autres organisations d'employeurs a demandé à la Confédération générale des travailleurs de Grèce de se mettre d'accord sur les salaires au niveau national pour cette période. Ceci n'ayant pu se faire, des conventions ont pu finalement être conclues au niveau des branches et des professions, et 60 pour cent des travailleurs du secteur privé ont bénéficié de ces conventions pendant l'année 1990. Les mêmes résultats ont été atteints dans les conventions collectives pour les années 1991 et 1992.
Le représentant gouvernemental, en réponse à la question formulée par le membre travailleur de la Grèce, a déclaré qu'il ne pouvait engager son gouvernement pour abroger les dispositions auxquelles s'était référé le membre travailleur. Il a estimé que les partenaires sociaux et le gouvernement auront l'occasion d'examiner cette question. Il a pris bonne note des préoccupations manifestées dans la commission.
La commission a pris note du contenu de l'observation de la commission d'experts et des informations communiquées par le gouvernement concernant la loi nouvelle de mars 1990 sur les négociations collectives. La commission a noté que cette nouvelle législation constitue un progrès par rapport à la situation antérieure puisqu'elle prévoit le droit et l'obligation de négocier et qu'elle permet la négociation à tous les niveaux. Cependant, la commission a relevé qu'à deux reprises au moins le gouvernement est intervenu dans les négociations salariales. La commission a rappelé à l'instar de la commission d'experts l'importance du principe de la négociation volontaire des conventions collectives. La commission a exprimé l'espoir que le dialogue entre le gouvernement et les représentants des travailleurs et des employeurs conduira à une meilleure application de la convention tant il est vrai que toute politique de stabilisation économique doit être le fruit de la concertation et non de la contrainte. La commission a souhaité être en mesure de constater très prochainement des progrès réels dans ce domaine.
Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:
En réponse aux observations de la commission d'experts sur l'application de l'article 4 de la convention, le gouvernement fait observer que dans le cadre des efforts déployés pour moderniser les dispositions légales régissant les négociations collectives en Grèce, le ministre du Travail a constitué en 1988 une commission formée de professeurs d'université et de professeurs spécialisés en droit du travail. Cette commission a présenté récemment le projet de loi qu'elle a préparé, lequel a été adressé aux agents compétents et, avant d'être rédigé dans sa forme définitive, aux représentants des partis politiques en vue de recueillir leurs observations. Ce projet de loi a été déjà signé par les ministres compétents et devrait être soumis au parlement. Ce projet de loi prévoit qu'il n'y aura pas d'ingérence de l'Etat, à aucun stade du règlement des conflits du travail (négociation directe, arbitrage), puisqu'il est envisagé de constituer de corps spécial d'arbitres médiateurs en dehors de la fonction publique. En outre, le droit de grève ne sera soumis à aucune limitation du début d'un conflit de travail et jusqu'à un règlement.
La commission note que, dans une communication du 29 juillet 2010, la Confédération générale grecque du travail (GSEE) a transmis des commentaires urgents au sujet des mesures législatives déjà appliquées ou devant être appliquées par le gouvernement grec pour la fin de l’année 2010, dans le cadre du mécanisme de soutien à l’économie grecque (la GSEE se réfère à ce mécanisme comme étant «le mécanisme de prêt». La Confédération syndicale internationale (CSI) et la Confédération européenne des syndicats (CES) ont exprimé leur soutien à ces commentaires dans des communications du 9 août et du 22 septembre 2010, respectivement. Dans une communication du 25 novembre 2010, le gouvernement indique que sa réponse est en cours de finalisation et qu’elle sera communiquée à la commission aussitôt que possible, ce délai étant dû à la complexité des questions et à la nécessité d’impliquer et de coordonner plusieurs agences compétentes.
