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Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que plusieurs activités de sensibilisation et de formation à la question de la traite des personnes ont été organisées, notamment en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à l’intention des membres de la police, des garde-côtes et des fonctionnaires des services de l’immigration, des inspecteurs du travail, des procureurs et des juges. La commission salue l’adoption le 20 décembre 2022 d’un nouveau plan de lutte contre la traite des personnes, qui vise principalement à: renforcer la prévention de la traite, promouvoir la détection des victimes et assurer leur protection et leur accompagnement. Le plan d’action prévoit en outre que le Conseil pour la promotion des mesures de lutte contre la traite des personnes sera chargé d’élaborer et de publier un rapport annuel sur la traite, ce qui permettra au comité de liaison interministériel de surveiller régulièrement l’état d’avancement de l’application de diverses mesures et de vérifier leur efficacité.
La commission note que, d’après le dernier rapport annuel disponible sur les mesures de lutte contre la traite, en 2020, 38 victimes de traite ont bénéficié d’une protection, y compris de services d’interprétation, de services médicaux et de prise en charge psychologique. En outre, 58 personnes ont été arrêtées pour traite des personnes; 50 d’entre elles ont fait l’objet de poursuites, 36 ont été déclarées coupables et, au 31 mars 2021, les 12 restantes étaient encore en attente de jugement. La commission observe que les personnes reconnues coupables ont été condamnées à des peines d’emprisonnement de trois ans maximum, généralement avec sursis et, dans certains cas, à de simples amendes, pour des violations de la législation relative au contrôle de l’immigration, à l’emploi, à la gestion de l’industrie du divertissement, à la prostitution et à la protection de l’enfance, entre autres.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises afin d’assurer l’application effective du Plan de lutte contre la traite de 2022 ainsi que sur les activités du Conseil pour la promotion des mesures de lutte contre la traite des personnes et du comité de liaison interministériel. Elle prie le gouvernement de communiquer des renseignements sur les principales conclusions de l’évaluation des mesures prises pour combattre la traite des personnes contenues dans les rapports annuels publiés par le Conseil. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer la capacité des agents chargés du contrôle de l’application de la loi à identifier adéquatement les cas de traite, mener des enquêtes efficaces et poursuivre les auteurs présumés. Rappelant que la traite des personnes est une infraction grave qui doit être passible de peines suffisamment dissuasives, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite des personnes, en précisant la nature des peines imposées aux responsables.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail exigé comme conséquence d’une condamnation prononcée par un tribunal. Travail pénitentiaire au profit d’entités privées. La commission note que les personnes condamnées à des «peines d’emprisonnement sans travaux» sont autorisées à travailler mais qu’en vertu de l’article 12 (2) du Code pénal, les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement ont l’obligation de travailler. Elle note que le travail auquel ces personnes sont astreintes peut être accompli dans une entreprise commerciale située à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire et que les directeurs de prison peuvent conclure des accords écrits avec des chefs d’entreprises commerciales, dans lesquels ils définissent le type de travail à accomplir, les heures de travail et les mesures de protection de la santé et de la sécurité des condamnés (articles 92 et 96 de la loi n° 50 de 2005 sur les établissements pénitentiaires et le traitement à réserver aux détenus et aux condamnés, et article 58 de l’ordonnance n° 57 de 2006 du ministère de la Justice portant règlement des établissements pénitentiaires et traitement des détenus). La commission relève en outre que, conformément à l’article 97 de la loi n° 50 de 2005, les revenus de ce travail doivent être transférés au Trésor national. Elle note en outre que, d’après les informations disponibles sur le site Internet du ministère de la Justice, le travail accompli à l’extérieur des établissements pénitentiaires est géré en collaboration avec des entreprises privées et tous les revenus tirés des activités menées par les détenus dans le cadre des contrats de travail conclus par le gouvernement avec des entreprises privées sont la propriété du Trésor.
La commission rappelle que, pour être compatible avec la convention, le travail accompli par des détenus au profit d’entreprises privées doit s’accompagner des garanties nécessaires permettant d’assurer que les intéressés acceptent volontairement de travailler, ne sont pas soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, et ont donné leur consentement formel, libre et éclairé à tout travail réalisé au profit d’entreprises privées. De plus, la commission a estimé que, dans le contexte carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail est exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en matière de rémunération, de sécurité sociale et de sécurité et santé au travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir, aussi bien en droit que dans la pratique, que les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement impliquant un travail obligatoire ne puissent travailler pour des entités privées, dans le cadre d’un accord écrit conclu entre la direction de la prison et un établissement commercial externe, conformément à l’article 96 de la loi n° 50 de 2005 sur les établissements pénitentiaires et le traitement à réserver aux détenus et aux condamnés, et à l’article 58 de l’ordonnance n° 57 de 2006 du ministère de la Justice portant règlement des établissements pénitentiaires et traitement des détenus, qu’avec le consentement libre, formel et éclairé des intéressés, et dans des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur la teneur des accords écrits entre la direction de la prison et les entités privées.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations conjointes de la Fédération des syndicats coréens (FKTU) et de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), reçues le 20 septembre 2019; des observations du Syndicat des travailleurs migrants (LUM) reçues le 28 septembre 2021 et le 28 septembre 2022 ainsi que les réponses du gouvernement à ces observations. Elle prend également note des observations de la Fédération du commerce du Japon (NIPPON KEIDANREN) et de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO), que le gouvernement a jointes à ses rapports.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Programme de stages techniques. La commission a noté précédemment que des violations des droits des travailleurs pouvant relever du travail forcé avaient été constatées dans le contexte du Programme de stages techniques, au titre duquel des étrangers sont autorisés à venir au Japon pour un an en tant que «stagiaires» et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaires techniques».
La commission note que, dans ses observations, le LUM indique qu’à la fin de 2021, le nombre de stagiaires techniques travaillant au Japon était estimé à 276 123, soit 100 000 de moins que les années précédentes, ce qui s’explique par les restrictions en matière d’immigration imposées pendant la pandémie. La commission note que, dans leurs observations respectives, le LUM et la JTUC-RENGO signalent qu’en 2021 des violations des dispositions de la législation du travail ont continué d’être constatées dans 70 pour cent des entreprises participant au Programme de stages techniques qui ont été inspectées, principalement en raison du non-respect des normes de sécurité, de la longueur excessive des journées de travail et du non-paiement des salaires, et que ce pourcentage n’a pratiquement pas changé depuis 2015. Le LUM ajoute qu’en 2022, 1 974 cas de non-respect des normes de sécurité ont été détectés et que seulement 0,5 pour cent de ces affaires ont été transmises au ministère public. Le LUM signale que, d’après un rapport du ministère de la Justice, 199 décès de stagiaires ont été recensés de 2018 à 2021; il s’agissait, dans 33 pour cent des cas, de décès des suites d’une maladie, dans 35 pour cent des cas, de décès des suites d’un accident et, dans 13 pour cent des cas, de décès par suicide. Dans ses observations, le JTUC-RENGO précise qu’environ 20 pour cent des cas de disparition ou de décès de stagiaires techniques survenus d’avril à septembre 2019 n’avaient pas donné lieu à une inspection menée sur place dans les six mois qui avaient suivi la disparition ou le décès et qu’en conséquence, des éléments matériels objectifs à l’origine des faits risquaient de disparaître. La JTUC-RENGO recommande d’intensifier la fréquence des inspections menées sur place et de renforcer les premières mesures prises en cas de violation, notamment en suspendant les licences octroyées aux organismes de supervision et en révoquant l’accréditation des plans de stages techniques établis par les organismes d’exécution.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement reconnaît que l’application du Programme de stages techniques continue de poser nombre de problèmes. Il indique qu’afin de garantir des conditions de travail adéquates et de protéger la sécurité et la santé des stagiaires, plusieurs mesures ont été prises, à savoir: i) la révision en février 2022 des directives opérationnelles relatives au Programme de stages techniques, qui définissent les mesures que doivent prendre les organismes de supervision et les organismes d’exécution pour garantir que le programme se déroule correctement et sans contre-temps; ii) la distribution à tous les stagiaires arrivant au Japon du Manuel du stagiaire technique, qui contient des informations sur la réglementation pertinente et les services auxquels ils peuvent demander de l’aide; iii) la mise en place de services de conseil disponibles dans les langues respectives des stagiaires et, depuis avril 2021, la création d’une permanence recevant les demandes d’aide ou de consultation urgente émanant des stagiaires techniques, ce qui permet de prendre des mesures dans les situations particulièrement urgentes, notamment en cas d’agression et d’intimidation, et de repérer rapidement les cas de violation des droits de l’homme; iv) la fourniture de services visant à aider les stagiaires victimes de violations des droits de l’homme à changer d’employeur et le bénéfice d’une protection appropriée aux stagiaires à travers l’octroi d’un logement temporaire; v) le renforcement des effectifs de l’Organisation des stages techniques (OTIT), qui comptait 587 salariés au 31 mars 2020; v) la conclusion d’un mémorandum de coopération avec 14 pays d’origine, au 31 mars 2021.
La commission note en outre que le gouvernement indique que l’OTIT effectue régulièrement des inspections dans les locaux des organismes d’exécution et de supervision, en application de la loi de 2016 sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques, y compris en cas d’accidents mortels, afin de conserver des éléments matériels liés à la cause du décès. Le gouvernement indique que, d’avril 2020 à mars 2021, l’OTIT a effectué 20 671 inspections sur place et a constaté des violations dans 63,4 pour cent des cas, lesquelles étaient principalement liées à la mauvaise qualité de l’hébergement ainsi qu’à des irrégularités dans le paiement des salaires, l’établissement des notifications et des rapports, l’élaboration et la tenue des registres et des documents. Le gouvernement ajoute qu’en 2021, l’Inspection des normes du travail a donné des orientations en matière de supervision concernant 9 036 lieux de travail sur lesquels des violations de la législation du travail avaient été détectées, a adressé des recommandations à visée corrective à 6 556 lieux de travail pour lesquels l’existence de violations avait été attestée et a transmis 25 affaires au ministère public. Le gouvernement ajoute qu’en 2021, les bureaux préfectoraux du travail, l’Inspection des normes du travail et l’OTIT ont effectué des inspections et des enquêtes conjointes dans 37 organismes d’exécution soupçonnés notamment de soumettre des stagiaires au travail forcé dans le cadre du Programme de stages techniques, et des recommandations à visée corrective ont été adressées à 30 d’entre eux.
La commission note par ailleurs que, selon le gouvernement, un groupe consultatif d’experts chargé d’optimiser le Programme de stages techniques et le système de gestion des travailleurs qualifiés spécialisés a été créé dans le cadre de la Conférence ministérielle sur l’admission des étrangers et la coexistence avec ceux-ci. Ce groupe a pour mission d’examiner l’application du Programme, de repérer les problèmes et de réfléchir aux moyens d’accueillir adéquatement les travailleurs étrangers. En mai 2023, il a soumis un rapport intérimaire au ministre de la Justice, dans lequel il propose de supprimer l’actuel Programme de stages techniques et d’établir un nouveau programme, compte tenu du décalage existant entre l’objectif du programme en vigueur et la réalité. Le groupe consultatif d’expert a souligné que les orientations, la supervision et le soutien proposés par les organismes de supervision et l’OTIT sont actuellement insuffisants à maints égards. À ce propos, le gouvernement indique qu’il examinera la possibilité de dissoudre de manière constructive l’actuel Programme de stages techniques et d’établir ultérieurement un nouveau programme fondé sur les discussions futures du groupe d’experts. Parmi les mesures actuellement à l’examen, il est notamment envisagé: i) d’autoriser les stagiaires de changer d’employeur, tout en maintenant un certain nombre de restrictions; ii) de fournir une assistance aux travailleurs étrangers afin qu’il puissent acquérir les compétences linguistiques nécessaires avant de commencer à travailler au Japon; iii) de renforcer les capacités des organismes de supervision et d’apporter un soutien aux entreprises qui engagent des stagiaires et aux stagiaires eux-mêmes en durcissant les conditions que doivent remplir les organismes de supervision pour ce qui est de la prévention et de l’élimination des violations des droits de l’homme; iv) de réorganiser la structure de fonctionnement de l’OTIT.
La commission prend dument note de ces informations. La commission note que, dans leurs observations, la NIPPON KEIDANREN et la JTUC-RENGO soulignent que pour mettre un nouveau système en place, il ne suffit pas de rebaptiser l’ancien et qu’il importe de revoir intégralement le système actuel afin de protéger adéquatement les droits des travailleurs migrants. En ce qui concerne le programme permettant de délivrer des visas de «travailleur qualifié spécialisé», qui a été établi en 2018, la JTUC-RENGO indique qu’elle a été saisie de plusieurs demandes portant sur ce programme, qui sont similaires à celles qui ont été reçues à propos du Programme de stages techniques, et portent en particulier sur des questions liées aux salaires, aux heures de travail et à des faits de harcèlement. En conséquence, la JTUC-RENGO recommande également qu’un réexamen approfondi du programme de visas de «travailleur qualifié spécialisé» soit effectué et qu’un nouveau système de stagiaires techniques soit mis en place afin d’éviter de recréer les lacunes qui rendent possibles les abus en matière de respect du droit du travail. Selon la JTUC-RENGO, le gouvernement devrait aussi promouvoir un environnement multiculturel, notamment en organisant un débat national sur l’accueil des travailleurs migrants.
La commission prend dument note des efforts déployés par le gouvernement mais constate avec préoccupation la persistance des violations des droits des travailleurs et des conditions de travail abusives imposées aux stagiaires techniques, conditions qui pourraient relever du travail forcé. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les stagiaires techniques soient adéquatement protégés, notamment en organisant des activités de renforcement des capacités à l’intention des fonctionnaires chargés de contrôler l’application de la loi, en menant des activités d’inspection efficaces au sein des entités qui engagent des stagiaires, ainsi qu’en en mettant en place des mécanismes accessibles permettant de signaler les situations d’abus et en prenant rapidement des mesures en réponse à ces signalements. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les recommandations formulées à ce sujet dans le rapport final du groupe consultatif d’experts chargé d’optimiser le Programme de stages techniques et le système relatif aux travailleurs qualifiés spécialisés, ainsi que sur toute mesure de suivi adoptée par les autorités. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre et la nature des violations signalées des droits des stagiaires techniques et sur le nombre de cas qui ont donné lieu à des poursuites judiciaires et à des condamnations, en précisant les faits pour lesquels ces condamnations ont été prononcées.
2. Esclavage sexuel et travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. La commission rappelle qu’elle examine depuis 1995 la question des personnes réduites en esclavage sexuel (les «femmes de réconfort») ou au travail forcé dans l’industrie pendant la seconde guerre mondiale. Elle note que, dans leurs observations conjointes, la FKTU et la KCTU se réfèrent à un arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la Cour suprême de la République de Corée, par lequel cette juridiction a enjoint deux entreprises japonaises d’indemniser les Coréens qui avaient été victimes de travail forcé pendant l’occupation japonaise de la Corée (affaire n° 2013 Da 61381). La FKTU et la KCTU ajoutent que, d’après les estimations, au moins 800 000 Coréens ont été mobilisés pour être soumis au travail forcé et à la conscription forcée dans l’armée à cette époque, et qu’il est urgent que le gouvernement du Japon et les entreprises concernées adoptent une série complète de mesures visant à rendre justice aux victimes et à leur accorder une réparation, étant donné qu’avec les années, le nombre de victimes encore en vie ne cesse de diminuer. La commission note que le gouvernement déclare que, selon lui, la décision de la Cour suprême est clairement incompatible avec l’accord conclu en 1965 entre le Japon et la République de Corée, qui règle ces questions.
La commission note à cet égard qu’en mars 2023, le gouvernement de la République de Corée a proposé de mettre en place un régime d’indemnisation par des tiers en faveur des victimes sud-coréennes réduites au travail forcé pendant l’occupation japonaise de la Corée, qui sera financé par des contributions volontaires versées par des entreprises privées de Corée du Sud. Le gouvernement japonais indique qu’il a officiellement salué les mesures annoncées.
En ce qui concerne la question des femmes dites «de réconfort», la commission note que le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de nier ou de banaliser cette question. Le gouvernement ajoute qu’il a examiné de bonne foi la question des réparations, des biens et des requêtes se rapportant à des faits survenus pendant la seconde guerre mondiale, y compris la question des «femmes de réconfort», conformément au Traité de paix de San Francisco et d’autres instruments bilatéraux, dont les accords de 1965 et de 2015 conclus avec la République de Corée. Dans ce contexte, le gouvernement précise qu’il a collaboré à la mise en place du Fonds pour les femmes asiatiques (AWF), dissous en 2007, qui a alloué des indemnisations financées au moyen de donations du secteur privé à 285 femmes et a apporté une contribution à la Fondation pour la réconciliation et l’apaisement, créée par la République de Corée, qui a versé des aides à 35 des 47 anciennes «femmes de réconfort» qui étaient encore en vie au moment de la conclusion de l’accord de 2015 ainsi qu’aux proches de 64 des 199 anciennes femmes de confort qui étaient déjà décédées à cette époque. Il ajoute qu’en 2018, la République de Corée a proclamé unilatéralement la dissolution de la Fondation. Le gouvernement indique que, depuis 2018, les tribunaux japonais n’ont pas eu à connaître de nouvelles affaires portant sur la question des «femmes de réconfort» ou des anciens travailleurs civils de la République de Corée.
Rappelant que plusieurs victimes de violations commises pendant la guerre ont refusé de souscrire aux modalités de règlement prévues par l’accord de 2015, la commission note avec préoccupation que, depuis 2018, aucune mesure concrète n’a été prise par le gouvernement pour régler la question des «femmes de réconfort» et des civils soumis au travail forcé dans l’industrie pendant la seconde guerre mondiale. La commission relève en outre que, dans ses observations finales de 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a également noté avec regret que l’État partie n’avait réalisé aucun progrès dans l’application de ses précédentes recommandations et continuait de nier l’obligation que lui impose le Pacte de remédier aux violations persistantes des droits humains des victimes. Cet organe a également noté avec regret que les auteurs de ces violations n’avaient pas fait l’objet d’enquêtes ni de poursuites pénales et que des recours utiles et une réparation intégrale n’avaient pas été assurés à toutes les victimes des violations des droits de l’hommes commises dans le passé (CCPR/C/JPN/CO/7, 30 nov. 2022). Compte tenu de la gravité et du caractère ancien de ce cas, la commission prie instamment le gouvernement de faire tout son possible pour parvenir à une réconciliation avec les victimes encore en vie, en particulier celles qui ont refusé d’accepter l’accord de 2015, et pour s’assurer que des mesures adéquates seront prises sans délai pour satisfaire les attentes des victimes âgées ayant survécu au travail forcé dans l’industrie et à l’esclavage sexuel imposé par les militaires pendant la guerre, dont le nombre ne cesse de diminuer avec les années, et pour parvenir à un règlement qui réponde à leurs demandes.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que les modifications apportées en 2005 au Code pénal et aux lois sur l’immigration incriminent l’acte d’achat et de vente de personnes, augmentent la peine d’emprisonnement à sept ans et prévoient dix ans d’emprisonnement en cas de traite de personnes à des fins commerciales. La commission a également noté les mesures prises en vertu du plan d’action de 2014 de lutte contre la traite de personnes dans les zones de prévention, la protection des victimes et la poursuite des auteurs. Le gouvernement a indiqué que, en 2014, 33 personnes ont été arrêtées pour crime de traite, dont 27 ont été poursuivies en justice. Huit personnes attendent leur procès, 13 ont été condamnées à une peine de prison (de quatorze mois à quatre ans et demi), cinq à une amende et une a été acquittée. En outre, le bureau de l’immigration a apporté une protection à 30 victimes entre 2012 et 2014. La commission a noté en outre que, dans ses observations finales de 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies avait salué l’action menée par le Japon pour lutter contre la traite des personnes, mais demeurait préoccupé par le nombre réduit de peines d’emprisonnement prononcées pour traite de personnes.
La commission note l’information fournie par le gouvernement dans son rapport selon laquelle il a pris diverses mesures pour assurer la mise en œuvre du plan d’action. En mars 2017, des mesures d’application conjointe ont été menées par la Police nationale, le ministère de la Justice et le ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être, en ciblant les crimes liés à la traite des personnes et en apportant une protection et un soutien renforcés aux victimes. Une formation a été assurée aux agents de la force publique et autres responsables gouvernementaux concernés, y compris ceux de la Police nationale, du bureau de l’immigration, de la Garde côtière, du ministère des Affaires étrangères ainsi que du ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être. D’après les rapports annuels sur la mise en œuvre du plan d’action de 2014, en 2015, 54 victimes de traite ont été mises sous garde protégée, contre 50 en 2016. Les victimes japonaises ont, pour la plupart, été entraînées dans la prostitution, alors que les victimes étrangères ont souvent été soumises à une exploitation au travail suite à de fausses informations sur le type de travail et la rémunération. En outre, en 2015, 42 suspects impliqués dans 44 cas ont été arrêtés, parmi lesquels 20 ont été reconnus coupables et cinq attendaient leur procès; en 2016, 46 suspects étaient arrêtés dont 33 étaient reconnus coupables et dix étaient toujours en attente de jugement à la date du 31 mars 2017. Le gouvernement indique que, conformément aux dispositions pertinentes du Code pénal, les auteurs de crimes en lien avec la traite sont passibles d’emprisonnement d’au moins quatre ans et ces mêmes dispositions ne prévoient pas d’amendes. Toutefois, selon les informations détaillées que le gouvernement a communiquées, les auteurs concernés se sont vu imposer des peines d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans, accompagnées pour la plupart d’une période de probation et, dans certains cas, ont été condamnés seulement à des amendes pour violation des lois relatives au contrôle de l’immigration, à la gestion d’activités de spectacle, à la prostitution et à la protection des enfants, parmi d’autres activités. La commission rappelle au gouvernement que, lorsque les sanctions envisagées ou imposées consistent en une amende ou une peine d’emprisonnement très courte, celles-ci ne constituent pas une sanction efficace compte tenu de la gravité de la violation et du fait que les sanctions doivent être dissuasives, conformément à l’article 25 de la convention (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 319). La commission prie donc le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour sensibiliser et renforcer les capacités des autorités chargées de faire appliquer la loi afin de s’assurer que des sanctions pénales suffisamment dissuasives sont appliquées aux auteurs de traite à des fins d’exploitation au travail et d’exploitation sexuelle. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises et sur les résultats obtenus concernant la mise en œuvre du plan d’action de lutte contre la traite des personnes de 2014, y compris copie des rapports annuels rédigés à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations reçues le 24 octobre 2016 et le 26 septembre 2017 de la part du Syndicat des travailleurs migrants (LUM). Elle note également les observations conjointes présentées par la Fédération des syndicats coréens (FCTU) et la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), reçues le 1er septembre 2016 et le 4 septembre 2018, ainsi que la réponse du gouvernement reçue le 7 novembre 2018. La commission prend note en outre des observations de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO), communiquées avec le rapport du gouvernement. Enfin, la commission prend note des observations du Syndicat national de la construction de navires – Région de Kanto, reçues le 23 novembre 2018.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Programme de stages techniques. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté les violations des droits du travail relevant du travail forcé commises dans le cadre du Programme de stages techniques. Ce programme, administré par l’Organisation japonaise pour la coopération technique internationale (JITCO), a été élaboré dans le but de développer les ressources humaines et professionnelles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer un transfert de technologies, de compétences et de connaissances industrielles et dans le cadre duquel des ressortissants étrangers peuvent venir au Japon comme «stagiaires» pour un an et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaires techniques».
Le programme a été révisé en juillet 2010 afin de renforcer la protection des stagiaires et stagiaires techniques, notamment en leur conférant un statut de résident «en stage de formation technique» pour une période maximale de trois ans ainsi que la protection prévue par les lois et règlements sur le travail. En outre, les organismes d’origine ainsi que les organismes et entreprises d’accueil ne peuvent pas recevoir des sommes au titre de dépôt de garantie ou de pénalité. Les sanctions applicables aux organismes qui se rendraient coupables, dans ce contexte, d’atteintes aux droits de l’homme ont été renforcées. Toutefois, la JTUC RENGO a signalé que 15,9 pour cent des stagiaires de retour dans leur pays ont indiqué qu’ils avaient dû déposer une garantie auprès de l’agence de placement. Le LUM a indiqué que, malgré les changements introduits en 2010, les organismes d’origine continuaient à prélever des sommes d’argent, sous couvert de frais de formation préalable ou de transport, qui sont à l’origine de l’endettement de ces stagiaires et les rendent vulnérables à tout licenciement ou expulsion, cela d’autant plus qu’ils n’ont pas le droit de changer d’employeur. Le syndicat a également évoqué le nombre de décès de stagiaires étrangers anormalement élevé pour une population jeune et en bonne santé. En outre, selon une étude menée par le Bureau d’évaluation de l’administration (AEB) du ministère des Affaires intérieures et des Communications, sur les 846 entités employant des stagiaires qui ont été examinées, 157 employaient des stagiaires à hauteur de la moitié de leur personnel et 34 n’employaient que des stagiaires. Dans sa réponse, le gouvernement a indiqué que le bureau de l’immigration du ministère de la Justice travaillait activement pour contrôler les entreprises recevant les stagiaires. Toute violation constatée est notifiée à l’entreprise et, le cas échéant, le droit de recevoir de nouveaux stagiaires peut être suspendu pour une période de cinq ans. Lorsque des violations graves sont suspectées, le bureau de l’immigration travaille en collaboration avec les bureaux d’inspection des normes du travail, et la majorité des cas graves sont soumis au bureau du procureur général. En 2013, des contrôles ont été réalisés et des orientations fournies dans 2 318 lieux de travail. Des violations de la législation du travail ont été constatées dans 1 844 cas, et 12 cas de violations graves ont été référés au bureau du procureur. Le gouvernement a également indiqué que le ministère de la Santé, du Travail et du Bien être a demandé à la JITCO de mener des visites d’orientation et de référer certains cas aux bureaux régionaux des services de l’inspection du travail. En outre, un projet de loi sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques a été soumis au Parlement en mars 2015. Prenant note des informations ci-dessus, la commission a prié le gouvernement de continuer à prendre des mesures visant à renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers.
La commission note, d’après les observations de la JTUC-RENGO, qu’en 2016 comme en 2017, selon les résultats des inspections menées par les bureaux des services de l’inspection du travail, des cas de violation des dispositions du droit du travail ont été détectés dans 70 pour cent des organisations participant au programme de formation des stagiaires techniques. En outre, d’après l’article 14 de la loi sur la formation appropriée des stagiaires techniques et la protection des stagiaires techniques (appelée ci-après «loi sur la formation des stagiaires techniques»), qui a été adoptée en novembre 2016, des activités d’inspection sur le lieu de travail ne sont menées qu’une fois par an dans le cas des organismes de supervision et une fois tous les trois ans pour les entreprises individuelles. La JTUC-RENGO indique également que les canaux à travers lesquels des plaintes peuvent être déposées ou des consultations prodiguées sont limités aux appels téléphoniques et aux courriers électroniques, et que les dates et les heures des consultations téléphoniques sont fonction de la langue disponible, ce qui ne répond pas aux besoins d’urgence de certains cas où une protection immédiate est nécessaire. De l’avis de la JTUC-RENGO, il est nécessaire de mettre en place, pour les stagiaires et dans leur langue maternelle, un service à guichet unique avec des centres d’accueil sécurisés.
Dans ses observations, le LUM estime que la réforme législative a résolu certains problèmes, mais qu’elle en a créé de nouveaux. La loi sur la formation des stagiaires techniques ainsi que ses décrets d’application permettent une large diffusion du programme, de sorte qu’il est possible de disposer d’un nombre considérable de jeunes travailleurs peu payés qui n’ont pas le droit de quitter librement leur employeur. Pour les entreprises que les autorités compétentes jugent excellentes, la durée du programme peut passer de trois à cinq ans. Toutefois, les critères utilisés pour déterminer l’excellence d’une entreprise ne tiennent pas compte de problèmes essentiels, tels que les restrictions imposées aux heures supplémentaires. En outre, le nouveau cadre augmente considérablement le nombre maximal de stagiaires qu’un organisme ou une entreprise est autorisé à accepter, ce qui freine la capacité des unités d’accueil à fournir aux stagiaires une véritable formation. De plus, la menace de l’expulsion et l’interdiction de changer d’employeur, qui constituent le principal facteur d’augmentation du risque du travail forcé, ne sont pas prises en considération dans la nouvelle loi. Le LUM indique également que l’Organisation de formation des stagiaires techniques (OTIT), qui supervise et contrôle la mise en œuvre du programme prévu au titre de la nouvelle loi, couvre environ 2 000 organismes de supervision, 35 000 entreprises de mise en œuvre et 230 000 stagiaires techniques pour un personnel de seulement 330 membres. Le LUM souligne une nouvelle fois que bon nombre des violations ont été détectées par les services de l’inspection du travail et que seulement 1 pour cent d’entre elles ont été transmises au bureau du procureur général. Les violations détectées portent sur les longues heures de travail (jusqu’à 130 heures supplémentaires par mois), le non paiement ou le sous paiement des salaires et le non-respect du droit à la sécurité et à la santé au travail. En outre, selon les informations statistiques fournies par le bureau de l’immigration, 380 cas de violation des droits du travail dont des stagiaires ont été les victimes ont été détectés en 2016, parmi lesquels 121 concernaient le paiement des salaires, 94 des papiers d’identité faux ou falsifiés, et 51 le prêt de noms entre entités d’accueil (ou une substitution de contrat). En particulier, les cas de prêt de noms ont beaucoup augmenté ces dernières années. Le LUM indique en outre que les accidents et les décès professionnels ont augmenté parmi les stagiaires. En 2015, on déplorait 30 décès parmi les stagiaires, dont 8 étaient dus à des maladies cérébrales ou cardiaques, et 2 à des suicides. En août 2016, le service d’inspection du travail de la région du Gifu a déterminé que le décès d’un stagiaire philippin âgé de 27 ans était un accident professionnel dû à une fatigue extrême en raison d’heures de travail excessivement longues.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la loi sur la formation des stagiaires techniques interdit certaines violations des droits de l’homme à l’encontre de stagiaires et prévoit des sanctions pénales pour certains types de violation. Conformément à l’article 49 de la loi, les stagiaires peuvent signaler aux ministres compétents les cas de violation de la loi par des organismes de supervision ou des entreprises de mise en œuvre (ministre de la Justice et ministre de la Santé, du Travail et du Bien-être). L’OTIT répond aux plaintes émanant des stagiaires par téléphone et par courrier électronique, et ce dans la plupart des langues telles que le vietnamien et le chinois. Le gouvernement indique également que l’OTIT est entrée en fonction en novembre 2017. A la date du 31 mai 2018, les informations statistiques sur les inspections menées par l’OTIT n’étaient pas encore disponibles. En 2016, les services d’inspection du travail ont mené des inspections et fourni des directives auprès des 5 672 lieux de formation. Quarante cas de violation grave à l’encontre de stagiaires ont été présentés au bureau du procureur général. Il n’existe toutefois pas d’informations statistiques sur des procédures pénales dans lesquelles les stagiaires sont victimes. En outre, le gouvernement a signé des mémorandums de collaboration avec 9 pays d’origine, dont le Bangladesh, le Cambodge, l’Inde, la République démocratique populaire lao, la Mongolie, le Myanmar, les Philippines, Sri Lanka et le Viet Nam.
Tout en prenant dûment note de l’adoption de la loi sur la formation des stagiaires techniques et des mesures prises par le gouvernement, la commission observe que les mesures de contrôle et de protection que le nouveau cadre juridique propose ne semblent pas suffisantes, étant donné le nombre important de stagiaires concernés et leur vulnérabilité accrue en raison de la longue période de formation (qui peut aller jusqu’à cinq ans) et des restrictions qui les empêchent de changer de lieu de formation. La commission note avec préoccupation la persistance des violations des droits au travail et la poursuite de conditions de travail abusives que subissent les stagiaires techniques et qui pourraient relever du travail forcé, comme les arriérés de salaires, les longues heures de travail, les pièces d’identité falsifiées et la substitution de contrats de travail. La commission prie par conséquent instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les stagiaires techniques étrangers sont pleinement protégés contre les pratiques et les conditions abusives relevant du travail forcé, notamment à travers des activités d’inspection effectives au sein des entreprises qui accueillent les stagiaires, la mise à disposition de moyens accessibles aux stagiaires pour dénoncer les situations d’abus qu’ils subissent, ou encore des réponses et des mesures rapides face à ces dénonciations. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique de la loi sur la formation des stagiaires techniques et de ses ordonnances d’exécution , y compris le nombre et la nature des violations constatées, le nombre des cas qui ont donné lieu à des poursuites judiciaires et à des condamnations, en précisant les faits à la base de ces condamnations.
2. «Femmes de réconfort». Rappelant qu’elle examine depuis 1995 la question des «femmes de réconfort» pendant la Seconde Guerre mondiale, la commission a précédemment noté la déclaration du gouvernement selon laquelle il reste attaché à la position officielle sur cette question et a déjà exprimé des excuses et des remords sincères aux anciennes «femmes de réconfort». Le peuple et le gouvernement du Japon ont coopéré pour la mise en place du Fonds pour les femmes asiatiques (AWF) en 1995, qui traduit le repentir du peuple japonais à l’égard des anciennes «femmes de réconfort» et permet de s’assurer que leurs excuses et leurs remords sincères parviennent du mieux possible à ces femmes. L’AWF a versé à 285 femmes des sommes d’argent à titre de réparation grâce à des dons provenant du secteur privé. Le gouvernement s’est également référé aux lettres d’excuses et de remords signées par le Premier ministre, qui ont été envoyées aux «femmes de réconfort» ayant bénéficié de ces sommes. Après l’achèvement du dernier projet en Indonésie, l’AWF a été dissous en mars 2007, mais le gouvernement a continué à mettre en œuvre des activités de suivi. Il a réitéré que, au titre de ce suivi, il a confié aux personnes qui avaient joué un rôle dans l’AWF la responsabilité de mener les activités de soins à domicile et de conseil de groupe en 2015. Le gouvernement a également observé que d’anciennes «femmes de réconfort» qui ont reçu des réparations de l’AWF ou souhaité en recevoir ont fait l’objet de «harcèlement» de la part de certains groupes en République de Corée. Il est à regretter que les anciennes «femmes de réconfort» n’ont pas toutes bénéficié des activités de l’AWF en raison de ces circonstances. Le gouvernement a indiqué en outre qu’il a examiné de bonne foi la question des réparations, des biens et des requêtes concernant la Seconde Guerre mondiale, y compris en ce qui concerne la question des «femmes de réconfort», conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité de paix de San Francisco. La question des requêtes de particuliers a été réglée légalement avec les parties au traité, en particulier l’accord de 1965 sur le règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et sur la coopération économique entre le Japon et la République de Corée. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement, répondant à la demande antérieure de la commission portant sur les activités de suivi dans le cadre desquelles l’AWF a rencontré des «femmes de réconfort», la commission a noté qu’aucun résultat concret n’avait été obtenu et a prié le gouvernement de faire tous les efforts possibles pour parvenir à une réconciliation avec les victimes afin de répondre à leurs attentes et à leurs requêtes.
La commission note la référence faite, dans les observations conjointes de la FCTU et de la KCTU, à l’accord conclu entre la République de Corée et le Japon sur la question des «femmes de réconfort» en 2015 (appelé ci-après l’«Accord de 2015»), qui déclare que la question a été résolue «de façon définitive et irréversible». La KCTU indique que l’accord ne reflète pas les demandes des victimes. Selon elle, ces dernières n’ont pas été pleinement consultées tout au long du processus qui a conduit à la conclusion de l’Accord de 2015. De plus, le gouvernement du Japon insiste sur le fait que, juridiquement, la question a été résolue à travers le traité avec la République de Corée de 1965 et que le fonds de 1 milliard de yens (environ 9 millions de dollars des Etats-Unis) constitué au titre de l’Accord de 2015 ne constitue pas une réparation. La FCTU et la KCTU se réfèrent également aux déclarations prononcées à diverses occasions par le gouvernement du Japon ou ses représentants, qui refusent l’idée selon laquelle les «femmes de réconfort» sont des esclaves sexuelles. La FCTU et la KCTU notent en outre que, le 30 août 2016, 12 victimes ont entamé une procédure judiciaire à l’encontre du gouvernement de la République de Corée, exprimant leur opposition à l’Accord de 2015 en vertu duquel le gouvernement du Japon ne reconnaît aucune responsabilité juridique.
