National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Informations écrites communiquées par le gouvernement
Le gouvernement a communiqué les informations écrites ci-après et copie du décret-loi no 23. Il a présenté la structure organisationnelle et une première liste des personnes de contact et des bureaux de chaque institution concernée, ainsi que le cadre du projet évolutif de feuille de route.
Les présentes informations, soumises par le Département du travail et de l’emploi (DOLE) pour le compte du gouvernement, sont tirées du rapport de la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023 pour enquêter sur les allégations et les informations relatives à la mise en œuvre de la convention.
Le rapport de la mission tripartite de haut niveau réitère les conclusions et les recommandations des rapports précédents des mécanismes de contrôle de l’OIT, particulièrement de la Commission de la Conférence, du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts, ainsi que les fondements sur lesquels le Conseil d’administration du BIT et la Conférence internationale du Travail ont créé la mission tripartite de haut niveau. Les questions soulevées renvoient à celles qui ont fait l’objet d’un examen lors de la première mission de haut niveau de l’OIT aux Philippines en 2009, de la mission de contacts directs en 2017 et de la réunion virtuelle tripartite de haut niveau en 2021.
Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau se dit préoccupée par la lenteur avec laquelle le gouvernement semble mettre en œuvre les recommandations précédentes de l’OIT. Il semble qu’une grande confiance y est accordée aux opinions qu’un groupe de syndicats a exprimées dans un rapport soumis à la mission.
Même avant cette mission, le gouvernement avait pris plusieurs mesures pour répondre aux questions en suspens, dans certains cas en collaboration avec les partenaires sociaux. Ces mesures découlent des précédents rapports et missions de l’OIT et ont déjà été communiquées à l’OIT et à ses organes de contrôle.
Pour rappel, le gouvernement réitère certaines de ces principales mesures: i) la création de mécanismes nationaux et régionaux pour le suivi du respect des conventions nos 87 et 98; ii) la publication des directives opérationnelles des organes de suivi tripartites; iii) la désignation de personnes de contact pour simplifier le signalement et l’intervention immédiate en cas de violation; iv) l’adoption de deux directives sur les règles que les parties prenantes doivent observer en ce qui concerne l’exercice des droits et des activités des travailleurs; v) des textes de loi renforçant d’autres mécanismes de règlement des conflits et institutionnalisant davantage le tripartisme; vi) la participation du DOLE en tant qu’observateur au sein du comité interinstitutionnel créé en vertu de l’ordonnance administrative no 135 de 2012; et vii) le dialogue avec la Cour suprême ayant abouti à la question administrative n° 21-06-08-SC qui a mis fin à l’émission «massive» présumée de mandats de perquisition et de mandats d’arrêt transfrontaliers ayant conduit à la plupart des arrestations de syndicalistes signalées. Après un échange tripartite de haut niveau tenu en ligne en septembre 2021 et avant la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023, le gouvernement a également: i) entamé des consultations avec les représentants des travailleurs et des employeurs sur l’élaboration d’une feuille de route et d’un plan d’action tripartites assortis de délais; ii) entamé la révision des deux directives sur les règles que les parties prenantes doivent observer en ce qui concerne l’exercice des droits et des activités concertées des travailleurs; iii) mené des activités de renforcement des capacités à l’intention des organes régionaux tripartites de contrôle et des institutions partenaires.
Le gouvernement estime que le rapport de la mission tripartite de haut niveau aurait dû prendre dûment en considération ces actions afin de disposer d’un tableau plus complet et plus objectif lui permettant d’évaluer les efforts déployés pour mettre en œuvre les recommandations. Cela aurait permis à la mission tripartite de haut niveau de mieux apprécier l’importance du point de vue exprimé par le gouvernement lors de la réunion-bilan du 26 janvier 2023: tourner la page des difficultés soulevées passe par des engagements non seulement du gouvernement, mais aussi des partenaires sociaux. Quoi qu’il en soit, le gouvernement se félicite de ce rapport. Dans le cadre de la Constitution et de la législation philippines, et en tant que membre souverain et égal de la communauté des nations, il a examiné avec sérieux toutes les recommandations dans l’optique de s’en servir comme orientations constructives permettant de garantir que le pays continuera à poursuivre sur la voie de la promotion de la liberté syndicale et du droit de négociation collective en tant qu’instruments de la justice sociale.
Mesures prises comme suite aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau
Le rapport de la mission tripartite de haut niveau comporte six recommandations:
i) une meilleure coordination et une plus grande cohérence parmi les différentes branches du gouvernement afin de mieux se prémunir contre les menaces graves pour la liberté syndicale;
ii) un engagement avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la Commission de la Conférence, afin de prévenir de futures violations de la liberté syndicale, y compris en finalisant, avant la Conférence de juin 2023, une feuille de route sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations exprimées, selon un calendrier convenu;
iii) la création d’un organe unique, mandaté par le Président, chargé de répertorier et d’examiner sans rien négliger tous les cas d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements présumés liés au travail en cours, en mettant l’accent en priorité sur les enquêtes criminelles, l’ouverture rapide de poursuites et l’obligation de rendre des comptes;
iv) la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation;
v) le renforcement du rôle de l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale (NTIPC-MB) et l’intégration des améliorations recommandées par l’organe présidentiel, afin de définir des mesures de protection et d’en garantir la mise en œuvre rapide et efficace en cas de menace imminente ou perceptible pour la vie, la sécurité ou la sûreté des syndicalistes;
vi) la mise en œuvre complète de toutes les recommandations précédentes.
Renforcement de la coordination et de la cohérence entre les différentes branches du gouvernement et mise en place d’un organe mandaté par le Président
Aux Philippines, comme dans toute structure gouvernementale moderne, l’administration et l’application des lois, ainsi que les enquêtes et les poursuites, sont confiées à différents agents d’exécution dotés de mandats juridiques spécifiques. Il est indispensable d’assurer une coordination interinstitutionnelle efficace et effective entre eux pour que la structure fonctionne. Pour assurer cette coordination au sein du système de gouvernement présidentiel national, ces agents sont tous placés sous le contrôle et la supervision du Président de la République.
Compte tenu de leur mandat, le gouvernement a agi avec rapidité et fermeté sur le terrain de la recommandation relative au renforcement de la coordination interinstitutionnelle et à la mise en place d’un organe dirigé par le Président qui surveillera l’état d’avancement des cas liés à l’exercice de la liberté syndicale. Le 30 avril 2023, le Président a signé le décret-loi portant création d’un comité interinstitutionnel (EO 23-IAC), dont une copie figure à l’annexe A, dans le but de renforcer la coordination, d’élaborer une feuille de route, d’assurer le suivi des actions entreprises, ainsi que d’accélérer les enquêtes menées, les poursuites engagées et la résolution des cas de violation de la liberté syndicale et du droit syndical. Ses principales caractéristiques sont les suivantes:
- Le comité interinstitutionnel est présidé par le secrétaire exécutif; le DOLE en assure la vice-présidence et ses membres sont les suivants: le Département de la Justice (DOJ), le Département de l’Intérieur et des Collectivités locales (DILG), le Département de la Défense nationale (DND), le Département du Commerce et de l’Industrie (DTI), le Conseil de sécurité nationale (NSC) et la Police nationale philippine (PNP). La Commission de la fonction publique (CSC) et la Commission des droits de l’homme (CHR) peuvent être invitées si nécessaire.
- Il incombe au comité: i) de consolider et d’analyser les rapports des agents concernés et de soumettre au Président un rapport complet sur les conclusions et recommandations; ii) d’élaborer une feuille de route conforme aux recommandations de la mission tripartie de haut niveau; et iii) de suivre les progrès de la mise en œuvre des plans d’action et l’étroite coordination entre les agents concernés.
- Les membres sont tenus de soumettre au comité: i) une liste complète des cas et incidents relevant de leur compétence et concernant les syndicalistes dont les droits à la liberté syndicale, d’organisation et de négociation collective auraient été violés; ii) une liste complète des programmes communautaires ayant une répercussion sur les syndicats, les employeurs et les travailleurs; iii) une liste complète des cas liés à la liberté syndicale concernant le personnel des agents d’exécution et les agents de l’État dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions officielles; iv) les mesures prises ou les propositions visant à renforcer les programmes des agents d’exécution pour traiter les questions en suspens et promouvoir et protéger la liberté syndicale; et v) un programme complet d’éducation et de renforcement des capacités, ainsi qu’un plan de communication pour promouvoir une compréhension commune, au sein des agents d’exécution et entre eux, des principes, des politiques, des lois et des règlements relatifs à la liberté syndicale.
Directement sous l’autorité du Bureau du Président, toutes les tâches fonctionnelles du comité sont liées à l’exercice de la puissance publique incombant à des organismes précis et qui ne peuvent être déléguées à des organisations non gouvernementales ou accomplies en collaboration avec celles-ci. Compte tenu qu’il utilise les structures, l’expertise et les ressources existantes, le comité est immédiatement opérationnel. Il a convoqué sa première réunion d’organisation le 22 mai 2023, au cours de laquelle il a été convenu que priorité serait donnée à la liste complète et à la facilitation de l’action concernant les affaires en instance, ainsi qu’à l’adoption d’une feuille de route conforme aux recommandations du rapport de la mission tripartite de haut niveau. La structure et les modalités de travail du comité ont également été convenues, avec notamment la mise en place d’un secrétariat et l’adoption de formulaires de communication d’informations.
Grâce à la création de ce comité, le gouvernement dispose désormais d’un mécanisme fonctionnel pour traiter toutes les difficultés soulevées et mettre en œuvre les recommandations pertinentes du rapport de la mission tripartite de haut niveau.
Élaboration d’une feuille de route tripartite
L’objectif principal de la feuille de route est de créer ou d’offrir un environnement propice à l’exercice libre et responsable de la liberté syndicale et du droit syndical. Sous sa forme actuelle, la feuille de route s’articule autour des quatre domaines d’action définis à la Conférence en 2019, à savoir:
- la prévention de la violence dans l’exercice des activités légitimes des organisations de travailleurs et d’employeurs;
- une enquête immédiate et efficace sur les allégations d’actes de violence à l’encontre de membres d’organisations de travailleurs;
- la mise en place d’organes de contrôle, notamment en mettant à leur disposition les ressources suffisantes;
- la garantie que tous les travailleurs peuvent constituer les organisations de leur choix et s’y affilier.
Avant la venue de la mission tripartite de haut niveau, le DOLE a organisé trois réunions tripartites et deux réunions bilatérales avec les travailleurs et les employeurs à l’échelle nationale. En février 2023, après la mission tripartite de haut niveau, le DOLE a principalement fait appel au Forum des dirigeants pour élaborer la feuille de route. Avec le soutien du Bureau de l’OIT à Manille, le DOLE a également mené trois consultations régionales à Luzon, Visayas et Mindanao auxquelles ont participé les Conseils régionaux tripartites pour la paix sociale et les organes régionaux tripartites de contrôle. Le 20 avril 2023, le Forum des dirigeants a convenu de créer un groupe de travail technique qui s’efforcera d’intégrer de nouvelles contributions spécifiques des partenaires sociaux à la feuille de route évolutive.
Parallèlement, dans le cadre du décret-loi no 23, le gouvernement procède à la mise en œuvre d’activités qui feront à terme partie de la feuille de route, notamment:
- l’établissement de la liste complète des cas et des programmes des institutions concernant la liberté syndicale;
- l’institutionnalisation des modalités d’échange d’informations;
- la mise en œuvre du protocole d’accord entre le DOLE, le Département du commerce et de l’industrie et l’Autorité philippine des zones économiques, signé le 30 avril 2023, afin d’ouvrir la voie à la création de comités tripartites dans les zones économiques spéciales;
- l’achèvement de la révision des directives conjointes du DOLE, des Départements de l’intérieur et des collectivités locales, du de la défense nationale et de la justice, et de la Police nationale philippine, et des directives conjointes du DOLE, de l’Autorité philippine des zones économiques et de la Police nationale philippine sur les modalités » de collaboration entre le personnel en uniforme et les travailleurs engagés dans des activités syndicales, telles que les grèves;
- l’adoption de mécanismes de mise en œuvre: le DOLE doit délivrer une autorisation avant que les procureurs du Département de la justice ne puissent engager des poursuites pour des actes découlant de l’exercice des droits syndicaux;
- la mise en place d’homologues régionaux du comité créé en vertu du décret-loi no 23;
- l’organisation de formations d’auxiliaires juridiques et de formations connexes, et la fourniture d’autres formes d’assistance pour les syndicalistes et les travailleurs, notamment en ce qui concerne les voies de recours juridiques, la constitution de dossiers et la collecte de preuves;
- l’organisation de séances d’échanges entre le personnel civil et le personnel en uniforme, à l’échelle nationale et régionale, afin de promouvoir une compréhension commune de la liberté syndicale;
- l’intégration de la feuille de route dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028 que le DOLE entend lancer d’ici juillet 2023.
Autres questions découlant des recommandations
Concernant la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas, le gouvernement a sérieusement étudié cette recommandation. Cependant, compte tenu de la publication du décret-loi no 23 et de l’existence d’institutions déjà mandatées pour remplir les mêmes fonctions, un tel organe risque d’être tout simplement superflu.
Concernant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes, il existe déjà une commission des réclamations sous l’égide du Département de la justice pour les victimes d’emprisonnement ou de détention injustifiés. Cette commission a été créée par la loi de la République no 7309, promulguée en 1992. En outre, les recours et les demandes d’indemnisation fondés sur des violations avérées des droits de l’homme relèvent déjà de la compétence de la Commission des droits de l’homme.
Discussion par la commission
Président – Nous allons maintenant passer au deuxième cas figurant à notre ordre du jour qui concerne l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, par les Philippines. Je souhaite informer les membres et délégués de la commission que plus de 17 personnes se sont inscrites sur la liste des orateurs. Nous appliquerons donc la réduction du temps de parole de cinq à trois minutes. J’invite le représentant gouvernemental à s’exprimer.
Représentant gouvernemental – La commission est saisie du cas no 3185 sur l’application et la mise en œuvre de la convention par les Philippines. Il porte sur plusieurs incidents signalés d’actes présumés de harcèlement, d’ingérence, d’étiquetage, d’intimidation, de coercition et d’exécution extrajudiciaire dont sont victimes des syndicalistes, prétendument en raison de, en lien avec ou découlant de l’exercice légitime de la liberté syndicale et du droit syndical. La plainte porte essentiellement sur l’inaction ou le manque d’efficacité présumé du gouvernement en ce qui concerne les enquêtes sur ces incidents et les poursuites judiciaires et la traduction en justice de leurs auteurs présumés.
Les incidents signalés ont eu lieu pendant une période au cours de laquelle plusieurs administrations politiques se sont succédé. La Conférence a déjà envoyé trois missions aux Philippines: une mission de haut niveau a eu lieu en 2009, une mission de contacts directs s’y est rendue en 2016 et une mission tripartite de haut niveau a été convenue en 2019 et a finalement eu lieu à Manille en janvier 2023.
Chacune de ces missions a donné lieu à des rapports et des recommandations pour remédier aux préoccupations soulevées. Le gouvernement a entrepris certaines actions sur la base de ces recommandations qui ont toutes été dûment rapportées aux organes de contrôle de l’OIT, y compris à la commission. À cet égard, le gouvernement remercie le BIT pour l’assistance et les orientations qu’il a constamment fournies pour répondre aux préoccupations soulevées.
Toutefois, il apparaît que ces actions n’ont pas entièrement répondu aux attentes de la commission. L’image présentée non seulement à la commission, mais aussi injustement au reste du monde, est que le gouvernement, par l’intermédiaire de ses politiques et de ses services, perpétue une culture de répression, de violence et d’impunité visant spécifiquement les syndicalistes. Il régnerait dans le pays un climat de peur décourageant l’exercice effectif et véritable de la liberté syndicale et du droit syndical.
Cela fait soixante-quinze ans cette année que les Philippines ont adhéré en bonne et due forme à l’OIT. Le gouvernement regrette profondément que l’image peu flatteuse de la situation dans le pays en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention ait conduit les Philippines à figurer cette année à l’ordre du jour de la commission, avec de possibles répercussions plus vastes sur la réputation du pays sur la scène internationale. Cependant, respectant entièrement le mécanisme de contrôle de l’OIT et faisant sien le principe du multipartisme qu’il incarne, le gouvernement se présente aujourd’hui devant la commission avec la conviction qu’une discussion ouverte, raisonnable et constructive permettra d’apprécier pleinement les faits et la situation réelle de la liberté syndicale et du droit syndical aux Philippines.
Comme je l’ai déjà dit, les incidents signalés dans le cas aujourd’hui soumis à la commission ont eu lieu pendant une période au cours de laquelle plusieurs administrations politiques se sont succédé. L’actuelle administration du Président Ferdinand Romualdez Marcos Jr, en fonction depuis le 30 juin 2022, s’est fermement engagée à agir à l’égard de ces incidents et à rendre justice à toutes les parties concernées. Elle continuera de s’appuyer sur les précédentes mesures adoptées par le gouvernement pour ce qui est des précédentes recommandations de l’OIT, et à les renforcer. Il s’agit notamment des actions suivantes: i) le renforcement continu des mécanismes nationaux et régionaux de suivi; ii) la poursuite de la mise en œuvre des deux directives conjointes sur les modalités de collaboration entre le personnel en uniforme et les travailleurs exerçant leurs droits collectifs légitimes; iii) la poursuite de la mise en œuvre de la loi institutionnalisant et renforçant le tripartisme; iv) la poursuite de l’amélioration de la mise en service du comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, tortures et autres graves violations du droit des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité; et v) le respect effectif de la décision de la Cour suprême de mettre fin à l’émission massive présumée de mandats de perquisition et de mandats d’arrêt transfrontaliers ayant conduit à la plupart des arrestations de syndicalistes signalées dans le passé.
Je vais maintenant aborder les mesures adoptées et les faits nouveaux survenus depuis juin 2022. Lorsque l’administration du Président Marcos a pris ses fonctions le 30 juin 2022, le gouvernement a rapidement fait part de sa volonté d’accueillir la mission tripartite de haut niveau que la Conférence de 2019 avait décidé d’envoyer. Dans l’attente de sa venue, les autorités ont adopté les mesures suivantes: i) elles ont repris les consultations avec les représentants des travailleurs et des employeurs sur l’élaboration d’une feuille de route et d’un plan d’action tripartites assortis de délais conformes aux recommandations de la Conférence de 2019; ii) comme déjà mentionné, elles ont entamé la révision, en vue d’une éventuelle intégration, des deux directives régissant la conduite à adopter en ce qui concerne l’exercice du droit des travailleurs de s’organiser et de mener d’autres activités concertées; iii) elles ont mené des activités de renforcement des capacités à l’intention des agences et des organes tripartites de suivi nationaux et régionaux avec l’assistance du BIT; iv) elles ont mené des consultations qui ont donné lieu à l’élaboration d’un Plan pour le travail et l’emploi, dont l’un des principaux résultats porte sur la protection et la promotion des principes et droits fondamentaux au travail, y compris la liberté syndicale et le droit syndical; et v) elles ont reconstitué plusieurs instances tripartites, dont le Conseil national tripartite pour la paix sociale et les conseils salariaux tripartites, pour garantir une véritable représentation des partenaires sociaux. Depuis août 2022, le Président des Philippines a nommé 42 représentants des travailleurs et 37 représentants des employeurs dans différentes instances tripartites, et tous avaient été présentés par leur secteur respectif. Des dialogues ont également été organisés avec les travailleurs et les employeurs sur leurs sujets de préoccupations prioritaires, notamment, mais pas exclusivement, sur des préoccupations liées à l’exercice de la liberté syndicale, la sécurité au travail, les formations et le recyclage.
La mission tripartite de haut niveau s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023. Ses membres peuvent confirmer que les services gouvernementaux qui avaient été invités à participer étaient représentés par des directeurs ou de hauts fonctionnaires, ce qui témoigne de l’importance que le gouvernement conférait aux objectifs de la mission. Ce dernier a reçu le rapport de la mission tripartite de haut niveau le 30 mars 2023. Il contient six recommandations aux autorités philippines. Dans le respect de la Constitution, des structures administratives et des institutions en place, du droit et de la jurisprudence, le gouvernement y a répondu en adoptant des actions concrètes et précises.
Le 30 avril 2023, le Président Marcos a signé le décret-loi no 23 portant création d’un comité interinstitutions dont la mission est de protéger et de promouvoir la liberté syndicale des travailleurs et leur droit syndical. Le décret entend renforcer la coordination entre les agences concernées, élaborer une feuille de route en consultation avec les partenaires sociaux, suivre les mesures prises et accélérer les enquêtes, les poursuites et la résolution des cas de violation de la liberté syndicale et du droit syndical. Le comité interinstitutions est placé sous l’autorité du bureau du Président et présidé par le secrétaire exécutif, le DOLE, en assurant la vice-présidence. Y participent d’autres services concernés, dont les Départements de la justice, de l’intérieur et des collectivités locales, de la défense nationale et du commerce et de l’industrie, le Conseil de sécurité nationale et la Police nationale philippine. La Commission de la fonction publique et la Commission des droits de l’homme peuvent être invitées chaque fois que nécessaire. Il incombe au comité interinstitutions de consolider et d’analyser les rapports des agences concernées et de soumettre au Président un rapport complet sur ses conclusions et recommandations et d’élaborer une feuille de route conforme aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau. Les membres sont tenus de soumettre au comité une liste des cas et incidents, une liste des programmes communautaires, une liste de cas liés à la liberté syndicale concernant le personnel des agences d’exécution et les services de l’État, les mesures prises ou les propositions visant à renforcer les programmes des services pour traiter les questions en suspens et promouvoir la liberté syndicale, un programme complet d’éducation et de renforcement des capacités, et un plan de communication pour promouvoir une compréhension commune, au sein des agences d’exécution et entre elles, des principes, des politiques, des lois et des règlements relatifs à la liberté syndicale.
Désormais, le comité interinstitutions créé en application du décret-loi no 23 est entièrement opérationnel. Il a tenu sa première réunion le 22 mai 2022 au cours de laquelle les personnes de contacts dans les services concernés ont été désignées, et il a été décidé que le DOLE en assurerait le secrétariat. Le comité espère tenir sa deuxième réunion dans le courant de ce mois et compte inviter et y faire participer des travailleurs et des employeurs pour qu’ils contribuent à faire progresser ses travaux.
En adoptant le décret-loi no 23, le gouvernement met non seulement pleinement en œuvre la première recommandation de la mission tripartite de haut niveau qui est d’améliorer la coordination entre les différentes branches du gouvernement sur des thèmes liés à la protection et la promotion de la liberté syndicale et du droit syndical, mais également la troisième recommandation qui porte sur la mise en place d’un organe mandaté par le Président pour surveiller l’état d’avancement des cas liés à l’exercice de la liberté syndicale.
Plus important encore, le décret-loi no 23 établit les fondements et crée des mécanismes permettant au gouvernement de mener à bien les trois autres recommandations de la mission tripartite de haut niveau, à savoir collaborer avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la commission (2e recommandation); renforcer le rôle des Conseils nationaux tripartites de suivi et intégrer les améliorations recommandées par le comité interinstitutions (5e recommandation); et mettre complètement en œuvre toutes les recommandations précédentes (6e recommandation).
En ce qui concerne la feuille de route, un groupe de travail technique tripartite est occupé à la rédiger. Lors de son allocation en séance plénière de la Conférence, le 6 juin 2023, le secrétaire du Travail, Bienvenido Laguesma, a souligné que, s’il incombe au premier chef au gouvernement d’apporter des solutions aux préoccupations soulevées, les partenaires sociaux ont également leur part de responsabilité en aidant à résoudre ces préoccupations, et ce non seulement au travers des mots qu’ils prononcent, mais surtout des actes concrets qu’ils posent. Les difficultés résident maintenant dans les actions concrètes assorties de délais pour lesquelles chaque secteur est prêt à s’engager et à endosser la responsabilité dans le cadre de la feuille de route.
Alors que les partenaires sociaux rédigent la feuille de route, le gouvernement a une idée claire de ses engagements. Lors de la réunion du comité interinstitutions du 22 mai 2023, ce dernier a convenu de poursuivre les objectifs suivants: i) renforcer continuellement la mise en œuvre des directives conjointes sur les modalités de collaboration en cas de grève et autres actions collectives de travailleurs et de leurs syndicats, et les revoir et les modifier si nécessaire; ii) souligner qu’il n’existe aucune politique gouvernementale prônant des exécutions extrajudiciaires ou l’étiquetage en tant que terroristes ou communistes; iii) rendre effectivement opérationnelle la délivrance d’une autorisation du DOLE avant que les procureurs du Département de la justice ne puissent engager des poursuites pour des cas découlant d’activités syndicales afin de traduire en termes opérationnels le protocole d’accord entre le DOLE, le Département du commerce et de l’industrie, et l’Autorité philippine des zones économiques visant à promouvoir la paix sociale dans les zones économiques; iv) mettre en place des homologues régionaux du comité interinstitutions pour organiser des formations d’auxiliaires juridiques et de formations connexes, et fournir d’autres formes d’assistance aux syndicalistes et aux travailleurs, notamment en ce qui concerne les voies de recours juridiques, la constitution de dossiers et la collecte de preuves; v) organiser des séances d’échanges entre le personnel civil et le personnel en uniforme, à l’échelle nationale et régionale, afin de promouvoir une compréhension commune de la liberté syndicale; et vi) intégrer la feuille de route dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028 que le DOLE entend lancer d’ici à juillet 2023.
Il reste une recommandation de la mission tripartite de haut niveau, à savoir la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation. Le gouvernement demande instamment à la commission et à la mission tripartite de haut niveau de repenser à cette recommandation pour les raisons suivantes. Tout d’abord, elle sera superflue compte tenu de la création du comité en vertu du décret-loi no 23. Deuxièmement, il existe des lois et des institutions où les demandes d’indemnisation peuvent être déposées et déterminées. La loi de la République no 7309 a mis en place une commission des réclamations sous l’égide du Département de la justice. La loi de la République no 9851 définit et sanctionne les délits relevant du droit humanitaire et prévoit des règles de réparation pour les victimes. Les voies de recours et les demandes d’indemnisation fondées sur des violations avérées des droits de l’homme relèvent également de la compétence de la Commission des droits de l’homme, qui est un organe créé en vertu de la Constitution. Troisièmement, la création d’un tel organe indépendant doit tenir compte de la jurisprudence existante qui interprète la Constitution philippine. La commission ignore peut-être qu’un décret-loi de 2010 a prévu la mise en place d’un organe similaire, bien que dans un but différent, mais la Cour suprême l’a déclaré inconstitutionnel, car il enfreignait la disposition de la Constitution concernant l’égalité de protection. Enfin, le concept d’organe indépendant tel que le propose la mission tripartite de haut niveau semble s’inspirer d’une recommandation de certains syndicats philippins en faveur de la création d’une commission de vérité. D’après l’expérience internationale, de telles commissions ont vu le jour dans des pays où avaient sévi des conflits internes généralisés et systémiques ayant gravement endommagé les institutions politiques et sociales au point de les rendre inopérantes. Les Philippines sont actuellement loin d’une telle situation.
Le gouvernement suit une approche qui mobilise l’ensemble des pouvoirs publics et intègre les valeurs du dialogue social et de la consultation démocratique dans l’amélioration continue d’un environnement favorable à la promotion et à l’exercice de la liberté syndicale et du droit syndical des travailleurs. Le gouvernement assure à la commission qu’il déploiera tous les efforts possibles et utilisera tous les mécanismes juridiques à sa disposition dans les limites de sa Constitution et de sa législation, ainsi que dans les limites des lois internationales, pour veiller à ce que les questions qui ont été soulevées devant la commission soient résolues rapidement et raisonnablement, et rendent justice à tous. Le gouvernement estime qu’il s’agit non seulement d’une obligation en tant que Membre de l’OIT, mais surtout d’une obligation à l’égard de tous les Philippins.
Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier le gouvernement pour sa déclaration très complète et les informations qu’il a fournies.
Pour rappel, la convention est une convention fondamentale; les Philippines l’ont ratifiée en 1953. Ce cas a également été soumis précédemment au Comité de la liberté syndicale à plusieurs reprises. Il a été examiné par cette commission à six reprises, dont la dernière fois en 2019, date à laquelle la mission tripartite de haut niveau a été recommandée. Il a fait l’objet de 18 observations de la commission d’experts depuis 2000, il ne s’agit donc pas d’une situation neuve, mais d’un cas ancien qui présente de multiples caractéristiques. Il s’agit également d’un cas impliquant la convention pour laquelle, comme nous le savons tous, le groupe des employeurs ne cesse d’exprimer des préoccupations depuis des années.
À première vue, il s’agit d’un cas de discrimination systémique de la part de l’État à l’égard des organisations de travailleurs et de leurs membres. Je dis «à première vue» à dessein, car un examen plus approfondi suggère que le cas des Philippines ne comporte pas une, mais deux réalités. La première concerne les spécificités des plaintes des travailleurs et des syndicats, et la seconde concerne les réponses du gouvernement et le contexte dans lequel ces réponses ont été formulées. Si vous le permettez, j’aborderai ces deux réalités l’une après l’autre.
Mais avant de commencer, je voudrais évoquer l’évolution récente de la situation depuis notre dernier examen en 2019.
Tout d’abord, nous notons que le nouveau gouvernement est au pouvoir depuis juin 2022.
Ensuite, le gouvernement a accepté et reçu une mission tripartite de haut niveau, comme l’avait recommandé la commission en 2019.
Cette mission a eu lieu en janvier de cette année, en raison d’un retard causé par la pandémie de COVID-19. Nous avons été informés que la mission tripartite de haut niveau a été extrêmement fructueuse et que six recommandations ont été formulées dans son rapport, à savoir:
- une meilleure coordination et une plus grande cohérence parmi les différentes branches du gouvernement afin de mieux se prémunir contre les menaces sérieuses envers la liberté syndicale;
- une collaboration avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la Commission de la Conférence, afin de prévenir de futures violations de la liberté syndicale, y compris par la finalisation avant la Conférence de juin 2023 d’une feuille de route sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations identifiées, selon un calendrier convenu;
- la création d’un organe unique mandaté par le Président, chargé de répertorier et d’examiner sans rien négliger tous les cas et les enlèvements présumés liés au travail, en mettant l’accent en priorité sur les enquêtes criminelles, les poursuites judiciaires rapides et l’obligation de rendre des comptes;
- la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation;
- le renforcement du rôle de l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale et l’intégration des améliorations recommandées par l’organe présidentiel, afin de définir des mesures de protection et d’en garantir la mise en œuvre rapide et efficace en cas de menace imminente ou perceptible pour la vie, la sécurité ou la sûreté des syndicalistes;
- la mise en œuvre complète de toutes les recommandations précédentes.
Depuis lors, nous avons assisté à des évolutions prometteuses dans le pays. En particulier, le 12 mai, le gouvernement a créé un conseil consultatif tripartite réunissant le Département du commerce et de l’industrie et l’Autorité philippine des zones économiques pour traiter les questions liées au travail.
En outre, le Président a signé un décret-loi visant à créer un comité interinstitutions chargé d’examiner les violations de la liberté syndicale et d’élaborer une feuille de route tripartite axée sur les quatre domaines identifiés.
Nous accueillons favorablement ces progrès et les efforts déployés par le nouveau gouvernement. Nous considérons également que cette feuille de route devrait être revue régulièrement afin de prendre en compte les recommandations des agences concernées et les contributions d’autres parties prenantes, y compris les organisations les plus représentatives. Cependant, nous notons que le comité interinstitutions ne prévoit pas une représentation des travailleurs et des employeurs. Nous considérons qu’il s’agit là d’une lacune, car le partenariat social et la liberté syndicale témoignent de la nécessité d’un dialogue pleinement coopératif entre ces groupes. Or la mise en place d’un comité composé uniquement de services gouvernementaux ne répond pas à cet objectif. À cet égard, nous demandons instamment que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent participer pleinement à ce processus.
Depuis de nombreuses années, la commission reçoit des plaintes concernant des violations des droits syndicaux, et pire encore, notamment le meurtre présumé de dirigeants syndicaux, des arrestations et de fausses accusations criminelles portées contre des dirigeants syndicaux et des agressions physiques contre des travailleurs en grève. Ces plaintes sont bien trop nombreuses pour être détaillées, compte tenu de l’histoire, et pour être discutées ici aujourd’hui.
Une fois de plus, les observations portent sur de graves allégations de violations des droits de l’homme, notamment:
- les meurtres et tentatives de meurtre de responsables syndicaux;
- la répression violente des grèves et autres actions collectives par la police et les forces armées;
- le harcèlement des syndicalistes et l’interdiction d’adhérer à des syndicats dans les zones franches d’exportation.
Permettez-moi de préciser: les membres employeurs ne dénigrent aucunement la gravité des questions portées à l’attention de la commission. Toutefois, il est important de noter qu’il ne s’agit pas seulement de questions relatives à la liberté syndicale, qui est l’objet de ce cas, mais aussi de questions relatives aux droits de l’homme. Par définition, il s’agit aussi de questions d’ordre public.
De tels cas ne peuvent rester sans réponse, mais nous devons veiller à les examiner dans le contexte de la liberté syndicale. Au sein de cette commission, nous ne sommes pas compétents en matière d’ordre public en particulier, ni même en matière de droits de l’homme, bien qu’il y ait des recoupements inévitables.
Malheureusement, la plupart des détails de ce cas sont les mêmes que ceux que nous avons entendus par le passé. Les meurtres mentionnés ont eu lieu en 2016 et ont déjà fait l’objet d’une discussion, nous devons donc examiner non seulement les détails, mais aussi si la situation s’améliore ou empire, et quelles parties s’améliorent ou empirent. Cette année, il semble qu’il y ait autant de problèmes mais, en même temps, le gouvernement a pris encore plus de retard pour les résoudre. Nous prions instamment le gouvernement d’intensifier et de renforcer ses efforts. Malgré ce que nous avons entendu sur les progrès qu’il accomplit, nous souhaitons voir des progrès «visibles».
Nous sommes au regret de constater les nouvelles allégations de violence et d’intimidation à l’encontre des travailleurs et de leurs représentants dans le cadre de deux incidents particuliers. Si les enquêtes sur les allégations d’actes commis à l’encontre de membres et de responsables syndicaux sont des questions sérieuses, le contexte dans lequel le gouvernement doit enquêter sur ces allégations l’est tout autant. C’est pourquoi la loi philippine sur la sécurité des personnes est peut-être au cœur de cette deuxième réalité. Cette loi reflète l’engagement du gouvernement à préserver la sécurité de ses citoyens dans une longue période d’instabilité politique et civile, y compris d’insurrection armée. C’est ce contexte qui, selon les membres employeurs, n’a pas été suffisamment pris en compte dans l’examen de ce cas, tant aujourd’hui que par le passé.
Ce point est important car les directives opérationnelles du comité interinstitutions définissent les exécutions extrajudiciaires comme incluant les cas où la victime était membre d’une organisation syndicale ou en était adhérente, ou était erronément considérée ou identifiée comme telle, et où la victime était ciblée et assassinée en raison de son appartenance réelle ou supposée à une organisation syndicale.
Toute violation des droits de l’homme n’est pas forcément une violation des droits des travailleurs; cela est particulièrement vrai si la personne contre laquelle la violation a été commise commettait un acte illégal ou criminel au moment des faits. Il est donc essentiel, pour l’examen des cas, de déterminer clairement si la loi a été transgressée et de quelle manière, et si cette loi est conforme aux normes internationales. Ce n’est pas toujours évident et tout manque de clarté ne pourrait qu’empêcher un examen équitable du cas. Dans le contexte de la liberté syndicale, il est important de faire la distinction entre les cas où les membres d’un syndicat étaient des cibles spécifiques en raison de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités, et ceux où ils étaient simplement victimes, aux côtés d’autres citoyens, d’une violence plus générale. Nous avons un mandat dans le premier cas, mais pas dans le second.
Les syndicats ont exprimé leur inquiétude quant à l’utilisation abusive de la loi sur la sécurité des personnes. Pour sa part, le gouvernement a déclaré que cette loi ne peut être utilisée contre l’exercice des droits syndicaux et qu’il existe des directives garantissant que les forces armées et la police ne peuvent intervenir dans les activités syndicales que sur demande expresse des autorités.
En ce qui concerne le suivi et les enquêtes, les employeurs se sont félicités de la création du comité interinstitutions. Le problème est que, bien qu’actif au départ, il semble être tombé en désuétude. Nous espérons que les assurances du gouvernement ont été renouvelées et qu’elles se concrétisent. Nous demandons instamment au gouvernement de se pencher sur ces questions dès que possible.
Comme indiqué précédemment, le gouvernement s’est engagé avec le bureau de l’OIT à Manille dans un programme de coopération technique. Nous soutenons cet engagement avec tout le respect qui lui est dû. À ce sujet, nous prions le gouvernement de fournir une mise à jour sur l’état d’avancement.
En ce qui concerne les modifications du Code du travail, nous prenons note des propositions du gouvernement. Elles sont appréciées mais, une fois de plus, elles doivent être entièrement mises en œuvre et les employeurs demandent instamment au gouvernement de le faire.
Je voudrais conclure en observant que le rapport de la mission de haut niveau a confirmé, pour l’essentiel, la réalité de tout ce dont nous avons discuté dans le passé. Cela renforce la nécessité, comme nous le disons en Nouvelle-Zélande, de passer à l’action. Nous admettons que le gouvernement est relativement nouveau, mais nous sommes en juin 2023 et la lune de miel est terminée.
En conclusion, du point de vue des employeurs, nous souhaitons que le gouvernement prenne les mesures suivantes:
- mettre en œuvre toutes les recommandations du rapport de la mission de haut niveau;
- modifier le Code du travail pour qu’il soit pleinement conforme à la convention, notamment en ce qui concerne le droit de tous les travailleurs et employeurs, sans distinction, de constituer et de faire fonctionner des organisations de leur choix;
- garantir que les travailleurs ne soient pas sanctionnés pour avoir exercé des droits légitimes, fournir des informations sur toute évolution des questions en suspens avant la prochaine réunion de la commission d’experts, ce qui implique de fournir ces informations d’ici au 1er septembre de cette année;
- garantir que le comité interinstitutions est établi de manière à faire pleinement participer les partenaires sociaux.
Membres travailleurs – Au cours des quinze dernières années, les Philippines ont fait l’objet d’une surveillance régulière de la commission, et son non-respect de la convention a déjà été mentionné par les membres employeurs. De fait, en janvier cette année, une mission tripartite de haut niveau, longtemps retardée, s’est rendue aux Philippines, à la demande de la commission en 2019, pour faire le point sur les informations faisant état d’atteintes extrêmement graves à la liberté syndicale et aux libertés civiles dans le pays – entre autres, menaces et harcèlement, surveillance, arrestations et détentions arbitraires, et exécutions extrajudiciaires de membres de syndicats en raison de leurs activités syndicales légitimes. La mission a rencontré des représentants du gouvernement, des syndicats et des employeurs et a formulé six recommandations; elle a demandé notamment au gouvernement de se conformer effectivement aux recommandations précédentes de la commission.
L’une de ces recommandations était de finaliser, avant la session de la Conférence, une feuille de route assortie de délais sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations exprimées. Je crois comprendre que cette feuille de route est en cours de finalisation, ce qui est positif, mais nous craignons que, comme par le passé, le gouvernement ne mette pas pleinement en œuvre les recommandations formulées, comme cela a été le cas pour les conclusions de 2019 de la commission. Nos préoccupations liées aux violations qui se poursuivent sont fondées. En effet, peu de temps après la fin de la mission tripartite de haut niveau, cette année donc, Alex Dolorosa, un agent parajuridique du Réseau des travailleurs du secteur de l’externalisation des fonctions d’entreprise (BIEN) à Bacolod a été assassiné. Son nom vient donc s’ajouter à la longue liste des syndicalistes tués.
J’évoquerai maintenant brièvement les principaux problèmes qui préoccupent le groupe des travailleurs, problèmes que mes collègues travailleurs aborderont ensuite plus en détail. Depuis la dernière discussion de la commission en 2019 sur les Philippines, nos collègues syndicalistes philippins ont fait état des actes suivants: 16 cas de meurtres de syndicalistes, 2 cas de disparitions forcées, 68 cas d’arrestation et de détention, 90 cas de désaffiliation forcée, d’ingérence de l’État dans le droit à l’auto-organisation par le recours aux menaces, au harcèlement et à l’intimidation, 58 cas d’étiquetage en tant que communiste ou terroriste, 127 cas d’intimidation, de menaces et de harcèlement à l’encontre de dirigeants et de membres de syndicats, et 19 cas d’autres activités antisyndicales. Ces chiffres sont choquants et mettent en évidence la culture antisyndicale qui prévaut dans le pays. Peu de cas font l’objet d’une enquête et moins encore aboutissent à des inculpations pour ces actes criminels. L’étiquetage en tant que communiste se poursuit. Il résulte d’accusations sans fondement de la part des services de l’État et jette l’opprobre sur les syndicats et leurs militants en les qualifiant d’organisations soi-disant communistes ou terroristes. Ces accusations suffisent pour que des personnes soient détenues et interrogées par l’armée et la police. L’étiquetage en tant que communistes sert à décourager les travailleurs de soutenir des syndicats légitimes ou à les inciter à s’en désaffilier par crainte de représailles. Ainsi, des employeurs disposent d’une arme puissante pour éliminer sur le lieu de travail les syndicats qu’ils réprouvent. Cet étiquetage est également pratiqué par de hauts fonctionnaires, ce qui a des conséquences désastreuses. Cela ne peut plus durer. Les mécanismes mis en place pour lutter contre ces graves violations, tels que l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale et les organes régionaux tripartites de contrôle, ont également failli. L’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale est censé superviser les activités de ciblage et de suivi des organes régionaux tripartites de contrôle, et le Bureau des relations du travail est chargé de suivre les cas de violation de la liberté syndicale et des droits syndicaux. Mais le manque de financement indépendant ou d’allocation de ressources humaines, l’absence de représentants des employeurs et des travailleurs à plein temps et de personnel technique régional chargé des activités de suivi et de promotion des droits de l’homme et des droits syndicaux, ainsi que l’absence de programmes entièrement financés pour promouvoir ces droits, ont entravé l’action de suivi des organes régionaux tripartites de contrôle. Le Conseil tripartite national de la paix sociale ne se réunit plus régulièrement depuis 2016. Le comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, tortures et autres graves violations du droit des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité, institué en vertu de l’ordonnance administrative no 35, était censé traiter les cas de graves violations des droits de l’homme, en particulier les cas de meurtres liés à l’activité syndicale. Mais les syndicats en comprennent mal le fonctionnement et, malgré les ressources disponibles, peu de cas ont progressé ou ont été résolus, et les neuf cas résolus sur les 65 cas d’exécutions extrajudiciaires l’avaient été avant la création du comité. L’examen des mécanismes qu’a demandé l’OIT a montré que la caractérisation des cas était l’un des principaux obstacles aux poursuites.
Le 1er mai 2023, le décret-loi no 23 a été pris dans le but manifeste de répondre à l’une des recommandations de la mission tripartite de haut niveau, à savoir créer un organe mandaté par le Président pour traiter les violations de la convention. Mais le décret n’a pas été à la hauteur de plusieurs aspects fondamentaux. Le comité interinstitutions ainsi créé ne compte pas de représentants des partenaires sociaux, et ceux-ci n’ont pas été consultés lors de sa conception. Les syndicats pouvaient légitimement s’attendre à être consultés, et l’avaient d’ailleurs demandé et soumis des propositions bien à l’avance. Le décret-loi n’établit pas non plus de lien entre l’action ou les résultats du comité et ceux d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant ni ne prévoit de financement spécifique. Nous sommes entièrement d’accord avec la commission d’experts et nous espérons nous aussi que le gouvernement prendra des mesures pour garantir que toutes les allégations de meurtres, d’étiquetage en tant que communistes, de harcèlement et d’autres formes graves de violence à l’encontre de syndicalistes qui ont été rapportées précédemment feront l’objet d’une instruction appropriée et aboutiront à des résultats concrets afin d’établir les faits, y compris tout lien entre la violence et les activités syndicales, d’établir les culpabilités, de punir les auteurs et de continuer à prévenir et à combattre l’impunité.
Outre les actes de violence commis dans un climat d’impunité, nous devons souligner que la liberté syndicale, qui est protégée par la convention, est également compromise par plusieurs dispositions qui précarisent l’emploi, nuisent à la stabilité et permettent aux employeurs de licencier facilement des travailleurs en raison de leurs activités syndicales.
Enfin, je note que la commission d’experts a soulevé un certain nombre de questions législatives au fil des ans. Des gouvernements précédents avaient introduit une législation, mais aucune modification n’y a été apportée pour répondre à ces préoccupations de longue date. En Belgique aussi, comme en Nouvelle-Zélande, nous avons un proverbe qui invite à passer à l’action. Les membres travailleurs attendent du gouvernement qu’il prenne des mesures concrètes pour réviser le Code du travail et le mettre enfin en conformité avec la convention.
Membre employeur, Philippines – Permettez-moi de préciser que, au sein notre assemblée législative, environ 20 pour cent des représentants sont des représentants de groupes d’intérêts spécifiques, dont environ 24 membres sont considérés comme appartenant au secteur du travail ou sympathisants de ce secteur. Nous implorons donc ces membres de la Chambre des représentants d’accélérer la procédure judiciaire dans la mesure de leurs possibilités. En réalité, ils en ont le mandat. Nous pensons que le tripartisme et le bipartisme aux niveaux national, sectoriel et de l’entreprise sont solides. Des mécanismes de dialogue avec les partenaires sociaux existent dans la pratique. Des relations industrielles stables sont fonctionnelles et, plus important encore, le nouveau gouvernement s’est détourné de la politique de l’administration précédente. Elle a en effet été tenue responsable des exécutions extrajudiciaires – essentiellement liés à la drogue – auxquels certaines des plaintes relatives à l’exercice de la liberté syndicale ont été associées. Nous sommes ici aujourd’hui pour exprimer notre satisfaction quant aux efforts déployés pour la protection et la promotion de la liberté syndicale dans notre pays. Le gouvernement, par l’intermédiaire du DOLE, est conscient des défis auxquels sont confrontés les travailleurs et s’efforce activement de résoudre les problèmes au mieux de ses capacités.
Du côté des employeurs, la Confédération des employeurs des Philippines (ECOP) prend des mesures concrètes depuis 2018 pour institutionnaliser la mise en place d’un mécanisme de dialogue de type tampon, appelé Forum des dirigeants, où sont représentées les plus grandes organisations patronales et syndicales du pays, afin que toute question relative aux relations sociales et professionnelles puisse être abordée. Nous réaffirmons notre engagement à l’égard de la déclaration conjointe émise par le Forum des dirigeants lors de la visite de la mission de haut niveau relative à la convention, au début de cette année. Cette déclaration aborde deux questions principales: le respect des droits des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective; et la nécessité de poursuivre sans délai les enquêtes, les poursuites et le traitement de tous les cas avérés liés au travail et ayant une incidence sur la liberté syndicale et la négociation collective.
Dans l’intérêt de la justice, les employeurs et leurs organisations et secteurs adhérents ne tolèrent aucune tentative de porter atteinte à l’exercice de la liberté syndicale et de négociation collective. Le gouvernement a pris des mesures décisives depuis la réception du rapport officiel de la mission de haut niveau, le 30 mars 2023. Les organes tripartites ont été mis en place dans les zones économiques, offrant une plateforme pour un dialogue et une collaboration significatifs entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs. Cependant, nous espérons que les secteurs des travailleurs et des employeurs seront au moins invités en tant qu’observateurs dans cette commission récemment créée. En outre, dans ce domaine, le gouvernement a reconnu l’importance de renforcer les enquêtes en donnant aux organisations syndicales les moyens d’agir grâce à une formation d’auxiliaire juridique, comme l’a mentionné le sous-secrétaire. Cette initiative de renforcement des capacités améliorera sans aucun doute la capacité des organisations syndicales à défendre efficacement les droits et les intérêts des travailleurs. Le gouvernement devrait avoir la possibilité d’achever le processus de consultation avec les partenaires sociaux. Dans cette optique, le Conseil tripartite national de la paix sociale et d’autres organes tripartites ont été reconstitués en vue d’une véritable représentation avec des membres sectoriels directement désignés par les partenaires sociaux. Cette approche collaborative permet à toutes les parties prenantes de répondre collectivement aux observations faites par la mission de haut niveau.
Toutes ces mesures récentes prises par le gouvernement démontrent sa volonté d’œuvrer à la création d’un environnement qui permet aux travailleurs d’exercer leur liberté syndicale et leur droit de négociation collective. Un tel environnement est essentiel pour la protection des droits des travailleurs et la promotion de leurs intérêts. Nous, employeurs, resterons vigilants et veillerons à ce que nos mandants dans le secteur des entreprises respectent ces droits fondamentaux des travailleurs sur la base des conventions de l’OIT, de la Constitution philippine et, plus importante et plus récente, de notre législation nationale liée au Code du travail.
En conclusion, je soutiens sans réserve les efforts déployés par les Philippines pour protéger et promouvoir la liberté syndicale. L’approche proactive du gouvernement, illustrée par la création d’organes tripartites, le renforcement des enquêtes et le processus de consultation en cours, mérite d’être reconnue et de recevoir votre encouragement et votre soutien actif.
Reconnaissons les progrès réalisés jusqu’à présent et fournissons l’espace et le soutien nécessaires au gouvernement et aux partenaires sociaux pour qu’ils collaborent à l’application des recommandations de la mission tripartite de haut niveau et élaborent une feuille de route tripartite sur la liberté syndicale – en cours de préparation – et qu’ils rédigent le programme pour le travail et l’emploi pour la période 2023-2028. Il s’agit là de pas dans la bonne direction. Ensemble, nous pouvons assurer un avenir meilleur aux travailleurs philippins, en nous appuyant sur les principes de liberté, d’équité et de justice, qui sont essentiels aux entreprises, à leur viabilité et à leur pérennité.
Membre travailleuse, Philippines – La position du groupe des travailleurs des Philippines sur la question qui nous occupe est la même que celle de tous les syndicats philippins, dont les organisations affiliées à la Confédération syndicale internationale (CSI) aux Philippines: la Fédération des travailleurs libres (FFW), le Kilusang Mayo Uno (KMU), le Sentro ng mga Nagkakaisa at Progresibong Manggagawa (SENTRO) et le Congrès des syndicats des Philippines (TUCP). Notre pays fait l’objet d’un examen de la commission au sujet de l’application de la convention. En janvier 2023, les Philippines ont reçu une mission tripartite de haut niveau de l’OIT. Elle a soumis des recommandations et notre dévoué sous-secrétaire en a accusé réception le 30 mars 2023. Nous prenons note des mesures prises par le gouvernement pour remédier aux violations de la liberté syndicale. Nous sommes prêts à entamer une discussion constructive, comme l’a proposé le sous-secrétaire. Toutefois, nous estimons, avec tout le respect qu’il mérite, que le gouvernement choisit ce qui lui convient parmi les récentes recommandations. Il n’a pas encore adopté de stratégie de mise en œuvre conjointe avec les partenaires sociaux, ne respectant ainsi pas les recommandations. La commission ne peut donc pas examiner le rapport conjoint de mise en œuvre de la feuille de route à cette 111e session de la Conférence.
Nous prenons note de la récente promulgation du décret-loi n° 23, qui vise à renforcer et à protéger la liberté syndicale et le droit syndical des travailleurs et met en place à cette fin un comité interinstitutions de l’exécutif, chargé de coordonner et d’accélérer les enquêtes et les poursuites en cas de violations de la convention. À première vue, ce décret-loi semble répondre à la recommandation de la mission tripartite de haut niveau d’établir un organe mandaté par le Président pour traiter les violations de la convention. Une lecture plus attentive révèle toutefois qu’il ne prend pas en compte plusieurs aspects fondamentaux.
Le comité interinstitutions ne compte pas de représentants des syndicats ni même des organisations d’employeurs. Ni les organisations de travailleurs ni les organisations d’employeurs n’ont été consultées au sujet de sa constitution. Rien n’indique qu’il est prévu de relier l’action du comité à celle de l’organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant qui doit être institué pour examiner les cas que le comité lui soumettra afin de documenter les témoignages et de prévoir d’éventuelles indemnisations. Nous ne partageons pas l’avis du sous-secrétaire du gouvernement selon lequel la création de ces organes est inconstitutionnelle puisque plusieurs organes créés par le Président des Philippines ont été jugés inconstitutionnels, comme la Commission présidentielle anticorruption et la Commission du syndicat des employés philippins, entre autres.
Rien n’est dit ni prévu plus spécifiquement pour mettre en place des mécanismes ou une feuille de route afin de résoudre définitivement les 68 cas en suspens d’exécutions extrajudiciaires liées à des activités syndicales qui ont été soumis depuis aux autorités et qui sont mentionnés dans le rapport. Aucun budget de fonctionnement spécifique n’est prévu pour le comité et son secrétariat; leurs ressources dépendent du budget du DOLE, ce qui crée une situation potentielle d’échec. Le régime d’indemnisation qui existe en vertu de la loi que le gouvernement a mentionné est très insuffisant: les personnes incarcérées à tort ne reçoivent que 1 000 pesos philippins par mois, soit l’équivalent de 19 dollars des États-Unis d’Amérique. Les indemnisations prévues dans le cas de personnes assassinées ne dépassent pas 10 000 pesos philippins, soit 181 dollars des États-Unis. Est-ce là la valeur d’une vie? Examinons maintenant la réalité sur le terrain: les activités syndicales de plusieurs d’entre nous ont été considérées comme des activités délictueuses, insurrectionnelles ou terroristes. À la veille de la visite de la mission tripartite de haut niveau, le Département de la justice a rejeté une plainte déposée contre 17 agents de police impliqués dans l’assassinat du dirigeant syndical M. Manuel Asunción au motif que l’épouse de M. Asunción n’avait pas identifié directement les assassins et que l’opération de police était légitime. M. Asunción a été tué dans son bureau au Centre d’assistance aux travailleurs lors d’une opération de police à Cavite.
Le même mois, l’enlèvement des syndicalistes Armand Dayoha et Dyan Gumanao à Cebu a été filmé. M. Dayoha est l’un des responsables de l’Alliance des travailleurs de la santé (AHW), et M. Gumanao l’un des coordinateurs de l’Alliance des enseignants concernés (ACT). Ces deux personnes ont surmonté cette situation éprouvante mais, aujourd’hui, alors qu’ils ont intenté une action pour que les coupables soient traduits en justice, la procédure traîne en longueur.
La criminalisation des activités syndicales dans la pratique est contraire à la convention. En ce qui concerne les 68 assassinats signalés, nous sommes en désaccord avec les employeurs des Philippines. Ces assassinats ne sont pas liés à la drogue. L’assassinat de responsables syndicaux ainsi que quelque 400 cas de violations des droits syndicaux depuis la prise de fonction du Président Rodrigo Duterte en 2016 ont été signalés à la mission de l’OIT.
Ce schéma de violence se poursuit alors que le Président Marcos a été élu il y a près d’un an, et l’assassinat récent du syndicaliste Alex Dolorosa s’ajoute aux 68 cas précédents. Sur les 69 cas d’assassinats survenus depuis 2016, personne n’a été poursuivi ni sanctionné par la justice.
Bien que le gouvernement philippin brosse le portrait d’une nation respectueuse des droits de l’homme et des syndicats, qui défend la liberté syndicale et le tripartisme, la réalité que nous vivons le contredit. Les enlèvements, les meurtres et la présence policière intimidante lors des manifestations syndicales, entre autres, au cours de la première année de la présidence de Marcos mettent en évidence une culture d’impunité persistante qui met en péril toutes les organisations syndicales. Par conséquent, la violence persistante se traduit par un taux de syndicalisation d’environ 7 pour cent, et le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives a baissé. Les licenciements collectifs et la suppression d’emplois réguliers dans de nombreuses entreprises entraînent une réduction considérable du nombre de personnes syndiquées. Ces pratiques, particulièrement courantes dans des organisations ou entreprises telles que le centre médical De Los Santos, Wyeth-Nestlé et Duty-Free Philippines, touchent des centaines de salariés réguliers à cause de leur appartenance à un syndicat.
Les syndicats du secteur public ne sont pas épargnés. Un problème essentiel dans le secteur public est la désaffiliation forcée de membres de syndicats en raison de la pression constante qu’exercent leurs employeurs publics. Un exemple significatif est celui du syndicat du personnel en civil affilié à la Confédération indépendante des travailleurs de la fonction publique (PSLINK), dans l’unité de négociation de la Police nationale philippine, ce qui affaiblit le syndicat et porte atteinte aux droits des membres de notre syndicat. Afin de mieux démontrer l’ampleur des atteintes à la liberté syndicale, on donnera les exemples suivants: la surveillance d’un dirigeant du SENTRO à Davao, de février à mai 2023; l’étiquetage de l’ACT en tant qu’organisation communiste par la secrétaire du Département de l’éducation; l’étiquetage en tant que communistes de travailleurs migrants à l’étranger; le harcèlement d’une secrétaire syndicale de la FFW, accusée d’une infraction pénale depuis qu’elle a eu gain de cause dans le procès qu’elle avait intenté pour licenciement illégal et qu’elle a été réintégrée dans une usine de vêtements dans les Ecozones de Clark; et, plus récemment, dans le cadre d’une campagne de certification menée à l’encontre d’un syndicat créé dans une entreprise multinationale, l’étiquetage en tant que communiste d’un dirigeant des Syndicats associés (ALU). Le nouveau chef des services de la défense a déclaré qu’il n’y avait rien de grave à être étiqueté de la sorte, pourtant, lorsque c’est le cas, cette personne devient la cible d’assassinats ou d’enlèvements, ou des menaces graves pèsent sur sa vie et sa famille. Rien de grave en effet!
Nous réitérons qu’il est urgent que le gouvernement consulte les partenaires sociaux pour: i) réviser le décret-loi n° 23, car il n’est pas conforme à la recommandation de l’OIT d’inclure des représentants des travailleurs et des employeurs; ii) créer un organe indépendant et non judiciaire pour documenter les témoignages, examiner les cas et proposer des mesures d’indemnisation aux parties affectées; iii) renforcer le Conseil national tripartite de suivi en établissant des équipes tripartites de certification qui examineront avec célérité les cas signalés d’assassinats de syndicalistes et d’autres violations flagrantes de la liberté syndicale; et iv) adopter le décret présidentiel qui énoncera les directives conjointes sur la conduite des forces de sécurité de l’État afin de garantir le respect qui s’impose des droits syndicaux. Telles sont les recommandations des syndicats. Enfin, nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement et le groupe des employeurs de façon à améliorer la liberté syndicale et la situation en ce qui concerne les assassinats et l’impunité. Organiser un syndicat n’est pas un crime. Il est temps d’agir, nous insistons sur ce point.
Membre gouvernementale, Suède – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, la République de Moldova, le Monténégro, pays candidats, l’Islande et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), membres de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration. Nous encourageons activement la ratification des conventions fondamentales de l’OIT. Nous appelons tous les pays à protéger, promouvoir et respecter tous les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs. Nous accordons une grande importance à la liberté syndicale et au droit syndical. Les Philippines sont un partenaire important, notamment en ce qui concerne le soutien au multilatéralisme et à l’ordre international fondé sur des règles. Dans le cadre du Système de préférences généralisées et de l’accord-cadre de partenariat et de coopération avec l’UE, les Philippines se sont engagées à ratifier et à mettre effectivement en œuvre les conventions internationales sur les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs. Le cas abordé aujourd’hui est un cas ancien et grave. Lors de sa 29e session, la commission avait noté avec inquiétude les nombreuses allégations de meurtres de syndicalistes et de violences antisyndicales, ainsi que l’absence d’enquête sur ces allégations. La Commission de la Conférence avait également demandé au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau avant la Conférence de 2020 et d’élaborer, en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, un rapport sur les progrès accomplis à l’intention de la commission d’experts d’ici au 29 septembre de la même année. En septembre 2021, un échange avec l’OIT, le gouvernement et les partenaires sociaux a été tenu virtuellement à cause de la pandémie de COVID-19 et a donné lieu à des recommandations, dont l’une était que le gouvernement adopte un plan d’action assorti de délais, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien de la CSI et de l’Organisation internationale des employeurs. Ce plan abordait les quatre domaines de préoccupation.
Nous nous félicitons que les Philippines aient accueilli la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023. La mission a formulé un certain nombre de recommandations et, bien qu’elle ait observé certains progrès, ceux-ci restent largement insuffisants compte tenu de la gravité des problèmes. Nous regrettons vivement que le gouvernement n’ait pas mis à la disposition de l’OIT un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites avant la commission de 2023 pour montrer que des mesures tangibles visant à mettre en œuvre ces recommandations ont été adoptées. Nous tenons à souligner que les mesures tripartites sont essentielles pour réaliser des progrès. Nous saluons néanmoins la déclaration conjointe du Forum des dirigeants, qui pourrait servir de base solide et positive pour poursuivre les discussions sur la feuille de route tripartite.
Sous la nouvelle administration, nous constatons une amélioration dans le domaine des droits de l’homme. Nous espérons que cette tendance se poursuivra. Le dialogue avec l’UE est ouvert, y compris sur les questions les plus sensibles. Toutefois, des sujets de préoccupation subsistent, notamment l’allégation de graves actes de violence et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes; de graves violations des libertés civiles et de la liberté syndicale à l’encontre des travailleurs et de leurs représentants, où dans certains cas, les autorités empêchent les activités légales des syndicats. Nous sommes également préoccupés par les cas en instance de meurtres présumés de dirigeants et de membres de syndicats où, malgré les efforts du gouvernement, aucun progrès apparent n’a été réalisé. Nous souhaitons souligner la nécessité de mener des enquêtes sur les meurtres de syndicalistes afin de faire toute la lumière sur les faits et les circonstances qui entourent ces actes. Nous souhaitons établir les responsabilités, punir les auteurs et empêcher que des événements similaires se répètent, afin de lutter contre l’impunité.
Nous sommes préoccupés par la pratique de l’étiquetage en tant que communistes des représentants et des membres des syndicats, ainsi que par les allégations de liens avec des organisations terroristes par les forces de sécurité afin de créer un climat de peur qui empêche les travailleurs d’exercer leurs droits. Nous saluons les intentions du gouvernement de lutter contre l’impunité et de garantir l’application de la convention. Toutefois, nous regrettons que très peu de mesures politiques ou législatives aient été prises pour répondre efficacement aux préoccupations importantes et de longue date de la commission d’experts et de la commission. Nous sommes préoccupés par l’absence de progrès concernant l’adoption de plusieurs propositions législatives visant à mettre la législation nationale en conformité avec les engagements pris et les assurances données ces dernières années. Il est particulièrement inquiétant de constater l’absence de mesures efficaces pour répondre aux préoccupations en raison du manque de ressources et de coordination dans différents domaines, comme le fonctionnement efficace des mécanismes de suivi et de l’ordonnance administrative nº 35, et ce malgré l’assistance technique du BIT financée par l’UE depuis 2016, qui vise le renforcement institutionnel des partenaires tripartites.
Bien que nous saluions le décret-loi visant à créer un comité interinstitutions pour examiner les cas de violation de la liberté syndicale et élaborer une feuille de route, nous regrettons que ce décret-loi ne soit pas à la hauteur de la recommandation de la mission tripartite de haut niveau et que les partenaires sociaux n’aient, semble-t-il, pas été consultés. En ce qui concerne les zones économiques, nous comprenons que les programmes du Bureau de coordination conjoint pour la paix sociale et du Bureau de l’alliance pour le programme en faveur de la paix sociale ont été suspendus et nous nous en félicitons. Nous avons toutefois prié instamment le gouvernement de garantir les droits des syndicats en continuant à promouvoir des activités de formation complètes sur la liberté syndicale et la négociation collective, et en révisant les directives sur la conduite des parties prenantes en ce qui concerne l’exercice des droits syndicaux. Nous insistons en outre sur nos commentaires des années précédentes dans lesquels nous priions instamment le gouvernement d’adopter des amendements législatifs afin de poursuivre sans délai la révision du Code du travail. Nous souscrivons au rapport de la mission tripartite de haut niveau selon lequel les préoccupations sérieuses et urgentes ne peuvent être abordées que par un véritable dialogue social. Nous encourageons le gouvernement à faire participer les partenaires sociaux de manière constructive, afin de finaliser une feuille de route tripartite avec des échéances et des résultats clairs, et de l’incorporer dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028, comme l’a indiqué le gouvernement. Nous espérons que la mise en œuvre effective de la feuille de route se reflétera dans un rapport conjoint sur l’emploi. Nous encourageons le gouvernement à continuer à collaborer avec le BIT sur cette question.
Membre gouvernemental, Brunéi Darussalam, s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). L’ASEAN prend note des nombreuses initiatives entreprises par les Philippines pour se conformer à la convention. Nous saluons les efforts constants et les mesures concrètes prises par le gouvernement depuis juillet dernier pour aborder les questions soulevées d’une manière proactive et globale.
Le gouvernement a fait preuve de réactivité face aux préoccupations soulevées par différentes parties prenantes, y compris les travailleurs, en prenant des mesures importantes visant la mise en œuvre des recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023. Nous avons conscience des efforts remarquables accomplis jusqu’à présent dans la mise en œuvre de ces recommandations. La publication du décret-loi nº 23, prévoyant la création d’un comité interinstitutions pour protéger la liberté syndicale, témoigne clairement de la volonté du gouvernement de s’acquitter de ses obligations.
Nous sommes intimement convaincus de l’importance de donner au gouvernement une chance de mener à bien le processus de consultation en collaboration avec les partenaires sociaux. Cette approche inclusive garantit que toutes les parties prenantes concernées, y compris les représentants gouvernementaux, des travailleurs et des employeurs, répondent conjointement aux observations mises en évidence par la mission tripartite de haut niveau. En s’engageant dans un dialogue global et collaboratif, le gouvernement peut instaurer la confiance et rechercher des solutions qui seraient mutuellement bénéfiques et qui défendent les intérêts de toutes les parties prenantes.
Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses efforts pour faire respecter les principes de la liberté syndicale et garantir que les voix des travailleurs et de leurs représentants sont entendues et respectées. La protection des droits syndicaux est non négociable. Il est essentiel de comprendre que les affaires relatives à des actes de nature exclusivement criminelle doivent être confiées à des organismes chargés de faire respecter les lois et au système judiciaire. La caractérisation de ces cas devrait être déterminée par une évaluation approfondie des actes présumés, en tenant compte à la fois des droits des individus et de la nécessité d’assurer l’ordre et la sécurité de la société. Cette approche garantit que seules les questions véritablement liées à l’exercice de la liberté syndicale et du droit syndical sont soumises à l’examen de la commission.
L’ASEAN reconnaît que les Philippines, tout comme les autres États de l’ASEAN, devraient continuer à bénéficier de l’assistance technique du BIT. À cet égard, nous exprimons notre soutien indéfectible à l’assistance technique continue fournie aux Philippines afin de résoudre ces problèmes de longue date.
En conclusion, nous réaffirmons notre ferme soutien à l’engagement des Philippines en faveur de la protection et de la promotion de la liberté syndicale. Nous croyons en la détermination du gouvernement à relever les défis liés aux travailleurs et en ses efforts sincères pour se conformer aux recommandations de la mission de haut niveau. Nous prions instamment toutes les parties prenantes de s’engager dans un dialogue constructif, en adoptant les principes d’inclusivité, de coopération et de respect, afin de répondre collectivement aux observations formulées et d’assurer la protection effective des droits des travailleurs.