La commission note que, le 5 mai 2010, le Parlement grec a adopté la loi no 3845/2010 (FEK A’65/6-5-2010) portant sur «les mesures destinées à mettre en œuvre un mécanisme de soutien à l’économie grecque de la part des Etats membres de la zone euro et du Fonds monétaire international». La loi comporte, dans ses annexes III et IV, un «Mémorandum sur les politiques économiques et financières» et un «Mémorandum d’accord sur la conditionnalité spécifique en matière de politique économique», comportant des engagements assortis de délais par le ministère des Finances, avec la participation de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international et communiqués par lettre du ministère des Finances et du Gouverneur de la Banque centrale de Grèce au Président de l’Eurogroupe, à la Commission européenne, à la Banque centrale européenne et au Fonds monétaire international.
La commission note également l’adoption, le 8 juillet 2010, de la loi no 3863/2010 portant sur le «nouveau système de sécurité sociale et les dispositions y relatives» (FEK A’115) visant à mettre en œuvre certains des engagements assortis de délais prévus dans les deux mémorandums annexés à la loi no 3845/2010, dans le domaine des politiques structurelles pour le renforcement du marché du travail. Par ailleurs, le 5 mars 2010, avant la création du mécanisme de soutien à l’économie de la Grèce, le Parlement avait adopté la loi no 3833/2010 (FEK A’40/15-3-2010) portant sur «la protection de l’économie nationale – mesures d’urgence pour aborder la crise fiscale».
La GSEE critique l’article 2, paragraphe 7, de la loi no 3845/2010, en vertu de laquelle la convention collective générale nationale ne pourra plus fonctionner comme mécanisme permettant d’établir le salaire minimum, en ce que les conventions aux niveaux de la branche et de l’entreprise pourront s’écarter des termes des conventions sectorielles et de la convention collective générale nationale. La GSEE note que cette disposition démantèle un solide système de négociation collective qui avait fonctionné efficacement et sans heurts pendant vingt ans, suite au «Pacte social» adopté unanimement en 1990 par tous les partis politiques et renforcé par le consensus des organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives à la suite d’un dialogue social intense. Dans le cadre du système précédent introduit par la loi no 1876/1990, la convention collective générale nationale primait sur toutes les conventions générales collectives, était applicable à l’égard de tous les travailleurs du secteur privé sur le territoire de la Grèce, quelle que soit leur affiliation à un syndicat, et liait tous les employeurs du pays.
La GSEE conteste également les exceptions introduites en application de la convention collective générale nationale concernant les jeunes travailleurs (de 18 à 24 ans) et les enfants (de 15 à 18 ans) ainsi que l’autorisation du ministre du Travail (art. 2, paragr. 9, e) et f), de la loi no 3845/2010) de réguler, au travers de décrets présidentiels, leurs conditions de travail, excluant ainsi ce groupe de travailleurs vulnérables du bénéfice des salaires minima et des règles minimales sur les conditions de travail qui avaient jusqu’à présent été établies par la convention collective générale nationale. Elle note en particulier que de jeunes travailleurs jusqu’à 24 ans, et les enfants de 15 à 18 ans, recevront une rémunération équivalant, respectivement, à 80 et 70 pour cent du salaire minimum de base, ceci étant établi dans la convention collective générale nationale pour une période de 12 mois (art. 2, paragr. 6, de la loi no 3845/2010 et 74, paragr. 9, de la loi no 3863/2010).
Par ailleurs, la GSEE conteste les réductions drastiques permanentes (et non temporaires) des salaires introduites par deux fois en 2010 dans le secteur public au sens large, y compris pour les employés sous contrats de droit privé (employés des gouvernements locaux et entreprises publiques) en dépit des dispositions des conventions collectives pertinentes en vigueur (art. 1, paragr. 2 et 5, de la loi no 3833 et art. 3, paragr. 1, 4, 6 et 8, de la loi no 3845/2010). La GSEE affirme que les conventions collectives ont été interdites dans le secteur public au sens large par l’article 1, paragraphes 2 et 5, et l’article 3, paragraphe 5, de la loi no 3833 et l’article 3, paragraphe 8, de la loi no 3845/2010 qui disposent que toutes les dispositions des conventions collectives qui sont contraires aux lois en question sont annulées et remplacées.