La commission note que le gouvernement a déclaré à plusieurs reprises dans son rapport qu’il n’a pas l’intention de nier ou de banaliser la question des «femmes de réconfort». A cet égard, M. Abe, Premier ministre, se déclare profondément peiné en pensant aux «femmes de réconfort» dont la douleur et la souffrance ont été indescriptibles, comme l’ont déjà exprimé les précédents Premiers ministres. Suite à des efforts diplomatiques, le gouvernement du Japon et le gouvernement de la République de Corée ont conclu un accord à ce sujet en décembre 2015, selon lequel la question des «femmes de réconfort» est résolue de façon définitive et irréversible, et les deux gouvernements s’abstiendront de s’accuser ou de se critiquer mutuellement sur ce point sur la scène internationale, y compris aux Nations Unies. En outre, conformément à cet accord, la Fondation de réconciliation et d’apaisement a été créée par le gouvernement de la République de Corée, fondation à laquelle le gouvernement du Japon a contribué à concurrence de 1 milliard de yens, somme provenant de son budget gouvernemental. Dans le cadre de ladite fondation, plusieurs projets ont été menés pour que les anciennes «femmes de réconfort» retrouvent honneur et dignité et pour guérir leurs blessures psychologiques. A ce jour, parmi les 47 anciennes «femmes de réconfort» encore en vie lorsque l’Accord de 2015 a été conclu, 36 étaient favorables aux projets et 34 avaient reçu grâce à eux un soutien médical et une assistance sociale. Dans sa réponse aux observations de la FCTU et de la KCTU, le gouvernement indique également qu’il a mené une étude factuelle exhaustive sur la situation des «femmes de réconfort» depuis le début des années quatre vingt dix et que l’«enlèvement forcé» des «femmes de réconfort» par les autorités militaires et gouvernementales n’a pu être confirmé dans aucun des documents que le gouvernement a pu identifier dans l’étude susmentionnée.
La commission note, d’après le «rapport sur l’examen de L’Accord Corée Japon» du 28 décembre 2015 sur la question des «femmes de réconfort victimes», publié par le ministère des Affaires étrangères de la République de Corée, que l’approche axée sur les victimes n’était pas suffisamment incorporée dans le processus de consultation des «femmes de réconfort» et que, tant qu’une résolution n’est pas acceptée par les victimes, comme cela fut le cas dans l’accord de 2015, la question des «femmes de réconfort» continuera à être soulevée en tant que question non résolue, même si les deux gouvernements déclarent qu’elle est «finalement et irréversiblement résolue». Ce point de vue est partagé par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), (CEDAW/C/JPN/Q/7-8/Add.1, paragr. 51), dans ses observations finales de 2016, ainsi que par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), dans ses observations finales de 2018 (CERD/C/JPN/CO/10-11, paragr. 27).
La commission note également que, dans ses observations finales de 2016, le CEDAW a regretté qu’il y ait eu une augmentation du nombre de déclarations des fonctionnaires et des dirigeants concernant la responsabilité du gouvernement dans les violations commises à l’encontre des «femmes de réconfort», ce qui a provoqué un nouveau traumatisme pour les victimes. De la même manière, dans ses observations finales de 2018, le CERD s’est déclaré préoccupé par les déclarations faites par des agents publics tendant à minimiser la responsabilité de l’Etat envers les «femmes de réconfort», et par les effets négatifs que ces déclarations peuvent avoir sur les survivantes (CERD/C/JPN/CO/10-11, paragr. 27).
La commission prend dûment note des efforts accomplis par le gouvernement pour résoudre la question des «femmes de réconfort», en particulier l’accord récent signé avec la République de Corée en 2015. La commission salue également des résultats concrets obtenus à cet égard, notant que 34 des 47 victimes toujours en vie à cette date avaient reçu un soutien médical et une assistance sociale grâce à l’application de l’accord de 2015. Toutefois, la commission observe que plus de 10 victimes ont refusé d’accepter les dispositions prévues en application de l’accord de 2015, et que certaines déclarations faites par des représentants du gouvernement n’ont pas permis de parvenir à une réconciliation. La commission exprime le ferme espoir que, étant donné que ce cas existe depuis longtemps, le gouvernement fera tout son possible pour parvenir à une réconciliation avec les victimes encore vivantes qui ont refusé d’accepter l’accord de 2015, et que des mesures suffisantes seront prises, sans plus attendre, pour obtenir le règlement de leurs revendications.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission a précédemment noté les mesures prises dans le cadre du Plan d’action contre la traite de 2009 dans les domaines de la prévention, la protection des victimes et la poursuite des auteurs et a demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations à cet égard. Le gouvernement indique qu’en 2014 le plan d’action a été révisé pour prévoir de nouvelles mesures en particulier en ce qui concerne la prévention et la protection des victimes. La commission relève parmi ces mesures: i) le renforcement des contrôles aux frontières et le renforcement de la coordination interinstitutionnelle pour détecter l’emploi illégal; ii) l’amélioration de l’identification des victimes à travers l’application de la méthode pour le traitement des victimes de la traite des personnes; iii) une meilleure information des victimes sur leurs droits notamment au cours de la procédure judiciaire et l’octroi d’une assistance judicaire; iv) la mise en place d’un groupe de travail sur l’application effective de la loi contre la traite des personnes composé de représentants de la police, du ministère de la Justice, du bureau du procureur général, du ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être; et v) la publication d’un rapport annuel compilant les efforts déployés et les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures prévues dans le plan et leur impact. La commission note également que le gouvernement indique que, pour 2014, 33 personnes ont été arrêtées pour crime de traite dont 27 ont été poursuivies en justice; 8 personnes attendent leur procès, 13 ont été condamnées à une peine de prison (de 14 mois à 4 ans et demi), 5 à une amende et une a été acquittée. En outre, le bureau de l’immigration a apporté une protection à 30 victimes entre 2012 et 2014.
La commission note que, dans le cadre de l’examen de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies salue l’action menée par le Japon pour lutter contre la traite des personnes mais il demeure préoccupé par la persistance de ce phénomène, ainsi que par le nombre réduit de peines d’emprisonnement prononcées pour traite de personnes, le fait qu’aucun responsable de travail forcé n’a été traduit devant les tribunaux, la diminution du nombre de victimes de la traite identifiées et le manque d’appui en faveur des victimes (CCPR/C/JPN/CO/6 du 20 août 2014).
La commission espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les mesures prévues dans le Plan d’action contre la traite de 2014 et qu’il fournira des informations sur les résultats obtenus. Prière également d’indiquer si des rapports annuels ont été élaborés et, le cas échéant, de préciser les obstacles qui auront été identifiés et les mesures prises pour les surmonter. Notant que, d’après les informations communiquées par le gouvernement, les peines prononcées à l’encontre des auteurs de traite peuvent se limiter à des amendes ou des peines de prison de courte durée, la commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention des sanctions pénales réellement efficaces doivent être appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé. La commission prie par conséquent le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour sensibiliser et renforcer les capacités des autorités chargées de faire appliquer la loi afin de s’assurer qu’elles sont en mesure d’identifier les victimes, mener les enquêtes appropriées, poursuivre les auteurs en justice et leur appliquer des sanctions pénales dissuasives.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note du rapport du gouvernement, des observations du Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU), reçues en septembre 2014, ainsi que des observations du Syndicat des travailleurs migrants reçues en 2014 et le 23 septembre 2015. Elle prend également note des informations complémentaires fournies par le gouvernement le 7 octobre 2015, parmi lesquelles figurent des observations de la Fédération du commerce du Japon (NIPPON KEIDANREN) et de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC RENGO).
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Victimes de l’esclavage sexuel en temps de guerre ou du travail forcé dans l’industrie. La commission rappelle qu’elle examine depuis 1995 les questions du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel en temps de guerre (subi par les «femmes de réconfort») au cours de la seconde guerre mondiale. Tout en rappelant qu’elle n’a pas le pouvoir d’ordonner les réparations, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement continuerait de s’efforcer de rechercher la réconciliation avec les victimes et qu’il prendrait les mesures nécessaires, sans plus tarder, pour répondre aux attentes des victimes survivantes de travail forcé dans l’industrie et d’esclavage sexuel pratiqué par l’armée, qui sont particulièrement âgées.
La commission note que le Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU) fournit des informations sur des décisions judiciaires rendues en République de Corée et en Chine en ce qui concerne le travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. Le syndicat fait référence en particulier à une décision de la Cour suprême de justice coréenne rendue le 24 mai 2012, qui infirme les jugements prononcés par des tribunaux de rang inférieur qui avaient rejeté les demandes d’indemnisation de victimes de travail forcé à l’encontre de deux grandes entreprises japonaises. A la suite de cette décision, les cours d’appel (Haute Cour de justice de Séoul et de Pusan) ont ordonné aux entreprises de verser une indemnité aux anciennes victimes de travail forcé. L’AJSEU indique que, malheureusement, les défendeurs ont fait recours devant la Cour suprême de justice, ce qui implique que les plaignants qui entre-temps sont décédés n’auront pas la possibilité de connaître l’issue de leur plainte. Un certain nombre d’actions en justice ont récemment été engagées en ce qui concerne le travail forcé dans l’industrie en temps de guerre après la décision rendue par la Cour suprême de justice. L’AJSEU indique en outre que des hauts responsables des entreprises en question ont déclaré qu’ils estimaient que la question de l’indemnisation avait été réglée par la conclusion de l’Accord de 1965 sur le règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et la coopération économique entre le Japon et la République de Corée, raison pour laquelle ils avaient présenté leur recours. Le syndicat estime qu’une conscience commune se développe considérant que la question devrait être réglée afin de maintenir de bonnes relations avec ces partenaires commerciaux de longue date. L’AJSEU estime que la question devrait être réglée pendant que les victimes sont encore en vie et que le gouvernement du Japon a la responsabilité de veiller à maintenir de bonnes relations entre ses voisins asiatiques et le peuple japonais. Par ailleurs, le syndicat indique qu’un certain nombre d’actions en justice ont été engagées contre le gouvernement du Japon et/ou des industries en Chine après que la «première chambre de la Cour intermédiaire» de Beijing a accepté une plainte à cet égard. Enfin, l’AJSEU observe que la question de l’esclavage sexuel dans l’armée continue d’être examinée par les organes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.
Le gouvernement indique dans son rapport qu’il n’a pas l’intention de nier ni de minimiser la question des «femmes de réconfort», qui a porté gravement atteinte à l’honneur et à la dignité de nombreuses femmes. Le gouvernement demeure attaché à la position officielle sur cette question et a déjà exprimé des excuses et des remords sincères aux anciennes «femmes de réconfort». Le peuple et le gouvernement du Japon ont coopéré pour la mise en place du Fonds pour les femmes asiatiques (AWF) en 1995 pour faire part du repentir du peuple japonais à l’égard des anciennes «femmes de réconfort» et pour s’assurer que leurs excuses et leurs remords sincères parviennent du mieux possible à ces femmes. L’AWF a versé à 285 femmes des sommes d’argent à titre de réparation grâce à des dons provenant du secteur privé. Le gouvernement fait à nouveau référence aux lettres d’excuses et de remords signées par le Premier ministre, qui ont été envoyées aux «femmes de réconfort» ayant bénéficié de ces sommes. L’AWF a également procuré des fonds à des projets d’aide médicale et de protection sociale. Après l’achèvement du dernier projet en Indonésie, l’AWF a été dissout en mars 2007, mais le gouvernement a continué à mettre en œuvre des activités de suivi. Il réitère que, au titre de ce suivi, il a confié aux personnes qui avaient joué un rôle dans l’AWF la responsabilité de mener les activités de soins à domicile et de conseil de groupe en 2015. Le gouvernement fait également observer que d’anciennes «femmes de réconfort» qui ont reçu des réparations de l’AWF ou souhaitaient en recevoir ont été l’objet de «harcèlement» de la part de certains groupes en République de Corée. Il est à regretter que les anciennes «femmes de réconfort» n’ont pas toutes bénéficié des activités de l’AWF en raison de ces circonstances. Selon le gouvernement, il convient d’apprécier à leur juste valeur les actions menées par l’AWF.
Le gouvernement indique en outre qu’il a examiné de bonne foi la question des réparations, des biens et des requêtes concernant la seconde guerre mondiale, y compris en ce qui concerne la question des «femmes de réconfort», conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du Traité de paix de San Francisco. La question des requêtes de particuliers a été réglée légalement avec les parties au traité, en particulier l’accord de 1965 sur le règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et sur la coopération économique entre le Japon et la République de Corée. En conclusion, le gouvernement exprime sa préoccupation face à la diffusion d’informations et de chiffres sans fondement au sein de la communauté internationale. Le gouvernement exprime l’espoir que les efforts du Japon seront dûment reconnus par la communauté internationale, sur la base d’une reconnaissance adéquate des faits. Enfin, le gouvernement indique qu’il n’y a pas eu de décision de justice en ce qui concerne les «femmes de réconfort», les «travailleurs réquisitionnés de force» ni aucun cas en instance devant les tribunaux japonais entre 2012 et 2015.
Tout en prenant note de l’indication du gouvernement en réponse à la demande antérieure de la commission en ce qui concerne les activités de suivi dans le cadre desquelles l’AWF a rencontré des «femmes de réconfort», la commission note avec une profonde préoccupation qu’aucun résultat concret n’a été obtenu. La commission exprime le ferme espoir que, eu égard à la gravité et à l’ancienneté de ce cas, le gouvernement déploiera tous les efforts pour parvenir à une réconciliation avec les victimes et que des mesures seront prises sans plus tarder pour répondre aux attentes et aux requêtes des victimes âgées survivantes du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel pratiqué par l’armée en temps de guerre.
2. Programme de formation professionnelle et de stages techniques. La commission rappelle que ses précédents commentaires portaient sur le programme de formation professionnelle et de stages techniques qui vise à développer les ressources humaines et professionnelles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer un transfert de technologies, de compétences et de connaissances industrielles. Dans le cadre de ce programme, des ressortissants étrangers peuvent venir au Japon comme «stagiaires» pour un an et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaire technique». Le programme est administré par l’Organisation japonaise pour la coopération technique internationale (JITCO), sous la supervision des organismes gouvernementaux compétents. Il a été révisé en juillet 2010 afin de renforcer la protection des stagiaires et stagiaires techniques, notamment en leur conférant un statut de résidant «en stage de formation technique» pour une période maximale de trois ans ainsi que la protection prévue par les lois et règlements sur le travail. En outre, les organismes d’origine ainsi que les organismes et entreprises d’accueil ne peuvent pas percevoir des sommes au titre de dépôt de garantie ou de pénalité. Les sanctions applicables aux organismes qui se rendraient coupables dans ce contexte d’atteintes aux droits de l’homme ont été renforcées.
Dans ses observations, le Syndicat des travailleurs migrants considère que, malgré les modifications apportées en 2010, les organismes d’origine continuent à prélever des sommes d’argent, sous couvert de frais de formation préalable ou de transport, qui sont à l’origine de l’endettement de ces stagiaires et les rendent vulnérables à tout licenciement ou expulsion, ceci d’autant plus qu’ils n’ont pas le droit de changer d’employeur. La JTUC-RENGO signale à cet égard que 15,9 pour cent des stagiaires de retour dans leur pays ont indiqué qu’ils avaient dû déposer une garantie auprès de l’agence de placement, et 78 pour cent d’entre eux ont précisé que la somme déposée ne leur avait pas été rendue. Le Syndicat des travailleurs migrants se réfère à des statistiques du ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être faisant état de violations de la législation du travail de la part des employeurs dans les préfectures d’Aichi et Gifu (imposition d’heures supplémentaires au-delà de la limite légale, non-paiement des salaires, non-respect des règles de sécurité et de santé au travail, et rétention de documents d’identité). Le syndicat évoque également le nombre de décès de stagiaires étrangers anormalement élevé pour une population jeune et en bonne santé. En outre, il cite une étude menée par le bureau d’évaluation de l’administration (AEB) du ministère des Affaires intérieures et des Communications qui recommande d’assurer une meilleure inspection des organismes et entreprises d’accueil et émet des réserves sur l’effectivité des contrôles menés par la JITCO à cet égard. L’étude fait état de violations du droit du travail commises par de nombreux organismes d’accueil et constate que les stagiaires sont recrutés dans des entreprises qui ont connu des baisses d’effectifs. Sur 846 entités employant des stagiaires, 157 emploient des stagiaires à hauteur de la moitié de leur personnel et 34 n’emploient que des stagiaires. Enfin, le syndicat indique que, si de nombreuses violations sont constatées par le bureau d’inspection du travail, peu sont transmises au bureau du procureur.
Dans sa réponse, le gouvernement indique que le bureau de l’immigration du ministère de la Justice travaille activement pour contrôler les entreprises recevant les stagiaires. Toute violation constatée est notifiée à l’entreprise et, le cas échéant, le droit de recevoir de nouveaux stagiaires peut être suspendu pour une période de cinq ans. En 2014, des notifications ou suspensions ont été adressées à 241 entités (contre 230 en 2013 et 197 en 2012). A la suite des contrôles, des orientations sont données aux entreprises qui enfreignent la législation du travail, y compris en cas de travail forcé, afin qu’elles corrigent la situation. Lors de suspicion de violations graves, le bureau de l’immigration travaille conjointement avec les bureaux de l’inspection du travail, et les cas les plus graves sont renvoyés au bureau du procureur. En 2013, des contrôles ont été réalisés et des orientations fournies dans 2 318 lieux de travail. Des violations de la législation du travail ont été constatées dans 1 844 cas, et 12 cas de violations graves ont été référés au bureau du procureur. Le gouvernement se réfère également aux instructions que le ministère de la Santé, du Travail et du Bien-être a données à la JITCO pour mener des visites d’orientation et pour référer certains cas aux bureaux régionaux des services de l’inspection du travail. Entre avril 2014 et mars 2015, la JITCO a mené 7 210 visites et a fourni des orientations écrites dans 856 cas en exigeant un rapport sur les améliorations réalisées. En outre, un projet de loi sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques étrangers a été soumis au Parlement en mars 2015. Ce projet contient une série de mesures telles que la création d’un organisme de la formation professionnelle des stagiaires qui pourra mener des inspections in situ et gérera un système destiné à renforcer les contrôles à travers un mécanisme de licences, d’enregistrements et d’autorisations des entités d’accueil. Au sein de cet organisme sera nommé un point focal chargé de recevoir les rapports des stagiaires techniques. Se référant au projet de loi, la JTUC-RENGO indique que, si les mesures proposées visent à protéger les stagiaires techniques et à «normaliser» le programme, il convient de s’assurer que ces mesures sont effectivement mises en œuvre et efficaces avant d’étendre le programme à d’autres professions comme l’envisage le gouvernement. A cet égard, le gouvernement indique que le programme ne sera étendu qu’aux entreprises qui satisfont à un certain nombre de conditions constituant ainsi une incitation pour celles qui utilisent le programme de manière appropriée.
La commission note que, dans le cadre de l’examen de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a noté avec inquiétude que, malgré les modifications législatives apportées en vue de l’application du droit du travail aux stagiaires techniques étrangers, «il y aurait encore un grand nombre de cas d’abus sexuels, de décès liés au travail et de conditions constitutives de travail forcé dans le cadre des programmes de stages techniques, et a demandé au gouvernement d’envisager de remplacer le programme en place par un nouveau dispositif privilégiant le renforcement des capacités» (CCPR/C/JPN/CO/6 du 20 août 2014).
Prenant note de l’ensemble de ces informations, la commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures pour renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers. Elle le prie de fournir des informations sur l’adoption du projet de loi sur la formation professionnelle des stagiaires et la protection des stagiaires techniques et sur les mesures prises dans ce contexte pour renforcer les contrôles réalisés au sein des entreprises qui accueillent ces stagiaires et pour s’assurer que ces derniers ont leurs droits protégés et peuvent effectivement dénoncer les situations d’abus qu’ils subissent. La commission prie également le gouvernement de communiquer des statistiques sur le nombre et la nature des violations constatées, le nombre des cas ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et les condamnations imposées en précisant les faits à la base de ces condamnations.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Depuis un certain nombre d’années, la commission examine la question du travail forcé dans l’industrie et celle de l’esclavage sexuel (subi par ce qu’il a été convenu d’appeler les «femmes de réconfort») au cours de la seconde guerre mondiale. Elle s’est référée à cet égard aux considérations et conclusions qu’elle avait formulées antérieurement concernant le caractère limité de ses pouvoirs à l’égard d’atteintes à la convention occupant une telle place dans l’histoire. A de nombreuses reprises, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement, dans les efforts qu’il déploie pour rechercher la réconciliation avec les victimes, prendrait les mesures nécessaires pour que ce que demandent les victimes survivantes, particulièrement âgées, trouve une réponse. Le gouvernement a été prié de continuer de fournir des informations sur tout nouveau développement à cet égard.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus les 5 septembre et 1er octobre 2012, de même que dans les communications du gouvernement reçues les 28 février et 14 et 16 novembre 2011.
La commission prend note des communications reçues en 2011 et 2012 des organisations de travailleurs suivantes:
  • -Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU) (24 et 28 août 2011 et 17 août 2012);
  • -Fédération des syndicats coréens (FKTU) et Confédération coréenne des syndicats (KCTU) (27 août et 5 octobre 2011 et 28 août 2012);
  • -Confédération nationale des syndicats (ZENROREN) (21 septembre 2012).
Copie des communications des organisations susmentionnées de travailleurs a été communiquée au gouvernement pour tout commentaire que celui-ci voudrait faire sur les questions qui y étaient soulevées. La commission a reçu du gouvernement une réponse à la plupart de ces communications les 5 septembre et 14 novembre 2012.
La commission note que, dans les communications précitées, les organisations de travailleurs expriment leur préoccupation quant à la position du gouvernement sur la question des «femmes de réconfort», appelant d’urgence celui-ci à prendre les mesures propres à aboutir à une solution. Certaines de ces communications s’inscrivent en faux contre le rôle attribué au Fonds des femmes asiatiques (AWF) quant au rétablissement de la dignité des victimes, considérant que les victimes survivantes ont majoritairement rejeté l’indemnisation offerte par le fonds et ont exprimé leur opposition à ses activités. Certaines organisations de travailleurs expriment également leur scepticisme quant au suivi des activités de l’AWF assuré par le gouvernement. Elles demandent également que le gouvernement revoie la législation nationale en vue de supprimer les obstacles s’opposant à l’obtention de réparations pleines et entières devant les tribunaux japonais et au règlement de la question du travail forcé pratiqué pendant la guerre.
Certaines des communications précitées se réfèrent à une décision rendue par la Cour constitutionnelle de la République de Corée le 30 août 2011 sur le pourvoi formé par 109 victimes survivantes de l’esclavage sexuel imposé par les militaires, décision dans laquelle la cour a demandé instamment que le gouvernement coréen prenne des mesures résolues pour le rétablissement des droits de l’homme à l’égard des personnes dont ces droits avaient été violés. En application de cette décision, le gouvernement coréen a proposé des pourparlers bilatéraux pour régler la question avec le gouvernement japonais. Consécutivement à la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle, la Cour suprême de Corée a ordonné le 24 mai 2012 aux instances inférieures de la République de Corée de rouvrir la procédure en ce qui concerne deux affaires de travail forcé imposé dans l’industrie pendant la guerre.
Dans leurs communications, les organisations de travailleurs continuent de soulever la question de l’esclavage sexuel imposé par les militaires telle qu’elle a été reprise par les organes des Nations Unies, notamment dans le rapport du 23 avril 2010 du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (A/HRC/14/22). Certaines des communications susmentionnées se réfèrent également à des résolutions adoptées par les autorités locales du Japon et de la République de Corée. De mars 2008 à août 2012, 36 conseils municipaux de grandes villes japonaises et 54 conseils municipaux de grandes villes coréennes ont adopté des résolutions appelant instamment le gouvernement à régler la question de l’esclavage sexuel imposé par les militaires japonais, rétablir les victimes dans leur dignité et leur faire justice, leur accorder réparation et, en outre, éduquer le public.
La commission a pris dûment note de la déclaration réitérée du gouvernement dans ses rapports quant à la permanence de son attachement à la position exprimée en août 1993 par celui qui était alors le secrétaire du Cabinet du Japon, M. Yohei Kono, qui avait exprimé des excuses et des remords sincères à l’égard des ex-«femmes de réconfort», reconnaissant que ce problème avait constitué, avec la part que les autorités militaires de l’époque y avaient prise, un grave affront à l’honneur et à la dignité d’un grand nombre de femmes. Le gouvernement réitère que cette déclaration incarne sa position officielle sur cette question et qu’elle demeure inchangée. La commission rappelle que le gouvernement du Japon a depuis lors exprimé ses excuses et regrets sincères à de nombreuses reprises, sur la base de la déclaration faite en août 1995 par M. Tomiichi Murayama, alors Premier ministre. Le gouvernement se réfère également à nouveau à une lettre exprimant ses excuses et ses regrets, qui a été envoyée par le Premier ministre, au nom du gouvernement du Japon, directement à chacune des «femmes de réconfort», en lien avec les activités de l’AWF.
S’agissant des mesures d’ordre non juridique visant à répondre à ce que demandent les victimes survivantes de l’esclavage sexuel imposé par les militaires en temps de guerre, le gouvernement se réfère à nouveau aux activités de l’AWF, qui a été créé en 1995 pour demander aux ex-«femmes de réconfort» le pardon du gouvernement et du peuple japonais et qui a été dissous en 2007 après avoir accompli ses objectifs. Le gouvernement a également indiqué qu’il a prêté à l’AWF tout le concours possible, notamment en prenant à sa charge la totalité de ses coûts de fonctionnement, en soutenant pleinement son action de collecte de fonds et en fournissant les crédits nécessaires à l’exercice de son action. A cet effet, le gouvernement indique également qu’il a contribué approximativement pour 60 millions de dollars du budget national et que le peuple japonais a fait une donation approximative de 7 millions de dollars à l’AWF. La commission rappelle cependant avoir souligné dans ses précédentes observations que le rejet par la majorité des ex-«femmes de réconfort» des sommes que l’AWF voulait leur verser parce que ces sommes n’apparaissaient pas comme une réparation du gouvernement portait à croire que cette initiative n’avait pas répondu aux attentes de la majorité des victimes. La commission a donc exprimé l’espoir que le gouvernement ferait tout ce qui est en son pouvoir, en concertation avec les victimes survivantes et les organisations qui les représentent, pour trouver un autre moyen de réparation à proposer aux victimes suivant des modalités répondant aux attentes de ces dernières.
La commission note que le gouvernement renouvelle sa déclaration précédente selon laquelle il continuera de mettre en œuvre les activités de suivi de l’AWF. Il réitère que, au titre de ce suivi, il a confié aux personnes qui avaient joué un rôle dans l’AWF la responsabilité de mener les activités de soins à domicile et de conseil en groupes (en République de Corée et aux Philippines) et de poursuivre les échanges d’avis avec les représentants gouvernementaux et les milieux académiques (Indonésie et Philippines). Le rapport du gouvernement fait également ressortir que, d’après une communication reçue en février 2011, M. Yutaka Banno, alors Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, et Mme Makiko Kikuta, alors Vice-ministre parlementaire aux Affaires étrangères, ont rencontré des ex-«femmes de réconfort» en novembre 2010 et janvier 2011 au Japon, expliqué en personne l’avis du gouvernement et écouté l’exposé des intéressés concernant leurs conditions de vie actuelles, leur expérience passée, leurs souhaits et leurs sentiments personnels. Le gouvernement indique également que, suite à ces réunions, il a augmenté le budget des activités de soins à domicile et de conseil de groupes et qu’il poursuivra la mise en œuvre des activités de suivi de l’AWF, en même temps que les efforts qu’il déploie pour parvenir à comprendre les besoins des ex-«femmes de réconfort».
Enfin, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que, du 1er juin 2010 au 31 mai 2012, les tribunaux «se sont prononcés» sur cinq affaires concernant des «travailleurs réquisitionnés de force», pour ce qui est du volet civil de l’action exercée par les plaignants en vue de l’obtention de réparations. Le gouvernement indique que, dans toutes ces affaires, les actions en réparation exercées par les plaignants contre le gouvernement du Japon ont été rejetées parce qu’aucune de ces actions ne satisfaisait aux critères fixés par le Code de procédure civile pour les appels en dernier recours. Il n’y a pas eu de décisions des tribunaux concernant la question des «femmes de réconfort». Le gouvernement déclare également que, au 31 mai 2012, aucune affaire concernant les «femmes de réconfort» ou les «travailleurs réquisitionnés de force» n’était plus en instance devant les tribunaux japonais.
Tout en observant que des représentants du gouvernement ont rencontré les «femmes de réconfort» en 2010 et 2011, la commission note avec préoccupation qu’aucun résultat concret n’a été observé. La commission exprime le ferme espoir que, eu égard à la gravité et à l’ancienneté de ce cas, le gouvernement poursuivra ses efforts pour parvenir à une réconciliation avec les victimes et que des mesures seront prises sans plus tarder pour apporter une réponse à ce que demandent les victimes survivantes des pratiques de travail forcé dans l’industrie et d’esclavage sexuel pratiqué par l’armée. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le déploiement des activités susmentionnées de suivi de l’AWF et sur toute autre mesure prise ou envisagée, y compris dans le cadre du suivi des rencontres évoquées ci-dessus avec les ex-«femmes de réconfort».
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. 1. Programme de formation professionnelle et de stages techniques. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission prend note des communications du Syndicat des travailleurs migrants datées des 22 août 2011 et 29 août 2012, contenant des informations sur la mise en œuvre du programme révisé de formation professionnelle et de stages techniques (programme pour les «stagiaires étrangers»), ainsi que de la réponse du gouvernement à ces communications reçue les 1er octobre et 14 novembre 2012.
La commission avait noté que le programme susmentionné avait été conçu pour développer les ressources humaines et professionnelles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer un transfert de technologie, de compétences et de connaissances industrielles. Dans le cadre de ce programme, des ressortissants étrangers peuvent venir au Japon comme «stagiaires» pour un an et prolonger leur séjour de deux ans en tant que «stagiaire technique» après quoi ils doivent rentrer dans leur pays. Le programme est administré par l’Organisation japonaise pour la coopération technique internationale (JITCO), sous la supervision des organismes gouvernementaux compétents, notamment du Bureau de l’immigration et des organismes d’inspection compétents en matière de normes du travail. La commission avait également noté que le programme de formation professionnelle et de stages techniques avait été révisé en juillet 2010 afin de renforcer la protection assurée aux stagiaires et internes techniques, à qui il est désormais conféré un statut de résident «en stage de formation technique» pour une période maximale de trois ans, avec bénéfice de la protection prévue par les lois et règlements sur le travail, comme la loi sur les normes du travail et la loi sur le salaire minimum, au titre des activités de développement des compétences déployées par les intéressés dans le cadre de leur contrat de travail. De plus, il a été interdit aux organismes d’origine, comme aux organismes et entreprises d’accueil, de percevoir quelque somme que ce soit, au titre d’une garantie ou d’une pénalité, et la durée de suspension des activités des organismes qui s’étaient rendus coupables dans ce contexte d’atteintes aux droits de l’homme a été portée de trois à cinq ans.
Cependant, les communications susmentionnées du Syndicat des travailleurs migrants allèguent que les conditions de ces stagiaires étrangers ne se sont pas améliorées: ils sont toujours forcés de travailler sous la menace de leur expulsion; ils ne sont pas autorisés à changer d’employeur et ils restent exposés à des abus des employeurs (heures supplémentaires illégales, violations des règles de sécurité et de santé au travail, confiscation des passeports par l’employeur, etc.). Le syndicat se réfère aux données statistiques accessibles sur le site Internet de la JITCO concernant les décès de stagiaires et stagiaires techniques étrangers consécutifs à des accidents du travail ou à des maladies en 2011. Il se réfère également à des informations ayant trait à diverses violations de la législation du travail commises dans le cadre du programme de stages techniques, comme reflété par les rapports de certains bureaux préfectoraux du travail (Gifu, Fukui, Aichi et Shimane). De l’avis de syndicat, ces problèmes ne sauraient être considérés comme avoir été résolus par des changements de formulation superficiels, et ce programme devrait être supprimé.
Dans sa réponse aux communications ci-dessus, le gouvernement réitère que le programme de formation professionnelle et de stages techniques interdit expressément tout travail forcé ou obligatoire. Le Bureau de l’immigration et la JITCO exercent leur contrôle sur ce programme de manière à prévenir l’apparition de toute situation inappropriée. Tout au long du déroulement de ce programme, aucune situation constitutive de travail forcé n’a été signalée de manière avérée. De plus, les organes d’inspection compétents en matière de normes du travail se sont employés activement à faire respecter les directives pertinentes auprès des exploitants d’entreprise qui emploient des stagiaires techniques, et des procédures ont été engagées avec fermeté dans les cas constitutifs d’atteintes à l’article 5 de la loi sur les normes du travail (imposition par l’employeur d’un travail forcé ou obligatoire en recourant à la violence physique, à l’intimidation, au confinement ou à toute autre restriction déloyale de la liberté physique ou mentale du travailleur). S’agissant plus spécifiquement des cas de violations graves des droits de l’homme liées à un comportement inapproprié à l’égard des stagiaires, notamment la violence et la confiscation du passeport, etc., le Bureau de l’immigration a reconnu certains «agissements délictueux» de la part d’organismes d’accueil, après avoir procédé aux vérifications nécessaires et réagi strictement en interdisant à ces organismes de recevoir des stagiaires ou des internes pendant cinq ans. Le gouvernement indique que de tels «agissements délictueux» de la part d’organismes d’accueil ont été constatés en ce qui concerne 163 organismes en 2010 et 184 en 2011 et que, dans ce cadre, étaient en cause le non-paiement d’heures supplémentaires dues aux stagiaires et le nombre d’heures supplémentaires excédant considérablement les limites fixées par les conventions collectives. S’agissant de l’action déployée par l’inspection du travail pour veiller à ce que les conditions de travail des stagiaires techniques restent appropriées, le gouvernement indique que, sur les 2 748 cas dans lesquels des directives ont été adressées à des organismes en 2011, des violations de la législation et de la réglementation du travail ont été avérées dans 2 252 cas et qu’il y a eu 23 cas de violations graves ou particulièrement caractérisées pour lesquels les services du procureur ont été saisis. La JITCO a continué de mener de nombreuses consultations auprès des organismes et entreprises d’accueil et a même mis en place un numéro d’appel gratuit auquel les stagiaires peuvent s’adresser dans leur langue. Le gouvernement indique cependant qu’il ne dispose pas de statistiques du nombre des cas dans lesquels des poursuites ont été engagées et des condamnations prononcées par suite de violations de droits de stagiaires.
Prenant note de ces informations, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises, en droit et dans la pratique, en vue de renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers. Elle le prie de fournir des informations en particulier sur les mesures prises pour renforcer le système de contrôle au moyen d’inspections et d’un suivi appropriés. Elle exprime également l’espoir que le gouvernement sera en mesure de communiquer dans son prochain rapport des statistiques du nombre des cas ayant donné lieu à des poursuites et des condamnations, avec indication des sanctions imposées à l’égard des auteurs.
2. Traite des personnes. La commission prend note avec intérêt des informations concernant les diverses mesures prises par le gouvernement dans le cadre du Plan d’action contre la traite de 2009, communiquées dans le rapport reçu le 1er octobre 2012. Elle prend note, en particulier, des mesures prises dans les domaines de la prévention de la traite (renforcement des mesures de contrôle au niveau de l’immigration et des mesures de sensibilisation du public), de la protection des victimes (notamment avec l’ouverture de bureaux de consultation pour les femmes, l’amélioration du statut des victimes au regard des règles de séjour et l’assistance aux victimes dans le contexte de leur rapatriement), de la poursuite des auteurs (notamment la publication de statistiques des personnes interpellées, poursuivies et condamnées pour des faits de traite) et, enfin, de la coopération avec les gouvernements étrangers et des organisations internationales.
La commission prend également note de commentaires reçus de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO) communiqués avec le rapport du gouvernement, commentaires dans lesquels la JTUC-RENGO réitère l’avis exprimé précédemment, estimant que les mesures de protection des victimes devraient être renforcées et appelant à nouveau à la mise en œuvre d’un système d’appui à composantes multiples prévoyant tout un éventail de mesures, conformément aux recommandations faites par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies en 2008. La JTUC-RENGO appelle aussi à un renforcement des mesures dirigées contre les mariages de convenance, conclus à seule fin d’obtenir un titre de séjour pour travailler au Japon, arrangements qui peuvent donner lieu à des pratiques de travail forcé. S’agissant plus particulièrement des mesures dirigées contre les mariages de convenance, le gouvernement déclare dans son rapport que les autorités compétentes en matière d’immigration assurent un contrôle plus strict des règles de résidence et coopèrent avec la police pour déceler les situations relevant de la traite et assurer la protection des victimes, conformément au Plan d’action contre la traite de 2009.
La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement continuera de fournir, dans ses futurs rapports, des informations concernant la mise en œuvre des diverses mesures prévues par le Plan d’action de 2009 contre la traite, y compris sur les sanctions pénales appliquées, ainsi que toutes statistiques disponibles.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

I. Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus les 13 et 30 septembre 2010, ainsi que des communications du gouvernement reçues en novembre 2009 et novembre 2010.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission a examiné les questions d’esclavage sexuel des «femmes de réconfort» et d’esclavage dans l’industrie au cours de la seconde guerre mondiale. Elle s’est référée, à cet égard, à ses considérations antérieures sur les limites de son mandat en ce qui concerne ces violations historiques de la convention. Dans son observation précédente, la commission a fermement réitéré l’espoir que, dans ses efforts pour rechercher la réconciliation avec les victimes, le gouvernement prendrait les mesures nécessaires dans l’avenir immédiat pour répondre aux plaintes des victimes survivantes. La commission a également prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tout récent développement judiciaire.

La commission prend note des communications reçues en 2009 et 2010 de la part des organisations de travailleurs suivantes:

–           Syndicat de la construction navale et du génie maritime du Japon (AJSEU) (en date du 10 août 2009 et du 20 août 2010);

–           Fédération des syndicats coréens (FKTU) et la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) (en date du 26 août 2009 et du 27 août 2010);

–           Syndicat des enseignants de l’école supérieure de la municipalité de Nagoya (MEIKOUKYO) (en date du 12 août 2009 et du 20 août 2010);

–           Fédération nationale des syndicats de travailleurs du génie civil du Japon (JCEW) (en date du 18 août 2010);

–           Confédération syndicale internationale (CSI) (en date du 16 septembre 2009 et du 1er septembre 2010);

–           Confédération syndicale des Pays-Bas (FNV) (en date du 30 août 2010).

Des copies des communications susmentionnées reçues des organisations de travailleurs ont été transmises au gouvernement afin qu’il fournisse ses commentaires à leur sujet. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ces communications, reçue le 13 septembre 2010 et le 19 novembre 2010.

Plusieurs communications d’organisations de travailleurs mentionnées ci-dessus se réfèrent, entre autres, à l’évolution positive de la situation, comme le règlement de certains cas liés au travail forcé. Par exemple, Nishimatsu Construction Company, une entreprise privée qui a recouru au travail forcé dans l’industrie pendant la seconde guerre mondiale, a conclu un accord avec les 360 victimes de travail forcé d’alors, à la centrale de Yasuno dans la préfecture d’Hiroshima, le 23 octobre 2009; elle a également conclu un accord avec 183 victimes chinoises de travail forcé à la centrale électrique de la préfecture de Niigata le 26 avril 2010. Ces accords ont fait suite à la décision de la Cour suprême du Japon du 27 avril 2007, qui a considéré que les plaignants chinois ne disposaient pas de droits légaux pour obtenir réparation des dommages causés par le travail forcé imposé par Nishimatsu Construction Company, mais suggérant toutefois dans ses conclusions aux parties concernées (Nishimatsu Company et le gouvernement) de prendre des mesures volontaires pour réparer les dommages subis par les victimes. Selon l’accord, 250 millions de yens seront accordés aux 360 victimes de la centrale électrique d’Hiroshima, et 128 millions de yens aux 183 victimes de la centrale électrique de Niigata.

Les communications des organisations de travailleurs se réfèrent également à la question de l’esclavage sexuel imposé par des militaires qui continue d’être examinée par les organes des Nations Unies, en particulier sous la forme de recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), qui a examiné la question de «femmes de réconfort» à sa quarante-quatrième session (20 juillet au 7 août 2009). Cette question a également été examinée dans le rapport du Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences, présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 23 avril 2010 (A/HRC/14/22).

Certaines des communications susmentionnées se réfèrent également aux résolutions adoptées par les conseils locaux du Japon. Depuis mars 2008 et jusqu’en août 2010, 30 conseils locaux ont adopté des résolutions demandant instamment au gouvernement de régler la question de l’esclavage sexuel imposé par des militaires afin de restaurer la dignité et la justice à l’égard des victimes, de leur accorder une indemnisation et d’améliorer la connaissance de cette question auprès de la population.

La commission note d’après l’indication du gouvernement dans son rapport reçu le 13 septembre 2010 que, entre le 1er juin 2008 et le 31 mai 2010, les tribunaux ont «rendu des décisions» dans deux affaires relatives à la question des «femmes de réconfort» (une décision rendue par la Cour suprême et un jugement rendu au niveau de la Haute Cour) et dans 16 affaires relatives au «travail forcé imposé par des militaires» (six décisions rendues par la Cour suprême, neuf jugements au niveau de la Haute Cour et un jugement au niveau du tribunal de première instance), dans lesquelles les plaignants avaient demandé à l’Etat une indemnisation pour les dommages subis. Le gouvernement indique que, dans toutes ces affaires, les tribunaux ont rejeté les demandes d’indemnisation des plaignants auprès du gouvernement du Japon, conformément aux accords internationaux pertinents et aux communiqués communs sur le règlement de la question. Le gouvernement indique également que, au 31 mai 2010, il n’y avait plus d’affaires en instance devant les tribunaux japonais concernant la question des «femmes de réconfort», et que cinq cas seulement étaient encore en instance devant les tribunaux concernant le «travail forcé imposé par des militaires».

La commission prend dûment note de la déclaration du gouvernement dans son rapport, selon laquelle le gouvernement japonais a traité sincèrement et en toute bonne foi la question des réparations, des biens et des réclamations liés à la seconde guerre mondiale, y compris les questions relatives aux «femmes de réconfort», conformément à ses obligations découlant du Traité de paix de San Francisco, des traités de paix bilatéraux et autres traités et accords pertinents. En ce qui concerne plus particulièrement la question des «femmes de réconfort», le gouvernement réitère sa position, exprimée par le ministre Yohei Kono dans sa déclaration d’août 1993, où il présentait ses sincères excuses et exprimait ses remords aux anciennes «femmes de réconfort», tout en reconnaissant qu’il s’agissait incontestablement d’actes dans lesquels étaient impliquées les autorités militaires de l’époque qui ont sévèrement entaché l’honneur et la dignité d’un grand nombre de femmes. Cette déclaration représente la position officielle du gouvernement sur cette question et reste valable. Le gouvernement indique également qu’il a, depuis lors, présenté ses sincères excuses et exprimé ses remords à de nombreuses occasions. En outre, lors de la mise en œuvre des activités du Fonds des femmes asiatiques (AWF), le Premier ministre a envoyé une lettre, au nom du gouvernement japonais, présentant ses excuses et exprimant ses remords directement à chacune des «femmes de réconfort».

La commission a précédemment noté, d’après les déclarations antérieures du gouvernement dans ses rapports, que, en ce qui concerne les mesures non législatives destinées à répondre aux attentes et aux réclamations des victimes survivantes du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel imposé par des militaires en temps de guerre, le gouvernement a mis l’accent sur le Fonds des femmes asiatiques (AWF) et ses activités – initiative lancée en 1995 et poursuivie jusqu’à la dissolution du fonds le 31 mars 2007, après réalisation de ses objectifs. Comme l’a estimé la commission dans ses observations de 2001 et de 2003, le refus par la majorité des anciennes «femmes de réconfort» de l’aide de l’AWF, celle-ci n’étant pas considérée comme une réparation de la part du gouvernement, ainsi que le refus par certaines d’entre elles de la lettre du Premier ministre qui ne reconnaissait pas la responsabilité du gouvernement – lettre envoyée au peu d’entre elles qui avaient accepté l’aide du fonds – laissent penser que ces mesures ne répondent pas à l’attente de la majorité des victimes. La commission a donc exprimé l’espoir que le gouvernement s’efforcerait, en consultation avec les victimes survivantes et les organisations qui les représentent, de trouver une autre solution pour indemniser les victimes d’une manière qui puisse répondre à leur attente.

La commission note, d’après la déclaration du gouvernement dans son rapport, qu’il continuera à mettre en œuvre les activités de suivi de l’AWF. Le gouvernement indique que, dans le cadre de ce suivi, il a confié aux parties concernées par l’AWF la charge de rendre visite aux anciennes «femmes de réconfort» et de fournir des orientations collectives (République de Corée et Philippines), ainsi que d’échanger des points de vue avec des responsables gouvernementaux et le milieu universitaire (Indonésie et Philippines). La commission note également que le gouvernement indique dans sa communication reçue le 19 novembre 2010 que le gouvernement japonais prévoit qu’un responsable du gouvernement rende visite aux anciennes «femmes de réconfort», en vue de leur faire directement part de la position du gouvernement et d’écouter attentivement leurs expériences de vie actuelle et passée et leurs sentiments personnels.

Compte tenu de la gravité du cas et de son ancienneté et notant les indications précitées du gouvernement, la commission réaffirme l’espoir que, dans ses efforts pour rechercher la réconciliation avec les victimes, le gouvernement prendra, dans un avenir immédiat, les mesures nécessaires pour répondre aux plaintes des victimes âgées survivantes du travail forcé dans le secteur industriel et de l’esclavage sexuel imposé par les militaires, dont le nombre décline compte tenu du temps qui passe. Prière également de communiquer des informations sur la mise en œuvre des activités de suivi de l’AWF dont il est question ci-dessus, et sur toute autre mesure prise ou envisagée à cet égard, ainsi que sur le suivi qui aura été donné aux informations reçues le 19 novembre 2010.

II. Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Formation professionnelle et programme de stage technique. La commission prend note des observations reçues du Syndicat des travailleurs migrants le 26 mai et le 10 août 2010, contenant des informations sur la mise en œuvre du programme de formation industrielle et des stages techniques (programme pour les «stagiaires étrangers»), ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations, datée du 15 octobre 2010.

La commission note que le programme susmentionné a été établi pour développer les ressources humaines et industrielles des pays en développement, dans l’objectif d’assurer le transfert des technologies, des compétences et des connaissances dans le secteur industriel. Dans le cadre de ce programme, les ressortissants étrangers peuvent entrer au Japon en qualité de «stagiaires» pour une durée d’un an et rester ensuite en qualité de «stagiaires techniques» pendant deux années supplémentaires; ils doivent ensuite retourner dans leur pays. Ce programme a été supervisé par l’Organisation japonaise de coopération internationale pour la formation (JITCO), sous la direction générale des organisations gouvernementales concernées, y compris le Bureau de l’immigration et les services de l’inspection du travail.

Avant la révision du programme en juillet 2010, les stagiaires étrangers n’étaient pas couverts par la législation du travail car ils n’étaient pas considérés comme travailleurs mais comme étudiants; en conséquence, ils ne percevaient pas de salaire mais une indemnité. Selon les allégations contenues dans les observations du Syndicat des travailleurs migrants, les apprentis et stagiaires étaient excessivement vulnérables aux pratiques abusives des employeurs: ils étaient souvent employés comme travailleurs bon marché, et ce en infraction à la législation sur le salaire minimum; ils étaient contraints d’effectuer des heures supplémentaires non rémunérées; les employeurs leur retiraient couramment leur passeport et les obligeaient à mettre leur salaires et indemnités sur un compte d’épargne afin de les empêcher, entre autres, de quitter l’entreprise. Le syndicat fait également état de restrictions à la liberté de mouvement des stagiaires, comme l’interdiction d’être en possession d’un téléphone portable, l’interdiction de sortir, d’être à l’extérieur, etc.

Le syndicat se réfère à cet égard aux observations finales du Comité des droits de l’homme sur le Japon (CCPR/C/JPN/CO/5, 18 décembre 2008) et du CEDAW/C/JPN/CO/6, 7 août 2009, dans lesquelles ces deux comités des Nations Unies ont exprimé leurs préoccupations face à la situation vulnérable des apprentis et des stagiaires étrangers dans le secteur industriel, souvent exploités par leurs employeurs en raison de l’absence de protection. Le syndicat se réfère également au rapport présenté par la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants (A/HRC/14/32/Add.4), joint à la communication du 10 août 2010, dans lequel la Rapporteuse spéciale a notamment recommandé au gouvernement d’assumer la pleine responsabilité du programme de formation et de stage technique et de son suivi, en mettant en place une instance indépendante et sans lien avec les entreprises participantes afin de superviser étroitement lesdites entreprises et d’assurer le plein respect des droits des stagiaires; d’adopter une loi pour réglementer de manière appropriée le programme; et de créer une ligne téléphonique et un bureau où seront signalées les pratiques abusives ayant cours dans le cadre de ce programme.

La commission note en outre que, dans sa communication du 10 août 2010, le syndicat fait longuement référence au programme révisé de formation et de stage technique, qui est entré en vigueur en juillet 2010. La révision du programme a fait suite aux modifications apportées le 15 juillet 2009 à la loi sur le contrôle de l’immigration et la reconnaissance des réfugiés, élargissant le champ d’application de la législation du travail aux stagiaires étrangers, et leur accordant par là même le salaire minimum et l’exercice des mêmes droits que ceux accordés aux travailleurs japonais. Les volets du programme qui ont été révisés sont notamment les suivants: renforcement du système d’orientation, de surveillance et d’appui par les organisations acceptant des stagiaires, ainsi qu’une meilleure transparence de la gestion; peines plus importantes sanctionnant les organisations qui enfreignent la législation et les orientations; établissement de dispositions visant à suspendre le droit des organisations d’accepter des stagiaires (par exemple, en cas d’infraction à la législation sur l’immigration ou en cas de faute, comme la confiscation des passeports, le non-paiement des salaires, la violation des droits de l’homme); interdiction de prélever «un montant de garantie» aux stagiaires, etc.

Le syndicat indique néanmoins qu’il pourrait être prématuré d’évaluer l’efficacité des volets susmentionnés du programme dans la mesure où le contrôle du statut des stagiaires dépend encore entièrement des organisations qui les acceptent, et dans la mesure où les stagiaires qui craignent l’expulsion n’ont pas d’autre option que d’accepter ce qui leur est imposé. Le syndicat se réfère également aux informations statistiques publiées par la JITCO concernant le nombre de décès d’apprentis et de stagiaires étrangers dus à des accidents du travail et à des maladies professionnelles en 2009.

En réponse aux observations susmentionnées, le gouvernement indique que le travail forcé est interdit au sein du programme de formation et de stage technique, que les organisations concernées (y compris la JITCO, le Bureau de l’immigration et les services de l’inspection du travail) ont assuré la supervision du programme afin de prévenir les pratiques abusives, et qu’aucun cas susceptible de relever du travail forcé n’a été constaté au cours du fonctionnement du programme. En ce qui concerne l’application de l’article 5 de la loi sur les normes de travail, qui interdit aux employeurs d’imposer du travail forcé en recourant à la violence physique, l’intimidation, l’isolement ou toute autre restriction injuste à la liberté mentale et physique des travailleurs, le gouvernement indique qu’aucun cas d’infraction à cette disposition n’a été constaté depuis 1993 (année à partir de laquelle l’inspection du travail dispose de données sur les infractions).