Membre employeuse, Thaïlande – La Confédération des employeurs de Thaïlande fait cette déclaration au nom de la Confédération des employeurs de l’ASEAN. Elle souscrit à la position de l’ECOP en ce qui concerne le cas des Philippines devant la commission. Cela s’inscrit dans sa volonté de promouvoir des relations professionnelles stables, harmonieuses et productives, ainsi que la création d’emplois dans le cadre du développement national dans tous les pays qu’elle représente. Elle a reconnu que l’engagement de l’ECOP en faveur du développement social par le biais du tripartisme et du bipartisme dans la résolution des problèmes et des défis des relations professionnelles et de travail est en accord avec son désir de promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective aux Philippines. Le principe sous-jacent aux activités de sensibilisation et aux services de l’ECOP repose sur le respect des droits des travailleurs et la protection de leur bien-être. Elle souhaite que les gouvernements, les employeurs et les travailleurs continuent à travailler ensemble pour répondre aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau.
Membre travailleur, Guatemala – Je m’exprime au nom des travailleurs du Guatemala et de l’Union nationale des travailleurs (UNT) du Mexique.
La violation des libertés civiles et des droits syndicaux a cours depuis longtemps aux Philippines. Depuis 2006, les syndicats philippins font état de meurtres et de menaces graves, les cas les plus récents étant l’assassinat de M. Alex Dolorosa, ainsi que de M. Marlon et de sa femme Fe Ornido, au sujet desquels les enquêtes n’ont pas progressé. Ainsi, on compte désormais 69 cas de meurtres de syndicalistes, événements déplorables qui se produisent aussi dans mon pays, le Guatemala.
Ce climat de violence qui conduit au meurtre et à la disparition de dirigeants syndicaux, et à des actes d’agression à l’encontre d’organisations de travailleurs, compromet gravement l’exercice des droits syndicaux; ces actes exigent des mesures radicales des autorités.
Le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement des Philippines de garantir que des enquêtes seront menées sur les assassinats de syndicalistes, et a noté avec regret que, «malgré les enquêtes et le suivi constants dont le gouvernement fait état, aucun progrès substantiel ne semble avoir été réalisé pour traduire les auteurs en justice ou éclaircir les circonstances de ces incidents».
Le climat actuel de pression, de peur et de violence physique extrême nuit à la capacité des travailleurs d’exercer les droits protégés par la convention. Alors que les Philippines ont ratifié la convention il y a soixante-dix ans, le gouvernement a des difficultés pour la faire respecter.
Diverses initiatives ont été prises pour surmonter ces obstacles graves à l’exercice des libertés syndicales – mission de haut niveau, mission de contacts directs, réunion tripartite virtuelle de haut niveau. Une mission tripartite de haut niveau chargée d’enquêter sur les allégations des syndicats et aussi sur les informations du gouvernement qui portent sur l’application de la convention s’est rendue dans le pays en janvier de cette année.
Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau s’est dite préoccupée par la lenteur manifeste de la mise en œuvre des recommandations de l’OIT par le gouvernement des Philippines; la mission a réitéré les conclusions et recommandations contenues dans les rapports précédents des organes de contrôle de l’application des normes.
Le gouvernement des Philippines a également fait état de la création de mécanismes nationaux et régionaux aux fins du respect des conventions nos 87 et 98, ainsi que d’autres initiatives; toutefois, dans tous les cas, on constate un comportement dilatoire et, si l’on assure avec persistance qu’il y a des progrès, ces progrès n’existent que dans le discours officiel.
L’assassinat de syndicalistes exige des enquêtes judiciaires menées en toute indépendance afin de faire toute la lumière, dans les plus brefs délais, sur les faits et les circonstances dans lesquels ces assassinats ont été commis, d’établir les responsabilités, de punir les coupables et d’empêcher que ces actes ne se reproduisent.
La commission devrait exhorter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires et à mettre fin aux pratiques portant atteinte à la liberté syndicale qui ont cours aux Philippines depuis des années.
Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Nous remercions le gouvernement d’avoir fourni un complément d’information à la commission en réponse au rapport de la mission de haut niveau qui s’est rendue aux Philippines en janvier de cette année.
Le gouvernement fait état des diverses mesures qu’il a prises pour répondre aux préoccupations que les organes de contrôle de l’OIT expriment depuis longtemps au sujet de son application de la convention, ainsi que des mesures qu’il prend actuellement en tenant compte les recommandations formulées dans ce rapport. Nous faisons bon accueil à ces mesures, qui constituent des étapes initiales et intermédiaires. Nous restons toutefois préoccupés par la réponse du gouvernement au sujet des allégations de violations constantes des libertés civiles des travailleurs et de leur droit à la liberté syndicale.
Par conséquent, les États-Unis exhortent le gouvernement à accepter immédiatement le rapport de la mission tripartite de haut niveau dans son intégralité et à donner suite à toutes ses recommandations, en particulier la création d’un organe mandaté par le Président pour traiter tous les cas d’allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements liés à des activités syndicales, ainsi que l’application de mesures de protection rapides et efficaces pour faire face aux menaces immédiates et/ou imminentes contre la vie, la sécurité ou la sûreté de syndicalistes.
La commission d’experts a pris note avec préoccupation de nouvelles allégations de violence et d’intimidation à l’encontre de travailleurs et de leurs représentants. Elle a observé avec regret qu’aucun progrès substantiel ne semble avoir été réalisé pour traduire les auteurs en justice.
Les États-Unis restent mobilisés en ce qui concerne le meurtre, en avril, de M. Alex Dolorosa, dirigeant syndical et militant LGBTQI+ au sein de BIEN, une organisation qui aide les travailleurs des centres d’appel à exercer leurs droits et à s’organiser pour améliorer leurs conditions de travail. Nous saluons le fait que le gouvernement a condamné ce meurtre et s’est engagé à mener une enquête approfondie et à traduire les auteurs en justice.
Nous prenons note de l’appel lancé par la mission tripartite de haut niveau pour que tout cas présumé d’acte criminel et/ou de liens illégaux avec l’insurrection communiste soit porté devant les tribunaux compétents, en assurant une procédure régulière et le respect de la présomption d’innocence.
Nous réaffirmons l’importance de la recommandation qu’a formulée la mission tripartite de haut niveau d’agir en collaboration avec les partenaires sociaux afin de progresser véritablement pour répondre aux préoccupations soulevées par la commission d’experts et la commission et prévenir ainsi d’autres violations de la liberté syndicale. Les États-Unis soulignent que des syndicats démocratiques et indépendants sont essentiels à des démocraties saines et inclusives et à des économies prospères.
Les États-Unis restent déterminés à œuvrer avec le gouvernement pour faire progresser les droits des travailleurs aux Philippines.
Membre employeur, États-Unis – Nous notons qu’en juin 2019 la commission a demandé l’envoi d’une mission tripartite de haut niveau dans le pays, qui a eu lieu au début de 2023. Cette mission ainsi qu’un échange virtuel entre-temps ont été les étapes qui ont annoncé un plan d’action visant à indiquer en détail – ce qui est utile ici – comment les Philippines peuvent mettre en œuvre effectivement la convention.
Dans cet esprit, nous considérons que ce cas progresse et que, par conséquent, il est porteur d’espoirs. C’est l’occasion de revenir sur le contenu essentiel de la convention et sur la notion globale de liberté syndicale au regard du droit international. Notons que la liberté syndicale est l’un des plus importants principes fondamentaux du droit international du travail. L’article 2 de la convention dispose ce qui suit: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.» Les termes employés ont toute leur importante: la convention s’applique dans la même mesure aux «travailleurs» et aux «employeurs» – «sans distinction d’aucune sorte» –, lesquels ont le droit de s’organiser et, donc, ne pas s’organiser ou de se désaffilier d’une organisation, selon leur volonté. Nous rappelons que les travailleurs et les employeurs, ainsi que leurs choix en toute connaissance de cause, sont au cœur même de la convention, et que les gouvernements sont tenus d’adopter une législation et d’encourager des pratiques qui aident les travailleurs et les employeurs à faire des choix libres et éclairés sur leur vie professionnelle.
Les gouvernements ne doivent ni permettre ni autoriser – ce point ne doit pas être sous-estimé – tout comportement qui empiète sur ces droits. Bien sûr, cette question renvoie notamment à certaines des préoccupations légitimes qu’a exprimées la commission dans ce cas. En l’occurrence, nous rappelons qu’il est de la plus haute importance de déterminer les faits et le contexte des actes allégués et des préoccupations exprimées. Nous espérons sincèrement que le gouvernement prendra des mesures, avec le BIT et les partenaires sociaux, pour mener de la manière la plus approfondie toutes les enquêtes nécessaires et appropriées. On ne peut pas élaborer de politique ni se prononcer sur la conformité ou non de mesures avec la convention, tant que des enquêtes dignes de ce nom n’ont pas été menées à bien. Si des obstacles existent ou surgissent, le gouvernement, avec les partenaires sociaux, devrait faire preuve de patience et persister.
Nous rappelons également que les gouvernements ne doivent adopter ni une position ni des mesures tendant à favoriser un groupe en particulier, et qu’il s’agit là aussi d’un concept fondamental du droit international du travail.
On attend des gouvernements, dès le niveau le plus élémentaire, qu’ils restent impartiaux et soient un partenaire qui contribuera à ce que les travailleurs et les employeurs fassent des choix libres et informés sur leur vie professionnelle. Nous souhaitons que le gouvernement, au fur et à mesure qu’il avancera dans son plan d’action, gardera ces préceptes à l’esprit.
Membre travailleuse, Norvège – Les syndicats des pays nordiques, de l’Allemagne, de la France, d’Espagne, d’Italie, des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ainsi que la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) déplorent les interventions de la police et des forces armées philippines sur les lieux de travail. Nous n’avons constaté aucun signe positif indiquant que les membres des forces de sécurité des Philippines n’interviennent plus dans les relations professionnelles.
Le 2 juin, la police a pénétré sur le lieu de travail d’une entreprise de conteneurs à Meycauyan, dans la province de Bulacan, le jour où le service régional du DOLE procédait à la certification des élections syndicales. Les travailleurs ont été contraints de voter en présence de l’armée.
Jusqu’à ce jour, la police philippine et les forces armées de la localité Govenor Generoso, dans la province de Davao, poursuivent leur campagne de diffamation et d’étiquetage visant le syndicat créé il y a un an pour faire connaître les droits au travail et organiser les travailleurs d’une plantation. Les officiers de l’armée qualifient le syndicat d’«organisation communiste et terroriste liée au parti communiste et à l’État islamique». L’entreprise est connue pour pratiquer l’exploitation salariale, la discrimination et les licenciements abusifs.
Ce sont là deux exemples d’ingérence militaire signalés au cours des derniers mois, depuis la visite de la mission tripartite de haut niveau aux Philippines, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg de la militarisation des relations professionnelles dans le pays. Pendant une décennie, elle s’est justifiée sous la bannière du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local.
Ces mêmes forces de sécurité composent la majeure partie des membres du comité interinstitutions qui a vu le jour sous l’égide du bureau présidentiel. Il est censé veiller à la protection de la liberté syndicale et du droit syndical des travailleurs, mais les syndicats n’ont même pas été informés de la formation de ce comité.
Nous ne parvenons pas à nous convaincre que ces mêmes services qui ont activement étiqueté, ciblé et intimidé des syndicalistes et prétendu qu’il y avait des infiltrations communistes sur les lieux de travail vont maintenant respecter leur indépendance et protéger le droit à la liberté syndicale. Ce n’est en aucun cas une réponse adéquate pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau visant à mettre fin à la culture de l’impunité.
La constitution de syndicats ne constitue pas une menace directe pour la sécurité nationale. Le gouvernement doit collaborer avec les syndicats et les partenaires sociaux pour adopter une feuille de route conjointe pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau
Membre travailleur, États-Unis – Les délégués travailleurs de l’Australie, de la République de Corée et du Japon, ainsi que la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s’associent à cette déclaration. Une fois de plus, la commission examine le cas du non-respect de la convention par les Philippines.
Nous accueillons favorablement les conclusions de la mission tripartite de haut niveau de janvier 2023 qui a constaté que le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour mettre en œuvre les recommandations de la commission et de la commission d’experts de 2009, 2017 et 2019 en ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires de syndicalistes et d’autres violations de la liberté syndicale dans le pays. Malheureusement, malgré l’attention de la mission, les menaces, les attaques et même les meurtres de militants syndicaux se poursuivent aux Philippines.
Nous sommes attristés et indignés par le meurtre cruel et violent d’Alex Dolorosa, un organisateur syndical et un agent parajuridique du BIEN qui a travaillé sans relâche à l’amélioration des conditions de travail dans l’industrie des centres d’appel. Malheureusement, son assassinat ne fait que renforcer la raison pour laquelle les Philippines sont régulièrement classées parmi les pays les plus meurtriers au monde pour les syndicalistes. Le meurtre tragique d’Alex fait suite à des années de surveillance et d’étiquetage en tant que communiste par le gouvernement philippin. Il est devenu courant aux Philippines que l’armée et le gouvernement s’en prennent aux syndicats, aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs qui tentent de s’organiser en les étiquetant à tort comme des insurgés communistes et des ennemis de l’État, pratiques qui mènent à une surveillance agressive, à des emprisonnements, voire à des meurtres.
Nous regrettons vivement que le gouvernement n’ait pas transmis à la commission un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites des recommandations de la mission tripartite de haut niveau.
Nous demandons instamment au gouvernement philippin de consulter les partenaires sociaux sans plus tarder pour:
- réviser le décret-loi no 23 et y inclure les points de vue des représentants des travailleurs et des employeurs;
- mettre en place un organisme indépendant et non judiciaire chargé de documenter les témoignages, d’examiner les cas et de proposer des mesures de compensation pour les parties concernées;
- adopter une feuille de route assortie d’un calendrier, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de mettre entièrement en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau.
Une fois de plus, nous demandons au Président Marcos et à son administration de prendre des mesures immédiates, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour mettre un terme à la pratique de l’étiquetage et à la culture plus large de l’impunité dans les cas de menaces et de violence à l’encontre des syndicalistes aux Philippines.
Membre gouvernemental, République islamique d’Iran – Ma délégation soutient les efforts louables que le gouvernement déploie pour donner suite aux recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau qu’il a reçue en janvier de cette année. Nous devons reconnaître les résultats concrets qu’a déjà obtenus le gouvernement. Dans l’esprit du tripartisme, des consultations approfondies ont été menées en vue de l’élaboration d’un plan tripartite réaliste et réalisable.
Compte tenu de la complexité des questions en jeu, le gouvernement devrait se voir accorder la possibilité équitable de mener à bien le processus de consultation avec les partenaires sociaux.
Nous estimons que, pour résoudre les cas à l’examen, il est de la plus haute importance de prendre acte des résultats obtenus. Nous reconnaissons donc la nécessité de soutenir le renforcement des organes régionaux tripartites de contrôle, le cas échéant avec l’assistance technique du BIT.
En conclusion, nous prenons note des efforts du gouvernement et estimons qu’il lui faut du temps pour mener à bien son plan d’action destiné à résoudre les problèmes liés à la liberté syndicale.
Membre travailleuse, Indonésie – Je m’exprime au nom des travailleurs indonésiens. Ma déclaration est soutenue par les travailleurs du Cambodge, de la Malaisie et de Singapour, ainsi que par l’Internationale de l’éducation (IE). Nous sommes solidaires des travailleurs et des enseignants aux Philippines. Les enseignants ne devraient pas être qualifiés d’insurgés ni faire l’objet de violences et de discriminations au motif de leur appartenance à un syndicat. Or c’est encore le cas aux Philippines. En mars, la vice-présidente Sara Duterte, qui est également secrétaire de l’Éducation, a publiquement qualifié l’ACT d’organisation terroriste communiste au motif de son soutien à une grève des travailleurs du secteur des transports. L’ACT demandait au gouvernement d’investir davantage dans la construction de 50 000 salles de classe supplémentaires et de recruter davantage d’enseignants. Des membres de la sécurité nationale, sous l’égide du Groupe de travail national pour mettre fin au conflit armé communiste local, ciblent les écoles où des enseignants sont syndiqués et affiliés à l’ACT et y interviennent. Ils organisent de prétendus forums pour la paix et l’ordre dans ces écoles pour identifier les enseignants syndiqués et les membres de l’ACT.
Dans les régions où les syndicats régionaux de l’ACT sont accrédités, le Département de l’éducation a recours à des procédés dilatoires pour empêcher la conclusion d’une convention collective. Dans la région 11, par exemple, le directeur régional du Département de l’éducation a clairement indiqué que les négociations d’une convention collective pourraient reprendre si le syndicat communique la liste complète de ses membres.
Dans la région 5, où des syndicats ont pu conclure une convention collective avec un retard de deux ans, les photos des membres du syndicat ont été affichées devant les écoles et ils ont été accusés à tort d’appartenir à la Nouvelle armée populaire. Dans la province de Camarines Sur, la police s’est même rendue dans des écoles et a fait pression sur les enseignants pour qu’ils retirent leur signature en faveur de la convention collective.
Aux Philippines, des enseignants ne peuvent pas choisir librement les syndicats auxquels ils souhaitent s’affilier pour défendre leurs intérêts professionnels. Qui plus est, ils sont contraints par des agents de la sécurité nationale de se désaffilier et de se retirer de la convention collective négociée par leur syndicat. Cette situation est inacceptable et doit cesser. Nous demandons instamment au gouvernement d’élaborer, avec les partenaires sociaux, une feuille de route conjointe pour donner suite au rapport de la mission tripartite de haut niveau, sous la supervision d’une commission présidentielle, avec la participation des syndicats.
Interprétation de l’arabe: Membre gouvernemental, Maroc – Tout d’abord, j’aimerais remercier le gouvernement pour les informations et les clarifications fournies. Nous saluons également les efforts visant à faire face aux défis et à répondre aux différentes observations de la commission d’experts, que nous tenons à saluer pour les efforts fournis visant à mettre en œuvre les normes internationales du travail et contrôler la mise en œuvre.
Nous saluons également la feuille de route tripartite visant à mettre en œuvre les conclusions de 2019 de la commission et parvenir à une pleine conformité avec la convention, par le biais de la mission tripartite de haut niveau.
Nous avons pris note des réponses apportées par le gouvernement concernant les différentes observations. Nous saluons également toutes les mesures qui ont été prises en tenant compte des recommandations de la commission, dont la feuille de route tripartite visant à promouvoir la liberté syndicale, les libertés civiles et la révision des principes directeurs concernant l’action syndicale.
Nous saluons également fortement le gouvernement pour la consultation avec les partenaires sociaux visant à promouvoir le dialogue social tripartite afin de trouver des solutions aux droits fondamentaux au travail d’une façon inclusive pour les travailleurs dans les zones économiques.
Enfin, nous aimerions recommander au gouvernement de poursuivre les efforts visant à trouver les bonnes solutions nationales pour la mise en œuvre des normes internationales du travail et mener à bien la vision nationale concernant la réforme globale dans les plus brefs délais pour inclure les observations de la commission d’experts.
Interprétation du chinois: Membre gouvernemental, Chine – La Chine remercie les Philippines pour les informations fournies. Nous avons lu attentivement le rapport de la commission d’experts ainsi que les informations actualisées communiquées par le gouvernement. Ce dernier travaille en étroite collaboration avec le BIT pour soumettre les informations dans les délais, promouvoir activement le dialogue tripartite et mener un dialogue constructif. La Chine apprécie cet effort. Nous notons que le gouvernement, qui œuvre à la promotion et à la protection de la liberté syndicale, tient compte des préoccupations des partenaires sociaux et s’efforce de trouver des solutions durables aux problèmes liés au travail. Le gouvernement prend des mesures efficaces pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau qui a eu lieu en janvier de cette année, établir des mécanismes de suivi nationaux et régionaux des conventions nos 87 et 98, publier des directives pour les organes de suivi tripartites et résoudre les problèmes par le biais de cadres législatifs. Nous estimons que la commission devrait apprécier ces éléments. Nous pensons que ce n’est que grâce à une collaboration et un dialogue approfondis que nous pourrons aider le gouvernement à améliorer ses capacités de mettre en œuvre la convention et à inspirer confiance. Nous encourageons le gouvernement à continuer à mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et à se prévaloir de l’assistance technique du BIT, ainsi qu’à poursuivre le règlement des différends et des problèmes. Nous espérons que les parties prenantes pourront parvenir à un consensus et prendre des décisions constructives dans un esprit pragmatique et coopératif afin de protéger conjointement les droits des travailleurs.
Interprétation de l’arabe: Membre gouvernemental, Arabie saoudite – Ma délégation a pris note du rapport de la commission et nous saluons les efforts entrepris par les Philippines pour renforcer leur législation, la mettre en conformité avec les normes internationales du travail et garantir les droits des travailleurs. Nous apprécions également les mesures prises par le pays pour entamer un dialogue avec les partenaires sociaux. Il ne fait aucun doute que tout dialogue nécessite une approche constructive avec le pays concerné afin de renforcer ses capacités. C’est pourquoi nous réaffirmons l’importance de continuer de soutenir les efforts des Philippines dans le renforcement des dispositions relatives à la convention et à la protection des droits, et à poursuivre le dialogue.
Observateur, Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) – La Fédération syndicale internationale IndustriALL soutient la présente déclaration. Je voudrais souligner aujourd’hui les énormes difficultés que rencontrent les travailleurs philippins pour exercer leurs droits à l’organisation et à la négociation collective et, en particulier, la façon dont la contractualisation du travail porte atteinte au droit d’organisation et à la négociation collective.
La législation du travail philippine exige explicitement une relation employeur-employé pour que les travailleurs puissent constituer des syndicats. L’article 243 du Code du travail philippin limite son application aux personnes employées dans des entreprises commerciales, industrielles et agricoles, ainsi que dans des établissements religieux, caritatifs, médicaux ou éducatifs, qu’ils soient ou non à but lucratif.
En outre, il existe plusieurs causes institutionnelles aux violations systémiques de la liberté syndicale. Outre la répression syndicale, l’un des principaux obstacles à l’exercice de la liberté syndicale est la précarisation du travail. Elle empêche la grande majorité des travailleurs d’accéder à leurs droits constitutionnels d’organisation, de négociation collective et de grève. À ce problème vient s’ajouter le manque de données officielles sur le nombre de travailleurs contractuels dans le secteur privé dont les estimations vont de 6,7 millions à 20 millions.
La législation du travail philippine prévoit explicitement que tous les travailleurs ont le droit d’adhérer à un syndicat après avoir travaillé une journée. Toutefois, si vous êtes un ouvrier ou un employé contractuel, vous n’oserez pas exercer ce droit, craignant que votre contrat soit résilié ou ne soit pas renouvelé. C’est la raison pour laquelle des millions de personnes qui travaillent depuis plusieurs années dans la même entreprise ne sont toujours pas considérées comme des employés réguliers et ne peuvent donc pas se syndiquer. Cependant, le plus grand coupable est le gouvernement lui-même qui est le plus grand employeur de travailleurs non réguliers: en juin 2022, il y avait 642 000 travailleurs gouvernementaux non permanents sur un total de 2,5 millions de personnes.
En 2019, malgré l’adoption par les deux chambres du Congrès d’un projet de loi sur la sécurité de l’emploi abordant la question de la contractualisation, l’ancien Président Duterte a mis son veto. Ce problème de contractualisation doit cesser. Nous appelons le gouvernement philippin à s’attaquer sérieusement à la question de la contractualisation et de la précarisation du travail. Nous demandons instamment au Président Ferdinand Marcos Jr de considérer comme urgente l’adoption du projet de loi sur la sécurité de l’emploi, qui comblerait enfin les lacunes du Code du travail à l’origine de ces problèmes.
Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je m’exprime au nom de l’ISP et des neuf organisations affiliées à l’ISP aux Philippines. L’ISP se fait l’écho des très graves préoccupations soulevées par la mission tripartite de haut niveau, les mécanismes de contrôle de l’OIT et d’autres, concernant les exécutions extrajudiciaires de syndicalistes, ainsi que l’incapacité à traduire en justice les auteurs de ces actes ou à offrir d’autres voies de recours aux victimes et à leurs familles.
Le gouvernement continue de nier que la police et l’armée se livrent à l’étiquetage des travailleurs en tant que communistes, malgré les conclusions de la mission de haut niveau et de la Commission nationale des droits de l’homme. Cette dernière a constaté que cette pratique a été normalisée et se poursuit en toute impunité. L’expérience des organisations affiliées à l’ISP montre que ce climat constant d’intimidation et de peur empêche les travailleurs en général de jouir des droits garantis par la convention. Les travailleurs craignent d’adhérer à des syndicats et de devenir des délégués qui s’expriment en faveur d’autres syndicats. Les employeurs sont encouragés à s’en prendre aux syndicats et peuvent facilement dissuader les travailleurs d’adhérer à des organisations en insinuant qu’elles sont liées au communisme. C’est particulièrement évident dans les services publics, où les travailleurs risquent leur carrière s’ils sont étiquetés en tant que communistes. En outre, comme l’a déjà noté la commission, le gouvernement s’est engagé à maintes reprises à adopter et à modifier la législation du travail pour améliorer le respect des normes du travail. Pourtant, les projets de loi proposés n’ont pas été transposés dans la législation. C’est le cas, par exemple, du projet de loi sur les relations de travail dans le secteur public, qui concerne les droits au travail dans la prestation de services publics et qui en est à son deuxième examen après avoir été abandonné sous l’administration précédente. Ce projet de loi comble plusieurs lacunes de lois existantes concernant les travailleurs du secteur public, comme la formation d’une commission des relations de travail pour le secteur public, la liberté syndicale, la négociation collective, le règlement des conflits et le droit de grève. Sans ces amendements, de nombreux travailleurs philippins continuent d’être privés de leurs droits fondamentaux.
Par conséquent, nous demandons instamment au gouvernement de consulter les partenaires sociaux afin de réviser le décret-loi no 23 et d’y faire participer les représentants des travailleurs et des employeurs, d’établir un organe non judiciaire indépendant chargé de documenter les témoignages, d’examiner les cas et de proposer des mesures de compensation aux parties concernées, d’adopter une feuille de route assortie d’un calendrier en consultation avec les partenaires sociaux, de mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et de veiller à ce que le projet de loi sur les relations de travail dans le secteur public soit adopté sans plus tarder.
Représentant gouvernemental – Tout d’abord, je remercie tous les orateurs – gouvernementaux, employeurs ou travailleurs – pour leurs commentaires sur les informations à jour communiquées par les Philippines aujourd’hui ou soumises aux organes de contrôle de l’OIT au cours des mois précédents.
Je voudrais aborder cinq points en réponse aux différentes questions soulevées. Le premier porte sur le décret-loi no 23; le deuxième concerne la feuille de route; le troisième a trait à la distinction, ou disons au besoin de caractériser correctement une violation ou un acte criminel lié à l’exercice du droit à s’organiser; le quatrième concerne le renforcement des organes de suivi; et le cinquième concerne les mesures législatives qu’ont proposées plusieurs orateurs. Je pense que ces cinq éléments résument les différents commentaires de fond qui ont été formulés.
En ce qui concerne le décret-loi no 23, les principales préoccupations qu’ont formulées les travailleurs sont les suivantes: i) un manque de consultation avant la publication du décret; et ii) un manque de représentation sectorielle, en particulier des employeurs et des travailleurs, au sein du comité institué par le décret-loi.
Pour ce qui est de la première remarque, permettez-moi d’indiquer que, tout de suite après la venue de la mission tripartite de haut niveau, nous avons convoqué le Forum des dirigeants, comme l’ont mentionné précédemment les employeurs et les travailleurs des Philippines, pour discuter des manières possibles de progresser. L’une des propositions des travailleurs était un projet de directive présidentielle visant à mettre en œuvre la recommandation de la mission tripartite de haut niveau de constituer un organe unique mandaté par le Président. Nous notons que la recommandation ne prévoit pas la participation de représentants sectoriels. Cet organe serait composé de membres des autorités chargées des poursuites, des autorités de police et des autorités chargées des enquêtes, qui sont des fonctions qui relèvent purement du gouvernement. Nous serions très intéressés de savoir s’il existe quelque part dans le monde un modèle d’organe chargé des poursuites ou des enquêtes au sein duquel les partenaires sociaux sont représentés; nous pourrions alors nous en inspirer.
En ce qui concerne le manque de consultation, il n’est pas nécessaire que toutes les consultations aient lieu en présentiel. Le DOLE a tenu une réunion avec le Forum des dirigeants. Comme je l’ai déjà dit, nous avons pris contact juste après la venue de la mission tripartite de haut niveau pour recueillir des orientations sur la façon d’aller de l’avant. Et, comme cela a déjà été mentionné, les travailleurs, dois-je le reconnaître, ont présenté un projet de directive présidentielle visant à mettre en place une commission présidentielle. Il en a été tenu compte lors du processus d’élaboration du décret-loi no 23. En réalité, comparé au projet présenté par les travailleurs, le décret est nettement plus détaillé et prévoit des fonctions et des domaines d’action spécifiques que le projet initial des travailleurs ne contenait pas.
C’est l’un des éléments dont il faut tenir compte pour bien comprendre le contexte dans lequel le décret-loi a été publié. Nous sommes disposés à rechercher des moyens d’améliorer le comité institué par le décret-loi no 23. Et nous acceptons les conseils de la communauté internationale s’il existe en effet un comité de ce type dans le monde, mandaté pour mener des enquêtes et engager des poursuites et prévoyant une représentation des partenaires sociaux. En ce qui concerne le comité interinstitutions, une deuxième réunion est planifiée, et il est prévu d’inviter des représentants d’employeurs et de travailleurs à participer à un dialogue pour obtenir davantage de suggestions, notamment sur la façon d’améliorer les poursuites et de progresser dans la formulation d’une feuille de route tripartite assortie d’un calendrier.
En ce qui concerne la feuille de route tripartite que la Conférence et la commission ont recommandé aux Philippines de formuler, nous prenons note de la recommandation des employeurs et des travailleurs, ainsi que des gouvernements, concernant la formulation d’un plan conjoint de mise en œuvre, mais nous avons d’abord besoin de la feuille de route. Comme déjà mentionné, un groupe de travail technique composé de représentants tripartites est occupé à formuler la feuille de route en ce moment même. La difficulté à laquelle le groupe de travail tripartite est confronté consiste à identifier les engagements assortis de délais que chaque secteur pourrait inclure dans la feuille de route. L’autre difficulté concerne le champ d’application: si, d’une part, il serait bon que la feuille de route ait un champ d’application très large, de l’autre, il pourrait être tout aussi positif qu’il soit plus ciblé pour assurer un meilleur suivi et une mise en œuvre plus efficace à la feuille de route tripartite. Ce sont là des questions que le groupe de travail technique devra résoudre.
En ce qui concerne le Conseil tripartite national de la paix sociale, le projet de feuille de route devra lui être soumis pour approbation ou pour adoption. À cet égard, je voudrais demander à la commission de faire preuve de patience, notamment en accordant aux mandants tripartites plus de temps pour élaborer une feuille de route réellement précise et réalisable qui convienne à tout le monde. Soit dit en passant, ce sont les travailleurs qui ont demandé une prolongation du délai pour examiner les suggestions détaillées relatives à la feuille de route, ce qui nous semble être une demande tout à fait raisonnable. Néanmoins, nous sommes conscients de l’importance de disposer d’une feuille de route le plus rapidement possible. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de disposer d’un autre mécanisme pour suivre la mise en œuvre conjointe de cette feuille de route, puisque nous avons déjà le Conseil tripartite national de la paix sociale qui est spécifiquement mandaté pour le faire.
Le troisième point concerne la distinction entre les actes criminels, dont doivent être saisis les tribunaux ordinaires, et les actes criminels qui sont directement liés ou découlent de l’exercice du droit syndical et de la liberté syndicale. Ce point a été clairement abordé par plusieurs orateurs. Il convient d’affirmer qu’en aucune manière le gouvernement ne tolère un acte criminel. Les actes criminels ne méritent aucune indulgence et des actions doivent être aussitôt adoptées. Nous souhaitons, cependant, souligner qu’il convient d’établir une distinction nette entre les actes criminels qui sont directement liés ou découlent de l’exercice du droit syndical et de la liberté syndicale et ceux que nous appellerons des «crimes ordinaires». Le cas d’Alex Dolorosa mentionné précédemment en est un bon exemple: il a été dit dans les médias qu’il s’agissait d’un organisateur syndical, mais ce n’est qu’une facette de ce qu’il faisait lorsqu’il était en vie. L’enquête actuelle de la police semble indiquer que son meurtre n’est en rien lié à ses activités syndicales. Selon la police, un suspect a été identifié et des preuves ont été rassemblées quant au motif du meurtre, qui n’est pas lié au syndicalisme, mais plutôt à un vol. Bien que nous compatissions avec la famille d’Alex Dolorosa, nous souhaitons aussi indiquer que son cas ne devrait pas être cité à moins qu’il n’y ait des preuves claires et convaincantes que sa mort est liée à ses activités syndicales; il ne devrait pas être cité devant la commission ni ailleurs pour illustrer une impunité dont sont victimes des syndicalistes aux Philippines. Même s’il était effectivement un syndicaliste, d’après les éléments de l’enquête en cours, son assassinat ne serait pas lié à ses activités syndicales. Nous fournirons volontiers des informations à jour à ce sujet au fil de la procédure, mais nous insistons pour que, une fois encore, comme l’ont rappelé des orateurs, nous prenions garde de ne pas associer immédiatement les meurtres aux activités syndicales. L’élément important est ici le renforcement en cours des mécanismes tripartites régionaux, un processus qui offre aux Philippines et aux partenaires tripartites une bonne occasion de participer; le DOLE dispose actuellement d’un Programme d’organisation et de développement des travailleurs (WODP), dont le but est de soutenir le renforcement de ces mécanismes avec, bien sûr, l’assistance continue du BIT.
Enfin, en ce qui concerne les mesures législatives. Nous sommes conscients que des mesures législatives ont été présentées, retirées et représentées par le passé sans qu’aucun progrès ne soit accompli. Le DOLE et le pouvoir exécutif s’en remettent à la sagesse du Congrès pour l’adoption de mesures législatives, mais insisteront toujours sur l’obligation que toute législation contraignante soit conforme aux normes internationales du travail que les Philippines ont ratifiées. Nous savons que l’une des propositions actuellement examinées au Congrès a pour but de faciliter le développement des syndicats. Il s’agit d’un amendement qui permettra ou autorisera la constitution d’un syndicat sans tenir compte d’un nombre minimum de membres. C’est l’une des propositions actuellement à l’examen au Congrès. Vous pouvez évaluer cette proposition par vous-mêmes, il s’agit de pouvoir créer un syndicat sans aucune condition quant au nombre minimum de membres.
Ensuite, il existe également un projet de loi qui propose d’abolir toutes les formes d’emploi à court terme. Nous ne connaissons aucun pays au monde où il n’y ait pas d’emplois à court terme, même dans les économies les plus avancées. Par conséquent, nous devrions être réalistes quant à ce que nous pouvons attendre des projets de loi qui sont déposés. Par ailleurs, en ce qui concerne la limitation du droit syndical, nous avons déjà indiqué qu’il n’y a aucune limitation à la disposition du Code du travail selon laquelle tous les travailleurs, sans distinction aucune, qu’ils travaillent pour une organisation religieuse, caritative, à but non lucratif ou non, sont tous autorisés à se syndiquer. Il ne s’agit pas d’une disposition d’exclusion du Code du travail, mais bien d’une disposition d’inclusion. Il doit être bien clair qu’il n’existe aucune limitation.
En ce qui concerne le secteur public, les Philippines viennent de ratifier la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et nous savons qu’il y a eu de nombreuses suggestions ou propositions pour légiférer et mettre en œuvre, en droit et dans la pratique, les principes de cette convention. Nous disposons actuellement d’un décret-loi qui régit le droit des travailleurs du secteur public à adhérer à des associations. Nous reconnaissons que, en ce qui concerne les conditions économiques et d’emploi, il existe une limitation du droit de négocier, mais ici encore le cadre législatif doit être modifié pour étendre rapidement les droits syndicaux des syndicats du secteur public, et nous sommes disposés à participer aux débats du Congrès sur les mesures proposées.
Membres travailleurs – Je remercie le gouvernement pour les informations fournies, de même que toutes les personnes qui ont contribué à la discussion d’aujourd’hui. Ce qui reste clair, c’est qu’il continue d’y avoir aux Philippines des violations graves et systémiques du droit à la liberté syndicale. Nous devons attirer l’attention du gouvernement sur le fait que la mission tripartite de haut niveau est précisément tripartite et que, dans n’importe quel pays, une mission implique des consultations tripartites approfondies et prend en compte les recommandations des partenaires sociaux sur la meilleure façon de répondre aux préoccupations soulevées. Des violations extrêmement graves de la liberté syndicale ont été mises en relief aujourd’hui. Nous devons rappeler que les droits au travail sont des droits de l’homme, et que la commission a pour mandat d’examiner les cas d’actes criminels et de violences liés au travail. C’est à la justice de déterminer si ces actes y sont liés ou non. Le gouvernement est manifestement responsable, qu’il ait directement perpétré ces violations par l’intermédiaire des forces de sécurité de l’État, ou qu’il ait créé une situation d’impunité en ne prévenant pas la violence contre les syndicats, ou en n’enquêtant pas et en ne poursuivant pas les responsables ultimes lorsque des violences se produisent. De plus, nous devons aussi évoquer encore les graves conséquences qu’a la prolifération de formes d’emploi précaire qui sont utilisées sans limites alors que, à l’évidence, elles sont défavorables à l’exercice des droits protégés par la convention. À cela s’ajoutent, bien sûr, plusieurs aspects du Code du travail dont la commission d’experts, depuis des années, estime qu’ils doivent être modifiés pour être conformes à la convention. Toutefois, aucune mesure n’a été prise. C’est d’ailleurs cette inaction, après de nombreux examens de la situation, qui fait que nous sommes ici aujourd’hui. Comme je l’ai indiqué dans mes remarques liminaires, la mission tripartite de haut niveau a formulé six recommandations, notamment celle visant à prendre en compte toutes les recommandations précédentes des organes de contrôle, y compris les recommandations formulées par cette commission en 2019. Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau a recommandé aussi qu’un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites soit transmis à l’OIT avant la session de 2023 de la commission. Cela n’a pas été fait. Nous attendons du gouvernement qu’il se conforme à ces recommandations, en consultant pleinement les partenaires sociaux. Nous prenons note de la feuille de route proposée et prions instamment le gouvernement de la finaliser, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien du BIT, afin qu’elle réponde pleinement aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau et qu’elle soit assortie de délais pour sa mise en œuvre. C’est la seule façon d’avancer.
Pour conclure, force nous est de souscrire à la conclusion de la mission tripartite de haut niveau selon laquelle, si des progrès ont été observés ces dernières années, ils restent largement insuffisants au regard des problèmes très graves qui ont été signalés aux organes de contrôle de l’OIT, ou qu’ils soulèvent depuis longtemps. Nous demandons instamment au gouvernement de ne plus perdre de temps et de finaliser et mettre pleinement en œuvre la feuille de route dans les domaines d’action prioritaires, conformément aux délais convenus, et d’accepter l’assistance technique du Bureau afin de mettre en œuvre les réformes juridiques et institutionnelles nécessaires pour donner pleinement effet à la feuille de route dans les délais impartis. C’est, à notre avis, le moyen le plus sûr d’éviter que le présent cas ne revienne devant la commission.
Membres employeurs – Je ne ferai que deux remarques. En ce qui concerne la recommandation de la mission de haut niveau relative à l’établissement d’un organe unique mandaté par le Président: ayant parlé aux membres de la mission, je peux dire qu’il n’y avait aucune attente, ni expresse ni implicite, que cet organe soit réservé au gouvernement. Il s’agissait simplement d’une demande, ou d’une recommandation, relative à un organe mandaté par la présidence et, à cette fin, je reprendrai les points de vue exprimés par beaucoup quant à la nécessité d’assurer une participation tripartite à ce processus, car c’est ce processus qui assurera effectivement la supervision de tous les autres aspects des progrès réalisés.
Ceci étant dit, j’en viens aux conclusions de base. Nous souhaitons, comme l’ont dit les membres travailleurs, que le gouvernement progresse rapidement sur toutes les recommandations de la mission tripartite, qu’il modifie le Code du travail pour le mettre en pleine conformité avec la convention, qu’il veille à ce que les travailleurs ne soient pas sanctionnés pour avoir exercé leurs droits légitimes de constituer des syndicats et de former des organisations, qu’il fournisse les informations demandées sur toute évolution des questions en suspens avant la prochaine session de la commission d’experts et, enfin, qu’il veille à ce que le comité interinstitutions soit effectivement tripartite par nature afin qu’un dialogue complet et ouvert puisse avoir lieu sur toutes ces questions.
Président – Je remercie le gouvernement pour sa participation aux travaux de la commission et pour le partage d’informations.
Conclusions de la commission
La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté l’ancienneté de ce cas et sa précédente discussion devant la commission, la dernière en 2019.
La commission a noté avec préoccupation les nombreuses allégations de meurtres dont auraient été victimes des syndicalistes et d’actes de violence antisyndicale, les allégations de violations graves et systématiques du droit à la liberté syndicale, ainsi que l’absence d’enquêtes sur ces allégations.
La commission a pris note des préoccupations soulevées par les partenaires sociaux concernant le défaut de soumission par le gouvernement d’un rapport conjoint de mise en œuvre, comme l’a recommandé la mission tripartite de haut niveau qui a eu lieu du 23 au 26 janvier 2023.
La commission a pris note de certaines mesures prises par le gouvernement afin de mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau, mais a regretté que de nombreuses recommandations restent sans effets.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de:
- faire immédiatement cesser tous les actes de violence et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes pour l’exercice légitime de leurs droits au titre de la convention, ainsi que les violations de la liberté syndicale, conformément aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT;
- mener immédiatement et efficacement des enquêtes sur les allégations d’actes de violence qui auraient visé des membres d’organisations de travailleurs afin d’établir les faits, d’identifier les coupables et de sanctionner les auteurs de ces faits;
- rendre opérationnels les organes de suivi, notamment en fournissant des ressources suffisantes, et donner régulièrement des informations sur ces mécanismes et sur les progrès des cas dont ils sont saisis; et
- garantir que tous les travailleurs sans distinction puissent constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, conformément à l’article 2 de la convention.
La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures décisives et efficaces pour promouvoir un climat de non-violence, ainsi qu’un dialogue social et des relations de travail constructifs à tous les niveaux dans le pays.
La commission prie le gouvernement de finaliser, avec l’assistance technique du BIT et en consultation avec les partenaires sociaux, la feuille de route visant à répondre efficacement à toutes les questions en suspens, et de transmettre à la commission d’experts un rapport sur les progrès réalisés d’ici au 1er septembre 2023.
Représentant gouvernemental – Le gouvernement apprécie l’occasion qui lui est offerte de faire une déclaration sur les conclusions proposées par la commission sur l’application et la mise en œuvre de la convention par les Philippines.
Le gouvernement attire l’attention sur l’affirmation figurant dans les conclusions selon laquelle le gouvernement a pris certaines mesures pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport de la mission tripartite de haut niveau, mais que, malheureusement, de nombreuses recommandations restent sans effets.
Je souhaite replacer dans leur contexte les mesures prises par le gouvernement: la mission tripartite de haut niveau s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023. Son rapport final et ses recommandations ont été mis à la disposition du gouvernement le 30 mars 2023. Dans ce court laps de temps, le gouvernement a pu mettre en place un comité interinstitutions, composé des principaux services du gouvernement qui participent directement aux enquêtes, aux poursuites et à la résolution des cas qui ont été signalés à la commission dans le but de promouvoir et protéger les principes de la convention. Comme l’a indiqué le gouvernement dans sa déclaration liminaire, le comité créé en vertu du décret-loi no 23 est un dispositif nécessaire propice à la résolution des cas en question.
Le gouvernement exprime sa profonde inquiétude quant au fait que la formulation des conclusions proposées tend à dévaloriser, plutôt qu’à encourager, le comité interinstitutions à faire son travail. Néanmoins, le gouvernement, par l’intermédiaire du comité interinstitutions et du Conseil tripartite national de la paix sociale, donne l’assurance à la commission qu’il reste déterminé à apporter une solution juste à toutes les questions pertinentes qui ont été soulevées. Les conclusions proposées prennent également acte des préoccupations exprimées par les partenaires sociaux concernant le fait que le gouvernement n’a pas présenté de rapport conjoint de mise en œuvre avec eux, comme l’avait recommandé la mission tripartite de haut niveau. Il est faux de dire qu’il s’agit d’un échec du gouvernement; cette affirmation ne repose sur aucun élément factuel. Le gouvernement a déjà fait part de son engagement à élaborer une feuille de route tripartite pour résoudre les problèmes soulevés. Elle contiendra nécessairement une stratégie conjointe de mise en œuvre d’un plan d’action conforme aux recommandations de la mission. Le groupe de travail tripartite, convenu par les partenaires tripartites eux-mêmes, met la dernière main à la feuille de route. Conscients des difficultés inhérentes à l’élaboration des détails de la feuille de route, les partenaires sociaux philippins, dont certains siègent au sein de la commission, ont eux-mêmes demandé plus de temps pour apporter leur contribution. Le gouvernement estime que cette demande est raisonnable. Accorder plus de temps pour parvenir à un consensus tripartite sur des questions aussi essentielles ne peut en aucun cas être qualifié d’échec. En ce qui concerne des cas spécifiques, en particulier les allégations de meurtre, de violence, etc., le gouvernement réaffirme qu’il ne tolère aucun meurtre ni aucune violence commis à l’encontre d’un individu. Nous réitérons la nécessité d’assurer une caractérisation appropriée de ces cas, et seuls les cas qui découlent des activités syndicales ou qui y sont directement liés doivent être soumis à l’examen de la commission.
Le gouvernement assure qu’il reste déterminé à promouvoir le respect des normes internationales du travail et qu’il continuera à travailler avec le BIT à cet égard.
Enfin, au nom du gouvernement et des partenaires sociaux des Philippines, ainsi qu’en mon nom propre, je saisis cette occasion pour vous remercier de la discipline, de la direction et de la sagesse politique dont vous avez fait preuve pour assurer la conclusion complète de ces travaux. Au moment de conclure cette séance, permettez-moi de souhaiter à tous les délégués de continuer de montrer la voie dans la poursuite individuelle et collective de la réalisation de la justice sociale. Je vous souhaite à tous un bon voyage de retour.
Informations écrites fournies par le gouvernement
Libertés publiques et droits syndicaux
1. Enquête en cours de la Commission des droits de l’homme sur un cas d’allégation de harcèlement contre plusieurs responsables syndicaux et des militants de la Confédération pour l’unité, la reconnaissance et l’avancement des fonctionnaires (COURAGE)
Dans un rapport du 19 mars 2019, la Commission des droits de l’homme de la Région capitale nationale (CHR-NCR) indique que les trois (3) cas concernant COURAGE ont reçu une solution tandis que les autres sont toujours à l’enquête. Les trois (3) cas traités par la CHR-NCR contiennent le même dispositif fondé sur la constatation que les droits à la vie privée et à la sécurité des plaignants ainsi que leur droit de recruter ont été violés. Toutefois, les cas traités se ressemblent en ce que l’identité réelle des personnes à l’origine du harcèlement n’a pu être établie par manque de preuves directes. Faute d’éléments probants reliant les suspects aux forces de l’Etat, la CHR-NCR a décidé de clore la procédure tout en maintenant la possibilité de la rouvrir si de nouvelles preuves faisaient surface.
2. Assassinats de deux dirigeants syndicaux, l’un ayant été abattu par balles devant la Commission nationale des relations du travail (NLRC) à Quezón City
Edilberto Miralles, 65 ans, président national du Syndicat des travailleurs philippins Kaisahan ng mga Drivers sa R&E (KADRE-UFW), une section locale de R&E Transport, est décédé, abattu par des agresseurs non identifiés qui circulaient à moto le 23 septembre 2016 devant l’immeuble de la NLRC à Quezón City. Le groupe de lutte contre la cybercriminalité de la police nationale philippine (PNP) a publié un agrandissement effectué par la police scientifique des images prises par des caméras de surveillance de la scène du crime. Il s’avère toutefois que les suspects n’ont pu être identifiés clairement parce qu’ils portaient une cagoule, une casquette et un casque, respectivement.
Le 12 avril 2019, l’enquêteur en charge du cas, le PSSg Jerome Dollente, s’est rendu sur le lieu de l’incident pour procéder aux constatations visuelles mais, suivant son rapport, personne n’a pu lui fournir des informations pertinentes sur cet incident. Quoi qu’il en soit, la Direction de la gestion des enquêtes et des détectives de la police nationale (PNP-DIDM) a chargé les services de police de la Région capitale nationale de réexaminer l’affaire pour une éventuelle identification des suspects et de poursuivre l’enquête afin de trouver des témoins et d’identifier les suspects.
A la réunion de l’Organe tripartite régional de surveillance de la Région capitale nationale (RTMB-NCR) du 9 mai 2019, le représentant de la police nationale a indiqué que l’enquête est toujours en cours et qu’ils se sont d’abord concentrés sur son aspect technique (c’est-à-dire l’examen balistique). Il a aussi été précisé que les résultats de l’examen balistique et de correspondance de la pièce récupérée, une (1) douille de calibre 45, ne sont pas encore disponibles.
Orlando Abangan, 35 ans, ancien recruteur du Partido ng Manggagawa, a été tué le 17 septembre 2016 au Sitio Lawis, Brgy. Maghaway, Talisay City, à Cebu. Un rapport de la PNP-DIDM communiqué le 3 avril 2019 indique que le bureau régional de police no 7 a été chargé par le siège de la police nationale de rouvrir l’affaire avant un éventuel classement, afin de convaincre les parents de témoins mineurs et les proches de la victime de témoigner, et de procéder à une enquête approfondie ou à un profilage du suspect Julian Bonghanoy Jr. Par ailleurs, ce cas a été enregistré à la Région VII de la Commission des droits de l’homme (CHR-VII) sous le numéro CHR-VII-2016-0784 (CEB) pour violation du droit à la vie. Dans sa décision, la CHR-VII déclare que l’enquête a révélé que l’assassinat d’Orlando Abangan n’est pas lié à sa qualité de dirigeant ouvrier mais est le résultat d’une rancune personnelle. Il a été découvert que la victime avait suscité le courroux de Julian Bonghanoy Jr, un particulier, en portant continuellement une cagoule en passant à proximité du point de contrôle de ce dernier en septembre 2016.
Nous ne disposons pas de suffisamment de preuves pour conclure que le décès d’Orlando Abangan constitue un assassinat extrajudiciaire au titre des critères de l’ordonnance AO35. De même, rien ne prouve que cet assassinat soit lié à la drogue. En conséquence, la CHR-VII a conclu que cet assassinat ne relève pas de la compétence de la Commission des droits de l’homme (CHR), car il s’agit d’un crime ordinaire relevant d’une enquête pénale de la police. Pour l’essentiel, la CHR-VII recommande de clore l’instruction de l’affaire au niveau de la CHR et de fournir une assistance aux forces de l’ordre afin d’identifier les assassins d’Orlando Abangan et de les traduire en justice.
Sur les 70 cas répertoriés et suivis par le Conseil tripartite national pour la paix sociale – Organe de surveillance à travers ses structures régionales, 50 se sont produits pendant les 9 années du gouvernement Arroyo et 18 à l’époque du gouvernement Aquino. Les deux (2) nouveaux cas d’assassinats extrajudiciaires d’Edilberto Miralles et d’Orlando Abangan sont survenus pendant le mandat du gouvernement actuel.
[Graphique non inclus]
La nette diminution du nombre des assassinats extrajudiciaires signalés est attribuée aux précieux efforts de renforcement du partenariat entre les partenaires sociaux et en leur sein. Le partenariat social et les efforts de collaboration ont bien progressé depuis la mission de haut niveau de 2009. Le gouvernement, en collaboration avec nos partenaires sociaux, affiche une détermination inébranlable à promouvoir et protéger les droits fondamentaux garantis par la Constitution aux travailleurs ainsi que leur bien-être, et tous ses efforts sont inlassablement axés sur une application renforcée et améliorée des normes fondamentales du travail.
3. La crainte exprimée par la CSI que la guerre qu’ont récemment déclarée les forces armées des Philippines (AFP) contre ceux qu’elles appellent les «rouges» fasse revivre les années pendant lesquelles les syndicalistes et recruteurs étaient harcelés, arrêtés, emprisonnés, enlevés et assassinés après avoir été traités de «rouges» par les militaires
Dans notre précédente réponse au Centre international pour les droits syndicaux (ICTUR), nous soulignions que, à la réunion de l’Organe tripartite régional de surveillance (RTMB) du ministère du Travail et de l’Emploi (DOLE) du 12 mars 2018, les informations rassemblées par les représentants du Bureau des droits de l’homme des forces armées philippines (AFP-HRO) ont révélé que les activités menées dans la Compostela Valley, à Mindanao, étaient en fait des descentes dans les barangays effectuées dans le cadre du Programme de soutien aux communautés (CSP). Ce CSP est un concept opérationnel axé sur les barangays et répondant à des problèmes particuliers, utilisé dans des zones de conflit et des zones propices au conflit. Il s’agit d’une initiative de paix et de développement faisant intervenir plusieurs parties prenantes, basée sur la communauté et axée sur l’individu, ayant pour but de rendre les communautés résilientes aux conflits, les développer et les protéger.
Les descentes effectuées dans le cadre du CSP l’ont été par les forces armées en tant que facilitateurs extérieurs, avec des officiels des barangays et d’autres organismes gouvernementaux, afin de déterminer les disparités dans les besoins des barangays (comme les services de santé et d’éducation). En outre, l’AFP-HRO a précisé que les syndicalistes ne font pas l’objet de discrimination et ne sont pas visés par ces opérations puisque tous les habitants étaient visés par ces descentes.
En outre, dans plusieurs communications, le DOLE a appelé les forces armées et la police nationale à faire respecter les Lignes de conduite des DOLE, DILG, DND, DOJ, AFP et PNP par rapport à l’exercice par les travailleurs de leurs droits et activités, qui ont été élaborées et signées par les représentants et les directeurs des agences gouvernementales concernées, ainsi que par les représentants des travailleurs et des employeurs. Cela a été fait pour s’assurer que la conduite des opérations sur le terrain se fait dans le respect de ces lignes de conduite.
Publiées le 7 mai 2012, ces lignes de conduite ont pour but de garantir l’exercice effectif des droits syndicaux et de prévenir les violations des droits des travailleurs dans un climat exempt de violence, de pression, de crainte et de contrainte de quelque sorte que ce soit, de la part de toute organisation, et d’apporter une solution aux problèmes de violence et d’impunité résultant de l’intervention des forces de sécurité et de maintien de l’ordre, en particulier l’armée, la police, les cadres locaux et le personnel de sécurité des entreprises pendant l’exercice des droits des travailleurs.
Les lignes de conduite affirment de manière explicite que les conflits du travail relèvent au premier chef de la seule compétence du DOLE et/ou de ses institutions spécialisées. Les membres des forces armées, de la police et d’autres organes chargés de l’application des lois, y compris la police de proximité et les vigiles et agents de sécurité des entreprises ne peuvent intervenir dans les conflits du travail.
Ces lignes de conduite stipulent aussi que les forces armées ne peuvent intervenir que dans les cas suivants:
a) lorsqu’elles sont expressément requises par écrit, que ce soit par courrier, courriel, fax ou tout moyen similaire par le DOLE, par l’intermédiaire de ses bureaux régionaux; ou
b) lorsqu’un délit pénal a été ou est commis ou est sur le point d’être commis par des actes manifestes tels que prévus à l’article 113 des Procédures pénales révisées, qu’ils soient ou non le résultat d’un conflit du travail; ou
c) en cas de violence effective résultant d’un conflit du travail.
Aux termes des lignes de conduite, la «violence effective consiste en un recours persistant et intentionnel à la force ou la puissance physique contre soi-même, une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui peut provoquer ou est hautement susceptible de provoquer une lésion, un décès ou des dégâts ou la destruction de biens».
Les lignes de conduite disposent en outre que le personnel ou les unités des forces armées doivent éviter de taxer/étiqueter/stigmatiser des personnalités ou des organisations à moins que cette attitude repose sur des informations exactes, vérifiées, validées et confirmées et/ou des preuves matérielles.
En conséquence, l’AFP-HRO a publié à l’intention de toutes les unités de la 10e division d’infanterie (10ID) des directives traitant du Code du travail et des droits des travailleurs. De même, la 10ID a distribué ces directives à tout l’effectif, le personnel des forces armées devant s’en inspirer dans ses rapports avec les organisations syndicales.
Dans le cadre de l’engagement pris par les forces armées et par la police nationale d’intégrer le Code du travail et les lignes de conduite dans leurs programmes de formation, deux (2) activités ont déjà été menées avec le bureau régional XI du DOLE et l’antenne de la Compostela Valley du DOLE:
a) Discours/orientation sur le Code du travail, les droits syndicaux et autres thèmes connexes concernant l’emploi, au quartier-général de la 10ID, Brgy. Tuboran, Mawab, Compostela Valley Province, le 1er février 2019, avec 97 participants des forces armées et des unités 11 et 12 de la police nationale.
b) Discours/orientation sur la liberté d’association et le syndicalisme à la salle Datu Dalunto du quartier général de la 10ID, Brgy. Tuboran , Mawab, Compostela Valley Province, le 7 mai 2019, avec des participants des unités 11 et 12 de la police nationale, des commandants en second de brigades d’infanterie, des officiers, commandants et S3 du 10CMOBn, de la division TRIAD et ADC, de la 10ID.
4. Progrès accomplis par les équipes tripartites de validation, le NTIPC-MB et d’autres organes compétents pour assurer la collecte des informations nécessaires afin de traduire les cas de violence en suspens devant les tribunaux, et résultats obtenus à cet égard
Bien qu’aient été approuvés le financement et la nomination des représentants des travailleurs et des employeurs qui composeront lesdites équipes tripartites de validation, cette initiative doit encore décoller compte tenu des risques que courent en particulier leurs membres pour leur sécurité pendant leurs activités. Les représentants sectoriels désignés ont reconsidéré la gravité des fonctions et les dangers qui entourent la conduite d’interviews sur le terrain, d’enquêtes et la collecte d’informations de première main.
Quoi qu’il en soit, avec la publication de l’ordonnance administrative no 32 de 2018, déjà mentionnée, sur les directives opérationnelles de la RTMB, la création d’équipes tripartites de validation a été une nouvelle fois institutionnalisée et renforcée. Les préoccupations des membres en matière de sécurité ont elles aussi été prises en compte; ainsi, les équipes tripartites de validation peuvent demander la protection de la police nationale et des forces armées si elles le jugent nécessaire.
En outre, le gouvernement réitère strictement que les cas progressent dans le cadre de procédures pénales régulières, grâce aux efforts constants des partenaires tripartites. La disponibilité des comptes rendus est largement fonction des enquêtes menées par la police et des procédures devant les tribunaux, dont l’avancement peut être affecté par l’absence de témoins matériels. En collaboration avec les partenaires sociaux, le gouvernement continue de suivre et d’accélérer toutes les procédures, dans le respect des droits constitutionnels à un procès rapide et une procédure régulière. L’importance de ces efforts est démontrée par tous les rapports précédents et toutes les réponses que le gouvernement a fournies aux requêtes d’organisations à la fois nationales et internationales.
5. Réformes destinées à assurer une protection suffisante des témoins et à renforcer les capacités du ministère public, des organes chargés de l’application des lois et d’autres acteurs concernés, en particulier dans le domaine de la médecine légale
Le projet de coopération au développement DOLE-BIT-UE-SPG+ prévoit des activités et des initiatives visant à renforcer les connaissances et les capacités des acteurs publics concernés, à savoir la police, l’armée et les cadres locaux, ainsi que des partenaires sociaux quant aux principes et à l’application des conventions nos 87 et 98.
Du 14 au 16 novembre 2018 s’est tenue au Quest Hotel de Clark, à Pampanga, une formation multisectorielle des instructeurs sur le thème de la liberté syndicale et la négociation collective. Cette activité, à laquelle ont participé 32 représentants de différents organes gouvernementaux (soit l’Autorité des zones économiques des Philippines, le ministère de l’Intérieur et de l’Administration locale, le ministère de la Défense nationale, le ministère de la Justice, les forces armées des Philippines, la police nationale des Philippines et la Commission des droits de l’homme), du monde syndical et du secteur de la gestion, visait à inculquer aux diverses parties prenantes et aux partenaires sociaux une compréhension et une interprétation communes des normes internationales du travail, en particulier pour ce qui touche à la liberté syndicale et à la négociation collective, ainsi que des rôles, des fonctions et des mécanismes à observer lors de l’exercice des droits des travailleurs et de leurs activités (c’est-à-dire les Directives communes DOLE-PNP-PEZA pour la conduite du personnel de la police nationale, de la police et des agents de sécurité des zones économiques, des agents de sécurité des entreprises et du personnel assimilé pendant les conflits du travail; et les Lignes de conduite des DOLE, DILG, DND, DOJ, AFP et PNP s’agissant de l’exercice des droits des travailleurs et de leurs activités).
Les partenaires sociaux et parties prenantes ainsi formés peuvent maintenant être mis à contribution en tant que personnes-ressource et promoteurs de la liberté syndicale et de la négociation collective et prononcer des allocutions et/ou organiser des séances didactiques, en particulier sur les directives en vigueur régissant le comportement des divers partenaires sociaux et parties prenantes pendant des conflits du travail vis-à-vis des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, tel qu’il peut s’appliquer dans leurs organisations respectives.
En parallèle ont été élaborés des outils spécifiques à un secteur particulier, tels que: a) un «Manuel de formation des travailleurs sur la liberté syndicale», supposé renforcer la capacité des représentants des travailleurs à participer aux mécanismes de contrôle existants des violations des libertés civiles des travailleurs et des droits syndicaux et du droit d’organisation; et b) un «Diagnostic du respect des normes du travail: Liste de contrôle pour les petites entreprises», qui est un outil permettant aux employeurs de diagnostiquer le niveau de respect des normes du travail dans les petites entreprises et de disposer de solutions concrètes pour remédier aux carences.
Par ailleurs, le DILG, secondé par l’Académie de l’administration locale, collabore maintenant avec le bureau de pays de LO et le DOLE pour examiner les possibilités d’incorporer les normes internationales du travail, en particulier la liberté syndicale et la négociation collective, et les lignes de conduite dans les orientations et/ou formations régulières des cadres locaux. La Commission des droits de l’homme (CHR), aidée par un consultant engagé par le bureau de pays de l’OIT, a élaboré son propre module de formation sur la liberté syndicale, auquel elle met actuellement la dernière main.
Outre ces outils et modules propres à un département ou un secteur, un module d’apprentissage en ligne sur la liberté syndicale est en voie d’achèvement dans le cadre des services d’éducation au travail et à l’emploi (LEES) du DOLE. Constitué à partir de documents et matériels existants élaborés pour de précédentes initiatives sur la liberté syndicale et la négociation collective, le module d’apprentissage en ligne aborde les thèmes suivants:
- Normes internationales du travail et droits au travail
- Normes internationales du travail
- Principes de l’OIT relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective
- Le contexte philippin: Le droit à l’auto-organisation
- Organes tripartites de surveillance sur l’application des normes internationales du travail et autres mécanismes d’investigation et de surveillance connexes
- Lignes de conduite par rapport à l’exercice des droits des travailleurs, en particulier le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective
Les lignes de conduite à observer pendant l’exercice des droits et activités des travailleurs sont aussi en cours d’examen à des fins d’amendement et/ou de mise à jour.
6. Etat d’avancement des cas de Rolando Pango, Florencio «Bong» Romano et Victoriano Embang
S’agissant du cas de Rolando Pango, la Direction de la gestion des enquêtes et des détectives de la police nationale (PNP-DIDM) conclut que cet incident porte sur un conflit agraire. Il n’y avait pas de campagnes syndicales, de rassemblements, de piquets ou de manifestations au moment de cet incident. Quoi qu’il en soit, la PNP-DIDM a chargé le bureau régional no 6 de la police de réexaminer le cas en vue d’une possible réouverture.
S’agissant de Florencio «Bong» Romano, une équipe de suivi s’est rendue à la maison de Benny Dimailig, à Brgy. Lodlod, Lipa City, pour procéder à un interrogatoire, mais elle n’a pu recueillir des informations sur l’incident. La PNP-DIDM a chargé le bureau régional no 4A de la police de réexaminer l’affaire, en vue d’une possible identification de suspects et d’une réouverture du dossier et de mieux se consacrer à l’enquête pour trouver des témoins. Le comité institué par l’AO35 doit encore délibérer sur le cas Romano compte tenu du fait qu’il ne s’est toujours pas réuni. Le déblocage des recours de la famille auprès des SSS a déjà été facilité par le RTMB de la région 4A.
S’agissant du cas de Victoriano Embang, sur base de l’enquête précédente et grâce à la collaboration de certaines témoins et aux résultats d’examens des éléments de preuve récupérés, une procédure pour MEURTRE a été ouverte contre les suspects Ramoncito Isona, alias «Ramon», et Ryan Yana, alias «Ryan» et enregistrée sous la référence 4480, sans recommandation de libération sous caution. En outre, un mandat d’arrestation a été délivré. Le Groupe d’enquête criminelle et de détection (CIDG) a été chargé de mettre sur pied une équipe de traqueurs pour l’opération de chasse à l’homme contre les suspects en liberté et pour la coordination avec le BID s’agissant de la liste de vigilance et de la liste des personnes recherchées.
Comme il a été dit précédemment, le gouvernement répète ici que tous les cas précités sont actuellement traités et font l’objet d’une enquête dans le cadre d’une procédure ordinaire d’instruction et de procédure pénales. De ce fait, la disponibilité des comptes rendus est largement fonction des enquêtes menées par la police et des procédures devant les tribunaux, dont l’avancement peut être affecté par une série d’éléments tels que l’absence de témoins matériels.
Le fardeau de la preuve nécessaire pour étayer une condamnation dans une procédure pénale est la preuve irréfragable. Ainsi, les poursuites pénales dépendent pour une large part de la démonstration au-delà du doute raisonnable de l’existence des éléments du délit incriminé. La preuve doit être administrée pour étayer la procédure pénale et la condamnation, comme l’exige le précepte constitutionnel de la régularité de la procédure.
7. Evolution du programme législatif
En coordination avec ses partenaires sociaux, le gouvernement n’a cessé d’œuvrer pour faire face aux problèmes économiques, sociaux et du travail émergents qui affectent le respect des droits des travailleurs, à mesure qu’évoluent les formes de relations de travail avec la mondialisation et la libéralisation des échanges. Les initiatives du gouvernement visant à promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective ont essentiellement pour objectif de sécuriser et régler les problèmes qu’entraînent les formes atypiques d’emploi croissantes et le grand nombre de travailleurs ayant un emploi en dehors d’une relation d’emploi classique.