La GSEE attire également l’attention sur les différents engagements assortis des délais introduits par les deux mémorandums, sans consultation aucune avec les partenaires sociaux qui, en son sens, constituent une violation de l’autonomie des parties à la négociation et un prétexte de dialogue sur des conclusions préétablies et des engagements contraignants qui font déjà partie de la législation nationale.
Enfin, la GSEE critique l’absence de consultations lors de l’adoption des mesures législatives susmentionnées, ce qui, selon la GSEE, ne donne pas le signal d’une volonté politique de s’engager dans un dialogue social de bonne foi et ne manifeste pas non plus une intention sincère de prendre en considération les positions de la GSEE sur ces questions importantes.
La GSEE conclut que les lois nos 3833/2010, 3845/2010 et 3863/2010 conduisent à un affaiblissement des travailleurs compte tenu des effets combinés des licenciements, du gel des salaires et de l’abandon des niveaux minimums de salaire, nient l’obligation fondamentale de l’Etat d’assurer et de protéger le travail décent, violent l’essence même des droits sociaux et individuels et mettent en danger la paix et la cohésion sociales. La GSEE souligne que les mesures en question sont permanentes et irréversibles, malgré l’échéancier spécifique et la durée limitée du mécanisme de prêt; qu’elles sont disproportionnées, socialement injustes et discriminatoires vis-à-vis des travailleurs, en particulier des plus vulnérables; qu’elles ont été adoptées sans examiner suffisamment d’autres alternatives plus appropriées et mieux pondérées; qu’elles ne sont pas quantifiables et que leur champ d’application n’a pas de relation causale perceptible avec l’objectif poursuivi de mettre en œuvre le programme de stabilité; qu’elles ne sont pas accompagnées de protections concrètes et adéquates permettant de protéger le niveau de vie des travailleurs et soutenir les groupes les plus vulnérables afin de faire face à l’effet combiné des mesures économiques d’austérité et de la crise économique; qu’elles ont eu un impact direct et important dans l’affaiblissement de la position de la GSEE pendant les négociations collectives qui ont débuté en janvier 2010 en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective générale nationale.
La commission se doit de souligner l’importance de tenir des consultations franches et complètes avec les organisations d’employeurs et de travailleurs au sujet de la révision du système de négociation collective, dans le respect du principe de l’autonomie des parties au processus de négociation collective et à la lumière des implications à long terme d’une telle révision pour le niveau de vie des travailleurs. Par ailleurs, elle doit rappeler que, d’une manière générale, si, dans le cadre d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que les niveaux de salaire ne peuvent être déterminés librement au travers de la négociation collective, une telle restriction devrait être imposée comme une mesure exceptionnelle et seulement dans la mesure nécessaire, sans excéder une période de temps raisonnable, et doit être accompagnée de mesures de sauvegarde adéquates pour protéger le niveau de vie des travailleurs. La commission procédera à l’examen de ces commentaires, en même temps que des observations du gouvernement y relatives ainsi que de son rapport dû en 2011, à sa prochaine réunion, ce dernier devant aussi aborder les précédents commentaires de la commission (voir observation 2009, 80e session).
Enfin, la commission note que, tel qu’indiqué par la GSEE, la révision du système de négociation collective pourrait avoir un impact plus large sur le respect d’un certain nombre de conventions de l’OIT ratifiées par la Grèce, y compris: la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947; la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949; la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951; la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964; la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973; la convention (no 150) sur l’administration du travail, 1978; la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981; et la convention (no 156) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981.
A la lumière de la complexité et de l’impact généralisé des mesures adoptées dans le cadre du mécanisme de soutien, qui touchent un nombre de conventions de l’OIT ratifiées par la Grèce, la commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau et à accepter une mission de haut niveau pour faciliter une compréhension globale de ces questions, avant que la commission n’examine l’impact de ces mesures sur l’application de la convention ainsi que sur d’autres conventions ratifiées par la Grèce.