Le gouvernement indique que certains cas ont été néanmoins constatés dans lesquels les organisations acceptant des stagiaires les considéraient comme de la main-d’œuvre bon marché et que, en conséquence, des mesures ont été prises pour rechercher les organisations recourant à des pratiques abusives afin de leur retirer le droit d’accepter des stagiaires. Conformément à la procédure établie, lorsque le Bureau de l’inspection du travail reçoit des allégations d’infractions à la législation du travail de la part d’un travailleur, comme le non-paiement du salaire ou l’épargne obligatoire, le bureau enquête sur les faits et, lorsque ces infractions sont avérées, il demande à l’employeur de prendre des mesures correctives et confirme ensuite que l’employeur agit en conformité avec la législation. Si le cas s’avère délictueux, un inspecteur du travail saisit le procureur pour l’informer de l’infraction à la législation du travail. Le gouvernement indique que, dans certains cas de ce type, les employeurs ont été déclarés coupables et condamnés par les tribunaux; il fait référence à cet égard aux cas dont il est question dans les observations du syndicat du 26 mai 2010, dans lesquels l’employeur a été condamné par le tribunal et s’est vu suspendre le droit à recevoir des stagiaires.

Le gouvernement indique en outre que, dans les cas de violation des droits de l’homme, comme la violence à l’égard des stagiaires ou la confiscation de leurs passeports, le Bureau de l’immigration mène une enquête appropriée et, si l’infraction est avérée, prend des mesures pour suspendre le droit de l’entreprise de recevoir des apprentis et des stagiaires. En ce qui concerne l’information relative au nombre de décès des apprentis et des stagiaires étrangers dus à des accidents du travail et des maladies professionnelles, le gouvernement indique que les bureaux de l’inspection du travail ont pris les mesures nécessaires et ont par exemple conduit des enquêtes dans les cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles, émis des orientations administratives ou saisi le procureur.

En ce qui concerne le programme révisé de formation et de stage technique, entré en vigueur en juillet 2010, le gouvernement indique que la protection des apprentis et des stagiaires a été renforcée, le statut de séjour pour «formation technique» leur ayant été accordé pour une période de trois ans maximum; les apprentis et stagiaires sont désormais protégés par la législation du travail, telle que la loi sur les normes de travail et la loi sur le salaire minimum, lorsqu’ils sont occupés à des activités d’acquisition de compétences dans le cadre de leurs contrats de travail. En outre, interdiction est faite aux entités organisatrices et aux organisations et entreprises qui acceptent des stagiaires de prélever un «montant de garantie», et la période durant laquelle les entreprises jugées coupables de violations des droits de l’homme ne pourront plus accepter de stagiaires est portée de trois à cinq ans. Le gouvernement indique en outre qu’il a renforcé le système de supervision des infractions, au moyen d’un plus grand nombre d’enquêtes conduites par le Bureau de l’immigration et d’orientations administratives émises par les bureaux de l’inspection du travail, mais également en renforçant les conseils prodigués par la JITCO, et par la consolidation de la ligne téléphonique qui offre des conseils dans la langue maternelle des stagiaires.

La commission note ces informations et prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur l’application dans la pratique des différentes mesures prises dans le cadre du programme révisé de formation et de stage technique susmentionné, en vue de renforcer la protection des stagiaires techniques étrangers. Prière également de fournir des informations sur les nouvelles mesures prises pour identifier les pratiques abusives, au moyen d’inspections et du suivi appropriés, ainsi que des données statistiques sur le nombre de cas ayant fait l’objet de poursuites judiciaires et ayant abouti à des condamnations en indiquant les sanctions imposées aux auteurs des infractions constatées.

III. Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25. Traite des personnes. Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend note avec intérêt des informations complètes concernant les mesures prises par le gouvernement dans le cadre des efforts continus déployés pour combattre la traite des personnes, fournies dans son rapport reçu le 30 septembre 2010. La commission prend également note du plan d’action de 2009 pour combattre la traite des personnes communiqué par le gouvernement le 6 octobre 2010, dont l’objectif est d’éliminer le crime de la traite des personnes. Le plan d’action de 2009, comme le précédent plan d’action de 2004, vise à prévenir la traite des personnes au moyen d’une coopération étroite entre tous les ministères du gouvernement et les agences concernées, et de la coopération accrue avec les organisations internationales et les ONG. Le gouvernement indique que le plan d’action de 2009 a pour objectif de sensibiliser le grand public et de lui faire comprendre ce qu’est la traite des personnes, que les victimes de la traite sont souvent, mais pas exclusivement, des femmes et des enfants non japonais, et que la société tout entière doit s’attaquer à ce crime. La commission prend note également des observations de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO) concernant les mesures prises contre la traite, communiquées par le gouvernement avec son rapport, dans lesquelles la JTUC-RENGO appelle, entre autres, à mettre en œuvre un système d’appui multiforme, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, englobant un éventail de mesures, dont des procédures protégeant les droits de l’homme des victimes, ainsi qu’une assistance au rapatriement et à la réinstallation dans leurs pays d’origine.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement concernant les différentes mesures prises dans le domaine de la prévention et de la sensibilisation, de la protection des victimes, de l’application de la loi, des poursuites engagées contre les contrevenants et de la coopération avec les gouvernements étrangers et les organisations internationales. Elle prend note en outre des informations suivantes:

–           informations sur les activités du Comité interministériel de liaison (équipe spéciale) chargé d’examiner la mise en œuvre du plan national d’action et d’élaborer un projet de plan d’action qui a été adopté à l’occasion de la réunion ministérielle du 22 décembre 2009;

–           informations sur les mesures préventives, telles que les mesures visant à renforcer le contrôle de l’immigration et à sensibiliser le public à la traite des personnes;

–           informations sur les mesures relatives à la protection des victimes de la traite, notamment sur le fonctionnement des bureaux consultatifs pour les femmes (réseau de centres d’accueil publics multiservices fournissant différentes formes d’assistance aux victimes), sur les améliorations apportées au statut de résident des victimes et sur l’assistance au rapatriement des victimes;

–           informations statistiques sur le nombre d’affaires relatives à la traite des personnes et sur les procédures judiciaires engagées; et

–           informations sur la coopération internationale menée avec les gouvernements des pays concernés, sur la coopération entre la police nationale japonaise et les organismes chargés de l’application de la loi d’autres pays s’agissant des enquêtes relatives à la traite des personnes et des procédures judiciaires engagées, et sur la contribution du gouvernement japonais aux efforts déployés par les organisations internationales pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes et pour protéger les victimes.

La commission espère que le gouvernement continuera de fournir, dans ses prochains rapports, des informations concernant la mise en œuvre des différentes mesures prévues par le plan d’action de 2009 pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, y compris des informations sur l’application de sanctions pénales aux auteurs de la traite, ainsi que toute statistique disponible.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Articles 1, paragraphe 1, 2, paragraphe 1, et 25, de la convention. Traite des personnes. Dans sa demande directe antérieure, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’action menée par le Comité interministériel de liaison, organe créé en avril 2004 pour traiter le problème de la traite des personnes, ainsi que sur les résultats de l’examen et du bilan de la mise en œuvre du plan d’action concernant les mesures de lutte contre la traite des personnes, adopté par le comité susmentionné en décembre 2004. Elle avait également demandé au gouvernement de communiquer des informations sur l’application des sanctions pénales prévues suite aux modifications apportées en 2005 au Code pénal et dans d’autres textes de loi, et notamment sur les difficultés rencontrées dans le rassemblement des preuves permettant d’établir le crime de traite. La commission avait également demandé des informations statistiques sur le nombre de poursuites engagées pour traite en vertu du Code pénal ayant abouti à la condamnation et à l’incarcération des auteurs. Plus généralement, la commission avait exprimé l’espoir que le gouvernement continuerait à communiquer des informations actualisées sur l’ensemble de ses efforts destinés à traiter le grave problème de la traite des personnes à des fins d’exploitation.

La commission note que, dans son rapport reçu le 10 juillet 2008, le gouvernement fournit des informations sur les mesures prises dans le cadre de ses efforts en cours pour lutter contre la traite des personnes à des fins d’exploitation. La commission note les informations concernant les mesures prises par le gouvernement en matière de prévention et de sensibilisation, de protection des victimes, de réforme des textes législatifs et de respect de la législation, de poursuites des auteurs des délits, et de coopération avec les gouvernements étrangers et les organisations internationales. La commission prend note, en particulier, des informations suivantes:

–      informations sur les activités du groupe de travail interministériel pour revoir la mise en œuvre du plan d’action national et évaluer son efficacité;

–      informations statistiques indiquant l’augmentation annuelle du nombre de poursuites pour traite, et notamment l’application en 2005 de peines d’emprisonnement à l’encontre de 6 personnes sur les 75 condamnées pour traite en 2005;

–      les récentes modifications apportées à la législation pénale et sur l’immigration, y compris le Code pénal, en vue de mieux cerner le problème de la traite, en renforçant les dispositions en vigueur relatives à la traite ou en introduisant de nouvelles dispositions;

–      l’établissement de mécanismes destinés à la protection des victimes, et notamment d’un réseau de refuges publics multiservices connus sous le nom de Bureaux de conseils aux femmes, et les statistiques montrant une augmentation constante du nombre de victimes qui reçoivent l’assistance de ces services; et

–      la coopération internationale entre le Bureau japonais de la police nationale et les bureaux de contrôle de l’application de la loi dans d’autres pays, en matière d’instruction et de poursuite des trafiquants, et l’indication selon laquelle 50 cas de traite ont été identifiés au cours des trois dernières années à la suite de cet effort.

La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement continuera à communiquer des informations actualisées concernant les mesures prises ou envisagées pour lutter contre la traite des personnes à des fins d’exploitation, et notamment des informations sur l’application des sanctions pénales prévues dans les modifications de 2005 apportées au Code pénal et dans d’autres dispositions pertinentes.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait examiné les questions d’esclavage sexuel des «femmes de réconfort» et de l’esclavage dans l’industrie au cours de la seconde guerre mondiale. La commission se réfère à ses considérations antérieures concernant les limites de son mandat en ce qui concerne ces violations historiques de la convention. Dans son observation formulée en 2006, la commission avait fermement réitéré l’espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires dans l’avenir immédiat pour répondre aux réclamations des victimes survivantes, dont le nombre n’a cessé de baisser au cours des dernières années. La commission avait également prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tout récent développement judiciaire. Dans son observation de 2007, la commission avait en outre demandé au gouvernement de répondre aux communications des organisations de travailleurs.

2. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus le 10 juillet 2008, le 1er septembre 2008 et le 17 octobre 2008 ainsi que des communications électroniques du gouvernement datées des 10 et 18 octobre 2008.

Commentaires reçus de la part des organisations de travailleurs

3. En 2008, la commission a reçu des informations supplémentaires de plusieurs organisations de travailleurs, à savoir:

–           le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique (en date du 25 mai et du 21 août 2008);

–           le Conseil régional des syndicats de Tokyo (Tokyo-Chihyo) (en date du 27 mai et du 20 août 2008);

–           le Syndicat japonais des dockers (Section de Union-Nagoya) (en date du 25 mai et du 2 juin 2008);

–           la Fédération coréenne des syndicats (FKTU) et la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) (datée d’août 2008);

–           le Syndicat des travailleurs de l’industrie lourde (Japon) (en date du 25 août 2008);

–           le Syndicat des enseignants du lycée municipal de Nagoya (en date du 26 août 2008);

–           la branche Seibonoie du Syndicat Aichi (en date du 25 août 2008);

–           la Confédération syndicale internationale (CSI) (en date du 2 septembre 2008);

–           la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO) (en date du 17 septembre 2008).

Des copies des communications susmentionnées ont été transmises au gouvernement afin qu’il fournisse ses commentaires à leur sujet. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ces communications, reçue le 19 novembre 2008.

4. Les communications susvisées des organisations de travailleurs se réfèrent notamment à l’état d’avancement des affaires en cours devant les tribunaux japonais au sujet de plaintes de victimes du travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. La commission note que, selon les informations communiquées par le Conseil régional des syndicats de Tokyo (Tokyo-Chihyo), au 31 juillet 2008, il y avait cinq affaires en cours devant les cours d’appel. Dans toutes ces affaires, les tribunaux de première instance ont rejeté les réclamations soit pour des motifs de procédure tels que la prescription ou de l’immunité de l’Etat, soit en raison des traités et communiqués signés postérieurement à la guerre. Dans deux affaires, des jugements définitifs rejetant les appels ont été rendus en juillet 2008 par la Cour suprême du Japon, notamment dans l’affaire Niigata, qui avait donné lieu à une décision favorable du tribunal de première instance de Niigata rendue le 26 mars 2004 et à une indemnisation de 8 millions de yens pour chaque victime, laquelle a été par la suite rejetée par la Haute Cour de Tokyo le 14 mars 2007.

5. La commission note, d’après l’indication du Conseil régional des syndicats de Tokyo (Tokyo-Chihyo), dans sa communication datée du 20 août 2008, que, dans l’une des affaires en cours devant la Haute Cour de Fukuoka, celle-ci a rendu le 21 avril 2008 une décision recommandant aux parties, et notamment au gouvernement du Japon, en tant que l’un des défendeurs, de rechercher une réconciliation et un règlement à l’amiable des plaintes présentées. Le Syndicat japonais des dockers (section de Nagoya), dans une communication datée du 2 juin 2008, se réfère à une pétition pour une recommandation de réconciliation et de règlement à l’amiable, déposée devant la Cour suprême du Japon, dans l’affaire contre le gouvernement du Japon et les industries lourdes de Mitsubishi, Ltd., par des victimes coréennes du travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. Cette pétition a été déposée après que le gouvernement du Japon eut refusé de répondre à une recommandation de règlement faite par la Haute Cour de Nagoya dans son jugement du 31 mai 2007.

6. Les communications des organisations de travailleurs susvisées se réfèrent aussi à la question de l’esclavage sexuel imposé par des militaires. Cette question est toujours examinée par plusieurs organismes des Nations Unies, elle fait en particulier l’objet des recommandations du Groupe de travail (du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies) sur la révision périodique universelle, adoptées en mai 2008 (A/HRC/8/44, paragr. 60); elle est inscrite sur la liste des sujets retenus par la Commission des droits de l’homme (CCPR/C/JPN/Q/5), avec l’examen en septembre 2008 du cinquième rapport périodique du gouvernement au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; et elle fait l’objet de recommandations du Comité contre la torture suite à son examen, en mai 2007, du premier rapport périodique du gouvernement au titre de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT/C/JPN/CO/1, paragr. 12 et 24).

7. Les communications des organisations de travailleurs se réfèrent aussi à des motions et résolutions récentes sur la question de l’esclavage sexuel imposé par des militaires, adoptées par plusieurs organismes parlementaires, lesquelles invitent le gouvernement du Japon à prendre de nouvelles mesures. Celles-ci comprennent: une résolution unanime votée par la Chambre basse du parlement néerlandais le 20 novembre 2007; la motion 291 votée par la Chambre des communes du Canada le 28 novembre 2007; une motion commune pour une résolution sur «la justice pour les femmes de réconfort», adoptée par le Parlement européen le 13 décembre 2007; ainsi que des résolutions adoptées par les conseils régionaux de Takarazuka et Tokyo Kiyose respectivement le 25 mars 2008 et le 25 juin 2008, demandant instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire la vérité historique sur la question, restaurer la dignité et la justice à l’égard des victimes, leur accorder une indemnisation et améliorer la connaissance de cette question auprès de la population.

Réponse du gouvernement

8. La commission note que, d’après l’indication du gouvernement dans son rapport reçu le 1er septembre 2008, au 31 mai 2008, 13 affaires étaient examinées par les tribunaux japonais concernant des plaintes d’esclavage sexuel imposé par des militaires et de travail forcé dans l’industrie en temps de guerre (respectivement une et 12 affaires). Selon le rapport, au cours de la période allant du 1er juin 2006 au 31 mai 2008, les tribunaux se sont prononcés sur ces questions dans trois affaires de «femmes de réconfort» (deux affaires devant la Cour suprême et une affaire au niveau du tribunal de première instance) et dans 17 affaires de «travail forcé imposé par des militaires» (sept cas devant la Cour suprême, cinq jugements au niveau de la Haute Cour et cinq au niveau du tribunal de première instance). Le gouvernement indique aussi que: «Dans toutes ces affaires, les tribunaux ont rejeté les demandes d’indemnisation des plaignants contre le gouvernement du Japon, conformément à la législation nationale et au droit international, et notamment aux traités pertinents qui règlent les questions relatives à la guerre.»

9. La commission note, d’après les indications du gouvernement dans son rapport reçu le 1er septembre 2008 et dans ses communications électroniques des 10 et 18 octobre 2008, qu’en ce qui concerne la question des «femmes de réconfort» la position du gouvernement, exprimée par le ministre Yohei Kono dans sa déclaration d’août 1993 au sujet d’un rapport sur les conclusions d’une enquête du gouvernement, est restée inchangée et continue à représenter la position actuelle du gouvernement sur la question, et que le nouveau Premier ministre, Taro Aso, a récemment réaffirmé son appui à cette déclaration. Voici un extrait de cette déclaration:

Il s’agissait incontestablement d’actes, dans lesquels étaient impliquées les autorités militaires de l’époque qui ont sévèrement entaché l’honneur et la dignité d’un grand nombre de femmes. Le gouvernement du Japon voudrait saisir à nouveau cette occasion pour présenter ses sincères excuses et remords à toutes celles qui, quel que soit leur lieu d’origine, ont souffert d’une peine incommensurable et de blessures physiques et psychologiques incurables en tant que femmes de réconfort… Il nous incombe à nous, gouvernement du Japon, de continuer à examiner sérieusement, tout en écoutant les points de vue des milieux informés, la manière dont nous pouvons exprimer au mieux ce sentiment…

10. La commission note, d’après les déclarations du gouvernement dans son rapport reçu le 1er septembre 2008 et ses réponses et commentaires au sujet des recommandations des organismes susmentionnés de l’ONU, qu’en ce qui concerne les mesures non législatives destinées à répondre aux attentes et aux réclamations des victimes survivantes du travail forcé dans l’industrie et de l’esclavage sexuel imposé par des militaires en temps de guerre, le gouvernement a mis presque exclusivement l’accent sur le Fonds des femmes asiatiques (AWF) et ses activités – initiative lancée en 1995 et qui s’est poursuivie jusqu’à la dissolution du fonds le 31 mars 2007. L’AWF semble constituer la seule mesure que le gouvernement ait prise pour reconnaître sa responsabilité morale envers les victimes. La commission rappelle que, dans ses observations de 2001 et 2003, elle avait estimé que le refus par la majorité des anciennes «femmes de réconfort» de l’aide de l’AWF – celle-ci n’étant pas considérée comme une réparation de la part du gouvernement –, ainsi que le refus par certaines d’entre elles de la lettre du Premier ministre qui ne reconnaissait pas la responsabilité du gouvernement – lettre envoyée au peu d’entre elles qui avaient accepté l’aide du fonds, laissent penser que ces mesures ne répondaient pas à l’attente de la majorité des victimes. La commission avait donc exprimé l’espoir que le gouvernement s’efforcerait, en consultation avec les victimes survivantes et les organisations qui les représentaient, de trouver une autre solution pour indemniser les victimes d’une manière qui puisse répondre à leur attente. La commission rappelle à ce propos la déclaration du gouvernement dans son rapport reçu le 26 septembre 2006, en référence à la dissolution de l’AWF en mars 2007, qu’il «continuera à s’efforcer de rechercher la réconciliation avec les victimes».

11. La commission espère que, dans ces efforts pour rechercher la réconciliation avec les victimes, le gouvernement prendra, dans un avenir immédiat, les mesures nécessaires pour répondre aux plaintes des victimes survivantes âgées. La commission prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute nouvelle décision de justice et développements y relatifs.

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

1. Dans ses commentaires précédents, la commission a débattu longuement des limites de son mandat en ce qui concerne les deux violations de la convention commises par le gouvernement pendant la seconde guerre mondiale et les années qui ont précédé la guerre, à savoir l’esclavage sexuel imposé par des militaires (le système des «femmes de réconfort») et le travail forcé dans l’industrie en temps de guerre. La commission ne répétera pas ici ces commentaires.

2. Dans ses deux dernières observations, la commission a demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations sur le déroulement et l’issue des procédures ayant trait aux demandes des victimes et de communiquer des informations sur toute action à ce sujet. L’année prochaine, le gouvernement doit transmettre son rapport sur l’application de la convention.

3. Cette année, à la suite de son observation précédente, la commission a reçu d’autres informations de la part de plusieurs organisations de travailleurs, entre autres des communications de:

–           le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique – des communications ont été reçues les 28 mai, 27 août et 28 août 2007 et des copies ont été transmises au gouvernement les 5 juin et 5 septembre 2007;

–           le Syndicat japonais des dockers (section de Nagoya) – la communication a été reçue le 24 juillet 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 21 août 2007;

–           le Syndicat des travailleurs de Toyota (ATU) – la communication a été reçue le 10 août 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 17 août 2007; et

–           le Syndicat des travailleurs de l’industrie lourde (Japon) – la communication a été reçue le 27 août 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 5 septembre 2007;

–           la Fédération coréenne des syndicats (FKTU) et la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) – les commentaires ont été reçus le 30 août 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 11 septembre 2007;

–           la Federatie Nederlandse Vakbeweging (FNV) – la communication a été reçue le 30 août 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 13 septembre 2007; une autre communication a été reçue le 28 novembre 2007;

–           la Confédération syndicale internationale (CSI) – la communication a été reçue le 13 septembre 2007 et copie en a été transmise au gouvernement le 21 septembre 2007.

4. La commission note que les communications se réfèrent pour l’essentiel à plusieurs jugements récents de tribunaux japonais dans des cas portant sur des plaintes individuelles de victimes de travail forcé dans l’industrie en temps de guerre et d’esclavage sexuel imposé par des militaires. Ayant estimé que le fondement juridique des cas était éteint par les traités de l’après-guerre (ou par la prescription prévue par la loi), les tribunaux ont rejeté les demandes. Dans le même temps, des faits ont été établis en faveur des demandeurs, et les défendeurs ont été encouragés à parvenir à un règlement des demandes pour des motifs moraux ou humanitaires. Certains cas pourraient à l’avenir faire l’objet d’un recours pour des raisons d’ordre juridique.

5. Par ailleurs, les communications des organisations de travailleurs susmentionnées se réfèrent à des déclarations publiques faites en octobre 2006 et en mars 2007 par M. Shinzo Abe, alors Premier ministre, et d’autres hauts fonctionnaires du Cabinet. Les organisations de travailleurs, dans leurs communications, affirment que ces déclarations reviennent à nier la preuve que les militaires japonais ont recouru à la coercition directe et physique pour soumettre des femmes et des filles à des conditions d’esclavage sexuel en temps de guerre, et que ces déclarations semblent rejeter la déclaration d’août 1993 que M. Yohei Kono, alors Secrétaire principal du Cabinet, a formulée alors qu’il rendait compte des conclusions d’une enquête du gouvernement. La commission avait pris note de cette déclaration dans son observation de 2002.

6. La commission prend note de la communication du 30 novembre 2007 présentée par le gouvernement dans laquelle il informe que, étant donné le nombre des communications qu’il a reçues, il fournira un rapport détaillé en 2008, année où est dû son rapport régulier sur l’application de la convention. Toutefois, le gouvernement a communiqué une copie en japonais du jugement du 27 avril 2007 de la Cour suprême au sujet de l’affaire concernant l’entreprise Nishimatsu. Le gouvernement indique aussi, en ce qui concerne la question des «femmes de réconfort», que la position du gouvernement exprimée en 1993 dans la déclaration de M. Yohei Kono, alors Secrétaire principal du Cabinet, au sujet de l’étude qui avait été menée sur cette question, n’a pas changé, et que M. Abe, alors Premier ministre, a exprimé son soutien à cette déclaration.

7. La commission demande au gouvernement de répondre en détail au sujet des décisions de justice et faits connexes récents dont il est question dans les communications des organisations de travailleurs susmentionnées ainsi qu’au sujet de l’observation contenue dans le dernier rapport de la commission.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

Articles 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle. 1. La commission prend note des communications reçues du Conseil du syndicat japonais de la construction navale et des constructions mécaniques (ZENZOSEN) de la région de Kanto datées des 24 mai et 29 août 2005, ainsi que des communications du ZENZOSEN datées des 27 et 28 août 2006. Toutes ces communications contiennent des informations touchant au problème actuel de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle au Japon. Le ZENZOSEN a joint à sa communication de mai 2005 un rapport intitulé «Human Trafficking for Sexual Exploitation in Japan» émanant du Programme d’action spéciale de l’OIT contre le travail forcé et du bureau de l’OIT au Japon.

2. La commission prend note d’une communication du gouvernement datée du 20 octobre 2005 répondant aux communications du ZENZOSEN de 2005 sur le problème de la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Le gouvernement inclut dans son rapport un rapport succinct daté du 7 décembre 2004 intitulé «Japan’s Action Plan of Measures to Combat Trafficking in Persons». Ce rapport, qui mentionne le Comité interministériel de liaison, organe créé en avril 2004 pour traiter du problème de la traite des personnes, récapitule toute une série de mesures envisagées ou mises en œuvre dans le cadre du plan d’action. Ces mesures incluent des opérations de collecte de données, qui semblent indispensables pour parvenir à une «compréhension approfondie de la situation actuelle de la traite des personnes», ainsi qu’une série de «mesures générales et étendues de lutte contre la traite des personnes». Ce rapport précise que le comité susmentionné doit procéder à un examen de la mise en œuvre du plan d’action, du «degré d’avancement des initiatives prévues dans ce cadre du partage de l’information entre les ministères et autres organes concernés et de la coordination indispensable des mesures» et que, ce faisant, il «coopérera et agira en coordination, le cas échéant, avec les institutions concernées pour assurer la protection des victimes de la traite des personnes».

3. La commission prend également note des amendements apportés en 2005 au Code pénal et aux lois sur l’immigration. Elle note en particulier: que l’acte d’acheter ou de vendre une personne constitue désormais un crime et que les peines d’emprisonnement prévues en cas de traite d’êtres humains à des fins commerciales passent de sept à dix ans; que le statut des personnes employées dans les secteurs des spectacles, des divertissements et du sexe fait l’objet d’un contrôle plus étroit par rapport aux règles d’immigration et de séjour; enfin, qu’un statut de résident temporaire est accordé aux victimes de la traite pour leur protection.

4. La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’il communiquera à la commission un rapport sur «tout l’éventail des mesures» qu’il déploie pour faire face au problème de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. La commission prie le gouvernement d’inclure dans son prochain rapport des informations sur l’action déployée par le Comité interministériel de liaison, de même que sur les résultats de l’examen et du bilan de la mise en œuvre du plan d’action.

5. Statistiques sur les mesures de protection. Il ressort des informations publiées sur le site du ministère des Affaires étrangères que, au cours de l’exercice 2005, 112 personnes victimes ont bénéficié des services de protection des centres de consultation pour les femmes, ce qui représente une hausse de 88 pour cent par rapport à l’année précédente et que, en avril 2005, le ministère de la Santé, du Travail et de la Prévoyance a commencé à subventionner des centres d’hébergement et d’autres établissements en tant que source complémentaire de protection. Le Bureau de l’immigration aurait accordé un statut de résident temporaire à quelque 47 victimes en 2005 et, au 31 mars 2006, l’Office international pour les migrations aurait assuré le rapatriement dans des conditions de sécurité de 67 victimes grâce à un financement d’environ 160 000 dollars couvert par le gouvernement.

6. Statistiques de l’action de répression. La commission prend note du «Rapport sur la traite en 2005» joint à la communication de l’AFSEU datée du 28 août 2006. Il s’agit de statistiques établies par le Bureau de la sûreté de la police nationale pour l’année 2005, qui font ressortir que 83 personnes ont été arrêtées (soit 25 de plus que l’année précédente, où il y en avait eu 58), dont 57 étaient en situation d’employeur et 26 en situation d’intermédiaire; 117 victimes, originaires de neuf pays différents ont reçu une protection des bureaux de conseil pour les femmes (soit 40 de plus que l’année précédente, où elles avaient été 77); les nouvelles dispositions du Code pénal relatives à la traite ont été appliquées pour la première fois avec l’arrestation et les poursuites engagées contre un propriétaire taiwanais ainsi que l’arrestation de deux intermédiaires indonésiens inculpés pour vente de personnes. Les statistiques publiées sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères indiquent que le nombre de poursuites engagées pour traite de personnes est passé de 48 en 2004 à 75 en 2005.

7. La commission exprime l’espoir que le gouvernement continuera de fournir des informations à jour sur les efforts qu’il déploie face à ce grave problème de traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle, et en particulier qu’il fournira des informations sur: les progrès (et les difficultés éventuelles) en ce qui concerne la réforme du Code pénal de 2005 et les autres amendements de la législation, notamment toutes difficultés qui pourraient se présenter dans le rassemblement des preuves permettant de caractériser le crime de traite. Enfin, elle le prie de communiquer des statistiques incluant les poursuites  exercées sur la base du nouveau Code pénal dans des affaires de traite, et sur les condamnations et peines imposées.

Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

1. La commission se réfère à son dernier examen de l’application de la présente convention, publié en 2005, qui concernait l’esclavage sexuel dont des femmes («femmes de réconfort») avaient été victimes pendant la seconde guerre mondiale ainsi que des faits de travail forcé dans l’industrie à cette même époque. Dans son observation de 2005, la commission rappelait qu’elle avait indiqué dans de précédentes conclusions qu’elle:

… n’a pas pour mandat de statuer sur les effets juridiques des traités bilatéraux et multilatéraux et n’est donc pas en mesure de se prononcer sur ce point de droit. Elle a déjà indiqué qu’elle était préoccupée par le fait que les victimes de cette violation de la convention commise dans le passé par l’Etat vieillissaient sans que celui-ci ait répondu à leurs attentes, en dépit des avis exprimés publiquement sur la question par d’autres organismes et personnes dont l’autorité est reconnue. La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement prendra des mesures propres à satisfaire aux réclamations de ces victimes. Elle demande que le gouvernement continue de communiquer des informations sur toutes décisions des tribunaux, mesures législatives ou actions gouvernementales touchant à cette question.