La relation d’emploi classique est définie par: a) le travail à plein temps; b) un contrat de travail à durée indéterminée; c) un seul employeur; et d) la protection contre le licenciement injustifié. Ainsi, le travail peut être qualifié de précaire lorsqu’il existe un ou plusieurs des éléments suivants: a) travail non garanti/non précisé/horaires irréguliers; b) contrat à durée déterminée; c) employeurs multiples ou déguisés; et d) absence de protection contre le licenciement. Le travail précaire signifie qu’il n’y a pas de stabilité ni de sécurité sur le lieu de travail.
C’est pourquoi de nombreuses réformes ont été initiées à la lumière du principe selon lequel «la sécurité de l’emploi est l’environnement le plus favorable à la liberté syndicale».
Les initiatives et les formes décrites ci-après résultent d’efforts tripartites – travailleurs, employeurs et gouvernement – et visent à la réalisation et la pérennité du travail décent et de la paix sociale, sur la base des principes de croissance inclusive et de justice sociale.
a) Projet de loi sur la sécurité de l’emploi. Le projet de loi sur la sécurité de l’emploi a été approuvé par la Chambre des représentants le 29 janvier 2018 et a été transmis au Sénat le 31 janvier 2018. Le 21 septembre 2018, le Président des Philippines a déclaré l’urgence du projet de loi, et celui-ci est en passe d’être adopté, après avoir été adopté en troisième lecture au Sénat le 22 mai 2019. Le projet de loi doit maintenant être examiné par la Chambre des représentants et le Sénat. Il conviendrait de noter que les dispositions de ce projet de loi vont dans le sens de l’orientation de l’ordonnance gouvernementale no 51, et qu’il fait partie des mesures prioritaires du Conseil consultatif sur la coopération entre les pouvoirs législatif et exécutif (LEDAC), puisque son adoption devrait avoir une incidence positive sur l’exercice des droits des travailleurs, en particulier la liberté syndicale et la négociation collective.
b) Ordonnance gouvernementale no 51, séries de 2018. Le 1er mai 2018, le Président a signé l’ordonnance gouvernementale no 51, séries de 2018, portant application de l’article 106 du Code du travail des Philippines, tel qu’amendé, en vue de protéger le droit à la sécurité de l’emploi de tous les travailleurs, sur la base de la justice sociale prévue par la Constitution philippine de 1987. L’ordonnance gouvernementale no 51 indique expressément qu’il est interdit de recourir à des entreprises contractantes ou sous-traitantes, dans le but de contourner le droit des travailleurs à la sécurité de l’emploi, à l’auto-organisation et à la négociation collective, et à des activités pacifiques concertées, conformément à la Constitution philippine de 1987.
L’ordonnance gouvernementale dispose également que le Secrétaire au travail et à l’emploi peut, en consultation avec le Conseil tripartite pour la paix sociale, en vertu de l’article 290(c) du Code du travail, tel qu’amendé, déterminer les activités susceptibles d’être sous-traitées.
c) Ordonnance ministérielle no 174, séries de 2017, du DOLE. Le 16 mars 2017, le DOLE a promulgué l’ordonnance ministérielle no 174, séries de 2017, portant sur la nouvelle réglementation d’application des dispositions du Code du travail régissant le recours à des contractants ou des sous-traitants aux Philippines. Elle a été publiée le 18 mars 2017 et est entrée en vigueur le 3 avril 2017.
L’ordonnance ministérielle no 174-17 est le fruit de consultations sectorielles complètes et inclusives menées dans tous les secteurs (formel, informel, public, migrants, femmes et jeunes). Cinq groupes de discussion (5) ont été formés, trois (3) sommets sectoriels sur le travail ont été organisés, ainsi que 17 réunions sectorielles. De même, cette ordonnance a été examinée par le Conseil national tripartite pour la paix sociale qui s’est réuni le 7 mars 2017.
Grâce à un engagement continu et des consultations intensives actuellement menées avec les secteurs concernés, des politiques et des mesures adaptées sont élaborées dans le but de garantir le plein respect des normes du travail et des principes et droits fondamentaux au travail, compte étant tenu de la prédominance de modalités de travail à court terme ou de durée déterminée qui mettent à mal le droit des travailleurs à la sécurité de l’emploi. Les véritables réformes que le gouvernement met actuellement en place en matière de flexibilité et de sécurité de l’emploi favorisent un environnement dans lequel les travailleurs peuvent exercer sans entrave leur droit à la liberté syndicale et à la négociation collective.
Etat d’avancement des mesures législatives proposées pour garantir que tout individu résidant sur le territoire d’un Etat, qu’il ait ou non un permis de séjour ou de travail, jouisse des droits syndicaux inscrits dans la convention
La proposition de loi no 4448, intitulée «loi autorisant les étrangers à exercer leur droit à l’auto-organisation et portant abrogation de la réglementation de l’aide étrangère aux syndicats et modification du décret présidentiel spécial no 442, tel qu’amendé, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée à la 17e session du Congrès, le 16 novembre 2016. Cette proposition: a) étend le droit à l’auto-organisation aux étrangers résidant aux Philippines; et b) supprime l’interdiction faite aux organisations syndicales de se livrer à des activités syndicales et réglemente l’aide étrangère aux syndicats philippins.
La proposition de loi no 1354 intitulée «loi permettant à des ressortissants étrangers ou des organisations étrangères de se livrer à des activités syndicales et de fournir une assistance à des organisations ou des groupes de travailleurs, amendant à cet effet les articles 269 et 270 du décret présidentiel no 442, tel qu’amendé, dénommé également le Code du travail des Philippines» a été présenté le 11 juillet 2016. Cette proposition de loi propose d’amender le Code du travail en: a) permettant aux ressortissants étrangers et aux organisations étrangères de se livrer à des activités syndicales aux Philippines; et b) permettant d’étendre l’aide étrangère à des organisations et des groupes de travailleurs.
La 17e session du Congrès étant close, ces propositions de loi devraient être présentées à nouveau à la 18e session du Congrès.
Mesures prises pour veiller à ce que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, aient le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations
La proposition de loi no 8767 intitulée «loi visant à renforcer les droits constitutionnels des fonctionnaires à l’auto-organisation, à la négociation collective et aux activités pacifiques concertées et à l’utilisation de modes volontaires de règlement des litiges» a été présentée le 11 décembre 2018. Elle se trouve devant la Commission de réglementation professionnelle et de la fonction publique depuis le 12 décembre 2018. L’objectif de ce texte est de combler les lacunes dans les relations de travail du secteur public, en particulier en ce qui concerne la protection du droit d’organisation, les facilités accordées aux organisations d’agents de la fonction publique, les procédures visant à déterminer les conditions d’emploi, les droits civils et politiques, et le règlement des conflits liés à la détermination des conditions d’emploi. Ce projet de loi dispose que tous les agents de la fonction publique, y compris ceux travaillant sous d’autres modalités de travail dans le service public, comme l’emploi sur commande, sous contrat de services, selon un protocole d’accord ou l’emploi occasionnel, ont le droit de s’affilier ou d’apporter une aide à une organisation de travailleurs au sein de l’unité organisationnelle.
Les propositions de lois nos 4553 et 5477 intitulées «lois visant à instituer un Code de la fonction publique des Philippines et à d’autres fins» sont en instance devant la Commission de la chambre sur la réglementation professionnelle et la fonction publique. Par ailleurs, la proposition sénatoriale no 641 intitulée «loi visant à instituer le Code de réforme de la fonction publique et à d’autres fins» est en instance devant la Commission du Sénat sur la fonction publique, la réorganisation des structures gouvernementales et la réglementation professionnelle. L’objectif de ces projets de loi est de codifier toutes les lois et les décrets d’application réglementant la fonction publique, sous forme de statut unique et complet, et de régler les questions connexes concernant, entre autres, le droit des agents de la fonction publique à l’auto-organisation et à la sécurité de l’emploi.
Etat d’avancement des mesures législatives proposées pour réduire le nombre minimum de membres requis pour l’enregistrement d’un syndicat ou abaisser le seuil beaucoup trop élevé pour enregistrer un syndicat
La proposition de loi no 1355 intitulée «loi visant à réduire le nombre minimum de membres requis pour l’enregistrement d’un syndicat ou d’une fédération et à rationaliser les procédures d’enregistrement, amendant à cet effet les articles 234, 235, 236 et 237 du décret présidentiel no 442, tel qu’amendé, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée le 11 juillet 2016. L’objectif de cette proposition de loi est de modifier les restrictions imposées au processus de formation des syndicats, en introduisant des amendements au Code du travail, comme suit: a) diminution de 20 à 10 pour cent du nombre minimum de membres requis; b) réduction de dix (10) à cinq (5) du nombre de sections locales affiliées requis pour l’enregistrement d’une fédération; et c) mise en place d’un système d’enregistrement en ligne des syndicats.
La proposition de loi no 4446 intitulée «loi portant création d’un système efficient pour renforcer les droits des travailleurs à l’auto-organisation et à la négociation collective, amendant à cet effet le décret présidentiel no 442, tel que modifié, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée le 16 novembre 2016. L’objectif de cette proposition de loi est de: a) supprimer l’obligation d’enregistrement des sections locales, sur la base du principe selon lequel l’enregistrement d’un syndicat relève uniquement du ministère du DOLE; b) promouvoir «le libre choix du salarié» en permettant aux travailleurs de créer un syndicat ou de s’y affilier plus facilement par le biais d’une «souscription majoritaire»; c) renforcer l’application par ordonnance de mesures provisionnelles pour instaurer un équilibre entre la direction et les salariés, en permettant à ces derniers d’accéder de la même manière à ces mesures, et l’imposition d’une amende et d’une responsabilité pénale aux employeurs accusés de pratiques déloyales; et d) prévenir l’intervention de la direction et refuser la négociation sous la forme de «la médiation et l’arbitrage pour un premier contrat».
La proposition de loi sénatoriale no 1169 intitulée «loi sur le renforcement des droits des travailleurs à l’auto-organisation, amendant à cet effet les articles 240[234](C), 242[235], 243[236], 244[237] et 285[270] du décret présidentiel no 442, dénommé aussi le Code du travail des Philippines», tel qu’amendé, a été présentée le 22 septembre 2016. L’objectif de cette proposition de loi est de diminuer de 20 à 5 pour cent le nombre minimum de membres requis pour l’enregistrement des syndicats indépendants, et de 10 à 5 le nombre requis d’unités de négociation collective/sections locales dûment reconnues pour pouvoir constituer des fédérations. L’objectif est également d’institutionnaliser l’enregistrement en ligne, la décentralisation ou le processus d’enregistrement aux antennes provinciales et locales du DOLE et le processus d’enregistrement en une journée. Le projet de loi vise aussi à supprimer «l’autorisation préalable» requise pour l’aide étrangère aux activités syndicales locales.
Etat d’avancement des mesures législatives proposées pour garantir que l’intervention du gouvernement menant à un arbitrage obligatoire se limite aux services essentiels au sens strict du terme
Les propositions de loi nos 175, 711 et 1908, intitulées «lois visant à rationaliser les interventions des pouvoirs publics dans les conflits du travail, en adoptant des critères définissant les services essentiels dans le contexte de la saisine par le secrétaire au Travail et à l’Emploi, et en dépénalisant les infractions qui s’y attachent, amendant à cet effet les articles 263, 264 et 272 du décret présidentiel no 442, dénommé aussi le Code du travail des Philippines», tel que modifié, ont été présentées le 30 juin 2016. Comme l’indique le titre, ces propositions de loi ont pour objectif de rationaliser les interventions des pouvoirs publics dans les conflits du travail en adoptant des critères définissant les services essentiels dans le contexte de la saisine par le secrétaire au Travail et à l’Emploi, arrêtant les conditions de leur exercice, et en dépénalisant les infractions qui s’y attachent. Le pendant de ces propositions de loi au Sénat est la proposition de loi sénatoriale no 1221 intitulée «loi visant à rationaliser les interventions des pouvoirs publics dans les conflits du travail, en adoptant des critères définissant les services essentiels dans le contexte de la saisine par le secrétaire au Travail et à l’Emploi, et en dépénalisant les infractions qui s’y attachent, amendant à cet effet les articles 278[263], 279[264] et 287[272] du décret présidentiel no 442, dénommé aussi le Code du travail des Philippines, tel que modifié, qui a été présentée le 25 octobre 2016.
La proposition de loi no 4447 intitulée «loi sur le renforcement du droit des travailleurs à la grève, amendant à cet effet le décret présidentiel no 442, tel que modifié, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée le 16 novembre 2016. L’objectif de ce texte de loi est de modifier les sanctions pour non-respect des ordres, interdictions ou injonctions émanant du secrétaire au Travail, et pour la participation directe à une grève illégale, allant du renvoi ou de l’emprisonnement à des mesures disciplinaires sous forme d’amende.
Etat d’avancement des mesures législatives proposées pour garantir qu’aucune sanction pénale ne peut être imposée à un travailleur pour avoir participé à une action de grève pacifique, même si les exigences en matière de négociation ou de préavis n’ont pas été respectées
Cette question est aussi couverte par les mesures susmentionnées, à savoir les propositions de loi sénatoriales nos 175, 711, 1908 et 4447. La 17e session du Congrès étant close, ces propositions de loi devraient être présentées à nouveau à la 18e session du Congrès.
Etat d’avancement des amendements législatifs proposés pour supprimer l’autorisation du gouvernement requise pour l’aide étrangère aux syndicats
La proposition de loi sénatoriale no 4448 intitulée «loi permettant à des ressortissants étrangers d’exercer leur droit à l’auto-organisation et de supprimer la réglementation de l’aide étrangère à des syndicats, amendant à cet effet le décret présidentiel no 442, tel que modifié, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée le 16 novembre 2016. L’objectif de cette proposition de loi est de: a) étendre le droit à l’auto-organisation aux ressortissants étrangers résidant aux Philippines; et b) supprimer l’interdiction faite aux organisations syndicales étrangères de se livrer à des activités syndicales et la réglementation de l’aide étrangère aux syndicats philippins.
La proposition de loi no 1354 intitulée «loi permettant aux ressortissants étrangers ou aux organisations étrangères de se livrer à des activités syndicales et de fournir une aide à des organisations ou des groupes de travailleurs, amendant à cet effet les articles 269 et 270 du décret présidentiel no 442, tel que modifié, dénommé aussi le Code du travail des Philippines» a été présentée le 11 juillet 2016. L’objectif de cette proposition de loi est d’amender le Code du travail pour: a) permettre aux ressortissants étrangers et aux organisations étrangères de se livrer à des activités syndicales aux Philippines; et b) étendre l’aide étrangère à des organisations et des groupes de travailleurs.
8. Examen et état d’avancement des directives opérationnelles des organismes d’enquête et de contrôle pour renforcer et améliorer encore leur fonctionnement, ainsi que leur coordination et leur interaction
Il a précédemment été fait état du projet de coopération pour le développement élaboré par le DOLE, le BIT et l’Union européenne, par l’intermédiaire de son système de préférences généralisées (SPG+) qui vise à donner plus de moyens aux travailleurs, aux employeurs et aux gouvernements pour mieux appliquer les principes relatifs au droit à la liberté syndicale et la négociation collective. L’une des réalisations concrètes du projet consiste en l’examen des mécanismes en place pour lutter contre les violations des libertés civiles des travailleurs et des droits syndicaux. L’étude porte sur les directives opérationnelles et les structures/procédures des trois mécanismes d’enquête, de poursuite et/ou de contrôle chargés de lutter contre les violations des principes de liberté syndicale aux Philippines – NTIPC dirigée par le DOLE – organe de contrôle et organes de contrôle tripartites régionaux (RTMB); commission interinstitutions A035 relevant du DOJ; mécanismes nationaux de contrôle relevant du CHR.
Après avoir examiné les politiques et les directives en place, recueilli les points de vue des principales personnes intéressées (à savoir, membres des syndicats des secteurs publics et privés, points focaux dans les institutions/organisations concernées, etc.), les lacunes et les problèmes rencontrés dans le fonctionnement de ces mécanismes ont été définis, ainsi que les domaines problématiques identifiés par les entités d’enquête, comme la PNP, la CHR et, dans une certaine mesure, l’AFP-HRO. Des recommandations ont ensuite été formulées pour permettre de combler les lacunes ou éliminer les obstacles et faire progresser de manière importante les cas liés au travail qui concernent des exécutions extrajudiciaires ou des violations des conventions nos 87 et 98 de l’OIT, en tenant compte des conclusions et des recommandations formulées par la mission de contacts directs du BIT qui s’est rendue aux Philippines en 2017. Ces recommandations seront prises en compte par les institutions/organisations concernées, pour examen et mise en œuvre éventuelle.
Représentant gouvernemental – Cette invitation est une excellente occasion de rendre compte à la commission de ce que notre pays a accompli dernièrement, ce que nous accomplissons actuellement, et ce que nous comptons faire dans un avenir proche afin de faire progresser encore la liberté syndicale aux Philippines.
Suite aux recommandations de la mission de contacts directs de 2017, le gouvernement philippin et ses partenaires sociaux ont adopté le Plan d’action national sur la liberté syndicale et la négociation collective, avec le soutien du Schéma de préférences tarifaires généralisées du bureau de l’OIT de Manille et de l’Union européenne (GSP+). Nous croyons que l’environnement le plus favorable pour assurer pleinement et librement l’exercice de la liberté syndicale est la garantie d’un emploi dans des conditions de travail sûres et salubres, tous les lieux de travail étant à l’abri de toute violence et de tout harcèlement. Le rapport de 2019 des travailleurs et des syndicats des Philippines sur les objectifs de développement durable va même jusqu’à noter que la contractualisation et l’informalisation intenses du travail formel sont l’une des causes du déclin des syndicats. Ce système est un frein au respect des droits inhérents des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective. L’insécurité du travail due au manque de respect des normes du travail, à des conditions de travail dangereuses et à une protection sociale insuffisante est une grave menace qui plane sur la liberté syndicale.
Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement des Philippines a intensifié ses inspections depuis 2016. L’inspection porte déjà sur des questions impliquant des syndicats et des conventions collectives et, encore plus important, la question sur la sécurité de l’emploi. De 2016 à 2018, nous avons inspecté plus de 180 000 établissements couvrant plus de 12 millions de travailleurs, ces inspections ayant donné lieu à la régularisation de plus de 400 000 travailleurs. Cette inspection plus intensive a permis de créer un plus grand espace démocratique de liberté syndicale, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Le gouvernement des Philippines compte, depuis décembre 2018, 136 inspecteurs du travail supplémentaires, et encore 500 de plus cette année. Tous les inspecteurs sont formés et reçoivent l’aide du bureau de l’OIT à Manille, ainsi que du Département du travail des Etats-Unis. Dans l’esprit de dialogue social et d’engagement tripartite, le gouvernement philippin a établi la liste des représentants des syndicats et des employeurs et les a mandatés pour remplir le rôle d’inspecteurs du travail. Ils peuvent désormais accompagner les inspecteurs du travail dans l’inspection des établissements. En janvier 2019, nous comptions 241 partenaires sociaux mandatés.
L’an dernier, notre Président a promulgué le décret no 51, qui définit la politique sous-jacente de l’actuel gouvernement en traitant la question de la sécurité de l’emploi, laquelle est, à notre avis, un élément indispensable de la liberté syndicale. Cependant, pour assurer pleinement et librement l’exercice de ce droit, et compte tenu des limites inhérentes imposées au pouvoir exécutif dans une démocratie, cette politique doit être suivie par le biais de la législation. A ce sujet, permettez-moi tout d’abord d’informer la commission des réformes législatives majeures en cours dans le secteur du travail et de l’emploi. Récemment, le gouvernement philippin a promulgué la loi élargie sur la maternité, la loi sur le télétravail, la loi sur la réforme de la sécurité sociale, les normes sur la santé et la sécurité au travail, la loi sur la couverture maladie universelle et la Magna Carta des pauvres. Ces mesures, qui permettront à un nombre plus important de travailleurs des secteurs tant formel qu’informel d’exercer leur liberté, sont toutes en accord avec les objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Comme il a été dit plus haut, l’environnement le plus favorable pour assurer pleinement et librement l’exercice de la liberté syndicale est la garantie d’un emploi dans des conditions de travail sûres et salubres, tous les lieux de travail étant à l’abri de toute violence et de tout harcèlement. Le projet de loi sur la sécurité du travail est aujourd’hui entre les mains du Congrès philippin. Il est en attente d’approbation par le Président qui décidera de la mesure qu’il compte prendre à son sujet. L’insécurité de l’emploi, le faible respect des normes du travail, des conditions de travail peu sûres et une protection sociale insuffisante sont des causes immédiates courantes aux Philippines, qui conduisent parfois à des conflits entraînant malheureusement des cas avérés de violence et de harcèlement. Je peux assurer la commission que le Conseil national tripartite pour la paix sociale – Organe de surveillance (NTIPC-MB), institutionnalisé, continue à fonctionner efficacement avec la publication de l’ordonnance administrative no 32 qui définit la relation fonctionnelle unissant le NTIPC-MB et les organes régionaux de surveillance tripartites. Il existe dans le pays 16 organes régionaux de surveillance tripartites, qui sont prêts à être mobilisés à tout moment et où que ce soit, lorsque cela est nécessaire. L’Equipe de validation tripartite, dont les membres volontaires reçoivent une assistance sociale et un financement, peut être engagée, si cela est justifié. En mobilisant les organes régionaux tripartites concernés à l’échelle régionale, on apporte une réponse immédiate et une action concrète appropriée. Tout récemment, l’organe régional de surveillance tripartite concerné, en coordination avec la police nationale des Philippines concernée, a été immédiatement mobilisé pour enquêter et surveiller un des cas signalés dans la région de Luzon Sud.
Il convient de noter que, compte tenu du renforcement du partenariat entre les partenaires sociaux et le mécanisme opérationnel utilisé, nous observons un net déclin des cas de meurtres signalés. Ces cas étaient au nombre de 50 de janvier 2001 à juin 2010, 16 de juillet 2010 à juin 2016 et 3 du juillet 2016 à décembre 2018. Comme indiqué précédemment, sur les 66 cas signalés de 2001 à juin 2016, 11 ont été considérés comme relevant de l’ordonnance administrative (AO35). Avec une référence particulière à l’observation étudiée dans le rapport, le cas de Miralles en 2016 fait actuellement l’objet d’une enquête. L’examen numérique médicolégal mené par le Anti-Cyber Crime Group (groupe contre le crime informatique) de la police nationale des Philippines (PNP) sur les images d’archives d’une télévision à circuit fermé (CCTV) qui ont été dévoilées n’a donné aucun résultat positif. L’enquêteur chargé de ce cas n’a pas pu non plus trouver d’information pertinente. La Direction de l’administration des enquêtes et des enquêteurs de la police nationale des Philippines (PNP-DIDM) poursuit l’examen de ce cas en vue de l’éventuelle identification des suspects. Plus axé sur l’aspect technique de l’enquête, un examen balistique et de compatibilité croisée sur les données probantes recueillies a été entrepris. Le rapport fait également état du cas d’Abangan en 2016 qui a fait l’objet d’une investigation non seulement par la PNP, mais aussi, indépendamment, par la Commission des droits de l’homme. La PNP continue à analyser le suspect et à convaincre de témoigner les parents de témoins mineurs et la famille de la victime. Dans une résolution distincte, la Commission des droits de l’homme, qui est un organe indépendant, estime que ce cas relève de la sphère privée. De gros efforts sont encore déployés aujourd’hui pour monter un dossier sérieux contre l’auteur présumé. Ces deux cas particuliers mentionnés dans le rapport sont contrôlés en permanence par les organes régionaux de surveillance tripartites de la région de la capitale nationale et la région VII. Les cas d’Embang en 2012, de Pango en 2014 et de Romano en 2015 font l’objet de compléments d’enquêtes. Cependant, comme pour les autres précédents cas, l’absence ou l’insuffisance de preuves empêche qu’une enquête réussie ait lieu et que des poursuites soient entreprises. Les nouveaux cas signalés, bien que pas assez nombreux, sont très regrettables et, sur tous les points, condamnables le plus fermement possible. Comme tous les autres, ils ont été traités en temps voulu par les organismes appropriés, aux fins d’enquête, de constitution d’un dossier, de poursuite et d’un jugement. Ils sont aujourd’hui surveillés de près par les organes régionaux de surveillance tripartites concernés dans les régions, y compris par le Comité interinstitutions AO35 qui se réunira à nouveau d’ici peu, suite à la planification stratégique du mois de mars 2019 portant sur l’insertion du département dans le Comité interinstitutions et la mise à disposition de l’assistance et de la protection nécessaires des témoins, dans le cadre du Programme de protection des témoins.
Conformément au Plan d’action national qui a fait l’objet d’un accord tripartite (2017-2022), le gouvernement philippin a assuré de manière continue des formations visant à renforcer les capacités des partenaires sociaux, du ministère public, des organes chargés de l’application des lois et d’autres acteurs concernés, en particulier dans les enquêtes criminelles de novembre 2018 à Pampanga, du 15 janvier 2019 à Cebu, du 25 janvier 2019 à Davao et du 4 février 2019 à Manille. Nous mettons actuellement la dernière main sur le Training Manual on Freedom of Association (Manuel de formation sur la liberté syndicale), à l’attention des travailleurs, les Diagnostics of Compliance with Labor Standards (Diagnostics de conformité avec les normes du travail), à l’attention des employeurs, le Freedom of Association (FOA) Training Module (Module de formation sur la liberté syndicale), à l’attention de la Commission des droits de l’homme, et le FOA e-Learning Module on International Standards and Labour Rights (Module d’apprentissage en ligne sur la liberté syndicale, relatif aux normes internationales du travail et aux droits du travail), à l’attention de tous. Une réunion exploratoire et un atelier ont déjà eu lieu, respectivement le 17 décembre 2018 et le 7 mars 2019, avec le département concerné, spécifiquement l’Académie gouvernementale locale pour l’incorporation des normes internationales du travail, notamment la liberté syndicale, et les Directives sur les orientations régulières et la formation des directeurs généraux locaux. Une autre réunion a eu lieu en janvier et en août avec la PNP et les forces armées des Philippines (AFP) sur l’inscription de ces mêmes sujets dans leurs programmes et leurs formations.
Aujourd’hui, et à nouveau au sujet du rapport, nous souhaiterions préciser que les activités menées par les AFP-Bureau des droits de l’homme de Mindanao consistaient en fait en des visites de barangays dans le cadre du Programme de soutien aux communautés des forces armées des Philippines. Il s’agit d’un concept opérationnel orienté vers les communautés et les problèmes en cours, utilisé dans des zones touchées par des conflits. Cela ne vise pas à décimer les syndicats. Les AFP ont affirmé à nouveau leurs engagements aux principes directeurs et ont même publié des directives à toutes les unités militaires afin qu’elles respectent les droits des travailleurs. De même, elles ont redistribué les principes directeurs au personnel afin de le guider dans ses engagements. Récemment, des cours et des orientations sur la liberté syndicale et le syndicalisme, auxquels ont participé le personnel des AFP et de la PNP, ont été organisés les 1er février et 7 mai 2019.
Nous n’avons pas encore achevé notre travail. Dans l’esprit du dialogue social, j’en appelle à nos partenaires sociaux, étant donné les conditions et les circonstances nationales, à poursuivre leur travail et à poursuivre les réformes importantes au niveau national, en vue de donner corps à notre contrat social tel qu’il est défini dans le plan d’action national. C’est pourquoi notre représentation demande, avec l’appui habituel de nos partenaires sociaux, à pouvoir bénéficier du temps nécessaire pour achever et accomplir les activités et les programmes du plan d’action national dans les délais spécifiques qui ont été décidés par accord tripartite. S’il est vrai que les syndicats et les groupes d’employeurs ne font pas partie du gouvernement, nous sommes tous partenaires en termes de gouvernance.
Pour conclure, le gouvernement philippin continue à affirmer son engagement fort et sans faille afin d’obtenir des avancées soutenues s’agissant du respect, en droit et en pratique, de la convention et pour assurer un environnement plus propice à ce que la liberté syndicale soit assurée pleinement et librement aux Philippines. Maraming Salamat, Ginoong Tagapangulo.
Membres travailleurs – Nous souhaitons rappeler qu’en 2016 la commission a examiné l’application de la convention par le gouvernement. C’est ainsi qu’a été organisée une mission de contacts directs en 2017, avec des recommandations concernant les libertés civiles, les droits syndicaux et la promotion d’un climat propice à la liberté syndicale. Or, depuis lors, la protection des libertés et des droits civils a continué à se détériorer et le gouvernement n’a toujours pas avancé dans la modification de sa législation nationale après avoir fait part de ses efforts à plusieurs reprises auprès des organes de surveillance.
Le nombre croissant d’exécutions extrajudiciaires est tout simplement choquant. La commission d’experts notait avec regret qu’il y avait encore de nombreux cas d’homicides de syndicalistes et d’autres actes de violence pour lesquels les auteurs n’ont toujours pas été identifiés et sanctionnés. En outre, la commission d’experts est profondément préoccupée de noter les nouvelles allégations graves d’assassinat de deux dirigeants syndicaux. En effet, il y a tout juste deux semaines, Leonides Dennis Sequeña, ancien syndicaliste, a été assassiné alors qu’il rencontrait un groupe de travailleurs. Il a été tué par un tireur qui est arrivé en moto. Avant son assassinat, M. Sequeña avait travaillé sur plusieurs pétitions concernant des élections d’accréditation dans trois entreprises situées dans la zone franche d’exportation (ZFE) de Cavite, à Rosario. Cette atmosphère politiquement chargée, suscitée par une guerre de type militaire contre ceux que l’on appelait «les rouges», ne manque pas d’entraîner de la violence et rappelle les années où les syndicalistes étaient ciblés, harcelés, emprisonnés, enlevés et assassinés après avoir été traités à tort de «rouges».
Nous faisons appel au gouvernement ainsi qu’aux militaires pour qu’ils s’abstiennent d’utiliser des termes qui pourraient stigmatiser les syndicalistes, ou encore de tolérer des mesures de rétorsion prises à leur encontre au motif des idées qu’ils défendent. Nous notons également avec une profonde préoccupation l’intervention militaire dans des conflits du travail. Rappelons que, entre le 26 mai et le 2 juin 2017, des soldats armés ont menacé des travailleurs en grève d’une entreprise de fruits tropicaux et ont détruit un piquet de grève. Ces interventions militaires dans des affaires syndicales ont lieu avec l’accord du gouvernement, à plusieurs reprises, et ont menacé des travailleurs en grève avec des interventions militaires et de la police. Comme l’ont souligné à plusieurs occasions la commission et d’autres organes faisant partie du système de surveillance, un climat de violence et de meurtres de dirigeants syndicaux constitue un sérieux obstacle à l’exercice des droits syndicaux, en même temps qu’une violation grave des principes d’association. L’échec constant du gouvernement à protéger de tels actes les travailleurs et leurs dirigeants crée une atmosphère d’impunité qui renforce le climat de crainte et d’incertitude et porte atteinte à l’exercice des droits syndicaux.
Les exécutions extrajudiciaires et la violence perpétrée à l’encontre de travailleurs relèvent désormais d’une crise humanitaire. Pourtant, le gouvernement s’abstient toujours d’instaurer des mécanismes de surveillance efficaces afin de traiter cette impunité et assurer l’imputabilité. Nous notons que le Comité interinstitutions (CI) sur les assassinats extrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture et autres violations graves du droit des personnes à la vie, la liberté et la sécurité (ordonnance administrative AO35) doit à nouveau se réunir en raison du changement de personnel qui doit avoir lieu au sein du Département de la justice. Nous notons que le NTIPC-MB n’est pas un organe judiciaire ni d’enquête et qu’il est chargé de la surveillance de questions relatives à la paix sociale. Il est alarmant de noter que le NTIPC a présenté 65 cas d’exécutions extrajudiciaires touchant les syndicalistes, mais que seuls 11 de ces cas ont été vérifiés par le CI. Le cas de Florencio «Bong» Romano, traité en 2016 par la commission, et celui de Victoriano Embang, assassiné en 2014, font toujours l’objet d’une enquête par la police. Le CI doit pouvoir bénéficier de ressources pour enquêter et traiter toutes les plaintes d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes. Le NTIPC doit lui aussi recevoir des ressources pour surveiller le climat de justice et de sécurité dans lequel se trouvent les syndicalistes. Nous en appelons au gouvernement pour qu’il fournisse toutes les ressources nécessaires à une enquête rapide et efficace des allégations sérieuses de meurtres de dirigeants syndicaux et pour garantir la sécurité des témoins.
Nous regrettons profondément que, depuis de nombreuses années, divers aspects de la législation des Philippines qui ne sont pas conformes à la convention restent intacts et soient appliqués dans la pratique. Ceci apparaît comme une absence de bonne foi de la part du gouvernement qui ne travaille pas rapidement à l’adoption des mesures nécessaires pour que la législation soit rendue conforme à la convention. Cela fait bon nombre d’années maintenant que le gouvernement fait état de plusieurs projets de loi encore en suspens. Par exemple, les articles 284 et 287(b) du Code du travail empêchent les étrangers d’adhérer à un syndicat, ce qui est contraire à l’article 2 de la convention. Le gouvernement a mentionné les projets de loi no 1354 et no 4488 de la Chambre des représentants qui, à l’entendre, autoriseront, une fois qu’ils seront adoptés, les personnes étrangères à prendre part à des activités syndicales, y compris à s’organiser elles-mêmes. Comme l’a noté la commission d’experts, ces projets de loi sont toujours en suspens, malgré les diverses sessions tenues par la Chambre des représentants, pendant lesquelles ils auraient pu être adoptés.
De nombreuses catégories de travailleurs sont exclues du droit de former des syndicats ou d’y adhérer. C’est le cas notamment des travailleurs qui occupent des postes de direction ou de ceux qui ont accès à des informations confidentielles; des sapeurs-pompiers; des gardiens de prison et autres travailleurs du secteur public; des travailleurs temporaires ou détachés; ainsi que des travailleurs qui n’ont pas de contrat de travail. Ces types d’exclusion sont clairement en contradiction avec l’article 2, qui prévoit d’accorder le droit à la liberté syndicale à tous les travailleurs sans distinction. Le gouvernement a mentionné les projets de loi nos 4533 et 5477 de la Chambre des représentants, ainsi que le projet de loi no 641 du Sénat, qui, selon lui, devraient régler ces types de violation. Toutefois, il doit prendre aussi en bonne foi les mesures nécessaires, afin de garantir que ces projets de loi sont enfin adoptés en tant que lois, et ce avec l’engagement total des partenaires sociaux.
En outre, certains aspects de la législation limitent le droit de constituer des syndicats sans autorisation préalable. En vertu de l’article 240(c) du Code du travail, les syndicats indépendants doivent avoir un seuil minimal d’adhésion de 20 pour cent pour s’organiser. La commission d’experts a indiqué clairement à plusieurs reprises que cette prescription est excessive et qu’elle est donc un obstacle à la constitution libre d’organisations de travailleurs. Le gouvernement insiste à nouveau sur les projets de loi en suspens dont le but est de réduire le seuil minimal, mais ne donne pas d’explication crédible au sujet du retard pris dans l’adoption des amendements nécessaires.
Nous sommes de plus profondément préoccupés par le fait que les protections contre l’ingérence et la protection contre toute intervention compromettant l’exercice de ces libertés, telles que prévues à l’article 3, sont continuellement bafouées. En vertu de l’article 278(g), le gouvernement a le pouvoir d’intervenir unilatéralement dans des conflits du travail qui touchent des services essentiels et d’ordonner un arbitrage obligatoire. Nous prenons note de la publication de l’ordonnance no 40-H-13 destinée à rendre les industries listées comme étant d’intérêt national conformes aux services essentiels tels que prescrits par la convention. Toutefois, le gouvernement retient une définition vaste plutôt qu’une définition stricte et limitée des services essentiels telle qu’elle est stipulée dans la convention. La désignation des services essentiels doit correspondre aux services dont l’interruption mettrait directement en danger la vie, la sécurité et la santé de toute ou d’une partie de la population. La Chambre des représentants a passé en revue quatre projets de loi pour traiter ces problèmes (projets de loi nos 175, 711, 1908 et 4447) et un projet de loi du Sénat (no 1221). Nous insistons sur la nécessité pour le gouvernement de prendre d’urgence des mesures visant à garantir qu’une définition des services essentiels qui soit conforme à la convention soit adoptée en consultation avec les partenaires sociaux. Dans ce contexte, il est également extrêmement troublant que les articles 279 et 287 du Code du travail imposent des sanctions pénales contre des travailleurs ayant participé à une grève pacifique ou l’ayant organisée. Il s’agit là d’une violation des articles 3 et 8 de la convention, cela ne fait aucun doute. Et il est regrettable de constater que les projets de loi de la Chambre des représentants nos 175, 711, 1908 et 4447, dont l’objectif est de traiter cette question, soient en attente d’adoption depuis plusieurs années maintenant. Le gouvernement doit prendre des mesures immédiates et assorties de délai pour veiller à ce qu’aucune sanction pénale ne soit imposée à l’encontre d’un travailleur au motif qu’il aurait organisé une grève pacifique sans respecter la procédure adoptée. De même, nous notons que l’article 285 du Code du travail, qui prévoit que les syndicats ne peuvent recevoir une assistance étrangère sans approbation préalable du secrétaire du Travail, va à l’encontre de l’article 3 de la convention. Le gouvernement a présenté les projets de loi de la Chambre des représentants no 1354 et no 4448 visant à retirer l’interdiction et à réglementer tous les autres aspects de l’assistance étrangère aux syndicats philippins. A nouveau, cette question est en suspens depuis un bon moment à la Chambre des représentants.
Enfin, le gouvernement n’a pas donné pleinement effet à l’article 5 de la convention. L’article 244 du Code du travail fixe un seuil extrêmement élevé de dix sections locales dûment reconnues en tant qu’agents de négociation requis pour enregistrer une fédération ou un syndicat national. Là encore, le gouvernement a indiqué que le projet de loi de la Chambre des représentants no 1355, qui prévoit d’abaisser le nombre minimum de membres, est en suspens, en même temps que le projet de loi no 1169 du Sénat. Nous sommes aussi profondément inquiets par le recours excessif à des contrats de courte durée et son impact négatif sur la liberté syndicale. Certaines procédures législatives attendent depuis trop longtemps sans que la moindre mesure concrète ne soit prise à leur sujet. A nouveau, nous indiquons que les organes de surveillance ont noté l’importance cruciale du dialogue social et de la consultation tripartite sur les questions se rapportant à la législation et à la politique du travail. Nous demandons au gouvernement de poursuivre des consultations qui soient complètes, franches et significatives au sujet de ces projets de loi. Nous espérons que toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer l’adoption des amendements soient prises sans plus attendre.
Membres employeurs – Nous remercions le gouvernement pour ses commentaires et nous remercions aussi les travailleurs, car il y a eu beaucoup de détails utiles dans les observations qui ont été faites. La convention, nous le savons, est une convention fondamentale que les Philippines ont ratifiée en 1953. Ce pays a ratifié 37 conventions, y compris les huit conventions fondamentales, ce qui mérite d’être signalé car cela veut dire que le pays prend au sérieux les principes qu’elles contiennent, ou qu’il devrait le faire. Le cas qui nous intéresse aujourd’hui a été examiné auparavant par la commission – en 2007, 2009 et 2016. De plus, il convient de noter également que la commission d’experts a présenté 15 observations depuis 1995, dont sept ces dix dernières années. Les pays qui font l’objet de fréquents commentaires sont ceux qui sont confrontés à des problèmes plus importants. Ce cas dure depuis longtemps, comme nous l’ont fait savoir les travailleurs, ses facettes sont multiples et, de plus, il implique l’application de la convention. Et nous savons tous, compte tenu des commentaires sans fin qui ont été faits, que certains sujets s’y rapportant posent problème pour les employeurs aussi.
Pour récapituler la situation, les employeurs ne partagent pas l’avis de la commission d’experts concernant le droit de grève prévu par la convention et, selon nous, il n’existe pas de normes de l’OIT concernant les grèves, moyennant quoi la portée et les conditions de l’exercice du droit de grève devraient être régies à l’échelle nationale. Par conséquent, pour ce qui est du droit des travailleurs aux Philippines de mener des grèves, nous voudrions simplement signaler qu’à notre avis c’est au gouvernement d’en décider.
De prime abord, ce cas constitue un cas de discrimination systématique par l’Etat à l’encontre d’organisations de travailleurs et de leurs membres. J’utilise les termes «de prime abord» à bon escient, car un examen plus en détail de ces questions laisse entendre que le cas des Philippines n’est pas un cas, mais deux. Le premier concerne la spécificité des plaintes des travailleurs et des syndicats et le second a trait aux réponses fournies par le gouvernement et le contexte dans lequel elles ont été données. Ils doivent donc être examinés l’un après l’autre.
Pour ce qui est des plaintes des syndicats et des travailleurs, depuis plusieurs années, la commission reçoit des plaintes de violation des droits syndicaux, voire pire, notamment des allégations de meurtres de dirigeants syndicaux, d’arrestations et de fausses accusations de meurtres à l’encontre de dirigeants syndicaux, ainsi que d’attaques physiques de travailleurs en grève. Ces exemples sont trop nombreux pour être détaillés ici dans le délai imparti. A nouveau, les observations concernent des allégations graves de violation des droits de l’homme, notamment: les meurtres et les tentatives d’assassinat de dirigeants syndicaux; la suppression violente de grèves et d’autres actions collectives par la police et les forces armées; le harcèlement de syndicalistes et le fait d’interdire l’adhésion à des syndicats dans les ZFE. Soyons clairs, les employeurs ne dénigrent en aucun cas le sérieux des problèmes portés à l’attention de la commission. Il est toutefois important de noter qu’il ne s’agit pas seulement de problèmes liés à la liberté syndicale. Il s’agit aussi de questions relatives aux droits de l’homme et, par définition, certains cas sont en lien avec le droit et la pratique. Des cas comme ceux-là ne sauraient être incontestés, mais nous devons garder à l’esprit le fait qu’ils sont abordés ici dans le contexte de la liberté syndicale. Nous n’avons aucune juridiction qui concerne spécifiquement le droit et la pratique, sans doute pas plus les droits de l’homme, même s’il existe inévitablement des chevauchements. La plupart des détails qui caractérisent le cas présenté cette année sont les mêmes que ceux qui ont été discutés la fois précédente. Les meurtres auxquels il a été fait référence en 2016 ont été discutés auparavant. En conséquence, nous ne devons pas seulement examiner les détails, mais aussi la question de savoir si la situation va mieux ou si elle se détériore. Cette année, il semblerait que les problèmes soulevés sont aussi nombreux, sinon plus, qu’auparavant, mais aussi que le gouvernement aura besoin de beaucoup de temps pour les traiter.
Pour ce qui est de la réponse du gouvernement, le second aspect concerne les réponses du gouvernement aux diverses allégations formulées à son encontre. Depuis plusieurs années, sa réponse a révélé des facettes multiples et, de prime abord, était compréhensible. Mais, malheureusement, cela remonte à plusieurs années et peu de choses semblent avoir changé entre-temps. Pour résumer, le gouvernement fournit depuis plusieurs années des informations sur ses travaux de réforme de ses lois relatives au travail, conformément à la convention. Deux éléments cruciaux de cette activité ont été ce que l’on a appelé: i) le mécanisme national de surveillance, qui a pour mission de suivre les progrès du pays en vue de remédier aux violations des droits de l’homme, en accordant un rang de priorité, à court terme, aux cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de torture, et de fournir des services juridiques et d’autres services. Nous admettons que les travaux de ce mécanisme ont abouti à plusieurs condamnations pour exécutions illégales, mais les questions non résolues sont encore très nombreuses et elles doivent encore être soumises à enquête; ii) le Comité insterisntitutions sur les disparitions forcées, la torture et d’autres violations graves du droit à la vie, la liberté et la sécurité des personnes, créé en novembre 2012, également chargé d’enquêter sur des cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de torture et autres violations graves des droits de l’homme, commises par les forces de l’Etat ou autres , d’accorder un rang de priorité aux cas non résolus et de créer des équipes spéciales d’investigation. Nous nous félicitions de cette innovation au moment où elle a été décidée, mais nous notons avec regret qu’elle est toujours en attente depuis la dernière fois que cet élément a été discuté. C’est là un problème grave et les employeurs prient instamment le gouvernement de reprendre rapidement les activités précédentes et de remédier au retard qui ne cesse de s’accroître dans le règlement des cas. Nous nous faisons aussi l’écho de l’appel lancé par la commission d’experts, qui demande au gouvernement de rendre compte des progrès accomplis dans la collecte et le traitement de l’information, grâce à quoi les cas de violence seront traduits en justice, et d’en communiquer les résultats. Nous estimons que ce que nous dit le gouvernement, à savoir qu’il existe 16 organes tripartites régionaux à qui on peut faire appel, lorsque cela est nécessaire, pour enquêter sur des questions, n’est pas suffisant. C’est maintenant que cela est nécessaire, et ces organes devraient être actifs dès maintenant.
Si les enquêtes sur les allégations d’actes contre des membres et des dirigeants syndicaux sont des sujets sérieux à part entière, le contexte dans lequel le gouvernement doit faire ces enquêtes l’est aussi. C’est ainsi que la loi sur la sécurité des personnes des Philippines se trouve certainement au cœur de ce second élément. Cette loi reflète la volonté du gouvernement de préserver la sécurité de ses citoyens contre un contexte d’instabilité politique et civil qui dure depuis longtemps, y compris contre une insurrection armée. C’est à ce contexte que, selon les employeurs, le gouvernement n’a pas accordé par le passé assez d’importance pour que le cas puisse être examiné comme il se doit, et il en est de même aujourd’hui. Ceci est important car les directives opérationnelles du CI définissent les exécutions extrajudiciaires de manière à englober les cas dans lesquels la victime est membre ou affiliée à une organisation syndicale, ou a été prise pour telle, et a été ciblée et tuée en raison de son affiliation réelle ou supposée. Les violations des droits de l’homme ne sont pas toutes une infraction aux droits du travail, ce qui est particulièrement exact si la personne contre laquelle la violation a été commise commettait en fait à ce moment-là un acte illégal ou criminel. Il est donc indispensable que, dans l’examen des cas, il soit énoncé clairement quelle loi est transgressée et si cette loi est conforme aux normes internationales. Ceci n’est pas toujours clairement énoncé et tout manque de clarté ne peut qu’entraver un examen juste du cas en question. Dans le contexte de la liberté syndicale, il est important de distinguer les cas où les membres syndicaux sont des cibles spécifiques en raison de leur affiliation ou de leurs activités syndicales, ou simplement des victimes, parmi d’autres victimes et d’autres citoyens, de violence pour des causes plus générales. Nous avons un mandat pour le premier élément, mais pas pour le second. Les syndicats se sont dits préoccupés par le fait que la loi sur la sécurité des personnes peut être détournée pour être utilisée afin de supprimer des activités syndicales légitimes. Pour sa part, le gouvernement a affirmé que cette loi ne peut être utilisée s’il s’agit d’aller à l’encontre de l’exercice de droits syndicaux, en particulier des activités syndicales légitimes, et que des directives existent afin de garantir que les forces armées et la police ne sont autorisées à intervenir dans des activités syndicales que si elles en ont reçu la demande expresse par les autorités. Ce que nous voyons et ce que nous entendons laissent à penser qu’il s’agit plus de mots que d’une réalité. Pour ce qui est de la surveillance et des investigations, les employeurs se sont félicités, lorsque cela a eu lieu, de la mise en place du Mécanisme national de surveillance et du CI. Le problème est que, s’ils étaient actifs à l’origine, ils semblent aujourd’hui être tombés en désuétude. Nous sommes conscients que le régime a changé et qu’un certain nombre d’activités ont récemment été interrompues. Cependant, cela est un fait, pas une excuse. Nous prions instamment le gouvernement de «redresser la barre» dès que possible.
Le gouvernement a indiqué précédemment qu’il a entrepris une coopération avec le bureau de l’OIT à Manille, qui est un programme de coopération technique sur la formation et le renforcement des capacités de toutes les parties prenantes concernées par les normes internationales du travail, y compris la liberté syndicale et la négociation collective. Nous demandons au gouvernement de fournir une mise à jour de l’état d’avancement de ces travaux et sur tous résultats auxquels ils ont donné lieu.
En ce qui concerne le Code du travail, nous prenons note des propositions du gouvernement d’apporter des modifications afin d’assurer une plus grande cohérence avec les normes internationales du travail, en particulier avec la convention, et de l’information selon laquelle une équipe tripartite chargée de l’examen du Code du travail a pris part au processus de rédaction. Cependant, à nouveau, ce changement est en cours depuis longtemps. Nous y sommes favorables; seulement, une fois de plus, il doit être mené à bien.
En ce qui concerne l’article 2 de la convention, qui concerne le droit des travailleurs à constituer des organisations et de s’y affilier, nous notons que le projet de loi no 5886, qui autorise les non-citoyens à participer à des activités syndicales, ne reconnaît ce droit qu’aux seuls étrangers justifiant d’un permis de travail valable. En outre, il ne traite pas les préoccupations exprimées au sujet de l’exclusion des droits syndicaux à certains fonctionnaires, certains sapeurs-pompiers, aux gardiens de prison, ou aux employés du service public œuvrant dans l’élaboration de politiques ou ayant accès à des données confidentielles. Nous sommes heureux d’apprendre que les Philippines ont ratifié la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Cela dit, une fois encore, cela manque de réalisme. C’est la législation nationale devant donner effet à ces conventions qui doit aujourd’hui être accélérée et, à nouveau, nous prions instamment le gouvernement d’agir rapidement pour que cette législation puisse se concrétiser.
Les employeurs rappellent que, si la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, portant sur le droit de négocier collectivement afin d’exclure certains fonctionnaires de la négociation collective, l’autorise, cette question ne fait pas l’objet de la présente convention, qui traite du droit d’organisation. En conséquence, les employeurs espèrent que les amendements législatifs proposés, ainsi que toute autre mesure législative pertinente, seront en accord avec les principes susmentionnés, afin d’assurer à tous les travailleurs, y compris ceux qui ne bénéficient pas de la négociation collective, le droit d’organisation. Les employeurs prient le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard.
Pour ce qui est de l’article 3 de la convention, concernant le droit des organisations d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action sans subir d’ingérence, nous notons l’indication du gouvernement selon laquelle les modifications proposées porteront sur l’harmonisation de la liste des industries, des industries essentielles, indispensables à l’intérêt national. Comme les années précédentes, nous nous félicitons de l’initiative visant à limiter l’intervention du gouvernement aux cas conduisant à un arbitrage obligatoire. Cependant, là encore, nous souhaiterions voir la législation adoptée. Nous en avons entendu parler depuis trop longtemps. Nous avons besoin que ce soit fait maintenant. De plus, nous nous félicitons une nouvelle fois d’apprendre que la représentativité minimale pour constituer un syndicat sera abaissée, de sorte que l’exercice de la liberté syndicale en termes de création d’organisations est aussi libre que possible. Quant aux remarques de la commission d’experts sur le principe selon lequel aucune sanction pénale ne devrait être imposée à l’encontre de travailleurs qui auraient mené des grèves pacifiques, elles nous préoccupent réellement. Compte tenu de mes précédentes remarques sur la convention, ainsi que du fait qu’il n’existe pas de consensus sur l’existence d’un droit de grève, les remarques de la commission d’experts ne peuvent être interprétées comme faisant référence que dans la mesure où la législation nationale prévoit des sanctions dans des cas de grèves irrégulières. Nous ne pouvons qu’espérer que le gouvernement adoptera une approche équilibrée et juste en réponse à ces questions.
En conclusion, seule l’action est l’unique élément que nous devons voir. Nous voudrions voir aussi un rajeunissement des travaux du CI et de ce qu’était le Mécanisme national de surveillance. Nous aimerions pouvoir constater également que les modifications du Code du travail sont bien conformes à la convention, y compris l’autorisation de tous les travailleurs et de tous les employeurs sans distinction aucune de constituer et de faire fonctionner des organisations de leur choix. Nous souhaitons que le gouvernement veille à ce que les travailleurs ne soient pas sanctionnés lorsqu’ils exercent des droits légaux en vertu du droit national, et qu’une version actualisée du projet sur l’état de la coopération technique établi par l’OIT soit disponible. Enfin, nous espérons que toutes ces questions seront traitées le plus rapidement possible.
Membre employeur, Philippines – Les membres employeurs sont en plein accord avec le rapport du représentant du gouvernement quant aux améliorations importantes apportées dans l’application, en droit et en pratique, de la liberté syndicale telle que prévue par la convention. Ils soutiennent également le Plan d’action national sur la liberté syndicale et la négociation collective, ainsi que ses points d’action concomitants relatifs aux droits civils et aux droits syndicaux. Dans le domaine législatif, en réponse aux recommandations et aux commentaires des organes de contrôle de l’OIT, on note en effet plusieurs réformes remarquables, découlant de ce qui précède, sur le travail et l’emploi, comme s’en est fait l’écho jusqu’ici le représentant gouvernemental. Les membres employeurs souhaitent ajouter une loi qui fera date, bien que controversée, qui donne plus de corps et plus de sens au droit des travailleurs d’organiser et de mener une négociation collective, droit garanti par notre Constitution et notre législation. Nous la considérons comme étant controversée car certaines de ses dispositions posent de sérieux problèmes pour les entreprises. Cette loi assouplit et réduit les prescriptions auparavant trop strictes et trop complexes concernant la reconnaissance syndicale. Elle accélère la procédure d’organisation du syndicat d’une entreprise locale en autorisant simplement une fédération ou un syndicat national à délivrer une accréditation reconnaissant le syndicat local en tant que section locale. Même si la délivrance d’une accréditation de section locale ne confère à celle-ci une personnalité juridique que pour le dépôt d’une pétition portant sur le choix de l’accréditation, certains aspects de la loi suscitent une levée de boucliers de la part du monde des affaires, parmi lesquels on citera: i) dans le cadre d’une pétition relative au choix d’une accréditation, l’employeur est prévenu ou informé et vu seulement comme un spectateur. Son rôle dans ce processus se limitera à être prévenu ou informé de la pétition et à soumettre la liste des employés lors de la conférence précédant le choix. Cet état de fait donne une image peu glorieuse du gouvernement et du syndicat qui s’exprime au sujet de l’avenir de l’entreprise, alors que son partenaire social, l’employeur, est tenu à l’écart de la conférence; ii) le syndicat de base et le syndicat des cadres fonctionnant dans le même établissement peuvent adhérer à la même fédération ou au même syndicat national. Ceci a été source de préoccupation de la part des employeurs, en raison de la question qui se pose en termes de conflit d’intérêts. Ceci ne risque-t-il pas de porter atteinte à l’objectivité du cadre lorsque celui-ci est sollicité pour enquêter au sujet d’un employé de base en faute? Si l’un est en grève, les autres syndicats conserveront-ils leur indépendance et se garderont-ils de sympathiser avec l’autre?
Néanmoins, les membres employeurs acceptent cette loi comme illustration de la dure réalité. Dura lex, sed lex. Toute dure qu’elle soit, la loi est la loi. En tant que partenaires sociaux responsables, souscrivant à la convention et à la convention no 98, les employeurs doivent respecter la loi et s’y conformer. Les membres employeurs ont accueilli favorablement la visite de la mission de haut niveau de 2007, ainsi que celle de contacts directs de 2017 au sujet des plaintes relatives aux allégations de non-respect de la convention et de la convention no 98. Toutefois, malgré tout le respect qu’ils ont pour le travail accompli, les employeurs sont préoccupés par le fait que, suite à une véritable enquête, la majorité des plaintes se sont avérées infondées. Si nous avons condamné dans les termes les plus fermes l’assassinat d’un syndicaliste le deuxième jour de ce mois, alors qu’il rencontrait un groupe de membres des Nations Unies – et nous espérons que les coupables seront bientôt derrière les barreaux –, il convient de noter que, sur les 71 exécutions extrajudiciaires et tentatives de meurtres signalées de 2001 à cette année, 27 d’entre elles, soit 38 pour cent, sont classées comme étant supposées être en lien avec le travail. Parmi ces 27 cas, seulement deux sont en attente d’être traités au tribunal, deux autres se sont produits pour des motifs personnels tels qu’une dispute de la circulation, etc. Les 23 autres cas concernaient des personnes qui avaient été renvoyées, ou faisaient encore l’objet d’une enquête, ou encore avaient été classés faute de preuves directes. Dans ce contexte, les membres employeurs suggèrent humblement et respectueusement à la commission d’experts de faire preuve d’une certaine diligence raisonnable en vérifiant de manière assidue et de valider toute plainte de violation alléguée de la convention et de la convention no 98, afin de déterminer s’il existe réellement une cause probable qui expliquerait cette plainte. Pour conclure, les membres employeurs assurent la commission de leur soutien et de leur coopération continus dans l’exécution de leurs fonctions.
Membre gouvernemental, Roumanie – Je m’exprime aujourd’hui au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres. Le Monténégro et l’Albanie, en tant que pays candidats, ainsi que la Norvège, pays membre de l’AELE et de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration. Nous sommes engagés à promouvoir la ratification et l’application universelles des huit conventions fondamentales, qui s’inscrivent dans le cadre stratégique sur les droits de l’homme et la démocratie de l’UE. Nous appelons tous les pays à protéger, promouvoir et respecter tous les droits de l’homme et les droits au travail et attachons une grande importance à la liberté syndicale et au droit d’organisation. A cet égard, le respect de la convention et de la convention no 98 est essentiel.
Nous souhaiterions rappeler les engagements pris par les Philippines dans le cadre de l’accord SPG+ et de l’accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’UE et ses Etats membres, en particulier leur engagement en faveur de la ratification et de l’application efficace des conventions internationales sur les droits de l’homme et les droits au travail. Afin de soutenir le pays dans ses efforts, l’UE met en œuvre actuellement un projet conjoint avec les Philippines sur le renforcement de la capacité des administrations publiques à appliquer les huit conventions fondamentales de l’OIT, l’accent étant mis spécifiquement sur la liberté syndicale et la négociation collective.
Malgré certains progrès relevés dans la promotion globale du programme social et des droits au travail, et les engagements pris par les autorités de répondre à ces graves préoccupations, nous regrettons profondément de devoir constater qu’une fois encore ce cas figure sur la liste de la commission, après avoir été discuté en 2016. Nous remercions le gouvernement pour sa réelle collaboration et pour les informations détaillées qu’il a ajoutées. Cela étant dit, nous notons avec une sincère inquiétude que, après plusieurs années, de nombreux cas de violation de la liberté syndicale ne soient pas réglés, y compris les meurtres de syndicalistes ou des actes de violence antisyndicale et de violence de la police lors de grèves pacifiques. Nous sommes tous concernés par le manque d’enquêtes appropriées et de poursuites engagées dans les cas graves. Nous affirmons à nouveau que l’impunité ne peut et ne devrait être tolérée dans n’importe quelle société que ce soit. Nous nous félicitons des mesures prises ces dernières années pour instaurer des organes et des institutions de surveillance, notamment le CI chargé d’enquêter dans des cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de torture, le NTIPC-MB et les organes de surveillance tripartites régionaux. Nous regrettons toutefois que le CI ne se soit pas encore à nouveau réuni. Nous observons que des dispositions ont été prises pour mettre en place des équipes tripartites de validation afin d’aider les organes de surveillance régionaux dans leurs travaux. Nous prions le gouvernement de prendre rapidement des mesures afin d’assurer à nouveau le bon fonctionnement des CI, et nous attendons des organes établis qu’ils mènent les investigations requises sur tous les cas, qu’ils condamnent leurs auteurs et qu’ils fassent en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas. Reconnaissant la gravité des allégations et la complexité des cas, nous collaborons avec le gouvernement en matière de protection des témoins et de renforcement des capacités des procureurs, des personnes chargées de l’application de la loi et d’autres acteurs impliqués. De plus, nous prions instamment le gouvernement de prendre d’autres mesures visant à renforcer le fonctionnement des organes tripartites de surveillance, tant national que régional.
Tout comme la commission d’experts, nous nous félicitons de la ratification par les Philippines, en 2017, de la convention no 151. Pour autant, nous aimerions faire part de notre préoccupation au sujet des aspects législatifs persistants du cas que les organes de contrôle de l’OIT soulèvent depuis des années. Nous sommes soucieux de l’absence de progrès dans l’adoption de certaines propositions législatives visant à rendre la législation nationale conforme à la convention no 87, et ce malgré le fait qu’à de maintes reprises le gouvernement a exprimé ces dernières années sa volonté de le faire. Nous prions instamment les autorités philippines d’adopter les amendements législatifs, en particulier ceux qui concernent les éléments suivants: accorder les droits syndicaux à tous les travailleurs et catégories de travailleurs présents dans le pays; réduire le nombre minimum de membres requis pour former un syndicat, qui est excessivement élevé; abaisser les prescriptions excessivement élevées concernant l’enregistrement des fédérations de syndicats; limiter l’intervention du gouvernement dans les conflits du travail; veiller à ce qu’aucune sanction pénale ne soit imposée aux travailleurs pour avoir mené une grève pacifique; supprimer le besoin pour un syndicat de demander la permission du gouvernement pour obtenir une assistance étrangère; réduire les prescriptions excessivement élevées que doivent satisfaire les syndicats locaux pour s’enregistrer à l’échelle fédérale ou nationale.
Enfin, les consultations tripartites et un dialogue social crédible et efficace sont des éléments essentiels à l’application des principes et droits fondamentaux au travail, en particulier des conventions fondamentales de l’OIT. C’est pourquoi nous encourageons vivement les Philippines à redoubler d’efforts pour renforcer la coopération avec les travailleurs et les employeurs afin d’assurer l’application effective de la convention ainsi que le respect de la liberté syndicale. Pour conclure, nous aimerions affirmer une nouvelle fois notre fort engagement à poursuivre notre coopération intensive avec le gouvernement des Philippines dans ses efforts pour faire face aux défis qui se posent à lui et assurer le respect des droits de l’homme et des droits au travail dans le pays.
Membre gouvernemental, Thaïlande – La Thaïlande s’exprime au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). Cette dernière reconnaît que, en tant que signataires de la convention (signature qui remonte à 1953), les Philippines, avec la collaboration de ses partenaires sociaux, ont fait des progrès importants au sujet de l’application, en droit et en pratique, des principes relatifs à la liberté syndicale, depuis la mission de haut niveau de 2009 et la mission de contacts directs de 2017 et après que la convention ait été examinée par la commission lors de la 105e Conférence internationale du Travail qui s’est tenue en 2016.
L’ASEAN prend note des informations et du rapport sur les progrès accomplis à ce jour, compte tenu des circonstances nationales, dans le respect de la liberté syndicale aux Philippines, grâce au Plan d’action national sur la liberté syndicale et la négociation collective (2017-2022), adopté en 2017 par les partenaires tripartites philippins, avec le soutien du Bureau de pays de l’OIT de Manille et le Schéma de préférences tarifaires généralisées (GSP+) de l’Union européenne. En vue de l’achèvement total, en 2022, du plan d’action national, l’ASEAN s’attend à ce que les partenaires tripartites des Philippines poursuivent l’œuvre louable qu’ils ont entreprise. Les Philippines, accompagnées de leurs partenaires sociaux, doivent avoir la possibilité d’achever la mise au point et la réalisation des activités et programmes inscrits dans le plan d’action national, dans les délais convenus par accord tripartite. C’est pourquoi l’ASEAN prie instamment les Philippines de continuer à respecter ses obligations en vertu de la convention et de poursuivre son engagement sain et constructif avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Enfin, l’ASEAN appelle l’OIT et ses organes de contrôle à fournir l’assistance technique et les orientations requises afin de résoudre les problèmes en suspens, tout en assurant un environnement plus propice à l’application de la convention aux Philippines.
Observateur, Fédération des travailleurs libres (FFW) – Je m’exprime aujourd’hui au nom de la Fédération des travailleurs libres et de la Nagkaisa Labor Coalition (Coalition du travail de Nagkaisa) des Philippines. Ce pays a signé la convention dès 1953. Nous nous souvenons qu’en 2016 les Philippines ont à nouveau fait l’objet de la part de la commission d’experts d’une double note de bas de page à propos de la convention. Selon nous, ce choix était une réaction appropriée à la violence que subissaient les syndicalistes et l’absence de poursuites pour exterminations extrajudiciaires, en dépit de l’élaboration de divers mécanismes nationaux de surveillance, destinés à enquêter sur ces crimes. Certes, la violence antisyndicale n’était pas notre préoccupation seulement en 2016. Le fait de passer outre les syndicats en utilisant des programmes d’emploi irrégulier, les lacunes relevées dans la législation existante et l’échec du gouvernement même dans l’application de cette législation défectueuse ont conduit à un climat dans lequel la liberté syndicale est très difficile, voire impossible, à faire appliquer.
Depuis la prise de pouvoir de l’administration du Président Duterte, 43 syndicalistes ont été assassinés. Le premier dirigeant syndical à avoir été tué était Orlando Abangan, un syndicaliste de la SENTRO basé à Cebu. Il a été assassiné en septembre 2016. L’assassinat le plus récent est celui de Dennis Sequeña, ancien syndicaliste, qui a été assassiné à Tanza, Cavite, le 2 juin 2019, alors qu’il tenait des séances d’orientation sur le syndicalisme auprès des travailleurs des ZFE. La police locale n’a même pas déposé plainte officiellement. Pendant le gouvernement précédent, dont la Présidente était Mme Gloria Macapagal Arroyo, 68 syndicalistes ont été assassinés. Le gouvernement n’est simplement pas sérieux lorsqu’il cherche un coupable à ces assassinats. Toute troublante qu’elle soit, la violence n’est pas seulement un problème qui nous concerne nous, aux Philippines, où les travailleurs menés par la Nagkaisa Labor Coalition (Coalition du travail de Nagkaisa) sont parvenus il y a deux ans à convaincre le gouvernement de la République des Philippines de ratifier la convention no 151. Le pays se retrouve ainsi le premier dans toute l’Asie à l’avoir fait. Toutefois, à ce jour, aucune loi n’a encore été passée qui permette de faire respecter la convention dans son esprit et dans son objectif. Cette situation tient à l’écart de la négociation collective dans le secteur public les employés travaillant sous contrat ou bénéficiant d’un contrat de travail, qui sont plus de 628 000 à occuper des fonctions clés dans des services prioritaires au sein de services gouvernementaux, d’agences gouvernementales locales, de collèges et d’universités de l’Etat, y compris de sociétés appartenant ou contrôlées par le gouvernement, les privant donc des avantages d’une telle négociation. Pour cela, le gouvernement devrait «joindre le geste à la parole».
La commission d’experts se réfère à nouveau à plusieurs autres questions d’ordre législatif, y compris, entre autres, les obstacles à l’enregistrement et au fait que, récemment, de nombreuses réformes législatives concernant le travail et l’emploi ont été promulguées, notamment la loi sur la santé et la sécurité au travail, la loi sur le télétravail et la loi sur la réforme de la sécurité sociale, qui offre, parmi d’autres avantages, une prestation en cas de chômage, ainsi que la loi sur l’extension du congé maternité. Cela étant dit, ces mesures sont loin de garantir le droit des travailleurs à jouir pleinement de leur liberté syndicale.
Membre gouvernemental, Brésil – Tout en remerciant le gouvernement des Philippines pour les informations détaillées fournies par la commission, le Brésil fait part à nouveau de son malaise concernant divers aspects du système de contrôle. La présente commission est loin de respecter les meilleures pratiques du système multilatéral. Il est dans l’intérêt de tous – les gouvernements, les travailleurs et les employeurs – que l’OIT soit forte, efficace et légitime et qu’elle soit adaptée aux problèmes d’aujourd’hui. A la recherche d’un futur caractérisé par la prospérité, le travail décent et plus d’emplois, l’OIT devrait accroître sa coopération et ses partenariats internationaux, tout en révisant son système de contrôle des normes, dans l’objectif d’améliorer la transparence, l’objectivité, l’impartialité et de parvenir à un réel tripartisme.