Article 4 de la convention. La commission prend note des observations en date du 20 février 2009 de la Fédération grecque des syndicats des employés de la banque (OTOE) sur l’application de la convention. La commission note également les conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale relatives au cas no 2502. La commission relève que son attention est attirée tant par le Comité de la liberté syndicale que par l’OTOE sur deux aspects législatifs.
Intervention des autorités concernant des dispositions de conventions collectives en matière de caisses de retraite complémentaire. La commission note que les observations de l’OTOE portent sur la loi no 3371/2005 qui permet de dénoncer unilatéralement les conventions collectives concernant les caisses de retraite complémentaire des employés du secteur bancaire et prévoit que les fonds privés en question établis en application des conventions collectives seront automatiquement transférés à un fonds public unique. La commission note les conclusions de 2007 du Comité de la liberté syndicale selon lesquelles «les organes de l’Etat devraient s’abstenir d’intervenir pour modifier le contenu des conventions collectives librement conclues. Le fait d’accorder par la loi une incitation spéciale encourageant l’une des parties à dénoncer ou à invalider les conventions collectives établissant des régimes de retraite constitue une ingérence dans la négociation collective libre et volontaire. […] Aucune disposition de la convention no 98 ne permet au gouvernement d’intervenir unilatéralement pour trancher ces questions, et moins encore de décider unilatéralement que les actifs d’un régime privé de retraite, établi au terme d’une convention collective, peuvent être automatiquement transférés à un régime public de retraite. La mise sur pied de régimes de retraite par voie de négociation collective ainsi que la participation des syndicats à la gestion de ces régimes constituaient des activités syndicales dans lesquelles le gouvernement s’est indûment ingéré.» La commission note en outre que plusieurs décisions judiciaires ont été rendues concernant l’application de la loi no 3371/2005, lesquelles ont rappelé que la dénonciation unilatérale de conventions collectives était nulle et non avenue. En conséquence, la commission observe que le gouvernement est requis depuis plusieurs années d’organiser des consultations franches et complètes sur l’avenir des caisses de retraite complémentaire des employés du secteur bancaire et de leurs actifs pour que les questions qui s’y rapportent soient traitées d’un commun accord entre les parties aux conventions collectives établissant les fonds de retraite complémentaire (les banques et les représentants des employés du secteur) et de modifier la loi no 3371/2005 en fonction de l’accord qui sera trouvé.
Exclusion des questions relatives à la retraite du champ d’application de la négociation collective. La commission note que la loi no 1876/1990 sur «la libre négociation collective et autres dispositions» dispose en son article 2, paragraphe 3, que les questions relatives aux retraites sont exclues du champ d’application des conventions collectives de travail. La commission note les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2502 qui soulignent que les régimes de retraite complémentaire peuvent légitimement être considérés comme des avantages relevant de la négociation collective, et demandent au gouvernement de prendre dès que possible toutes les mesures nécessaires pour modifier l’article 2, paragraphe 3, de la loi no 1876/1990, afin de s’assurer que ces régimes de retraite complémentaire ne soient pas exclus de la négociation collective. La commission partage pleinement cette recommandation.
La commission prend note avec intérêt de la récente communication du gouvernement en date du 6 novembre 2009 indiquant que, à la faveur d’un changement de majorité suite aux élections législatives d’octobre 2009, sa position rejoint désormais celle de l’OTOE et que de nouvelles consultations sont prévues avec l’OTOE et l’Association bancaire hellénique en vue d’une solution acceptable par toutes les parties en ce qui concerne les problèmes que posent la loi no 3371/2005 et la loi no 1876/1990. La commission encourage le gouvernement à ne ménager aucun effort en vue de la résolution de ce différend qui remonte à 2005 et espère qu’il pourra prochainement faire état de progrès dans les amendements législatifs demandés. Le gouvernement est invité à fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Observations de la CSI. La commission prend note de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 26 août 2009 dénonçant l’agression violente de la dirigeante syndicale Constantina Kuneva, secrétaire générale du Syndicat du secteur du nettoyage de la région d’Athènes (PEKOP). Relevant que, selon la CSI, cette agression serait directement liée à ses activités syndicales, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur toute enquête diligentée au sujet de l’agression de la secrétaire générale du PEKOP et ses résultats.