La commission avait demandé au gouvernement de fournir ses commentaires sur les communications reçues des organisations de travailleurs, de même que sur tout fait nouveau se rapportant aux décisions des tribunaux, à la législation ou à l’action gouvernementale dans ces domaines.

2. Depuis le dernier examen de ce cas, la commission a reçu des observations de la part de plusieurs organisations de travailleurs: le Conseil du syndicat japonais de la construction navale et des constructions mécaniques (ZENZOSEN) de la région de Kanto a adressé des communications datées des 24 mai 2005, 29 août 2005 et 9 septembre 2005, dont il a été communiqué copie au gouvernement les 16 septembre 2005 et 14 octobre 2005; la Fédération des syndicats coréens (FKTU) et la Confédération des syndicats de Corée (KCTU) ont adressé une communication datée du 31 août 2005, dont il a été communiqué copie au gouvernement le 1er septembre 2005; le ZENZOSEN a envoyé une communication datée du 30 mai 2006, dont il a été communiqué copie au gouvernement le 26 juin 2006; et enfin, le Conseil des syndicats (Tokyo-Chihyo) de la région de Tokyo a envoyé une communication datée du 25 août 2006, dont il a été communiqué copie au gouvernement le 14 septembre 2006.

3. La commission prend note des communications du gouvernement datées des 9 août 2005, 20 octobre 2005 et 31 octobre 2006 répondant aux commentaires des organisations syndicales, ainsi que de son rapport et des commentaires qui y sont joints, reçus le 26 septembre 2006.

4. La commission prend note en outre des communications relatives à ces questions émanant de ZENZOSEN, datées des 25, 27 et 28 août 2006, dont il a été communiqué copie au gouvernement le 27 septembre 2006, qui n’a pas encore fourni de commentaires à cet égard. La commission note que le gouvernement aura la possibilité de répondre à ces questions dans son prochain rapport.

Travail forcé dans l’industrie

5. La commission note que, selon le ZENZOSEN et le Tokyo-Chihyo, la plupart des actions intentées par des victimes chinoises de travail forcé dans l’industrie se sont conclues par un non-lieu, motivé en général par des questions de procédure, et que les rares décisions rendues en faveur de ces victimes par des instances de premier degré ont été infirmées en appel, également pour des raisons de procédure. Le ZENZOSEN signale que, dans une affaire, contre la Nishimatsu Construction Company, les plaignants ont obtenu un jugement favorable de la Haute Cour de justice d’Hiroshima, laquelle a infirmé le jugement contraire de la Cour de district et a ordonné le versement d’indemnisations en faveur des victimes. Il est fait expressément référence à plusieurs de ces affaires dans les communications émanant des organisations de travailleurs.

6. La commission note que, dans son rapport reçu le 26 septembre 2006, le gouvernement évoque des affaires dont il communique copie du jugement, qui correspondent apparemment à celles qui sont évoquées par les organisations de travailleurs. D’après les informations communiquées par le gouvernement, il y a eu 19 affaires de cet ordre. Une décision a été rendue pour 14 d’entre elles et les autres sont en instance. Dans chacune des 14 affaires pour lesquelles une décision a été rendue, le tribunal a débouté les plaignants de leurs demandes d’indemnisation, excepté dans un cas, qui semble être le procès intenté contre la Nishimatsu Construction Company, dans lequel la Haute Cour a accueilli favorablement la demande de versement «des prestations prévues en rapport avec la bombe atomique».

7. Le gouvernement indique également à la commission que la procédure est toujours en cours dans les affaires suivantes, qui sont celles mentionnées dans la communication de ZENZOSEN, à savoir:

–           le procès intenté le 10 août 2004 devant le tribunal de district de Miyazaki contre le gouvernement japonais et Mitsubishi Material Co. par d’anciennes victimes chinoises de travail forcé dans les mines Makimine, préfecture de Miyazaki;

–           le procès intenté le 17 décembre 2004 devant le tribunal de district de Yamagata contre le gouvernement japonais et la société de transport terrestre et maritime Sakata (basée à Sakata-Shi) par d’anciennes victimes de travail forcé dans le port de Sakata, préfecture de Yamagata;

–           le procès intenté le 19 juillet 2005 devant le tribunal de district de Kanazawa contre la société de transport terrestre et maritime à Nanao (basée à Nanao-Shi) par d’anciennes victimes de travail forcé dans le port de Nanao, préfecture d’Ishikawa.

8. La commission note également que le gouvernement se réfère à une affaire portée devant la Haute Cour d’Osaka, dans laquelle un accord financier a pu être conclu avec la partie défenderesse, la société Nippon Yakin Kogyo Co., Ltd et à une affaire apparentée toujours en instance devant la Haute Cour d’Osaka dans laquelle le gouvernement est la partie défenderesse.

9. La commission note que le gouvernement indique qu’il communiquera d’autres informations à la commission sur chacune de ces affaires en temps utile. Le gouvernement mentionne également des actions qui ont été intentées devant la Cour de l’Etat de Californie contre des sociétés japonaises et dans lesquelles les demandeurs ont été déboutés.

Esclavage sexuel

10. La commission note que, selon les communications de la FKTU et de la KCTU, une pétition mondiale ayant recueilli 200 000 signatures a appelé le gouvernement à se conformer aux recommandations de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies ainsi que de la commission d’experts de l’OIT et à présenter officiellement des excuses et à concéder des indemnisations, et que cette pétition a été transmise en mars 2005 au Directeur général du BIT par le président du groupe des travailleurs, au nom de la KCTU et de la FKTU. La commission note en outre que, selon la communication de la FKTU et de la KCTU datée du 25 août 2006, non moins de 106 victimes de l’esclavage sexuel imposé par les militaires sont décédées en Corée au cours des onze dernières années, dont onze au cours de la seule année passée.

11. Le gouvernement indique en outre qu’au cours de la période du 1er juin 2004 au 30 juin 2006 six jugements ou autres décisions ont été rendus dans des affaires d’esclavage sexuel commis par des militaires et que, dans chacune de ces affaires, les demandes de réparation faites par les parties demanderesses ont été rejetées.

12. La commission note que, selon le ZENZOSEN, dans l’affaire portée devant le tribunal de district de Tokyo en 2001 contre le gouvernement du Japon pour des pratiques présumées de violences sexuelles commises dans l’île de Hainan, en Chine, les audiences et les sessions se sont conclues en mars 2006 sans qu’aucune date n’ait été annoncée pour le jugement final. La commission prend également note des informations communiquées par le ZENZOSEN concernant une deuxième affaire portant sur des actes similaires qui auraient été commis contre des victimes de nationalité chinoise dans la province chinoise du Shanxi. Selon cette source, la Haute Cour de Tokyo aurait confirmé, le 17 mars 2005, le jugement rendu par l’instance inférieure, établissant la responsabilité du gouvernement, tout en rejetant les demandes de réparation au motif que ces demandes sont éteintes suite au Traité de paix de 1952.

13. La commission note, à propos des deux affaires susmentionnées, que le gouvernement indique dans son rapport que la procédure engagée devant le tribunal de district de Tokyo dans l’affaire de l’île de Hainan est toujours en cours et que, dans la deuxième, les demandeurs ont fait appel de la décision rendue par la Haute Cour de Tokyo en mars 2005 devant la Cour suprême, qui en est toujours saisie à ce jour. Le gouvernement indique qu’il communiquera à la commission des informations sur l’issue de l’une et l’autre affaires en temps opportun.

14. S’agissant de la question soulevée à propos de l’Asian Women’s Fund (AWF), le gouvernement déclare notamment que «puisque tous les projets d’assistance prévus en faveur des “femmes de réconfort” ont été menés à bonne fin, conformément à ce qui avait été prévu, l’AWF a décidé de se dissoudre en mars 2007». Le gouvernement déclare en outre, dans son rapport reçu le 26 septembre 2006, qu’il «continuera de déployer ses efforts pour parvenir à une plus grande réconciliation avec les victimes et obtenir leur compréhension du sentiment sincère du gouvernement du Japon et de son peuple [à leur égard]».

15. La commission exprime à nouveau le ferme espoir que le gouvernement prendra dans un très proche avenir les mesures propres à satisfaire les demandes de ces victimes dont le nombre décline compte tenu du temps qui passe. La commission demande au gouvernement de continuer à fournir des informations sur le déroulement et l’issue des affaires en cours et de communiquer également toute autre information pertinente.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

1. La commission a examinéà plusieurs reprises l’application de la convention en ce qui concerne l’esclavage sexuel à l’encontre des «femmes de réconfort» et le travail forcé dans l’industrie pendant la seconde guerre mondiale.

2. La commission a examiné ces questions de manière approfondie dans ses commentaires précédents et il est donc inutile de les répéter. La commission a indiqué en 2001, après un examen très détaillé de la situation, qu’elle «n’a pas pour mandat de statuer sur les effets juridiques des traités bilatéraux et multilatéraux et n’est donc pas en mesure de se prononcer sur ce point de droit. Elle a déjà indiqué qu’elle était préoccupée par le fait que les victimes de la violation de la convention, commise dans le passé par le gouvernement, vieillissaient sans que celui-ci ait répondu à leurs attentes, en dépit des avis exprimés publiquement sur la question par d’autres organismes et personnes dont la valeur est reconnue. La commission réitère l’espoir que le gouvernement prendra des mesures satisfaisant les réclamations des victimes. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur toutes décisions de justice, mesures législatives ou action gouvernementale.»  Cette indication a été répétée dans d’autres observations, en 2002 et 2003.

3. Autres commentaires reçus. Dans son observation précédente, en 2003, la commission a demandé au gouvernement de répondre à propos des observations reçues d’organisations de travailleurs au titre de l’article 23 de la Constitution. Il s’agissait des commentaires suivants:

-           commentaires présentés par la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et la Fédération coréenne des syndicats (FKTU), reçus le 8 septembre 2003;

-           commentaires présentés par le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique, reçus le 29 août 2003;

-           commentaires présentés par la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO), reçus le 30 septembre 2003.

4. Depuis la dernière session de la commission, le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique a présenté trois observations additionnelles, lesquelles ont été communiquées au gouvernement entre juin et septembre 2004. Une observation de 347 pages (qui comprenait beaucoup de documents historiques) a aussi été reçue de la FKTU et de la KCTU. Elle a été communiquée au gouvernement le 2 septembre 2004. Le gouvernement a transmis ses commentaires à propos de ces observations le 8 octobre 2004 dans un document de 794 pages (consistant principalement en copie de décisions de justice). Le Bureau a également reçu, très peu de temps avant l’ouverture de la présente session, des informations additionnelles du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique. Ces observations ont été adressées au gouvernement le 10 novembre 2004.

5. Dans sa communication du 8 octobre 2004, le gouvernement a répondu à ces observations, à l’exception des plus récentes qui lui ont été transmises le 10 novembre (avec quelques modifications mineures dans une lettre du 20 octobre 2004). La commission note que le gouvernement a déclaré de nouveau qu’elle devrait renoncer à poursuivre l’examen de ce cas, d’autant plus qu’en 2004 la Commission de la Conférence n’a pas accepté d’examiner les commentaires de la commission dans le cadre d’une discussion tripartite.

6. Le gouvernement s’est référé aux observations de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO) du 30 septembre 2003 selon lesquelles il n’y a de violation de la convention ni dans la législation ni dans la pratique existantes au Japon, et examiner une situation dans laquelle il n’y a pas eu de violation de la convention depuis cinquante-cinq ans dépasse le mandat de la commission. A ce sujet, la commission a déjà indiqué les raisons pour lesquelles elle continue d’examiner la situation. En outre, comme il l’avait déjà fait précédemment, le gouvernement s’est référé dans sa réponse au Fonds asiatique pour les femmes (AWF) qui bénéficie de son soutien. L’AWF fonctionne grâce aux dons des sociétés privées japonaises et des citoyens sur la base d’un partenariat privé-public avec le gouvernement. Le gouvernement a une nouvelle fois fait état de sa participation financière à ce Fonds, sous forme de prise en charge des coûts administratifs, et du fait que le Premier ministre a adressé une lettre d’excuses aux femmes victimes. Il s’est également référé au paiement des réparations pour l’AWF à 285 anciennes «femmes de réconfort» aux Philippines, République de Corée et Taiwan.

7. Décisions de justice pertinentes. La réponse du gouvernement et les observations des organisations de travailleurs présentent en détail plusieurs actions en justice que des victimes de l’esclavage sexuel ou du travail forcé dans l’industrie ont intentées contre le gouvernement ou les entreprises intéressées, ou les deux, en vue d’être indemnisées pour le préjudice subi. Ces informations sont fournies en réponse à la demande de la commission d’être tenue informée des décisions de justice pertinentes. Le gouvernement a informé la commission du fait que, s’agissant des actions en réparation du préjudice entamées contre le gouvernement, dans les cas où ces actions sont arrivées à leur terme, la Cour suprême du Japon, la Haute Cour et la Cour de district ainsi que les Cours de districts des Etats-Unis ont rejeté les plaintes contre le gouvernement. La commission note également que, au moment où le rapport a été rédigé, une procédure en appel était toujours en cours dans certains cas. En outre, la commission croit comprendre, au moins dans un cas, que l’une des entreprises poursuivies a décidé de verser une indemnisation aux victimes du travail forcé en temps de guerre, à la suite de la suggestion du tribunal, avant que les procédures d’appel n’arrivent à leur terme.

8. La commission prend note de cette information et demande au gouvernement de continuer à fournir des informations, dans ses prochains rapports, sur les résultats des cas qui n’ont pas encore été résolus, et de toute autre action qui pourrait avoir été intentée.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

1. La commission, dans sa dernière observation, avait longuement discuté de l’étendue du mandat de la commission par rapport à deux violations historiques de la convention de la part du gouvernement pendant la seconde guerre mondiale et les années qui l’ont précédée, à savoir: l’esclavage sexuel au profit des militaires des «femmes de réconfort», ainsi que le travail forcé dans l’industrie pendant la guerre. La commission avait conclu dans chaque cas qu’elle n’était pas habilitée à se prononcer sur l’effet juridique des traités bilatéraux et multilatéraux et sur le fait de savoir si ces derniers mettaient un terme aux actions individuelles en dédommagement; elle se réfère à sa précédente observation sur la convention. La commission avait demandéà ce propos au gouvernement de l’informer de toutes décisions, mesures législatives ou action gouvernementale par rapport aux demandes de réparation présentées il y a bien longtemps par les victimes. La commission avait également proposé que la Commission de la Conférence «pourrait considérer, s’il y a lieu, de procéder à l’examen de la question sur une base tripartite».

2. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement, dans un long rapport du 14 janvier 2003, en réponse aux observations de la commission. Dans son rapport, le gouvernement réitère son point de vue au sujet des questions légales; il se réfère aux expressions d’excuses et de remords qu’il avait déjà formulées; il se réfère aux activités entreprises par le Fonds asiatique pour les femmes et fournit des informations sur les résultats des poursuites engagées devant les différents organismes judiciaires.

3. La commission note aussi qu’une discussion générale s’était engagée au sein de la Commission de la Conférence sur l’application des normes, en juin 2003, en réponse à l’observation de la commission, mais que la Commission de la Conférence n’a pas décidé de soumettre cette question à un examen plus détaillé sur une base tripartite.

4. Par la suite, les communications suivantes ont été reçues:

-  des commentaires présentés par la Fédération coréenne des syndicats et la Confédération coréenne des syndicats, reçus le 8 septembre 2003;

-  des commentaires présentés par le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique, reçus le 29 août 2003;

-  des commentaires présentés par la Confédération japonaise des syndicats JTUC-RENGO, reçus le 30 septembre 2003.

5. Un rapport est dû par le gouvernement au titre de cette convention en 2004, et la commission prie le gouvernement de fournir alors ses commentaires sur les communications susmentionnées et sur tout changement intervenu à la suite de décisions, de mesures législatives ou d’une action gouvernementale concernant ces questions.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note du rapport du gouvernement, reçu le 1er novembre 2002, et des quatre annexes qui y sont jointes, en réponse à ses deux dernières observations, ainsi que de plusieurs commentaires émanant d’organisations de travailleurs. La commission prend également note d’autres informations du gouvernement, reçues également le 1er novembre 2002, à propos des communications de syndicats.

La commission prend note de la communication du Conseil local de Tokyo des syndicats, reçue le 6 juin 2002, ainsi que des cinq documents qui y sont joints - copie en a été transmise au gouvernement le 29 juillet 2002 -, et d’une communication du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique, en date du 29 juillet 2002, ainsi que de sept documents joints, que le BIT a reçus le 12 août 2002, et dont copie a été transmise au gouvernement le 2 septembre 2002. La commission prend aussi note d’une communication de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et de la Fédération des syndicats de Corée (FKTU) en date du 27 août 2002, qu’elle a reçue le 4 septembre 2002, ainsi que des 11 documents y ayant trait qui ont été reçus le 1er octobre 2002 et dont copie a été transmise le 1er octobre 2002 au gouvernement.

La commission rappelle que, lors de plusieurs sessions récentes, elle a examiné l’application de la convention en ce qui concerne deux questions ayant trait à la seconde guerre mondiale et aux années ayant précédé la guerre: l’esclavage sexuel militaire, dont ont été victimes les «femmes de réconfort», et le travail forcé dans l’industrie pendant la guerre.

1. Victimes d’esclavage sexuel en temps de guerre

La commission a déjà examiné l’existence, pendant la seconde guerre mondiale et les années qui l’ont précédée, d’un système dans lequel des femmes et des jeunes filles, appelées par euphémisme «femmes de réconfort», étaient cantonnées dans des garnisons militaires, appelées «comfort stations», et forcées de fournir des services sexuels aux militaires. La commission avait estimé que ces agissements faisaient partie de ceux que la convention interdit formellement. La commission avait aussi estimé qu’ils constituaient des violations flagrantes des droits de l’homme et des abus sexuels à l’encontre des femmes et des jeunes filles détenues dans ces garnisons militaires, et qu’ils devaient être considérés comme de l’esclavage sexuel.

Dans les paragraphes 8 et 10 de son observation de 2000, la commission avait noté qu’un nombre considérable de plaintes et d’actions en justice avaient été intentées devant des tribunaux japonais par des «femmes de réconfort», et que ces plaintes et actions étaient encore en instance, avaient été tranchées ou avaient été soumises à des instances supérieures en vue d’un appel. La commission avait également reconnu, au paragraphe 5 de cette observation, qu’elle n’était pas habilitée à prescrire des réparations, lesquelles ne pouvaient être accordées que par le gouvernement qui est l’entité responsable au regard de la convention. Toutefois, au paragraphe 10 de cette observation, la commission avait espéré que le gouvernement trouverait une autre voie, en consultation avec les plaignantes et les organisations qui les représentent, pour verser une réparation aux victimes avant qu’il ne soit trop tard, d’une manière qui réponde à leurs attentes.

Par la suite, dans son observation de 2001, ayant reçu une communication d’une organisation de travailleurs et la réponse du gouvernement à cet égard, la commission avait exprimé de nouveau l’espoir que le gouvernement serait en mesure de donner une suite satisfaisante aux plaintes des «femmes de réconfort», et d’informer à ce sujet la Conférence internationale du Travail en 2002.

Dans son dernier rapport détaillé, le gouvernement a formulé trois observations importantes à propos de la question des «femmes de réconfort».

Premièrement, il estime que l’élaboration de l’observation de 2001 a été entachée d’irrégularités de procédure:

-  l’observation en question a été préparée et rendue publique à la suite d’une communication d’un syndicat, alors que le gouvernement ne s’était pas encore exprimé sur cette communication.

-  dans l’observation, on est arrivé hâtivement à la conclusion, sans que le contenu de la communication du syndicat n’ait été examiné de façon approfondie, que la question devrait être soumise à la Conférence internationale du Travail.

-  l’observation porte sur la question des «femmes de réconfort», alors que le syndicat s’est penché sur une autre question qui a trait à l’enrôlement de personnes soumises à du travail forcé.

Deuxièmement, le gouvernement a estimé que les demandes individuelles d’indemnisation ayant trait à des questions liées à la situation de «femmes de réconfort» n’ont pas de fondement juridique et que les allégations du syndicat sont erronées. Le gouvernement demande donc instamment à la commission de mettre fin à ses délibérations et de décider de clore le cas.

Troisièmement, le gouvernement affirme qu’à propos de ces plaintes individuelles aucune responsabilité juridique n’est engagée mais qu’il a toutefois fait des excuses et manifesté son remords à plusieurs occasions. A ce sujet, il fait mention du Fonds pour les femmes asiatiques et des lettres que le gouvernement et le Premier ministre japonais ont adressées pour présenter des excuses.

a) Questions de procédure

A propos du premier point qui est soulevé, la commission conteste l’affirmation selon laquelle il y a eu des irrégularités de procédure. La communication du syndicat porte, d’une manière générale, sur la question des indemnisations liées à la guerre, question qui recouvre également celle des «femmes de réconfort». Dans son observation de 2000 sur ces femmes, la commission avait soulevé de graves questions que le gouvernement n’avait pas traitées à ce moment-là. Par ailleurs, indépendamment de la question de savoir si le syndicat a soulevé cette question en particulier ou non, la commission est pleinement habilitée à poursuivre l’examen de cette situation et à demander qu’elle soit examinée à la Conférence.

b) Fondement juridique des plaintes individuelles

A propos du deuxième point, la commission note que le gouvernement estime, comme il l’a fait précédemment, qu’en ce qui concerne les questions relatives aux réparations, aux biens et aux revendications ayant trait à la deuxième guerre mondiale, y compris les questions des «femmes de réconfort» en temps de guerre et de l’enrôlement de personnes soumises à du travail forcé, il a satisfait à ces obligations. Le gouvernement fait valoir que les dispositions des traités et accords de paix multilatéraux et bilatéraux conclus après la guerre avec les gouvernements des puissances alliées et des Etats du Pacifique et de l’Asie comportent des dispositions en vertu desquelles les Etats parties à ces traités et accords et leurs ressortissants ont renoncéà demander réparation pour des faits liés à la guerre et autres.

  i) Traités

Les traités auxquels le gouvernement se réfère sont, entre autres, les suivants:

-  le traité de paix avec le Japon, signéà San Francisco en 1951, dont l’article 14 b) indique que les puissances alliées et les nationaux des pays des puissances alliées renoncent à toute demande d’indemnisation et autres;

-  l’accord de 1965 entre le Japon et la République de Corée sur le règlement des questions relatives aux biens et aux plaintes et sur la coopération économique, dont l’article 2 indique que les parties à l’accord acceptent que les questions relatives à leurs biens, droits et intérêts et à ceux de leurs ressortissants, sont réglées complètement et définitivement; et

-  le communiqué conjoint du gouvernement du Japon et du gouvernement de la République populaire de Chine dont l’article 5 dit que la Chine renonce à demander des indemnisations liées à la guerre.

Le gouvernement indique à ce sujet que les questions des plaintes, y compris celles de particuliers formulées en vertu du droit interne sont réglées complètement et définitivement en ce qui concerne le Japon et ses ressortissants et les pays des puissances alliées et leurs ressortissants.

  ii) Déclarations précédentes du gouvernement

Dans son observation précédente, la commission avait noté que, dans sa communication de juin 2001, le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique indiquait, à propos des indemnisations liées à la guerre, que la position du gouvernement japonais était qu’un traité avait mis un terme au droit de demander des indemnisations et au droit de protection diplomatique au niveau de l’Etat, mais non au droit de particuliers de recevoir des indemnités. Le Syndicat indiquait que le gouvernement a réaffirmé cette position à maintes reprises, comme il ressort des exemples suivants:

-  la déclaration du gouvernement japonais à l’occasion de l’action en justice de victimes de bombes atomiques (jugement final de 1963), à savoir que le paragraphe a)de l’article 19 du Traité de San Francisco ne signifie pas que le Japon ait renoncé au droit de ressortissants individuels japonais de demander à Truman ou aux Etats-Unis d’Amérique réparation pour les dommages causés;

-  la déclaration du gouvernement lors de l’action en justice intentée en vue de l’indemnisation des prisonniers de Sibérie (jugement final de 1989), à savoir que le droit auquel le Japon a renoncé, en vertu de la clause 6, point 2, de la Déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique, concerne les revendications et le droit de protection diplomatique que possédait l’Etat du Japon, et non pas les revendications de ressortissants individuels japonais. Le gouvernement avait estimé que, par droit de protection diplomatique, il fallait entendre le droit reconnu à l’échelle internationale d’un pays d’évoquer la responsabilité d’un pays étranger pour les dommages que le peuple japonais a subis dans un territoire étranger à la suite de la violation par ce pays du droit international. Le gouvernement avait ajouté que, comme indiqué précédemment, le Japon n’avait, en vertu de la déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique, renoncéà aucun des droits dont jouissent les ressortissants japonais;

-  la déclaration de Shunji Yanai, alors chef du bureau des Traités du ministère des Affaires étrangères, le 27 août 1991, devant la Commission budgétaire de la Chambre haute, à savoir que le Traité fondamental de 1965 entre le Japon et la Corée du Sud ne privait pas les victimes individuelles en question du droit de demander réparation au regard de l’ordre juridique national. Shunji Yanai avait déclaré que le traité empêchait seulement les gouvernements du Japon et de la Corée du Sud de se saisir de questions dans l’exercice de leurs droits diplomatiques.

La commission note, dans sa réponse à propos des commentaires évoqués par le syndicat en question, que le gouvernement indique que M. Shunji Yanai, par cette déclaration, entendait expliquer que toutes les questions relatives aux demandes d’indemnisation liées à la dernière guerre, y compris les demandes de particuliers, avaient été réglées entre le Japon et les forces alliées en tenant compte du droit de protection diplomatique, lequel relève du droit international général. Autrement dit, M. Shunji Yanai avait expliqué que, même si des plaintes de citoyens japonais contre les pays des puissances alliées ou leurs nationaux étaient rejetées, le Japon ne pourrait plus intenter des poursuites mettant en jeu la responsabilité des Etats qui composaient les puissances alliées. Le gouvernement attire aussi l’attention sur une autre déclaration de M. Shunji Yanai, par laquelle celui-ci a indiqué clairement, le 26 février 1992, devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants de la Diète, qu’en ce qui concerne les droits substantiels prévus par la loi, à savoir les droits relatifs à des biens, le gouvernement du Japon avait invalidé les droits relatifs à des biens des ressortissants de la République de Corée, l’accord prévoyant certaines exceptions à ce sujet. M. Shunji Yanai avait conclu que, par conséquent, les citoyens coréens ne pouvaient plus réclamer au Japon ces droits, que ce soit au regard du droit privé ou du droit interne.

La commission note que le gouvernement n’a pas communiqué d’observations qui permettraient de réfuter les autres exemples cités par le syndicat en question, à savoir les déclarations du gouvernement lors de l’action en justice de victimes de bombes atomiques (jugement final de 1963) et à propos de l’article 6 de la déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique, qui portait sur l’action en justice intentée en vue d’indemniser des prisonniers de Sibérie (jugement final de 1989). Le gouvernement s’est bornéà citer le texte de l’article 6 de cette déclaration.

  iii)  Rapports adressés à des organes de l’ONU
  créés en vertu de traités sur les droits de l’homme

La commission prend également note du rapport final du 22 juin 1998 sur le viol systématique, l’esclavage sexuel et les pratiques analogues à l’esclavage en période de conflit armé (document de l’ONU E/CN.4/Sub.2/1998/13), présenté par Mme Gay J. McDougall à la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (qui est devenue la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme) à sa cinquantième session. La commission note que Mme McDougall, que la sous-commission avait nommé Rapporteuse spéciale, est directrice exécutive de l’International Human Rights Law Group, et que son rapport, qui a été transmis avec l’observation de la KCTU et de la FKTU, a été cité par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, ce rapport faisant autorité en matière de droit pénal international. La commission prend également note de l’annexe au rapport intitulé«Analyse de la responsabilité juridique du gouvernement japonais en ce qui concerne les «centres de délassement» («comfort stations») mis en place pendant la seconde guerre mondiale».

Dans son rapport, Mme McDougall a conclu que «l’asservissement de femmes par les militaires japonais dans toute l’Asie pendant la seconde guerre mondiale constituait, même à cette époque, une violation manifeste des règles de droit national coutumier interdisant l’esclavage» et que «au même titre que l’esclavage, les lois de la guerre interdisaient aussi le viol et la prostitution forcée» (annexe, paragr. 12 et 17). La commission prend également note des conclusions suivantes: «Depuis un demi-siècle au moins, l’asservissement massif ou systématique de personnes est également considéré comme un crime contre l’humanité. Cela vaut en particulier lorsque des crimes de cette nature sont commis pendant un conflit armé. […] Outre la réduction en esclavage, les actes de viol systématique ou à grande échelle tombent également sous le coup de l’interdiction générale des "actes inhumains", selon la définition classique des crimes contre l’humanité…» (annexe, paragr. 18 et 20).