Nous prenons bonne note de l’information fournie par le gouvernement au sujet de sa volonté de garantir la liberté syndicale et l’ensemble des droits des travailleurs. A cet égard, nous insistons sur le rapport relatant les améliorations apportées au respect de la liberté syndicale aux Philippines, grâce à l’adoption, en 2017, par les partenaires tripartites philippins et avec le soutien du Bureau de pays de l’OIT de Manille et le Schéma de préférences tarifaires généralisées (GSP+) de l’Union européenne, du Plan d’action national sur la liberté syndicale et la négociation collective (2017-2022). En vue de la mise en œuvre de ce plan d’action national, nous encourageons les partenaires tripartites des Philippines à poursuivre les efforts qu’ils ont entrepris. Nous sommes confiants que, grâce au dialogue social et au tripartisme, les Philippines seront en mesure de promouvoir un environnement propice à la liberté syndicale, y compris à la négociation collective. Enfin, nous appelons l’OIT et ses organes de contrôle à fournir, si le gouvernement le lui demande, l’assistance technique qui permettra de résoudre les questions en suspens et de faire progresser encore la liberté syndicale aux Philippines.
Membre travailleuse, Philippines – Au nom de la Nagkaisa Labor Coalition, je souhaiterais me joindre à ce que le membre travailleur des Philippines a déclaré. En outre, la situation des travailleurs des ZFE dans le pays reste aussi grave que jamais. Des syndicalistes se voient refuser l’entrée dans les ZFE. La direction harcèle les travailleurs dès que l’on parle d’organisation syndicale, et les travailleurs soupçonnés d’en faire partie sont transférés arbitrairement afin de les isoler, ou sont tout simplement licenciés. Lorsque les tribunaux ordonnent la réintégration de ces travailleurs, les employeurs ignorent systématiquement leur demande, sans aucune impunité. Dans certains cas, elle travaille même avec la police nationale des Philippines afin d’arrêter les dirigeants syndicaux pour des accusations criminelles fausses, quelques jours seulement avant les élections d’accréditation. Parmi ces fausses accusations, on citera des incendies criminels, le trafic de drogue ou des meurtres. Même si le syndicat gagne les élections d’accréditation, la direction de l’usine va parfois reconnaître toutefois que le syndicat est sous son contrôle et qu’elle négocie directement avec les salariés. Certaines usines ont même fermé leurs portes et déplacé leur production dans une société sœur située dans la même ZFE. Bien évidemment, les travailleurs et le syndicat n’ont pas de recours efficace en cas de violation de leurs droits.
Nous sommes très préoccupés de constater que, malgré les observations formulées régulièrement et les recommandations et conclusions de la mission de haut niveau, la situation se détériore. Nous ne voyons pas d’autre option que de demander qu’une mission tripartite de haut niveau soit organisée, dans l’espoir que cela aidera à faire avancer les choses afin qu’au moins certains de ces problèmes soient résolus. Il s’agirait, entre autres, mais pas exclusivement, d’enquêtes efficaces que le gouvernement pourrait mener dans le domaine de la violence antisyndicale, suivies de la poursuite et de la condamnation des coupables. L’organe de surveillance de haut niveau doit être renforcé, des ressources et les moyens nécessaires à la validation des rapports sur l’assassinat de syndicalistes et la coordination avec le CI au sujet des exterminations extrajudiciaires devant être mis à sa disposition. Les membres des forces armées qui stigmatisent les syndicalistes doivent recevoir la punition qui s’impose. Le gouvernement devrait également finir par trouver une solution aux questions législatives que nous soulevons depuis tant d’années, afin de garantir que tous les travailleurs exercent librement leur droit d’association. En outre, le gouvernement devrait modifier la loi sur les zones économiques spéciales, 1995, afin que le respect des normes du travail figure parmi les prescriptions auxquelles une entreprise doit se soumettre pour avoir accès en permanence à toutes les mesures d’incitation proposées par l’Autorité de la zone économique philippine (PEZA). Des conseils tripartites devraient être organisés régulièrement par la PEZA, dans toutes les ZFE, afin de passer en revue les réclamations et recommander des voies de réparation. Le gouvernement et les employeurs doivent également exprimer publiquement leur engagement au respect de la liberté syndicale et à la négociation collective dans les ZFE.
Les travailleurs des Philippines espèrent donc que les recommandations qu’ils ont formulées à la présente commission seront entendues et qu’une réponse leur sera trouvée le plus rapidement possible. Nous souhaiterions insister sur le fait que le projet de loi sur la sécurité de l’emploi, qui a été adopté récemment au Congrès, ne mettra pas fin à la contractualisation ni à l’emploi à durée déterminée. Ce n’est pas ce que le Président Rodrigo Roa Duterte a promis. Dans la continuité de ce qui précède, l’OIT et ses organes de contrôle sont priés de fournir l’assistance technique requise pour offrir un environnement propice qui permette aux travailleurs de bénéficier de leur liberté syndicale. Si les travailleurs ne sont pas en règle chez eux, ils ne peuvent bénéficier pleinement de leurs droits en matière de liberté syndicale.
Membre gouvernemental, Inde – Nous félicitons la délégation du gouvernement des Philippines pour avoir rempli ses obligations internationales dans le domaine du travail, y compris celles qui se rapportent à la convention, à la fois en droit et en pratique, et la remercions pour avoir fourni les données complètes les plus récentes à ce sujet. Nous prenons note avec satisfaction des améliorations significatives apportées en matière d’application de la liberté syndicale aux Philippines ces deux dernières années, soit depuis l’adoption par les partenaires tripartites philippins et avec le soutien de l’OIT du Plan d’action national sur la liberté syndicale et la négociation collective (2017-2022). Nous encourageons les partenaires tripartites des Philippines à coopérer et à collaborer mutuellement, dans un réel esprit de partenariat social, afin de créer les conditions propices à la pleine exécution du plan d’action national d’ici à 2022.
Nous sommes conscients des mesures que prend actuellement le gouvernement des Philippines, en collaboration avec ses partenaires du dialogue social, qui entraînent une baisse considérable des cas signalés de harcèlement et d’assassinats, facilitent la saisie de la justice pour les cas de violence non traités, et pour surveiller et suivre rapidement le processus de respect du droit, que garantit la Constitution, à un procès rapide et équitable, en offrant aux témoins une protection suffisante et en renforçant les capacités du ministère public, des organes chargés de l’application des lois et d’autres acteurs concernés. En outre, les efforts que le gouvernement des Philippines ne cesse de déployer face aux questions émergentes relatives au travail, et ses diverses initiatives pour promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective, qui sont ancrées dans le principe selon lequel la sécurité de l’emploi est le meilleur environnement propice à la liberté syndicale, lequel est inscrit dans le programme législatif progressif, valent la peine d’être notés. Nous prions instamment l’OIT et ses mandants de soutenir pleinement le gouvernement des Philippines dans ses efforts visant à s’acquitter de ses obligations en matière de travail, et de lui offrir toute assistance technique qu’il pourrait solliciter. Enfin, nous saisissons cette occasion pour souhaiter au gouvernement philippin un franc succès dans les efforts qu’il déploie.
Observatrice, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je soutiens nos travailleurs courageux des Philippines et remercie les employeurs et les gouvernements qui ont instamment prié les Philippines d’agir conformément aux recommandations de la mission de contacts directs et du Comité de la liberté syndicale.
En lançant aujourd’hui l’indice des droits dans le monde de la CSI, je ne peux que déplorer le fait que les Philippines font encore partie des dix pires pays du monde pour les travailleurs. Elles en faisaient déjà partie en 2017, 2018 et 2019, pour des faits de violence et des assassinats, une répression brutale des manifestations publiques, et des lois répressives. Vous avez entendu que, dans la seule année 2018, dix syndicalistes ont été assassinés parmi d’autres exécutions extrajudiciaires, et nous déplorons déjà deux assassinats similaires cette année. Je peux d’ores et déjà vous dire qu’une culture de la peur est déjà palpable dans le pays, à mesure que la culture de l’impunité se développe. Vous avez entendu que le CI ne fonctionne pas, avec un record difficile à imaginer de seulement un cas d’une procédure donnant lieu à une condamnation. Effectivement, lorsque les conseils tripartites pour la paix sociale, nationaux et régionaux, ne disposent d’aucune autorité d’investigation ni de ministère public, cela ne peut pas fonctionner.
Etant donné l’ingérence de l’armée et de la police dans les relations professionnelles, la présence militaire sur les lieux de travail, les grèves, les recherches au porte-à-porte de dirigeants syndicaux, l’enlèvement, le harcèlement de villageois pour qu’il quittent leur syndicat, les charges de l’industrie manufacturière à l’encontre de dirigeants syndicaux, dont j’ai personnellement entendu parler, tout nous montre qu’il ne s’agit pas là d’un pays qui respecte les droits fondamentaux des travailleurs, pas même des employeurs. La vague de nouvelles grèves, de grèves sur le tas, de négociations dans l’impasse, de licenciements massifs en 2018 est pour nous un moyen de répondre à l’oppression et à l’échec de ce qu’affirme le Président, à savoir qu’il a régularisé la contractualisation illégale et oppressive dans le pays. L’actuel projet de loi sur la sécurité de l’emploi ne va pas résoudre le problème que posent les contrats de courte durée, qui relèvent de l’exploitation; ce ne sont pas les promesses du Président qui vont permettre de mettre fin aux modalités de travail précaires et déshumanisantes qui accompagnent cette pratique.
Je me suis rendue dans les lieux où se trouvaient les chaînes de distribution, et je demande aux gouvernements et aux employeurs de comprendre l’exploitation déshumanisante de ces dernières dans des lieux de travail où les travailleurs travaillent, par l’intermédiaire de petites et moyennes entreprises, pour certaines des multinationales les plus riches au monde. La diligence n’existe pas dans ces situations, je peux vous l’assurer, et le gouvernement n’a recours à aucune sanction pour de telles pratiques. Quand une femme a peur pour son fils de 12 ans, qu’elle n’a pas de soutien familial, qu’elle est obligée de faire au tout dernier moment des heures supplémentaires jusqu’à 22 heures, minuit ou 2 heures du matin, sans même avoir de quoi se nourrir, aucun bon de repas à la cantine, qui ouvre à 6 heures du matin, ne lui ayant été délivré, cet état de fait a nécessairement un impact sur elle-même et sur sa situation familiale, ce qui fait peur. Il est vrai qu’après m’être rendue au domicile de ces travailleurs, hommes, femmes ou enfants, qui ont été licenciés par nos multinationales, parmi les plus riches, pour avoir tenté de se défendre et de s’organiser collectivement en vue d’une augmentation du salaire minimum, qui leur permettrait de vivre avec dignité, je ne peux alors que vous affirmer que, lorsque le salaire d’une journée équivaut à une semaine de lait maternisé pour un enfant, le salaire de deux journées à deux semaines, etc., alors, on ne peut parler d’un pays qui respecte les droits des travailleurs.
Et, pour conclure, je ne saurais quitter cette salle sans avoir attiré l’attention sur le fait que les actions d’un pays qui exploite les migrants, tout en ayant recours aux droits des travailleurs dans d’autres pays, pour continuer à exclure du bénéfice de la liberté syndicale des catégories de travailleurs étrangers et autres, relèvent d’un acte d’hypocrisie. Nous ne pouvons dire qu’une chose à la présente commission: qu’avec le soutien de l’OIT, le gouvernement des Philippines parvienne à régulariser la législation et mette un terme à la culture de la peur et de l’impunité.
Observateur, Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) – L’IBB exprime sa préoccupation devant les cas flagrants de violation des droits des travailleurs aux Philippines. Les fondations internationales des droits au travail continuent à être impunément bafouées, par le biais de mesures subtiles menées aussi bien par les directions d’entreprises que par le gouvernement, avec recours à la violence pour laquelle les auteurs n’ont jamais été traduits en justice. Le meurtre n’a pas sa place dans les relations professionnelles; la vie des travailleurs ne devrait pas être sacrifiée dans l’exercice de leurs droits. C’est là le principal message que nous adressons à la commission. La dernière victime de ces attaques meurtrières est Dennis Sequeña, qui organisait un séminaire sur les syndicats fondamentaux à l’attention des travailleurs. Dennis Sequeña n’était pas seulement l’unique dirigeant d’un syndicat donné, il était aussi un mari et un père. Dennis Sequeña n’était pas seulement un nom. Nonoy Palma, exploitant agricole du sud des Philippines, a été tué à son domicile. Orlando, syndicaliste local à Cebu, a été assassiné alors qu’il organisait un séminaire syndical. Ryan, Nelly, Villegas, Angelipe, Peter, Dodong, Morena, Dumaguit, Bingbing, Jomarie. Au moins 43 syndicalistes et défenseurs des droits au travail ont été assassinés sous l’administration de Duterte. Je compte sur vous pour vous souvenir de ces noms, qui sont ceux de travailleurs et de syndicalistes engagés, comme beaucoup d’entre nous dans cette salle. Inutile de rappeler année après année les mêmes statistiques. Il s’agissait de personnes qui croyaient au travail et à la lutte pour un monde meilleur, pour eux-mêmes et pour leurs familles. Les meurtres doivent cesser. C’en est assez maintenant.
De nombreuses indignations et condamnations publiques ont eu lieu, aussi bien à l’intérieur des Philippines que dans le monde, suscitées par les exécutions extrajudiciaires de citoyens ordinaires. Au moins 33 personnes sont tuées chaque jour aux Philippines. Selon la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, on peut estimer à au moins 20 000 le nombre de personnes qui ont été tuées depuis la mi-2016 dans le cadre de la campagne du gouvernement sur les drogues illicites. Cela est une guerre contre les pauvres et contre les travailleurs. Nous en portons la responsabilité morale. Combien d’autres sessions de la commission devrons-nous avoir avant que nous commencions à traiter cette question? Combien de réunions tripartites supplémentaires devons-nous convoquer avant que des mesures soient prises pour mettre fin à ces meurtres? Combien de discours supplémentaires devons-nous donner avant que les voix des familles qui demandent réparation soient entendues? Nous pouvons toujours exprimer notre profonde préoccupation face aux déclarations et aux rapports mais, selon moi, il est temps que la force morale de l’OIT se transforme réellement en force de la justice. Nous ne parviendrons jamais à construire un avenir de travail décent si les nombreux cas de violation et d’attaques à l’encontre des syndicalistes ne sont pas réglés. Comme je l’ai dit plus haut, c’en est assez maintenant. Il est temps d’agir.
Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Le CI, créé conformément à l’ordonnance administrative 35 (AO35) n’a vérifié que 11 cas d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes sur les 65 cas sur lesquels il a enquêté. Nous avons de sérieuses préoccupations quant aux critères fournis au titre de l’AO35 pour déterminer les exécutions extrajudiciaires. Pour illustrer cela, permettez-moi de partager l’exemple d’un cas actif. La commission a été précédemment informée des meurtres d’Antonio Petalcorin et d’Emiliano Rivera – qui étaient tous les deux des dirigeants de syndicats de transporteurs affiliés à l’ITF. Le 28 novembre 2012, MM. Petalcorin et Rivera ont déposé une plainte auprès de l’Ombudsman national contre le directeur du Bureau des transports, l’accusant de corruption. A peine deux mois plus tard, le 23 janvier 2013, M. Rivera a été assassiné par des assaillants inconnus près du Bureau des transports. Le 2 juillet 2013, M. Petalcorin a été tué de trois balles dans le torse alors qu’il se dirigeait vers le Bureau des transports. Il est évident qu’ils étaient la cible de forces proches des autorités en raison de leurs activités syndicales, dont des tentatives de lutte contre la corruption. Pourtant, le CI a jugé que ces cas ne répondaient pas aux critères d’exterminations extrajudiciaires. C’est pourquoi il est impératif que le gouvernement veille à ce que les critères utilisés par le CI pour sélectionner les cas soient plus larges que les critères judiciaires utilisés par le gouvernement, de façon à ne pas exclure indûment d’éventuels cas de liberté syndicale et de garantir que les activités syndicales donnent lieu à un examen approfondi de la motivation éventuelle du crime ou de l’assassinat. Nous devons aussi souligner la nécessité d’identifier rapidement les auteurs de violence à l’encontre de syndicalistes et les traduire en justice afin de lutter contre l’impunité, même lorsque ces cas relèvent de la loi pénale ordinaire. Voilà six ans que les familles de M. Rivera et de M. Petalcorin attendent que justice soit faite.
Je souhaite m’exprimer très rapidement au sujet d’un second point. Il s’agit du fait que, bien que la commission d’experts ait traité de la question de l’application des articles 279 et 287 du Code du travail concernant l’assimilation d’une action collective à un acte criminel, un autre texte législatif a également été utilisé récemment pour qu’une même assimilation soit faite dans le cas des grèves. En décembre 2017, M. George San Mateo, dirigeant du syndicat PISTON affilié à l’ITF, a été arrêté en application d’une loi datant de la seconde guerre mondiale pour avoir soutenu le droit des travailleurs des transports à engager une action collective. M. San Mateo a été accusé de violer l’article 20(k) de la loi de 1946 du Commonwealth en donnant en toute connaissance de cause et volontairement des instructions aux membres de son syndicat pour qu’ils organisent une grève nationale. Le recours à des arrestations en lien avec l’organisation d’une grève pacifique constitue une menace grave à la liberté syndicale. Le gouvernement devrait désormais passer en revue toute la législation pertinente afin de garantir qu’aucune sanction pénale ne soit imposée à l’encontre d’un travailleur au motif qu’il a organisé ou mené une grève pacifique.
Observateur, Internationale de l’éducation (IE) – Je me présente en tant que secrétaire général du Syndicat des secteurs de l’éducation du Botswana, et je m’exprime aujourd’hui au nom de l’IE et de l’Alliance des enseignants concernés (ACT) des Philippines. J’aimerais dénoncer les atteintes aux droits du travail subies par des enseignants d’écoles publiques et privées, portant en particulier sur: la collecte illégale de données concernant l’affiliation à un syndicat d’enseignants afin d’analyser les données des membres de l’ACT; puis le fait de traiter l’ACT d’organisation «terroriste» et de harceler et menacer les membres et les dirigeants de cette alliance. En décembre 2018, la police a commencé à visiter des écoles afin de s’enquérir au sujet des membres de l’ACT, en demandant les listes de membres syndicaux et enquêtant sur certains d’entre eux en particulier. Une fuite de memoranda «confidentiels» de la police a montré que l’ordre de recueillir des données sur les syndicalistes émanait de la Direction du service de renseignement de la police. La collecte des données concernant les membres syndicaux et l’établissement de leur profil a été suivi peu après par des actes de discrimination antisyndicale. Des membres et des dirigeants de l’ACT à l’échelle locale et nationale ont été suivis, harcelés, ont subi des actes d’intimidation et reçu des messages écrits ainsi que des appels contenant des menaces. A ce jour, le syndicat des enseignants a étudié 45 cas de ce type dans 10 des 17 régions que comptent les Philippines, parmi lesquels on citera les menaces de mort que le secrétaire général de l’ACT, M. Raymond Basilio, a reçues sur son téléphone portable pendant une conférence de presse de l’ACT. Le secrétaire général de l’ACT ne peut pas passer deux nuits consécutives au même endroit et doit changer régulièrement de téléphone portable. Le gouvernement refuse de reconnaître avoir ordonné le profilage de membres syndicaux mais, en même temps, il admet que la collecte de renseignements fait partie de ses opérations contre le crime et le terrorisme. Il accuse l’ACT d’être une organisation de façade pour le parti communiste des Philippines et de recruter pour la Nouvelle armée du peuple. Cette étiquette de communiste donnée à l’ACT, qui vise aussi d’autres organisations et d’autres personnes critiques envers le gouvernement, est encore aujourd’hui une réalité. A cause de ce climat antisyndical, des enseignants d’écoles publiques et privées craignent pour leur liberté et leur sécurité, en particulier depuis que leurs syndicats et leurs organisations sont catalogués, sans données légales ou factuelles, comme des «rebelles», des «communistes» ou des «terroristes» – donc des «ennemis de l’Etat». Ces violations freinent les enseignants dans leur volonté d’exercer leur droit de constituer des syndicats et d’y adhérer, et de bénéficier des droits à la négociation, à la liberté de réunion et à la liberté d’expression qui lui sont attachés. Ceci équivaut à une ingérence du gouvernement dans les activités syndicales, de même qu’à de la discrimination et de la répression. J’ai bon espoir que la présente commission adoptera des recommandations en faveur de ce cas.
Membre travailleuse, Finlande – M’exprimant au nom des pays nordiques, je souhaiterais exprimer la profonde inquiétude que nous inspire la situation aux Philippines, où la violation de la liberté syndicale continue à constituer un problème grave. Nous sommes aussi préoccupés de la violence et du harcèlement que subissent les militants syndicaux, de même que de l’étiquette de «militants rouges» et de l’assassinat de dirigeants syndicaux. Apparemment, le gouvernement n’a rien fait pour mener des enquêtes sur ces cas et traduire leurs auteurs en justice. La commission avait demandé précédemment au gouvernement de continuer de prendre des mesures afin d’assurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes philippins. Nous regrettons d’avoir à constater que de nouveaux assassinats de dirigeants syndicaux ont eu lieu – par exemple l’assassinat récent de Dennis Sequeña –, qui montrent que les mesures gouvernementales n’ont pas été suffisantes. Si l’on en croit les données du Centre des droits syndicaux, Dennis Sequeña est le 43e travailleur à avoir été assassiné depuis que M. Duterte a pris le pouvoir en 2016. Un élément important qui montre que les représentants syndicaux sont susceptibles de servir de cibles est le fait que les forces armées des Philippines continuent à considérer une idéologie particulière comme étant l’ennemi de l’Etat. C’est pour cette raison que le fait de coller une étiquette de «militants rouges», ce qui vient s’ajouter à d’autres actes de violence et de harcèlement, est en passe de devenir une pratique mortelle qu’il convient d’arrêter.
En vertu de l’article 2 de la convention, les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations. Comme le Comité de la liberté syndicale l’affirme dans bon nombre de ses décisions, «un climat de violence, de menaces et d’intimidation à l’encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice et la pleine jouissance des droits et libertés garantis par les conventions nos 87 et 98. Tous les Etats ont le devoir indéniable de promouvoir et de défendre un climat social où le respect de la loi règne en tant que seul moyen de garantir et de respecter la vie.»
Nous prions instamment le gouvernement de faire preuve de sa véritable volonté de prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre cette situation alarmante. Tous les cas allégués encore en suspens relatant une violation des droits syndicaux et le décès de syndicalistes devront faire l’objet d’enquêtes appropriées et de mesures efficaces afin de garantir que les responsabilités ont bien été définies.
Observatrice, IndustriALL Global Union – M’exprimant au nom d’IndustriALL Global Union (qui représente 50 millions de travailleurs dans le monde), je souhaiterais faire part de notre extrême préoccupation suite aux rapports que nous avons reçus de nos adhérents aux Philippines, indiquant qu’ils sont étiquetés en tant que militants rouges, et qui signalent des cas très récents de violation des droits des travailleurs et des syndicats d’exercer simplement leur droit syndical. Parmi ces cas, nous pouvons citer les suivants.
- Juste après que la direction et le Syndicat des travailleurs SPI ont trouvé un accord, en novembre 2018, sur la question de fermetures illégales, la direction a déposé plainte contre 52 dirigeants syndicaux et membres de la SMT, accusant ces travailleurs de coercition grave, de violation de droits et de comportements malicieux. Le cas a été débouté par la justice en avril, mais la direction a fait appel de cette décision en mai 2019. Les travailleurs ont aujourd’hui présenté leur déclaration sous serment et l’affaire est actuellement en cours.
- Dans une autre entreprise, en janvier 2019, la majorité des travailleurs titulaires de contrats de longue durée d’une manufacture, qui ont demandé à adhérer à un syndicat, ont été acceptés. L’entreprise a alors commencé à les harceler et a renvoyé illégalement 52 d’entre eux qui ont participé aux célébrations du 1er mai. Le 3 juin 2019, 22 autres travailleurs, dont 9 dirigeants syndicaux, ont eux aussi été licenciés illégalement.
- A nouveau dans une autre entreprise, le 22 avril 2019, alors que les travailleurs s’organisaient depuis 2018, la direction a licencié de force 27 travailleurs, dont tous les dirigeants syndicaux. Les travailleurs ont continué à enregistrer leur syndicat, le 29 avril 2019, même si la veille la direction a déposé une plainte pour insubordination à l’encontre de 200 travailleurs, dans le but de les empêcher de participer à l’assemblée générale de leur syndicat. Six autres travailleurs, dont trois dirigeants, ont été préventivement suspendus de leurs fonctions en mai dernier.
- Le président d’un syndicat, M. Eugenio Garcia, a été arrêté à partir de preuves établies, après que la police a effectué un mandat de perquisition au domicile de M. Garcia, le soir du 18 mars 2019. La police de Pasig affirme que M. Garcia était en possession d’un pistolet 9 mm, alors que celui-ci avait en fait été déposé par les policiers lors de leur soi-disant recherche. L’émission du mandat de perquisition et l’arrestation illégale ont eu lieu précisément le jour où le syndicat annonçait l’instauration de sa convention collective.
- Le mandat de perquisition de la résidence de M. Ricky Chavez, le 20 mars 2019, a été émis et exécuté par 50 membres de la police nationale des Philippines, à bord de dix véhicules, à la recherche de ce dirigeant. Seule sa femme était là car, avant le début des recherches, M. Chavez était allé participer à une protestation de son syndicat, qui se déroulait à la G.T. International Tower, à Makati, afin de commémorer le 18e anniversaire de leur lutte. M. Chavez fait partie des 233 syndicalistes qui ont été illégalement licenciés en 2001 de l’usine du géant automobile.
La semaine dernière, dans la zone industrielle de Cavite, des centaines de personnes ont participé à une marche lors des funérailles de la membre de parti et organisatrice syndicale de ZFE, Mme Ka Dennis Sequeña, qui a été tuée par balle le 6 juin alors qu’elle donnait un cours sur les syndicats. Suite à cet assassinat, nous prenons à notre compte la déclaration de la Sénatrice Risa Hontiveros, selon laquelle: «le droit de nos travailleurs à s’organiser, à défendre leur qualité de vie, ne devrait pas s’exercer au prix de leur liberté et, encore plus important, de leur vie». Si nécessaire, nous tenons à la disposition de la commission les noms des travailleurs licenciés et des entreprises concernées.
Observatrice, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Ce à quoi il est fait largement référence aux Philippines comme étant la «contractualisation» est une pratique fondée sur le déni de la liberté syndicale et du droit de négociation collective tels qu’établis dans la présente convention et dans la convention no 98. Il est approprié et nécessaire que nous abordions la question dans ces termes lors d’une réunion d’examen de la commission. La travailleuse «contractualisée», précaire, se voit refuser son droit à mener des négociations collectives avec l’entreprise, ou l’organisme d’Etat, qui gère le système, mais n’a pour autant aucune responsabilité ni aucune responsabilité juridique de rendre compte auprès du travailleur. Il s’agit là d’un déni de droits massif, fondé sur ce que l’OIT appelle une «relation de travail déguisée» dans la recommandation (nº 198) sur la relation de travail, 2006. De toute évidence, le gouvernement des Philippines ne parvient pas à faire respecter l’application des conventions nos 87 et 98, et cette situation prend d’autant plus d’ampleur que les employeurs ont recours de plus en plus à des relations de travail indirectes, avec l’intervention d’une tierce personne. Dans les secteurs de l’UITA, un exemple parlant est celui de l’échec du gouvernement à instaurer une ordonnance du Département du travail et de l’emploi visant la régularisation de 6 400 travailleurs dans une chaîne de restauration rapide.
Le Comité de la liberté syndicale, dans sa réponse à notre plainte no 3236 concernant un conflit grave dans le secteur des fruits de mer, notait que plus de quatre ans se sont écoulés sans qu’il y ait eu d’action significative de la part du gouvernement en réponse aux allégations de licenciements massifs qui ont suivi les efforts qu’avaient déployés les travailleurs pour s’organiser et adhérer à un syndicat. Nous notons qu’aucune suite n’a été donnée aux recommandations de 2016 de la commission.
De la même manière, le problème de la corruption devrait être examiné dans les cadres des droits spécifiques traités aux conventions nos 87 et 98. Les travailleurs et leurs syndicats ont droit à une procédure administrative et judiciaire juste, transparente, impartiale et rapide. Il est porté atteinte à ce droit à cause des retards de procédure et de préjugés clairement ancrés dans la corruption, dont la conséquence est que les travailleurs ne peuvent bénéficier de leurs droits.
Des exécutions extrajudiciaires, y compris l’assassinat de membres et de dirigeants syndicaux, et l’impunité judicaire ont des impacts multiples sur les droits, à commencer par leur impact sur la capacité des travailleurs à accéder à leurs droits syndicaux. Le Comité sur la liberté syndicale a déclaré, en sous-estimant un peu les choses, qu’un climat de violence, de coercition et de menaces de tous types, visant des dirigeants syndicaux et leurs familles, ne favorise pas le libre exercice et la pleine jouissance des droits et libertés établis dans les conventions n° 87 et 98. Le meurtre est l’ultime menace. La lutte contre la corruption et l’impunité est un combat destiné à assurer le respect de la convention et de la convention no 98.
Membre travailleuse, République de Corée – En 2016, je me suis exprimée au nom des travailleurs coréens au sujet du non-respect chronique de la liberté syndicale dans les ZFE, en illustrant mes propos d’exemples qui se sont produits dans des entreprises coréennes situées à Cavite et à Laguna. Depuis, rien n’a changé et, jusqu’à ce jour, la liberté syndicale est systématiquement bafouée dans les zones. Malheureusement, la PEZA fait preuve de négligence dans la sauvegarde et la promotion du droit de liberté syndicale. En voici quelques exemples clairs: dans une fabrique de vêtements coréenne, appelée Dong Seung, qui se trouve dans la ZFE de Cavite, la direction a suspendu pour trente jours, à la mi-2018, tous les 16 dirigeants syndicaux, prétextant qu’ils s’en prenaient à l’entreprise en sollicitant des actions auprès de marques de vêtements mondiales qui sont leurs clients, en matière de violation de la liberté syndicale et de normes de travail. Cette suspension massive fait suite au harcèlement de travailleurs qui ont adhéré au syndicat ou lui apportent leur soutien. Les syndicalistes ne peuvent bénéficier de prêts et sont transférés à des chaînes de production différentes pour qu’ils soient rétrogradés des postes de mécaniciens à des postes dans la couture. Dans une autre usine coréenne située elle aussi dans la ZFE de Cavite EPZ, les travailleurs ont commencé à créer des syndicats en 2017. Les dirigeants syndicaux qui ont été identifiés ont tous été transférés d’une chaîne de production à une autre afin qu’ils soient séparés des autres travailleurs. L’entreprise a interrompu l’élection d’accréditation d’un syndicat en organisant une grande réunion de travailleurs dans la ZFE de Cavite afin de faire campagne contre le vote en faveur du syndicat. Le syndicat a perdu l’élection. Mais, pour finir d’écraser le syndicat, l’entreprise a fermé et les travailleurs ont été suspectés de détourner les commandes vers les entreprises sœurs. La fermeture avait donc bien pour motif de harceler les membres syndicaux. Dans la troisième usine coréenne, dès que la direction a appris que les travailleurs étaient en train de se syndiquer, elle a commencé à menacer et à harceler les membres et les dirigeants syndicaux. Elle a annoncé aux travailleurs que l’usine allait fermer s’ils votaient oui à leur syndicat, de sorte que ce dernier a perdu leur élection d’accréditation. Dans des cas extrêmes, les syndicalistes sont assassinés afin de mettre un terme à une campagne de recrutement syndical. Le meurtre de Dennis Sequeña dont le porte-parole des travailleurs faisait état semblerait être en lien avec trois initiatives syndicales prises ces quelques mois dans une entreprise syndicale. La priorité que le gouvernement donne aux droits des investisseurs, parfois même au détriment des droits des travailleurs et des syndicats, est la cause profonde qui explique la violation chronique de la liberté syndicale dans les ZFE. Il convient donc de poursuivre les efforts faits en matière de législation, y compris l’amendement à apporter à la loi de 1995 sur les zones économiques spéciales, afin d’inscrire le respect des normes du travail en tant que prescription pour que l’entreprise puisse continuer à avoir accès aux mesures d’incitation qu’offre la PEZA.
Membre travailleuse, Japon – Comme le rapport de la commission d’experts l’indiquait clairement, de nombreuses législations en suspens et de modifications de lois n’ont pas progressé, ce qui révèle que la volonté du gouvernement de mettre en application la convention que son pays a ratifiée en 1953 est faible ou inexistante. Parmi les législations en suspens, on citera par exemple: l’article 240(c) du Code du travail, visant à abaisser à 20 pour cent les inscriptions requises pour créer un syndicat; l’article 278(g) du Code du travail visant à restreindre l’intervention du gouvernement conduisant à l’arbitrage obligatoire aux seuls services essentiels; les articles 279 et 287 du Code du travail, visant à n’imposer aucune sanction pénale à l’encontre d’un travailleur qui a organisé une grève pacifique; et les articles 284 et 287 du Code du travail, visant à accorder le droit d’organisation à tous les travailleurs résidant aux Philippines, y compris les travailleurs étrangers. Il est regrettable de constater que, en dépit des promesses faites par le gouvernement, aucun progrès n’a été fait concernant le nombre important de législations encore en suspens, et que la convention n’est toujours pas appliquée, ce qui a entraîné de nombreux problèmes graves dans les activités syndicales, y compris le meurtre de syndicalistes. Je me dois aussi de mentionner la question de la contractualisation, qui est un obstacle majeur à l’exercice de la liberté syndicale, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Malgré tout le battage fait par le Département du travail et de l’emploi autour des réformes, aucun de ses efforts n’a permis de réduire la prévalence de la contractualisation dans le pays. Le gouvernement a pris plusieurs mesures législatives pour réduire la contractualisation, à savoir l’ordonnance no 174-17, du Département du travail, publié le 16 mars 2017, et l’ordonnance exécutive no 51 de mai 2018. Même le projet de loi sur la sécurité de l’emploi adopté par le Congrès ne mettra pas un terme aux contrats «endo» (fin de contrat), qui est une pratique de travail abusive par laquelle le travailleur est embauché pour une période pouvant aller jusqu’à cinq mois pour contourner une loi du travail qui accorde le statut de permanent après six mois de service. Endo est un type de contrat si mauvais qu’il convient de le dénoncer dans les termes les plus forts possible. La contractualisation continuera à constituer la principale raison pour laquelle la grande majorité des travailleurs philippins ne peuvent pas exercer leur droit de liberté syndicale et de négociation collective.
A nouveau, j’aimerais demander au gouvernement philippin de prendre des mesures immédiates afin de modifier le Code du travail conformément à la convention, en particulier en ce qui concerne les prescriptions strictes sur l’enregistrement des syndicats et la pénalisation de grèves pacifiques, pour ne nommer qu’elles, et l’adoption d’une loi qui renforcera la sécurité de l’emploi en interdisant l’emploi à durée déterminée pour les travailleurs aussi bien du secteur public que du secteur privé. De nombreuses allégations dont il est fait état montrent à quel point la situation aux Philippines est grave. C’est pourquoi des mesures concrètes et immédiates s’imposent.
Membre travailleuse, Canada – Je m’exprime aujourd’hui au nom des travailleurs du Canada, des Etats-Unis et de l’Argentine. Les Philippines sont souvent décrites comme étant la «capitale mondiale des centres d’appel», dans la mesure où des centaines de consortiums américains et d’autres multinationales dépendent des Philippins pour assurer leurs services à la clientèle. Ce vaste secteur, connu comme étant l’industrie d’externalisation des fonctions d’entreprise, est la deuxième source de revenus la plus importante pour le pays, employant plus de 1,3 million de personnes et générant plus de 22 milliards de dollars E.-U. de revenus par an. En termes de contributions à l’économie nationale, un tel montant ne peut être comparé qu’à ceux que les travailleurs à l’étranger envoient dans le pays. Le gouvernement offre également le service d’opérateurs de centres de contacts basés à l’étranger, qui a commencé à fonctionner grâce aux exemptions fiscales coopératives sur plusieurs années, lesquelles sont généreuses. Il est bon que ces travailleurs puissent trouver du travail chez eux, mais le travail doit être conforme à la convention, que les Philippines ont ratifiée. Les travailleurs de ce secteur, qui est tellement indispensable pour l’économie du pays, sont confrontés à des défis, en loi comme en pratique, qui sont susceptibles effectivement de mettre en cause leur droit syndical, leur droit d’organiser leurs activités et leur liberté de mettre au point des programmes. Ceci est particulièrement vrai ces dernières années où ils ont souvent dû faire face à un climat hostile dans l’exercice de la liberté syndicale, recevant des menaces exprimées à leur encontre et faisant l’objet, ce qui est plus que courant, de fausses accusations pour avoir annoncé leur intention de participer à des grèves pacifiques et légales. Les menaces à l’encontre de travailleurs s’organisant dans le secteur relevaient de harcèlement à la fois par le biais du système juridique et par des menaces de violence bel et bien mises à exécution aux Philippines. Les employeurs multinationaux les plus importants fonctionnent dans ce climat de répression qui est, à court terme, à leur avantage. En 2018, de même que cette année, un groupe de travailleurs, qui a légalement enregistré son syndicat en 2015, a subi à plusieurs reprises une répression de ses droits. En septembre 2018, ces travailleurs ont déposé un avis de grève en réponse à un démantèlement syndical qu’ils ont subi. Alors qu’ils essayaient de négocier, plusieurs actions de protestation ont été prises, auxquelles la direction a rétorqué en renvoyant des travailleurs et en déposant des fausses plaintes à l’encontre du syndicat et de ses alliés. Bien que certaines de ces charges aient été abandonnées en mars de cette année, à ce jour, celles qui concernent des éventuelles diffamations graves déposées par l’employeur à l’encontre de dirigeants syndicaux sont toujours en suspens. Même s’ils sont moins discutés que dans le domaine de la fabrication, les chaînes d’approvisionnement mondiales et les services qui les accompagnent doivent eux aussi être conformes aux normes internationales et tenir compte du travail décent, car il est possible que des emplois soient déplacés de pays où les travailleurs avaient peut-être la possibilité de s’organiser et de négocier collectivement vers des pays où il leur était devenu difficile d’exercer leurs droits en raison d’environnements hostiles, de menaces et de violence qui limitent la loi. Les Philippines s’inscrivent parmi ces pays très recherchés pour les centres d’appel et autres secteurs à forte externalisation des processus opérationnels et, pour tous ces domaines, le travail décent doit être assuré.
Les actions susmentionnées ont toutes été prises à l’encontre de travailleurs tentant d’exercer leur droit syndical dans Alorica, basée aux Etats-Unis, qui est la troisième plus grande entreprise de centres d’appel du monde et qui fournit ses services depuis les Philippines aux principales multinationales américaines, européennes et asiatiques. Un pays ne peut envisager un développement durable fondé sur une industrie qui reçoit des avantages fiscaux importants, mais nie régulièrement les droits des travailleurs.
Représentant gouvernemental – Nous nous félicitons de la possibilité qui nous est donnée ici de rendre compte à la commission des travaux des partenaires tripartites philippins en application de la recommandation de la mission de contacts directs de 2017 prévue par le Plan national sur la liberté syndicale et la négociation collective (2017-2022).
Les Philippines accueillent avec satisfaction les observations et points de vue des travailleurs et des employeurs, ainsi que des gouvernements, dont l’intention est que nous poursuivions notre application de la disposition de la convention en droit et dans la pratique. Nous voudrions toutefois clarifier certains points. Premièrement, les Philippines sont un bon endroit pour la liberté d’association. Nous n’appartenons pas à cette liste des pires pays pour les travailleurs. Notre bureau, en particulier le mien, est même un lieu régulier de manifestations et de grèves, mais aussi de consultations exhaustives, franches et significatives avec les travailleurs et les employeurs. L’assertion quant à l’impunité présumée revient à une quasi-déclaration générale qui ne reflète pas la situation d’ensemble aux Philippines. Bien qu’il puisse y avoir des cas de violation des normes relatives aux droits des travailleurs, ils peuvent être considérés comme des cas isolés car ils ne reflètent pas la situation réelle dans le pays. Et prétendre que rien n’a changé depuis 2016, c’est fermer les yeux sur la jouissance substantielle des libertés par les syndicats et les travailleurs philippins au cours des trois dernières années.
Contrairement à ce que l’on prétend, il n’y a pas eu 43 nouveaux cas de décès de syndicalistes aux Philippines sous cette administration. Aussi notre représentation demande-t-elle respectueusement qu’on lui présente la liste des 43 cas signalés. Nous apprécierions beaucoup de pouvoir disposer d’une liste pour être en mesure de répondre à la question qui nous est posée. Le gouvernement philippin condamne le décès de Dennis Sequeña. Du fait du poste que j’occupe, je le connaissais personnellement. Leur président est un de mes amis. Pour mémoire, ce cas particulier ne fait pas partie du rapport. Par conséquent, nous n’étions pas tenus de fournir à l’avance des renseignements détaillés. Mais puisque son cas a déjà été mentionné, nous souhaiterions informer la commission que les mécanismes de surveillance et d’enquête existants ont déjà été lancés. Le jour même de l’incident, le 2 juin 2019, un dimanche, le Secrétariat du NTIPC-MB, en coordination avec l’Organe de surveillance tripartite régional de la région 4A, a été immédiatement dépêché sur place pour recueillir des informations sur le cas. Son rapport est en cours d’élaboration et sera soumis pour examen à l’Organe de surveillance tripartite régional avant d’être approuvé par l’Organe de surveillance tripartite national. Entre-temps, l’enquête pénale a déjà commencé. A ce stade, permettez-moi de réaffirmer que l’environnement le plus propice au libre et plein exercice des libertés dans notre pays est un emploi sûr, des conditions de travail sûres et saines dans tous les lieux de travail, exempts de violence et de harcèlement.
En ce qui concerne la question de la violence et du harcèlement contre des syndicalistes, permettez-moi de répéter qu’il n’y a pas d’augmentation de cas de décès de syndicalistes dans notre pays. Selon les constatations, ce nombre va en décroissant. La question des condamnations est cependant restée un grave problème récurrent dans tous les cas, compte tenu de l’absence ou de l’insuffisance des preuves, en particulier dans un contexte où, dans notre juridiction, tout comme peut-être dans la vôtre, le nombre de preuves nécessaires pour condamner les auteurs de crimes doit permettre de statuer hors de tout doute raisonnable, conformément à des procédures rigides normalisées, étant donné que tout accusé a le droit, garanti dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, d’être présumé innocent. Ce problème n’est pourtant pas insurmontable. Nous avons juste besoin d’un soutien important sur cet aspect. Il convient également de rappeler que l’année dernière, un tribunal philippin a condamné un général à la retraite de l’armée et lui a infligé, ainsi qu’à deux autres personnes, une peine de quarante ans de détention. D’autres condamnations similaires sont là pour démontrer que, lorsqu’il y a suffisamment de preuves, nul de peut jamais jouir de l’impunité. Il nous semble parfaitement opportun de mentionner ici que les Philippines prennent note du Report on Addressing Impunity: A Review of the Three Monitoring Mechanisms (Rapport sur la lutte contre l’impunité: examen des trois dispositifs de surveillance), publié en avril 2019 par le Bureau de pays de l’OIT à Manille. Nous prenons sa conclusion et sa recommandation à la lettre et très au sérieux. Nous avons reconnu que les trois dispositifs de surveillance existants ont leurs propres points forts et points faibles. Leurs mandats, leurs structures et leurs règles internes doivent être revus. Il est intéressant de noter que, compte tenu de la recommandation du rapport publié en avril 2019, l’élaboration et la mise en œuvre de modules de plaidoyer pour la liberté d’association sont en cours. La prescription de modules sur la liberté d’association dans les subventions au titre du Programme de développement des organisations de travailleurs peut être envisagée. L’intensification des activités du système de contrôle du respect des normes internationales du travail, y compris en ce qui concerne la liberté d’association, se poursuivra. L’ordonnance administrative no 35 doit être renforcée en garantissant l’ouverture et la transparence des poursuites ainsi que les délocalisations pour les affaires d’exécutions extrajudiciaires, en adoptant un critère inclusif dans l’examen de ces affaires, eu égard notamment à l’exercice de la liberté d’association, en renforçant les capacités en matière de liberté d’association et les capacités de collecte de preuves physiques et médico-légales essentielles pour éviter de trop devoir s’appuyer sur des preuves testimoniales.
En ce qui concerne les questions législatives, la pleine utilisation des ressources gouvernementales pour accélérer l’adoption d’une réforme législative majeure dans le domaine du travail et de l’emploi ne signifie aucunement que nous oublions de poursuivre l’adoption d’autres amendements nécessaires au Code du travail, conformément aux observations et recommandations de l’OIT et de ses organes directeurs. Des projets de loi ont été déposés au dernier Congrès. Ceux-ci seront sûrement déposés lors de la prochaine session. Des ressources seront réorientées à cette fin.
Dans le même ordre d’idées, il convient de noter que les Philippines ont ratifié un instrument de plus, ce qui porte à 39 le nombre de conventions qu’elles ont ratifiées, dont les huit conventions fondamentales. Avant cela, notre dernière ratification était celle de la convention no 151. Nous avons constaté que dans le secteur public l’organisation des travailleurs connaissait un regain de vitalité. Les syndicats du secteur public, en particulier dans les administrations locales, sont de plus en plus nombreux. Je tiens à souligner que nous avons une règle d’habilitation, le décret no 180 sur le droit à l’auto-organisation et à la négociation collective dans le secteur public. Pour la commission, notre volonté de ratifier la convention traduit notre engagement ferme et sans équivoque et notre obligation de promouvoir le travail décent, non pour quelques-uns mais pour tous.
Les Philippines ne doutent donc pas que, grâce à un dialogue social franc, exhaustif et constructif, les partenaires tripartites progresseront tous ensemble plutôt que de se détruire mutuellement. Nous, les Philippins, poursuivrons la mise en œuvre du Plan d’action national pour la liberté syndicale et la négociation collective (2017-2022), avec l’assistance technique indéfectible et les conseils constants de l’Organisation internationale du Travail, de ses organes de supervision et d’autres partenaires de développement. Pour terminer, rappelons-nous que «la réussite d’une réforme n’est pas un événement. C’est un processus durable qui s’appuie sur son propre succès – un cycle vertueux de changement».
Membres employeurs – Nous remercions le gouvernement de ses observations. Je pense que ce qui ressort de toute cette discussion c’est qu’il ne s’agit pas d’une situation nouvelle, que nous ne traitons pas d’événements récents, que nous traitons d’événements qui se sont produits sur une longue période et que les progrès ont été plutôt lents, ce qui est une autre caractéristique. Cela étant dit, nous accueillons favorablement les déclarations du gouvernement selon lesquelles il travaille activement en ce moment à enquêter sur des cas, et je voudrais simplement revenir à mes remarques précédentes pour m’assurer que nous sommes clairs lorsque nous examinons des cas dont nous sommes saisis, comme en l’espèce, des cas liés à la liberté d’association, parce que, comme je l’ai mentionné, il existe des situations, par exemple, dans lesquelles des membres de syndicats et des permanents syndicaux sont pris dans le cycle de la violence, mais pas nécessairement parce qu’ils sont membres de syndicats ou permanents syndicaux; le fait est simplement que, dans certains cas, il peut s’agir d’une coïncidence et que nous devons donc être attentifs à opérer une distinction entre les questions réellement liées à un empêchement ou une limitation de la liberté d’association et celles qui sont simplement collatérales à des questions plus larges et à des questions sociales.
S’agissant du règlement de ces questions, nous notons et appuyons l’utilisation par le gouvernement des mécanismes de surveillance tripartites et de l’IAC. Nous regrettons que ceux-ci ne semblent pas avoir été aussi actifs ces derniers temps qu’ils l’étaient au début, et nous exhortons donc le gouvernement à les réactiver, non pas «selon les besoins», mais de façon «permanente». Il y a évidemment beaucoup de travail à faire et il ne semble donc pas nécessaire d’attendre.
En ce qui concerne certains aspects plus détaillés, nous notons une fois de plus l’engagement du gouvernement à faire en sorte que les syndicats et les associations d’employeurs soient totalement libres de s’établir et de fonctionner sans ingérence publique ou intervention gouvernementale mais, là encore, les codes du travail qui appliquent ces dispositions semblent toujours en cours d’élaboration et, une fois de plus, nous demandons instamment au gouvernement d’aller de l’avant dans leur réalisation, de les finaliser et de les appliquer de façon ouverte et transparente. De même, en ce qui concerne la capacité des syndicats de se constituer moyennant des seuils raisonnables, nous nous réjouissons une fois encore de l’engagement du gouvernement d’abaisser les seuils, de permettre la création de syndicats et d’associations d’employeurs et d’ouvrir les portes à l’aide extérieure au pays afin de permettre aux organisations de se développer et de survivre.
Compte tenu de ces quelques éléments, je pense qu’il s’agit ici, pour l’essentiel, d’un nombre relativement restreint de recommandations, mais que celles-ci constituent, encore une fois, une répétition des recommandations que nous avons formulées les années précédentes. Nous espérons simplement qu’avoir exposé cette année ces recommandations, qui figurent ci-après, nous n’aurons pas à les reformuler à l’avenir. Il faut:
- tout d’abord se prévaloir de l’assistance technique facilement disponible du BIT offerte en particulier par l’intermédiaire du Bureau de pays de Manille;
- remettre les mécanismes de surveillance de l’IAC sur les rails et les rendre actifs de façon «continue»;
- mener à terme la modification des codes du travail afin de les placer en pleine conformité avec la convention;
- s’assurer que les travailleurs ne sont pas pénalisés pour avoir exercé les droits qui leur sont accordés; et enfin
- s’assurer que les mécanismes du dialogue social dont il a été question sont eux-mêmes un processus «continu» et non un processus actif «selon les besoins».
Membres travailleurs – Nous avons écouté attentivement toutes les interventions et plus particulièrement les informations fournies à la commission par le gouvernement. Cependant, il ne saurait y avoir de justification ou d’explication valable pour la violence systématique et les assassinats perpétrés à l’encontre des militants syndicaux. Le gouvernement a simplement l’obligation de mettre fin à cette violence. Pourtant, l’absence d’enquêtes et de sanctions efficaces dans de tels cas de violations flagrantes crée un climat d’impunité et jette le doute sur l’engagement du gouvernement à garantir l’état de droit. Le porte-parole des employeurs a souligné que cette affaire concerne également les droits de l’homme et l’état de droit. Nous sommes d’accord. En revanche, nous ne pouvons convenir que ces questions sortent du cadre de notre discussion. A cet égard, nous rappelons au groupe des employeurs la résolution de 1970 de la Conférence internationale du Travail sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles. Cette résolution reconnaît que les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs doivent être fondés sur le respect des libertés civiles. Nous avons rappelé cette résolution à maintes reprises et avons adopté des conclusions pertinentes au sein de la commission, notamment en ce qui concerne les plaintes déposées par les organisations d’employeurs à cet égard. Nous devons de toute urgence prendre des mesures pour enquêter sur les violations des droits syndicaux, et en particulier les actes de violence, et les sanctionner comme il se doit. Cela doit maintenant être prioritaire pour le gouvernement et cela implique l’allocation de fonds et de personnel suffisants pour mener à bien ce travail avec efficacité et rapidité et pour éviter une situation d’impunité. La mise en place d’organes de surveillance est insuffisante à elle seule. Pour gagner la confiance des partenaires sociaux et des victimes, ces organes de surveillance doivent être activés de manière efficace et efficiente et être transparents quant aux progrès réalisés. D’une manière plus générale, le gouvernement doit prendre des mesures préventives pour empêcher la récidive des crimes contre des syndicalistes, y compris la mise en place de systèmes de protection des syndicalistes.
S’agissant de la conformité de la législation nationale avec la convention, ce serait un euphémisme que de souligner qu’elle reste totalement insuffisante pour garantir les droits reconnus par la convention. Les mesures prises jusqu’à présent pour placer la législation du travail en conformité avec la convention semblent se trouver dans une phase de stagnation sans fin. Pour faire preuve de bonne foi, le gouvernement doit veiller à l’adoption en temps opportun des lois appropriées. Je dois convoquer d’urgence les partenaires sociaux afin d’élaborer un plan d’action global pour combler les nombreuses lacunes de la législation. Ce plan d’action doit inclure la suppression de l’exigence d’une autorisation gouvernementale pour l’aide étrangère aux syndicats et la réduction de dix à cinq du nombre des agents négociateurs, ou sections locales, dûment reconnus pour qu’un syndicat puisse être enregistré. Le seuil excessivement élevé en vigueur pour les syndicats cherchant à former des fédérations ou des syndicats nationaux doit être abaissé. En outre, la législation doit garantir que tous les travailleurs sans distinction jouissent du droit à la liberté d’association. Il est devenu urgent d’accorder une attention particulière aux mesures propres à garantir l’exercice effectif, par les travailleurs précaires, de leur droit à la liberté d’association. Le gouvernement doit également prendre des mesures décisives pour prévenir l’utilisation abusive des contrats de courte durée et des classifications erronées ayant pour but d’entraver la libre syndicalisation des travailleurs. La définition des services essentiels doit être stricte et limitée aux services dont l’interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de tout ou partie de la population.
Nous demandons également au gouvernement de prendre des mesures concrètes et assorties d’un calendrier précis pour faire en sorte que les dispositions qui imposent des sanctions pénales aux travailleurs qui participent à une grève ou qui la mènent soient modifiées. Le droit de grève relève du champ d’application de la convention et notre position sur cette question n’a pas changé. Le gouvernement doit veiller à ce que les modifications législatives soient conformes aux obligations juridiques internationales des Philippines et soient rapidement adoptées après une consultation complète et franche avec les partenaires sociaux. Nous nous attendons à ce que le gouvernement rende compte immédiatement et pleinement à la commission d’experts des progrès réalisés. Notre conclusion est que, étant donnée la gravité des problèmes posés dans le présent cas, les travailleurs sollicitent l’envoi d’une mission tripartite de haut niveau.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté avec préoccupation les nombreuses allégations de meurtres dont auraient été victimes des syndicalistes et d’actes de violence antisyndicale, ainsi que les allégations faisant état de l’absence d’enquêtes sur ces allégations.
La commission a noté que le gouvernement avait introduit des réformes législatives pour faire face à certains des problèmes. Toutefois, la commission a regretté que ces réformes n’aient pas été adoptées, et a prié instamment le gouvernement de rendre la loi conforme à la convention.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission demande au gouvernement de:
- prendre des mesures efficaces pour prévenir la violence en ce qui concerne l’exercice par les organisations de travailleurs et d’employeurs d’activités légitimes;
- s’assurer que tous les travailleurs sans distinction puissent constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, conformément à l’article 2 de la convention.
La commission demande au gouvernement d’accepter une mission tripartite de haut niveau avant la prochaine session de la Conférence internationale du Travail et d’élaborer, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, un rapport sur les progrès accomplis pour le présenter à la commission d’experts avant le 1er septembre 2019.
Représentant gouvernemental – Une fois de plus, le gouvernement philippin apprécie l’espace qui lui est accordé, non seulement pour faire rapport sur les progrès de notre engagement tripartite, mais aussi pour apporter des précisions sur les points qui ont été soulevés, sur les voies de recours et sur les nouvelles allégations, infondées, qui ont été exprimées. Permettez-moi de répéter qu’il n’y a pas eu 43 autres cas de décès dans mon pays. Nous prenons donc note avec réserve des conclusions auxquelles la commission est parvenue. Elles sont tout à fait surprenantes au vu du travail accompli par les partenaires sociaux philippins dans le cadre du plan d’action national tripartite qui a été convenu. Quoi qu’il en soit, nous continuons à faire en sorte que, au niveau national, aucun partenaire social ne soit exclu dans la mesure où, au niveau international, aucun pays, aucun travailleur et aucun employeur ne doit être laissé pour compte, cela pour assurer des emplois décents, sur la base de la justice sociale et pour assurer aussi un avenir meilleur. Nous informerons respectueusement la commission de la réponse officielle de la capitale à ce sujet.
Le gouvernement a communiqué les informations écrites suivantes:
Au cours des six années de dialogue constructif qu’il a entretenu avec l’OIT, le gouvernement a rendu compte avec diligence de résultats concrets dans ses quatre domaines d’engagement. Le Conseil national tripartite pour la paix au travail (NTIPC) a été établi et institutionnalisé en tant qu’organe de surveillance de haut niveau et doté de structures régionales tripartites de surveillance, les organes régionaux tripartites de surveillance (RTMB). Il a dressé un inventaire complet de 65 affaires d’exécutions extrajudiciaires, 11 affaires d’enlèvement et 12 affaires de harcèlement. Cinquante de ces 65 affaires ont eu lieu entre 2001 et juin 2010 sous l’administration Arroyo et 15 sous l’administration Aquino (affaires Rodel Estrellado, Kenneth Reyes, Rudy et Roderick Dejos, Bonifacio Labasan, Santos Manrique, Josephine Estacio, Carlo Rodriguez, Celito Bacay, Poncing Infante, Emilio Rivera, Romy Almacin, Antonio Petalcorin, Kagi Alimudin Lucman, Rolando Pango et Florencio Romano). Composé de 20 membres, représentant des organisations d’employeurs affiliées à l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et des organisations de travailleurs affiliées à la Confédération syndicale internationale (CSI), l’organe de surveillance du Conseil national tripartite pour la paix au travail (NTIPC-MB) suit l’évolution de ces affaires, notamment des quatre affaires tranchées par les tribunaux, soit les affaires: 1) Teotimo Dante, qui a abouti à la condamnation des quatre accusés le 28 mai 2012; 2) Ricardo Ramos, qui a abouti à l’acquittement de l’accusé le 7 février 2012, faute d’avoir pu prouver sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable; 3) Antonio Pantonial, qui a abouti à la condamnation de l’accusé pour meurtre constituant trahison; et 4) Fr. William Tadena, qui a abouti à l’acquittement d’un accusé sur la base du doute raisonnable, l’autre accusé étant en fuite. L’organe de surveillance du NTIPC a saisi le Comité interinstitutions du Département de la justice (DOJ) créé en vertu de l’ordonnance administrative no 35 (AO35-IAC) des 65 affaires d’exécutions extrajudiciaires, des 11 affaires d’enlèvement et des 12 affaires de harcèlement. Le rapport du Comité interinstitutions s’est toutefois centré sur les 65 affaires d’exécutions extrajudiciaires, dont 11 ont été reconnues comme telles sur la base des critères et de la définition du Comité (Diosdado Fortuna, Florante Collantes, Fr. William Tadena, Aberlardo Ladera, Samuel Bandilla, Tirso Cruz, Gil Gojol, Benjamin Bayles, Rodel Estrellado et Rolando Pango).
Les 54 affaires qui n’ont pas été traitées par le Comité interinstitutions sont instruites en tant qu’affaires pénales ordinaires. Selon le Département de la justice, le Comité interinstitutions n’a pas examiné ces affaires du fait, entre autres: 1) d’un manque de preuves permettant de renvoyer l’affaire à des organismes comme la police, le Bureau national d’enquête et la Commission des droits de l’homme afin de mener des enquêtes supplémentaires, sous réserve d’un deuxième examen par le groupe de travail technique; et 2) de l’absence de tous les éléments permettant de reconnaître une exécution extrajudiciaire au titre des directives opérationnelles du Comité interinstitutions. Parmi les affaires qui n’ont pas été traitées par le Comité interinstitutions, on compte des affaires relevant du Comité de la liberté syndicale. Le cas no 3185 a été pour la première fois porté à la connaissance du ministère de l’Emploi et du Travail par un communiqué de presse de la Confédération nationale des syndicats de travailleurs des transports (NCTU) et de l’Alliance des travailleurs progressistes (APL) en juin 2013. Ce cas avait été précédemment porté devant la Commission des droits de l’homme, la police et le Département de la justice, qui dirige le Comité interinstitutions. Compte tenu de son exclusion par le Comité interinstitutions, l’organe régional tripartite de surveillance XI (RTMB XI), basé à Davao, a été chargé de collecter des informations supplémentaires sur ce cas en vue d’un éventuel réexamen par le Comité interinstitutions.
En ce qui concerne les cas nos 3119 et 3159 du Comité de la liberté syndicale, les rapports des différents organes régionaux tripartites de surveillance ont été examinés par le Comité exécutif tripartite de l’organe de surveillance du NTIPC (TEC-MB) le 6 mai 2016. En ce qui concerne le cas no 3119, sur les six cas concernés, seul le cas de M. Cañabano est réputé lié à la liberté syndicale mais le Comité exécutif tripartite (TEC-MB) a demandé à l’organe régional tripartite de surveillance XI de procéder à des vérifications supplémentaires et d’interroger M. Cañabano ainsi que le présentateur radio impliqué dans l’affaire du Syndicat des employés de la Radio Mindanao Network (RMN) à Davao. Le Comité exécutif tripartite (TEC-MB) soumet le cas de M. Cañabano à l’examen de l’organe de surveillance du NTIPC et recommande de renvoyer les cinq autres affaires non liées à la liberté syndicale à la Commission des droits de l’homme et au Bureau de l’avocat général des forces armées des Philippines (AFP). Sur les 65 affaires d’exécutions, seules douze ont fait l’objet de poursuites, neuf ayant été tranchées et trois étant en attente de jugement (deux sont en cours d’instruction et une a été classée). Des informations détaillées seront fournies sur l’évolution de ces affaires dans un rapport distinct. Les 11 affaires traitées par le Comité interinstitutions (AO35-IAC) progressent peu en raison de l’absence de témoins directs et/ou de la non-coopération des familles et des proches des victimes. Les perspectives ne sont guère encourageantes compte tenu des capacités limitées en matière de preuves médico-légales et de fiabilité des témoignages et des preuves. Les victimes ou les membres de leur famille renoncent à engager des poursuites ou s’en désintéressent, ce qui reste problématique pour le gouvernement. Beaucoup doit être fait pour améliorer le système de justice pénale et remédier à cette situation.
Le gouvernement s’est attaqué à la source du problème en adoptant des réformes de grande ampleur dans le domaine de la gouvernance du marché du travail et de l’objectif sectoriel consistant à assurer un travail décent dans le cadre du Programme de coopération technique du BIT (PCT). Ce programme de coopération n’a commencé qu’après la mission de haut niveau de 2009, soit cinquante-six ans après la date à laquelle nous avons ratifié, le 29 décembre 1953, les conventions nos 87 et 98. Le programme de coopération technique du BIT sur la formation et le renforcement des capacités peut être classé, de manière générale, comme suit: a) renforcement des capacités et sensibilisation aux normes de travail international, liberté syndicale et négociation collective; et b) respect de la conduite prescrite au sein de l’armée et de la police. Plus de 70 activités de renforcement des capacités en matière de droits au travail ont été réalisées dans le cadre du PCT. Quelque 4 384 parties prenantes ont reçu des orientations et des formations sur les normes internationales du travail, et sur le respect des instruments tripartites régissant l’engagement des partenaires sociaux, notamment la police, les forces armées, et les principaux organismes gouvernementaux, dans le cadre des conflits du travail. Les activités menées dans le cadre du PCT ont abouti aux résultats suivants:
a) Des instruments clés régissant l’engagement des partenaires sociaux ont été mis au point: 1) Directives communes DOLE-PNP-PEZA (Directives PNP), signées le 23 mai 2011; 2) Ordonnance administrative du ministère de l’Emploi et du Travail no 104, Directives opérationnelles sur la coordination interinstitutions et surveillance des conflits du travail (Mise en application par le ministère de l’Emploi et du Travail de ce que l’on peut faire et de ce que l’on ne doit pas faire), signées le 27 février 2012; 3) Directives sur la conduite du ministère de l’Emploi et du Travail, DILG, DND, DOJ, AFP et PNP vis-à-vis de l’exercice des droits et activités des travailleurs (Directives AFP), signées le 7 mai 2012; et 4) Directives opérationnelles sur les organes régionaux tripartites de surveillance. Les Directives PNP et AFP ont permis d’assurer la coordination de toutes les parties prenantes et d’empêcher les violences liées aux grèves. Dans les affaires récentes de la région 4A, la violence a été évitée dans la mesure où l’agence de sécurité nouvellement engagée a été invitée à se conformer aux directives PNP et dans le cas du conflit du travail PhilSteel où la PNP a sommé les agences de sécurité accusées d’avoir franchi les piquets de grève de donner les raisons pour lesquelles leur autorisation ne devrait pas être révoquée. Dans le cadre du conflit du travail de Davao à Lapanday Box (plantation de bananes) et RMN (Station de radio), les Directives PNP ont permis à différentes parties prenantes d’unir leurs efforts pour assurer l’exercice pacifique du droit des travailleurs lors de négociations collectives. S’agissant du conflit du travail à Albay Electric Cooperative, Inc. (ALECO), où la direction a demandé directement au poste de police de Legaspi de pénétrer dans les locaux de l’entreprise, les Directives PNP ont permis de faire échec au prétendu plan de démantèlement du piquet de grève. Les informations sur les Directives PNP et AFP font désormais partie intégrante de la procédure opératoire normalisée du ministère de l’Emploi et du Travail relative aux conflits du travail susceptibles d’aboutir à une grève/lock-out.
b) Pour prévenir la criminalisation des différends du travail, le Département de la justice a adopté le 22 avril 2014 la circulaire n° 16 qui renforce les circulaires nos 15, série de 1982, et 9, série de 1986, pour demander aux juges/procureurs d’obtenir l’avis favorable du Département du travail et de l’emploi et/ou du bureau de la Présidence avant de prendre connaissance de plaintes en vue d’une enquête préalable et de transmettre au tribunal les informations correspondantes sur des cas découlant d’un différend du travail ou liés à un différend, y compris les allégations d’actes de violence, de coercition, de lésions physiques, d’agressions à l’encontre d’une personne dans l’exercice de ses fonctions et d’autres actes analogues d’intimidation qui visent à empêcher d’entrer dans une manufacture ou un endroit où fonctionnent les équipements de la manufacture, ou dans les locaux de l’employeur, ou d’en sortir. Le Département du travail et de l’emploi et le Département de la justice ont adopté conjointement la circulaire no 1-15 qui apporte des précisions sur l’obligation d’obtenir l’avis du Département du travail et de l’emploi et/ou du bureau de la Présidence sur des cas découlant de l’exercice par les travailleurs de la liberté syndicale, de la négociation collective, de mesures concertées et d’autres activités syndicales.