La commission prend note du rapport du gouvernement.
Article 4 de la convention. La commission a pris connaissance de la loi no 2602 pour l'amélioration et le développement d'Olympic Airways. Elle note que cette loi fixe les conditions de travail pour les travailleurs employés dans cette entreprise, semble limiter leur droit de négociation collective et a probablement des conséquences sur l'application des conventions collectives en vigueur dans le secteur du transport aérien. La commission prie le gouvernement d'assurer pleinement aux employés de l'entreprise Olympic Airways le droit de négociation collective de leurs conditions de travail et de la tenir informée à cet égard.
Article 4 de la convention. La commission prend note avec satisfaction de l'adoption de la loi no 2738/99 en vertu de laquelle les travailleurs de la fonction publique peuvent jouir du droit de négociation collective. La commission prie le gouvernement de la tenir informée dans ses prochains rapports de l'application de ladite loi.
La commission prend note de la communication de la Confédération générale du travail de la Grèce datée du 3 février 1998 dans laquelle cette organisation déclare que 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi no 2414 de 1996 sur la "modernisation des entreprises et sociétés publiques", qui institue la négociation collective dans les entreprises de services publics, le gouvernement a introduit, dans un projet de loi sur la réglementation fiscale (art. 31 8) de la loi no 2579/98), une disposition en vertu de laquelle la modification du règlement général du personnel des entreprises et sociétés publiques "qui enregistrent des résultats économiques négatifs ou sont en cours de rationalisation" doit s'opérer dans les six mois à compter de la date de la promulgation de ladite loi dans le Journal officiel; cependant, si aucun accord ne se dégage avant l'expiration de la période de négociation, la modification sera effectuée par la voie législative. La Confédération générale du travail de la Grèce dénonce cette intervention de l'autorité législative dans la négociation collective. Dans sa communication en date du 9 octobre 1998, le gouvernement précise que cette disposition législative a été prise dans le cadre de la rationalisation de certaines entreprises publiques se heurtant à des difficultés économiques et financières particulièrement graves -- dont le transport urbain des chemins de fer d'Athènes et les services postaux -- mais qu'elle n'englobe pas la vaste majorité des établissements et autres entreprises satisfaisant aux besoins du grand public. Le gouvernement insiste sur le fait que ces mesures étaient transitoires et que, depuis qu'elles ont été effectuées, les modifications du règlement général du personnel des entreprises et sociétés de services publics s'opèrent désormais par la voie de conventions collectives conclues entre l'administration et les organisations les plus représentatives de travailleurs concernés. La commission prend dûment note de ces informations.
Article 4 de la convention (intervention des autorités dans la libre négociation collective dans le secteur public). Se référant à ses commentaires antérieurs, la commission prend note avec satisfaction des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la loi no 2123 du 14 avril 1993, qui avait suspendu la convention collective générale nationale applicable aux travailleurs du secteur public au sens large du terme, aux travailleurs employés par les entreprises d'utilité publique ou par les administrations locales, a cessé d'être en vigueur à la fin de l'année 1993. Depuis lors, le 21 mars 1994, une convention collective générale nationale a été conclue, en accord avec les partenaires sociaux, pour la période couvrant les années 1994 et 1995. Les travailleurs employés par l'Etat, par les entreprises publiques ainsi que ceux employés en vertu d'un contrat de droit privé par les organisations locales sont notamment couverts par les dispositions de la convention collective générale.