Se référant à l’article 2 de l’accord de 1965 relatif au règlement des problèmes concernant les biens et les réclamations et à la coopération économique entre le Japon et la Corée, et à l’article 14 b) du Traité de paix de 1951, Mme McDougall indique dans son rapport ce qui suit: «La tentative du gouvernement japonais d’échapper à sa responsabilité en invoquant ces traités ne peut aboutir pour deux raisons: a) l’implication directe du Japon dans l’établissement des centres de viol était dissimulée au moment de la rédaction des traités; ceci est un fait capital qui, en toute justice, devrait aujourd’hui empêcher le gouvernement japonais de se prévaloir des traités en question pour se soustraire à sa responsabilité; et b) les termes clairs dans lesquels les traités ont été rédigés indiquent qu’ils n’ont pas étéétablis dans l’intention d’empêcher les demandes en réparation émanant de particuliers pour des préjudices causés par l’armée japonaise en violation des droits de l’homme ou du droit humanitaire» (annexe, paragr. 55).

La commission prend également note, au paragraphe 58 de l’annexe au rapport de Mme McDougall, dont mention est faite dans les commentaires des syndicats: «Il ressort également très clairement du texte de l’accord de 1965 relatif au règlement de problèmes concernant les biens et les réclamations, et à la coopération économique entre le Japon et la République de Corée, qu’il s’agit d’un traitééconomique portant sur le règlement des litiges relatifs à des "biens" entre les pays concernés et non sur les questions de droits de l’homme [citation omise]. Le traité ne fait nullement référence aux "femmes de réconfort", au viol, à l’esclavage sexuel ou à toute autre atrocité commise par les Japonais à l’encontre de civils coréens. En revanche, ces dispositions portent sur des questions de biens et sur les relations commerciales entre les deux pays. On rapporte qu’en réalité, au cours des pourparlers relatifs au traité, le négociateur japonais aurait promis que son pays indemniserait la République de Corée pour les atrocités que les Japonais avaient fait subir aux Coréens [citation omise].» La commission prend également note du paragraphe 59 de l’annexe au rapport: «De toute évidence, les fonds fournis par le Japon dans le cadre de cet accord de règlement avaient pour seul objet la reprise économique et non l’indemnisation individuelle des victimes des atrocités japonaises, de sorte que le traité de 1965, bien qu’il soit apparemment formulé en des termes de très large portée, n’a réglé que les problèmes d’ordre économique entre les deux pays et les problèmes concernant les biens sans aborder la question des réclamations privées…»

La commission prend également note, au paragraphe 62 de l’annexe, de ce qui suit: «En outre, de même qu’avec l’Accord de 1965 relatif au règlement des problèmes entre le Japon et la Corée, pour des raisons d’équité et de justice, le Japon ne peut se prévaloir du traité de paix de 1951 pour se soustraire à sa responsabilité, alors qu’au moment de la signature dudit traité il s’est gardé de révéler la mesure dans laquelle son armée avait participéà tous égards à l’établissement, l’entretien et l’administration des centres de délassement [citation omise]. Au nom du principe de l’équité, une fois de plus, lorsque des normes de jus cogens sont invoquées, les Etats accusés de violation de tels droits fondamentaux ne doivent pas être autorisés à recourir à de simples subtilités juridiques pour se soustraire à leur responsabilité. Et, en tout état de cause, il convient de souligner que rien n’empêche le Japon de décider de son plein gré de ne pas user d’arguments mis à sa disposition dans les traités pour écarter sa responsabilité, afin de faciliter la prise de mesures allant clairement dans le sens de l’équité et de la justice.» Il est indiqué au paragraphe 12 de l’additif du rapport que «l’interdiction de l’esclavage […] a atteint à n’en pas douter le niveau des dispositions de jus cogens [citation omise]. La commission note que l’article 53 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (document de l’ONU A/CONF.39/28) stipule qu’une norme de jus cogens (impérative) est une norme «acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise…».

Dans ses commentaires à propos du rapport de Mme McDougall, le gouvernement indique que la sous-commission a adopté chaque année, de 1998 à 2002, des résolutions fondées sur ce rapport, et que, dans ces résolutions, la sous-commission fait bon accueil au rapport de Mme McDougall mais ne fait aucunement mention ni du Japon ni de la question des «femmes de réconfort en temps de guerre». Le gouvernement ajoute que, dans ces résolutions, la sous-commission ne formule aucune recommandation à l’intention du Japon, pas plus qu’elle ne le blâme pour quoi que ce soit.

Toutefois, la commission souligne que, même s’il est vrai que ces résolutions, par exemple la résolution 2000/13 sur la version révisée de juin 2000 du rapport final de Mme McDougall, ne font pas spécifiquement mention de pays en particulier, pas plus qu’elles ne formulent de recommandations à l’adresse d’un pays en particulier, ces résolutions, d’une manière générale, ont pris note du rapport et ont demandé au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de suivre l’application de la résolution et des recommandations formulées dans le rapport de la Rapporteuse spéciale, et de faire rapport à la sous-commission à ce sujet.

La commission prend note du rapport de 1996 de la mission effectuée en République populaire démocratique de Corée, en République de Corée et au Japon sur la question de l’esclavage sexuel au service de l’armée pendant la guerre. Ce rapport a été soumis par Mme Radhika Coomaraswamy, Rapporteuse spéciale de l’ONU, à la 52e session de la Commission de l’ONU des droits de l’homme (document E/CN.4/1996/53/Add.1). L’additif de ce rapport, qui était joint à l’observation de la KCTU et de la FKTU, se réfère, à son paragraphe 107, au rapport de la Commission internationale de juristes établi à la suite d’une mission sur les «femmes de réconfort», rapport qui a été rendu public en 1994. Dans ce rapport, la Commission internationale de juristes affirme que l’intention n’a jamais été d’inclure, dans les traités auxquels le gouvernement japonais fait référence, les demandes d’indemnisation émanant de particuliers, au titre de traitements inhumains. Elle fait valoir que, dans l’intention des rédacteurs, le terme «revendications» n’incluait pas les créances en indemnisation pour préjudice causé, et que ce terme n’est défini ni dans les procès-verbaux agréés ni dans les protocoles. Elle fait valoir, en outre, qu’il n’y a rien dans les négociations qui concerne les violations de droits individuels résultant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La Commission internationale de juristes soutient aussi que, dans le cas de la République de Corée, le traité de 1965 signé avec le Japon concerne les réparations payées au gouvernement et ne concerne pas les demandes d’indemnisation présentées par des particuliers au titre de dommages subis.

  iv) Décisions de tribunaux
Tribunal international des femmes pour la répression
des crimes de guerre sur l’esclavage sexuel militaire du Japon

La commission prend note du reportage, en date du 4 septembre 2001, du New York Times, dont a fait mention le Tribunal international des femmes pour la répression des crimes de guerre sur l’esclavage sexuel militaire du Japon dans son jugement du 4 décembre 2001 (révisé le 31 janvier 2002) sur le cas no PT-2000-1-T (mise en accusation commune et demande de mesures de restitution et de réparation). Copie de ce jugement a été transmise avec sa communication par le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique. Le reportage susmentionné, dont l’auteur était Steven C. Clemons, fait référence à un échange de lettres, dont la diffusion a été autorisée en avril 2000, entre le Premier ministre Shigeru Yoshida du Japon et le ministre des Affaires étrangères du gouvernement des Pays-Bas, échange qui avait eu lieu peu de temps avant la signature en 1951 du Traité de paix de San Francisco. Dans une de ses lettres, le Premier ministre japonais indiquait qu’il était entendu que le gouvernement du Japon ne considérerait pas que le gouvernement des Pays-Bas, en signant le traité, accepterait que les citoyens néerlandais renoncent à faire valoir leurs droits de façon telle qu’après l’entrée en vigueur du traité leurs réclamations deviendraient non avenues.

La commission prend note du jugement du 4 décembre 2001 (révisé le 31 janvier 2002) du Tribunal international des femmes pour la répression des crimes de guerre sur l’esclavage sexuel militaire du Japon à propos du cas no PT-2000-1-T (mise en accusation commune et demandes de restitution et de réparation). Copie de ce jugement a été transmise par le syndicat susmentionné dans sa communication. La commission note que le tribunal, qui a siégéà Tokyo du 8 au 10 décembre 2000, est un tribunal populaire qui a étéétabli pour se prononcer sur les crimes sexuels que le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient, le tribunal de Tokyo initial, n’avait pas tranchés. La commission prend note de l’indication du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique, à savoir que les juges, les procureurs et les conseillers juridiques du tribunal sont des experts reconnus à l’échelle internationale, qui ont participé aux délibérations du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Le syndicat en question fait également référence à plusieurs des principales décisions du tribunal. La commission prend également note des commentaires de la FKTU et de la KCTU à propos du tribunal, à savoir qu’il découle d’une initiative civile et qu’il est formé de juges qui jouissent de la considération générale.

La commission prend note de l’indication du tribunal, dans l’introduction et la présentation générale de son jugement, selon laquelle le greffe du tribunal a portéà la connaissance du gouvernement ses travaux et l’a invitéà participer à ses délibérations, prévues les 9 et 28 novembre 2000. Le gouvernement n’a pas répondu à ce sujet. Toutefois, le tribunal s’est efforcé de prendre en compte tous les moyens de défense que le gouvernement aurait vraisemblablement utilisés pour son compte s’il avait accepté de participer aux délibérations. A cette fin, le tribunal avait demandé que les arguments du gouvernement soient réunis par un avocat agissant en tant qu’amicus curiae. Cet avocat a fourni au tribunal un document succinct. Le tribunal a ensuite examiné les arguments du gouvernement relatifs aux affaires en cours devant ses tribunaux, ainsi que les réponses que le gouvernement avait données à propos des rapports des rapporteurs spéciaux des Nations Unies qui avaient enquêté sur le système d’esclavage sexuel militaire.

La commission prend note de la conclusion du tribunal, qui figure au paragraphe 1034 du jugement et qui porte sur l’accord de 1965 entre le Japon et la République de Corée. Le tribunal estime que l’on peut se demander si les plaintes relatives à des biens, à des droits et à des intérêts recouvrent ou non les plaintes intentées contre le Japon au sujet des «femmes de réconfort». Les deux Etats ont approuvé les procès-verbaux de leurs négociations en vue de la signature du Traité de paix. Au cours de ces négociations, ils ont convenu que les termes «biens, droits et intérêts» désignaient tous les types de droits substantiels qui, au regard de la loi, ont valeur de biens. Cet énoncé semble exclure les nombreuses plaintes de «femmes de réconfort». La République de Corée avait présenté, lors des négociations, un résumé de ces plaintes (les Huit questions). Rien n’indique que cette liste comprenait les plaintes des «femmes de réconfort» pour des crimes contre l’humanité commis à leur encontre et, effectivement, les dispositions du traité prévoient soit le règlement des questions relatives aux biens, soit la régularisation des relations commerciales entre les deux pays, y compris le règlement de dettes [citation omise].

Le tribunal cite à son tour une opinion exprimée par la Cour internationale de Justice en 1970 (Barcelona Traction, Light and Power Co. Ltd., CIJ, Rep. 3, paragr. 33-34 (5 février 1970)), qui développe la notion des obligations d’un Etat qui, de par leur nature même, s’appliquent erga omnes- c’est-à-dire à l’égard de la communauté internationale dans son ensemble: «de telles obligations découlent … des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, notamment ceux qui concernent la protection contre l’esclavage et la discrimination raciale». Se référant également au troisième rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la responsabilité des Etats (document des Nations Unies A/CN.4/507/Add.4 du 4 août 2000), le tribunal a considéré que: «la catégorie des normes qui peuvent être acceptées d’une manière générale comme étant de portée universelle et non susceptibles de dérogation quant à leur contenu, et dans l’effectivité desquelles tous les Etats ont un intérêt légal, est restreinte, mais elle inclut l’interdiction du génocide et celle de l’esclavage…». A la lumière de ces principes, le tribunal a estimé qu’«il est légalement impossible, pour des accords bilatéraux ou multilatéraux, ou même pour des accords conclus par les Etats dont les victimes sont nationaux, de méconnaître les intérêts des Etats non participants au redressement des torts infligés à tous» (paragr. 1041-1043).

La commission note que, sur la base de ce raisonnement et d’autres points de droit, le tribunal a conclu que, en ce qui concerne l’invocation par le Japon des traités de paix, «les parties à la négociation n’ont pas le pouvoir d’écarter les plaintes formulées par des personnes à raison des souffrances qu’elles ont subies par le fait de la commission de crimes contre l’humanité, et ce tribunal rejette l’idée que ces demandes puissent avoir étéécartées de manière effective ou permanente».

Le gouvernement, dans ses commentaires sur le Tribunal international des femmes contre les crimes de guerre et sur le jugement rendu par cette instance en décembre 2001, dit: «Le tribunal a été organisé de manière privée par les personnes concernées et n’était pas un organisme officiel. Par conséquent, le gouvernement du Japon n’est pas en position de faire des commentaires sur les déclarations dudit tribunal, ni sur les vues exprimées par celui-ci.»

  v) Décisions de juridictions japonaises et américaines

Dans son rapport, le gouvernement déclare que son interprétation de l’article 14(b) du Traité de paix de San Francisco écartant toutes demandes individuelles «est conforme à toute une série de décisions de justice», et il cite à l’appui les jugements rendus dans deux affaires portant sur des prétentions soutenues par d’anciens prisonniers de guerre: le jugement du 21 septembre 2000 rendu par la Cour de district des Etats-Unis pour le district nord de Californie dans l’affaire In re: World War II Era Japanese Forced Labor Litigation, et le jugement rendu le 11 octobre 2001 par la Haute Cour de Tokyo au terme d’une procédure engagée par d’anciens prisonniers de guerre néerlandais. La commission prend note du jugement de la Cour de district des Etats-Unis pour le district nord de Californie, tel que cité par le gouvernement: «Le traitéécarte toutes réparations et autres demandes de nationaux des puissances alliées en conséquence de toute action prise par le Japon et ses nationaux dans le cours de la poursuite de la guerre. La formulation de cette clause de déni de responsabilité est étonnamment large, et l’on n’y trouve l’expression ni d’une condition ni d’une limitation, sauf dans les premiers mots, en ce qu’ils se réfèrent aux dispositions du traité. … la clause de déni de responsabilité de l’article 14(b) est manifestement assez large pour s’étendre aux demandes des parties plaignantes dans la présente affaire. La Cour … conclut … qu’il était dans l’intention du Traité de paix avec le Japon de faire barrage aux demandes telles que celles faites par les parties plaignantes dans la présente affaire.»

La commission note également que la partie du jugement cité par le gouvernement dans le contexte de ce procès qui a eu lieu aux Etats-Unis omet de mentionner une conclusion de la Cour qui spécifie que le traité, de par ses termes, portait adoption d’un plan de règlement «pour les préjudices économiques [c’est nous qui soulignons] liés à la guerre».

De plus, dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu’au cours de la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002 les instances judiciaires supérieures du Japon ont été saisies de deux affaires relatives aux demandes des victimes de pratiques d’esclavage sexuel imposé par des militaires en temps de guerre et que les cours de district ont été saisies de trois affaires de même nature. Le gouvernement indique que ces instances ont débouté les parties plaignantes de leurs prétentions contre le gouvernement du Japon dans chacun des cas. S’agissant du jugement rendu en avril 1998 par la subdivision de Shimonoseki de la Cour de district de Yamaguchi, le gouvernement déclare que les parties défenderesses et demanderesses ont fait appel devant la Haute Cour d’Hiroshima et que celle-ci a rendu son verdict le 29 mars 2001, verdict qui accepte les arguments du gouvernement et dit pour droit qu’il n’apparaît pas clairement que le gouvernement avait une obligation constitutionnelle d’agir sur le plan législatif et que les modalités du règlement des réparations de guerre devraient être laissées à la discrétion du législatif dans la mesure où cela s’inscrit dans une politique d’ensemble. Le gouvernement indique également que les plaignants se sont pourvus en appel devant la Cour suprême en mars 2002 et que la décision finale est en suspens.

La commission note que les jugements rendus dans cette affaire sont examinés dans le jugement de décembre 2001 du Tribunal international des femmes contre les crimes de guerre dans les termes suivants: «La Haute Cour d’Hiroshima a cassé le jugement du tribunal de Shimonoseki au motif que des particuliers ne peuvent pas ester sur le fondement du droit international. Le présent tribunal est en désaccord avec le jugement rendu par le tribunal d’Hiroshima pour une question de droit international; il a fait observer que, par principe, le droit international n’éteint pas le droit national ou d’autres voies de recours qui seraient plus protecteurs des droits de l’homme.»

Conclusions concernant la base légale
des demandes à titre individuel

La commission a exposé cette question de manière assez détaillée dans le but de rendre compte de sa complexité et de la diversité des avis qui se sont exprimés quant à savoir si les femmes appelées «femmes de réconfort» sont fondées en droit à prétendre à réparation. De l’avis de la commission, cette question reste ouverte. La commission note que le gouvernement a, dans un passé récent, exprimé l’avis que de tels droits sont éteints par des traités; toutefois, les textes cités ci-dessus démontrent qu’un tel avis n’est pas nécessairement partagé par des experts indépendants.

La commission a souligné antérieurement qu’en présence d’une violation de la convention elle n’a pas le pouvoir de prescrire les réparations. Dans son observation de 2000, elle a également accepté que «le gouvernement est fondéà dire que les questions de compensation ont été réglées par voie de traité». Elle s’est toutefois abstenue d’exprimer un avis juridique quant à savoir si ces traités ont ou n’ont pas comme conséquence que les demandes individuelles des «femmes de réconfort» se trouvent juridiquement éteintes. Elle n’a pas mandat pour déterminer l’effet juridique de traités internationaux bilatéraux et multilatéraux. Elle n’est donc pas en mesure de se prononcer sur cette question de droit, qui est du ressort d’autres instances, et elle s’abstient de le faire.

c)  Réponse du gouvernement aux demandes
des «femmes de réconfort»

Pour ce qui est du troisième point essentiel soulevé par le gouvernement, ce dernier dit à nouveau dans son rapport que, en reconnaissance du problème des femmes dites «femmes de réconfort» en temps de guerre, il a exprimé ses excuses et ses regrets à de nombreuses reprises. Il déclare qu’il a fait preuve de la plus grande coopération possible avec le Fonds des femmes asiatiques (AWF) constitué, entre autres buts, pour verser aux victimes un don d’«apaisement», en prenant en charge les coûts de fonctionnement du fonds et en faisant envoyer des lettres d’excuses par le Premier ministre. Le gouvernement indique qu’en septembre 2002 l’AWF avait menéà bien son programme de versement des compensations susmentionnées. Il indique que, depuis octobre 2000, tandis qu’il faisait part de son avis à la commission, 114 victimes de plus avaient accepté le don d’«apaisement» et que, au total, l’AWF a versé de tels dons à 285 victimes vivant aux Philippines, en République de Corée et à Taiwan.

La commission prend également note de commentaires des organisations syndicales selon lesquels, en 2002, l’AWF a annoncé la clôture de ses programmes. Dans sa communication du 29 juillet 2002, le Syndicat japonais de la construction navale et des industries mécaniques fait valoir que l’AWF a annoncé le 20 juillet 2002 que 285 victimes encore en vie avaient accepté le don d’«apaisement». Il souligne cependant que ce nombre n’inclut pas les victimes encore en vie en Chine, en République démocratique populaire de Corée ou en Indonésie et que seules certaines des survivantes se trouvant en République de Corée, à Taiwan, aux Philippines et aux Pays-Bas ont accepté le don d’«apaisement».

Dans leur observation, le KCTU et le FKTU disent que la «bienveillance» de l’AWF est contestée par de nombreuses victimes coréennes ayant eu à subir les diverses «approches» de personnes agissant en son nom pour les persuader d’accepter cet «argent de consolation». Les organisations syndicales font valoir que, si l’AWF peut être regardée comme une œuvre de bienfaisance par la population japonaise, les victimes coréennes ne voient pas en lui ni en ses activités une réponse valable du gouvernement à leurs demandes ni une solution à la question des responsabilités légales du gouvernement au regard du droit international. Elles ajoutent que l’AWF est perçu comme un instrument du gouvernement, permettant à celui-ci de faire une contribution financière sans en passer préalablement par une reconnaissance officielle de responsabilité et d’éluder ainsi le processus fondamental d’une enquête officielle.

Dans sa réponse, le gouvernement reprend les déclarations de son rapport, où il dit que l’AWF est à ses yeux «le seul moyen viable de proposer de manière pratique un dédommagement aux "femmes de réconfort", lesquelles sont déjà d’un âge avancé, considérant que, sur le plan légal, la question des demandes a été réglée entre les gouvernements et les peuples des parties aux traités et aux accords». Le gouvernement répond en outre, en partie, qu’un certain nombre de bénéficiaires du programme «ont exprimé leur appréciation d’une manière ou d’une autre» et que lui-même considère que les programmes de l’AWF «ont été mis en œuvre avec méthode et accueillis favorablement par un grand nombre d’anciennes "femmes de réconfort", comme en témoignent les paroles de reconnaissance de celles-ci».

La commission note que, dans son rapport final de 1998, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies, Mme McDougall, dit que la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, conjointement avec d’autres organes de l’ONU, s’est félicitée de la création en 1995 du Fonds des femmes asiatiques (AWF). L’AWF a été créé en juillet 1995 par le gouvernement japonais, conscient de sa responsabilité morale à l’égard des «femmes de réconfort», pour servir de mécanisme de financement pour les travaux des ONG s’occupant des besoins des «femmes de réconfort» et pour collecter des fonds privés qui devaient permettre de faire une donation d’«apaisement» aux «femmes de réconfort» encore en vie. L’AWF n’assume pas, cependant, la responsabilité du gouvernement japonais quant à servir de manière officielle et légale une compensation à des femmes ayant été victimes de la tragédie des «femmes de réconfort», étant donné que la donation d’«apaisement» de l’AWF n’a pas pour but de reconnaître la responsabilité légale de la part du gouvernement japonais pour les crimes qui se sont produits pendant la deuxième guerre mondiale (annexe, paragr. 64).

La commission a noté que les organisations qui attendent d’autres mesures de la part du gouvernement n’ont pas estimé que l’AWF constituait une réponse suffisante, étant donné qu’il n’y a pas eu dédommagement direct à des victimes par le gouvernement ni excuse basée sur une reconnaissance de responsabilité légale à l’égard des victimes. Sur la base de ces dernières considérations et des indications données par le gouvernement et les organisations syndicales, la commission estime, comme elle l’a dit précédemment, que le refus, par la majorité des «femmes de réconfort», des dons venant de l’AWF au motif que ces dons ne sont pas conçus par le gouvernement comme une réparation et que la lettre envoyée par le Premier ministre à celles, peu nombreuses, qui ont accepté l’argent de l’AWF est aussi rejetée par d’autres, qui y voient un déni de responsabilité du gouvernement, permet de penser qu’il n’a pas été répondu aux attentes de la majorité des victimes.

La commission prend également note des recommandations formulées par Mme Coomaraswamy, en tant que Rapporteuse spéciale des Nations Unies, dans l’additif 1 de son rapport de 1996. Mme Coomaraswamy, soulignant qu’elle comptait en particulier sur la coopération du gouvernement japonais, qui avait désormais fait la preuve, dans ses discussions avec elle, de son ouverture et de sa volonté d’agir pour rendre justice aux quelques femmes encore en vie qui avaient été victimes d’un esclavage sexuel imposé par l’Armée impériale japonaise, recommandait notamment que le gouvernement du Japon: a) reconnaisse que le système des «centres de délassement» mis en place par l’Armée impériale japonaise pendant la deuxième guerre mondiale constituait une violation des obligations de l’Etat au regard du droit international et assume la responsabilité légale de cette violation; et b) verse individuellement une réparation à chaque victime de ces faits d’esclavage sexuel imposés par les militaires japonais, conformément aux principes énoncés par le Rapporteur spécial de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités en ce qui concerne le droit des victimes de violations graves des droits de l’homme et des libertés fondamentales à restitution, réparation et réhabilitation.

La commission prend également note des recommandations similaires contenues dans les paragraphes 63 à 67 du rapport final de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies, Mme McDougall, et de celles contenues dans le paragraphe 1 086 du jugement rendu en décembre 2001 par le Tribunal international des femmes contre les crimes de guerre dans l’affaire de l’esclavage sexuel imposé par les militaires japonais.

La commission note que, selon les commentaires du KCTU et du FKTU, le gouvernement, malgré les recommandations réitérées des organes des Nations Unies s’occupant des droits de l’homme et malgré les observations de la présente commission, n’a témoigné d’aucun changement dans son approche. La commission relève également dans les commentaires du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique que les victimes, en raison de leur âge, ont beaucoup de difficultéà se déplacer au Japon, que ce soit pour comparaître devant un tribunal ou pour négocier avec des fonctionnaires du gouvernement, et que l’on peut craindre que «la plupart d’entre elles ne soient mortes d’ici quelques années, si bien que la possibilité de remédier aux torts causés dans le passé sera perdue à jamais».

Conclusions finales sur l’esclavage sexuel pendant la guerre

La commission rappelle qu’elle n’a pas pour mandat de statuer sur les effets juridique des traités bilatéraux et multilatéraux et n’est donc pas en mesure de se prononcer sur ce point de droit. Elle a déjà indiqué qu’elle était préoccupée par le fait que les victimes de la violation de la convention, commise dans le passé par le gouvernement, vieillissaient sans que celui-ci ait répondu à leurs attentes, en dépit des avis exprimés publiquement sur la question par d’autres organismes et personnes dont la valeur est reconnue. La commission réitère l’espoir que le gouvernement prendra des mesures satisfaisant les réclamations des victimes. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur toutes décisions de justice, mesures législatives ou action gouvernementale. La commission de la Conférence pourrait considérer s’il y a lieu de procéder à l’examen de la question sur une base tripartite.

2. Travail forcé dans l’industrie pendant la guerre

La commission a précédemment examiné la question de l’enrôlement forcé, pendant la guerre, de milliers de personnes originaires d’autres pays asiatiques, dont la Chine et la République de Corée, pour travailler dans des usines, des mines et des chantiers de construction du secteur privé japonais. La commission a pris note d’un rapport préparé en 1946 par le ministère japonais des Affaires étrangères (MOFA), intitulé«Etude sur les travailleurs chinois et les conditions de travail au Japon», qui décrit en détail des conditions de travail extrêmement dures et des traitements brutaux qui se sont traduits par un taux de mortalité de 17,5 pour cent, atteignant même 28,6 pour cent dans certaines activités. Bien qu’on ait promis à ces travailleurs des salaires et des conditions de travail semblables à celles des travailleurs japonais, ils ont été très peu ou pas du tout rétribués. La commission a considéré que l’enrôlement massif de travailleurs dans l’industrie privée du Japon et leur assujettissement à des conditions aussi déplorables constituaient une violation de la convention.

Dans ses deux dernières observations, la commission a noté que de nombreuses plaintes d’anciens prisonniers et d’autres personnes étaient encore en instance devant différentes juridictions et, ayant fait observer que les victimes étaient désormais âgées et que le temps passait vite, elle a exprimé l’espoir que le gouvernement serait en mesure de répondre aux demandes de ces personnes d’une manière satisfaisante.

Dans son dernier rapport, qui est très détaillé, le gouvernement réaffirme qu’en ce qui concerne la question du travail forcé dans l’industrie pendant la guerre il a «honoré ses obligations» aux termes des traités et accords conclus après la guerre avec les gouvernements des puissances alliées et d’autres gouvernements de l’Asie et du Pacifique et que la question a été«réglée sur le plan juridique» par les parties à ces accords.

Comme il l’avait fait précédemment, le gouvernement indique qu’il a établi des relations d’amitié et de coopération avec les gouvernements des pays voisins et fait état en particulier de l’aide au développement économique qu’il a apportéà la République de Corée et à la Chine. Il ajoute qu’il a présentéà plusieurs reprises des excuses officielles pour le «passé», et cite:

-  le communiqué conjoint publié en 1972 du gouvernement du Japon et du gouvernement de la Chine, dans lequel le premier se déclare profondément conscient du grave tort qu’il a causé au peuple chinois pendant la guerre et en éprouve des remords;

-  la déclaration faite en 1993 par le Secrétaire du chef de Cabinet, Yohei Kohno, à propos des résultats de l’étude sur la question des «femmes de réconfort»: «Il incombe au gouvernement du Japon de réfléchir sérieusement, en restant à l’écoute des milieux avisés, à la meilleure manière d’exprimer ce sentiment [de regret]. Nous regarderons les faits historiques en face plutôt que de chercher à les nier»;

-  la déclaration du Premier ministre Tomiichi Murayama sur l’initiative «Paix, Amitié et Echange» en 1994, disant que l’une des façons de manifester des sentiments [de regret] est de regarder le passé en face et de faire en sorte que les générations à venir en soient correctement informées;

-  la déclaration du Premier ministre Murayama le 15 août 1995 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre; et

-  les lettres envoyées en 2002 par le Premier ministre Junichiro Koizumi aux victimes de l’esclavage sexuel durant la guerre. On peut notamment lire dans ces lettres: «Nous ne devons pas nous soustraire au poids du passé ni fuir nos obligations pour l’avenir. Je pense que notre pays, douloureusement conscient de sa responsabilité morale, éprouve des sentiments de regret et de remords et devrait regarder son passé en face en veillant à ce que les générations futures en soient correctement informées.»

La commission constate que les déclarations et manifestations de regret citées par le gouvernement font à plusieurs reprises référence à l’intention du gouvernement de «regarder en face» son passé et ne pas se soustraire à sa «responsabilité morale».