Le programme de coopération technique comprend un élément visant à améliorer la gouvernance du marché du travail. Avec les partenaires sociaux, on a identifié les infractions aux droits au travail et les actes de violence liés au travail, et on y a fait face en identifiant les causes profondes des différends du travail. Par conséquent, on a renforcé les mécanismes visant à assurer le respect de la législation du travail, à prévenir les différends, à les régler et à traiter les cas de différends, et la consultation tripartite avec les partenaires sociaux sur la mise en œuvre des politiques et des programmes a également été renforcée. Les résultats ont été les suivants:
– Amélioration substantielle de l’application de la législation du travail. Le programme du BIT lancé il y a deux ans et les partenaires sociaux ont contribué à la mise en place du nouveau Système d’application de la législation du travail (LLCS). Il prévoit un Système d’information sur la gestion des activités (il s’agit d’un système en ligne qui communique et traite en temps réel des données recueillies sur le terrain), et comporte une approche axée sur l’action réglementaire et l’examen de l’évolution de l’application de la législation. Les résultats obtenus ont été remarquables: a) les visites prévues dans les entreprises sont devenues plus fréquentes pour passer d’une tous les seize ans à une tous les deux ans; b) le nombre d’entreprises visitées s’est accru et est passé d’une moyenne annuelle de 23 000 en 2004-13 à 63 627 en 2014-15; c) le nombre de travailleurs couverts s’est accru également en passant d’une moyenne annuelle de 628 000 en 2004–2013 à 2,9 millions en 2014-15; d) l’observation de la législation générale du travail s’est améliorée pour passer de 70,73 pour cent en 2004-2013 à 77,59 pour cent en 2014-15; e) le taux des mesures correctives a augmenté pour passer de 21 pour cent en 2004 2013 à 27 pour cent en 2014-15; f) le LLCS a permis de faire appliquer en tout 94 lois, y compris sur la réglementation, le contrat de travail ou la lutte contre l’emploi déguisé ou ambigu, contre 23 seulement avec l’ancien système d’application; et g) il y a désormais 574 personnes qui veillent au respect de la législation du travail contre 202 inspecteurs du travail auparavant. Les partenaires tripartites ont appuyé le projet de loi no 4659 lors de la 16e session du Congrès qui a permis de créer le LLCS, et le même projet de loi sera soumis à nouveau à la 17e session du Congrès dans le cadre de l’ordre du jour législatif prioritaire pour 2016 2022 du Département du travail et de l’emploi.
– Système efficace de traitement des cas. Les services chargés d’assurer une conciliation ou médiation obligatoires dans un délai de trente jours, ou l’approche de traitement unique (SEnA) des conflits individuels, ont été institués en application de la loi de la République no 10 396, ainsi qu’un système exhaustif de conciliation ou médiation pour les conflits collectifs. Il vise à donner aux parties la capacité d’examiner et de résoudre les problèmes au niveau de l’entreprise en tirant parti de la convergence des programmes et services du Département du travail et de l’emploi. Grâce à la SEnA, qui permet d’agir en amont, les travailleurs et les employeurs ont pu obtenir un règlement loyal, rapide, accessible et peu coûteux des conflits du travail. Il a permis aussi d’abréger la procédure de traitement des conflits, dont la durée est passée à quinze jours en moyenne contre un à dix ans dans le cadre de l’arbitrage obligatoire; le nombre de réclamations monétaires d’un faible montant soumises aux bureaux régionaux du Département du travail et de l’emploi, et celui des affaires soumises à la Commission nationale des relations professionnelles, a baissé de 99 pour cent; de plus, étant donné que tous les bureaux du Département du travail et de l’emploi suivent l’approche SEnA, les services sont gratuits et accessibles. La SEnA a permis de parvenir à des taux élevés de règlement et de jugement (81 pour cent et 94 pour cent respectivement, soit 102 382 cas réglés et 128 257 cas jugés) de 2011 à 2015. En ont bénéficié 154 439 travailleurs qui ont reçu des indemnités monétaires de catégorie B d’un montant de 4 951 pesos.
– Nombre de grèves sans précédent (moins de dix). En renforçant les capacités des parties au moyen de la conciliation-médiation des différends collectifs du travail, et de l’exercice rationnel par le Secrétaire au travail et à l’emploi de ses capacités de juridiction, le nombre annuel des grèves a été inférieur à dix; il est passé de 69 en 2005-2010 à 17 seulement en 2011-2015; le nombre de cas présumés est passé de 104 en 2005-2010 à 14 seulement en 2011-2015, et il n’y en a eu que trois entre 2013 et 2015, cas qui ont été résolus par la conciliation.
– Accroissement du tripartisme et du dialogue social institutionnalisés. Le tripartisme et le dialogue social sont institutionnalisés en vertu de la loi de la République no 10 395 qui est le principal instrument pour promouvoir la transparence, la gouvernance participative et la responsabilisation à l’échelle sectorielle, et lutter contre les disparités sociales en améliorant la cohésion sociale parmi les parties intéressées. Plusieurs structures tripartites au niveau national, des régions et des secteurs ont été créées pour permettre aux parties prenantes de participer aux processus de prise de décision sur l’action publique en ce qui concerne les questions touchant le travail et l’emploi. En janvier 2016, il y avait 134 Conseils tripartites régionaux pour la paix sociale (TIPC), 9 Conseils tripartites sectoriels nationaux et 284 Conseils tripartites sectoriels régionaux. Ces structures permettent de fournir des services consultatifs préalables en vue d’accords à l’échelle régionale ou sectorielle. Par conséquent, dans le cadre de ces structures tripartites, en tout, 178 codes volontaires de bonnes pratiques sur la productivité et le travail décent ont été élaborés de 2011 à 2015 et servent de normes sectorielles à caractère non contraignant. Par le dialogue social, le secteur chargé des questions du travail au Conseil national tripartite pour la paix sociale a permis d’obtenir des engagements en vue de relier les mesures d’incitation à l’investissement à l’observation des normes internationales du travail. A ce jour, la création d’un Conseil chargé des droits des travailleurs pour certains secteurs, ou certaines lignes tarifaires auquel le Système généralisé de préférences (GSP) ou les accords de libre-échange (FTA) permettront d’accéder, est en cours d’élaboration avec le Département du commerce et de l’industrie. Sur le lieu de travail, le nombre de grèves inférieur à dix montre que le dialogue social est de plus en plus accepté, que ce soit par les partenaires sociaux ou grâce à la conciliation/médiation, en tant qu’outil permettant aux parties de régler elles-mêmes leurs différends. Cela a même été reconnu par la partie militante du mouvement social: d’importantes affaires qui, par le passé, auraient entraîné des grèves ou des lock-out, ont été réglées par le dialogue social. Le tripartisme et le dialogue social n’ont jamais été aussi solides et productifs que sous le gouvernement actuel. Les progrès réalisés grâce aux réformes mises en œuvre avec l’appui des partenaires sociaux sont un bon indicateur de la coopération constructive favorisée par le tripartisme et le dialogue social.
Les projets de loi visant à modifier les dispositions ci-après, suite à la recommandation de la mission de haut niveau de l’OIT concernant l’alignement du Code du travail, tel que modifié, sur les normes internationales du travail, en particulier celles relatives à la liberté syndicale et à la négociation collective, n’ont pas été adoptés lors des dernières séances de la 16e session du Congrès. Il s’agit: a) de l’article 263 g), qui prévoit une compétence trop générale du secrétaire au travail et à l’emploi; b) de l’article 234 c), qui dispose qu’il faut au moins 20 pour cent de signatures de soutien pour enregistrer un syndicat indépendant; c) des articles 264 et 272, qui imposent des sanctions pénales en cas de grèves pacifiques; d) de l’article 270, qui soumet l’assistance étrangère aux syndicats à une approbation préalable; et e) de l’article 237 1), qui fixe à dix (10) le nombre minimum de syndicats nécessaires pour constituer une fédération. Par conséquent, sous réserve de la décision du prochain gouvernement, tous ces projets de loi feront partie des mesures législatives prioritaires du Département du travail et de l’emploi pour la 17e session du Congrès, y compris les projets de loi suivants: a) le projet de loi sur la sécurité de l’emploi, le projet de loi sur les relations professionnelles et le projet de loi sur le licenciement; b) la rationalisation de l’intervention du gouvernement dans les conflits de travail ou la modification proposée du projet de loi sur la compétence; c) le projet de charte sur les gens de mer philippins; d) le projet de loi sur le système d’application de la législation du travail; et e) le projet de loi sur les normes de sécurité et de santé au travail. Cependant, en attendant l’adoption de ces modifications, des instructions administratives ont été données et sont mises en œuvre grâce au système d’application de la législation du travail soutenu par le BIT et les partenaires tripartites, système qui a contribué à la paix sociale dans le pays.
Même si des progrès ont été réalisés, le programme de coopération technique mis en œuvre avec le BIT, suite à la mission de haut niveau de 2009, n’est pas terminé. Les réformes de la gouvernance du marché du travail sont fondamentales. Leur viabilité serait renforcée par une assistance technique dans les domaines suivants: a) techniques et stratégies de conciliation/médiation; b) application des normes internationales du travail en matière d’arbitrage; c) atteinte d’un niveau élevé de respect de la législation du travail et gestion/expansion du système d’application de la législation du travail/système de gestion de l’information; d) création/instauration de simples emplois de transition et emplois verts; e) compréhension des formes d’emploi atypiques et des méthodes d’action; et f) entreprises et droits de l’homme. La voie suivie pour lutter contre la source du problème qui entrave le respect de la convention no 87 a déjà permis d’aboutir à des résultats positifs. Le gouvernement est déterminé à aligner les dispositions du Code du travail sur les conventions nos 87 et 98. Afin de réaliser pleinement le potentiel de l’organe de surveillance du NTIPC et des organes régionaux tripartites de surveillance dans la constitution des dossiers, le NTIPC a proposé de créer une équipe tripartite de validation des cas, entièrement indépendante et dotée des ressources humaines et financières nécessaires. Cette équipe sera placée sous l’égide de l’organe de surveillance du NTIPC et se chargera des affaires devant être validées de manière indépendante ou d’étudier les cas nos 3119, 3139 et 3185 examinés par le Comité de la liberté syndicale. En conclusion, le gouvernement philippin dit sa détermination à réaliser de véritables progrès sur les cas d’allégations de violations des droits syndicaux. Le Comité interinstitutions AO35 IAC et le mécanisme national de contrôle (Note 1) sont déjà opérationnels et travaillent en collaboration avec l’organe de surveillance du NTIPC à l’amélioration du respect des conventions nos 87 et 98. Il reste encore à mener à bien les réformes concernant le système de justice pénale, qui devraient être examinées par le nouveau Congrès et sous l’administration du Président Rodrigo R. Duterte.
En outre, devant la commission, une représentante gouvernementale a réaffirmé l’engagement de son gouvernement à se conformer à la convention, en droit comme en pratique, en tirant parti des six années de dialogue constructif soutenu avec les organes de contrôle de l’OIT et le Bureau, et aussi de la mission de haut niveau de 2009. C’est la première fois depuis l’intervention de cette mission que les Philippines font rapport à la commission de la Conférence sur les mesures concrètes et les résultats obtenus grâce au soutien très apprécié et à l’assistance technique du BIT, la première dont aient bénéficié les Philippines depuis la ratification de la convention. Avec l’aide des partenaires sociaux représentés par les affiliés locaux de la CSI et de l’OIE, le gouvernement a mis en œuvre quatre grandes réformes visant à donner pleinement effet à la convention: i) un organe tripartite de surveillance de haut niveau institutionnalisé, le NTIPC-MB, doté d’une structure tripartite régionale, qui veille au respect des normes internationales du travail, et en particulier de la présente convention. Cet organe de surveillance collabore avec un comité interinstitutions créé par le Président par le biais de l’ordonnance administrative no 35 (AO35) et est chargé d’une mission de réparation dans les cas d’exécutions extrajudiciaires non résolues en recourant à des équipes composites d’enquêteurs; ii) un système proactif de suivi des allégations de violations de droits au travail coordonnant les interventions de la Commission des droits de l’homme, de la police nationale philippine, des forces armées, du ministère de la Justice et des Tribunaux; iii) des réformes législatives bénéficiant d’un soutien tripartite axées sur le respect effectif des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective; et iv) des réformes de fond et de portée large de la gouvernance du marché du travail visant à instaurer le travail décent pour tous et qui ont permis des progrès significatifs dans l’application effective des lois sur le travail, un règlement équitable et rapide des conflits, y compris ceux ayant fait l’objet d’une action revendicative, et un renforcement du tripartisme et du dialogue social. L’impact de ces réformes ne se fera pas sentir du jour au lendemain parce qu’il faut d’abord remédier aux causes des problèmes pour instaurer une paix sociale durable fondée sur la justice sociale. Ainsi, la collaboration et l’engagement constructif qui ont empreint les Programmes de coopération technique (PCT) de l’OIT sur la liberté syndicale ont porté sur un éventail beaucoup plus large dont les résultats concrets sont présentés en détail dans les informations écrites soumises à la commission.
L’organe de surveillance du NTIPC-MB a dressé un inventaire exhaustif de 65 cas d’exécutions extrajudiciaires, notamment les cas nos 3185 et 3119 devant le Comité de la liberté syndicale. Les informations disponibles pour ces deux cas sont brutes et n’ont pas encore été validées par l’Organe régional tripartite de surveillance (RTMB). S’agissant du cas no 3159, les constatations initiales de pratique déloyale du travail assorties d’amendes font l’objet d’une procédure en appel devant la Commission nationale des relations du travail (NLRC). Il est donc juridiquement et judiciairement en suspens mais le gouvernement est tenu de faire rapport à la commission sur son état d’avancement. En l’absence de réformes judiciaires, et outre ce qu’en dit le rapport, le gouvernement a mené avec diligence, dans le cadre du PCT, des actions de sensibilisation et de renforcement sur le thème des droits fondamentaux au travail. Les lignes directrices pour la police nationale et les forces armées des Philippines ont permis de coordonner des actions de toutes les parties prenantes pour permettre le libre exercice des droits syndicaux et prévenir la violence, les lésions corporelles et les décès à l’occasion de grèves et de piquets. Elles font partie de la procédure opérationnelle normalisée du ministère de l’Emploi et du Travail pour les conflits du travail susceptibles de déboucher sur une grève ou un lock-out. La note circulaire no 16-14 du ministère de la Justice a renforcé l’obligation faite aux procureurs d’obtenir le feu vert du ministère de l’Emploi et du Travail ou du Bureau de la présidence pour tous les recours résultant ou liés à un conflit du travail afin d’éviter que soient systématiquement criminalisés les conflits du travail. Des agréments ont été délivrés dans au moins cinq procédures pénales, lesquelles se sont soldées par des non-lieux. L’utilisation efficace de ces instruments a eu pour effet qu’aucun cas de violence n’a été signalé à l’occasion de grèves ou de piquets.
La mise en application des lois sur le travail s’est sensiblement améliorée avec la mise en place du nouveau système, le Labour Laws Compliance System (LLCS). Les organisations syndicales ont été associées aux évaluations ou visites spéciales d’établissements (SAVE) effectuées sur l’ensemble du territoire national et leur participation a été institutionnalisée dans le règlement révisé du LLCS. Pour la première fois, le LLCS couvre par le biais de textes distincts les conditions de travail des gens de mer employés dans la navigation intérieure et les traversées internationales, des pêcheurs travaillant sur des navires de pêche commerciale, des sociétés de recouvrement, des conducteurs de bus et des travailleurs domestiques. Un système de gestion des cas plus efficace a été mis en place avec la procédure d’examen unique pour chaque conflit pris individuellement et un système d’arbitrage du travail amélioré a permis de statuer dans un délai plus court (six mois) et avec un degré d’équité et de cohérence plus élevé que celui du système précédent dans lequel le délai était d’un à deux ans.
Complétant les informations écrites fournies à la commission, l’oratrice a aussi souligné le fait sans précédent que le nombre de grèves n’a pas dépassé la dizaine, ainsi que la rareté du recours à la prise de compétence juridictionnelle, qui ne se fait qu’avec l’accord des parties, en l’absence de motion de défiance, et qui aboutit à des décisions négociées. Le dialogue social s’est renforcé et élargi et les agents commerciaux et économiques se montrent soucieux de lier les mesures d’incitation à l’investissement au respect des normes internationales du travail. La création d’un conseil des droits des travailleurs dans chaque industrie ou de lignes tarifaires accessibles par le truchement du système de préférences généralisées ou d’accords de libre-échange est actuellement mise au point par les partenaires sociaux dans le cadre du Conseil tripartite du secteur de l’habillement et du textile. S’agissant de la demande de la mission de haut niveau pour un alignement du code du travail sur les normes internationales du travail, le NTIPC a adopté des résolutions tripartites approuvant des projets de lois. Bien que les délibérations sur ces projets aient eu lieu à la chambre basse du Parlement, ils n’ont pas été entérinés par le sénat pour divers motifs, notamment en raison du changement de direction à la commission sur le travail. Le président de la commission sur l’emploi et le travail de la chambre basse s’est engagé à représenter tous les textes qu’il parrainera au 17e congrès qui doit débuter le 25 juillet 2016.
Au nom du NTIPC, dans le cadre du programme législatif prioritaire 2016-2022, le gouvernement s’est engagé à: i) mettre les dispositions du code du travail en conformité avec la convention; ii) renforcer l’organe de surveillance du NTIPC et réaliser entièrement son potentiel en matière de constitution des dossiers en opérationnalisant la résolution du NTIPC récemment approuvée instaurant une équipe de validation tripartite dûment financée et dotée de moyens, ayant compétence pour les cas nécessitant un examen indépendant, comme les cas nos 3119, 3159 et 3185; iii) assurer le financement du fonctionnement des équipes de validation susceptibles d’être constituées à partir du budget 2016 du ministère de l’Emploi et du Travail alloué au NTIPC; et iv) ajouter ce financement en tant que poste budgétaire distinct dans le projet de loi de dotation générale de 2017. L’oratrice a conclu en affirmant la volonté du gouvernement et des partenaires sociaux d’obtenir des avancées soutenues s’agissant du respect, en droit et en pratique, de la convention et de collaborer avec les départements ministériels concernés à des réformes du système de justice pénale pour qu’il soit mis fin à l’impunité qui entoure les violations des droits syndicaux. Consciente que le travail est loin d’être terminé, mais aussi des résultats tangibles déjà obtenus, elle a une nouvelle fois exprimé la gratitude de son gouvernement à l’OIT, à ses organes de contrôle et aux pays donateurs.
Les membres employeurs ont rappelé qu’ils ne partageaient pas les vues de la commission d’experts concernant le droit de grève. En particulier, comme il n’existe aucune norme de l’OIT en matière de grève, la portée et les conditions de l’exercice du droit de grève devraient être réglementées au niveau national, une position qui a été approuvée par le groupe gouvernemental à la réunion tripartite en février 2015 et par le Conseil d’administration en mars 2015. A première vue, ce cas était un cas de discrimination systémique de l’Etat contre les organisations de travailleurs et leurs membres. En examinant de plus près ces questions, trois aspects semblent toutefois se dégager de ce cas déjà ancien. Le premier aspect concerne les allégations particulières faites par des organisations de travailleurs au fil des ans. Les membres employeurs ne souhaitent en aucun cas atténuer la gravité des questions portées à l’attention de la commission. L’observation de cette année porte sur des allégations graves de violations des droits de l’homme, notamment deux assassinats et une tentative d’assassinat sur des cadres syndicaux; la dispersion violente de grèves et autres actions collectives par la police et les forces armées; le harcèlement de syndicalistes et l’interdiction de s’affilier à un syndicat dans les zones franches d’exportation; la rupture du mémorandum d’accord liant le ministère de l’Emploi et du Travail et l’Autorité des zones économiques des Philippines (PEZA); et une fausse déclaration de faillite pour dépouiller des travailleurs de leurs droits syndicaux. De tels cas ne peuvent pas ne pas être contestés.
Le deuxième aspect concerne la réponse du gouvernement à ces allégations et le contexte de cette réponse. Le gouvernement n’a pas été inactif. Ses activités principales ont notamment porté sur: i) le Mécanisme national de surveillance (NMM), qui a pour mission de suivre les progrès du pays en vue de remédier aux violations des droits de l’homme, en accordant un rang de priorité, à court terme, aux cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de torture, et de fournir des services juridiques et d’autres services, qui ont abouti à plusieurs condamnations pour exécutions illégales; ii) le Comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture et autres violations graves du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes (IAC), chargé d’enquêter sur les cas d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de torture et d’autres graves violations des droits l’homme commises par des forces étatiques et non étatiques, de traiter en priorité les affaires non résolues et de constituer des équipes d’enquête spéciales – les partenaires sociaux ont été invités à participer activement aux enquêtes tandis que les membres de l’organe de surveillance du NTIPC-MB se sont vus accorder le statut d’observateur au sein de l’IAC; et iii) des campagnes de sensibilisation sur le respect de la liberté de réunion, le renforcement des capacités du personnel chargé de la coordination de la surveillance ainsi que des mesures pour renforcer les structures de surveillance en place. Les membres employeurs se sont réjouis de ces faits nouveaux et ont demandé au gouvernement de fournir des informations supplémentaires sur le fonctionnement du NMM, du Groupe spécial du Département de la justice (DOJ) et de l’IAC dans la pratique, notamment en ce qui concerne la participation des partenaires sociaux aux enquêtes de l’IAC ainsi que le nombre et le type de cas examinés par ces mécanismes. Dans de nombreux cas, les progrès n’ont guère été concluants. Par exemple, dans trois affaires concernant l’assassinat de responsables syndicaux, les principaux faits nouveaux sont respectivement résumés aux éléments suivants: la mère de la victime a décidé de ne pas poursuivre l’affaire; l’affaire est toujours en cours de procès ou l’aide de la femme de la victime ne peut pas être obtenue. Toutefois, le contexte dans lequel le gouvernement doit enquêter sur ces allégations graves – un contexte d’instabilité politique et civile et d’insurrection armée de longue date, n’a pas été suffisamment pris en considération dans l’examen de ce cas, tant aujourd’hui que par le passé. Chaque violation des droits l’homme ne constitue pas une violation des droits du travail, en particulier si la personne victime de la violation a commis, ou commet, un acte illégal ou délictueux au moment des faits. Il est donc essentiel dans le traitement des cas qu’il soit clairement établi quelle loi est transgressée et de déterminer si cette loi est conforme aux normes internationales. Ce point n’est pas toujours clair et tout manque de clarté ne peut qu’entraver un examen équitable de l’affaire. Selon les syndicats, la loi sur la sécurité des personnes peut être utilisée de manière abusive pour réprimer les activités légitimes des syndicats. De l’avis du gouvernement, cette loi ne peut pas être utilisée pour entraver l’exercice des droits syndicaux, en particulier les activités légitimes des syndicats, et des orientations existent pour garantir que les forces armées et la police ne puissent pas intervenir dans les activités des syndicats, sauf si le ministère de l’Emploi et du Travail leur demande expressément, si un acte délictueux a été commis, s’il est commis ou est sur le point d’être commis, ou en cas de violence découlant d’un conflit du travail.
En ce qui concerne le Code du travail, une équipe tripartite d’examen du Code du travail est associée comme partenaire au processus d’élaboration de ces textes. Concernant l’article 2 de la convention, le projet de loi no 5886, qui est actuellement examiné par le Congrès, ne reconnaît qu’aux seuls étrangers disposant d’un permis de travail le droit de constituer des syndicats et de s’y affilier, et il ne traite pas des préoccupations concernant le refus du droit d’organisation à certains fonctionnaires. En outre, s’il est possible d’exclure, en vertu de la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, certains fonctionnaires de la négociation collective, cette question n’est pas envisagée par la convention no 87 qui traite du droit d’organisation. Il est à souhaiter que des mesures législatives garantiront à tous les travailleurs le droit de constituer des syndicats et de s’y affilier, et le gouvernement est prié de fournir des informations sur tout fait nouveau en la matière. S’agissant de l’article 3, les modifications proposées harmonisent la liste des industries indispensables dans l’intérêt national, et dans lesquelles une intervention du gouvernement est possible, avec les critères de services essentiels de la convention. Les membres employeurs ont salué l’initiative du gouvernement visant à limiter l’intervention gouvernementale aux industries pouvant être considérées comme des services essentiels au sens strict du terme. Pour donner suite aux commentaires de la commission d’experts sur le principe suivant lequel aucune sanction pénale ne peut être imposée à un travailleur pour avoir participé à une grève pacifique, les membres employeurs ont exprimé leur préoccupation étant donné qu’il n’existe aucun consensus sur l’existence d’un droit de grève dans la convention. D’autres mesures positives ont été prises, comme les projets de loi supprimant l’autorisation gouvernementale requise pour l’aide étrangère accordée aux syndicats ou abaissant le nombre requis d’agents négociateurs pour les fédérations de dix à cinq.
Le troisième aspect de ce cas concerne la manière dont la commission d’experts considère et examine les informations reçues, un point qui soulève la préoccupation des employeurs qui a trait à la compétence de la commission d’experts et la commission de la Conférence à formuler des conclusions sur des questions qui ne sont pas des questions relatives au travail au titre de la convention. L’action du gouvernement ne se fonde pas tant sur le rapport de la commission d’experts à la commission de la Conférence que sur les conclusions de la commission de la Conférence concernant le cas. Il est donc important que la commission d’experts examine les informations reçues de manière factuelle et qu’elle considère tous les faits de manière équilibrée. Les membres employeurs ont reproché à la commission d’experts d’avoir pris note «avec une profonde préoccupation» d’informations alléguant de violations graves des droits syndicaux, alors qu’elle a seulement rendu compte des détails contenus dans la réponse du gouvernement. Un lecteur mal informé pourrait croire que le rapport est présenté avec un accent particulier alors que, en fin de compte, il pourrait ne pas refléter les résultats des travaux de la commission de la Conférence.
Trois enseignements sont à tirer de cette expérience: i) les affaires sont souvent plus complexes que ce que ne laissent entrevoir les allégations initiales; ii) les réponses du gouvernement ne sont pas une preuve de règlement en soi, il est préférable d’avoir des résultats probants; et iii) il faut que la commission d’experts assure un examen équilibré des affaires en se gardant de souligner ou de décrire tout aspect particulier des allégations ou des réponses du gouvernement, cette question relevant de la commission de la Conférence. Par conséquent, les membres employeurs recommandent à la commission i) d’exprimer l’espoir que toutes les violations alléguées des droits syndicaux fassent l’objet d’enquêtes appropriées, qui soient énergiquement menées et achevées dans des délais rapides en vue d’établir les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les auteurs des atteintes; ii) de prendre note de la création de plusieurs entités de surveillance et de prier le gouvernement de fournir des renseignements supplémentaires sur ces mécanismes et sur les progrès concernant les cas dont ils sont saisis; iii) d’engager le gouvernement à continuer d’harmoniser sa législation nationale avec certains articles de la convention; et iv) d’encourager la commission d’experts à se limiter à faire rapport de manière factuelle sur les préoccupations des partenaires sociaux et aux réponses du gouvernement et de laisser à la commission de la Conférence le soin de traiter plus particulièrement tout aspect qu’elle jugera approprié.
Les membres travailleurs ont estimé que la décision de la commission d’experts de considérer que les violations du droit syndical aux Philippines justifient que ce cas fasse l’objet d’une double note de bas de page est une mesure appropriée face à la violence qui continue d’être exercée contre les syndicalistes et à l’absence de poursuites pour les exécutions extrajudiciaires. Il est à craindre que l’exercice du droit à la liberté syndicale ne soit davantage compromis par le Président nouvellement élu qui a admis ouvertement son association avec des escadrons de la mort responsables de plus de 1 000 exécutions, lorsqu’il était maire de Davao, et qui a menacé de gouverner le pays par décret si le pouvoir législatif ou judiciaire lui mettait des bâtons dans les roues. Le contournement des syndicats au moyen de formes d’emploi fictives et les lacunes des lois en vigueur et leur défaut d’application ont instauré un climat où la liberté syndicale est quasiment impossible à exercer. Les membres travailleurs rappellent que la commission d’experts, profondément préoccupée par les allégations de violence antisyndicale, a instamment prié le gouvernement de mener les enquêtes appropriées. Ils soulignent en outre que le gouvernement est tenu de prendre des mesures pour garantir que les droits syndicaux puissent être exercés dans des conditions normales s’agissant des droits humains fondamentaux et dans un climat exempt de violence, de pression, de peur et de menaces en tous genres, mais qu’il n’y est pas parvenu jusqu’à présent, comme en témoignent plusieurs cas récents de violence antisyndicale. Le 2 juillet 2013, Antonio Petalcorin, président du Réseau d’organisations de transport (NETO), basé à Davao, a été assassiné en raison de la campagne qu’il menait pour dénoncer la corruption au sein du Bureau des transports à Davao. Selon le gouvernement, conformément à ses orientations, ce meurtre ne constitue pas une exécution extrajudiciaire. Peu après, un de ses collègues a été assassiné et un autre a fait l’objet de menaces et d’actes de violence qui l’ont obligé à se cacher. Le 29 novembre 2014, Rolando Pango, qui organisait les travailleurs des plantations sucrières sur un terrain loué et géré par le président de la Fédération unie des producteurs de sucre des Philippines, a été tué dans la ville de Binalbagan, au Negros Occidental. Le gouvernement a considéré qu’il s’agissait d’un assassinat extrajudiciaire. Selon des informations récentes, deux hommes ont été accusés de meurtre, mais on ne sait rien sur l’état d’avancement de la procédure. Le 8 mars 2015, Florencio Romano, organisateur de la Coalition nationale pour la protection des droits des travailleurs, affiliée à Kilusang Mayo Uno, qui recrutait activement des travailleurs dans une entreprise de transformation de produits alimentaires, a été retrouvé assassiné à Batangas City, au sud de Manille. Ce meurtre n’a donné lieu à aucune poursuite judiciaire. En avril 2016, des hommes armés ont ouvert le feu contre un camp du KMU que des travailleurs agricoles avaient installé pour organiser une grève dans la ville de Pantukan, Vallée de Compostela, en raison du licenciement de 52 travailleurs, et on a tenté de mettre le feu au camp des travailleurs. Personne n’a été arrêté à la suite de ce crime. Ces cas sont la preuve que les syndicalistes courent de gros risques. La loi sur la sécurité des personnes représente un moyen puissant de compromettre un peu plus la liberté syndicale dans la mesure où elle donne une définition vague du terrorisme, permettant au gouvernement d’arrêter et de détenir sans mandat des personnes soupçonnées de terrorisme. En vertu de cette loi, les citoyens, notamment les dirigeants syndicalistes peuvent être surveillés, mis sur écoute, détenus, interrogés et leurs avoirs bancaires peuvent être gelés sur simple soupçon de terrorisme. Des peines de réclusion de quarante ans sont fixées sans aucune possibilité de liberté conditionnelle, et des sanctions lourdes sont par ailleurs établies pour des crimes mineurs. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ont exprimé de vives préoccupations face à l’impact de cette loi sur l’exercice de la liberté syndicale auquel il doit être remédié pour empêcher le gouvernement de l’appliquer à mauvais escient comme bon lui semble.
Le recours à des formes d’emploi fictives pour masquer l’existence d’une relation de travail est un problème grave visant à priver les travailleurs des droits que leur confère la loi, problème particulièrement préoccupant aux Philippines. Selon les estimations, plus de 73 pour cent de la main-d’œuvre était employée en 2013 dans le cadre de contrats à court terme, ce qui compromet la capacité des syndicats à recruter, étant donné que les travailleurs sous contrat n’ont pas le droit de constituer un syndicat ou d’y adhérer. La classification erronée de travailleurs sous la rubrique «confidentiels» est très répandue car ces travailleurs, en vertu du Code du travail, n’ont pas le droit d’adhérer à un syndicat. Dans d’autres cas, des travailleurs sont tout simplement désignés sous une autre appellation de façon à les exclure de toute relation de travail. Les employés des entreprises de radiodiffusion sont appelés «talents»; les entreprises du secteur de la pêche et de la transformation du thon désignent leurs pêcheurs sous le terme de «partenaires industriels»; le refus de reconnaître le statut d’employé à des pêcheurs a permis de refuser une aide cruciale à 43 membres d’un équipage qui avaient été capturés et détenus pendant des mois en Indonésie. De plus, plusieurs catégories de travailleurs, tels que les pompiers et les gardiens de prison, sont exclus du code. La commission d’experts a noté les obstacles à l’enregistrement des syndicats, notamment les conditions imposant un nombre élevé d’adhérents. En 2009, dans le cadre de la mission de haut niveau, le BIT avait noté que, en vertu du décret no 180, le pourcentage requis était calculé en tant que proportion de l’ensemble des fonctionnaires dans tout le pays, ce qui risquait d’empêcher la formation d’un syndicat de fonctionnaires. La commission d’experts a également pris note des allégations de violations de la liberté syndicale dans les zones franches d’exportation (ZFE) et de la violation du protocole d’accord entre le ministère de l’Emploi et du Travail et PEZA. Les mesures en place pour lutter contre les violations dans les zones franches s’avèrent inefficaces pour sanctionner ceux qui enfreignent la loi, même lorsque les tribunaux ordonnent la réintégration. Est cité le cas d’une entreprise dans la zone franche à Batino, Laguna, laquelle fournit une grande entreprise multinationale coréenne de l’électronique, qui a licencié plus de 30 employés connus pour être des militants syndicalistes, quelques semaines avant les élections d’accréditation, a refusé d’autoriser ces travailleurs à voter dans l’enceinte de l’entreprise, ce qui est contraire à la loi, et a refusé de reconnaître le syndicat qui a toutefois été élu comme représentant aux fins de la négociation collective.
Les membres travailleurs concluent en rappelant les nombreux problèmes législatifs soulevés par la commission d’experts, notamment la modification de la loi de façon à écarter la possibilité d’arbitrage obligatoire dans des secteurs qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, la modification des articles 264 et 272 afin qu’il soit impossible d’imposer des sanctions pénales pour la participation à une grève pacifique, et l’article 270 qui interdit aux syndicats de recevoir une aide étrangère sans autorisation préalable. Malgré la mission de haut niveau qui s’est rendue aux Philippines en 2009 à propos de la liberté syndicale et de diverses activités entreprises sous les auspices de l’OIT, nombre des problèmes soulevés ne sont toujours pas résolus et il est peut-être temps qu’une autre mission de ce type retourne dans le pays.
Le membre employeur des Philippines a exprimé son incrédulité que la commission d’experts ait signalé le cas des Philippines comme étant un cas de double note de bas de page. Les questions suivantes se posent: i) dans quelle mesure la commission d’experts a pour mandat de formuler des conclusions et des recommandations au sujet d’affaires pénales et des poursuites s’y rapportant traitées dans le cadre de la législation nationale d’un Etat Membre; ii) à quel moment une procédure doit être instaurée afin de mettre un terme à des allégations générales récurrentes et incessantes de harcèlement et de menace au droit d’organisation et de négociation collective des travailleurs; et iii) quel est le mandat de la commission d’experts en matière de sécurité nationale d’un Etat Membre. Son pays ne devrait pas être jugé pour des affaires essentiellement pénales n’ayant qu’un lien éloigné avec les normes du travail, lesquelles devraient être laissées aux soins du système judicaire national. Selon lui, son pays respecte scrupuleusement la convention et il est peut-être même le pays qui la respecte le plus dans cette partie du monde. La commission d’experts aurait dû être plus attentive aux circonstances qui entourent la persistance d’insurrections armées, dont on a l’espoir qu’elles s’achèvent prochainement. Les enquêtes menées dans les cas de non respect de la convention sont différentes selon qu’elles se déroulent dans un contexte de paix relative ou en cas de conflit armé. Il peut s’avérer difficile de faire la part entre des révoltes émanant de syndicalistes ou perpétrées à leur encontre dans une situation fluide, lorsque les objectifs sont identiques. En cas de conflit armé, il s’agit surtout de faire preuve de discrétion dans la manière de demander à un Etat Membre de mettre un terme à des opérations militaires menées dans l’intérêt de la sécurité nationale, au seul prétexte que ces opérations risquent d’impliquer des syndicalistes.
La double note de bas de page peut être justifiée en raison de la gravité d’un cas, qui semble aller de pair avec l’incapacité à fournir des résultats rapides ou une réponse automatique. Il n’est pas toujours possible de parvenir à ces résultats dans le cadre d’un système juridique, lequel reconnaît la mise en place de services indépendants du gouvernement destinés à assurer l’équilibre dans l’exercice des pouvoirs gouvernementaux. Dans une démocratie constitutionnelle du type de celle des Philippines, il est important de reconnaître les défis structurels qui s’imposent pour que les travaux de la commission d’experts puissent être à la fois bien fondés et inspirés. Il s’agit par exemple de veiller à ce que le pouvoir exécutif ne dicte pas: au pouvoir judiciaire des instructions visant à accélérer les rouages de la justice, alors que plusieurs réformes de procédure sont en cours pour atteindre cet objectif; et au Congrès d’adopter des lois recommandées par la commission. D’une manière générale, les conclusions et les recommandations de la commission consistent en des directives adressées au département exécutif d’un Etat souverain, visant à: ne pas traiter des affaires soit disant criminelles fabriquées de toutes pièces, dans lesquelles des syndicalistes sont impliqués; assurer la sécurité des syndicalistes qui seraient menacés; ou mettre un terme à des opérations militaires légitimes en réponse à une insurrection armée. La question est posée de savoir si la commission d’experts devrait formuler de telles demandes et si un Etat Membre doit en faire plus que ce que prévoit son propre système juridique et ce que prévoit la définition qu’il donne à son auto-préservation et à ses intérêts nationaux.
Le membre travailleur des Philippines a indiqué qu’il y aurait des possibilités de réformes puisqu’un nouveau gouvernement prendra ses fonctions le 30 juin et que le Président élu a promis de mettre un terme aux modalités de contrat de travail illicites et de défendre le droit des travailleurs à la stabilité dans l’emploi. Les perspectives de négociations de paix sont bonnes, l’objectif étant d’en finir avec des décennies de guerre aux Philippines. Rappelant que le droit d’organisation est reconnu dans la Constitution des Philippines depuis 1899, l’orateur indique que, dans la pratique, néanmoins, il reste beaucoup à faire pour se conformer pleinement à la convention. Le gouvernement ne peut y parvenir qu’avec la coopération et la participation active des partenaires sociaux. A la suite de la visite en 2009 de la mission de haut niveau, dont les mandants tripartites s’étaient félicités, un programme très complet de coopération technique a été adopté. Il vise à faire mieux comprendre et respecter les principes fondamentaux et les droits de liberté syndicale et de négociation collective. Toutefois, des assassinats de syndicalistes continuent d’être perpétrés, en particulier ceux d’Antonio Petalcorin et de Rolando Pango par le Centre des travailleurs unis et progressistes (SENTRO) en 2015. On a considéré que l’assassinat de Rolando Pango était lié à ses activités syndicales mais celui d’Antonio Petalcorin a été traité comme un crime ordinaire. Il s’agit de faits graves que les partenaires sociaux ne devraient pas prendre à la légère. Beaucoup a été fait, comme l’indique le gouvernement, mais il faut aller plus loin pour réduire le nombre de cas de violations de la loi et le décalage qui existe entre la loi et la pratique. La CSI, l’IE, le Congrès des syndicats des Philippines (TUCP) et le SENTRO se sont référés à des cas particuliers et la Fédération des travailleurs libres (FFW) s’efforce de résoudre à l’échelle nationale plusieurs cas. Donnant des exemples d’atteintes à l’article 3 2) de la convention, l’orateur indique que, alors que la FFW lançait en 2012 la syndicalisation de marins occupés à bord de remorqueurs par le biais d’entités publiques, on a harcelé des dirigeants syndicaux dans le but de décourager la syndicalisation. Le Conseil spécial d’enquête dans le secteur maritime à Manille a été utilisé pour harceler Jose Emmy Tiongco, président de l’Association malaisienne des capitaines de remorqueurs. En 2013 une procédure administrative a été intentée contre lui au motif qu’il aurait enfreint les normes de la sécurité maritime. De plus, le capitaine de remorqueur Ruel Guda a été accusé de vol qualifié ainsi que Bendell Esquerra, Mark Anthony Orbito et John Mark Trio pour les pousser à se désaffilier de leur syndicat; en 2014, le cas a été rejeté faute d’éléments probants. Des poursuites ont aussi été intentées contre Jose Emmy Tiongco et 15 autres syndicalistes pour grève illicite. Alors que le ministère de l’Emploi et du Travail et la Commission nationale des relations du travail (NLRC) ont juridiction sur les différends du travail, c’est l’autorité du secteur maritime qui a pris l’initiative d’examiner ces cas malgré les objections du syndicat et le fait que la plainte n’avaient pas été justifiée; l’affaire a été ensuite classée. Alors que les directives de l’AFP disposent qu’il faut l’approbation du Département du travail et de l’emploi ou du Bureau du Président pour saisir un tribunal pénal dans des cas découlant d’un conflit du travail ou lié à un conflit du travail, le capitaine Tajanlangit et Ramil Estolloso, membres de la FFW, ont également été accusés de tentative d’homicide; ces affaires ont été classées faute de preuves. De même, des dirigeantes syndicales, Jocelyn Nono et Bing Jumamil, ont été mises en examen pour diffamation au motif que, pendant un piquet de grève, elles auraient brandi un panonceau où figurait un texte offensant pour leur employeur. Exemple manifeste d’application des directives susmentionnées: les poursuites pénales intentées contre 15 syndicalistes d’une entreprise de livraison et 9 syndicalistes d’une compagnie de bus ont été levées car le ministère de l’Emploi et du Travail n’avait pas donné son approbation. Travailleurs et employeurs participent aux travaux de l’organe national de contrôle compétent mais cet organe a besoin de crédits et d’effectifs à plein temps pour s’acquitter réellement de ses fonctions de lutte contre les atteintes aux droits syndicaux. Il convient de noter favorablement les propositions législatives émanant des partenaires tripartites qui visent à modifier le Code du travail pour l’aligner sur la convention et d’autres normes de l’OIT. La pression devra être maintenue pour que ces propositions deviennent des lois. En conclusion, l’orateur a demandé instamment au gouvernement de: mettre un terme aux assassinats de syndicalistes et à d’autres violations des droits syndicaux; examiner le cas de l’assassinat d’Antonio Petalcorin qui, selon les syndicats, est lié à son intention de créer un syndicat; poursuivre et sanctionner les auteurs de violations des droits syndicaux; fournir des ressources financières suffisantes et des effectifs compétents à l’organe national de contrôle; mettre en œuvre de manière effective l’obligation d’obtenir l’approbation nécessaire avant d’engager des poursuites pénales contre les travailleurs dans les cas découlant de l’exercice du droit à la liberté syndicale ou liés à cet exercice; mettre un terme à la sanction sévère qu’est le licenciement lorsque des travailleurs ont participé à une grève illicite ou n’ont pas observé le décret d’attribution du Secrétariat au travail et à l’emploi; examiner d’urgence l’ensemble des projets de loi appuyés par les partenaires tripartites en vue de leur examen au Congrès qui portent sur la liberté syndicale et s’assurer qu’ils sont conformes aux normes de l’OIT; et ratifier la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
Le membre gouvernemental du Cambodge, s’exprimant au nom des Etats membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et de la République de Corée, a pris acte des efforts déployés par le gouvernement en ce qui concerne les questions liées à l’application de la présente convention et de la convention (no 98) et encourage à poursuivre la coopération technique avec le BIT. Les réformes tripartites instaurées par le gouvernement en réponse à la mission de haut niveau de l’OIT de 2009 incluent, entre autres, la mise en place de mécanismes de surveillance et d’enquête, tels que le NTIPC-MB, le MNS et l’IAC; et du renforcement, depuis 2010, des capacités des points de contact nationaux et régionaux tels que la police, l’armée, le pouvoir judiciaire et le parquet pour ce qui est du respect de la liberté syndicale et de la négociation collective ainsi que des réformes de la juridiction du travail, l’établissement de liens entre les mesures d’incitation commerciale et le respect des droits au travail, et une piste créative pour faire en sorte d’obtenir un taux élevé de conformité avec les normes du travail par une transformation du mécanisme de mise en application qui est devenu le LLCS. L’orateur a souligné la diminution prononcée du nombre de cas de violation des droits syndicaux qui concrétise le règlement de cas de violation des libertés civiles et des droits syndicaux, et il appelle la commission a tenir compte des efforts et progrès précités et tout particulièrement des engagements pris par le gouvernement à mettre ces mécanismes légaux et institutionnels en cohérence avec les prescriptions de la présente convention et de la convention no 98.
La membre gouvernementale des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’ex-République yougoslave de Macédoine, de la Norvège et de la République de Moldova, a insisté sur la participation active des Etats Membres susmentionnés dans la promotion de la ratification universelle et de l’application des normes fondamentales du travail dans le cadre du Plan d’action sur les droits de l’homme, adopté en juillet 2015. Elle a rappelé les engagements pris par les Philippines dans le cadre de l’accord SPG+ et de l’accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’UE et ses Etats membres, d’une part, et le gouvernement des Philippines, d’autre part. Elle a relevé avec une profonde préoccupation les allégations d’atteinte à la liberté syndicale aux Philippines et, en particulier, l’assassinat de dirigeants syndicaux, l’enlèvement et la détention arbitraire de syndicalistes et la tragique augmentation des fausses accusations portées contre ces derniers. Tout en saluant la création, par le gouvernement, d’entités de contrôle chargées d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et les actes de torture, elle a souscrit à l’opinion de la commission d’experts et exprimé le ferme espoir que les organismes créés enquêteront avec la participation active des partenaires sociaux comme il convient sur tous les cas, établiront les responsabilités et puniront les auteurs de tels actes. Se référant au programme UE Philippines de soutien au système judiciaire, dont la mise en œuvre en est actuellement à la deuxième phase, elle a instamment prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de cas faisant l’objet d’une enquête et les sanctions imposées. En outre, conformément à l’observation de la commission d’experts, le gouvernement devrait prendre des mesures pour modifier le Code du travail afin de le mettre en conformité avec la convention pour veiller à ce que le projet de loi no 5886 préserve le droit de tous les travailleurs aux Philippines de constituer des organisations et de s’y affilier – qu’ils aient un permis de séjour et de travail ou non –, ainsi que pour adopter une législation garantissant aux travailleurs du secteur public, aux travailleurs temporaires ou aux travailleurs en sous-traitance, ainsi qu’aux travailleurs occupant des postes de direction, le droit de créer des organisations pour défendre leurs intérêts au travail et de s’y affilier. Le nombre minimum de membres nécessaires à la constitution d’un syndicat indépendant devrait être déterminé en consultation avec les partenaires sociaux et l’autorisation préalable du gouvernement à toute assistance étrangère devrait être abrogée. Une législation en la matière devrait être adoptée pour donner effet à l’intention du gouvernement de limiter l’arbitrage obligatoire aux services essentiels et pour lever les sanctions pénales imposées en cas d’exercice du droit de grève.
Le membre travailleur du Japon, s’exprimant également au nom de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), a déclaré que les syndicats devraient avoir le droit d’organiser leurs activités sans ingérence du gouvernement. Il a partagé la profonde préoccupation de la commission d’experts au sujet des nombreuses violations graves des droits syndicaux, incluant les harcèlements, disparitions et meurtres de syndicalistes, considérant que la situation actuelle dans le pays pourrait décourager des investissements étrangers et prié instamment le gouvernement d’enquêter sur les meurtres.
Le membre employeur du Royaume-Uni, faisant référence à l’observation de la commission d’experts relative au droit de grève, a rappelé qu’il n’y avait pas de consensus entre les partenaires sociaux sur la question de savoir si la convention no 87 incluait le droit de grève. Il a souligné que le groupe gouvernemental a estimé que le droit de grève devait être réglementé au niveau national et s’est inquiété que la commission d’experts continue de faire des observations relatives au droit de grève dans le cadre de la convention no 87. Ces observations, destinées à faciliter les travaux de la présente commission, la plus haute instance du système de contrôle de l’OIT selon l’orateur, pourraient être mal interprétées. Il a donc souhaité que la commission d’experts réfléchisse aux tensions que de telles observations génèrent et à l’importance de l’harmonie entre les partenaires sociaux et le groupe gouvernemental au sein du système de contrôle de l’OIT.
Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (ISP) a rappelé la précédente discussion sur ce cas en 2009 et a fait observer que l’approche «douce» adoptée en termes d’initiatives des gouvernements et d’assistance du BIT disponible n’avait pas abouti aux résultats escomptés puisque le cas faisait à nouveau l’objet d’une discussion. Les problèmes principaux restent liés à la réforme de la législation du travail et à la non-conformité avec les dispositions de la convention. Faisant référence à l’intervention du membre travailleur des Philippines, elle espère que le nouveau président honorera les promesses de mettre fin à l’emploi de contrats courts illégaux et de faire respecter le droit des travailleurs à la sécurité de l’emploi. Dans le même temps, elle rappelle que le changement de gouvernement implique de reprendre des négociations complexes et fait allusion aux déclarations ambigües tenues par le Président pendant la campagne électorale, s’apparentant davantage à une menace qu’à une invitation à coopérer. Les organisations affiliées à l’ISP ont coopéré de bonne foi avec l’ancien gouvernement et des résultats encourageants avaient été enregistrés lors de la campagne de ratification de la convention no 151. De son point de vue, cela est avant tout dû au travail mené par les partenaires sociaux dans le secteur public et les résultats obtenus dans le secteur public devraient servir de bonnes pratiques pour la mise en place de relations sociales correctes dans le secteur privé. Rappelant la déclaration finale ferme des membres employeurs sept ans auparavant sur le besoin d’adopter une action urgente pour appliquer la convention en droit et en pratique, elle a espéré que les trois mandants de l’OIT joindront leurs efforts pour parvenir à un changement tangible aux Philippines.
La membre travailleuse de la République de Corée a attiré l’attention de la commission sur la violation de la liberté syndicale dans les zones franches d’exportation (ZFE). Malgré que le bureau du ministère de l’Emploi et du Travail ait promis de modifier le Code du travail et d’enquêter sur les exécutions extrajudiciaires des syndicalistes suite à la mission de haut niveau de l’OIT de 2009, il subsiste encore des violations de la liberté syndicale, des pratiques antisyndicales et une ingérence de la part des employeurs, surtout dans les ZFE. La Confédération coréenne des syndicats (KCTU) surveille étroitement la situation des droits des travailleurs dans les ZFE, en particulier à Cavite, la plus grosse ZFE du pays, employant 60 000 travailleurs, et à Laguna. Selon les entretiens conduits avec les travailleurs en 2014 et les informations recueillies par la KCTU et d’autres ONG en République de Corée, les travailleurs subissent souvent des pressions lorsqu’ils essayent de mettre en place un syndicat. Par exemple, selon un travailleur d’une entreprise coréenne de Cavite, le 24 juin 2014, les travailleurs ont présenté une pétition pour la certification d’une élection au ministère de l’Emploi et du Travail afin de mettre en place un syndicat indépendant. Sur 258 travailleurs, 95 ont signé la pétition mais 35 se sont ravisés après que l’entreprise ait menacé de déménager si un syndicat était formé. L’entreprise a également forcé les travailleurs à signer une déclaration promettant de ne pas rejoindre le syndicat, leur offrant en échange une aide financière pour réparer les dégâts causés par les typhons. Selon un travailleur d’une autre entreprise, l’ingérence de la direction est systématique lorsqu’un travailleur essaye d’établir un syndicat, et cela passe parfois par une promotion ou une augmentation salariale. La liberté syndicale est alors en danger et la complicité des organismes d’Etat, en particulier celles du ministère de l’Emploi et du Travail et des autorités des zones franches d’exportation des Philippines sur les pratiques antisyndicales et la gestion de l’ingérence dans les syndicats doit être sérieusement analysée. La réforme du Code du travail, recommandée par la commission d’experts, doit être finalisée en urgence afin d’assurer que tous les travailleurs puissent exercer la liberté syndicale sans craindre d’ingérence.
Le membre gouvernemental de l’Inde a noté que le gouvernement s’est engagé à traiter toutes les questions relatives à l’application des conventions nos 87 et 98. Suite à la mission de haut niveau de l’OIT, qui a eu lieu en 2009, bon nombre de réformes importantes ont été entreprises afin de rendre les politiques et les mesures nationales conformes aux obligations internationales. On notera, entre autres, un renforcement des capacités et une meilleure prise de conscience des agences chargées de faire respecter la loi et d’autres parties prenantes, ainsi qu’une augmentation du nombre de fonctionnaires chargés de l’application de la loi. Ces mesures ont eu un effet positif sur le respect des droits et de la protection du travail, y compris la promotion du dialogue social. La commission devrait tenir compte des progrès accomplis dans la préparation de ses conclusions et le gouvernement devrait poursuivre sa coopération déjà ancienne avec le BIT, tout en sollicitant son assistance technique, si nécessaire.
La membre travailleuse de l’Indonésie a attiré l’attention de la commission sur le recours massif au travail contractuel aux Philippines, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, qui prive les travailleurs de la sécurité qu’entraînent la titularisation et les avantages sociaux, ainsi que le droit d’organisation, les excluant ainsi de toute négociation collective. Il est inquiétant de constater que, de plus en plus, l’emploi régulier dans l’administration publique est remplacé par un travail contractuel. Les Philippines comptent actuellement presque 20 millions de travailleurs contractuels sur un total de 42 millions de travailleurs. Dans le cadre du travail contractuel, un travailleur a été recruté pour cinq mois, licencié et à nouveau recruté pour cinq mois par un employeur, ce qui permet à ce dernier de ne pas payer les contributions sociales liées à la santé auxquelles les salariés réguliers ont droit. Ce travail par contrat de cinq mois est un travail contractuel, appelé également «5-5-5» ou «endo» (fin de contrat). Cette pratique constitue une atteinte au droit du travail, qui oblige les employeurs à régulariser les travailleurs après six mois de service continu et à leur faire bénéficier pleinement des avantages tels que l’assurance santé, la couverture du système de sécurité sociale et le logement. L’emploi précaire est de toute évidence étroitement lié au nombre croissant de pauvres aux Philippines. De plus, le travail contractuel et le travail intérimaire ont affaibli le mouvement syndical car le nombre de travailleurs permanents a été réduit, alors que ce sont eux qui constituent traditionnellement la base des syndicats. Ces derniers rencontrent des difficultés à syndiquer les travailleurs contractuels qui vivent dans la crainte de perdre leur emploi. Le pouvoir de négociation est mis à rude épreuve du fait que les employeurs préfèrent avoir recours à des travailleurs de courte durée. A l’heure actuelle, moins de sept pour cent de la main-d’œuvre totale des Philippines est syndiquée et le nombre des travailleurs couverts par les conventions collectives est encore inférieur (environ 228 000 travailleurs en 2013). Des tentatives prises aux Philippines par la Fédération des travailleurs libres et par d’autres syndicats, visant à organiser les travailleurs contractuels employés dans des centres commerciaux, ont échoué en raison d’un mécanisme puissant de démantèlement des syndicats auquel les employeurs ont eu recours. Malgré un tel mécanisme, la Fédération des travailleurs libres continue à fédérer les travailleurs afin de lutter contre le travail précaire et le recours massif au travail contractuel dans le pays. Le gouvernement est instamment prié de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec la convention no 87 et de ratifier la convention no 151.
Le membre travailleur du Burkina Faso s’est déclaré inquiet du grand nombre de cas individuels relatifs à la convention no 87 et rappelé que les questions débattues par la Conférence sont toutes basées sur le respect du thermomètre social qu’est l’organisation syndicale et de ses fonctionnalités que sont la liberté syndicale et le droit de grève. Sans ceux-ci, parler de syndicat serait une vue de l’esprit. La situation aux Philippines est alarmante et il convient de féliciter tant la commission d’experts pour son travail que les gouvernements et les employeurs qui se conforment à leurs obligations internationales. Dans un contexte de libéralisme à outrance où le système œuvre au quotidien à saccager l’équilibre normatif, aucune position sociale n’est acquise ou stable. Or, pouvoir et richesse sans encadrement normatif sont le socle de l’injustice sociale, terreau fertile des guerres. L’orateur a conclu en indiquant que la question de l’éducation est fondamentale pour donner le sens de l’engagement et de la parole donnée et œuvrer pour un monde dans lequel les rapports sociaux sont véritablement humains.
La représentante gouvernementale, prenant note des déclarations faites et se disant satisfaite du dialogue qui s’en est suivi, a souligné que les projets de loi étaient prêts, même si les réformes n’étaient pas achevées, qu’ils bénéficiaient de l’appui de l’ensemble des partenaires sociaux du NTIPC et que le nouveau Congrès les étudierait. En ce qui concerne les affaires pénales liées à l’exercice des droits au travail, il existe une volonté commune de mettre fin à l’impunité et de poursuivre les efforts déployés pour renforcer les capacités, en renforçant les pouvoirs et les ressources de l’organe de surveillance du NTIPC afin qu’il puisse mener des enquêtes indépendantes pour aider la police et les procureurs. En ce qui concerne le travail contractuel, le gouvernement ne tolère pas les contrats et les contrats de sous-traitance illégitimes qui visent à contourner la législation du travail. En attendant que les trois projets de loi déjà établis sur la question soient adoptés, le gouvernement applique strictement l’ordonnance ministérielle 18-A qui précise les pratiques autorisées et les pratiques interdites, qui bénéficie du soutien des employeurs et des travailleurs, et qui aboutit à la régularisation des travailleurs en cas d’infraction. La discussion qui a eu lieu invite le gouvernement à rester axé sur la mise en œuvre des recommandations de la mission de haut niveau de 2009, qui a déjà porté ses fruits. Quant au droit de grève, les préoccupations exprimées ont quasiment perdu toute pertinence car la question de l’exercice de la compétence ne se pose presque plus puisque le gouvernement facilite activement la conciliation entre les parties afin de parvenir à un règlement. La prochaine administration recevra toutes les informations sur les mesures prises depuis 2009 et les commentaires formulés pour combler toute lacune subsistante en matière de mise en œuvre de la convention en droit et dans la pratique.
Les membres travailleurs ont souligné qu’un climat de violence, y compris l’assassinat de dirigeants syndicaux, entrave gravement l’exercice des droits syndicaux. Des mécanismes de contrôle ont été mis en place pour lutter contre la violence antisyndicale mais, manifestement, ils n’ont pas suffi pour empêcher l’assassinat de syndicalistes ou pour mettre un terme à l’impunité. Le gouvernement doit redoubler d’efforts et, conjointement avec les représentants syndicaux, trouver des solutions efficaces pour protéger les syndicalistes en danger et pour que des enquêtes soient menées afin d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les auteurs de ces actes. Les membres travailleurs sont profondément préoccupés par les divers moyens utilisés pour priver les travailleurs de l’exercice de leurs droits soit par leur exclusion de la législation du travail, le recours à des contrats de courte durée ou la classification erronée de la relation de travail. Tous les travailleurs devraient pouvoir jouir de la liberté syndicale; le gouvernement doit le garantir en droit et dans la pratique, ainsi que le droit de négocier collectivement avec l’employeur auquel ils sont liés par une relation de travail. Les violations de la liberté syndicale dans les zones franches d’exportation constituent un problème grave depuis de nombreuses années; malgré l’attention portée régulièrement à cette question, la situation ne s’est pas améliorée. Le gouvernement devrait agir sans tarder pour garantir l’exercice de la liberté syndicale dans ces zones. En ce qui concerne les questions législatives soulevées par la commission d’experts au sujet du droit de grève, notamment l’imposition d’un arbitrage obligatoire dans des secteurs qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, et la possibilité d’infliger des sanctions pénales au motif de la participation à une grève pacifique, les membres travailleurs ont rappelé que nul ne devrait être détenu au motif d’une action collective pacifique. Se référant aux observations de la commission d’experts, les membres travailleurs ont demandé instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’impunité en ce qui concerne les actes de violence commis à l’encontre de syndicalistes, et de mener des enquêtes indépendantes afin que les auteurs intellectuels et matériels de ces crimes soit détenus, jugés et, si leur culpabilité est établie, dûment sanctionnés. Des crédits suffisants devraient être allouées et des effectifs engagés à cette fin. De plus, les membres travailleurs ont demandé instamment au gouvernement de: prendre des mesures appropriées pour empêcher que d’autres syndicalistes ne soient assassinés, y compris des dispositifs de protection pour les syndicalistes qui, de l’avis d’un organe impartial, sont en danger; s’assurer que tous les travailleurs sans distinction, y compris les travailleurs migrants, les personnes occupant des postes de direction ou ayant accès à des informations confidentielles, les sapeurs-pompiers, les gardiens de prison et d’autres agents du secteur public, les travailleurs temporaires ou occupés en régime de sous traitance ainsi que les travailleurs qui ne sont pas liés par un contrat de travail puissent exercer leur droit à la liberté syndicale; prendre des mesures efficaces pour interdire la classification intentionnellement erronée de travailleurs qui les privent du libre exercice de la liberté syndicale; veiller à ce que la loi sur la sécurité ne serve pas à interdire des activités syndicales légitimes; diminuer le nombre minimum requis de membres pour pouvoir enregistrer un syndicat, une fédération ou une confédération; permettre aux syndicats de recevoir une aide financière étrangère, y compris d’un syndicat international, sans autorisation préalable; et modifier les articles 263 g), 264 et 272 du Code du travail. Une mission de contacts directs devrait se rendre aux Philippines cette année pour s’assurer de la suite donnée aux recommandations susmentionnées.
En ce qui concerne le droit de grève, les membres travailleurs ont souligné que les membres employeurs ont déformé à nouveau la déclaration que le groupe gouvernemental a formulée en février 2015: «Le groupe gouvernemental reconnaît que le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe et droit fondamental au travail de l’OIT. Il reconnaît en outre expressément que, sans protection de ce droit de grève, la liberté syndicale et, en particulier, le droit d’organiser des activités pour promouvoir et protéger les intérêts des travailleurs ne peuvent être pleinement garantis». Même s’il ne s’agit pas d’un droit absolu, on ne peut pas accepter que la portée de ce droit soit réglementée seulement au niveau national car cela ferait perdre tout son sens au reste de la déclaration du groupe gouvernemental. Les membres employeurs reconnaissent que la commission d’experts et la commission de la Conférence constituent les deux piliers du système de contrôle de l’OIT. Par conséquent, les membres travailleurs ne comprennent pas la position des membres employeurs selon laquelle les gouvernements n’ont pas l’obligation de répondre à la commission d’experts mais seulement celle de suivre l’orientation politique donnée à ce rapport par la commission de la Conférence. Cela priverait de sens l’action de la commission d’experts. Cela conduirait aussi à une interprétation erronée selon laquelle la commission de la Conférence serait supérieure à la commission d’experts et, en quelque sorte, superviserait l’action de la commission d’experts. Enfin, les membres travailleurs ne parviennent pas à comprendre comment les observations d’un organe indépendant comme la commission d’experts qui est chargée d’évaluer l’application par les Etats de la convention peuvent être remises en question au motif qu’elles seraient déséquilibrées, alors qu’elles expriment la préoccupation de la commission d’experts lorsque la convention n’est pas appliquée.
Les membres employeurs ont pris acte de la discussion approfondie du cas et indiqué que la réalité des problèmes et des allégations ne fait aucun doute. Ils ont soutenu l’appel à l’action des membres travailleurs et la plupart de leurs recommandations. Ils ont aussi pris acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle ces problèmes doivent être examinés en tenant compte du contexte de chaque cas, car chaque cas est unique. Du reste, sans dénigrer le rôle de la CEACR, l’orateur a noté que la commission de la Conférence est l’instance finale qui s’appuie sur les faits rapportés par les experts. Si la commission ne peut mener ses travaux sans le rapport de la commission d’experts, la CEACR ne devrait pas formuler de conclusions ou d’orientations pour chaque cas, cette tâche incombant à la commission de la Conférence. Pour conclure, l’orateur a indiqué que, en l’absence d’un avis unanime, il va être donné suite aux points soulevés à propos de la convention no 87 de la façon convenue et félicité le gouvernement pour les mesures prises en l’invitant à considérer toute assistance technique pouvant lui être offerte.
Conclusions
La commission a pris note des informations fournies par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.
La commission a pris note avec préoccupation des nombreuses allégations de violence antisyndicale et de l’absence de progrès dans les enquêtes sur ces nombreux cas. La commission a noté que le gouvernement a introduit des réformes législatives pour répondre à certaines préoccupations de la commission d’experts, mais elle a regretté qu’elles n’aient pas été adoptées et a prié instamment le gouvernement de mettre la législation en conformité avec la convention.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement:
Le gouvernement devrait accepter une mission de contacts directs cette année pour donner suite à ces conclusions.
La représentante gouvernementale a remercié la commission pour ses remarques constructives, qui ont aidé le gouvernement à faire face aux lacunes constatées dans l’application de la convention. Elle émet toutefois une réserve concernant la demande de mission de contacts directs, car elle n’est pas parvenue à convaincre l’administration qui prendra ses fonctions à la fin du mois de prendre cet engagement.
Note 1: Le mécanisme national de contrôle est une instance tripartite réunissant des organismes gouvernementaux, des ONG, des organisations de la société civile et l’institution nationale des droits de l’homme. Il s’agit d’une instance digne de confiance et inclusive chargée de suivre les progrès réalisés par le pays en matière de règlement des cas d’atteintes aux droits de l’homme, en accordant dans l’immédiat la priorité à la lutte contre les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et les actes de torture. Ce mé- canisme se réunit régulièrement. A l’heure actuelle, la Commission des droits de l’homme, avec les autres organismes concernés, y compris le Département du travail et de l’emploi, enquête sur la situation des droits de l’homme sur l’île de Semirara (municipalité de Caluya, province d’Antique), suite à l’accident survenu dans la mine de charbon à ciel ouvert de la Semirara Mining Corporation.
Une représentante gouvernementale a exprimé des regrets pour le retard dans la soumission des réponses du gouvernement concernant l’application de la convention no 87. Ces réponses ont été soumises le 1er juin 2009, le retard étant dû au temps considérable consacré à la conduite de consultations avec les agences gouvernementales concernées et les partenaires sociaux. Les consultations ont pris en compte les questions soulevées dans le rapport de la commission d’experts de 2009, lequel contenait une demande au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau du BIT afin de parvenir à une meilleure compréhension de tous les aspects du problème. Suite à ces consultations, le gouvernement a décidé d’accepter la mission du BIT aussitôt que possible.
Le gouvernement accueille favorablement le fait que la mission se déroule en cette période opportune, après que les partenaires tripartites aient adopté le Programme commun 2008-2010 sur le travail décent pour les Philippines sur le thème «Réduire les déficits de travail décent», avec l’assistance du bureau sous-régional du BIT. L’objectif stratégique no 1 du programme commun comprend 13 points concernant les droits au travail que le gouvernement et les partenaires sociaux ont accepté de mettre en oeuvre pour renforcer le respect des conventions ratifiées, notamment les huit conventions fondamentales. L’un des points abordés concerne les réformes du droit du travail avec pour objectif de développer une position globale tripartite sur un projet de réforme qui mettrait la législation nationale en conformité avec la convention. Au début, ceci impliquerait l’examen et la formulation d’une position commune des syndicats sur des modifications possibles du Code du travail, notamment ses articles 234(c), 269, 272(b), 263(g), 264(a), 272(a), 237(a) et 270, auxquels la commission d’experts se réfère dans son rapport. Se référant à l’article 263(g), l’oratrice a indiqué que quatre projets de lois faisaient déjà l’objet de discussions au sein des deux chambres du Congrès: les propositions de lois du Sénat nos 159 et 606 et les propositions de lois de la Chambre nos 2112 et 1717, qui limitent l’autorité du Secrétaire au travail à des secteurs spécifiques de l’économie. Le groupe des travailleurs a souscrit au projet de réforme par le biais de la Fédération des travailleurs libres. En ce qui concerne la réduction du taux de 30 pour cent d’adhésion requis pour l’enregistrement de syndicats dans le secteur public et pour que les syndicats puissent être pleinement représentés au Conseil de gestion du travail du secteur public (PSLMC), le gouvernement a mis à l’ordre du jour l’examen et la possible révision de l’ordonnance exécutive no 180, et le groupe des travailleurs du conseil organise un forum sur le travail décent dans le secteur public.