La commission a pris note du rapport du gouvernement ainsi que de ses observations sur les commentaires formulés par la Confédération générale du travail de Grèce (CGT).
1. Se référant à son observation précédente, la commission note les informations fournies par le gouvernement dans son rapport d'après lesquelles la loi no 2025 de 1992, qui imposait des restrictions à la négociation collective pour les travailleurs du secteur public au sens large du terme, des entreprises d'utilité publique, des organisations de l'administration locale et des banques d'Etat, a cessé effectivement d'être en vigueur au 31 décembre 1992.
2. La commission note toutefois que la CGT indique que pour l'année 1993 le gouvernement a de nouveau, par voie législative, i) suspendu la mise en oeuvre de la convention collective générale nationale dans le secteur public pour les travailleurs employés en vertu d'un contrat de travail de droit privé, les travailleurs des entités juridiques de ce secteur privé et ceux de l'administration locale; ii) imposé une augmentation salariale de 4 pour cent pour les employés des branches de production similaires à celles susmentionnées; et iii) confirmé et étendu le pouvoir du ministre de l'Economie nationale de fixer des plafonds d'augmentations salariaux pour les salariés du secteur public au sens large du terme, et ceci également pour l'année 1994, comme il l'avait fait aux termes de la loi de 1992.
Le gouvernement admet qu'en vertu de la loi no 2129 du 14 avril 1993 (art. 3) les salaires des travailleurs employés par l'Etat, par les entreprises d'utilité publique et par l'administration locale en vertu d'un contrat de travail de droit privé ont été augmentés de 4 pour cent à partir du 1er janvier 1993, précisant que cette augmentation peut être accordée par la négociation collective. Il indique également que des conventions collectives du travail, déjà signées, prévoient une augmentation de 9 pour cent, que les employés du secteur bancaire ont conclu une convention collective prévoyant une augmentation initiale de 3 pour cent et ultérieure de 12 pour cent et qu'en date du 6 juin 1993 la convention collective générale nationale pour le secteur privé a été signée, prévoyant une augmentation salariale de 5,4 pour cent et 8 pour cent par la suite.
La commission regrette que le gouvernement soit à nouveau intervenu dans la libre négociation collective des conditions d'emploi pour les travailleurs du secteur public au sens large du terme, en fixant par voie législative des plafonds salariaux pour 1993 et 1994. La commission rappelle qu'elle a déjà signalé que l'intervention du gouvernement dans le domaine de la négociation collective, dès lors qu'elle dure plusieurs années, porte atteinte aux droits des travailleurs et des employeurs de négocier librement les conditions d'emploi. La commission souligne qu'en cas de difficultés économiques le gouvernement devrait préférer la persuasion à la contrainte et qu'en tout état de cause les parties devraient rester libres de leurs décisions finales.
La commission prie donc le gouvernement de réexaminer sa position à la lumière des commentaires exprimés ci-dessus et de la tenir informée de l'évolution de la situation.
La commission a pris note des débats qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1992 sur la négociation collective ainsi que des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1632 (286e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 255e session, mars 1993) concernant des restrictions à la négociation collective pour les travailleurs du secteur public au sens large du terme, des entreprises d'utilité publique, des organisations de l'administration locale et des banques d'Etat, faisant suite à l'adoption de la loi no 2025 de 1992.
La commission, à l'instar du Comité de la liberté syndicale, exprime le ferme espoir que, tel que prévu par les dispositions de la loi no 2025, celle-ci a effectivement cessé de s'appliquer le 31 décembre 1992, et demande au gouvernement de confirmer dans son prochain rapport qu'il en est bien ainsi. Elle veut croire qu'à l'avenir le gouvernement, conformément à ses engagements, privilégiera le principe de la négociation volontaire des conventions collectives pour régler par ce moyen les conditions d'emploi, y compris dans le secteur public.
La commission prie le gouvernement de la tenir informée de l'évolution de la situation dans ce domaine.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1993.]