Dans son observation de 2001, la commission avait noté que l’un des procès en instance avait trouvé un règlement en vertu duquel l’entreprise Kajima avait accepté de créer un fonds de 500 millions de yen (environ 4,5 millions de dollars) pour indemniser les survivants et les membres des familles de travailleurs chinois décédés pendant la guerre dans sa mine de cuivre de Hanaoka. Ce fonds devait être administré par la Croix-Rouge chinoise. La commission avait prié le gouvernement de lui fournir un complément d’information sur cette affaire et ses incidences sur les actions en justice intentées contre d’autres entreprises, dans le même contexte.

La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il n’est pas en mesure de donner à la commission des informations précises sur l’affaire Hanaoka car il s’agit d’un procès de droit civil intenté par des ressortissants chinois contre une entreprise privée et parce que certaines affaires de la même nature sont actuellement en instance devant les tribunaux japonais. Le gouvernement indique que, dans le cadre du règlement susmentionné, l’entreprise défenderesse ne s’est pas vu imposer l’obligation légale de formuler des excuses ou d’accorder une réparation.

La commission prend note des commentaires du Conseil local des syndicats de Tokyo indiquant que l’application de ce règlement est en cours. Kajima a créé le Fonds de réconciliation de Hanaoka, qu’elle a doté d’un demi-million de yen. Le conseil note que, le 26 mars 2001, le comité exécutif du fonds a tenu sa première réunion au siège de la Croix-Rouge chinoise à Beijing, que le 27 septembre 2001 les premiers fonds ont été remis à 21 survivants, et que le 15 décembre 2001 une cérémonie similaire a eu lieu au cours de laquelle des fonds ont été remis à 40 membres de familles endeuillées.

Le Conseil local des syndicats de Tokyo mentionne trois jugements rendus récemment par des tribunaux de district à propos de l’indemnisation des victimes de travail forcé pendant la guerre. Deux jugements mettent en cause le gouvernement: celui qui a été rendu le 12 juillet 2001 par la Cour de district de Tokyo dans l’affaire Liu Lianren et celui qui a été rendu le 23 août 2001 par la Cour de district de Kyoto dans l’affaire Ukishima-Maru. Le troisième a été prononcé contre une entreprise privée, le 26 avril 2002, par la Cour de district de Fukuoka.

Selon le conseil, les jugements prononcés dans les affaires Liu Lianren et Ukishima-Maru peuvent être considérés comme de grandes victoires. Il fait observer que, bien que les tribunaux n’aient pas imputé directement la responsabilité du gouvernement à la politique de celui-ci et à sa pratique de l’enrôlement forcé en temps de guerre, ils ont néanmoins considéré que le gouvernement avait le devoir de venir en aide aux travailleurs chinois qui ont été victimes de cette politique, de les protéger et de faciliter leur rapatriement. En outre, ils ont condamné le gouvernement à verser réparation pour avoir manquéà ses obligations par négligence. Le conseil indique que le gouvernement à fait appel de ces décisions en invoquant la loi sur la prescription et d’autres points de procédure. A ses yeux, le gouvernement essaie de se soustraire à ses obligations en s’abritant derrière toutes sortes d’arguties juridiques. Le conseil ajoute que le gouvernement continue à opposer une fin de non-recevoir à toutes plaintes et revendications liées au travail forcé.

Dans sa réponse, le gouvernement indique que, du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, cinq décisions ont été rendues par des Hautes Cours et deux par des Cours de district dans des affaires relatives à des demandes d’indemnisation du gouvernement pour sa politique de travail forcé dans l’industrie pendant la guerre, et que dans chacune de ces affaires les demandeurs ont été déboutés. Il considère par conséquent que les deux décisions favorables mentionnées dans les commentaires du Conseil local des syndicats de Tokyo «sont tout à fait exceptionnelles» et «ne devraient pas être surestimées». Il précise qu’il n’est pas responsable des actions en réparation et qu’il a fait appel des deux jugements devant la Haute Cour. Le gouvernement indique en outre que les plaintes des ressortissants chinois et coréens ayant été réglées en droit par les traités de paix et les accords bilatéraux conclus après la guerre, auxquels le gouvernement du Japon est partie, les jugements des Cours de district dans les affaires Liu Lianren et Ukishima-Maru se fondent sur une interprétation erronée du règlement obtenu en vertu de ces traités et sont tout à fait inappropriés.

La commission prend note du jugement de la Cour de district de Fukuoka, rendu le 26 avril 2002, dans lequel ce tribunal, tout en rejetant la plainte déposée contre le gouvernement, a condamné la société des mines de Mitsui à verser des dommages-intérêts de 11 millions de yen à chacun des 15 travailleurs chinois pour avoir, en concertation avec le gouvernement, enrôlé de force les demandeurs et les avoir contraints au travail forcé pendant la guerre. Dans ses commentaires, le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique indique que cette affaire est la première dans laquelle un tribunal a ordonné le versement de dommages-intérêts pour l’exaction de travail forcé et le recrutement forcé pendant la seconde guerre mondiale. Il pense que le tribunal s’est appuyé sur l’article 5 du Communiqué conjoint de 1972 des gouvernements du Japon et de la République populaire de Chine ainsi que sur le Traité de paix et d’amitié entre les deux gouvernements, par lequel la Chine a renoncéà exiger des réparations de guerre. Le tribunal s’est également appuyé sur le fait que, lors de la conclusion du Traité de paix de San Francisco en 1951, le gouvernement chinois a affirmé que les citoyens chinois pouvaient intenter des actions individuellement ainsi que sur une déclaration officielle faite en mars 1995 par Qian Qichen, alors Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, selon laquelle le gouvernement chinois avait renoncé aux réparations de guerre seulement en tant qu’Etat et non à celles des citoyens chinois à titre individuel. Tenant compte de ces faits, le tribunal a considéré qu’il était impossible d’affirmer que, du point de vue juridique, les revendications des citoyens chinois à titre individuel avaient été définitivement abandonnées et a conclu que la demande d’indemnisation du demandeur n’avait pas été annulée par le Communiqué conjoint et le Traité de paix et d’amitié entre les deux pays.

A propos du jugement de la Cour de district de Fukuoka, le gouvernement fait observer que ce tribunal a rejeté la plainte contre le gouvernement et conclu qu’il n’était pas certain, sur le plan juridique, que les demandes d’indemnisation des citoyens chinois pour torts causés pendant la guerre entre le Japon et la Chine, aient été annulées par le Communiqué conjoint des deux gouvernements. Il ajoute que le tribunal s’est fondé sur des informations triviales et erronées fournies par les demandeurs sans prendre en considération l’avis du gouvernement japonais et du gouvernement de la République populaire de Chine à propos du Communiqué conjoint. Le gouvernement note que la société des mines de Mitsui a fait appel de ce jugement devant la Haute Cour de Fukuoka qui examine actuellement l’affaire. A propos de l’observation du tribunal, selon laquelle, en mars 1995, Qian Qichen, alors Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, avait publiquement déclaré que le gouvernement avait renoncé aux réparations de guerre au nom de l’Etat mais pas au nom des citoyens chinois à titre individuel, le gouvernement indique que ces propos n’ont été repris que par les médias et n’ont pas été confirmés par le gouvernement de la République populaire de Chine. Le gouvernement cite ensuite trois autres remarques de responsables chinois reprises dans les médias, qui semblent dire le contraire de celle faite en mars 1995 par Qian Qichen.

La commission note la référence faite par le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique au projet de loi de 2001 sur la justice pour les prisonniers de guerre des Etats-Unis (H.R.1198 -«Projet Rohrabacher»), soumis au 107e Congrès des Etats-Unis, à savoir le 22 mars 2001 à la Chambre et le 29 juin 2001 au Sénat, dont le but est d’ouvrir certaines voies de recours contre des ressortissants japonais devant les tribunaux fédéraux aux membres des forces armées des Etats-Unis ayant été fait prisonniers de guerre par le Japon pendant la seconde guerre mondiale pour obtenir réparation de mauvais traitements ou du non-paiement de salaires de travaux accomplis au Japon au profit de ressortissants japonais. L’article 3(a)(1) stipule que les tribunaux ne doivent pas interpréter l’article 14(b) du Traité de paix comme une annulation par les Etats-Unis des demandes faites par des ressortissants des Etats-Unis contre des ressortissants japonais, annulation qui aurait pour effet de rendre de telles actions en justice impossibles. La commission note que, pour le syndicat, le projet Rohrabacher est l’expression d’un ralliement à l’idée que le Traité de paix de San Francisco ne devrait pas faire obstacle à des actions en justice individuelles recherchant une réparation pour travaux forcés.

Dans sa réponse, le gouvernement déclare que le projet de loi Rohrabacher soulève de graves difficultés parce que, s’il était adopté, il modifierait rétroactivement le Traité de paix. En outre, le gouvernement des Etats-Unis s’est vigoureusement opposéà ce projet de loi qui violerait l’obligation stipulée dans le Traité de paix de San Francisco et altérerait les relations entre le Japon et les Etats-Unis.

Conclusions finales sur le travail forcé
dans l’industrie en temps de guerre

Comme pour les victimes de l’esclavage sexuel en temps de guerre, la commission indique qu’elle n’est pas habilitée à statuer sur les effets juridiques des traités bilatéraux et multilatéraux. La commission s’en tient à la même approche, à savoir qu’elle prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur l’issue des affaires Liu Lianren, Ukishima-Maru et de celles qui sont en instance devant la Cour de district de Fukuoka, de toute autre décision de justice connexe et de toute initiative législative ou gouvernementale. La Commission de la Conférence pourrait considérer s’il y a lieu de procéder à l’examen de la question sur une base tripartite.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

«Femmes de réconfort» et travail forcé dans
les industries du temps de la guerre

1. A la suite de ses observations précédentes sur l’application de la convention, la commission a pris note d’une communication du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique que le BIT a reçue le 6 juin 2001 et dont copie a été transmise au gouvernement le 26 juin 2001, ainsi que d’une lettre du gouvernement en date du 9 octobre 2001 dans laquelle le gouvernement se réfère à ses vues à propos de la communication du syndicat susmentionné.

2. La commission note que, dans sa communication de juin 2001, le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique indique que, à propos des indemnisations liées à la guerre, la position du gouvernement est qu’un traité avait mis un terme au droit de demander des indemnisations et au droit de protection diplomatique au niveau de l’Etat, mais non au droit de particuliers de recevoir des indemnités. Le gouvernement, selon ce qu’indique le syndicat susmentionné, aurait réaffirmé cette position à maintes reprises, comme il ressort des exemples suivants, cités dans les termes de la communication du syndicat.

Etant donné que le Japon n’a pas eu de relations diplomatiques avec la République de Corée (Corée du Sud) et la République populaire de Chine pendant une longue période après la fin de la seconde guerre mondiale, il était virtuellement impossible pour des victimes individuelles dans ces pays d’obtenir réparation et versement des salaires que leur devaient le Japon et des entreprises japonaises. Quant à la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), le Japon n’a toujours pas établi de relations bilatérales normales.

En 1992, le gouvernement japonais, pour la première fois, a reconnu que ces victimes individuelles avaient toujours le droit de demander réparation. Shunji Yanai, alors chef du bureau des Traités du ministère des Affaires étrangères, a déclaré le 27 août devant la commission budgétaire de la Chambre haute que le Traité fondamental de 1965 entre le Japon et la Corée du Sud ne privait pas les victimes individuelles en question du droit de demander réparation au regard de l’ordre juridique national. «Le traité empêche seulement les gouvernements du Japon et de la Corée du Sud de se saisir des questions dans l’exercice de leurs droits diplomatiques», avait déclaré Yanai à cette occasion. La volte-face du gouvernement avait incité de nombreuses victimes à saisir des tribunaux japonais.

Autrement dit, le gouvernement japonais, depuis dix ans, reconnaît que le droit de particuliers de demander réparation n’est pas affecté par le traité susmentionné. Avant la déclaration de Yanai, le gouvernement avait formulé deux déclarations qui allaient dans ce sens:

1. Déclaration du gouvernement japonais lors de l’action en justice de victimes de bombes atomiques (jugement final de 1963).

«5. Renonciation au droit d’obtenir réparation aux termes du Traité de paix avec le Japon.

Le paragraphe a) de l’article 19 du Traité de San Francisco ne signifie pas que le Japon ait renoncé au droit de ressortissants individuels japonais de demander à Truman ou aux Etats-Unis d’Amérique réparation pour les dommages causés.»

(L’article 19, paragraphe a), du Traité de paix avec le Japon, signéà San Francisco le 8 septembre 1951, est cité dans la communication du syndicat dans la version anglaise des termes suivants:)

Article 19

  a) Le Japon renonce, en son nom propre et au nom de ses ressortissants, à toute réclamation contre les Puissances Alliées et leurs ressortissants provenant de la guerre ou de mesures prises par les Puissances Alliées du fait de l’existence d’un état de guerre, et il renonce à toute réclamation fondée sur la présence, les opérations et les actes des forces armées ou des autorités de l’une quelconque des Puissances Alliées sur le territoire japonais avant l’entrée en vigueur du présent Traité.

2. Déclaration du gouvernement lors de l’action en justice en vue de l’indemnisation des prisonniers de Sibérie (jugement final de 1989).

«3. Renonciation au droit d’obtenir réparation, clause 6, point 2, déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique.

Le plaignant insiste sur le fait que le Japon a renoncéà toute réclamation contre l’Union soviétique en droit ou sur le fond, aux termes de la déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique. Toutefois, le droit auquel le Japon a renoncé en vertu de la clause 6, point 2, de la déclaration concerne les revendications et le droit de protection diplomatique que possédait l’Etat du Japon, et non pas les revendications de ressortissants individuels japonais. Par droit de protection diplomatique, il faut entendre le droit reconnu à l’échelle internationale d’un pays d’évoquer la responsabilité d’un pays étranger pour les dommages que le peuple japonais a subis dans un territoire étranger à la suite de la violation par ce pays étranger du droit international.

Comme indiqué précédemment, le Japon n’a, en vertu de la déclaration conjointe du Japon et de l’Union soviétique, renoncéà aucun droit appartenant à des ressortissants individuels japonais.»

Dans sa communication de juin 2001, le Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique a en outre fourni des informations et commentaires sur le règlement de l’affaire Hanaoka, à laquelle la commission s’était référée au point 12 de son observation précédente.

3. Dans sa lettre en date du 9 octobre 2001, le gouvernement se réfère à ses vues à propos de la communication du 6 juin 2001 du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique dans les termes suivants:

Le gouvernement japonais s’efforce actuellement de préparer ses commentaires sur les questions soulevées et souhaite exprimer son intention de les soumettre à l’OIT avant la session de 2002 de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Cela est dû au fait que le gouvernement a besoin de plus de temps pour lui permettre de réunir les informations sur la base desquelles il examinera la question.

La commission prend bonne note de ces indications. Dans son observation précédente, elle avait noté qu’il y avait encore de nombreuses plaintes, d’anciens prisonniers et autres personnes, en instance devant différentes juridictions et que, étant donné l’âge des victimes et le fait que le temps passe vite, la commission avait espéré que le gouvernement serait en mesure de répondre aux plaintes de ces personnes d’une manière satisfaisante. Une année plus tard, la commission espère que le gouvernement sera en mesure d’apporter des données à la 90e session de la Conférence en 2002, tant pour ce qui est de ses commentaires sur les questions soulevées dans la communication du Syndicat japonais des travailleurs des chantiers navals et de la construction mécanique, qu’en ce qui concerne les mesures prises pour donner suite aux plaintes des «femmes de réconfort» et des victimes de travail forcé dans les industries du temps de la guerre.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

1. La commission rappelle que, lors de plusieurs sessions récentes, elle a examiné l’application de la convention à deux situations qui ont eu lieu pendant la seconde guerre mondiale, à savoir celle des «femmes de réconfort» et celle du travail forcé dans des industries. La commission note que, depuis son dernier examen de ces situations, le BIT a continué de recevoir une correspondance importante d’organisations de travailleurs demandant que la commission poursuive son examen de ces cas, ainsi que des réponses circonstanciées du gouvernement rappelant les raisons pour lesquelles il estime que ces questions sont closes.

2. Dans son rapport, le gouvernement déclare qu’il a indiqué dès le début que le Japon a déjà réglé avec les gouvernements intéressés les questions relatives aux réparations, aux biens et aux revendications ayant trait à la dernière guerre mondiale, et que les questions que la commission d’experts a soulevées relèvent de celles qui ont été réglées. Par conséquent, le gouvernement du Japon considère que l’OIT ne devrait plus les examiner. A cet égard, le gouvernement se réfère au Traité de paix de San Francisco, aux traités de paix bilatéraux et aux autres traités et accords conclus entre le Japon et l’Indonésie, la Chine, la République de Corée et les Etats-Unis qui, tous, comportent des dispositions en vertu desquelles sont exclues les actions individuelles en justice contre le Japon qui émanent de citoyens de ces pays. Le gouvernement indique également qu’il a exprimé formellement et à plusieurs reprises ses regrets et versé des sommes importantes à plusieurs des pays concernés à des fins d’aide au développement. Le gouvernement ajoute que, à l’évidence, … ces questions ne font pas partie des sujets d’actualité que l’OIT examine. Le gouvernement du Japon exprime donc fermement l’espoir que la commission d’experts se saisira de ces questions et en délibérera pour la dernière fois. Le gouvernement fait également mention des commentaires de la Confédération japonaise des syndicats (JTUC-RENGO), communiqués dans une lettre en date du 20 octobre 2000, qui indiquent que la Confédération soutient le rapport du gouvernement du Japon et insiste également avec force qu’il serait bon que la commission cesse de délibérer sur ces cas.

3. La commission reconnaît que, au regard du droit, le gouvernement a raison de déclarer que des questions relatives aux réparations ont été réglées par voie de traité. Toutefois, elle estime qu’il importe de continuer d’examiner les commentaires abondants des syndicats à ce sujet et l’évolution du traitement des demandes de réparation, et de fournir des informations sur la manière dont le gouvernement considère ces questions. Elle espère qu’il ne sera plus nécessaire, lors de ces prochaines sessions, de revenir sur ces questions.

4. La commission note que, outre les observations des organisations de travailleurs qu’elle examine plus loin, elle en a reçu du Conseil local de Tokyo des syndicats - Tokyo-Chihyo, dans une lettre du 1er novembre 2000. Cette communication a été adressée au gouvernement pour qu’il puisse, s’il le souhaite, s’exprimer à ce sujet, et elle sera examinée dès que le gouvernement aura présenté ses commentaires.

I.  «Femmes de réconfort» en temps de guerre

5. Dans ses observations précédentes, la commission avait pris note des violations flagrantes des droits de l’homme et des abus sexuels perpétrés à l’encontre des femmes détenues dans les garnisons militaires appelées «comfort stations», durant les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et pendant celle-ci. Ces femmes avaient été forcées de fournir des services sexuels aux militaires. La commission avait considéré que cette situation violait les exigences de la convention et que des abus aussi intolérables devaient donner lieu à des réparations appropriées, même si elle n’était pas habilitée à prescrire des réparations. La commission avait déclaré que ces réparations ne pouvaient être allouées que par le gouvernement en tant qu’entité responsable aux termes de la convention et elle avait exprimé l’espoir que, compte tenu du temps qui s’était écoulé depuis ces événements, le gouvernement accorderait toute l’attention et la diligence voulue à cette question. La commission note que les délégués travailleurs de la Commission de l’application des normes de la Conférence ont déclaré en 1998 que, si le cas ne devait pas être examiné de manière approfondie par la Commission de la Conférence, ils espéraient que le gouvernement rencontrerait les syndicats et les organisations représentatives des femmes concernées, ainsi que d’autres gouvernements, afin de trouver une solution effective aux attentes de la majorité des victimes.

6. La commission avait également noté dans ses observations précédentes le point de vue du gouvernement selon lequel, alors qu’il n’était pas directement tenu de verser une réparation à ces femmes, il avait accordé son plus grand soutien au «Fonds des femmes asiennes» lequel a étéétabli en 1995 pour que le peuple japonais puisse faire amende et pour allouer des fonds aux femmes concernées. La commission avait également noté l’indication du gouvernement selon laquelle il avait apporté une assistance médicale et sociale considérable, financée sur fonds publics, aux pays où ces victimes vivent. Les organisations qui ont demandé que le Japon prenne d’autres mesures ont estimé que le Fonds des femmes asiennes n’est pas une réponse suffisante, que le gouvernement n’a pas versé directement de réparation aux victimes et qu’aucune excuse fondée sur la reconnaissance de sa responsabilité légale à l’égard des victimes n’a été présentée. Les organisations ont fait observer que la plupart des femmes concernées se sont abstenues d’avoir recours à l’aide du fonds, bien que le gouvernement ait fait mention de quelque 170 cas dans lesquels une aide de ce fonds a été acceptée.

7. D’autres commentaires émanant de plusieurs organisations de travailleurs ont été reçus à propos de cette question. La Fédération des syndicats de Corée et la Confédération des syndicats de Corée, dans une lettre du 8 septembre 2000, ont présenté des informations sur l’examen de la question de l’esclavage sexuel en temps de guerre par la Sous-commission de l’ONU de la promotion et de la protection des droits de l’homme, en particulier le rapport de Mme Gay McDougall, Rapporteur spécial sur le viol systématique, l’esclavage sexuel et les pratiques analogues à l’esclavage en période de conflit armé (doc. E/CN.4/Sub.2/2000/21), et la résolution sur le même sujet que la sous-commission a adoptée en 2000 (des références analogues ont été faites par d’autres organisations mais elles ne sont pas reproduites ici). Le gouvernement a fait observer que, s’il est vrai que le rapport porte en partie sur le Japon, la résolution ne fait pas mention du Japon mais de situations actuelles et plus récentes. La commission prend note toutefois de l’opinion qui a été exprimée dans la résolution concernant un rapport antérieur du Rapporteur spécial selon laquelle les droits et obligations des Etats et des particuliers dont il est fait mention dans la résolution ne peuvent pas, au regard du droit international, être abolis par voie de traité, d’accord de paix, d’amnistie ou de toute autre manière (doc. E/CN.4/Sub.2/RES/1999/16).

8. Les deux syndicats susmentionnés indiquent également que des tribunaux japonais sont en train d’examiner huit cas dans lesquels des «femmes de réconfort» en temps de guerre demandent réparation et des excuses formelles au gouvernement. Celui-ci a indiqué, comme l’a observé la commission dans son commentaire précédent, qu’en avril 1998 le Tribunal de première instance du district de Yamaguchi, département de Shimonoseki (le premier des trois niveaux de juridiction), a condamné le gouvernement à verser une réparation financière aux trois plaignants qui avaient intenté des poursuites judiciaires au Japon, et à une réparation de l’Etat pour n’avoir pas adopté la législation nécessaire, mais que cette décision a fait en mai 1998 l’objet d’un appel au Tribunal supérieur de Hiroshima et se trouve encore à l’examen. Le gouvernement indique que l’argumentation qui sous-tend la première décision a été rejetée par le Tribunal supérieur de Tokyo dans une autre affaire en août 1999. Dans trois des cas mentionnés par les deux syndicats qui sont en instance devant des tribunaux supérieurs, les tribunaux de première instance ont décidé en faveur de l’Etat; les cinq autres sont encore à l’examen devant les tribunaux de district. La commission prie le gouvernement de continuer à faire rapport sur les développements concernant ces actions en justice.

9. Dans une autre communication, la Fédération syndicale néerlandaise (FNV) a soumis, par lettre du 23 novembre 1999, une documentation qui lui avait été fournie par la «Fondation des dettes d’honneur japonaises». Le gouvernement a mis en doute la validité de cette communication du fait que l’information n’avait pas son origine auprès de l’organisation syndicale; mais la commission rappelle qu’elle a toujours estimé que l’information fournie par des syndicats dans ces circonstances rentre dans le cadre de sa pratique en traitant les commentaires des travailleurs et des employeurs. La communication de la FNV indique que le Japon n’a pas fourni de réparation aux femmes de nationalité néerlandaise qui ont été contraintes de devenir des «femmes de réconfort». Le gouvernement a indiqué dans sa réponse que, du fait que l’identification des «femmes de réconfort» du temps de guerre dans les Pays-Bas n’a pas été effectuée par les autorités néerlandaises, le gouvernement du Japon et le Fonds des femmes asiennes, «en consultation avec les personnes néerlandaises concernées», ont exploré des projets à mettre en œuvre aux Pays-Bas, qui comprendraient, par exemple, la fourniture de biens et de services dans les domaines médical et social. Le gouvernement se réfère également à des expressions d’appréciation de ces mesures formulées par le Premier ministre des Pays-Bas lors de la Conférence au sommet entre le Japon et les Pays-Bas, le 21 février 2000.

10. La commission note qu’un nombre considérable de plaintes et actions en justice sont encore en instance. Compte tenu du fait que nombreuses sont les plaignantes qui ne considèrent pas une réparation de la part du Fonds des femmes asiennes comme acceptable, la commission espère que le gouvernement trouvera une autre voie, en consultation avec les plaignants et les organisations qui les représentent, pour verser une réparation aux victimes avant qu’il ne soit trop tard, d’une manière qui répond à leurs attentes.

II.  Travail forcé en temps de guerre dans les industries

11. Dans ce cas également, la commission a précédemment conclu que la conscription forcée de milliers de personnes originaires d’autres pays asiatiques pour travailler dans des usines japonaises du temps de guerre était contraire à la convention. Le gouvernement indique dans sa réponse que toutes les revendications ont été réglées par les traités conclus après la seconde guerre mondiale et par le fait qu’il a exprimé des regrets formels et que, par conséquent, aucune autre revendication individuelle n’est recevable. Le gouvernement a des relations suivies avec plusieurs gouvernements à cet égard, entre autres ceux de la Chine, de l’Indonésie, de la République de Corée et des Etats-Unis. Le gouvernement indique que, dans ce cas également, des actions en justice sont en cours au Japon, et que sept plaintes déposées par des citoyens coréens et sept autres par des citoyens chinois sont en instance devant les tribunaux. Dans deux des cas concernant des citoyens coréens et deux soulevés par des citoyens chinois, les tribunaux inférieurs se sont prononcés en faveur du gouvernement et des appels sont en instance; les dix autres sont encore à l’examen des tribunaux de districts. Trois autres cas soulevés par des citoyens coréens ont été réglés à l’amiable sans que les entreprises concernées aient reconnu une responsabilité juridique relative à la conscription de ces personnes.

12. La commission croit comprendre toutefois que, pendant sa session, on est parvenu à un accord à propos d’une des plaintes qui étaient en instance; en vertu de cet accord l’entreprise Kajima a accepté de créer un fonds de 500 millions de yen (environ 4,5 millions de dollars) pour verser réparation aux survivants et membres des familles de travailleurs chinois conscrits qui sont décédés pendant la guerre dans la mine de cuivre de Hanaoka, fonds qui devra être administré par la Croix-Rouge chinoise. La commission prie le gouvernement de lui fournir un complément d’information à propos de ce cas et de ses incidences sur les actions en justice comparables intentées contre d’autres entreprises.

13. La commission note que les deux syndicats coréens qui ont soumis des commentaires ont comparé la réponse du gouvernement et des entreprises japonaises à celles des gouvernements et des entreprises d’Europe et d’Amérique du Nord à qui il avait été demandé d’indemniser des anciens travailleurs asservis pendant la guerre. Le gouvernement indique qu’il est difficile et inapproprié de simplement comparer et évaluer des mesures prises par des pays différents, étant donné que le contexte historique, social et économique est différent aussi. Il note par exemple que l’Allemagne n’a conclu aucun traité couvrant de manière exhaustive les questions d’indemnisation, de biens et de revendications puisqu’elle a été divisée en deux pays après la guerre.

14. Le Conseil régional de Kanto du Syndicat japonais des chantiers navals et de la construction mécanique a fait parvenir des commentaires dans une lettre du 1er octobre 1999 qui fait mention des mesures que l’Etat de Californie (Etats-Unis) a prises. Il indique que cet Etat a adopté en juin 1999 une loi qui a repoussé les délais dans lesquels des victimes de travail forcé pendant la seconde guerre mondiale peuvent déposer plainte pour ce motif. En réponse, le gouvernement indique que le Japon et les Etats-Unis conviennent pleinement qu’ils ont déjà réglé les questions en cause dans le Traité de paix de San Francisco. Le gouvernement fait observer que plusieurs anciens prisonniers de guerre originaires des Etats-Unis avaient intenté des actions en justice contre des entreprises japonaises et leurs filiales aux Etats-Unis mais que, le 21 septembre 2000, le Tribunal de district de la Division de San Francisco (district du Nord de la Californie) a rejeté ces plaintes au motif que, en vertu du traité de paix susmentionné, il ne pouvait être donné suite aux demandes d’indemnisation que les Etats-Unis ou ses citoyens formuleraient à l’encontre du Japon. D’autres procédures judiciaires sont en cours mais elles n’ont pas encore été tranchées. La commission a également été informée d’autres poursuites en cours aux Etats-Unis sur ce point mais elle n’a pas eu connaissance de leur issue. Le Syndicat de la construction mécanique a toutefois indiqué que certaines des plaintes intentées contre des entreprises au Japon qui ont bénéficié du travail forcé en temps de guerre (ou qui sont les successeurs de telles entreprises) ont débouché sur des règlements de la part des entreprises, sans qu’il y ait eu reconnaissance de responsabilité.