En ce qui concerne le Cadre pour l’application des normes du travail, formulé en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance du bureau sous-régional du BIT, les partenaires tripartites entreprendront un audit sur l’inspection du travail en juillet 2009, dans un effort de collaboration basé sur la demande du gouvernement d’améliorer l’efficacité et la gouvernance du système d’inspection du travail. Le groupe des travailleurs du conseil, à travers le Congrès des syndicats des Philippines (TUCP), conduira également des recherches sur les modalités de l’application des normes du travail pour rendre l’inspection du travail plus réactive aux besoins émergents des travailleurs et pour l’aider à faire respecter le système d’application des normes du travail. Le groupe des travailleurs du conseil conduira aussi des activités de formation pour doter les travailleurs et leurs organisations des connaissances techniques et des compétences nécessaires pour accroître leur participation dans la mise en application des normes du travail. Le groupe des employeurs du conseil aidera les entreprises à accroître le respect des normes du travail grâce à des formations et au déploiement d’assesseurs de conformité sociale, utilisant 8 000 SA au titre de la responsabilité sociale.
En ce qui concerne les allégations de restrictions aux droits des travailleurs et d’intervention de la police et des militaires dans les conflits sociaux, notamment dans les zones économiques spéciales, le gouvernement a maintenu un programme d’éducation en matière de gestion du travail sur l’emploi et les relations sociales ciblant les expatriés et les travailleurs. Le TUCP a fourni également une éducation à distance sur les principes fondamentaux et les droits au travail pour sensibiliser et accroître les compétences des travailleurs, des syndicats et des groupes de soutien aux travailleurs sur l’exercice efficace de leurs droits sociaux fondamentaux. Le groupe des employeurs a adopté également une approche de la compétitivité globale basée sur les droits à travers la promotion des principes fondamentaux et des droits au travail, alignée sur le principe de la responsabilité sociale des entreprises.
Les autres mesures comprennent l’examen, en consultation avec les partenaires sociaux, des Lignes directrices conjointes relatives à la conduite du personnel des forces de police, des gardiens de sécurité privés et des entreprises privées de gardiens pendant les grèves et les piquets de grève, afin de faciliter une meilleure mise en oeuvre. Les lignes directrices définissent le rôle du ministère du Travail et de l’Emploi et de la police, et fixent des conditions strictes concernant l’implication des militaires dans les conflits du travail. Le Mémorandum d’entente sociale sur le travail et les questions sociales relatives aux activités des entreprises multinationales d’investissements directs étrangers doit également faire l’objet d’une révision. Le mémorandum réaffirme l’engagement de respecter les principes des conventions fondamentales de l’OIT et le droit des travailleurs à la liberté d’association et de négociation collective. Dans le cadre du tripartisme et du dialogue social, une série de forums ont été organisés pour un large éventail de membres de la société sur les normes internationales du travail et les lois nationales, afin de renforcer la conformité du gouvernement avec les conventions de base. L’objectif est de mieux faire connaître le rôle des normes internationales du travail et le travail décent, déjà intégrés dans le Plan de développement à moyen terme 2004-2010 du pays, en vue de l’intégration du travail décent dans les politiques, plans et programmes, et d’assurer une mise en oeuvre plus effective.
En ce qui concerne les allégations d’assassinats extrajudiciaires de syndicalistes, le gouvernement se félicite de l’opportunité pour la mission de haut niveau du BIT d’avoir des contacts directs avec les requérants et les autorités compétentes concernées. Cela permettra à la mission d’avoir une meilleure appréciation et compréhension du cas et de recommander des mesures appropriées pour assurer une enquête équitable et rapide, ainsi que la poursuite et la condamnation des contrevenants.
Les Philippines ont démontré, à travers une longue histoire de coopération harmonieuse avec l’OIT, l’objectif commun et un engagement ferme d’assurer un travail décent pour tous les Philippins dans les conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité. Cet engagement est également partagé par les partenaires sociaux, tel que réaffirmé dans la Déclaration conjointe sur la mise en oeuvre de l’Agenda pour le travail décent 2008-2010 dans laquelle ils se sont engagés à maintenir leur engagement en faveur de la Déclaration de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail, le respect et la promotion de la liberté d’association, la reconnaissance du droit à la négociation collective, l’abolition du travail forcé, l’élimination du travail des enfants et l’élimination de la discrimination à l’égard de l’emploi et de la profession. Les partenaires sociaux ont reconnu le besoin urgent de s’attaquer à l’insuffisance de travail décent dans le pays et ont convenu que le troisième cycle de l’Agenda conjoint pour le travail décent des Philippines doit être participatif, fondé sur les résultats, axé sur l’impact et avec des responsabilités clairement définies. L’agenda a pour thème «Réduire le déficit de travail décent» comme programme conjoint pour représenter leur aspiration d’augmenter les chances pour les femmes et les hommes d’obtenir un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine. Les partenaires sociaux ont également convenu que l’Agenda conjoint pour le travail décent représente le point de convergence de leurs activités contribuant à l’objectif commun de réduire les lacunes du travail décent en améliorant la productivité, la compétitivité, la représentation et l’équité au travail.
Il convient également de noter que, à l’occasion du 90e anniversaire de l’OIT, le Président des Philippines a eu l’occasion de renouveler cet engagement lors de la promulgation de la Proclamation no 1752 déclarant la semaine du 21 avril au 1er mai 2009 «semaine de l’OIT». Le représentant du gouvernement a assuré la commission que le gouvernement élargira son soutien et son assistance afin d’assurer le succès de la mission de haut niveau aux Philippines. L’oratrice a conclu en exprimant l’espoir que les informations fournies par le gouvernement seront utiles à la mission de haut niveau dans l’exercice de son mandat.
Les membres travailleurs ont souligné que les violations de la convention sont nombreuses et diverses et perdurent depuis des années. Il s’agit notamment d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes et d’autres activistes comme des meurtres, des tentatives d’assassinats ou des enlèvements et autres actes de torture. Ces multiples violations ont déjà été identifiées par la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale à maintes reprises. Or, cette année, le gouvernement n’a pas remis de rapport à temps. Il vient de le faire avec un retard de plusieurs mois en réitérant des informations déjà fournies précédemment. Il s’est référé notamment à la création en 2007 de la Commission Melo, organe indépendant chargé d’examiner les meurtres de journalistes et d’activistes; du suivi de l’installation de tribunaux régionaux spéciaux; de la création d’une unité spéciale au sein de la police nationale; de l’organisation en 2007 par la Cour suprême d’un sommet consultatif sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées; et de l’instauration d’une procédure dite amparo pour la protection de droits constitutionnels.
Ces mesures n’ont néanmoins pas permis de constater beaucoup de progrès dans la pratique. De nouvelles exécutions sommaires ont en effet eu lieu en 2007 et 2008, portant à 87 le nombre de syndicalistes tués depuis 2001. Cinq dirigeants syndicaux ont été assassinés et trois syndicalistes enlevés entre juillet 2007 et août 2008. D’autres ont été intimidés et menacés, ou figurent sur des listes noires consultables sur Internet. Les manifestations sont toujours dispersées violemment et les relations de travail sont davantage militarisées dans les zones franches et les zones économiques spéciales, comme la commission aura l’occasion de s’en rendre compte en entendant des témoignages édifiants à ce propos. Ces centaines d’actes de violence ne sont suivis ni d’enquêtes ni de condamnations puisque, ces cinq dernières années, seules deux affaires ont entraîné la condamnation de quatre prévenus sans qu’aucune ne concerne des actes antisyndicaux.
La mission de haut niveau proposée par la commission en 2007 vient juste d’être acceptée par le gouvernement. Il faut s’en réjouir car la situation n’a pas vraiment changé. Ce constat vient d’être confirmé par le Rapporteur spécial des Nations Unies dans un rapport récent faisant état de la diminution des exécutions extrajudiciaires, mais également de nombreux cas d’impunité. Aux termes dudit rapport, le manquement le plus important a été le défaut du gouvernement d’institutionnaliser ou de mettre en oeuvre les multiples réformes préconisées. En l’absence de ces démarches, le progrès accompli reste fragile et facilement réversible.
Enfin, certains autres problèmes d’ordre juridique subsistent. La loi sur la sécurité des personnes définit ainsi le terrorisme en des termes vagues comme un acte qui provoque une peur et une panique généralisées et exceptionnelles dans la population. En 2007, la commission avait demandé des précisions quant aux effets de cette loi sur l’application des dispositions de la convention, sans qu’aucune information n’ait été donnée à ce jour. En outre, depuis plusieurs années, la commission d’experts demande l’introduction de modifications des dispositions du Code du travail relatives à la condition, aux fins de l’enregistrement des syndicats, que ceux-ci fournissent le nom de tous leurs membres, et qu’ils totalisent au minimum 20 pour cent d’affiliés au sein de l’établissement concerné. En 2007, le gouvernement avait indiqué que le Code du travail aurait été modifié sans avoir, à ce jour, été en mesure de transmettre ladite modification. D’autres modifications du Code du travail sont requises en ce qui concerne la nécessité de limiter l’arbitrage obligatoire aux seuls services essentiels au sens strict du terme; celle de revoir les sanctions en cas de participation à une grève considérée illégale; la nécessité d’abaisser le nombre excessif de syndicats requis (dix) pour pouvoir former une fédération ou confédération; et celle de ne plus soumettre l’aide étrangère à des syndicats à l’autorisation préalable d’un ministre ou Secrétaire d’Etat.
Outre ce type de législation et le climat de violence, certains mécanismes économiques, comme une contractualisation excessive externalisant le travail à grande échelle, peuvent également être utilisés pour réprimer le syndicalisme. Ces mécanismes sont en eux-mêmes prohibitifs car ces travailleurs «contractualisés» pour une durée maximale de cinq mois ne sauraient rêver de syndicalisme s’ils veulent garder leur emploi et leur revenu. Il s’agit là d’une pratique qui est devenue un moyen en apparence innocent mais d’autant plus efficace pour freiner le syndicalisme et contourner l’application effective des droits fondamentaux garantis par la convention.
Les membres employeurs ont remercié le représentant du gouvernement pour les informations fournies. Ils ont néanmoins exprimé leur surprise devant le peu de place réservée par ce dernier à la question de l’impunité, aux arrestations et aux harcèlements des syndicalistes, alors que ces thèmes occupent la majeure partie de l’observation de la commission d’experts. Le gouvernement semble également manquer de volonté pour faire évoluer la situation. Il a fallu au gouvernement deux ans pour accepter la mission de haut niveau, et il faut s’assurer que celle-ci abordera certains aspects fondamentaux de ce cas pour que des progrès puissent être réalisés dans le traitement des questions de l’impunité et du respect de la convention en droit comme dans la pratique. Sans entrer dans les détails qui ont été passés en revue de manière très approfondie par les membres travailleurs, il convient de noter les explications fournies en ce qui concerne la réponse tardive à l’observation de la commission d’experts ainsi que les évolutions très positives que représente la consultation accrue des partenaires sociaux aux fins de la préparation du rapport, point sur lequel le gouvernement doit être félicité. Les problèmes sont néanmoins plus fondamentaux que l’adoption d’un agenda du travail décent, car ils sont au cœur de la question de la liberté d’association. Les conclusions doivent dès lors mettre l’accent sur la gravité de la situation d’impunité et réaffirmer l’urgente nécessité d’agir afin de résoudre les problèmes existant de longue date et empêchant l’application de la convention tant en droit que dans la pratique. En conclusion, les membres employeurs ont rappelé que la convention n’est pas de nature promotionnelle, mais fixe plutôt des normes minimales auxquelles il faut donner effet dès après la ratification.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a déclaré qu’elle restait très préoccupée par la situation des droits des travailleurs aux Philippines, notamment en ce qui concerne la liberté syndicale, particulièrement au vu de l’examen en cours du statut des Philippines en tant que pays bénéficiaire du Système généralisé de préférences des Etats-Unis (GSP). L’une des préoccupations principales mise en évidence par la demande de réexamen du statut des Philippines au regard du GSP avait concerné la réticence du gouvernement à accepter qu’une mission de haut niveau de l’OIT se rende dans le pays afin d’évaluer tous les aspects de l’application de la convention no 87 par les Philippines, comme cela avait été demandé par la commission en 2007. Elle s’est déclarée très heureuse d’apprendre que le gouvernement avait récemment décidé de recevoir une telle mission. Les questions examinées par la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale sont graves et connues de longue date. Les cas de violations des droits civils de syndicalistes et de dirigeants syndicaux sont également bien documentés. L’oratrice a exhorté le gouvernement à coopérer pleinement avec le BIT et à prendre les mesures nécessaires pour appliquer les recommandations faites suite à l’assistance technique du BIT.
Le membre travailleur des Philippines a félicité le gouvernement d’avoir accepté que la mission de haut niveau examine les allégations de violation des droits syndicaux ainsi que les violations signalées, notamment les assassinats, tentatives d’assassinats, menaces de mort, enlèvements, disparitions, agressions, tortures, ingérences militaires dans les activités syndicales, la dispersion violente de manifestations et de piquets par la police, l’arrestation de dirigeants syndicaux en raison de leurs activités, ainsi que l’impunité générale dont bénéficient les auteurs de ces actes. L’acceptation par le gouvernement de la mission de haut niveau, suite à une consultation tripartite, démontre son engagement envers les processus de l’OIT. La mission constituera indubitablement le meilleur forum pour ceux qui veulent faire entendre leurs griefs et porter leurs demandes et allégations. Les membres de la mission de haut niveau auront la possibilité d’observer, d’enquêter et d’évaluer la situation afin d’établir la vérité.
L’orateur a condamné tous les cas d’exécutions extrajudiciaires, qu’elles soient commises par les forces armées régulières du gouvernement, par des forces armées rebelles ou par des éléments criminels. Il a par conséquent appelé le gouvernement à se mobiliser en vue de diligenter des enquêtes et de traduire les coupables en justice. Les exécutions extrajudiciaires créent un climat de peur qui ne favorise pas l’exercice des libertés publiques et de la liberté syndicale. Au contraire, elles sapent les fondations des institutions mondiales et nationales desquelles dépend la justice sociale.
L’orateur s’est déclaré convaincu que la mission de haut niveau n’a pas pour objet de faire établir des fautes ou une quelconque culpabilité, mais plutôt à explorer les causes directes et indirectes de la situation de manière objective et à développer les réponses appropriées à travers la coopération technique pour aider le pays à remplir ses obligations, ainsi que de suggérer des mesures concrètes et des moyens pratiques grâce auxquels l’OIT et les partenaires sociaux pourraient lutter contre les exécutions extrajudiciaires.
En ce qui concerne les demandes répétées des organes de contrôle de l’OIT d’aligner le Code du travail sur les différentes conventions, le pays a adopté le Programme commun sur le travail décent aux Philippines 2008-2010 sur le thème «Réduire les déficits de termes de travail décent», comprenant un programme des syndicats pour l’examen et la réforme du Code du travail, qui a été initié par la Fédération des travailleurs libres (FFW) avec l’appui du bureau sous-régional du BIT de Manille, et l’unité ACTRAV du BIT. Le programme a offert un lieu de rassemblement aux différentes organisations syndicales pour qu’elles parviennent à un accord concernant l’approche à adopter pour l’adaptation du Code du travail et la promotion des principes de la liberté syndicale dans le pays. La première phase du programme s’est récemment achevée, consistant en un certain nombre de consultations régionales auxquelles ont participé plus de 250 dirigeants syndicaux des secteurs privé et public représentant plus de 40 fédérations et alliances de travailleurs. Ils ont discuté des réformes dans les domaines de la promotion du syndicalisme, de la négociation collective et du droit de grève ainsi que de la lutte contre les effets dommageables d’arrangements flexibles en termes d’emploi sur les principes fondamentaux et les droits au travail. Sur la base des rapports et observations des organes de contrôle de l’OIT, les consultations ont également servi à discuter de projets de lois proposés par certaines organisations syndicales afin de renforcer les droits constitutionnels des travailleurs d’organisation et de négociation collective, de grève et à la protection de l’emploi. Un dialogue significatif servira aussi à engager les partenaires sociaux, notamment les employeurs, les travailleurs, le gouvernement et la société dans son ensemble, dans le processus d’examen et de réforme.
L’orateur a expliqué que la prochaine étape consisterait à synthétiser les conclusions et recommandations des consultations régionales et à assurer l’intégration des questions de genre dans les recommandations, sur la base de quoi les syndicats participants proposeront des mesures législatives visant à supprimer les dispositions législatives incriminées et appuieront les mesures propres à rattraper le retard pris au cours des deux dernières décennies pour permettre aux travailleurs de parvenir à la justice sociale et à la paix.
En attendant, en ce qui concerne les demandes répétées des organes de contrôle de l’OIT de modifier l’article 234(f) du Code du travail, qui impose la soumission de tous les noms des membres d’une organisation représentant au moins 20 pour cent de tous les employés dans l’unité de négociation dans laquelle elle cherche à opérer, l’orateur a indiqué que, avec l’adoption de la loi no 9481, cette obligation a déjà été supprimée. De même, en ce qui concerne l’usage aveugle de la reconnaissance de compétence en matière de conflit social posé par l’article 263(g), le représentant gouvernemental avait indiqué à la Commission de la Conférence en 2007 que le gouvernement était d’accord pour limiter l’exercice de la reconnaissance de compétence aux cas concernant les services essentiels, tels que définis par l’OIT.
Le programme adopté par les partenaires sociaux tripartites fait suite à une autre initiative soutenue par l’OIT visant à développer les compétences de syndicalistes pour ce qui est de l’utilisation d’instruments internationaux et du système de contrôle pour créer un environnement propice au syndicalisme et à la négociation collective. Ceux qui ont participé à cette formation occupent maintenant la première place dans l’effort de sensibilisation des partenaires sociaux, notamment des travailleurs, sur l’importance des normes internationales et l’utilisation des mécanismes de contrôle internationaux dans le but de mettre le Code du travail en meilleure conformité avec les normes de l’OIT. L’expérience dans ce pays montre l’importance de la coopération technique du BIT dans l’amélioration de l’application des normes internationales du travail, notamment à travers le renforcement du dialogue social. L’orateur a donc exprimé l’espoir que la mission de haut niveau adopterait une approche similaire en combinant la recherche de faits avec des programmes concrets de coopération technique pour aider à trouver une solution aux problèmes identifiés par les organes de contrôle.
Le membre employeur des Philippines a appuyé la décision du gouvernement d’accepter la mission de haut niveau demandée par la Commission de la Conférence afin d’obtenir une meilleure compréhension des assassinats extrajudiciaires et autres actes à l’encontre de syndicalistes. L’orateur a décrit quelques-unes des initiatives et des activités qui ont été déployées par la Confédération des employeurs des Philippines (ECOP), afin d’assurer la pleine application de la convention no 87 et des autres conventions fondamentales. Le troisième cycle de l’Agenda commun sur le travail décent a récemment été lancé et cela est le résultat d’initiatives tripartites, dans lesquelles les syndicats et les employeurs, représentés par l’ECOP, ont trouvé un terrain d’entente dans la promotion et la mise en oeuvre du Plan d’action national pour le travail décent. Il s’agit là d’un signe de la réussite du dialogue social dans le pays. Toutefois, la pleine mise en oeuvre du plan d’action national demeure un défi de taille, compte tenu des faibles ressources de l’Etat, du chômage chronique et du sous-emploi qui ont été exacerbés par un taux constant de croissance annuelle de la population de 2,36 pour cent, qui a par ailleurs éliminé les effets positifs de la croissance économique annuelle du pays. Bien que les contributions apportées par le gouvernement et les partenaires sociaux pour réduire le déficit de travail décent soient trop nombreuses à énumérer, leurs activités collectives ont servi à élaborer des stratégies pour la mise en oeuvre du Plan d’action national pour le travail décent dans l’intérêt du pays. L’assistance technique du BIT et un soutien durable seront également nécessaires pour réduire le déficit.
L’orateur a ajouté que le dialogue social est devenu la clé de voûte de la démocratie industrielle dans le pays. Le bipartisme et le tripartisme ont contribué à la reconnaissance et l’acceptation du dialogue social comme un outil essentiel pour la réalisation de la paix industrielle. Le pays a été affecté par une série de grèves paralysantes provoquées par les crises politiques et économiques des années soixante-dix et quatre-vingt. A cette époque, les partenaires sociaux avaient eux-mêmes contribué à désamorcer le problème qui s’aggravait en concluant un accord prévoyant que les employeurs respectent les droits fondamentaux des travailleurs, lesquels, à leur tour, entreprennent d’exercer leurs droits en conformité avec le droit et les règles établies en matière de relations professionnelles. L’intervention à temps des partenaires sociaux a préservé la stabilité industrielle et a contribué à empêcher les conflits du travail et en matière de politique sociale. Cela a également permis au pays de réduire au minimum les répercussions de la libéralisation et à acquérir la capacité nécessaire pour résister aux effets de la crise financière asiatique de 1997 et de la présente crise mondiale. En conséquence, le dialogue social a contribué à sauver des emplois et à assurer la survie des entreprises. Il a permis la collaboration entre les travailleurs et les employeurs dans la paix et l’harmonie.
Le membre travailleur des Etats-Unis a souligné l’importance fondamentale du droit qu’ont les travailleurs, aux termes de la convention, de créer et d’adhérer à des organisations de leur choix sans autorisation préalable et du devoir qu’ont les gouvernements de s’abstenir de toute ingérence de nature à entraver ce droit. Or, aux Philippines, et en dépit de ces protections, lorsqu’ils veulent exercer leur droit d’organisation ou à la liberté syndicale, beaucoup de syndicats se heurtent à l’ingérence du gouvernement qui tente ainsi de susciter la crainte et priver les syndicats de leur soutien populaire. Des syndicats peu appréciés des pouvoirs publics, et en particulier des forces armées philippines (AFP), sont souvent démantelés. Il résulte de ces activités antisyndicales un climat d’impunité pour ceux qui violent les droits de l’homme, lequel favorise les assassinats, les enlèvements, la torture, les arrestations arbitraires et suscite un sentiment général de crainte chez de nombreux dirigeants syndicaux philippins.
Les AFP sont à l’origine des campagnes antisyndicales qui débutent souvent par la constitution de listes de syndicalistes jugés par le gouvernement pour avoir des sympathies pour les forces rebelles de l’intérieur dirigées par la Nouvelle armée du peuple (NPA) communiste. S’ensuivent des campagnes antisyndicales et des séminaires destinés à présenter les dirigeants et recruteurs syndicaux cités dans ces listes, en particulier ceux affiliés au Kilusanag Mayo Uno (KMU), comme des «façades» pour les insurgés et les terroristes. Parfois, des dirigeants syndicaux ou des membres de leurs familles sont menacés de mort ou d’agression s’ils continuent à travailler pour leur syndicat. Parfois aussi, les AFP créent ou soutiennent des organisations professionnelles locales qu’elles présentent comme des organisations de travailleurs et les aident à organiser dans les villages des séminaires destinés à «monter» la population contre les organisations syndicales démocratiquement élues. Des syndicats sont souvent accusés sans preuve d’utiliser les cotisations de leurs adhérents pour financer la NPA. Des militaires n’hésitent pas à se rendre aux domiciles de dirigeants syndicaux pour les pousser à démissionner du syndicat, à s’abstenir de recruter ou d’exiger trop dans la négociation collective et d’accepter ce que propose l’entreprise. D’autres syndicats ont aussi connu cette forme de harcèlement, dont l’Alliance progressiste des travailleurs (APL), le Buklaran ng Manggagawang Pilipino (BMP) et le Partido ng Manggagawang, Makabayan (PM). Comme l’a indiqué le Rapporteur spécial des Nations Unies, la conséquence la plus grave des activités antisyndicales du gouvernement est l’augmentation de la probabilité des meurtres, des disparitions, des menaces et du harcèlement envers les syndicalistes dont les noms figurent sur ces listes. Dans son rapport de 2008, la Commission philippine des droits de l’homme (CHR) notait une recrudescence de ces actes de violence contre des mouvements militants et des organisations de travailleurs et, d’après le département d’Etat américain, la CHR suspecte la police nationale philippine et les AFP d’une série d’assassinats de militants de gauche dans les campagnes. La CHR note aussi un changement dans les méthodes utilisées pour réduire la société civile au silence, avec une diminution notable du nombre des exécutions extrajudiciaires contre une augmentation des arrestations et détentions. Les syndicalistes arrêtés croupissent longtemps en prison sans protection en attendant leur procès, ce qui, dans la pratique, a pour effet de les séparer de leur mouvement. Cette pratique a poussé beaucoup de travailleurs à se réfugier dans la clandestinité.
Répondant à l’argument selon lequel le gouvernement poursuit des tactiques légitimes de lutte contre la rébellion et les militaires qui ont été blanchis par la Commission Melo, l’orateur a indiqué que, en réalité, le gouvernement cherche à estomper la frontière qui sépare la rébellion armée du syndicalisme licite. Toutefois, il a rappelé les conclusions de la Commission Melo pour laquelle seule une organisation disposant de capacités de renseignement et de coordination aurait été en mesure de commettre ces assassinats. Il s’est, en outre, interrogé sur la volonté politique du gouvernement de mettre un terme à la violence contre les syndicalistes, compte tenu en particulier qu’aucune enquête n’a été ouverte sur l’implication du général Palparan, qui, entre-temps, a été élu au Congrès, dans ces assassinats alors qu’en 2008 une cour d’appel avait jugé crédibles les preuves de sa responsabilité en la matière, en tant que donneur d’ordres.
Un observateur intervenant au nom de la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) a indiqué que son organisation, l’Association des travailleurs de la filiale philippine «Toyota Motors Philippines Corporation (TMPCWA)» (filiale philippine de Toyota Motors), avait été victime de discriminations antisyndicales graves et de l’ingérence de la direction de l’entreprise. Malgré les recommandations que le Comité de la liberté syndicale réitère depuis 2001 pour la réintégration des syndicalistes et des dirigeants syndicaux qui ont été illégalement licenciés, aucun effet n’a été donné à ces recommandations. L’orateur a indiqué que son organisation avait, par l’intermédiaire de son groupe de soutien au Japon, fait appel devant le Point de contact national de l’OCDE, mais jusque-là sans succès. Malgré les jugements rendus par la Cour suprême en 2003 et 2004, enjoignant l’entreprise Toyota de négocier un accord collectif avec la TMPCWA, celle-ci ne s’est pas conformée au jugement mais a conclu, en lieu et en place, un accord fictif avec le «syndicat jaune» qu’elle avait fondé et qui s’était vu délivrer un certificat d’enregistrement. L’orateur a également affirmé que la Cour suprême et la Cour d’appel ont détourné la Constitution au profit des intérêts de l’entreprise et que l’administration avait tout fait pour détruire la TMPCWA. Des piquets de grève ont été démantelés par la force et des accusations pénales ont été montées de toutes pièces contre les membres du syndicat, et un strip-tease a même été organisé pour faire sortir les travailleurs des réunions syndicales. L’orateur a réitéré la gravité du climat de violence à l’encontre de militants et de syndicalistes qui règne dans le pays et indiqué qu’un détachement de la 202e brigade d’infanterie a été placé tout près de son bureau syndical, qui a fait l’objet de plusieurs visites et de recherches de dirigeants syndicaux. En tant que dirigeant syndical, l’orateur se devait de passer la nuit à différents endroits, car il était sous surveillance constante.
En conclusion, l’orateur a lancé un appel à la commission pour qu’elle envoie une mission de haut niveau afin d’enquêter sur la situation et de prendre des mesures efficaces afin d’obliger le gouvernement à reconnaître pleinement la TMPCWA et à réintégrer les travailleurs licenciés, en leur offrant une compensation intégrale, dans le respect total de la liberté syndicale.
La membre travailleuse de l’Australie a observé que les violations de la liberté syndicale avaient eu de graves répercussions sur la capacité des travailleurs de s’organiser librement, de constituer ou de s’affilier à des syndicats, d’organiser des élections, de certifier des syndicats, de négocier des conventions collectives et de mener des campagnes ou d’intenter des recours juridiques sur les questions controversées. Les entreprises peuvent parfois être pendant des années dans une impasse avec leur syndicat élu démocratiquement. Les statistiques du ministère du Travail (DOLE) démontrent que seulement 226 000 travailleurs sont couverts par des conventions collectives. Il convient d’attirer l’attention sur les trois cas les plus récents, relatifs à la violation des droits des travailleurs, présentés au Comité de la liberté syndicale par la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) concernant la situation à laquelle s’est référé l’orateur précédent, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) au nom des travailleurs du NUWHRAIN Dusit Hotel et le Syndicat des travailleurs d’International Wiring Systems de la zone économique spéciale de Luzon (Nord).
Depuis le dernier examen de ce cas en 2007, le nombre d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions de syndicalistes a diminué. Les assassinats sont néanmoins symptomatiques d’un problème plus profond, à savoir que les responsables d’actes criminels n’ont pas à répondre de leurs actes et que le climat qui permet cette situation perdure. Il faut saluer le fait que le gouvernement a accepté une mission de haut niveau du BIT. Cette mission devrait:
– avant tout, consulter les syndicats locaux qui ont soulevé des préoccupations auprès de l’OIT, y compris le Kilusanag Mayo Uno (KMU);
– eu égard au rôle des militaires dans les questions législatives, examiner les politiques anti-insurrectionnelles du gouvernement qui assimile les syndicalistes à des rebelles et estompe la distinction entre les activités légitimes des syndicats et les activités illégales. Ceci devrait comprendre, outre l’examen de l’assassinat de dirigeants et organisateurs syndicaux, également celui des autres violations relatives aux droits de l’homme. L’impunité dont jouissent les militaires devrait également être examinée;
– enquêter sur les actions des militaires pour mettre en oeuvre des campagnes d’éducation antisyndicale, plus particulièrement dans les provinces de Mindanao et Luzon, ainsi que le rôle des unités de l’armée chargées des opérations civiles-militaires;
– examiner l’application par le gouvernement des recommandations du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et prendre contact avec ce dernier pour discuter de la situation des syndicats et de leur capacité à s’organiser;
– examiner la relation existante entre la Direction des zones économiques (PEZA) et le ministère du Travail qui, dans la pratique, n’exerce plus son autorité relative à l’application de la législation du travail, ainsi que les difficultés à l’exercice du droit d’organisation dans les zones économiques spéciales où une politique de syndicat et grève zéro prévaut depuis des années. Les gouvernements locaux ont mené, au sein et aux environs des zones économiques spéciales, des campagnes d’éducation antisyndicale et intimidé ceux qui tentaient de constituer des syndicats. Les syndicalistes n’ont pas le droit de pénétrer dans les zones économiques spéciales, et les travailleurs identifiés comme tels ont été licenciés;
– examiner l’article 263 g) du Asumption of Jurisdiction Statute en ce qui concerne son champ matériel (ce texte s’applique au-delà des services essentiels) ainsi que son application (certains syndicats bénéficient du droit de grève alors que d’autres non);
– examiner l’application de la législation pénale en matière de relations de travail et l’utilisation des poursuites pour diffamation, insurrection et autres poursuites criminelles contre des syndicalistes menant des activités légitimes;
– examiner l’application du Code du travail, plus particulièrement de la loi no 9481 (loi sur l’organisation des syndicats) qui semble favoriser les efforts de syndicalisation des fédérations nationales plutôt que des syndicats indépendants;
– examiner la définition que donne le gouvernement à la grève et autres actions concertées, et engager un dialogue avec la Cour suprême et le système de justice;
– examiner et recommander des mesures afin d’assurer que les travailleurs philippins puissent jouir de la sécurité dans l’emploi et du droit d’organisation. Il est fréquent de déclarer les travailleurs comme des travailleurs «occasionnels» ou «contractuels», ou encore de licencier les travailleurs après six mois pour les réembaucher à nouveau au mépris de la loi;
– rencontrer l’ensemble des syndicats et les reconnaître comme des partenaires sociaux essentiels.
Il est à espérer que la préparation et le déroulement de la mission pourront aider le gouvernement et les partenaires sociaux à résoudre les sérieuses questions, à améliorer l’application de la convention et à renforcer le dialogue social dans l’intérêt du pays.
La représentante gouvernementale des Philippines a remercié les membres de la commission pour leurs interventions et elle s’est réjouie du soutien exprimé à la décision du gouvernement d’accepter la visite d’une mission de haut niveau en vue de mieux comprendre tous les aspects de ce cas. Elle prend note également des commentaires exprimés à propos du Programme commun sur le travail décent et de la vigueur du tripartisme et du dialogue social qui ont permis son adoption. Le programme commun comporte un dispositif de vérification de son application. Il devrait en outre servir de base à l’apport, par le BIT, d’un soutien et d’une assistance aux mandants tripartites en vue de renforcer l’application des normes internationales du travail.
L’oratrice a déclaré partager les vives préoccupations, par ailleurs fondées, que suscitent les cas présumés d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes auxquelles fait référence le rapport de la commission d’experts. A ce propos, la loi sur la sécurité des personnes a été contestée devant la Cour suprême, ce qui explique qu’elle ne soit pas entrée en vigueur. Les allégations d’exécutions extrajudiciaires sont très graves et ont eu une influence déterminante dans la décision du gouvernement d’accepter la mission de haut niveau qui pourra procéder à un examen indépendant et impartial de ce cas qui relève de la convention. Elle a, en outre, fait part de sa totale confiance dans l’indépendance, l’impartialité et la grande compétence dont fera montre la mission de haut niveau dans la conduite de sa mission. Enfin, elle a réitéré les assurances suivant lesquelles la mission de l’OIT recevra un total soutien.
Les membres travailleurs ont indiqué que, depuis des années, ils n’ont eu de cesse de dénoncer les violations continues de la convention tant en droit que dans la pratique. Il convient, par conséquent, de demander une nouvelle fois la modification du Code du travail selon les recommandations formulées par la commission et la commission d’experts depuis plusieurs années, et la communication d’informations précises concernant les effets de la loi sur la sécurité, sur l’application de la convention et les niveaux de syndicalisation dans les zones franches. Le gouvernement doit, en outre, être instamment prié d’indiquer les mesures prises pour mettre définitivement un terme au climat de violence et d’impunité et assurer que les assassinats, disparitions et autres violations des droits fondamentaux des syndicalistes soient rapidement examinés, poursuivis et jugés. Afin de favoriser cette approche, les membres travailleurs ont indiqué qu’ils accueillent avec satisfaction l’annonce faite par le gouvernement aux termes de laquelle il accepte une mission de haut niveau de l’OIT. Cette mission devrait s’atteler à examiner, avec les syndicats, les actes de violence contre des syndicalistes; faire un suivi de tous les cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale; examiner la manière dont il convient d’appliquer la convention dans les zones économiques spéciales; assurer le suivi des recommandations de la commission d’experts et de la commission en ce qui concerne en particulier l’impunité et de celles du Rapporteur spécial des Nations Unies.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour sa déclaration des plus utiles. Ils ont souligné que les conclusions de la commission devraient appeler le gouvernement à agir pour donner plein effet à la convention en droit comme dans la pratique. La mission de haut niveau représente un élément clé aux fins de la réalisation de progrès. Son objectif devrait d’ailleurs être plus vaste que celui qui a été proposé dans les conclusions adoptées en 2007 par la commission, consistant à proposer une mission dont le but serait de mieux comprendre toutes les dimensions de ce cas. La mission de haut niveau maintenant acceptée par le gouvernement doit examiner et tirer au clair toutes les difficultés dans l’application de la convention et déterminer les domaines dans lesquels des mesures doivent être prises. Le gouvernement ayant peu de chances de fournir beaucoup d’informations nouvelles à temps pour la prochaine session de la commission d’experts, les membres employeurs ont espéré que la prochaine observation de cette commission ferait état des conclusions de la mission de haut niveau ainsi que de son évaluation de la situation, afin d’encourager une amélioration tangible de la situation.
Sur un plan plus technique, les membres employeurs ont rappelé que la question des zones franches d’exportation concerne plutôt l’application de la convention no 98, alors que la commission d’experts l’a examinée au titre de la présente convention.
En conclusion, les membres employeurs ont exprimé l’espoir que, en collaboration avec la mission de haut niveau, le gouvernement établirait un calendrier d’action en vue de l’application de la convention, tant dans la législation que dans la pratique, étant donné que les principales questions en suspens concernent des problèmes identifiés de longue date. Bien que les points de vue des employeurs et ceux des travailleurs sur la situation soient quelque peu différents, les deux groupes partagent le même avis sur les points essentiels, en particulier sur la nécessité d’une mise en oeuvre effective de la convention en droit comme dans la pratique.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a observé que les commentaires de la commission d’experts portent sur de graves allégations concernant des assassinats de syndicalistes, des menaces de mort, des arrestations de dirigeants syndicaux liées à leurs activités syndicales, l’impunité générale à l’égard des violences exercées à l’encontre de syndicalistes, et la militarisation des lieux de travail dans les zones franches d’exportation et les zones économiques spéciales. La commission a également noté que la commission d’experts s’est référée, pendant de nombreuses années, à la nécessité de modifier le Code du travail afin que celui-ci soit mis en conformité avec la convention.
La commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle des réformes importantes de la législation du travail sont en cours et quatre projets de loi limitant la possibilité pour le ministre du Travail d’imposer l’arbitrage obligatoire sont devant le Congrès. Le représentant gouvernemental s’est également référé aux lignes directrices conjointes sur la conduite de la police nationale des Philippines (PNP), des gardes de sécurité privés et des entreprises privées de sécurité pendant les grèves, les piquets de grève et les lock-out. Le représentant gouvernemental a accueilli favorablement la possibilité que la mission de haut niveau de l’OIT puisse avoir des contacts directs avec les plaignants et les autorités compétentes. Ceci permettra à la mission de recommander, de manière totalement indépendante et impartiale, les mesures propres à garantir des enquêtes promptes et équitables, la poursuite et la condamnation des coupables.
En réponse à une question concernant la loi sur la sécurité des personnes, l’oratrice a indiqué que son application a été suspendue car elle fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour suprême.
Profondément préoccupée par la persistance des allégations de violences à l’encontre de syndicalistes, la commission a souligné que le respect des libertés publiques fondamentales est essentiel à l’exercice de la liberté syndicale. Tout en notant avec satisfaction l’acceptation par le gouvernement d’une mission de haut niveau en rapport avec cette situation grave, la commission s’est déclarée préoccupée par les allégations concernant la persistance d’une situation de violence à l’encontre des syndicalistes et a, une nouvelle fois, instamment prié le gouvernement de s’assurer que toutes les mesures nécessaires seront prises pour restaurer un climat de parfaite liberté et sécurité, libre de violences et de menaces, et à mettre un terme à l’impunité de façon à ce que les travailleurs et les employeurs puissent pleinement exercer leur droit à la liberté syndicale. La commission a en outre instamment prié le gouvernement de prendre des mesures, en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés, pour modifier la législation en tenant compte des commentaires que la commission d’experts formule depuis de nombreuses années et d’adopter un calendrier pour la mise en oeuvre de ces mesures.
Tout en se félicitant de l’acceptation par le gouvernement d’une mission de haut niveau du BIT, comme elle l’avait demandé en 2007 lors de l’examen de ce cas, la commission a exprimé le ferme espoir que cette mission pourra avoir lieu dans un proche avenir et qu’elle sera en mesure de clarifier les lacunes et de proposer des solutions en ce qui concerne les violences à l’encontre de syndicalistes, les questions soulevées devant le Comité de la liberté syndicale, ainsi que les autres questions soulevées en ce qui concerne la mise en oeuvre de la convention no 87. Certains éléments concernant les syndicalistes du rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies pourraient, à cet égard, venir assister la mission. La commission a exprimé l’espoir que la mission pourra être en mesure de faire rapport dès cette année pour examen par la commission d’experts sur les éléments importants de ses constatations. La commission a exprimé le ferme espoir que, suite à cette mission et aux mesures supplémentaires promises par le gouvernement, elle sera être en mesure de noter, dans un très proche avenir, des progrès tangibles dans l’application de la convention, en droit comme dans la pratique. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations précises sur toutes les questions soulevées dans un rapport détaillé pour examen par la commission d’experts cette année.
Une représentante gouvernementale a donné à la commission l'assurance de la ferme intention de son gouvernement d'appliquer toutes les conventions qu'il a ratifiées. Tout est fait, à tous les niveaux, afin d'instaurer un cadre législatif et institutionnel propice à l'exercice par les travailleurs de leurs droits syndicaux. Toutefois, l'examen du respect des normes de l'OIT impose de tenir compte du contexte et des circonstances particulières aux Philippines, de l'historique de sa participation à l'OIT et du bilan général en matière de respect des nombreuses conventions que son pays a ratifiées. Les Philippines sont encore un pays du tiers-monde en butte à une pauvreté qui frappe 30 pour cent de sa population et en lutte contre une rébellion active. C'est aussi un des pays les plus actifs pour ce qui est de la propagation de l'Agenda pour un travail décent dans la région. Le nombre des grèves, qui était de 480 en 1986, est tombé à 12 en 2006, et une seule a été enregistrée pendant les cinq premiers mois de 2007. Ce résultat n'a pas été obtenu au prix d'une réduction des droits syndicaux, mais en promouvant le dialogue social, l'éducation des travailleurs et des dirigeants d'entreprise, et par la conciliation et la médiation, autant de démarches qui ont porté leurs fruits grâce à un sens accru des responsabilités des partenaires sociaux.
S'agissant des commentaires de la CISL faisant état d'assassinats de syndicalistes, en réaction à des articles alarmants parus dans la presse et évoquant une augmentation du nombre des meurtres de syndicalistes et de journalistes, la présidente a constitué une commission indépendante présidée par un juge de la Cour suprême à la retraite, M. José Melo, pour étudier ces cas. Dans le rapport qu'elle a publié en janvier 2007, la commission conclut qu'il "... n'existe pas de preuves directes, uniquement des preuves circonstancielles, impliquant certains éléments de l'armée dans ces assassinats". Elle conclut en outre que "en raison d'un manque de coopération des groupes d'activistes, la commission n'a pas obtenu suffisamment de preuves pour pouvoir mettre en cause et recommander des poursuites contre les personnes responsables en dernière analyse de ces assassinats". Compte tenu des recommandations de la commission, la Cour suprême a créé 99 tribunaux régionaux en tribunaux spéciaux chargés de statuer sur les cas d'exécutions extrajudiciaires en procédure d'urgence. Ces tribunaux doivent, entre autres, donner la priorité aux cas concernant des militants ou des journalistes, siéger en continu et mener la procédure à son terme dans un délai de soixante jours et rendre leur verdict dans les trente jours du dépôt des conclusions.
Il s'agit là de mesures concrètes prises par le gouvernement afin d'apporter une solution au problème des assassinats, notamment en poursuivant les coupables quels qu'ils soient, qu'il s'agisse de policiers, de militaires, d'insurgés ou de criminels de droit commun. Cependant, les difficultés suscitées par l'absence de témoins ou leur refus de déposer, alors même que leur sécurité est garantie par le programme de protection des témoins, font qu'il est difficile, voire impossible d'arrêter, poursuivre et châtier les coupables.
Les conclusions de la Commission Melo indiquent clairement que rien ne démontre que la police et l'armée soient à l'origine des assassinats et des autres actions menées contre des syndicalistes. Le lien avec elles semble tout au plus circonstanciel. Dans les cas où il serait avéré que la police et l'armée étaient responsables de l'assassinat de syndicalistes au seul motif de leurs activités syndicales, des mécanismes existent pour traiter ces violations. A ce propos, il y a lieu de faire la distinction entre les activités syndicales légitimes, qui doivent bénéficier de la protection de la loi, et les crimes contre l'Etat qu'il faut empêcher. La police et l'armée ne poursuivent que les syndicalistes qui se rendent coupables d'actes de rébellion, et pas les syndicalistes qui exercent leurs droits syndicaux. Cependant, la frontière séparant les activités de certains syndicalistes de celles, illégales, de groupements rebelles est très ténue. Lorsqu'un syndicaliste franchit cette frontière, la légitimité de l'intervention de la police ou de l'armée ne peut être mise en doute, pour autant qu'elle respecte la Constitution et la loi.
Sur la question de la suppression des droits syndicaux et du cas de la Hacienda Luisita, la représentante gouvernementale a rappelé que, en 2004, sept adhérents syndicaux ont été abattus pendant la grève menée par les travailleurs de cette exploitation, alors qu'une force composée d'éléments de la police et de l'armée faisait appliquer l'arrêté d'appropriation de juridiction pris par le ministre du Travail. Des séances du parlement ont été consacrées à cet incident et les commissions parlementaires des droits de l'homme, de l'emploi et du travail et de l'agriculture ont conclu dans une certaine mesure que des violations des droits de l'homme avaient été commises contre les grévistes. Toutefois, il ne s'agit pas à proprement parler d'un cas d'intervention policière contre des grévistes. La dispersion des grévistes est survenue plusieurs jours après la grève, et pas immédiatement dès le début de celle-ci. Tout démontre qu'il y a eu provocation de la part des grévistes qui ont contraint la police et l'armée à recourir à la force pour faire appliquer l'ordonnance du ministère de l'Emploi et du Travail. A l'évidence, les grévistes auraient pu contribuer à un règlement pacifique du conflit s'ils s'étaient soumis à l'ordonnance émise par les autorités légalement constituées.
L'exercice du droit de grève suppose, en contrepartie, l'obligation de respecter les limites fixées par la loi, en particulier celles qui sont essentielles au maintien de la paix et de l'ordre dans la communauté. La loi philippine dispose qu'une grève ne peut avoir pour effet de bloquer les accès et les sorties des entreprises. Lorsque des grévistes franchissent cette limite légale, il peut être nécessaire de faire appliquer la loi. Lors de la grève à Hacienda Luisita, ce sont les excès commis par les grévistes qui ont dicté l'intervention des agents de la force publique.
Pour ce qui est de la suppression des libertés syndicales dans les zones franches d'exportation, il faut préciser que le Code du travail s'applique aussi à ces zones. De plus en plus de syndicats représentent les travailleurs qui y sont employés. Selon les statistiques du Bureau des relations de travail, le nombre des syndicats des zones spéciales économiques a augmenté, passant de 251 en 2000 à 341 en septembre 2005. Le nombre de leurs adhérents est passé de 23 000 en 2000 à près de 34 000 en 2005. Cette évolution est la conséquence d'un effort d'éducation des enquêteurs et des responsables locaux à la législation du travail du pays et contredit les allégations de harcèlement et d'intimidation des syndicalistes dans ces zones.
En ce qui concerne la recommandation portant sur un amendement de l'article 234(c) du Code du travail destiné à abaisser le seuil de 20 pour cent des salariés pour obtenir la reconnaissance d'un syndicat, la représentante gouvernementale s'est dite favorable à la suppression de cette exigence. En mai 2007 a été adoptée une loi qui renforce le droit des travailleurs de choisir eux-mêmes leurs représentants. Elle vise à étendre les capacités des fédérations et syndicats nationaux légitimes à syndiquer et à aider leurs sections locales à obtenir leur reconnaissance aux fins de la négociation collective. Toute fédération ou organisation syndicale nationale légitime peut dorénavant créer une section locale qui peut à son tour demander l'homologation d'une élection sans devoir encore justifier des 20 pour cent du personnel et sans devoir révéler les noms des membres et des dirigeants de la section locale. Il s'agit là d'une mesure positive et d'un grand pas sur la voie du changement suggéré par la commission d'experts. Le seuil de 20 pour cent de membres reste toutefois d'application pour les syndicats demandant indépendamment leur enregistrement. La commission doit tenir compte du fait que cette condition en matière d'effectifs permet d'éviter que la majorité soit soumise aux ordres d'une très petite minorité.
S'agissant de la recommandation consistant à amender les articles 269 et 272(b) du Code du travail philippin, la convention prévoit que toute personne résidant légalement sur le territoire d'un Etat donné doit jouir des droits syndicaux sans considération de nationalité. La législation philippine accorde effectivement la jouissance des droits syndicaux aux ressortissants étrangers qui résident et travaillent légalement aux Philippines et dont le pays d'origine accorde aux ressortissants philippins le droit de se syndiquer ou de participer aux activités d'un syndicat, soit a ratifié les conventions nos 87 ou 98 de l'OIT. La privation des droits syndicaux concerne les ressortissants étrangers qui résident ou travaillent illégalement aux Philippines, dont le pays d'origine opère une discrimination envers les travailleurs étrangers qui exercent leurs droits syndicaux sur son territoire ou n'a pas souscrit aux conventions nos 87 ou 98. Cette exclusion ne se fonde pas sur la nationalité ou la citoyenneté du travailleur étranger, mais sur l'absence de volonté du pays d'origine d'être lié par les conventions nos 87 ou 98, ou d'accorder les mêmes droits syndicaux aux ressortissants étrangers présents sur leur territoire, y compris les ressortissants philippins. Elle résulte donc de l'obligation constitutionnelle pour l'Etat de protéger ses citoyens par le biais de mesures légales, y compris celles visant à promouvoir une réciprocité de traitement équitable des ressortissants philippins dans les pays étrangers.
Quant à la proposition de modifier les articles 263(g), 264(a), 272(a), 237(a) et 270 du Code du travail, celle portant sur l'article 263(g) qui vise à limiter les pouvoirs d'ingérence du ministère du Travail dans les conflits du travail aux activités ou entreprises touchant à des services essentiels n'a pas été votée. Il faut rappeler à ce propos que la procédure à suivre relève exclusivement de l'initiative du pouvoir législatif, l'exécutif ne pouvant que proposer une législation. S'agissant des articles 264(a) et 272(a) du Code du travail, le fait de mener une grève n'est pas, en soi, répréhensible sur le plan pénal. Le simple fait de participer à une grève illégale n'entraîne pas le licenciement. Seuls les responsables syndicaux qui participent sciemment à une grève illégale, ou les travailleurs qui participent en connaissance de cause à des actes illégaux commis à l'occasion d'une grève peuvent être licenciés. Le non-respect des conditions de fond ou de procédure pour l'organisation d'une grève peut avoir pour conséquence que la grève soit déclarée illégale. Toutefois, une grève menée sans motifs valables n'est pas assimilée à une grève illégale dans la mesure où les travailleurs croyaient de bonne foi, et sur la base de faits concrets, que l'employeur s'était rendu coupable d'une pratique déloyale du travail à leur encontre. De même, le simple fait de participer à une grève illégale ou de ne pas obtempérer à une ordonnance de reprise du travail n'entraîne pas nécessairement l'emprisonnement des grévistes. Quoi qu'il en soit, des peines de prison peuvent être imposées si des actes de violence, d'intimidation, de menace ou de coercition sont commis pendant une grève. Un responsable syndical qui participe sciemment et délibérément à une grève qui ne respecte pas les dispositions de la loi perd son emploi. Tout travailleur qui participe sciemment et délibérément à des actes de violence, d'intimidation, de menace ou de coercition commis contre des personnes ou des biens est passible d'une procédure pénale pour ses actes personnels.
Le projet d'amendement de l'article 237(a) a été discuté au sein du Conseil tripartite de la paix sociale, mais ses membres ont décidé de conserver le seuil minimum de dix syndicats membres aux seules fins de l'enregistrement des fédérations ou syndicats nationaux. Ce critère n'est pas requis pour ce qui est du maintien de la personnalité juridique, et ne peut pas non plus servir de motif à l'annulation d'un enregistrement. Enfin, l'article 270 est encore à l'examen.
En conclusion, la représentante gouvernementale a estimé que le système n'est certainement pas parfait mais que d'énormes progrès ont été réalisés et elle demande à la commission d'en tenir compte. Le fondement de la démocratie est que les peuples puissent choisir eux-mêmes les lois et les politiques qui les gouvernent. Par conséquent, on ne peut tenir rigueur au gouvernement du fait que la législation ne soit pas encore à la hauteur des normes idéales de l'OIT. Quoi qu'il en soit, l'oratrice a réitéré la volonté de son gouvernement d'appliquer la convention.
Les membres employeurs ont rappelé que ce cas a été discuté pour la dernière fois en 1991 et qu'il avait été examiné régulièrement par la commission, notamment à cinq reprises au cours des années quatre-vingt. Malgré les seize années écoulées depuis la dernière discussion du cas, les problèmes sont essentiellement les mêmes. A cet égard, il doit être noté que la convention no 87, même si elle n'est pas idéale, constitue une norme minimum. Elle n'est donc pas un instrument promotionnel, à l'égard duquel les Etats qui le ratifient disposent d'un certain temps pour mettre leur législation et leur pratique en conformité avec ses dispositions. En tant que norme minimum, elle impose, suite à la ratification, la mise en conformité de la législation et de la pratique avec ses dispositions. L'intervalle de seize ans souligne aussi un problème dans le système actuel de sélection des cas à examiner par la commission. Alors que certains cas sont examinés sur une base régulière, il faut regretter que des cas tels que celui des Philippines ne soient pas sélectionnés et discutés plus souvent.
Les membres employeurs ont souligné l'importance de ce cas, qui implique des allégations de meurtres, de violences et de menaces de mort à l'encontre des travailleurs. Ceci suggère que les libertés civiles puissent ne pas être complètement protégées dans le pays et que les enquêtes diligentées ne soient pas satisfaisantes. La principale question qui se pose n'est donc pas celle sur laquelle s'est concentré le représentant gouvernemental, mais celle de savoir à quel point la vie en général est protégée. A cet égard, il faut rappeler qu'un climat libre de violences et d'intimidations constitue un préalable indispensable à l'exercice de la liberté syndicale dans n'importe quel pays.
Sur les questions soulevées par la commission d'experts concernant les limitations imposées à l'enregistrement des syndicats, les membres employeurs ont noté qu'il y avait eu des changements législatifs, lesquels doivent être examinés par la commission d'experts. En ce qui concerne le droit d'organisation des étrangers, le gouvernement a indiqué que ce droit a été étendu, mais la commission d'experts avait appelé à ce que l'extension couvre tout le monde. Le représentant gouvernemental n'a pas vraiment abordé la question du nombre de syndicats nécessaires pour établir une fédération. Les dispositions relatives à l'aide étrangère à des syndicats semblent aussi toujours poser problème. Il est donc important que le gouvernement communique un rapport détaillé faisant ressortir tous les amendements qui ont été faits ou proposés à la législation ainsi que les autres mesures pertinentes, afin que la commission d'experts puisse l'examiner à sa prochaine session pour évaluer dans quelle mesure le gouvernement respecte ses obligations découlant de la convention.
Les membres travailleurs ont noté que la dernière observation formulée par la commission d'experts portait sur les mêmes points qu'en 1991, à savoir: le nombre minimum de membres exigé pour l'enregistrement d'un syndicat; le fait que la législation ne garantisse pas le droit syndical à l'ensemble des ressortissants résidant légalement dans le pays; et les conditions excessivement élevées exigées pour la formation des fédérations et des syndicats. Ils ont également noté les éléments soulevés par le représentant du gouvernement dans son intervention et ont demandé qu'un rapport soit envoyé à la commission d'experts pour examen.
La situation actuelle du pays est préoccupante. Seule la moitié de la population a un travail permanent, et la plupart de ces personnes ne reçoivent que le salaire minimum s'élevant en moyenne à 350 pesos, soit moins de 5 dollars par jour. Peu de progrès ont été réalisés au cours des seize dernières années en ce qui concerne la législation mais la situation des droits syndicaux est encore plus navrante. Plus de 800 personnes, dont environ 80 syndicalistes, ont été tuées uniquement l'année dernière. Des milliers de plus souffrent d'intimidation et de harcèlement du fait soit de leur affiliation politique soit en raison de l'exercice d'activités syndicales ou de dénonciations de pot-de-vin et de cas de corruption. Dans ces circonstances, le peuple n'a pas accès au travail décent, au minimum vital ou à des services essentiels exempts de toute corruption.
Les membres travailleurs ont rappelé que le représentant du gouvernement s'est référé à des "cas isolés" de meurtres extrajudiciaires. Le nombre de ces cas est beaucoup trop élevé pour qu'ils soient qualifiés de cas isolés. Il est préoccupant que le gouvernement ne veuille pas reconnaître la gravité de la situation. La commission d'experts a soulevé la question de la violence, et notamment celle du meurtre de quatre dirigeants syndicaux en 2005; la violence antisyndicale dans le secteur du sucre; les menaces de mort destinées à décourager la création de syndicats dans la zone franche d'exportation de Cavite; et l'impunité des auteurs des meurtres de sept grévistes. Cela est encore bien loin de dépeindre la réalité. Le Rapporteur spécial des Nations Unies, qui a visité le pays au début de cette année, a souligné le grave impact des meurtres extrajudiciaires. La seule existence de ces meurtres a un effet sur la société et sape le discours politique qui est essentiel à la résolution des problèmes du pays.
Le gouvernement a établi une commission, la Commission Melo, ce qui montre que la Présidente reconnaît la gravité du problème. Mais les résultats de cette commission n'ont pas encore été publiés. Le gouvernement a également introduit un programme de protection des témoins mais très peu de témoins, craignant pour leurs vies et celles de leur famille, se sont présentés. De plus, aucun auteur de ces crimes n'a été arrêté et il existe des indications fortes qui relient à des éléments policiers et militaires à ces rapts, ces disparitions et ces meurtres. Il faut souligner que l'impunité entraîne des violations des droits syndicaux et le mépris de la loi.
Les membres travailleurs se sont également référés au cas de Crispin Beltran, dirigeant syndical et membre du Congrès, qui fut détenu pendant quinze mois avec cinq autres politiciens. Le 1er juin 2007, la Cour suprême a abandonné les charges de rébellion pesant contre lui et d'autres politiciens. Il faut se réjouir de cette décision et il est à espérer que Crispin Beltran sera relâché prochainement.
Une autre violation grave au principe de la liberté syndicale consiste dans le déploiement des militaires et des forces de police dans les entreprises immobilisées par une grève, à l'occasion de conflits entre les travailleurs et la direction, lorsque des syndicats existent ou ont été organisés. Derrière cette militarisation, il y a une intention de s'opposer à l'organisation syndicale et de harceler et d'intimider les travailleurs. Certains employeurs ignorent les décisions rendues par la Cour suprême relatives aux questions du domaine du travail. Le gouvernement doit prendre des mesures afin de mettre en uvre la loi et les conventions fondamentales.
En juin 2007, la loi antiterrorisme entre en vigueur. Il est à craindre que cet instrument ne soit utilisé pour faire taire les critiques faites à l'égard du gouvernement, y compris par des syndicalistes, des avocats et des juges appelant à la protection des droits de l'homme. Il faut recommander au gouvernement de: reconnaître la gravité du problème; prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux meurtres extrajudiciaires; conduire des enquêtes indépendantes et impartiales; mettre en place un dialogue social transparent; établir des mécanismes de contrôle indépendant en ce qui concerne les abus perpétrés à l'encontre des syndicats et des droits de l'homme; et restaurer un climat de liberté totale et de sécurité au regard des violences et des menaces, climat à la base du plein exercice de la liberté syndicale.
Le membre travailleur des Philippines a déclaré se rallier aux commentaires de la commission d'experts lorsqu'elle recommande d'amender l'article 270 du Code du travail (qui soumet l'aide étrangère aux syndicats à l'autorisation préalable du secrétaire d'Etat au travail), l'article 234(c) (l'exigence des noms de 20 pour cent de tous les salariés d'une unité de négociation dans laquelle un syndicat prétend agir), l'article 263(g) (intervention du gouvernement à des fins d'arbitrage obligatoire), et les articles 264(a) et 272(a) (licenciement de dirigeants syndicaux et sanctions pénales en cas de participation à une grève illicite). Le gouvernement doit être exhorté à procéder aux amendements recommandés en vue de se conformer à la convention no 87.
Cependant, il est regrettable qu'on puisse croire que des dirigeants syndicaux ont été tués pour avoir exercé leurs droits syndicaux. Cette vision des choses est erronée; la Fédération des travailleurs libres (FFW) et le Congrès des syndicats des Philippines (TUCP) n'ont pas connu de faits de ce genre depuis les années quatre-vingt-dix. Les motifs de ces assassinats sont étrangers à l'exercice des droits syndicaux. Tout assassinat doit être condamné, quelles que soient les circonstances; et le gouvernement doit procéder à des enquêtes complètes, impartiales et dignes de ce nom et demander des comptes aux responsables.
Enfin, l'orateur a exhorté les partenaires sociaux à mettre un terme à tous les assassinats, à appuyer tous les efforts visant à instaurer une atmosphère propice aux investissements afin d'éradiquer la pauvreté, à défendre l'état de droit et à créer les conditions qui favoriseront le respect, à tout le moins, des conventions fondamentales de l'OIT.
Le membre employeur des Philippines a reconnu que le cas des Philippines est une reprise de 1991, année au cours de laquelle il a été discuté pour la dernière fois. Il s'est déclaré d'accord avec la plupart des remarques faites par le représentant gouvernemental. Toutefois, d'autres orateurs ont semblé assimiler les Philippines à un Etat totalitaire, ce qui est absolument inexact. En ce qui concerne la question du respect des conventions internationales, il est consternant que des réclamations de nature politique soient portées devant la présente commission alors qu'elles devraient être traitées par d'autres organes des Nations Unies. Il est important que la commission se concentre sur la question de la liberté syndicale.
En ce qui concerne les prétendus meurtres extrajudiciaires, il n'est pas exact que des personnes aient été tuées en raison de leur appartenance à un syndicat. Un tel point de vue, qui tend à impliquer une certaine responsabilité de la part des employeurs, est injuste. Les employeurs, tout comme les travailleurs, condamnent tous les meurtres, qui sont du ressort de la police et doivent être examinés par les procureurs. La discussion de telles questions au sein du présent forum risque de constituer une ingérence dans les affaires internes d'un Etat souverain.
Les employeurs aux Philippines se sentent harcelés par certaines évolutions législatives récentes. Ainsi, la loi no 9481, qui renforce le droit des travailleurs à l'auto-organisation, permet à tout syndicat ou fédération légitimes d'établir des sections locales, même s'ils ont très peu de membres. Cette loi, en donnant davantage de liberté, risque d'accroître les incertitudes.
En ce qui concerne la décision de la Cour suprême sur le cas de M. Crispin Beltran, l'orateur a déclaré que cette décision doit être respectée, puisqu'elle a été prise conformément à la loi et sur la base des faits.
Le membre travailleur de l'Indonésie a dit regretter que, en dépit d'appels, tant au niveau national qu'international, à des mesures convaincantes pour garantir la sécurité des syndicalistes et des journalistes dans le pays, le gouvernement n'a pas diligenté d'enquêtes rapides, approfondies, impartiales et efficaces afin de poursuivre les auteurs de crimes antisyndicaux. Des rapports d'organisations, telles que la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Amnesty International, le Centre pour les droits syndicaux et les droits de l'homme et la Confédération syndicale internationale (CSI), confirment que la situation devient incontrôlable, les violences et assassinats antisyndicaux étant en augmentation.
L'assassinat, le 21 mai 2007, du journaliste Dodie Nuñez est un exemple de la poursuite des assassinats et disparitions depuis l'entrée en fonctions de la présidente Arroyo. Comme l'indique la lettre adressée à celle-ci par la CSI, le nombre élevé d'assassinats de syndicalistes place le pays en deuxième position à cet égard, derrière la Colombie. Se référant au rapport de la FIJ, l'orateur a indiqué que le pays a le deuxième taux le plus élevé d'assassinats de journalistes professionnels, après l'Iraq. Les violences contre les journalistes sont contraires aux principes fondamentaux des libertés civiles, qui sont essentiels pour l'exercice de la liberté syndicale. Il est donc recommandé que le gouvernement redouble ses efforts pour diligenter des enquêtes à l'encontre des personnes responsables de la mort de dirigeants syndicaux, pour les traduire devant la justice et pour cesser de prendre pour cible les syndicalistes en les associant aux groupes d'opposition.
L'orateur a exprimé son soutien inconditionnel à l'égard de tous les journalistes et travailleurs du pays dans leur lutte pour des conditions de travail libres et sûres et a appelé le gouvernement à agir immédiatement pour mettre un terme à la culture d'impunité et pour montrer au monde entier que le pays protège ses citoyens, punit les criminels, et tient à la liberté de la presse et à la démocratie.
Le membre travailleur de la République de Corée, concentrant son intervention sur la violation de la liberté syndicale dans la zone franche d'exportation (ZFE) de Cavite qui regroupe 254 entreprises, a déclaré que, bien que le Code du travail puisse en principe s'appliquer également aux ZFE, dans la pratique, les activités syndicales sont sérieusement découragées, voire supprimées. De nombreux travailleurs ont été licenciés uniquement parce qu'ils ont créé ou ont rejoint un syndicat, voire parce qu'ils ont participé à des activités syndicales. Les employeurs soit refusent de reconnaître ou de négocier avec des syndicats soit mettent sur pied leur propre syndicat "maison". Dans la ZFE de Cavite, beaucoup de syndicats qui ont été créés ont succombé à la pression exercée par les employeurs et pas moins de 11 000 travailleurs ont perdu leurs emplois, ont été contraints à prendre leurs congés, ou ont été harcelés, accusés ou arrêtés, ces moyens étant utilisés dans le but de leur nier l'exercice de leurs droits syndicaux.
L'orateur s'est référé à l'exemple du syndicat Chong Won Fashion. Les travailleurs ont voté, en août 2004, pour que ce syndicat devienne leur seul agent négociateur. La direction de l'entreprise a cependant harcelé, intimidé et pris des mesures de représailles contre les dirigeants et membres du syndicat. Lorsque les travailleurs ont formé un piquet de grève pacifique devant l'entreprise en septembre 2006, le directeur de la production a fait venir des officiers de police de la Direction de la zone économique d'exportation des Philippines ainsi que des agents de sécurité. Contrairement aux directives existant en matière de grève, directives qui interdisent aux officiers de police ainsi qu'aux agents de sécurité de se positionner à moins de 50 mètres du cordon de protestation, les travailleurs en grève furent dispersés par la force et 40 travailleurs furent blessés. Le syndicat ayant suivi la procédure légale pour faire grève, la direction de l'entreprise n'avait ni base juridique ni argument permettant de justifier son action.
L'orateur a insisté sur la responsabilité du gouvernement, qui doit promouvoir un environnement propice à l'exercice des droits syndicaux. Le gouvernement a, au contraire, cherché à empêcher l'organisation et l'exercice des droits syndicaux en appliquant dans les ZFE la politique "zone exempte de syndicats, zone sans grèves". Conformément aux principes directeurs de l'OCDE de 2000 à l'intention des entreprises multinationales et à la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (1977) de l'OIT, le gouvernement ne devrait pas pour attirer les investissements étrangers limiter les droits syndicaux des travailleurs.
La commission d'experts a formulé les mêmes recommandations dans tous les cas dans lesquels il y a eu des allégations de meurtres de travailleurs, soulignant l'interdépendance entre les libertés civiles et les droits des syndicats et rappelant que l'ensemble des travailleurs, sans distinction aucune, doivent pouvoir jouir de la liberté syndicale dans un climat exempt de toute violence. Il est à espérer que les travailleurs philippins seront en mesure de jouir de ce droit rapidement.