Se référant à son observation précédente demandant au gouvernement d'indiquer les mesures prises pour rétablir l'autonomie des partenaires sociaux dans les procédures de négociation des augmentations de salaire, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la Ligue des industries grecques et la Confédération générale des travailleurs de la Grèce ont signé, à la suite de négociations collectives libres, une nouvelle convention collective nationale générale du travail d'une durée biennale couvrant les années 1991 et 1992.
La commission veut croire que le principe de la négociation volontaire des conventions, et donc de l'autonomie des partenaires sociaux, qui constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale, sera respecté à l'avenir et prie le gouvernement de continuer à fournir dans ses futurs rapports toute information à cet égard.
La commission a pris connaissance de la loi no 1876 du 7 mars 1990 sur les négociations collectives libres et autres dispositions et elle demande au gouvernement d'indiquer:
a) en vertu de quelles dispositions les fonctionnaires publics, à savoir ceux qui ne sont pas régis par une relation de droit privé et qui se trouvent exclus du champ d'application de la loi no 1876 (art. 1er), sont autorisés à négocier leurs conditions d'emploi, à l'exception des fonctionnaires commis à l'administration de l'Etat non couverts par la convention;
b) les raisons pour lesquelles les scientifiques ne sont pas autorisés à négocier leurs conditions d'emploi et de salaires (art. 20, paragr. 2, de la loi);
c) si, pendant la période couverte par le rapport, l'article 16 d) qui autorise le recours à l'arbitrage dans les établissements et organismes d'intérêt public à la demande d'une des parties si l'autre a refusé les propositions du médiateur a été appliqué; en particulier, si un employeur a demandé le recours à l'arbitrage et, dans l'affirmative, dans quel secteur.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1991.]
La commission a pris note du rapport du gouvernement et du contenu de la loi no 1876 du 7 mars 1990 sur les négociations collectives libres, qui remplace la loi no 3239 de 1955 relative aux négociations collectives et aux différends du travail. Elle a également pris note des commentaires de la Fédération panhellénique des travailleurs de l'alimentation et des hôtels, du 23 mai 1990, de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes, du 27 juin 1990, et de la Confédération générale du travail de Grèce du 11 mai 1990 et du 26 septembre 1990.
La commission note que la loi no 1876 du 7 mars 1990 constitue un progrès par rapport à la situation antérieure puisqu'elle permet la négociation au niveau de la branche, de la profession et de l'entreprise et qu'elle prévoit le droit et l'obligation de négocier. Néanmoins, la commission note avec regret que les organisations syndicales indiquent qu'à deux reprises, en mai 1990 et en septembre 1990, le gouvernement est intervenu arbitrairement pour réduire les augmentations de salaires prévues par la convention nationale de travail, faisant ainsi perdre aux travailleurs 13 pour cent de leur pouvoir d'achat. Elle regrette également que le gouvernement n'ait pas fourni de commentaires à cet égard.
Dans ces conditions, la commission rappelle que le principe de la négociation volontaire des conventions, et donc de l'autonomie des partenaires sociaux, constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale; en ce qui concerne les négociations salariales, la commission a toujours indiqué que si, pour des raisons impérieuses d'intérêt national économique et social, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut être fixé librement par voie de négociation collective, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception limitée à l'indispensable, qu'elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et qu'elle devrait être accompagnée de garantie appropriée en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
Regrettant les interventions successives des pouvoirs publics en matière de négociation salariale, la commission rappelle que la persuasion devrait être préférée à la contrainte, et elle demande au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour rétablir l'autonomie des partenaires sociaux dans les procédures de négociation des augmentations de salaires.
La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement sur la portée de la loi no 1876 du 7 mars 1990.
La commission note qu'un projet de loi a été élaboré en 1988, afin de modifier la loi no 3239 de 1955 telle qu'amendée en 1957 et 1974.
La commission demande au gouvernement de communiquer dans ses futurs rapports des informations sur toute évolution législative qui interviendrait en ce domaine.