En ce qui concerne les meurtres de syndicalistes, le gouvernement doit être encouragé à prendre des mesures immédiates permettant d'aboutir à la cessation des meurtres extrajudiciaires ainsi qu'à toute forme de violence contre les syndicalistes et à ouvrir immédiatement des enquêtes, impartiales et indépendantes à propos de ces meurtres. De plus, le gouvernement doit montrer son engagement aux principes de l'OIT par l'intermédiaire de la libération immédiate de M. Crispin Beltran, membre de l'organisation syndicale Kilusang Mayo Uno, ainsi que des autres dirigeants syndicalistes.
La membre travailleuse de l'Allemagne a exprimé sa préoccupation au sujet de la détérioration de la situation en matière de liberté syndicale aux Philippines, évoquée dans le rapport de la commission d'experts; notamment les graves obstacles à l'exercice au droit d'organisation et d'affiliation syndicale; l'arbitrage obligatoire du gouvernement et les violences antisyndicales croissantes, y compris des meurtres de syndicalistes, au sujet desquels les enquêtes et la procédure judiciaire sont pendantes depuis plusieurs années, constituant une preuve évidente d'impunité.
L'oratrice a également exprimé sa préoccupation à propos d'autres questions. Elle a évoqué le problème de l'absence de sécurité juridique dans le pays en citant la décision de la Cour suprême du mois de mars 2006 concernant l'université de San Agustín, dans laquelle elle avait déclaré une grève illégale après l'avoir dans un premier temps déclarée légale. Dans de telles conditions, il est difficile de faire confiance au système judiciaire. Les syndicalistes courent le risque d'être arrêtés, comme cela a été le cas dans l'affaire Crispin Beltran, et sont sous la menace de disparitions ou de meurtres. Les activités des syndicats sont souvent limitées par une discrimination antisyndicale légalement soutenue exercée par d'importants employeurs publics et privés. Les dirigeants syndicaux courent le risque d'être confrontés à des accusations montées de toutes pièces et d'être emprisonnés, sans la garantie d'un procès équitable. Ils doivent agir dans un pays où 70 syndicalistes ont déjà été tués en 2007, et où il faut, pour survivre, changer fréquemment de localisation, comme ce fut le cas pour le président de l'Association des travailleurs de l'entreprise Toyota Motors Philippines Corporation. L'exercice effectif d'activités syndicales est rendu difficile dans les cas où l'employeur soutient un syndicat "jaune" et limite les syndicats indépendants. C'est le cas de Bayer Philippines Corporations, où une solution a été trouvée au moyen d'un accord de coexistence par la négociation collective entre l'entreprise et le syndicat indépendant.
Dans ce contexte, il faut recommander au gouvernement de réviser sa législation et d'améliorer son système judiciaire de façon à garantir une meilleure protection à la population en général, y compris aux syndicalistes, et à donner ainsi effet, en pratique, aux principes contenus dans les conventions nos 87 et 98.
La membre gouvernementale de la Colombie a signalé que les Philippines sont un pays démocratique en développement, déterminé à lutter contre la pauvreté et à améliorer les conditions de vie de ses citoyens. Elle a affirmé que son gouvernement est déterminé à promouvoir le dialogue social et à améliorer l'application du Programme national sur le travail décent. En outre, il veut éclaircir les événements violents qui ont touché le secteur syndical et constituer des cours spéciales chargées de les examiner. Enfin, L'oratrice a indiqué que les efforts de la justice doivent être encouragés et reconnus par la communauté internationale.
La représentante gouvernementale a exprimé sa tristesse pour la manière dont les questions soulevées ont été débattues. Son gouvernement n'a jamais nié l'existence des meurtres et la présidente a nommé une commission impartiale pour enquêter sur le problème et déférer les auteurs devant les tribunaux. Les chiffres mentionnés au cours du débat sont très douteux et ceux fournis à la Commission Melo présentaient des divergences. De plus, il n'y a aucune preuve que les meurtres aient uniquement été basés sur l'exercice des activités syndicales ou des droits syndicaux des personnes. Les droits syndicaux sont protégés par la Constitution. Il est dommage que le débat se soit éloigné des dispositions de la convention pour s'orienter vers des questions politiques.
Des mesures sont prises pour traiter le problème des meurtres. La présidente a donné des instructions et a demandé à ce que la Commission Melo poursuive son travail de manière à produire un rapport additionnel. Le gouvernement a demandé la coopération des Etats de l'Union européenne; il a enquêté sur les allégations d'implication des militaires, élargi le programme de protection des témoins et établi 99 tribunaux spéciaux. Dans un premier temps, la législation a été modifiée pour supprimer l'exigence de la présence de 20 pour cent des membres pour créer des syndicats locaux. La nouvelle législation sera envoyée à la commission d'experts. Le Conseil tripartite pour la paix sociale a décidé de conserver l'exigence de la présence de dix membres pour l'établissement de fédérations et de syndicats nationaux; cette exigence vaut uniquement pour l'enregistrement d'une fédération ou d'un syndicat et non pour le maintien de leur personnalité juridique ou la justification de l'annulation de leur enregistrement. En ce qui concerne les allégations de harcèlement et d'intimidations dans les zones franches d'exportation, la représentante gouvernementale a déclaré que le Code du travail s'applique également à ces zones qui ne sont donc pas des zones "libres de syndicats", ce qui est démontré par ailleurs par le nombre de syndicats fonctionnant dans ces zones avec l'accord des employeurs. L'allégation selon laquelle une culture d'impunité prévaut dans son pays doit être rejetée. Le désir le plus fort de la présidente est qu'il soit mis fin à ces meurtres. Dans le cas de Crispin Beltran, la Cour suprême a décidé que prolonger sa détention n'était pas justifié. L'ordre de libération sera envoyé en temps voulu. La détention de Crispin Beltran n'a rien à voir avec ses activités syndicales ou avec le fait qu'il dirigeait un syndicat.
Les membres employeurs ont souligné l'importance du cas, au regard de la question fondamentale de savoir si les libertés civiles sont protégées de manière adéquate dans le pays. La commission a été informée des changements législatifs; cependant, il reste certaines questions qui n'ont pas encore été traitées. Un rapport devrait être présenté en temps opportun montrant les modifications qui auront été apportées pour permettre à la commission d'experts d'examiner la situation de manière plus approfondie. Les conclusions devraient proposer la visite dans le pays d'une mission de haut niveau pour effectuer une évaluation complète de tous les aspects du cas.
Les membres travailleurs ont encouragé le gouvernement à faire participer les partenaires sociaux dans le processus continu de révision du Code du travail, qui vise à rendre ce texte conforme aux dispositions contenues à la fois dans la convention n° 87 et d'autres conventions de l'OIT. Le gouvernement doit envoyer des copies des textes modifiés à la commission d'experts pour examen. En ce qui concerne les meurtres, il est de la responsabilité du gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les témoins et assurer que des enquêtes détaillées et impartiales soient menées. Bien que les autres organes des Nations Unies aient chacun leur responsabilité, il est nécessaire de garantir les autres droits fondamentaux de l'homme si l'on veut rendre effectif l'exercice des droits du travail. Les conclusions devraient demander l'envoi d'une mission de haut niveau dans le pays.
La commission a pris note de la déclaration de la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi. Elle a noté que les commentaires de la commission d'experts concernent des allégations graves de meurtres de syndicalistes, de violences antisyndicales dans le secteur du sucre, de menaces de mort visant à décourager la création de syndicats dans une zone franche et de l'impunité dans laquelle sont restés des meurtres de travailleurs. Elle a également noté que la commission d'experts se réfère depuis des années à la nécessité de modifier le Code du travail actuellement en vigueur de manière à le rendre conforme à la convention.
La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles, suite aux recommandations de la Commission Mélo, qui avait pour mission d'enquêter sur le nombre croissant d'exécutions extrajudiciaires, 99 tribunaux régionaux ont été désignés pour résoudre ces affaires sans délai. Elle a également noté que le gouvernement fait état d'un nombre de plus en plus important de syndicats, de même que de l'adoption récente d'une loi renforçant le droit des travailleurs de se syndiquer.
Profondément préoccupée par les allégations de meurtres de syndicalistes, la commission a souligné que le respect des libertés civiles fondamentales est une condition essentielle de l'exercice de la liberté syndicale. Tout en prenant note des premières mesures prises par le gouvernement en réponse à cette grave situation, avec la constitution de la Commission Mélo puis la mise en place de tribunaux régionaux spéciaux, la commission, préoccupée par le fait que les auteurs et instigateurs de ces crimes n'ont pas été jugés, a souligné l'importance qui s'attache à ce que tous les actes de violence commis contre des syndicalistes donnent lieu aux enquêtes qui s'imposent et à ce que tout indice d'impunité suscite une action énergique, dans le but de garantir l'exercice plein et entier des droits syndicaux et celui des libertés civiles qui en sont indissociables. La commission a appelé le gouvernement à veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises, y compris par l'ouverture d'enquêtes indépendantes et impartiales, pour rétablir un climat de liberté et de sécurité, exempt de violence et de menaces, de manière à ce que les travailleurs et les employeurs puissent exercer pleinement les droits qui s'attachent à la liberté d'association.
Tout en prenant note avec intérêt des informations communiquées par le gouvernement sur certains amendements apportés récemment au Code du travail, la commission appelle instamment le gouvernement à prendre toutes dispositions propres à garantir que d'autres amendements seront adoptés rapidement, en pleine concertation avec les partenaires sociaux concernés, de manière à faire suite aux commentaires formulés par la commission d'experts depuis des années. Elle a prié le gouvernement de fournir des informations précises en réponse à tous les points soulevés, notamment sur les incidences que la loi antiterrorisme risque d'avoir sur l'application des dispositions de la convention, et également de communiquer copie des textes législatifs pertinents dans un rapport à adresser à la commission d'experts. Elle l'a prié d'accepter une mission de l'OIT de haut niveau, de manière à parvenir à une meilleure compréhension de tous les aspects inhérents à ce cas. La commission exprime le ferme espoir qu'elle sera en mesure de prendre note dans un proche avenir de progrès tangibles quant à l'application de la convention, aussi bien en droit que dans la pratique.
Un représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement avait dûment pris note des observations de la commission d'experts et de la demande qui lui a été adressée de réviser certaines dispositions du Code du travail, notamment certaines des modifications introduites en 1989 par la loi no 6715. Il a fait observer qu'une conférence tripartite nationale avait été convoquée en mai 1990 afin d'examiner la législation et la réglementation du travail. Suite aux délibérations de cette conférence, le Conseil tripartite de la paix industrielle a été constitué aux termes de l'Arrêté exécutif no 403 et chargé, entre autres, de conseiller la Présidente et le Secrétaire du travail et de l'emploi sur les grandes orientations en matière de travail. En avril 1991, le Conseil a inscrit à son ordre du jour la révision de la législation du travail actuellement en vigueur, révision dont les résultats seront soumis à l'assemblée législative pour examen. Le représentant gouvernemental a assuré la commission que le Conseil, lors de ses délibérations, traiterait des questions soulevées par la commission d'experts. Il a souligné que, les amendements mis en cause étant le résultat de consultations tripartites, toute révision subséquente de ces textes devrait également être précédée de consultations tripartites; cela s'inscrit également dans le cadre de la récente ratification par le gouvernement philippin de la convention no 144 sur les consultations tripartites. L'orateur a informé la commission que le gouvernement poursuit ses efforts, avec l'aide du BIT, pour mettre la législation nationale existante en conformité avec les normes internationales du travail. Plusieurs entretiens ont eu lieu à cette fin entre des experts du BIT, des députés philippins ainsi que des représentants des employeurs et des travaillerus. En fait, plusieurs députés font partie cette année de la délégation des Philippines à la Conférence; cet élément positif devrait contribuer au règlement des problèmes soulevés dans le rapport.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental des renseignements fournis, ainsi que des intentions positives exprimées et des efforts poursuivis par le gouvernement. Ils ont rappelé que la commission d'experts avait soulevé les cinq questions suivantes: la disposition prévoyant qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci puisse être enregistré; le nombre trop élevé de syndicats exigé pour constituer une fédération ou une centrale; l'interdiction faite aux étrangers (autres que ceux possédant des permis valables, si les mêmes droits ne sont pas accordés aux travailleurs philippins dans le pays d'origine des travailleurs étrangers) de participer à toute activité syndicale, sous peine d'expulsion du pays; l'arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du Secrétaire du Travail et de l'Emploi, une grève prévue ou en cours affecte une industrie indispensable à l'intérêt national, ce qui restreint le droit à la grève dans des services non essentiels, et l'imposition de sanctions sévères pour la participation à des grèves illégales. Les membres travailleurs ont noté que le gouvernement avait reconnu dans son rapport que la législation en question devrait être améliorée, et que le représentant gouvernemental n'avait rien dit qui fût contraire devant la commission.
Les membres employeurs ont déclaré que ce cas illustre l'utilité des organes de contrôle et des travaux de cette commission en ce qui concerne l'amélioration de la législation et des conditions de travail. C'est la sixième fois dans la dernière décennie que le cas des Philippines a été porté à l'attention de la commission et, par deux fois, ce pays a été inscrit dans la liste des cas de progrès par la commission d'experts. Tout en souscrivant sur un plan général aux commentaires des travailleurs, les membres employeurs ont souhaité exprimer quelques réserves. Tout d'abord, ils ont répété que la commission d'experts a défini de façon trop restrictive les limites acceptables au droit de grève, et qu'il est difficile de définir à l'avance les circonstances dans lesquelles une grève risque de menacer l'intérêt national. De plus, les employeurs ont estimé que la commission d'experts a utilisé un critère qui n'existe pas dans la convention no 87 en établissant la démarcation entre les grèves légales et illégales, et que cette opinion des experts va trop loin dans la mesure où elle pourrait empêcher des gouvernements d'adopter des textes législatifs qui préviendraient adéquatement les activités illégales. Ils ont déclaré en conclusion que des modifications s'imposaient au Code du travail, et qu'ils s'attendaient à ce que les changements appropriés y soient apportés.
La commission a pris note du rapport de la commission d'experts et des informations fournies par le représentant gouvernemental. Elle a également noté que des modifications apportées au Code du travail ont permis de mettre la législation et la pratique en plus grande conformité avec les exigences de la convention. Elle a toutefois noté, en particulier, qu'il subsiste des divergences sérieuses en ce qui concerne l'enregistrement des syndicats, la création des fédérations, les droits des travailleurs étrangers de participer aux activités syndicales, l'arbitrage obligatoire et les sanctions pour grèves illégales. La commission a exprimé l'espoir que des mesures appropriées seraient prises dans un proche avenir, au besoin avec l'assistance du BIT, afin de mettre la loi et la pratique en conformité avec les exigences de la convention.
Le représentant gouvernemental a informé la présente commission que le projet de loi du Sénat no 530 et le projet de loi de la Chambre des représentants no 11524 mentionnés par la commission d'experts ont déjà été adoptés, en tant que loi de la République. Cette loi no 6715 est entrée en vigueur le 21 mars 1989, juste avant la fin de la session de la commission d'experts. Une copie de cette loi sera communiquée à la commission d'experts pour information et examen. La réglementation d'application de la loi no 6715 a été signée par le secrétaire du travail et de l'emploi le 24 mai 1989 après deux mois de consultations et de délibérations tripartites. Une copie en sera également adressée à la commission d'experts. L'orateur a exprimé l'espoir que la commission d'experts pourra considérer que la plupart, sinon la totalité, de ses préoccupations ont trouvé réponse dans ces documents. Il a souligné que, depuis que le nouveau gouvernement est venu au pouvoir et que le Congrès remplit effectivement ses fonctions, le Code du travail a fait l'objet de deux amendements: l'arrêté exécutif no 111 de 1986 et aujourd'hui la loi no 6715 de 1989. Selon l'orateur, ce n'est pas si mal si l'on considère la période relativement courte depuis que l'administration actuelle est au pouvoir ainsi que le temps requis pour les audiences publiques et les délibérations tripartites nécessaires. Il a ajouté que le Comité national tripartite de révision, qui est maintenant un mécanisme permanent, se réunit régulièrement aux fins de réviser la législation de manière à ce que les amendements nécessaires soient formulés et adoptés pour donner plein effet à la présente convention.
Les membres travailleurs ont noté que les problèmes qui se posent au terme de la convention sont traités par le Comité de la liberté syndicale et depuis plusieurs années par la commission d'experts, et montrent que la législation n'est pas en conformité avec la convention. Il est maintenant temps d'agir. Ils sont conscients que le pays a connu une dictature qui a probablement empêché l'adoption de mesures, mais le nouveau régime est en place depuis trois ans et devrait être à même d'améliorer graduellement sa législation et sa pratique. Ils sont également conscients du fait que le pays souffre encore de difficultés économiques et d'un chômage élevé, ainsi que du problème interne de la guérilla. Ces difficultés ne font pas l'objet de la présente discussion mais elles sont extrêmement coûteuses en termes d'argent et de vies humaines. Les activités tripartites auxquelles il a été fait référence devraient permettre la réalisation de progrès et ils se sont félicités de noter qu'une loi a été promulguée, et qu'elle est entrée en vigueur en mars 1989. Ils ont exprimé l'espoir que cette législation soit transmise à la commission d'experts pour examen afin qu'elle puisse être à même de constater si des progrès ont été accomplis. Ils ont également formulé l'espoir que cette législation ait pris en considération la plupart, voire l'intégralité, des commentaires en instance depuis si longtemps et que la présente commission serait en mesure de constater sa conformité avec la convention.
Les membres employeurs ont noté que ce cas concernait une série de dispositions législatives et réglementaires constituant une ingérence sur la liberté syndicale; certains de ces textes sont inutiles et devraient être éliminés. Se référant aux commentaires de la commission d'experts relatifs aux restrictions imposées au droit de grève, ils ont rappelé qu'il s'agissait d'un cas où les employeurs ont une opinion différente quant aux exigences de la convention. En tout cas, la législation actuelle soulève suffisamment de problèmes de conformité avec la convention, par exemple l'ingérence dans les affaires des syndicats. Un certain nombre de points devraient être résolus par la nouvelle loi élaborée à la suite de consultations tripartites; toutefois, une série d'autres mesures législatives sont encore nécessaires. Ils ont exprimé l'espoir que, dans un délai raisonnable et prévisible, des amendements seront adoptés, car depuis 25 ans il y a des divergences entre la loi et la pratique et les exigences de la convention.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et du débat qui a eu lieu. La commission a noté avec intérêt que certains projets de loi ont été adoptés et prie le gouvernement d'envoyer les textes en question au BIT afin que la commission d'experts puisse les examiner. Compte tenu de l'importance des points soulevés par la commission d'experts, la commission demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit rapidement assurée la pleine conformité de la législation et de la pratique avec les dispositions de la convention. La commission exprime l'espoir que le gouvernement pourra faire état, dans son prochain rapport, de progrès décisifs dans l'application de la convention sur tous les points soulevés par la commission.
Commentaire précédent
La commission note que, en vertu de l’article 242-A d) du Code du travail, tel qu’amendé par la loi no 9481 de 2007, les organisations syndicales légitimes doivent soumettre la liste de leurs membres au moins une fois par an ou à chaque fois que le demande le Bureau. La commission considère qu’une telle exigence, si elle est utilisée à d’autres fins que pour déterminer la représentativité du syndicat, constitue une ingérence dans les affaires internes du syndicat. La commission encourage le gouvernement à prendre les mesures nécessaires afin d’abroger cette disposition et le prie d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées à cet égard.
La commission note également l’article 245-A du Code du travail, tel qu’amendé en 2007, concernant l’effet de l’inclusion d’employés qui ne font pas partie de l’unité de négociation en tant que membres et prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cette disposition en pratique.
La commission prie le gouvernement une fois de plus de préciser quelle est la validité, actuellement, du spécimen de contrat applicable à diverses qualifications, et de faire état de toute mesure prise ou envisagée afin que les activités syndicales soient supprimées de la liste des motifs de licenciement. La commission prie également le gouvernement d’indiquer dans quelles circonstances concrètes ce contrat type est utilisé et de fournir une estimation du nombre des travailleurs auxquels il est appliqué.
La commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait pris note qu’une mission de haut niveau s’était rendue dans le pays en septembre 2009, que le gouvernement s’était engagé à mettre en œuvre un programme complet de coopération technique sur la liberté syndicale et à constituer un organe de surveillance tripartite de haut niveau pour examiner les progrès réalisés dans les enquêtes et le traitement des cas de violence portés à l’attention des organes de contrôle de l’OIT. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés dans la mise en place d’un tel organe, sur son mandat et son fonctionnement. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle la Commission nationale tripartite pour la paix industrielle (NTIPC) a été créée le 20 janvier 2010, en tant qu’organe de contrôle de haut niveau sur l’application des normes internationales du travail, et en particulier sur l’application de la convention. Le mandat de la NTIPC consiste à: i) faciliter des solutions globales et différentes pour répondre aux recommandations du Comité de la liberté syndicale (CLS); ii) surveiller et rendre compte des progrès effectués concernant les cas toujours actifs devant le CLS; iii) faciliter la collecte des informations pertinentes concernant les plaintes déposées auprès de l’OIT; et iv) évaluer et recommander des mesures appropriées. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement sur l’activité de la NTIPC depuis sa création.
La commission accueille favorablement les mesures prises par le gouvernement afin de renforcer la capacité opérationnelle de la Police nationale des Philippines (PNP) et les Forces armées des Philippines (AFP) et visant à favoriser un environnement propice à l’exercice des libertés publiques et des droits syndicaux garantis par la Constitution, et ce par le biais: i) de leur inclusion dans le Manuel de procédures opérationnelles de la PNP (POP) et dans le manuel concernant les règles sur les conflits du travail, les rassemblements et les manifestations et la protection des droits fondamentaux des victimes et des criminels; ii) d’un complément au Manuel POP avec un guide sur le contrôle des droits de la personne afin de fournir des références de base au personnel de la police sur le maintien de l’ordre et d’offrir des suggestions pratiques sur la façon d’intégrer les normes internationales relatives aux droits de la personne pour l’application des lois dans les commissariats de police; iii) du renforcement des droits de la personne dans les bureaux des postes de police; et iv) d’une campagne visant à démanteler toutes les milices privées. En outre, la commission accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle les directives conjointes révisées sur la conduite du personnel de la PNP et des gardes de sécurité d’agences privées pendant les grèves et les lock-out seront signées avant la fin de 2010, suite aux consultations finales. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’adoption des directives conjointes dans son prochain rapport.
Par ailleurs, la commission accueille favorablement les activités menées sous l’égide du Programme (UE-Philippines) de soutien à la justice (EPJUST) (police et autres organismes d’enquêtes, procureurs et magistrats) visant, entre autres, à: i) renforcer les moyens et l’efficacité du système judiciaire des Philippines et à réaliser des enquêtes efficaces et rapides afin de poursuivre en justice les criminels tout en leur assurant un procès rapide et équitable; ii) renforcer les moyens et l’efficacité de la Commission des droits de la personne; iii) renforcer les moyens et les services de la police et des forces armées afin qu’ils puissent former leur personnel suivant les normes internationales relatives aux droits de la personne.
De plus, la commission accueille favorablement le fait que le gouvernement s’est engagé à continuer à travailler étroitement avec l’OIT, les partenaires sociaux et d’autres intervenants dans le but d’établir un programme de coopération technique afin de sensibiliser et de renforcer les moyens de toutes les institutions publiques et les partenaires sociaux concernés dans le but de promouvoir et protéger les droits des travailleurs. A cet égard, la commission note avec intérêt que deux séminaires régionaux ont été organisés en avril 2010 sur les droits civils, la liberté d’association, la négociation collective, et la mise en œuvre du droit du travail et son application dans les Zones économiques des Philippines, et qu’un séminaire de renforcement des connaissances pour les administrateurs du système de justice, les juges de la Cour suprême et leur personnel juridique sera mené avant la fin de 2010.
La commission note avec intérêt que, suite à la mission de haut niveau, la loi no 9745 (loi anti-torture de 2009) a été approuvée le 10 novembre 2009. Le gouvernement indique que cela réaffirme son engagement à défendre les libertés publiques, les droits de la personne et les droits économiques, en sanctionnant la torture et autres traitements cruels, inhumains, punitifs ou dégradants, et renforce d’autant plus la mise en place par la Cour suprême des procédures d’habeas et d’amparo, tel que noté précédemment pas la commission.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement en réponse aux commentaires soumis par la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2009 qui concernent la violence envers les syndicalistes et l’impunité dans le pays. La commission note, en plus de ce qui précède, en ce qui concerne certaines allégations concrètes, que le gouvernement s’engage à présenter ses observations sur les cas devant le CLS, et à continuer à rassembler des informations sur d’autres cas allégués et à fournir une réponse dans les meilleurs délais possibles. La commission espère que le gouvernement fournira cette information dans son prochain rapport.
La commission note en outre la communication datée du 24 août 2010 de la Confédération syndicale internationale (CSI), dans laquelle elle fournit ses commentaires sur l’application de la convention en droit et en pratique. La commission note que certaines des observations de la CSI ont trait à des questions législatives soulevées par la commission ci-dessous (restriction au droit des ressortissants étrangers de s’affilier à des syndicats, enregistrement des organisations syndicales et leurs activités, y compris le droit de grève, ainsi que l’utilisation de la loi sur la sécurité des personnes). La CSI affirme également que, malgré la tenue d’une mission de haut niveau du BIT aux Philippines, les meurtres, les enlèvements et les disparitions ainsi que les tactiques antisyndicales, y compris le harcèlement et les arrestations, se poursuivent. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur ces allégations.
Loi sur la sécurité des personnes. La commission avait précédemment prié le gouvernement de fournir des informations concernant les effets de la loi sur la sécurité des personnes sur l’application des dispositions de la convention et d’indiquer les garanties qui permettent d’assurer que cette loi ne peut être utilisée en aucun cas pour mettre fin à des activités syndicales légitimes ou commettre des exécutions extrajudiciaires liées à l’exercice des droits syndicaux. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle cette loi a été promulguée en 2007 pour lutter contre les activités terroristes qui mettent en danger la population. Selon le gouvernement, alors que la loi qualifie divers crimes d’actes terroristes, l’exercice des droits syndicaux (droit à l’auto-organisation, à des activités pacifiques concertées, à la négociation collective, etc.) ne rentre pas dans son champ d’application, et les activités syndicales légitimes ne peuvent pas être inclues dans l’étroite définition des crimes prévus dans la loi. Le gouvernement souligne que la crainte de l’abus possible de la loi par les autorités policières et judiciaires pour limiter les activités syndicales est plus illusoire que réelle. Le gouvernement affirme que, depuis la promulgation de cette loi, il ne semble pas qu’il y ait eu aucun cas où de tels abus ont été soulevés au sujet de sa mise en œuvre. La commission prie le gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur l’utilisation de la loi à l’encontre des syndicalistes, le cas échéant.
Code du travail. La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle formule des commentaires concernant certaines divergences entre les dispositions du Code du travail et celles de la convention. A cet égard, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle il travaille actuellement sur des réformes législatives afin de renforcer la liberté d’association et d’éliminer les obstacles à l’exercice effectif des droits du travail, et que deux projets de loi sont actuellement en cours de consultations tripartites pour soumission à la NTIPC avant leur dépôt devant les comités des deux Chambres du 15e Congrès. La commission rappelle que ses précédents commentaires portaient sur la nécessité de mettre la législation nationale en conformité avec les articles suivants de la convention.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer et de s’affilier à des organisations de leur choix, sans autorisation préalable. La commission avait précédemment évoqué la nécessité de modifier les articles 269 et 272 (b) du Code du travail pour accorder le droit à la liberté syndicale à tous les ressortissants étrangers résidant légalement sur le territoire des Philippines (et non uniquement à ceux qui, étant détenteurs d’un permis valable, sont ressortissants d’un pays accordant les mêmes droits aux travailleurs philippins, ou qui a ratifié la convention no 87 ou la convention no 98 de l’OIT). Notant qu’il se réfère encore une fois au principe de réciprocité, la commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles mentionnés afin de permettre à toute personne résidant légalement dans le pays de jouir des droits syndicaux prévus par la convention.
La commission rappelle qu’elle avait précédemment demandé au gouvernement de lui communiquer la législation pertinente qui a supprimé la condition relative aux 20 pour cent requis afin d’enregistrer un syndicat et l’obligation de révéler les noms des responsables et des membres pour les fédérations et syndicats nationaux légitimes. La commission note à cet égard la loi no 9481 qui, entre autres, a modifié l’article 234 (c) du Code du travail. La commission note toutefois que, conformément à cet article, tel que modifié, l’obligation susmentionnée est toujours applicable aux syndicats demandant leur enregistrement indépendamment. La commission rappelle que l’exigence d’une forte proportion de travailleurs en vue de l’enregistrement d’un syndicat est contraire au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 81). Elle demande donc à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier l’article 234 (c) du Code du travail afin d’abaisser le nombre minimum d’adhérents requis en vue de l’enregistrement des syndicats indépendants et d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées à cet égard.
La commission avait précédemment demandé au gouvernement d’indiquer toutes les mesures prises en vue de d’abaisser le seuil de 30 pour cent de membres requis pour l’enregistrement des syndicats de fonctionnaires prévues par le décret no 180 de 2004. La commission note avec satisfaction l’adoption, le 29 juin 2010, de la résolution no 4, par le Conseil de la gestion du travail dans le secteur public, qui a permis d’abaisser le pourcentage d’effectif minimum requis pour les fins de l’enregistrement restaurant la pratique de longue date telle que demandée par les syndicats.
Article 3. Droit de grève. La commission avait précédemment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 263 (g) du Code du travail afin de limiter aux seuls services essentiels au sens strict du terme la possibilité d’une intervention des autorités publiques pouvant mener à un arbitrage obligatoire. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le contexte de la réforme législative susmentionnée, le premier projet de loi précité vise à modifier l’article 263 (g) de manière à limiter la compétence du Secrétaire d’Etat au Travail (et de son président) aux «services essentiels», tel que défini par l’OIT. La commission note en outre que le gouvernement indique que l’arrêté ministériel no 40-G-03 prévoyant les modalités d’exercice de la compétence du Secrétaire d’Etat au Travail a été adopté en tant que mesure administrative provisoire le 29 mars 2010. La commission note que, selon le nouvel article 15 du règlement XXII de l’arrêté ministériel, «lorsqu’un conflit du travail provoque ou est susceptible de provoquer une grève dans un secteur d’activités indispensable à l’intérêt national, le Secrétaire d’Etat au Travail peut exercer sa compétence sur le différend et en décider, ou en référer à la Commission nationale des relations du travail pour qu’il soit soumis à l’arbitrage obligatoire» soit à la demande des deux parties au différend ou «après une conférence convoquée par le bureau du Secrétaire d’Etat au Travail … moto proprio ou à la demande de l’une des parties au conflit du travail». La commission rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail ou une grève est acceptable que si cela est fait à la demande des deux parties impliquées dans un différend, ou si la grève en question peut être limitée, voire interdite, par exemple pour les différends dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou une partie de la population. La commission considère que le terme «intérêt national» est trop large pour entrer dans une définition stricte de ce que peut constituer un service essentiel. La commission prie le gouvernement de modifier l’arrêté ministériel no 40-G-03 afin d’assurer l’application de ce principe. La commission espère que le projet de loi évoqué par le gouvernement fera en sorte que l’ingérence gouvernementale résultant de l’arbitrage obligatoire sera limitée uniquement aux services essentiels au sens strict du terme. La commission prie le gouvernement d’indiquer toutes les mesures prises à cet égard et de fournir, dans l’intervalle, des statistiques pertinentes sur le recours à l’article 263 (g) du Code du travail.
La commission avait précédemment demandé au gouvernement de modifier les articles 264 (a) et 272 (a) du Code du travail, qui prévoient le licenciement de dirigeants syndicaux et des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement en cas de participation à une grève illégale, dans un sens propre à garantir que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de grève sans encourir des sanctions pénales. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le contexte de la réforme législative susmentionnée, le deuxième projet de loi supprime la possibilité d’imposer des sanctions pénales pour une simple participation à une grève jugée illégale en raison de sa non-conformité avec les exigences administratives. La commission rappelle qu’aucune sanction pénale ne doit être imposée à un travailleur ayant participé à une grève pacifique et que, en aucun cas, des mesures d’emprisonnement ne doivent être imposées. Ces sanctions pourraient être envisagées que si, pendant une grève, des violences contre les personnes ou les biens ou d’autres violations graves des droits ont été commises, et elles doivent être imposées en vertu de la législation nationale. La commission exprime le ferme espoir que le nouveau texte législatif assurera l’application de ce principe.
Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion sans ingérence des autorités publiques. La commission rappelle qu’elle avait précédemment prié le gouvernement de modifier l’article 270 du Code du travail, qui soumet l’aide étrangère accordée à des syndicats à une autorisation préalable du Secrétaire d’Etat au Travail, et note l’indication du gouvernement selon laquelle le deuxième projet de loi abroge cette exigence.
Article 5. Droit des organisations de constituer des fédérations et des confédérations. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d’abaisser le nombre excessif de syndicats requis (dix) pour constituer une fédération ou un syndical national en vertu de l’article 237 (a) du Code du travail.
La commission exprime le ferme espoir que la réforme législative entreprise sera bientôt achevée et que le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin que les dispositions législatives susmentionnées soient en conformité pleine et entière avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des renseignements sur les résultats de cette réforme et sur tous les textes législatifs pertinents ainsi adoptés.
La commission a pris note de la discussion qui a eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009 et de l’indication du gouvernement selon laquelle il acceptait la mission de haut niveau demandée par la Commission de la Conférence en 2007. La commission note avec intérêt que la mission de haut niveau s’est déroulée du 22 au 29 septembre 2009 et que le gouvernement a pleinement assisté ladite mission et lui a facilité les contacts avec toutes les parties concernées.
La commission observe en particulier les recommandations faites par la mission de haut niveau concernant la nécessité de renforcer les capacités, de sensibiliser et de former sur la liberté syndicale et la négociation collective à travers le pays. Elle note en particulier la suggestion: la formation des Forces armées des Philippines (AFP) et de la Police nationale des Philippines (PNP) sur les libertés publiques fondamentales des syndicalistes; une formation ciblée qui porterait sur les libertés publiques fondamentales dans les zones économiques spéciales devrait être réalisée, y compris pour les officiers de l’autorité de la zone économique des Philippines, pour les employeurs et les travailleurs; une formation pour les juges et les professionnels du droit sur les normes internationales du travail et leur utilisation par les instances judiciaires, avec une attention particulière sur la liberté syndicale; et une formation continue du personnel du Département du travail et de l’emploi, de la Commission de la fonction publique et de la Commission de gestion des ressources humaines des services publics. La commission note avec intérêt l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre un programme complet de coopération technique sur la liberté syndicale et les efforts déployés jusqu’à présent pour concrétiser les détails d’un tel programme en collaboration avec le Bureau. A cet égard, elle accueille favorablement la communication reçue récemment du gouvernement dans laquelle il fait état de la tenue de la Conférence tripartite nationale sur la liberté syndicale: Vers une globalisation juste et le travail décent, du 2 au 4 décembre 2009 en vue de maintenir l’élan créé par la mission de haut niveau de l’OIT.
La commission note les informations détaillées communiquées par la Confédération syndicale internationale (CSI), en particulier concernant des violences à l’encontre de syndicalistes et le climat d’impunité qui prévaut dans le pays, et demande au gouvernement de fournir une réponse à ces observations dans son prochain rapport. La commission rappelle une nouvelle fois l’importance qu’elle attache à ce que le gouvernement fasse tous les efforts pour garantir aux travailleurs l’exercice de leurs droits syndicaux dans un climat exempt de violence, de menace et de crainte. Elle note avec intérêt que, selon le dernier rapport du gouvernement faisant suite aux recommandations de la mission de haut niveau, le secrétaire exécutif, s’exprimant au nom de la présidence, a confirmé l’engagement du gouvernement de constituer un organe de surveillance tripartite de haut niveau pour examiner les progrès dans les enquêtes et le traitement des cas de violence présentés devant les organes de contrôle de l’OIT. Elle note en outre la déclaration du secrétaire exécutif selon laquelle, suite à l’abrogation de la loi contre le désordre, les opposants au gouvernement ne sont plus considérés comme subversifs ni visés en tant que tels et qu’aucune persécution ne serait tolérée. La commission prie le gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur les progrès réalisés dans la mise en place de l’organe de surveillance tripartite de haut niveau, sur son mandat et son fonctionnement.
La commission procédera l’année prochaine à l’examen de tous les points en instance en relation avec l’application de la convention en droit et dans la pratique quand elle aura à sa disposition le rapport de mission détaillé et tous les commentaires que le gouvernement ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs souhaiteraient faire. Elle prie le gouvernement de fournir pour examen l’année prochaine un rapport détaillé contenant des réponses à ses commentaires précédents.
La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. En conséquence, elle est amenée à reprendre son précédent commentaire qui était conçu dans les termes suivants.
La commission avait noté que l’ordonnance exécutive no 180 de 2004 porte apparemment à un niveau plus élevé – de 10 pour cent à 30 pour cent du total des effectifs des salariés ordinaires – le nombre de ces salariés dont il faut obtenir l’adhésion pour qu’un syndicat de salariés du secteur public acquière la personnalité juridique. Cette règle de pourcentage est calculée apparemment sur la base du total de l’effectif des salariés ordinaires du secteur public pour l’ensemble du pays.
La commission rappelle que les salariés du secteur public, comme tous les autres travailleurs, ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et de s’affilier à de telles organisations sans intervention de la part des autorités publiques et, par ailleurs, qu’une condition imposant une adhésion de 30 pour cent du total des effectifs du secteur public est de nature à entraver la constitution d’organisations syndicales (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 81 à 83). En conséquence, la commission prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet, y compris sur toutes mesures prises ou envisagées en vue de ramener cette condition à un niveau raisonnable.
En outre, la commission demande au gouvernement:
– d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour assurer que tous les travailleurs des Philippines, y compris les cadres, le personnel pénitentiaire et les pompiers, jouissent du droit de se syndiquer garanti par la convention; et
– de préciser quelle est la validité, actuellement, du spécimen de contrat applicable à diverses qualifications affiché sur le site Web du Département du travail et de l’emploi, sous la rubrique de l’Administration philippine de l’emploi à l’étranger, et de faire état de toute mesure prise ou envisagée afin que les activités syndicales soient supprimées de la liste des motifs de licenciement. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans quelles circonstances concrètes ce contrat type est utilisé et de fournir une estimation du nombre des travailleurs auxquels il est appliqué.
La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle prend également note des commentaires très détaillés transmis par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans des communications datées du 29 août et du 1er septembre 2008, par le Kilosang Mayo Uno dans une communication du 15 septembre 2008 et par la Confédération indépendante du travail dans les services publics (PSLINK) dans une communication du 15 septembre 2008. La commission prie le gouvernement de transmettre les observations qu’il souhaiterait faire sur ces commentaires.
Libertés publiques. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations communiquées par la CSI en 2006 et en 2007, qui concernaient de nombreuses allégations de violation des droits syndicaux, y compris des meurtres, des tentatives d’assassinats, des menaces de mort, des enlèvements, des disparitions forcées, des agressions, des tortures, des interventions de l’armée dans les activités syndicales, de la dispersion violente, par la police, de cortèges et de piquets de grève, des arrestations de dirigeants syndicaux liées à leurs activités, et qui faisaient état de l’impunité générale de ces actes. Dans ce contexte, la commission prend note des conclusions intérimaires et des recommandations du Comité de la liberté syndicale de novembre 2008 à propos du cas no 2528 (351e rapport, paragr. 1180-1240), lesquelles concernent des allégations similaires. Enfin, la commission prend note des recommandations formulées par la Commission indépendante chargée des meurtres de membres des médias et d’activistes, créée en application de l’ordonnance administrative no 157 de 2006 par le Président des Philippines (Commission Melo: rapport publié le 27 janvier 2007), des recommandations du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires concernant sa mission aux Philippines qui s’est déroulée du 12 au 21 février 2007 (Rapporteur spécial: document A/HRC/8/3/Add.2, 16 avril 2008). Elle note également qu’un Sommet consultatif national sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, «recherche de solutions» (Sommet consultatif national), a été organisé par la Cour suprême les 16 et 17 juillet 2007 à Manille.
La commission rappelle les informations communiquées par le gouvernement concernant les mesures prises pour remédier à cette situation grave: création de la Commission Melo, suivie de la création de tribunaux régionaux spéciaux, révision des règles de procédure, mise en place de l’Unité spéciale USIG au sein de la police nationale des Philippines et organisation par la Cour suprême d’un sommet consultatif national. Elle prend également note, d’après les informations communiquées par la CSI en 2008, de la mise en place, par la Cour suprême, de la procédure d’amparo (recours pour la protection de droits constitutionnels) en septembre 2007. Assimilable à l’habeas corpus, cette procédure impose aux organismes publics de révéler au tribunal le lieu de séjour des personnes nommées, de divulguer les preuves littérales ou de permettre les perquisitions des lieux autorisés par le tribunal.
La commission note que, dans ses dernières communications des 29 août et 1er septembre 2008, la CSI transmet d’autres informations détaillées sur la situation des droits de l’homme en général et les violations systématiques des droits fondamentaux et des libertés publiques des syndicalistes; ces informations s’accompagnent de nombreux extraits de rapports sur les droits de l’homme et d’articles de journaux. La commission note en particulier que, d’après la CSI, malgré les mesures annoncées par le gouvernement pour faire face aux problèmes, peu d’améliorations ont été constatées en pratique, et l’on relève une absence totale de mesures pour mener des enquêtes ou poursuivre les auteurs de ces actes, ce qui conduit à l’impunité des violences incessantes visant les syndicalistes. La CSI indique que d’autres exécutions extrajudiciaires ont eu lieu en 2007 et 2008, ce qui porte à 87 le nombre de syndicalistes tués depuis 2001. Cinq dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été assassinés et trois syndicalistes enlevés entre juillet 2007 et août 2008. La CSI ajoute également que les manifestations de travailleurs sont dispersées violemment et que les syndicalistes font l’objet d’intimidations et de menaces, ou sont inscrits sur des listes noires. Elle fait également état d’une présence militaire sur les lieux de travail, notamment dans les zones franches d’exportation et les zones économiques spéciales, et indique que les syndicats et les dirigeants syndicaux qui s’opposent au modèle de développement économique sont constamment surveillés et harcelés. Certains seraient contraints à changer sans cesse de domicile pour éviter d’être persécutés.
La commission prend également note que la CSI cite les recommandations détaillées du Rapporteur spécial des Nations Unies et exprime sa préoccupation sur l’inefficacité des mesures adoptées à ce jour par le gouvernement pour remédier à la situation. En effet, des centaines d’assassinats et de «disparitions» ont eu lieu ces cinq dernières années, mais deux affaires seulement ont entraîné des poursuites et la condamnation de quatre prévenus (dont aucune liée à des actes contre des syndicalistes)
La commission rappelle que, en 2007, la Commission de la Conférence a prié le gouvernement d’accepter une mission de haut niveau de l’OIT pour mieux comprendre l’ensemble des aspects de ce cas. La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas encore accepté la mission.
La commission observe avec un profond regret qu’aucune information ne fasse état de condamnations des auteurs et des instigateurs d’actes très graves visant des syndicalistes, et que les meurtres, les enlèvements, les disparitions forcées et d’autres violations des droits fondamentaux des syndicalistes se poursuivent. La commission rappelle que l’absence de jugement des coupables crée en pratique une situation d’impunité qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des droits syndicaux. Elle souligne que les droits des organisations de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes visant les dirigeants et les membres de ces organisations, et qu’il incombe au gouvernement de s’assurer que ce principe est respecté. Elle souligne qu’il importe de veiller à ce que tout acte de violence visant des syndicalistes et dirigeants syndicaux donne lieu à une enquête en bonne et due forme, et à ce que l’impunité soit activement combattue pour garantir l’exercice libre et sans entrave des droits syndicaux et des libertés publiques qui les accompagnent. Elle souligne que le gouvernement doit assurer un climat social où le droit est respecté car c’est la seule façon de garantir le respect et la protection des individus. Toutes les mesures voulues devraient être prises pour s’assurer que, indépendamment de l’affiliation à un syndicat, les droits syndicaux peuvent s’exercer dans des conditions normales, dans le respect des droits de l’homme fondamentaux et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de toutes sortes.
La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures adoptées ou envisagées pour mettre fin sans tarder au climat de violence et d’impunité qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des droits syndicaux, et pour s’assurer que les assassinats, les disparitions forcées et les autres violations de droits fondamentaux des syndicalistes donnent rapidement lieu à des enquêtes, des poursuites, et des jugements, et que les coupables sont condamnés.
Questions législatives. Loi sur la sécurité des personnes. La commission prend note des observations formulées par la CSI concernant la loi sur la sécurité de l’Etat et la protection de la population contre le terrorisme (no 9371) également appelée «loi sur la sécurité des personnes». Selon la CSI, cette loi définit le terrorisme en des termes vagues. D’après la loi, le terrorisme est un acte qui provoque une peur et une panique généralisées et exceptionnelles dans la population et constitue une infraction. Cette loi peut donner une justification légale aux exécutions extrajudiciaires et permettre de qualifier de «terroristes» des manifestations pacifiques comme les grèves et les actions de protestation concernant des questions sociales.
La commission note que, malgré la demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence formulée en 2007, le gouvernement n’a donné aucune information concernant les effets de la loi sur la sécurité des personnes sur l’application des dispositions de la convention, hormis le texte de la loi lui-même. La commission prie le gouvernement de communiquer ces informations et d’indiquer quelles garanties permettent de s’assurer que la loi sur la sécurité des personnes ne peut être utilisée en aucun cas pour mettre fin à des activités syndicales légitimes ou commettre des exécutions extrajudiciaires liées à l’exercice de droits syndicaux.
Autres questions législatives. En l’absence d’informations nouvelles du gouvernement, la commission réitère les demandes qu’elle formule depuis plusieurs années à propos de contradictions entre les dispositions de la législation nationale et celles de la convention:
– La nécessité de modifier l’article 234(c) du Code du travail, qui impose pour l’enregistrement d’une organisation syndicale de prouver, en produisant le nom de tous ses membres, qu’elle représente au moins 20 pour cent de tous les salariés de l’unité de négociation dans laquelle elle a l’intention d’agir. La commission rappelle que, d’après la déclaration du représentant du gouvernement faite devant la Commission de la Conférence en juin 2007, une loi a été adoptée en mai 2007 qui visait à supprimer la condition des 20 pour cent et l’obligation de donner les noms des responsables et des membres pour les fédérations et les syndicats nationaux légitimes. Toutefois, le seuil de 20 pour cent restait d’application pour les syndicats qui demandaient leur enregistrement indépendamment. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer le texte de la loi applicable et d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées pour abaisser le nombre minimum d’adhérents requis en vue de l’enregistrement des syndicats indépendants.
– La nécessité de modifier les articles 269 et 272(b) du Code du travail pour accorder le droit syndical à tous les ressortissants étrangers résidant légalement sur le territoire des Philippines (et pas uniquement à ceux qui, étant détenteurs d’un permis valable, sont ressortissants d’un pays accordant les mêmes droits aux travailleurs philippins, ou qui a ratifié la convention no 87 ou la convention no 98 de l’OIT). La commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises ou envisagées pour modifier les articles mentionnés afin de permettre à toute personne résidant légalement dans le pays de jouir des droits syndicaux prévus par la convention.
– La nécessité de modifier l’article 263(g) du Code du travail de manière à limiter aux seuls services essentiels au sens strict du terme la possibilité d’une intervention des autorités publiques aboutissant à un arbitrage obligatoire; de modifier les articles 264(a) et 272(a) du Code du travail, qui prévoient le licenciement de dirigeants syndicaux et des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement en cas de participation à une grève illicite, dans un sens propre à garantir que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de grève sans encourir de sanctions disproportionnées; d’abaisser le nombre excessif de syndicats requis (dix) pour constituer une fédération ou un syndicat national en vertu de l’article 237(a) du Code du travail; de modifier l’article 270 du Code, qui soumet l’aide étrangère accordée à des syndicats à une autorisation préalable du Secrétaire d’Etat au Travail. La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures adoptées ou envisagées pour modifier les dispositions législatives susmentionnées afin de les rendre entièrement conformes à la convention.
De plus, elle réitère sa demande adressée au gouvernement de continuer à communiquer des informations sur les niveaux de syndicalisation dans les zones franches d’exportation. Elle prend note des observations formulées par la CSI sur cette question, qui sont examinées dans le cadre de la convention no 98.
La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
La commission prend note du rapport du gouvernement.
La commission note que l’ordonnance exécutive no 180 de 2004 porte apparemment à un niveau plus élevé – de 10 pour cent à 30 pour cent du total des effectifs des salariés ordinaires – le nombre de ces salariés dont il faut obtenir l’adhésion pour qu’un syndicat de salariés du secteur public acquière la personnalité juridique. Cette règle de pourcentage est calculée apparemment sur la base du total de l’effectif des salariés ordinaires du secteur public pour l’ensemble du pays.
La commission rappelle que les salariés du secteur public, comme tous les autres travailleurs, ont le droit de constituer des syndicats de leur choix et de s’affilier à de telles organisations sans intervention de la part des autorités publiques et, par ailleurs, qu’une condition imposant une adhésion de 30 pour cent du total des effectifs du secteur public est de nature à entraver la constitution d’organisations syndicales (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 81 à 83). En conséquence, la commission demande que le gouvernement fournisse des informations à ce sujet, y compris sur toutes mesures prises ou envisagées en vue de ramener cette condition à un niveau raisonnable.
La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information répondant aux questions soulevées dans sa précédente demande directe. Dans ces circonstances, la commission est conduite à demander au gouvernement:
– de préciser quelle est la validité, actuellement, du spécimen de contrat applicable à diverses qualifications affiché sur le site Web du Département du travail et de l’emploi, sous la rubrique de l’Administration philippine de l’emploi à l’étranger, et faire connaître toute mesure prise ou envisagée afin que les activités syndicales soient supprimées de la liste des motifs de licenciement. Elle le prie en outre d’indiquer dans quelles circonstances concrètes ce contrat type est utilisé et de fournir une estimation du nombre des travailleurs auxquels il est appliqué.
La commission prend note du rapport du gouvernement qui inclut le texte de la loi (no 9371) tendant à assurer la sécurité de l’Etat et la protection de la population contre le terrorisme. Elle prend également note des discussions ayant eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2007. De plus, elle prend note des conclusions et recommandations provisoires adoptées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2528, relatif à des faits présumés de meurtres, menaces graves, intimidations et harcèlements incessants et autres formes de violence à l’égard de syndicalistes. Enfin, elle prend note des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) contenus dans une communication du 27 août 2007 dénonçant de nombreuses violations des droits syndicaux commises en 2006: assassinats, tentatives de meurtre, enlèvements, disparitions forcées, agressions, tortures, interventions de l’armée dans des activités syndicales, dispersion violente par la police de cortèges pacifiques célébrant la Journée internationale de la femme et arrestations de dirigeants syndicaux en rapport avec leurs activités. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations sans délai sur l’ensemble de ces très graves allégations, de même que sur les allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL, désormais CSI), de 2006 concernant le meurtre de quatre dirigeants syndicaux en 2005, la violence antisyndicale dans le secteur sucrier, des menaces de mort visant à décourager la formation de syndicats dans la zone économique de Cavite, et l’impunité dont bénéficieraient les auteurs du meurtre de sept grévistes commis en novembre 2004.
A. Libertés publiques. La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence s’est déclarée profondément préoccupée par les faits allégués de meurtres de syndicalistes et a souligné que le respect des libertés civiles fondamentales est essentiel pour l’exercice de la liberté syndicale. Tout en prenant note des premières mesures que le gouvernement a prises devant cette situation particulièrement grave, en instaurant la commission Melo puis en créant des tribunaux régionaux spéciaux, la Commission de la Conférence, inquiète de ne pas voir les auteurs et instigateurs de ces crimes traduits en justice, a souligné l’importance qui s’attache à garantir que tous les actes de violence commis contre des syndicalistes soient l’objet d’enquêtes diligentes et que toute forme d’impunité soit résolument combattue pour garantir l’exercice plein et entier des droits fondamentaux et celui des libertés civiles qui en sont indissociables. La Commission de la Conférence a demandé instamment que le gouvernement veille à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour restaurer un climat de liberté pleine et entière et de sécurité, exempt de toute violence ou menace, y compris en diligentant des enquêtes indépendantes et impartiales, afin que travailleurs et employeurs puissent exercer pleinement leurs droits syndicaux.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport qu’il s’emploie sans compter à élucider sans délai le problème des assassinats d’une manière générale et celui des faits présumés de meurtres et de disparitions forcées de syndicalistes. Il précise que l’appareil judiciaire, à travers la Cour suprême, contribue activement à ces efforts. Cet organe a en effet organisé récemment un Sommet national multisectoriel sur les assassinats. De plus, sa deuxième contribution concrète immédiate – après la désignation de tribunaux spéciaux chargés des affaires d’assassinats – consiste à revoir, comme il le fait actuellement, les règles de procédure dans le but de renforcer la protection des droits constitutionnels face à cette vague de meurtres et disparitions forcées de militants, notamment de militants syndicaux. L’unité spéciale USIG de la police nationale des Philippines (PNP) poursuit sans relâche ses investigations dans ces affaires afin d’en livrer les auteurs à la justice. Le gouvernement affirme aborder le problème sous tous ses angles – investigations, poursuites, jugements et condamnations – dans le contexte des recommandations faites par la commission Melo. Il déclare avoir bon espoir que tous ces efforts déboucheront prochainement sur des résultats concrets.
La commission tient à faire valoir que travailleurs et employeurs doivent pouvoir exercer leurs droits d’association dans un climat d’entière liberté et de sécurité, exempt de toutes violences ou menaces. Elle souligne en outre l’importance qui s’attache à garantir que tous les actes de violence contre des syndicalistes, qu’il s’agisse de meurtres, de disparitions forcées ou de menaces, fassent l’objet d’enquêtes adéquates, pour éviter que ne s’instaure un climat d’impunité de nature à entraver le libre exercice des droits syndicaux. La commission prie le gouvernement de faire état, dans son prochain rapport, des mesures prises ou envisagées pour parvenir à ce que ces affaires soient élucidées rapidement et à ce que les meurtriers et auteurs d’autres agissements graves contre des syndicalistes soient dûment poursuivis, jugés et condamnés.
B. Questions d’ordre législatif. S’agissant des autres questions soulevées dans ses précédents commentaires, la commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence elle-même prend note avec intérêt des informations communiquées par le gouvernement sur les récents amendements apportés au Code du travail, et elle l’incite vivement à prendre, en concertation avec les partenaires sociaux concernés, les mesures propres à garantir que d’autres amendements soient adoptés dans un très proche avenir pour tenir compte des commentaires formulés par la commission d’experts depuis des années. La commission constate que, dans son plus récent rapport, le gouvernement se borne à déclarer que les préoccupations exprimées quant à l’adoption de mesures législatives seront transmises au Congrès, dont la session s’est ouverte au cours de la deuxième quinzaine du mois de juillet 2007.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’affilier à ces organisations. 1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé que le gouvernement étudie la possibilité de modifier l’article 234 c) du Code du travail, qui impose pour l’enregistrement d’une organisation syndicale de prouver, en produisant le nom de tous ses membres, qu’elle représente au moins 20 pour cent de tous les salariés de l’unité de négociation dans laquelle elle a l’ambition d’agir. La commission note que la représentante du gouvernement a déclaré devant la Commission de la Conférence qu’il a été adopté en mai 2007 une loi qui vise à étendre les capacités des fédérations et syndicats nationaux légitimes à se syndiquer et à aider leurs sections locales à obtenir leur reconnaissance aux fins de la négociation collective. Toute fédération ou organisation syndicale nationale légitime peut dorénavant créer une section locale qui peut à son tour demander l’homologation d’une élection sans devoir encore justifier de ces 20 pour cent des effectifs et sans devoir révéler le nom des membres et des dirigeants de la section locale. Le seuil de 20 pour cent reste toutefois d’application pour les syndicats qui demandent leur enregistrement indépendamment. La commission croit comprendre, d’après ces déclarations, que le projet de loi du Sénat no 1049, auquel le gouvernement faisait référence dans ses précédents rapports, a été adopté. La commission demande que le gouvernement communique le texte de la loi pertinente et expose dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées dans le but d’abaisser le nombre minimum d’adhérents requis pour l’enregistrement des syndicats indépendants.
2. La commission avait demandé que le gouvernement envisage également la modification des articles 269 et 272 b) du Code du travail, de manière que le droit de se syndiquer soit ouvert à tous les ressortissants étrangers résidant légalement sur le territoire des Philippines (et non pas seulement juste à ceux qui, étant détenteurs d’un permis valable, sont ressortissants d’un pays accordant les mêmes droits ou des droits comparables aux travailleurs philippins ou qui a ratifié la convention de l’OIT no 87 ou la convention de l’OIT no 98). La commission note que la déclaration faite par la représentante gouvernementale devant la Commission de la Conférence à ce sujet n’apporte aucun élément nouveau sur ce plan. Elle est donc conduite à rappeler une fois de plus que l’article 2 de la convention vise le droit de tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et celui de s’affilier à ces organisations. En conséquence, la commission demande une fois de plus que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées pour que les articles susvisés soient modifiés dans un sens propre à garantir que toute personne résidant légalement aux Philippines jouisse des droits syndicaux prévus par la convention.
Articles 3 et 5. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait demandé au gouvernement de:
– modifier l’article 263 g) du Code du travail de manière à limiter aux seuls services essentiels la possibilité d’une intervention des autorités publiques aboutissant à un arbitrage obligatoire;
– modifier les articles 264 a) et 272 a) du Code du travail, qui prévoient le licenciement de dirigeants syndicaux et des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement en cas de participation à une grève illicite, dans un sens propre à garantir que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de grève sans encourir de sanctions démesurées lorsque cette grève a été déclarée illégale;
– abaisser le nombre excessif (dix) de syndicats requis selon l’article 237 a) du Code du travail pour pouvoir constituer une fédération ou un syndicat national, de manière à rendre cet article conforme à l’article 5 de la convention;
– modifier l’article 270 du Code du travail, qui soumet l’aide étrangère à des syndicats à une autorisation préalable du Secrétaire d’Etat au travail, de manière à faire porter effet à l’article 5 de la convention.
La commission note que le gouvernement s’est référé, dans ses précédents rapports, au projet de loi du Sénat no 1049 (anciennement projet de loi du Sénat no 2576), intitulé «Loi portant nouveau Code du travail des Philippines et servant d’autres buts», en indiquant que ce texte était à l’examen de la Commission du travail, de l’emploi et des ressources humaines et aussi de la Commission des amendements constitutionnels et de la révision des codes et des lois. Elle note que les déclarations faites par le représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence n’apportent aucun élément nouveau à ce sujet. Rappelant qu’elle formule des commentaires sur ces dispositions de la législation depuis plusieurs années, la commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives susmentionnées dans un sens propre à les rendre pleinement conformes à la convention.
La commission prend note des informations présentées par la représentante gouvernementale à la Commission de la Conférence à propos de l’exercice des libertés syndicales dans les zones franches d’exportation, informations selon lesquelles les syndicats dans ces zones sont passés de 251 en 2000 à 341 en septembre 2005 et que le nombre de leurs adhérents est passé de 23 000 en 2000 à près de 34 000 en 2005. La commission demande que le gouvernement continue de fournir dans son prochain rapport des informations sur les niveaux de syndicalisation dans les zones franches d’exportation.
Enfin, rappelant que la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau à cause des graves questions relatives aux dispositions de la convention soulevées, la commission veut croire que cette mission pourra se dérouler dans un très proche avenir et qu’elle sera en mesure de fournir l’assistance au gouvernement de manière à assurer la pleine application de la convention, en droit comme dans la pratique.
En outre, la commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
La commission note avec regret que, pour la deuxième fois de suite, le rapport du gouvernement ne contient pas de réponse aux questions qu’elle avait soulevées dans sa précédente demande directe. Dans ces circonstances, la commission est conduite à demander au gouvernement:
– de préciser quelle est la situation actuelle du spécimen de contrat applicable à diverses qualifications affiché sur le site Web du Département du travail et de l’emploi sous la rubrique de l’administration philippine de l’emploi à l’étranger, et faire connaître toute mesure prise ou envisagée afin que les activités syndicales soient supprimées de la liste des motifs de licenciement. Elle le prie en outre d’indiquer dans quelles circonstances concrètes ce contrat type est utilisé et de fournir une estimation du nombre des travailleurs auxquels il est appliqué.
La commission prend note du rapport du gouvernement et de sa réponse aux commentaires faits par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans une communication en date du 31 août 2005, qui se référait principalement à des questions soulevées antérieurement par la commission. En outre, elle prend note de nouveaux commentaires formulés par la CISL dans une communication en date du 10 août 2006, qui se réfère elle aussi à des questions soulevées par la commission et qui allègue des faits graves, à savoir le meurtre de quatre dirigeants syndicalistes en 2005; des violences antisyndicales dans le secteur du sucre; des menaces de mort tendant à décourager la formation de syndicats dans la zone économique de Cavite, et enfin l’impunité totale des auteurs des meurtres de sept grévistes commis en novembre 2004. En ce qui concerne les graves faits allégués, la commission tient à souligner que le respect des libertés civiles est essentiel pour l’exercice des libertés syndicales et que les travailleurs et les employeurs doivent être en mesure d’exercer leurs droits en matière de liberté d’association dans un climat de liberté et de sécurité pleine et entière, loin de toute violence et de toute menace. Par ailleurs, la commission souligne, cependant, qu’il importe que tous les actes de violence visant les syndicalistes, qu’il s’agisse d’assassinats, de disparitions ou de menaces, fassent l’objet d’enquêtes appropriées et rappelle qu’une situation où un grand nombre d’actes violents commis à l’encontre des syndicalistes ne font pas l’objet d’enquêtes, ou le fait que les enquêtes ne vont pas jusqu’à leur terme, est clairement une preuve d’impunité. La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport ses observations sur les commentaires de la CISL.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. 1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 234(c) du Code du travail, qui impose pour l’enregistrement d’une organisation syndicale, de prouver, en produisant le nom de tous ses membres, qu’elle représente au moins 20 pour cent de tous les salariés de l’unité de négociation dans laquelle elle prétend agir. La commission note que le gouvernement déclare que: a) lors des consultations tripartites sur l’ordonnance départementale no 40-03 (2003), le Département du travail et de l’emploi (DOLE) a recommandé, par la voix du Bureau des relations du travail (BLR), de supprimer cette règle des 20 pour cent. Mais cette recommandation n’a pas recueilli le soutien des autres partenaires; b) le DOLE soutient également le projet de la Chambre des représentants no 1351, introduit le 13 juillet 2001, qui tend à la suppression de cette règle des 20 pour cent. Ce projet de loi a été approuvé en deuxième lecture, le 8 juin 2005; c) la commission du Congrès chargée du contrôle des questions de travail et d’emploi (COCLE), qui a parrainé le projet de loi du sénat no 2576 (devenu entre-temps projet de loi no 1049), préconise le maintien de cette règle des 20 pour cent mais seulement à l’égard des syndicats indépendants.
Dans ces circonstances, la commission prie le gouvernement, comme elle l’a fait dans ses précédents commentaires, d’envisager, dans le cadre de la procédure d’amendement en cours du Code du travail (projet de la Chambre no 1351), de réviser l’article 234(c) du Code du travail dans un sens qui abaisserait le nombre minimum de membres requis pour pouvoir constituer un syndicat et d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées à cette fin.
2. La commission avait aussi demandé au gouvernement de modifier les articles 269 et 272(b) du Code du travail, et l’article 2 de la règle II de l’ordonnance départementale no 40-03, qui interdisent aux étrangers (autres que les détenteurs d’un permis, dans le cas où les mêmes droits sont reconnus dans leur pays aux travailleurs philippins) de participer à quelque activité syndicale que ce soit, sous peine d’expulsion. La commission note que le gouvernement déclare que la règle II de l’ordonnance départementale no 40-03 a été modifiée par l’ordonnance départementale no 40-C-05 de 2005, qui prévoit que le droit de constituer des organisations et de s’y affilier peut être exercé par des étrangers détenteurs d’un permis valable qui sont ressortissants d’un pays accordant, comme attesté par le Département des affaires étrangères, les mêmes droits ou des droits similaires aux travailleurs philippins, ou qui a ratifié la convention de l’OIT no 87 ou la convention de l’OIT no 98. La commission observe que, si ces mesures constituent indéniablement une avancée, la législation ne reconnaît cependant pas le droit de se syndiquer à tous les nationaux résidant légalement aux Philippines. Elle fait observer en outre que les articles 269 et 272(b) du Code du travail n’ont pas été modifiés. Dans ces circonstances, la commission rappelle à nouveau que le droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, implique que toute personne qui réside légalement sur le territoire d’un Etat y jouit des droits syndicaux prévus par la convention, sans aucune distinction fondée sur la nationalité (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 63). La commission prie le gouvernement de modifier en conséquence les articles susmentionnés et de la tenir informée à cet égard.
– modifier l’article 263(g) du Code du travail de manière à limiter aux seuls services essentiels l’intervention des autorités publiques qui résulte de l’arbitrage obligatoire;
– modifier les articles 264(a) et 272(a) du Code du travail, qui prévoient le licenciement de dirigeants syndicaux et des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à une peine de trois ans d’emprisonnement en cas de participation à une grève illicite, dans un sens propre à garantir que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de grève, sans encourir le risque de sanctions disproportionnées lorsque cette grève a été déclarée illégale;
– abaisser le nombre excessif (10) de syndicats requis selon l’article 237(a) du Code du travail pour pouvoir constituer une fédération ou un syndicat national, afin que cet article soit conforme à l’article 5 de la convention;
– modifier l’article 270 du Code du travail, qui soumet l’aide étrangère à des syndicats à une autorisation préalable du secrétaire d’Etat au Travail, de manière à faire porter effet à l’article 5 de la convention.
La commission note que le gouvernement reprend les informations déjà communiquées dans ses précédents rapports et se réfère au projet de loi du sénat no 1049 (anciennement projet de loi du sénat no 2576), intitulé «loi portant nouveau Code du travail des Philippines et servant d’autres buts», en indiquant que ce texte est actuellement à l’examen de la commission du travail, de l’emploi et des ressources humaines et aussi de la commission des amendements constitutionnels et de la révision des codes et des lois. Dans ces circonstances, rappelant qu’elle formule des commentaires sur ces dispositions de la législation qui sont non conformes à la convention depuis plusieurs années, la commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives susmentionnées et l’informera des progrès enregistrés à ce sujet dans son prochain rapport.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement ne répond pas à propos des questions qu’elle a soulevées dans sa demande directe précédente.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires à des postes de direction, le personnel pénitentiaire et les pompiers aient le droit de se syndiquer. La commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tout fait nouveau à cet égard, en particulier dans le cadre de l’élaboration en cours du nouveau Code du travail. La commission demande de nouveau au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour garantir à tous les travailleurs aux Philippines, y compris les fonctionnaires à des postes de direction, le personnel pénitentiaire et les pompiers, le droit de s’organiser qui est garanti dans la convention.
2. Par ailleurs, la commission avait pris note des informations disponibles sur le site Internet du Département du travail et de l’emploi, qui portent sur l’administration chargée de l’emploi à l’étranger de Philippins. En particulier, elle avait pris note du contrat type de travail pour diverses qualifications qui visent les travailleurs philippins expatriés, et constaté que ce contrat type prévoit qu’un employeur peut mettre fin au contrat lorsque le travailleur participe à des activités syndicales. La commission avait donc demandé au gouvernement de rendre ces dispositions conformes à la convention. La commission demande de nouveau au gouvernement de préciser les conditions dans lesquelles le contrat type est utilisé et d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour supprimer les activités syndicales de la liste de motifs de licenciement. Elle demande aussi au gouvernement d’indiquer les conditions dans lesquelles le contrat type est utilisé, et le nombre approximatif de travailleurs dont les conditions de travail sont régies par le contrat type.
La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et celui de s’y affilier. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 234 c) du Code du travail qui prévoit l’obligation qu’au moins 20 pour cent des travailleurs d’une unité de négociation soient membres d’un syndicat. La commission prend note de l’indication du gouvernement, à savoir que ce point a été examiné longuement au cours de réunions avec des représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement mais que, à la suite d’un examen et d’une analyse approfondis dans le cadre du Conseil tripartite pour la paix sociale, il a néanmoins été décidé de maintenir ces dispositions. La commission rappelle de nouveau que l’exigence selon laquelle une organisation ne peut être créée que si elle réunit un nombre minimal de membres est contraire au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 81). Elle demande donc de nouveau au gouvernement d’envisager de modifier l’article 234 c) afin de diminuer le nombre minimum de membres requis pour pouvoir constituer un syndicat et d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées à cette fin.
2. La commission avait aussi demandé au gouvernement de modifier les articles 269 et 272 b) du Code du travail, et l’article 2 de la règle II de l’ordonnance départementale no 40-03, qui interdisent aux étrangers (sauf les détenteurs d’un permis valable, dans le cas où les mêmes droits seraient reconnus aux travailleurs philippins dans le pays d’origine des travailleurs étrangers considérés) de participer à quelque activité syndicale que ce soit sous peine d’expulsion. La commission note que le gouvernement n’a pas fourni d’autres informations à ce sujet. Rappelant que le droit des travailleurs de constituer des organisations et de s’y affilier, sans distinction d’aucune sorte, implique que tous ceux qui séjournent légalement sur le territoire d’un Etat bénéficient des droits syndicaux prévus par la convention, sans aucune différence fondée sur la nationalité (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 63), la commission demande de nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ces articles et de la tenir informée à cet égard.
Article 3. Droit des organisations des travailleurs d’organiser leur gestion et leurs activités, et de formuler leurs programmes d’action sans intervention des autorités publiques. Arbitrage obligatoire. Dans son observation précédente, la commission avait exprimé le ferme espoir que la proposition visant à modifier l’article 263 g) du Code du travail pour limiter aux services essentiels l’intervention des pouvoirs publics sous la forme d’un arbitrage obligatoire garantirait effectivement aux travailleurs l’exercice de leur droit de grève, sans intervention du gouvernement. La commission avait aussi exprimé l’espoir que, dans l’intervalle, le gouvernement limiterait l’exercice de cette faculté dans la pratique. La commission note à ce sujet que le gouvernement renvoie aux commentaires qu’il a formulés dans sa réponse à propos du cas no 2195 dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi. Dans ces commentaires, le gouvernement a confirmé que le Département philippin du travail et de l’emploi a soumis sa recommandation visant à modifier l’article 263 aux commissions du travail du Sénat et de la Chambre des représentants des Philippines, y compris pour limiter l’exercice de ces facultés de juridiction aux conflits dans des établissements qui assurent des «services essentiels». La commission exprime de nouveau le ferme espoir que cette initiative débouchera très prochainement sur la modification de l’article 263 g) du Code du travail afin de garantir effectivement le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité, sans intervention des autorités publiques. Elle demande au gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès accomplis à cet égard.
Sanctions pour grève. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des articles 264 a) et 272 a) du Code du travail qui prévoient le licenciement de dirigeants syndicaux et des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à une peine de trois ans d’emprisonnement en cas de participation à une grève illicite. La commission avait également pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi du Sénat no 2576 vise à modifier la loi en ce qui concerne les grèves, et les conditions de ces dispositions pénales. La commission avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour modifier les articles 264 a) et 272 a) du Code du travail pour garantir que les travailleurs ne sont pas sanctionnés de façon disproportionnée pour avoir participéà une grève illégale (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 177). Elle avait demandé au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard, en particulier dans le cadre de l’élaboration du nouveau Code du travail. La commission demande de nouveau au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les progrès accomplis dans la réforme de la loi sur les grèves, et les mesures prises ou envisagées pour modifier ces articles du Code du travail.
2. Se référant à ses commentaires précédents sur l’article 146 du Code pénal, la commission note avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle des peines sont prévues en cas de réunions illicites (entre autres, réunions auxquelles participent des personnes armées dans le but de commettre un crime, ou réunions au cours desquelles les assistants sont incités à la trahison, la rébellion, la sédition ou l’agression) mais ne s’appliquent qu’à ces circonstances limitées et non à l’exercice du droit de grève, pour lequel les sanctions applicables sont celles prévues dans le Code du travail.
Article 5. Droit des organisations de travailleurs de constituer des fédérations et des confédérations, et celui de s’y affilier, et droit de s’affilier à des organisations internationales. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées à propos du nombre excessif (10) de syndicats qui est nécessaire pour constituer une fédération ou un syndicat national (art. 237 a) du Code du travail). La commission note que, selon le gouvernement, cette disposition a été examinée longuement au cours de réunions entre les représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement et que, après un examen et une analyse approfondis dans le cadre du Conseil tripartite pour la paix sociale, il a néanmoins été décidé de maintenir cette disposition. La commission rappelle de nouveau que cette exigence est excessive et incompatible avec l’article 5 de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 191). Elle demande au gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour garantir le respect de la convention sur ce point.
2. Dans ses commentaires précédents, la commission avait exprimé l’espoir que le projet de loi du Sénat no 2576, dont le gouvernement avait fait mention dans son rapport précédent, permettrait de modifier l’article 270 du Code du travail qui réglemente l’assistance étrangère fournie aux syndicats, et demandé au gouvernement de la tenir informée à cet égard. Elle note de nouveau que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique que cette disposition n’est plus appliquée dans la pratique et que le ministère du Travail et de l’Emploi a indiqué au Congrès qu’elle devrait être abrogée expressément. La commission demande au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport tout progrès accompli à cet égard.
La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et souhaite formuler des commentaires sur les points suivants.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Dans son rapport, le gouvernement indique que dans le secteur privé les cadres, y compris le personnel de confiance ayant accès à des informations que la direction détient à propos des relations de travail, n’ont pas le droit de constituer des syndicats. L’article 1 de la règle I de l’ordonnance départementale no 40-03 définit les cadres comme suit: «personnel ayant la faculté ou la prérogative de définir et d’exécuter des politiques de direction, et d’engager, de muter, de suspendre, de licencier, de rappeler ou de renvoyer des travailleurs, de leur confier des tâches ou de prendre des mesures disciplinaires à leur encontre». Dans le secteur public, les fonctionnaires qui occupent des postes élevés ou de direction, ou qui ont des fonctions à caractère confidentiel, les gardiens de prison et les pompiers n’ont pas le droit de s’affilier à des syndicats. La commission rappelle que les seules exceptions autorisées par la convention concernent les membres de police et des forces armées (article 9), exceptions qui se justifient par les responsabilités des personnes concernées en matière de maintien de la sécurité externe et interne de l’Etat (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 55). A propos du personnel de direction et des cadres dans le secteur privé, et des fonctionnaires titulaires de postes de confiance et assumant des responsabilités de direction ou de contrôle, la commission estime que les dispositions qui interdisent à ces travailleurs de s’affilier à des syndicats représentant les autres travailleurs ne sont pas nécessairement incompatibles avec la convention, mais à deux conditions: ils doivent avoir le droit de créer leurs propres organisations et la législation doit limiter cette catégorie aux personnes exerçant de hautes responsabilités de direction ou de définition des politiques (voir étude d’ensemble, op. cit, paragr. 57 et 66). A propos des pompiers et du personnel pénitentiaire, la commission estime que les fonctions exercées par ces deux catégories d’agents publics ne justifient pas leur exclusion du droit de s’organiser (voir étude d’ensemble, op. cit, paragr. 56). La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires à des postes de direction, le personnel pénitentiaire et les pompiers aient le droit de se syndiquer. Elle lui demande de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard, en particulier dans le cadre de l’élaboration en cours du nouveau Code du travail.
Par ailleurs, la commission prend note des informations disponibles sur le site Internet du Département du travail et de l’emploi, qui portent sur l’administration chargée de l’emploi à l’étranger de Philippins. En particulier, elle prend note du contrat type de travail pour diverses qualifications qui visent les travailleurs philippins expatriés.
La commission note que l’article 14(a) de ce contrat type prévoit qu’un employeur peut mettre fin au contrat lorsque le travailleur participe à des activités syndicales. Par conséquent, en vertu de ce contrat, la participation à des activités syndicales constitue un motif licite de licenciement.
La commission rappelle que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier, et que ce droit est compromis si des travailleurs peuvent être licenciés en raison de leurs activités ou de leur affiliation syndicale. La commission prend dûment note du fait qu’il ne s’agit que d’un contrat type. La commission garde à l’esprit que la législation nationale protège les travailleurs contre les discriminations antisyndicales (art. 246 du Code du travail). La commission invite donc le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour aligner la pratique sur les dispositions de la convention, et à la tenir informée sur ce point. La commission saurait aussi gré au gouvernement de préciser les conditions dans lesquelles le contrat type est utilisé (activités professionnelles couvertes, parties au contrat) et d’indiquer le nombre approximatif de travailleurs dont les conditions de travail sont régies par cette sorte de contrat.
La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement. Elle prend aussi note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2252 (voir 332e rapport, paragr. 848 à 890). Elle prend note de l’entrée en vigueur de l’ordonnance départementale no 40-03 qui modifie le règlement d’application du Livre V du Code du travail. En outre, elle note que le projet de loi du Sénat no 2576, qui vise àétablir un nouveau Code du travail, a été soumis au Sénat. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport copie du projet de loi ou du texte final, et de la tenir informée de tout fait nouveau à cet égard.
Ayant à l’esprit les points qu’elle soulève depuis des années dans ses commentaires à propos des divergences qui existent entre le Code du travail et la convention, la commission souhaite attirer plus particulièrement l’attention sur les points suivants.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et celui de s’y affilier. La commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne contient pas d’autres informations à propos de certains points qu’elle a soulevés dans des commentaires précédents et qui portent sur les divergences suivantes entre la législation nationale et les obligations prévues par la convention:
- l’obligation qu’au moins 20 pour cent des travailleurs d’une unité de négociation soient membres d’un syndicat (art. 234(c) du Code du travail);
- l’interdiction faite aux étrangers (sauf les détenteurs d’un permis valable, dans le cas où les mêmes droits sont reconnus aux travailleurs philippins dans le pays d’origine des travailleurs étrangers considérés) de participer à quelque activité syndicale que ce soit (art. 269) sous peine d’expulsion (art. 272(b)), et article 2 de la règle II de l’ordonnance départementale no 40-03 qui confirme ces restrictions.
La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ces dispositions et de la tenir informée de tout fait nouveau à cet égard.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action sans intervention des autorités publiques. Arbitrage obligatoire. Depuis des années, la commission se réfère à la nécessité de modifier l’article 263(g) du Code du travail qui permet au Secrétaire du travail et de l’emploi de soumettre un conflit du travail à un arbitrage obligatoire. La commission note que le rapport du gouvernement n’apporte pas d’information sur ce sujet. De nouveau, la commission souligne que cette disposition du Code du travail est rédigée dans des termes généraux qui pourraient permettre son application dans des situations allant bien au-delà de celles où la grève peut être restreinte, voire interdite, en conformité avec la convention. Elle rappelle que ces restrictions ne sont admissibles que: i) dans les services essentiels, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne, dans l’ensemble ou une partie de la population, ii) lors de crises nationales graves, dans la mesure nécessaire pour faire face aux besoins de la situation, et seulement pendant une période limitée; et iii) dans le cas de fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. La commission rappelle qu’elle demande depuis 1978 au gouvernement de modifier l’article 263(g). Or, en pratique, cette disposition est toujours appliquée, comme il ressort des cas nos 2195 et 2252 en instance devant le Comité de la liberté syndicale (voir cas no 2195, 329e rapport, paragr. 722 à 739, 332e rapport, paragr. 131 à 142, et cas no 2252, 332e rapport, paragr. 848 à 890). La commission note à la lecture des conclusions du Comité de la liberté syndicale que le Département du travail et de l’emploi a soumis une proposition de réforme aux commissions du travail de la Chambre des représentants et du Sénat. Cette proposition ne prévoit une intervention du Secrétaire du travail et de l’emploi qu’en cas de conflits touchant des services essentiels. La commission exprime le ferme espoir que cette initiative débouchera sur la modification de l’article 263(g), et que le nouveau Code du travail garantira effectivement aux travailleurs l’exercice de leur droit de grève, sans intervention du gouvernement. Dans l’intervalle, la commission espère que le gouvernement limitera l’exercice de cette faculté en tenant compte des observations précédentes.
Sanctions pour grève. La commission fait observer que ses commentaires précédents portaient sur les sanctions que le Code du travail prévoit en cas de participation à une grève illicite: licenciement de dirigeants syndicaux (art. 264(a), et sanction pénale pouvant aller jusqu’à une peine de trois ans d’emprisonnement (art. 272(a)). La commission note que le gouvernement réitère ses commentaires précédents, à savoir que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux cas restreints de grèves illicites ou d’actes contraires à la loi, et qu’à aucun moment des sanctions pénales n’ont été imposées. La commission note en outre que, selon le gouvernement, le projet de loi du Sénat no 2576 vise à modifier la loi en ce qui concerne les grèves et que les modifications proposées portent sur le texte des articles 264(a) et 272(a). Cela étant, la commission note à la lecture des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2252 que des poursuites au pénal ont été intentées contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux au motif de leur participation à une grève que les autorités nationales avaient considérée comme illicite; la procédure est en cours devant le tribunal compétent. La commission rappelle que des sanctions pour faits de grève ne devraient pouvoir être infligées que dans les cas où les interdictions et restrictions prévues sont conformes aux dispositions de la convention. En outre, la commission rappelle que ces sanctions ne devraient pas être disproportionnées par rapport à la gravité des infractions (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 177 et 178). En particulier, les peines d’emprisonnement devraient être évitées en cas de grève pacifique. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier les articles 264(a) et 272(a) et garantir ainsi que les travailleurs pourront exercer effectivement leur droit de grève sans encourir des peines disproportionnées. Elle demande au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard, en particulier dans le cadre de l’élaboration du nouveau Code du travail.
Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 146 du Code pénal prévoit des peines d’emprisonnement pour les organisateurs ou meneurs de grève, et pour les participants à des piquets de grève organisés à des fins de propagande contre le gouvernement. La commission prend note de l’information que le gouvernement fournit dans son rapport, à savoir que cette disposition ne s’applique que dans des cas restreints, qui ne visent pas l’exercice du droit de grève, et que les sanctions applicables en cas de grève sont celles prévues dans le Code du travail. La commission souhaite rappeler que le paragraphe 3 de l’article 146 fait mention de la participation à«toute réunion tenue à des fins de propagande contre le gouvernement…» et que le terme «réunion» recouvre «les piquets de travailleurs et les actions collectives analogues». Tout en prenant note de l’indication du gouvernement, la commission estime que le libellé de l’article 146 et la référence qui y est faite aux piquets de travailleurs pourraient conduire à son application à des grèves légitimes. La commission demande donc au gouvernement de modifier l’article 146 pour garantir qu’il ne sera pas appliqué aux travailleurs qui exercent pacifiquement leur droit de grève. La commission demande aussi au gouvernement de la tenir informée de toute application, en pratique, de l’article 146 en cas de grève.
Article 5. Droit des organisations de travailleurs de constituer des fédérations et des confédérations, et celui de s’y affilier, et droit de s’affilier à des organisations internationales. La commission constate avec regret que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information à propos de ses précédents commentaires sur la nécessité de modifier l’article 237(a) du Code du travail, lequel fixe un nombre excessif (10) de syndicats pour pouvoir constituer une fédération ou un syndicat national. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
En matière d’affiliation internationale, l’article 270 du Code du travail contient une disposition qui vise à réglementer l’assistance étrangère fournie aux syndicats. Cela étant, la commission prend note avec intérêt de l’information contenue dans le rapport du gouvernement, à savoir que cette disposition n’est plus appliquée dans la pratique et que le Département du travail et de l’emploi a indiqué au Congrès qu’elle devrait être expressément abrogée. La commission espère que le projet de loi du Sénat no 2576 comprendra une modification du Code du travail dans ce domaine. Elle demande au gouvernement de la tenir informée de tout fait nouveau à cet égard.
La commission adresse aussi une demande directe au gouvernement.
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’apporte pas de réponse aux points soulevés dans ses précédents commentaires. Elle exprime l’espoir que le prochain rapport répondra de manière exhaustive à ces questions, qui portaient notamment sur les questions suivantes.
Articles 2 et 5 de la convention
- La règle prescrivant qu’au moins 20 pour cent des travailleurs d’une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234 c) du Code du travail);
- le nombre excessif (10) de syndicats requis pour pouvoir constituer une fédération ou un syndicat national (art. 237 a));
- l’interdiction faite aux étrangers (sauf aux détenteurs d’un permis valable dans le cas où les mêmes droits sont reconnus aux travailleurs philippins dans le pays des travailleurs étrangers considérés) de participer à quelque activité syndicale que ce soit (art. 269) sous peine de déportation (art. 272 b)); ainsi que les dispositions de l’arrêté ministériel no 9 modifiant les règles exécutives contenues dans le livre V du Code du travail, qui confirme ces restrictions.
Article 3
- Les dispositions ci-après prévoyant des sanctions disproportionnées en cas de participation à une grève illégale: les articles 264 a) et 272 a) du Code du travail, en vertu desquels les délégués syndicaux encourent dans ces circonstances un licenciement et une condamnation pénale pouvant aller jusqu’à trois ans; l’article 146 du Code pénal révisé, en vertu duquel les organisateurs ou les meneurs d’une manifestation à des fins de propagande contre le gouvernement encourent la réclusion perpétuelle et même la peine capitale, le mot «manifestation» englobant dans ce contexte des piquets de travailleurs.
Notant que le gouvernement mentionne dans son avant dernier rapport le processus en cours de révision en profondeur du Code du travail, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises dans un proche avenir en vue de modifier la législation au regard des points soulevés. Elle prie le gouvernement de signaler dans son prochain rapport les progrès accomplis à cet égard.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son dernier rapport.
Elle note ainsi avec intérêt que la Commission du congrès pour les questions de travail a assorti sa révision en profondeur du Code du travail de recommandations qui tendent à apporter une réponse aux commentaires formulés antérieurement par la commission à propos de l’article 263 g) dudit Code en limitant la juridiction exercée par le secrétaire d’Etat au travail en matière de conflits touchant à l’intérêt national aux seuls conflits affectant des services essentiels tels que défini par les organes de contrôle de l’OIT. Le gouvernement ajoute que cette recommandation devrait se traduire, vraisemblablement, par des amendements au Code du travail en vigueur. La commission prie le gouvernement de la tenir informée des progrès en la matière et de communiquer copie des amendements dès qu’ils auront été adoptés.
Notant que le rapport du gouvernement n’apporte pas d’informations supplémentaires à propos des points soulevés dans sa dernière observation, la commission rappelle lesdits commentaires, qui portaient sur les divergences ci-après constatées entre la législation nationale et les prescriptions de la convention.
Notant que le gouvernement mentionne le processus en cours de révision en profondeur du Code du travail, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises dans un proche avenir en vue de modifier la législation au regard des points soulevés, et elle prie le gouvernement de signaler dans son prochain rapport les progrès accomplis à cet égard.
La commission prend note du rapport du gouvernement et rappelle que ses observations précédentes portaient sur les divergences entre la législation nationale et les exigences de la convention en ce qui concerne les points suivants.
- L’exigence qu’au moins 20 pour cent des travailleurs d’une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234(c) du Code du travail).
- L’exigence de compter dix syndicats pour constituer une fédération (art. 237(a)).
- L’interdiction faite aux étrangers, autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables, dès lors que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans le pays d’origine de ces travailleurs, d’exercer toute activité syndicale (art. 269) sous peine d’expulsion (art. 272(b)), et les dispositions de l’ordonnance no 9 du département compétent qui portent modification du règlement d’application du Livre V du Code du travail, lequel confirme ces restrictions.
- La nécessité d’assouplir la règle 11(3)(f) du Livre V, mettant en œuvre le Code du travail, qui dispose que les dirigeants d’un syndicat d’une entreprise doivent être employés dans cette entreprise.
- La nécessité de modifier l’article 263(g) du Code du travail qui permet au Secrétaire du travail et de l’emploi de soumettre à un arbitrage obligatoire un conflit du travail causant ou susceptible de causer une grève ou un lock-out dans les branches d’activité indispensables à l’intérêt national, ce qui a pour effet de mettre un terme à la grève, ou en cas de crise nationale aiguë. Cette disposition confère de plus au président le pouvoir de déterminer les branches d’activité qui sont indispensables à l’intérêt national.
- Les dispositions suivantes qui prévoient des sanctions disproportionnées en cas de participation à une grève illégale: licenciement des dirigeants syndicaux et sanctions pénales allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement (art. 264(a) et 272(a) du Code du travail) et peine de réclusion à perpétuité ou peine de mort pour les personnes ayant organisé ou dirigé toute réunion tenue aux fins d’une propagande allant à l’encontre du gouvernement. Dans ce cas, le terme «réunion» recouvre la notion de piquet de grève (art. 146 du Code pénal tel que modifié).
Tout en notant que le gouvernement reprend pour l’essentiel les arguments qu’il formule depuis de nombreuses années en ce qui concerne les divergences susmentionnées, la commission observe que le gouvernement fait mention de la réforme approfondie du Code du travail qui est en cours et pour laquelle une commission du travail a été constituée au sein du Congrès.
La commission se réfère donc à ses observations détaillées précédentes et demande instamment au gouvernement de modifier sa législation en ce qui concerne les points sur lesquels elle formule des commentaires depuis de nombreuses années.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2001.]
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport. En ce qui concerne l'article 263 du Code du travail qui prévoit l'arbitrage obligatoire dans les branches d'activités "indispensables à l'intérêt national", la commission note que le gouvernement ne mentionne pas dans son dernier rapport le projet de loi du Sénat no 1757 qui proposait des amendements à cet article. La commission demande au gouvernement de l'informer de l'avenir de ce projet de loi. La commission note de plus que la déclaration du gouvernement à l'effet que le projet de loi sur le nouveau Code du service civil, qui reconnaîtra aux travailleurs du secteur public le droit de grève dans certaines circonstances, est encore en instance devant la Commission sénatoriale sur le service civil et la réorganisation du gouvernement. Le gouvernement indique de plus que pour des raisons de procédure, la loi doit être réintroduite. La commission prend note de cette information et demande au gouvernement de continuer à la tenir informée à ce sujet.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que dans la copie jointe de l'ordre départemental no 9 entré en vigueur le 21 juin 1997 qui abroge les règles portant application du livre V du Code du travail.
La commission note que ses précédents commentaires portaient sur les divergences entre la législation nationale et la convention sur les points suivants:
-- arbitrage obligatoire dans les branches d'activités "indispensables à l'intérêt national" (art. 263 du Code du travail);
-- sanctions disproportionnées en cas de participation à des grèves illégales (art. 264(a) et 272(a) du Code du travail; art. 146 du Code pénal);
-- exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234(c) du Code du travail);
-- exigence de 10 syndicats pour constituer une fédération (art. 237(a));
-- interdiction faite aux étrangers d'exercer toute activité syndicale (art. 269 et 272(b));
-- exigence que les dirigeants syndicaux agissant dans une entreprise soient employés par cette même entreprise (règle II(3)(f) du livre V portant application du Code du travail).
Arbitrage obligatoire
Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l'article 263(g) du Code du travail, tel qu'amendé, permet au ministre du Travail et de l'Emploi de soumettre un différend à l'arbitrage obligatoire, mettant ainsi fin à la grève, dans des situations autres que celles concernant les services essentiels ou lors de crises nationales aiguës. La disposition confère ce pouvoir au ministre lorsqu'il ou elle est d'avis qu'il existe "un conflit de travail causant ou susceptible de causer une grève ou un lock-out dans les branches d'activités indispensables à l'intérêt national". La disposition confère de plus au Président le pouvoir de déterminer "les branches d'activité qui, à son avis, sont indispensables à l'intérêt national", et lui permet d'intervenir en tout temps et d'avoir juridiction "sur tout conflit de travail afin d'y mettre un terme". Le gouvernement indique dans sa réponse que le pouvoir du Président d'intervenir en cas de grève n'est pas sans limite puisque son intervention ne peut avoir lieu que dans les branches d'activités indispensables à l'intérêt national. Tout en prenant note de l'indication du gouvernement, la commission doit à nouveau souligner que cette disposition du Code du travail est rédigée en termes généraux qui pourraient permettre son application dans des situations bien au-delà de celles auxquelles les actions de grève devraient être limitées ou interdites pour être en conformité avec la convention. Elle rappelle qu'une telle intervention n'est admissible que dans les cas suivants: i) dans les services essentiels, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; ii) en cas de crises nationales aiguës seulement dans la mesure nécessaire pour faire face à la situation, et seulement pour une durée limitée; iii) concernant les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat.
Considérant l'importance du droit de grève, celui-ci étant un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et considérant le critère permettant de limiter les grèves prévu à l'article 263(g) qui s'étend au-delà des situations soulignées plus haut, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender sa législation afin de la rendre conforme aux exigences de la convention.
Sanctions pour faits de grève
La commission note qu'elle a demandé depuis plusieurs années au gouvernement de revoir et d'amender les articles 264(a) et 272(a) du Code du travail et l'article 146 du Code pénal qui permettent d'imposer des sanctions civiles et pénales pour participation à une grève. En ce qui concerne l'article 264(a), qui permet de congédier un dirigeant syndical pour avoir participé à une grève illégale, le gouvernement indique à nouveau que cette disposition ne s'applique pas à un dirigeant syndical participant à une grève légale et affirme que la disposition vise "l'amélioration des conditions de travail et le maintien de la paix". Le gouvernement déclare également que l'article 272(a) prévoit une amende et/ou un emprisonnement de trois mois minimum et de trois ans maximum, applicable seulement dans les circonstances énumérées à l'article 264. La commission rappelle néanmoins que des sanctions pour action de grève ne devraient s'appliquer que dans les cas où les interdictions en cause sont en conformité avec les principes de la liberté syndicale (voir étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 117). Comme l'avait noté la commission et comme l'avait reconnu le gouvernement dans ses précédents rapports, certaines limitations aux actions de grève prévues dans la loi ne sont pas conformes aux principes issus de la convention; par conséquent, toutes sanctions imposées en violation de telles dispositions sont également incompatibles avec la convention.
En ce qui concerne l'article 146 du Code pénal, le gouvernement indique que cette disposition s'attaque à deux types d'assemblée illégale: i) une réunion constituée de personnes armées dans le but de commettre un crime; ii) une réunion où l'audience est incitée à commettre une trahison, une rébellion, une sédition ou une agression. Il déclare également que la référence au mot "réunion" ne doit pas être perçue comme incluant le principe des piquets de grève à moins que des individus armés fassent partie de ces piquets de grève dans le but de commettre un crime ou d'inciter l'audience à commettre un crime de trahison, rébellion, sédition ou agression. La commission est encore obligée de souligner que le paragraphe 3 de l'article 146 fait référence à la participation à "toute réunion tenue à des fins de propagande antigouvernementale..." et que le terme "réunion" est défini comme incluant les piquets de grève organisés par des groupes de travailleurs et autres actions collectives similaires. En prenant note de la remarque faite par le gouvernement dans son rapport selon laquelle une personne punie en vertu de l'article 272 du Code du travail n'est pas passible d'une peine en vertu du Code pénal, la commission reste néanmoins d'avis que les sanctions pour faits de grève (y compris le blocage par des piquets de grève) prévues par le Code du travail et par le Code pénal sont excessivement sévères et ne sont pas proportionnelles aux délits commis, en particulier les peines d'emprisonnement qui ne devraient pas être imposées en cas de grève pacifique. La commission demande donc à nouveau au gouvernement d'amender ces dispositions du Code pénal et du Code du travail pour s'assurer que les sanctions imposées en cas de grèves illégales soient proportionnelles à la nature du délit.
Limitation au droit de constituer des organisations et de s'y affilier
Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les divergences existant entre le Code du travail et les articles 2 et 5 de la convention: i) l'exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat (art. 234(c)); ii) l'exigence d'un nombre trop élevé de syndicats (10) pour constituer une fédération (237(a)); iii) l'interdiction faite aux étrangers, autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables dès lors que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans leur pays d'origine, d'exercer toute activité syndicale (art. 269) sous peine d'expulsion (section 272(b)). La commission note avec regret que ces limitations ont été récemment confirmées en vertu de l'ordre départemental no 9 modifiant les règles portant application du livre V du Code du travail, en particulier la règle III (2) (b), la règle I (1) (m), la règle III (2) (II) et la règle II (2) respectivement. Etant donné l'importance du droit des travailleurs de pouvoir constituer et de pouvoir s'affilier à des organisations de leur choix et celui des organisations de travailleurs de pouvoir constituer et de pouvoir s'affilier à des fédérations et des confédérations sans autorisation préalable, la commission prie instamment le gouvernement de considérer la révision et la modification des dispositions du Code du travail et des règles appliquant le Code du travail, et de rendre ces dispositions conformes aux exigences des articles 2 et 5 de la convention.
Limitation au droit d'élire librement des représentants
Dans ses précédents commentaires, la commission avait attiré l'attention sur la règle II (3) (f) du livre V portant application du Code du travail qui prévoit que les dirigeants syndicaux agissant dans une entreprise soient employés par cette même entreprise. En outre, selon le Code du travail, le terme "employé" comprend "tout individu dont le travail a cessé par suite ou en rapport avec tout conflit de travail en cours ou en raison de toute faute professionnelle s'il n'a obtenu aucun autre emploi équivalent et régulier". La commission avait souligné qu'une telle législation comportait le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais du licenciement des dirigeants syndicaux pour exercice d'activités syndicales légitimes, dont le résultat (ou même le but) est de les empêcher à l'avenir d'assumer des fonctions de dirigeant syndical. La commission avait alors demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de rendre l'exigence plus souple de façon à permettre, par exemple, une proportion raisonnable des dirigeants syndicaux extérieurs à l'entreprise ou d'admettre comme candidats des personnes employées auparavant au poste ou dans l'entreprise concernée (voir étude d'ensemble, op. cit., 1994, paragr. 117). Dans son rapport, le gouvernement note avec intérêt cette recommandation et avise qu'il tiendra informée la commission sur les mesures qu'il prendra en considération de cette recommandation. La commission prend bonne note de cette déclaration et exprime l'espoir qu'elle indique un désir de la part du gouvernement de rendre cette disposition conforme aux exigences de l'article 3 de la convention en autorisant les organisations d'élire librement leurs représentants.
La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra sans délai les mesures pour rendre sa législation plus conforme avec les exigences de la convention. La commission prie le gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard.
Par ailleurs, la commission adresse au gouvernement une demande directe.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport.
1. Article 3 de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté qu'il avait été proposé d'apporter des modifications à l'article 263 du Code du travail, qui restreignait le droit de grève dans les services non essentiels en imposant l'arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du Secrétaire au Travail et à l'Emploi, une grève projetée ou effective affectait une branche d'activité indispensable à l'intérêt national. Ces modifications avaient été prévues dans la proposition de loi du Sénat no 1757, qui visait à limiter ce pouvoir du Secrétaire au Travail aux cas de conflit touchant les branches d'activité prestataires de services essentiels (à savoir "les services médicaux, l'alimentation en eau, téléphone, électricité, transports en commun nationaux et autres services analogues, dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie et la sécurité du public"). Dans son rapport, le gouvernement indique que ces amendements à l'article 263 g), prévus dans la proposition de loi du Sénat no 1757, sont encore devant le Parlement. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé en vue de l'adoption de ces amendements.
S'agissant de l'introduction des transports en commun nationaux dans la liste des services essentiels, le gouvernement explique que, au vu des difficultés rencontrées par le pays dans le domaine des transports en commun, il estime que l'interruption des transports intérieurs et interinsulaires mettrait virtuellement en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. Ainsi qu'elle l'avait indiqué dans sa précédente observation, tout en étant consciente des difficultés et des inconvénients dont une population insulaire pourrait souffrir à la suite d'un arrêt des services de transport, la commission est d'avis que ces services ne constituent pas en soi des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Aussi la commission suggère-t-elle que plutôt que d'imposer une interdiction absolue des grèves, qui devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme, le gouvernement envisage la mise en place d'un service minimum, en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs concernées, dans le domaine des transports en commun nationaux.
Enfin, eu égard aux amendements prévus dans la proposition de loi en rapport avec les pouvoirs du Président d'intervenir dans les grèves, le gouvernement explique que ces amendements sont moins restrictifs que la législation actuelle, qui confère un pouvoir discrétionnaire au Secrétaire d'Etat au Travail et à l'Emploi. Le fait de donner autorité au Président limitera les interventions aux situations de crise dont l'ampleur ou la gravité nécessiteront une action présidentielle. Si ces amendements ne permettent, en fait, au Président de n'intervenir que dans des situations de crise nationale aiguë, la commission demande au gouvernement de veiller à ce que cela soit expressément mentionné dans lesdits amendements, de manière à mettre sa législation en conformité avec la pratique nationale et la convention.
Les commentaires antérieurs de la commission portaient sur les sanctions suivantes, prévues par le Code du travail en cas de participation à des grèves illégales: licenciement de dirigeants syndicaux (art. 264 a)); responsabilité pénale pouvant aller jusqu'à une peine de prison de trois ans (art. 272 a)); ou emprisonnement pour les organisateurs ou les meneurs de grèves et les participants à des piquets de grève, organisés à des fins de propagande antigouvernementale (art. 146 du Code pénal révisé)
Tout d'abord, le gouvernement indique que, aux termes de l'article 264 a), un dirigeant syndical ne peut être licencié qu'en cas de participation à une grève illégale (pas à une grève légale), que ce licenciement ne devient effectif que si l'organe gouvernemental compétent fait une déclaration définitive dans ce sens, et qu'il est susceptible de recours devant la Cour suprême. La commission considère néanmoins que les sanctions pour action de grève ne devraient s'appliquer que dans les cas où les interdictions en cause sont en conformité avec les principes de la liberté syndicale (voir étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994, paragr. 177). Comme l'a souligné la commission et comme l'a reconnu le gouvernement dans ses observations antérieures, certaines interdictions de grève prévues dans la législation en vigueur ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale.
Le gouvernement indique également que la sanction prévue à l'article 272 a), à savoir une peine d'emprisonnement de trois ans maximum, s'applique aussi bien aux travailleurs qu'aux employeurs et ne constitue pas une discrimination contre les syndicats. S'agissant de l'article 146 du Code pénal révisé, le gouvernement indique que cette disposition, qui a trait à la participation à des réunions illégales à caractère de trahison, de rébellion ou d'insurrection, et aux délits assimilés, vise à la protection de l'Etat et de la société. La commission note néanmoins que cette disposition couvre également la participation à "toute réunion tenue à des fins de propagande antigouvernementale ... afin de déstabiliser le gouvernement ou de miner son autorité en ébranlant la foi et la loyauté des citoyens ..." (art. 146, paragr. 3) et que le terme réunion "doit s'entendre de tout attroupement ou groupe tels que les rassemblements publics, les manifestations de masse, les piquets organisés par des groupes de travailleurs et autres actions collectives similaires...".
La commission rappelle que les sanctions pour action de grève (y compris le blocage par des piquets de grève) devraient être proportionnelles aux délits commis, et des peines de prison ne devraient pas être imposées en cas de grève pacifique. Aussi la commission prie-t-elle le gouvernement de prendre des mesures propres à garantir que les articles 264 a) et 272 a) du Code du travail, ainsi que l'article 146 du Code pénal révisé, seront révisés en accord avec les commentaires formulés ci-dessus, et de communiquer copies de tout texte adopté dans ce domaine.
En ce qui concerne la disposition exigeant que les dirigeants d'un syndicat opérant dans une entreprise y soient employés en vertu de la Règle II 3) f) du Livre V portant application du Code du travail, la commission avait souligné qu'une telle législation comportait le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais du licenciement des dirigeants syndicaux pour exercice d'activités syndicales légitimes, dont le résultat (ou même le but) est de les empêcher à l'avenir d'assumer des fonctions de dirigeant syndical. Le gouvernement souligne, cependant, que le simple licenciement ne prive pas un membre syndical du droit d'être élu dirigeant syndical. Selon le Code du travail, le terme "employé" comprend "tout individu dont le travail a cessé par suite ou en rapport avec tout conflit de travail en cours ou en raison de toute faute professionnelle s'il n'a obtenu aucun autre emploi équivalent et régulier". En tant que tel, il reste un employé, éligible aux fonctions de dirigeant syndical.
La commission prend dûment note de cette information, mais elle est d'avis qu'il serait souhaitable d'assouplir la législation pour permettre la candidature de personnes ayant travaillé antérieurement dans la profession.
2. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les divergences existant entre le Code du travail et les articles 2 et 5 de la convention: i) l'exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234 c)); ii) l'exigence d'un nombre trop élevé de syndicats (dix) pour constituer une fédération ou une organisation centrale (art. 237 a)); iii) l'interdiction faite aux étrangers - autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables dès lors que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans leur pays d'origine - d'exercer toute activité syndicale (art. 269) sous peine d'expulsion (art. 272 b)).
Le gouvernement indique que des projets de loi séparés portant sur les préoccupations exprimées par la commission sont actuellement examinés par l'organe législatif. La commission prie le gouvernement de communiquer copies de ces projets de loi avec son prochain rapport.
3. Enfin, le gouvernement indique qu'un nouveau code du service public garantissant aux travailleurs du secteur public le droit de grève dans certaines circonstances, conformément à la Constitution philippine (l'article XIII 3) garantit à tous les travailleurs le droit de grève), est toujours en instance dans les deux chambres du Congrès et n'a pas encore été adopté en tant que loi.
La commission prie le gouvernement de communiquer copie de ce nouveau code avec son prochain rapport.
1. La commission observe que dans la proposition de loi du Sénat no 1757 il a été proposé d'apporter des amendements à l'article 263 du Code du travail, qui restreint le droit de grève dans les services non essentiels en imposant l'arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du Secrétaire au Travail et à l'Emploi, une grève projetée ou effective affecte une branche d'activité indispensable à l'intérêt national. La proposition de loi du Sénat no 1757 vise à limiter ce pouvoir du Secrétaire au Travail aux cas de conflit touchant les branches d'activité prestataires de services essentiels. Le gouvernement ajoute que la proposition de loi du Sénat no 1757 ainsi que le nouveau code du service public, qui reconnaîtra aux travailleurs du secteur public le droit de faire grève dans certaines circonstances, sont en instance auprès de l'organe législatif. La commission prend dûment note de cette information et prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé en vue de l'adoption de la proposition de loi susmentionnée.
2. La commission note, à la lecture du rapport du gouvernement, que les modifications prévues par la proposition de loi no 1757 permettraient au Président d'intervenir sans limitation dans les grèves. La commission rappelle que le pouvoir d'intervention du Président devrait être limité aux situations de crise nationale aiguë ou aux cas de conflit dans des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire des services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La commission demande donc au gouvernement de prendre les mesures propres à assurer que les modifications prévues dans la proposition de loi no 1757 restreignent le pouvoir du Président d'intervenir dans les grèves aux deux cas de figure susmentionnés.
3. Enfin, la commission note, d'après le rapport du gouvernement, qu'aucune modification n'a été apportée aux dispositions du Code du travail imposant des sanctions en cas de participation à des grèves illégales: licenciement de dirigeants syndicaux (art. 264 a)); responsabilité pénale pouvant aller jusqu'à une peine de prison de trois ans (art. 272 a)); ou emprisonnement pour les organisateurs ou les meneurs de grève et les participants à des piquets de grève, dont on juge qu'ils sont organisés à des fins de propagande antigouvernementale (art. 146 du Code pénal révisé).
La commission rappelle au gouvernement que des sanctions en cas de grève ne devraient être possibles que lorsque les interdictions en question sont conformes aux principes de la liberté syndicale. En outre, elle rappelle que de telles sanctions devraient être proportionnelles aux délits commis. Aussi la commission demande-t-elle au gouvernement de prendre les mesures propres à garantir que les articles 264 a) et 272 a) du Code du travail, ainsi que l'article 146 du Code pénal révisé, seront modifiés en accord avec les principes énoncés ci-dessus. Elle demande au gouvernement de la tenir informée de tout développement dans ce sens.
Une demande directe concernant certains points a également été adressée au gouvernement.
Faisant suite à ses observations antérieures, la commission note les informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport, ainsi que les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1572, 1615 (292e rapport approuvé par le Conseil d'administration en mars 1994) et 1718 (295e rapport approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1994).
I. Article 3 de la convention. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l'article 263(g) et (i) du Code du travail restreint le droit de grève dans les services non essentiels en imposant l'arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du secrétaire au Travail et à l'Emploi, une grève projetée ou effective affecte une branche d'activité indispensable à l'intérêt national. La commission note avec intérêt, à la lecture du rapport du gouvernement, que la proposition de loi du Sénat no 1757 vise à modifier cet article en limitant ce pouvoir en cas de conflits touchant les branches d'activité prestataires de services essentiels (à savoir "les services médicaux, d'alimentation en eau, de téléphone, d'électricité, de transports en commun nationaux et autres services analogues, dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie et la sécurité du public"), et que cette proposition de loi a récemment été soumise à la Commission du développement du travail et des ressources humaines du Sénat pour délibération et débat public.
S'agissant cependant de l'introduction des transports en commun nationaux dans la liste des services essentiels, la commission, de même que le Comité de la liberté syndicale, estiment, au sujet des grèves dans les services de transport, que ces services ne constituent pas en eux-mêmes des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire des services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Toutefois, la commission là aussi, comme le comité, a conscience des difficultés et des inconvénients dont une population insulaire pourrait souffrir à la suite d'un arrêt des services de transport et estime que, dans un tel cas, le gouvernement pourrait tenter de conclure un accord sur les services minima qui doivent être maintenus (291e rapport, paragr. 156) (Norvège). Le gouvernement pourrait par conséquent envisager d'établir, en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs concernées, un service minimum négocié pour les transports en commun nationaux analogue aux effectifs minimaux envisagés dans la proposition de loi relative au cas des institutions médicales.
Par ailleurs, la commission note que les modifications prévues par la proposition de loi quant au pouvoir du Président permettrait, si le texte était adopté, d'intervenir sans limitation dans les grèves, alors qu'un tel pouvoir devrait être restreint aux situations de crise nationale aiguë, et ce pour une durée limitée, à des interventions dans le domaine des services essentiels au sens strict du terme et au cas des fonctionnaires publics exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat.
2. La commission note avec regret que le gouvernement n'a pas répondu aux commentaires qu'elle a formulés depuis plusieurs années au sujet des sanctions prévues par le Code du travail en cas de participation à des grèves illégales: licenciement de dirigeants syndicaux (art. 264(a)); responsabilité pénale pouvant aller jusqu'à une peine de prison de trois ans (art. 272(a)); ou emprisonnement pour les organisateurs ou les meneurs de grève et les participants à des piquets de grève, dont on juge qu'ils sont organisés à des fins de propagande antigouvernementale (art. 146 du Code pénal révisé).
En outre, notant que le gouvernement réaffirme que la limitation du droit d'élire librement des représentants des travailleurs, imposée par le règlement II(3)(f) du livre V d'application du Code du travail (les dirigeants syndicaux doivent être employés dans l'entreprise dans laquelle ils opèrent), a pour but de garantir la représentation démocratique des travailleurs dans l'établissement et qu'aucune plainte n'a été émise à ce sujet par l'un ou l'autre secteur, la commission souligne qu'une telle législation comporte le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais du licenciement des dirigeants syndicaux pour l'exercice d'activités syndicales légitimes, dont le résultat (ou même le but) est de les empêcher à l'avenir d'assumer des fonctions de dirigeant syndical. Ceci est particulièrement évident dans le cas de l'article 264(a) du Code du travail qui autorise le licenciement, pour participation à une grève illégale, des dirigeants syndicaux qui, de ce fait, ne pourraient plus être éligibles à ce poste.
Le gouvernement déclare qu'il prend en considération les commentaires de la commission sur cette question et qu'il tentera, autant que possible, d'atténuer l'effet de cette disposition, en particulier lorsque son application sera source de difficultés dans l'exercice par les travailleurs de leurs droits fondamentaux. La commission espère par conséquent que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assouplir cette disposition afin de permettre, par exemple, à un nombre raisonnable de dirigeants syndicaux extérieurs à une entreprise donnée d'y exercer ou d'admettre la candidature de personnes ayant travaillé auparavant dans la profession ou dans l'entreprise en question (voir Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994, paragr. 117).
Le gouvernement est prié d'indiquer, dans son prochain rapport, les progrès accomplis en vue de rendre la législation sur les grèves conforme aux principes contenus dans la convention et de communiquer copies de tout texte adopté dans ce domaine.
II. La commission souhaiterait également rappeler les autres incompatibilités existant entre le Code du travail et les articles 2 et 5 de la convention: (i) l'exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234(c)); (ii) l'exigence d'un nombre trop élevé de syndicats (dix) pour constituer une fédération ou une organisation centrale (art. 237(a)); (iii) l'interdiction faite aux étrangers - autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables dès lors que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans leur pays d'origine - d'exercer toute activité syndicale (art. 269) sous peine d'expulsion (art. 272(b)).
Notant que le gouvernement a sollicité l'assistance technique du Bureau international du Travail pour mener la réforme de la législation nationale du travail, la commission exprime le ferme espoir que ses commentaires concernant les points susvisés seront pris en compte en vue de rendre ces dispositions législatives conformes à la convention et prie le gouvernement d'indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés à cet égard.
III. Enfin, la commission a noté dans ses précédents commentaires que le Comité de la liberté syndicale a été informé de l'adoption par le Congrès d'un nouveau Code de la fonction publique garantissant aux travailleurs du service public le droit de grève dans certains cas, conformément à la Constitution philippine (art. XIII(3), qui accorde ce droit à tous les travailleurs). Le gouvernement est prié d'indiquer, dans son prochain rapport, si ce code a effectivement été adopté et d'en joindre une copie à son prochain rapport.
Se référant à sa demande directe précédente, relative à la limitation de la libre élection des représentants des travailleurs, contenue dans la règle II 3) f) portant règlement d'application du livre V du Code du travail (obligeant les responsables d'un syndicat de figurer parmi les membres de son personnel), la commission note la réponse du gouvernement selon laquelle, du fait que ladite disposition résulte de consultations tripartites, il ne serait guère possible d'en demander la modification sans passer par la même procédure consultative, étant toutefois entendu que le gouvernement a demandé l'assistance du BIT aux fins d'une révision de sa législation du travail et tiendra la commission informée de toute évolution à cet égard.
La commission prie par conséquent le gouvernement d'indiquer dans ses futurs rapports tout progrès accompli pour assouplir la disposition précitée, par exemple en levant les conditions prévues quant à l'appartenance au personnel de l'entreprise considéré pour une proportion raisonnable de permanents syndicaux ou en acceptant la candidature de personnes qui ont travaillé à une époque antérieure dans la profession ou l'entreprise (Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 158).
Se référant à ses observations précédentes, la commission prend note de la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence, selon laquelle, avec l'aide du BIT, des efforts ont été entrepris pour mettre la législation nationale en conformité avec les normes internationales du travail, et des discussions qui ont suivi, ainsi que des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1570 et 1610 (approuvées par le Conseil d'administration en mai-juin 1991 et mai-juin 1992).
Depuis plusieurs années, la commission a soulevé les points suivants:
- Exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234(c) du Code du travail).
- Exigence d'un nombre trop élevé de syndicats (10) pour constituer une fédération ou une organisation centrale (art. 237(a)).
- Interdiction d'exercer des activités syndicales, sous peine d'expulsion (art. 272(b)), faite aux étrangers autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables du fait que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans leur pays d'origine (art. 269).
- Arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du secrétaire au Travail et à l'Emploi, une grève projetée ou effective affecte une branche d'activité indispensable à l'intérêt national, ce qui constitue des restrictions au droit de grève dans des services non essentiels (art. 263(g) et (i)).
- Sanctions en cas de grèves illégales: licenciement de dirigeants syndicaux (art. 264(a)); responsabilité pénale en vertu de l'article 272(a), qui prévoit la possibilité d'une peine d'emprisonnement de trois ans au maximum ou, aux termes de l'article 146 du Code pénal révisé, de l'emprisonnement pour les organisateurs ou meneurs de grèves à des fins de propagande antigouvernementale et d'emprisonnement pour les participants à des piquets de grève à de telles fins.
Notant que le Comité de la liberté syndicale a été informé de l'adoption par le Congrès d'un nouveau Code de la fonction publique qui garantirait aux travailleurs du service public le droit de grève dans certaines circonstances, conformément à la Constitution philippine (article XIII 3), qui accorde ce droit à tous les travailleurs), ainsi que les informations plus récentes du gouvernement selon lesquelles il a demandé l'assistance technique du BIT pour réformer sa législation du travail, la commission veut croire que les commentaires sur les cinq points susmentionnés seront pris en considération afin de mettre la législation en conformité avec la convention.
La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur toute évolution législative en cours.
La commission prend note de la réponse du gouvernement aux deux points qu'elle a soulevés dans sa demande directe précédente.
En ce qui concerne l'article 3(f) du Règlement II, Livre V, du Code du travail, elle note l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'exigence que les responsables des syndicats exerçant leurs activités dans un établissement soient occupés par ledit établissement est destinée à maintenir l'intégrité d'une organisation de travailleurs déjà établie et dûment enregistrée, constituée de salariés d'un établissement particulier; selon le gouvernement, cette condition ne restreint pas le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants puisqu'une organisation existant dans un établissement déterminé aurait été créée par les travailleurs eux-mêmes pour leur propre avantage. Il relève que cette disposition ne s'applique pas à l'affiliation d'un tel syndicat à un autre syndicat ou fédération.
La commission souhaite pourtant rappeler que cette condition d'occupation dans l'entreprise pourrait priver les syndicats de l'expérience de certains dirigeants extérieurs, tels que les travailleurs retraités, comme le note l'étude d'ensemble de 1983 de la commission au paragraphe 158. La commission voudrait en conséquence demander au gouvernement de réexaminer cette disposition de manière à autoriser, par exemple, une proportion raisonnable de responsables syndicaux à venir de l'extérieur d'une entreprise, ou à admettre comme candidats aux responsabilités syndicales des personnes qui ont précédemment été occupées dans la profession ou l'entreprise en cause.
La commission prie le gouvernement de bien vouloir lui indiquer, dans ses prochains rapports, les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Se référant à ses observations précédentes, la commission prend note du rapport du gouvernement et, en particulier, de sa déclaration selon laquelle les récentes modifications apportées au Code du travail par la loi no 6715 sont le résultat de consultations tripartites.
Dans son observation précédente, la commission avait pris note des modifications apportées par la loi no 6715, mais elle avait dû encore signaler les points suivants:
- Exigence d'un nombre trop élevé de syndicats pour constituer une fédération ou une organisation centrale (art. 237(a)).
- Interdiction d'exercer des activités syndicales, sous peine d'expulsion (art. 272(b)), faite aux étrangers autres que ceux qui détiennent des permis valables si des droits identiques ne sont pas accordés aux travailleurs philippins dans le pays d'origine des travailleurs étrangers (art. 269).
- Arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du ministre du Travail et de l'Emploi, une grève projetée ou effective affecte une branche d'activité indispensable à l'intérêt national, ce qui apporte des restrictions au droit de grève dans des services non essentiels (art. 263(g) et (i)).
- Sanctions en cas de grèves illégales: licenciement des dirigeants syndicaux (art. 264(a)); poursuites pénales en vertu de l'article 272(a), qui prévoit la possibilité d'une peine d'emprisonnement maximale de trois ans ou, aux termes de l'article 164 du Code pénal révisé relatif aux grèves illégales, qui prévoit la réclusion criminelle à perpétuité pour les organisateurs ou meneurs de grèves ou d'actions collectives de propagande antigouvernementale, et l'emprisonnement pour les participants à des piquets de grève ou à des actions collectives de propagande antigouvernementale.
1. En ce qui concerne les droits syndicaux des travailleurs étrangers, la commission note le rapport du gouvernement selon lequel l'octroi aux étrangers des mêmes droits qu'aux Philippins serait inacceptable, "puisque cela ne parlerait pas en faveur des dirigeants syndicaux locaux" si la loi autorisait des étrangers à organiser les travailleurs dans le pays.
La commission est d'avis que l'on devrait laisser les travailleurs eux-mêmes décider qui peut constituer des organisations de travailleurs et, en conséquence, elle considère cette interdiction comme une atteinte au droit des travailleurs migrants de jouer un rôle actif dans la défense de leurs intérêts; elle demande donc une nouvelle fois au gouvernement de modifier cette disposition afin de garantir les droits syndicaux des étrangers travaillant légalement dans le pays, sans distinction fondée sur une condition de réciprocité, et d'assurer ainsi la pleine conformité de la législation avec l'article 2 de la convention.
2. En ce qui concerne la disposition de l'article 234(c) relative au nombre minimum de membres fixé à 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation, la commission note que, d'après le rapport du gouvernement, cette disposition ne s'applique qu'aux établissements où il existe plusieurs syndicats et que, dans les établissements où il n'y a pas de syndicat, elle n'est pas appliquée. De même, elle note que les conditions d'affiliation pour l'enregistrement de fédérations ou d'organisations centrales fixées à l'article 237(a) sont, selon le rapport, nécessaires pour établir l'intérêt réel d'une organisation à constituer une fédération et assurent la force de la fédération dans son action.
Etant donné l'importance du droit des travailleurs de pouvoir constituer des organisations de leur choix et celui des organisations de travailleurs de pouvoir constituer des fédérations et confédérations sans autorisation préalable, la commission ne peut que demander une nouvelle fois au gouvernement de réexaminer la possibilité de limiter ces dispositions de la législation afin de donner plein effet aux articles 2 et 5.
3. En ce qui concerne les restrictions à l'exercice du droit de grève, contenues notamment à l'article 263(g) et (i) du Code du travail, la commission note l'insistance du gouvernement sur la définition des branches d'activité dans lesquelles le ministre du Travail peut empêcher une grève ou y mettre fin, à savoir celles qui sont "indispensables à l'intérêt national", et les références spécifiques aux hôpitaux qui figurent à l'article 263(g). Tout en soulignant la nécessité pour l'Etat de pouvoir intervenir "lorsque son existence même est en jeu", le gouvernement reconnaît que cette mesure devrait être utilisée avec retenue, d'autant que la Constitution philippine elle-même préconise le recours à des procédures volontaires de règlement des différends. Selon le rapport, ce sont en fait les syndicats qui demandent de plus en plus au ministre d'user de ses pouvoirs, en particulier lorsque les négociations collectives sont dans l'impasse. Malgré cette explication, la commission doit insister sur la nécessité de réviser cette disposition du Code du travail qui, à son avis, n'est pas encore pleinement conforme au principe de la liberté syndicale en ce qui concerne les situations où la grève peut être limitée ou totalement interdite. Elle rappelle qu'une telle intervention est admissible dans les cas suivants: 1) à l'encontre des fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique; 2) dans les services essentiels, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; 3) en cas de crise nationale aiguë pour une période raisonnable.
Comme la définition de l'article 236(g) va au-delà des trois situations susmentionnées, la commission demande une nouvelle fois au gouvernement de prendre des mesures pour limiter cette restriction au droit de grève.
4. Pour ce qui est des sanctions pour grèves illégales prévues à l'article 272 du Code du travail ou à l'article 164 du Code pénal révisé, la commission note que, d'après le rapport du gouvernement, les poursuites ne sont pas automatiques puisque les autorités s'efforcent de régler les différends sans recourir à la voie judiciaire et que les procureurs sont tenus de demander l'autorisation du ministère du Travail et de l'Emploi (MTE), ou du bureau du Président, avant de prendre connaissance des plaintes en vue d'une enquête préliminaire et avant de saisir les tribunaux. De plus, le MTE doit alors tenir une conférence aux fins de parvenir à un règlement volontaire du différend par l'entremise de l'Office national de conciliation et de médiation (ONCM); ce dernier organe inscrit toujours dans un accord portant règlement du différend des dispositions obligeant les deux parties à ne pas engager de représailles l'une contre l'autre, ou à retirer toutes plaintes déposées contre l'une d'elles.
La commission reconnaît le rôle de l'ONCM, mais signale que l'article 272 prévoit des sanctions sévères, y compris une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans, en cas de violation de l'article 264; la commission considère que cette disposition impose des restrictions excessives à une grève légitime. De plus, le Code pénal révisé prévoit encore des peines de réclusion à vie. Ainsi, si l'ONCM ne parvient pas à un règlement et si les travailleurs se mettent en grève, ils encourent des peines sévères lorsqu'ils exercent un droit que les organes de contrôle ont constamment protégé. La commission rappelle donc que des sanctions pénales ne devraient être infligées pour faits de grève que dans les cas où les motifs d'illégalité sont conformes aux principes de la liberté syndicale tels qu'ils sont énoncés ci-dessus. En outre, dans de tels cas, les sanctions devraient être proportionnées aux délits et les peines de prison ne devraient pas être imposées si la grève a été pacifique. La commission demande en conséquence au gouvernement de bien vouloir réviser l'article 272 du Code du travail et l'article 164 du Code pénal révisé de manière à maintenir les sanctions pour grèves illégales dans les limites décrites ci-dessus.
5. Enfin, la commission prend note que le gouvernement reconnaît la nécessité d'améliorer la loi en vigueur; elle souligne que le BIT est à sa disposition pour toute assistance dont il pourrait avoir besoin dans le cadre de la révision de la législation dans le sens des recommandations exposées ci-dessus et sur tous les points signalés par la commission.
1. La commission a pris note des modifications introduites au Livre V du Code du travail par la loi no 6715 et à ses règlements d'application. Elle note en particulier que l'article 3 f) du règlement II, Livre V, dispose que quiconque n'est pas un employé de la compagnie ou de l'entreprise ne pourra être élu ou nommé dans l'administration d'un syndicat.
La commission désire attirer l'attention du gouvernement sur le paragraphe 158 de son Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1983 et en particulier sur le fait que, en vertu du principe contenu à l'article 3 de la convention, les travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants sans intervention des autorités de nature à en limiter l'exercice. De l'avis de la commission, des dispositions de ce type peuvent empêcher des personnes qualifiées telles que des permanents syndicaux ou des retraités d'exercer des charges syndicales. Il conviendrait plutôt de laisser aux organisations syndicales le soin de réglementer cette question à travers leurs statuts.
La commission demande en conséquence au gouvernement d'envisager d'assouplir sa législation en levant les conditions prévues quant à l'appartenance à la profession pour une porportion raisonnable des responsables syndicaux et de fournir des informations sur les mesures qu'il entend prendre afin de se conformer à cette disposition de la convention.
2. La commission note qu'en vertu de l'article 238 du Code du travail le certificat d'enregistrement d'un syndicat peut être annulé pour les raisons mentionnées à l'article 239.
Elle note par ailleurs qu'une telle décision prise après audition de la partie concernée ne peut être portée en appel qu'auprès du Bureau ou du secrétaire au travail en application de l'article 9 du règlement II du Livre V, tel qu'amendé.
La commission demande au gouvernement d'indiquer si les tribunaux ordinaires peuvent être saisis en appel d'une décision prise par les autorités administratives et si l'appel devant les tribunaux suspend la décision d'annulation.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1989. Elle a également pris connaissance des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1444 (268e rapport du comité approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1989) ainsi que de l'adoption de la loi no 6715 entrée en vigueur le 2 mars 1989 portant modification du Code du travail, notamment des dispositions du Livre V concernant les relations professionnelles, et de son règlement d'application entré en vigueur le 7 juin 1989. Bien que ces textes apportent certains changements positifs particulièrement en ce qui concerne la limitation des pouvoirs de contrôle des autorités sur les fonds syndicaux et le droit syndical des étrangers, ils continuent sur plusieurs points à ne pas être en complète conformité avec les exigences de la convention.
La commission rappelle que ses commentaires portaient sur les points suivants:
- Exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234 c) du Code du travail).
- Exigence d'un nombre trop élevé de syndicats pour constituer une fédération ou une union syndicale (art. 237 a)).
- Interdiction faite aux étrangers de participer à toute activité syndicale (art. 269) sous peine d'expulsion (art. 272 b)).
- Larges pouvoirs d'enquête du secrétaire au travail dans la gestion financière des syndicats (art. 274).
- Exigence d'une majorité des membres syndiqués dans une unité de négociation pour déclencher une grève (art. 263 f)), alors qu'une majorité simple (à l'exception des travailleurs n'ayant pas pris part au vote) d'une unité de négociation devrait suffire à cet effet.
- Arbitrage obligatoire lorsque, de l'avis du ministre, une grève projetée ou effective porte préjudice à l'intérêt national, y compris dans les zones industrielles d'exportation ayant pour incidence des restrictions au droit de grève dans des services non essentiels (art. 263 g) et i)).
- Peines en cas de grèves illégales: licenciement des dirigeants syndicaux (art. 264 a)); poursuite pénale, en vertu de l'article 272 a) qui prévoit la possibilité d'un emprisonnement maximum de six mois, ou en vertu de l'article 164 du Code pénal révisé relatif aux grèves illégales qui prévoit la réclusion criminelle à perpétuité pour les organisateurs ou meneurs de grèves ou d'actions collectives de propagande antigouvernementale, et l'emprisonnement pour les participants à des piquets de grève ou des actions collectives de propagande antigouvernementale.
1. La commission note avec satisfaction que l'article 274 du Code du travail relatif aux pouvoirs d'enquête des autorités sur la gestion financière des syndicats a été modifié et n'autorise les autorités à effectuer de telles enquêtes qu'après le dépôt d'une plainte largement circonstanciée, signée d'au moins 20 pour cent des membres d'une unité de négociation.
2. En ce qui concerne les droits syndicaux des travailleurs étrangers, la commission prend bonne note de ce que, en vertu de l'article 269, tel que modifié par la loi no 6715, les travailleurs détenteurs de permis valables délivrés par le ministère du Travail et de l'Emploi peuvent constituer des organisations de leur choix et s'y affilier. Cependant, la commission relève que la législation exige encore, pour accorder le droit syndical aux étrangers, que des droits identiques soient accordés aux travailleurs philippins dans le pays d'origine du travailleur étranger. Toute infraction aux dispositions du Titre VIII sur les grèves et lock-out et la participation des étrangers dans les activités syndicales peuvent conduire à l'expulsion immédiate des travailleurs étrangers (art. 272 b)).
Dans son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective, la commission d'experts a indiqué au paragraphe 97 que les restrictions liées à la nationalité peuvent empêcher notamment les travailleurs migrants de jouer un rôle actif dans la défense de leurs intérêts, en particulier dans des secteurs où ils représentent la force de travail la plus importante.
La commission prie donc le gouvernement de bien vouloir modifier sa législation afin de garantir les droits syndicaux des étrangers travaillant légalement dans le pays sans distinction fondée sur une condition de réciprocité.
3. Dans son observation précédente, la commission a indiqué que les pouvoirs du ministre d'empêcher une grève ou d'y mettre fin, lorsqu'un conflit affecte l'intérêt national, risquent de constituer une restriction au droit des travailleurs de recourir à la grève dans des services non essentiels.
La commission, tout en notant que certains amendements introduits par la loi no 6715 vont dans le sens du respect des principes de la convention, relève néanmoins qu'aux termes de l'article 263 g) tel que modifié le ministre peut encore empêcher une grève ou y mettre fin en renvoyant un conflit à l'arbitrage obligatoire lorsqu'il a lieu dans une industrie indispensable à l'intérêt national (sans autre précision).
La commission rappelle à nouveau que l'objectif des organisations syndicales est de défendre les intérêts de leurs membres; à cet égard, elles devraient pouvoir recourir à la grève, considérée comme l'un des moyens essentiels pour atteindre cet objectif, sans que les autorités puissent y mettre fin unilatéralement; toutefois, la commission a toujours admis que la grève pouvait être limitée, voire interdite, dans trois cas: l) à l'encontre des fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique; 2) dans les services essentiels, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; 3) en cas de crise nationale aiguë pour une période raisonnable. Or l'article 263 g) tel que libellé confère au ministre la possibilité de restreindre le droit de recourir à la grève dans des industries qui ne seraient pas essentielles au sens de la convention.
La commission demande donc au gouvernement de prendre des mesures afin de circonscrire les restrictions au droit de grève dans le sens de ces commentaires.
4. Pour ce qui concerne les sanctions pour grèves illégales, la commission note qu'un dirigeant syndical ayant participé à une grève illégale demeure toujours passible de licenciement; quant aux sanctions pénales, elles ont été renforcées puisque, aux termes du nouvel article 272 a), toute personne ayant participé à une grève illégale encourt une peine de prison dont le minimum passe de un jour à trois mois et le maximum de six mois à trois ans. En outre, l'article 164 du Code pénal n'est pas abrogé pour autant.
La commission souligne à nouveau que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour fait de grève que dans les cas où les motifs d'illégalité sont conformes aux principes de la liberté syndicale. Par contre, dans de tels cas, les sanctions devraient être proportionnées au délit et les peines de prison ne devraient pas être imposées si la grève a été pacifique. Elle prie donc le gouvernement d'assouplir les sanctions pour grève illégale dans les limites susmentionnées.
5. La commission note que les dispositions relatives au nombre minimum de membres d'un syndicat fixé à 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation, pour que celui-ci soit enregistré (art. 234 c)), celles relatives au nombre minimum de syndicats pour constituer une fédération ou une union nationale fixé à 10 (art. 237 a)) et celles concernant le vote de la majorité des membres du syndicat d'une unité de négociation pour déclencher une grève (art. 263 f)) n'ont pas été modifiées par la loi no 6715.
Par ailleurs, la commission prend bonne note de ce que, d'après les informations fournies par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence de 1989, la Commission nationale tripartite de révision est maintenant un organisme permanent siégeant régulièrement afin d'apporter les amendements à la législation conformes aux principes de la convention.
La commission veut donc croire, à l'instar du Comité de la liberté syndicale, que les aspects de la législation qui demeurent contraires à la convention pourront être réexaminés à la lumière de ses commentaires; elle prie donc le gouvernement de fournir avec son prochain rapport des informations sur les travaux de la Commission nationale tripartite de révision, au regard des dispositions de la législation nationale non conformes à la convention, et sur les mesures que le gouvernement envisage de prendre pour en garantir pleinement l'application.
La commission rappelle au gouvernement que le BIT est à sa disposition pour toute assistance dont il pourrait avoir besoin dans le cadre de la révision de la législation actuellement en cours pour mettre l'ensemble de sa législation en conformité avec les exigences de la convention.