15. En ce qui concerne les plaintes émanant de survivants indonésiens qui avaient été soumis au travail forcé en Thaïlande et au Myanmar, le gouvernement réitère que cette question a été réglée en vertu d’un Traité global de paix avec le gouvernement de l’Indonésie. Il existe également des indications selon lesquelles plus de 8 000 enfants originaires de Taïwan ont été soumis au travail forcé dans des usines japonaises d’avions de chasse lorsque Taïwan était placé sous l’autorité du Japon. A ce sujet, le gouvernement indique que lui et les autorités de Taïwan étaient sur le point de traiter les questions relatives aux biens et aux plaintes mais qu’il lui a été impossible de le faire après la normalisation de ses relations avec la République populaire de Chine. Le gouvernement a indiqué que, en vertu d’une législation spécifique, il a versé des sommes de «condoléances» aux Taïwanais qui avaient été soldats ou travailleurs civils dans l’armée japonaise.

16. Au vu des informations susmentionnées, il est manifeste que de nombreux anciens prisonniers et autres personnes estiment encore qu’ils n’ont pas été indemnisés de manière appropriée en vertu des accords internationaux de paix et des autres arrangements existants, et que plusieurs cas sont en instance devant différentes juridictions. Etant donné l’âge des victimes et le fait que le temps passe vite, la commission exprime de nouveau l’espoir que le gouvernement sera en mesure de répondre aux plaintes de ces personnes d’une manière qui soit satisfaisante tant pour les victimes que pour lui.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

1. La commission note le rapport du gouvernement en réponse à ses commentaires antérieurs ainsi que plusieurs observations présentées par des organisations de travailleurs. Les questions soulevées dans ces commentaires et examinées par le gouvernement se rapportent à deux points principaux qui sont traités séparément ci-dessous.

I. Femmes détenues pendant la guerre dans les "comfort stations"

2. Dans ses observations antérieures, la commission avait noté les observations présentées par l'Osaka Fu Special English Teachers' Union (OFSET), se rapportant à des allégations de violations flagrantes des droits de l'homme et à des abus sexuels à l'encontre des femmes détenues dans les garnisons militaires appelées "comfort stations", durant les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et durant celle-ci. Les femmes détenues avaient été forcées de fournir des services sexuels aux militaires. La commission avait considéré que cette situation violait les exigences de la convention et que des abus aussi intolérables devaient donner lieu à des réparations pécuniaires mais qu'elle n'était pas habilitée à prescrire des réparations. La commission avait également déclaré que ces réparations ne peuvent être allouées que par le gouvernement et elle avait exprimé l'espoir que, compte tenu du temps qui s'était écoulé depuis ces événements, le gouvernement accorderait toute l'attention et la diligence voulues à cette question.

3. Dans sa dernière observation adoptée à sa session de 1996, la commission avait noté le point de vue du gouvernement selon lequel, indépendamment de la question de savoir s'il y a eu ou non une violation de la convention, il s'est sincèrement acquitté de ses obligations selon les accords internationaux applicables, et que de ce fait les questions ont été réglées en droit entre le Japon et les autres parties à ces accords. Le gouvernement avait indiqué qu'il a exprimé ses excuses et regrets à cet égard et qu'il a accordé son plus grand soutien au "Fonds des femmes asiennes" qui a été établi en 1995 afin de réaliser la réparation que le peuple japonais fournit aux femmes qui avaient été détenues pendant la guerre dans des "comfort stations" et pour leur verser des réparations pécuniaires. La commission avait pris note des informations détaillées fournies par le gouvernement, y compris qu'il assumait l'intégralité des frais opérationnels du "Fonds des femmes asiennes", de même qu'une assistance médicale et sociale s'appuyant sur les moyens du gouvernement. La commission avait exprimé qu'elle voulait croire que le gouvernement continuerait d'assumer sa responsabilité pour les mesures nécessaires pour répondre aux attentes des victimes et avait demandé des informations sur ce que le gouvernement aurait entrepris.

4. L'une des organisations de travailleurs, l'OFSET, a présenté les éléments suivants dans une lettre du 14 octobre 1998 accompagnée d'annexes. Le syndicat déclare que le problème reste fondamentalement inchangé, qu'aucune réparation n'a été versée par le gouvernement et qu'aucune excuse n'a été présentée, qui aurait été fondée sur une responsabilité en droit à l'égard des victimes. Le syndicat a fourni des informations tendant à montrer que la majorité des femmes coréennes, taiwanaises, indonésiennes et philippines ont refusé l'argent du Fonds, au motif que ces sommes ne constituaient pas des réparations au nom du gouvernement, mais provenaient de donations faites par des organismes privés. Le syndicat a également indiqué que les cinq femmes philippines qui ont accepté les versements du Fonds ont refusé la lettre d'excuse envoyée par le Premier ministre et l'ont renvoyée au motif qu'elle n'établissait pas que le gouvernement reconnaissait officiellement qu'il avait à répondre des abus perpétrés contre elles par les militaires. Le syndicat fournit en outre des informations sur les versements opérés par les gouvernements de Corée du Sud et de Taiwan dans leur propre pays aux femmes qui avaient refusé l'argent du Fonds. La Confédération coréenne des syndicats fait valoir des points similaires dans une communication en date du 31 juillet 1998, accompagnée d'annexes. Le syndicat a déclaré que le gouvernement n'avait pas encore pris de véritables mesures, puisqu'il n'a pas modifié son argumentation selon laquelle la question de l'esclavage sexuel militaire aurait été réglée en droit entre le Japon et les pays asiatiques victimes de la situation. Le syndicat a mentionné l'importance accordée à la question par la présente commission, par les Nations Unies et d'autres organismes. Il a noté que, bien que quelques femmes aient accepté de l'argent de la part du Fonds, la plupart l'avaient refusé comme étant de l'argent alloué par "sympathie" et non une réparation en droit.

5. La commission a reçu copie d'un jugement du 27 avril 1997 du Tribunal de première instance de Yamaguchi, Département de Shimoneshi, Section I. L'affaire concerne une des cinquante actions intentées devant les tribunaux japonais. Le juge a condamné le gouvernement à verser la somme de 300 000 yen plus les intérêts à trois requérantes sud-coréennes qui avaient été détenues dans les "comfort stations". Le jugement se fondait partiellement sur la présente convention et à titre principal sur le défaut du gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires dès lors que les manquements constatés relevaient des droits fondamentaux de l'homme. Des réparations ont été ordonnées en application de la loi sur la responsabilité des dommages occasionnés par l'Etat.

6. La Confédération coréenne des syndicats a noté que la réparation allouée était peu importante. Elle a indiqué également que le gouvernement a interjeté appel contre la décision auprès d'un tribunal de niveau supérieur, que l'épuisement des procédures pouvait prendre de 10 à 20 ans et que les femmes concernées avaient déjà atteint un âge avancé.

7. Dans son rapport, le gouvernement rappelle son rôle dans l'établissement du Fonds des femmes asiennes. Il indique qu'aux Philippines, en République de Corée et à Taiwan, environ 85 à 90 femmes ont reçu "l'argent du pardon" du Fonds et que certaines d'entre elles avaient exprimé leur gratitude de diverses façons. Le gouvernement indique en outre que les femmes à qui cet argent a été alloué reçoivent également une lettre d'excuses du Premier ministre. Le gouvernement déclare que plus de 483 millions de yen on été donnés au Fonds avec le soutien d'individus, d'entreprises, de syndicats, etc. En mars 1997, le Fonds a commencé à fournir une subvention pour des installations destinées aux personnes âgées en Indonésie, en priorité pour les personnes déclarant qu'elles ont été détenues dans les "comfort stations" -- en raison des difficultés du gouvernement d'Indonésie à identifier les personnes concernées. Le gouvernement a conclu un accord avec un groupe non gouvernemental des Pays-Bas pour un projet visant à contribuer à l'amélioration des conditions de vie des personnes qui ont subi des traumatismes physiques et psychologiques incurables pendant la guerre. Le gouvernement fait également état d'efforts pour mieux faire connaître les faits historiques dans le cadre de l'enseignement scolaire, et expose des mesures visant à traiter les questions contemporaines en rapport avec l'honneur et la dignité de la femme. Le gouvernement n'a fourni aucune information sur la décision judiciaire mentionnée ci-dessus.

8. L'observation envoyée par la Confédération des syndicats japonais (JTUC-RENGO) ajoute, en ce qui concerne les femmes coréennes détenues dans les "comfort stations", que le gouvernement de la République de Corée a commencé à leur verser des allocations de soutien à condition qu'elles ne reçoivent pas de dons du Fonds des femmes asiennes ou, si elles en ont reçu, à condition qu'elles les renvoient. Selon RENGO, "le règlement de cette histoire tragique est dans les mains des gouvernements du Japon et de Corée" et espère que "le dialogue conduira au règlement définitif du problème".

9. La commission note ces informations détaillées. Elle note en outre le rapport des Nations Unies (UN doc. E/CN.4/Sub.2/1998/13, 22 juin 1998) sur le viol systématique, l'esclavage sexuel et les pratiques analogues en période de conflits armés. La Rapporteuse spéciale a étudié, entre autres, la situation des femmes détenues dans les "comfort stations" et la responsabilité qui revient au gouvernement japonais. La commission veut croire à nouveau que le gouvernement prendra ses responsabilités pour que les mesures nécessaires soient prises afin de répondre à l'attente des victimes. Le refus de la plupart des femmes concernées d'accepter l'argent du Fonds des femmes asiennes parce qu'elles ne le considèrent pas comme une réparation au nom du gouvernement; le rejet par certaines de la lettre envoyée par le Premier ministre au petit nombre de femmes qui ont accepté l'argent du Fonds, parce que cette lettre ne démontre pas que le gouvernement reconnaît sa responsabilité; ces attitudes tendent à montrer qu'il n'a pas été répondu aux attentes de la majorité des victimes. La commission prie instamment le gouvernement de prendre action avec diligence, de donner réponse sur les mesures prises en exécution du jugement du tribunal et de donner des informations sur toute autre mesure visant à indemniser les victimes. L'urgence augmente avec le passage des ans.

II. Travail forcé de guerre dans les industries

10. La commission a reçu des observations de deux syndicats, le Kanto Regional Council, All Japan Shipbuilding and Engineering Union (en septembre et décembre 1997 et mars 1998) ainsi que le Tokyo Local Council of Trade Unions (Tokyo-Chiyo) (en août et décembre 1998). Ces communications font état, pour la première fois auprès de l'OIT, de préoccupations au sujet de travailleurs de Chine et de Corée enrôlés de force dans des entreprises industrielles pendant la deuxième guerre mondiale. Le syndicat Shipbuilding and Engineering Union affirme que près de 700 000 travailleurs de Corée et environ 40 000 travailleurs des zones occupées de Chine ont été enrôlés de force pour le travail forcé dans des mines, usines et chantiers de construction du secteur privé. Les conditions de travail, à ce qu'on rapporte, étaient extrêmement dures, et beaucoup sont morts. Bien qu'ont ait promis à ces travailleurs des salaires et des conditions de travail semblables à celles des travailleurs japonais, selon les allégations, ces travailleurs n'ont reçu qu'un infime salaire ou point du tout. Le syndicat, appuyé par plus de 35 autres organisations de travailleurs qui ont cosigné la communication, demande que ces travailleurs soient dédommagés par le gouvernement et par les sociétés bénéficiaires pour les salaires non payés et pour le tort moral. Le syndicat indique qu'en raison des mauvaises relations entre les pays concernés et le Japon pendant une longue période après la guerre il a été pratiquement impossible de présenter des demandes individuelles au gouvernement ou aux sociétés en cause avant le rétablissement des relations. Tokyo-Chiyo a communiqué un rapport dont l'établissement, en 1946, a été attribué au ministère des Affaires étrangères du Japon (MOFA). Ce rapport MOFA, intitulé "Etude sur les travailleurs chinois et les conditions de travail au Japon", visait à rendre compte aux autorités chinoises après la guerre. Le rapport avait disparu mais il a été redécouvert, en 1994, de manière indépendante, en Chine et aux Etats-Unis. Le rapport décrit en détail des conditions de travail extrêmement dures et des traitements brutaux aboutissant à des taux de mortalité de 17,5 pour cent, voire 28,6 pour cent pour certaines activités.

11. En réponse à ces observations, le gouvernement déclare dans son rapport qu'il a, à maintes reprises, reconnu avec regret et remords, à l'égard du gouvernement de Corée du Sud, les dommages et les souffrances causées par sa domination coloniale. Le gouvernement a également indiqué qu'il a déclaré de même à la Chine qu'il était profondément conscient du grave tort qu'il a causé au peuple chinois lors de la guerre. Le gouvernement déclare qu'il a pris de nombreuses mesures positives en vue d'établir des relations amicales aussi bien avec la Chine qu'avec la République de Corée. Les dispositions en question incluent des visites de haut niveau, des déclarations à cette occasion et des accords dont les plus récents datent d'octobre-novembre 1998. Le gouvernement déclare qu'il a donné des informations détaillées à chacun des pays sur la situation des travailleurs enrôlés de force, y compris 110 000 travailleurs coréens. Il a conclu des accords avec les deux pays, comprenant le règlement juridique des questions de réparation, de propriété et d'indemnités relatives à la deuxième guerre mondiale. Ces accords ont été conclus en 1965 avec la République de Corée et en 1972 avec la Chine. Au cours des discussions qui aboutirent aux accords, les négociateurs du Japon et de la République de Corée sont arrivés à la conclusion que la perte des documents avait été si importante que seule une démarche globale pouvait être suivie. En conséquence, le Japon et la République de Corée ont convenu que les problèmes d'indemnisation en rapport avec la guerre seraient considérés comme définitivement et complètement réglés par l'octroi à la République de Corée d'une aide japonaise de 500 millions de dollars des Etats-Unis en 1965. Le gouvernement indique également qu'il a fourni à la République de Corée un montant total de 067 trillions de yen de 1965 à 1997, contribuant de manière considérable au développement économique de ce pays. De plus, le gouvernement a fourni une aide à la Chine pour un montant de 2,26 trillions de yen jusqu'en 1997. Le gouvernement a en outre pris des dispositions pour rendre fidèlement compte du passé historique. Aucun des deux gouvernements ne demande d'autre réparation, mais le gouvernement indique que quelques cas individuels sont en instance devant les tribunaux japonais.

12. La commission a noté les informations reçues et la réponse du gouvernement. La commission note que le gouvernement ne réfute pas le contenu général du rapport MOFA. Le gouvernement relève qu'il a effectué des versements aux gouvernements concernés. La commission considère que l'enrôlement forcé massif des travailleurs, en vue du travail dans les industries privées au Japon dans des conditions aussi condamnables, constituait une violation flagrante de la convention. Elle note qu'aucune mesure n'a été prise en vue de réparations individuelles pour les victimes dans le cadre des demandes en instance devant les tribunaux. La commission considère que des versements de gouvernement à gouvernement ne sauraient suffire à réparer les dommages causés aux victimes. La commission n'est pas habilitée à prescrire des réparations, mais veut croire que, tout comme dans le cas des femmes détenues dans les "comfort stations", le gouvernement acceptera la responsabilité de ses actions et prendra les mesures pour satisfaire l'attente des victimes. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute évolution dans les affaires pendantes devant les tribunaux et sur toute action entreprise.

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement en réponse aux commentaires antérieurs dans ses rapports datés des 31 mai et 30 octobre 1996, de même que des observations présentées par la Confédération des syndicats japonais (JTUC-RENGO) dans une communication datée du 30 septembre 1996, dont copie a été transmise au gouvernement le 14 octobre 1996.

Dans son observation précédente, la commission avait pris note des observations de l'Osaka Fu Special English Teachers Union (OFSET), datées du 12 juin 1995, concernant l'application de la convention durant les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et durant celle-ci. Les allégations se référaient à des violations flagrantes des droits de l'homme et à des abus sexuels à l'encontre de femmes détenues dans des garnisons militaires appelées "comfort stations", et OFSET a requis le versement d'indemnités appropriées.

La commission avait noté que les abus cités relevaient des interdictions absolues contenues dans la convention. La commission a en outre estimé que de tels abus inacceptables devraient donner lieu à une indemnisation appropriée étant donné que la convention a prévu, même pour des formes de service obligatoire qui pouvaient être tolérées aux termes de l'article 1, paragraphe 2 pendant une période transitoire suivant son entrée en vigueur, que les personnes appelées à de tels services devaient être indemnisées et avoir droit aux pensions d'invalidité en vertu des articles 14 et 15.

La commission avait toutefois noté qu'aux termes de la convention et en vertu du mandat de la commission elle n'était pas habilitée à prescrire les réparations demandées. Celles-ci ne pouvaient être allouées que par le gouvernement et, compte tenu du temps qui s'était écoulé, la commission avait exprimé l'espoir que le gouvernement traiterait cette question dûment et rapidement.

Dans son rapport daté du 31 mai 1996, le gouvernement indique que, indépendamment de la question de savoir s'il y a eu ou non une violation de la convention, pour ce qui est des questions de réparation et/où de liquidation de demandes d'indemnités liées à la guerre, y compris celles des femmes détenues pendant la guerre dans des "comfort stations", le Japon s'est sincèrement acquitté de ses obligations selon les accords internationaux applicables et, de ce fait, les questions ont été réglées en droit entre le Japon et les autres parties à ces accords.

Le gouvernement indique qu'il a exprimé ses excuses et regrets au sujet de la question des femmes concernées. Une manière de manifester ces sentiments a été pour le gouvernement de travailler pour faire face clairement aux faits historiques, y compris la question des femmes détenues pendant la guerre dans des "comfort stations", afin d'assurer qu'ils soient correctement transmis aux générations futures et ainsi promouvoir une meilleure compréhension mutuelle avec les pays et régions concernés. Dans ce contexte, le gouvernement a inauguré une "initiative de paix, amitié et échanges".

En outre, le gouvernement indique qu'il a accordé son plus grand soutien au "Fonds des femmes asiennes", qui a été établi afin de réaliser la réparation que le peuple japonais fournit aux femmes qui avaient été détenues pendant la guerre dans des "comfort stations" et protéger les femmes contemporaines des atteintes à l'honneur et à la dignité des femmes, en pleine coopération avec le peuple japonais dans son ensemble, y compris les employeurs et les travailleurs. Le gouvernement déclare qu'à travers ces efforts le Japon a sincèrement abordé la question des femmes qui avaient été détenues pendant la guerre dans des "comfort stations". La commission note également que, dans ses commentaires sur l'application de la convention, la Confédération des syndicats japonais (JTUC-RENGO) estime que ces mesures dans lesquelles elle a pris une part active pourraient constituer un progrès significatif pour l'indemnisation des victimes, si elles sont mises en oeuvre diligemment.

Dans son rapport daté du 31 mai 1996, le gouvernement déclare en outre que l'observation de la commission a été fondée sur la seule communication de l'Osaka Fu Special English Teachers Union (OFSET) datée du 12 juin 1995 et qu'il n'a pas reçu l'indication appropriée pour qu'il prenne position sur cette communication, contrairement à la pratique établie. Aussi, avant qu'OFSET n'ait soumis sa communication, une réclamation séparée avait déjà été présentée en mars 1995 par la Fédération des syndicats coréens (FKTU) au BIT au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT sur la même question, et le gouvernement estime que la commission a formulé son observation pendant que l'examen de la réclamation séparée était en cours.

La commission a pris bonne note de ces indications. Pour ce qui est de la réclamation présentée le 20 mars 1995 au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par la FKTU, la commission note que le Conseil d'administration du BIT n'a pas examiné le fond de la réclamation, ni pris de décision quant à sa recevabilité jusqu'à ce que la FKTU retire la réclamation par lettre du 30 mai 1996.

Pour ce qui est de la question de savoir s'il y a eu ou non violation de la convention, la commission a également pris note de la discussion qui a eu lieu aux Nations Unies à la 48e session de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités en août 1996 sur le viol systématique, l'esclavage sexuel et les pratiques analogues assimilées durant les conflits armés. Dans la discussion, la question a été soulevée de savoir dans quelle mesure la détention de femmes dans des "comfort stations" pendant la guerre pouvait relever de la convention, à la lumière des exemptions figurant à l'article 2 de celle-ci.

A cet égard, la commission se réfère aux explications données au paragraphe 36 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé au sujet de l'exemption prévue à l'article 2, paragraphe 2 d) de la convention pour "tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure, c'est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menaces de sinistres tels qu'incendies, inondations, famines, tremblements de terre, épidémies et épizooties violentes, invasions d'animaux, d'insectes ou de parasites végétaux nuisibles, et en général toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population". La commission a relevé que, comme l'indiquent les exemples énumérés dans la convention, la notion de force majeure implique un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. Pour respecter les limites de l'exception prévues dans la convention, le pouvoir de mobiliser de la main-d'oeuvre devrait être restreint aux véritables cas de force majeure. En outre, l'importance du service imposé ainsi que les fins pour lesquelles il est utilisé devraient être limitées strictement en fonction des exigences de la situation. De même que l'article 2, paragraphe 2 a), de la convention n'exempte de son champ d'application le "travail ou service exigé en vertu des lois sur le service militaire obligatoire" que pour "des travaux d'un caractère purement militaire", l'article 2, paragraphe 2 d), concernant les cas de force majeure, ne constitue pas une permission générale d'imposer - à l'occasion d'une guerre, d'un incendie ou d'un tremblement de terre - toute sorte de service obligatoire, mais ne peut être invoqué que pour un service strictement indispensable afin de faire face à un danger imminent pour la population.

La commission conclut que le cas présent ne relève pas des exceptions prévues à l'article 2, paragraphe 2 a) et d), de la convention, et qu'il y avait donc clairement violation de la convention par le Japon.

La commission rappelle qu'aux termes de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout Membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission note qu'aux termes des articles 176 et 177 du Code pénal du Japon (loi no 45 du 24 avril 1907) la contrainte aux actes indécents et le viol sont des délits passibles de peines.

La commission a pris note des informations détaillées fournies par le gouvernement dans son rapport du 30 octobre 1996 sur les mesures prises pour exprimer ses excuses et regrets aux femmes détenues pendant la guerre dans des "comfort stations" et pour assumer l'intégralité des frais opérationnels du "Fonds des femmes asiennes" et fournir toute assistance possible à ce fonds créé pour offrir des réparations pécuniaires aux femmes anciennement détenues dans des "comfort stations", de même qu'une assistance médicale et sociale s'appuyant sur les moyens du gouvernement. La commission veut croire que le gouvernement continuera d'assumer sa responsabilité pour les mesures nécessaires pour répondre aux attentes des victimes et qu'il fournira des informations sur ce qu'il aura entrepris.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

La commission note avec intérêt les informations détaillées fournies par le gouvernement dans son rapport.

Article 25 de la convention. La commission a pris note de plusieurs articles parus dans la presse quotidienne japonaise (par exemple Asahi Shimbun des 3 et 4 février 1993, Nikkei Shimbun du 24 avril 1994) dénonçant des pratiques selon lesquelles des infirmières diplômées ou des aides-infirmières ont été obligées de travailler pendant un certain temps pour un hôpital sous peine d'avoir à verser à cet établissement une somme forfaitaire à titre de "remboursement de frais d'études". De telles affaires semblent de moins en moins fréquentes du fait que plusieurs hôpitaux ont perdu en justice et grâce aux conseils fournis par l'Association japonaise des docteurs en médecine. Toutefois, la presse indique que, désormais, au lieu d'exiger le versement d'une somme d'argent de la part de ce personnel infirmier, l'hôpital menace désormais de ne pas délivrer le certificat d'aptitude. La commission prie le gouvernement de communiquer copie du texte ou des extraits des décisions de justice pertinentes. Elle le prie de fournir un complément d'information au sujet de ces pratiques en précisant, notamment, l'âge des personnes concernées au début de la formation, la durée de la formation et les conditions de formation et de délivrance des diplômes d'infirmières et d'aides-infirmières.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 83ème session CIT (1996)

La commission prend note des observations de l'Osaka Fu Special English Teachers Union (OFSET), datées du 12 juin 1995, concernant l'application de la convention durant les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et durant celle-ci. La commission note que la convention était en vigueur pour le Japon à cette époque. Les allégations se réfèrent à des violations flagrantes des droits de l'homme et à des abus sexuels à l'encontre de femmes détenues dans des garnisons militaires appelées "comfort stations", situation qui tombe sous le coup des prohibitions contenues dans la convention. La commission reconnaît qu'un tel comportement devrait être défini comme esclavage sexuel en violation de la convention. Le gouvernement n'a pas fait de commentaires au sujet de la lettre de l'OFSET, dont copie lui a été adressée le 31 août 1995.

OFSET a requis le paiement de salaires, d'indemnités et d'autres prestations au titre du travail forcé effectué par les femmes en question. Sur la base des allégations telles qu'elles sont présentées dans la communication de l'organisation syndicale, il semblerait que ces femmes auraient eu droit aux salaires et autres prestations en application de la convention.

Aux termes de la convention et en vertu du mandat de la commission, la commission n'est pas habilitée à prescrire les réparations demandées en ce qui concerne les salaires et les indemnisations. Ces réparations ne peuvent être allouées que par le gouvernement. La commission espère que, compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis ces événements, le gouvernement examinera dûment cette affaire rapidement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté qu'en vertu de l'article 98 bis de la loi no 165 de 1954 sur les forces d'autodéfense les diplômés de l'Ecole médicale d'autodéfense (Bôei-Ika-Daigaku) doivent servir dans les forces d'autodéfense pendant neuf ans, à moins qu'ils ne remboursent les frais encourus pour leur formation.

La commission avait noté que l'arrêté ministériel no 179 de 1954 portant exécution de la loi no 165 de 1954, déterminant les modalités du remboursement des frais de formation, établit le montant du remboursement en fonction de l'année d'obtention du diplôme selon un barème inclus à l'annexe 10 de l'arrêté. Le montant diminue proportionnellement au nombre de mois de service effectués depuis la promotion (art. 120-15); le remboursement doit être effectué dans le délai d'un mois après le premier jour du mois suivant la date de la démission. Le paiement par tranches bi-annuelles sur une période de deux années pourra être autorisé pour des motifs raisonnables tels que la maladie du débiteur. Si le remboursement n'est pas effectué selon ces modalités, un intérêt de 14,5 pour cent par an sera perçu par jour de retard (art. 120-16). En cas d'incapacité physique ou mentale, totale ou partielle, le remboursement pourra être annulé ou réduit (art. 120-17).

La commission note la déclaration du gouvernement dans son rapport selon laquelle le remboursement en cause est prévu dans les limites des avantages accordés par l'Etat aux diplômés de l'Ecole médicale d'autodéfense et n'a pas le caractère d'une sanction.

La commission souligne que le remboursement de sommes importantes dans un délai court (par exemple le remboursement, en un mois, d'une somme calculée sur la base de 34.890.000 yen pour un diplôme obtenu en mars 1989) peut avoir pour effet d'empêcher les diplômés de se dégager de l'obligation de service qui leur est imposée et équivaloir en pratique à un service imposé par la loi contraire à la convention.

La commission a noté d'autre part les informations fournies par le gouvernement en réponse à sa demande directe. En particulier elle note que, selon les indications du gouvernement, le nombre total de diplômés de l'Ecole médicale d'autodéfense était de 851 en mars 1991, et que quatre diplômés n'ont pas accepté le poste d'officier de médecine, dont trois en mars 1991.

La commission prie le gouvernement de compléter ces informations et d'indiquer en particulier le nombre de demandes de démission présentées après la nomination d'un diplômé à un poste d'officier de médecine. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les recours disponibles en cas de rejet d'une demande, et sur les sanctions encourues en cas de défaut de paiement. La commission prie le gouvernement d'indiquer quels types de formation (autres que la formation médicale) aboutissent à un diplôme dispensé par l'école médicale en question. Elle prie enfin le gouvernement de communiquer des informations sur toutes mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de la convention en la matière.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

La commission a noté précédemment qu'en vertu de l'article 98 bis de la loi no 165 de 1954 sur les forces d'autodéfense les diplômés de l'Ecole médicale d'autodéfense (Bôei-Ika-Daigaku) doivent servir dans les forces d'autodéfense pendant neuf ans, à moins qu'ils ne remboursent les frais encourus pour leur formation.

La commission a pris connaissance de l'arrêté ministériel no 179 de 1954 portant exécution de la loi no 165 de 1954, communiqué par le gouvernement avec son rapport, qui détermine les modalités du remboursement des frais de formation. La commission note que le montant du remboursement est fonction de l'année d'obtention du diplôme selon un barème inclus à l'annexe 10 de l'arrêté: ainsi, par exemple, le montant du remboursement est fixé à 19.030.000 yen pour les diplômes obtenus en mars 1981 et à 34.890.000 yen pour ceux obtenus en mars 1989. Le montant diminue proportionnellement au nombre de mois de service effectués depuis la promotion (art. 120-15); le remboursement doit être effectué dans le délai d'un mois après le premier jour du mois suivant la date de la démission. Le paiement par tranches bi-annuelles sur une période de deux années pourra être autorisé pour des motifs raisonnables tels que la maladie du débiteur. Si le remboursement n'est pas effectué selon ces modalités, un intérêt de 14,5 pour cent par an sera perçu par jour de retard (art. 120-16). En cas d'incapacité physique ou mentale, totale ou partielle, le remboursement pourra être annulé ou réduit (art. 120-17).

La commission relève que le remboursement de sommes importantes dans un délai court peut empêcher les diplômés de se dégager de l'obligation de service qui leur est imposée et équivaloir en pratique à un service imposé par la loi contraire à la convention.

Se référant aux paragraphes 55 à 62 de son Etude d'ensemble de 1979 sur le travail forcé ou obligatoire où elle a examiné la question des obligations de service liées à une formation reçue, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur l'application dans la pratique des dispositions en cause, en particulier sur les points suivants: le nombre de demandes introduites au cours de chacune des dix années écoulées, notamment en proportion du nombre de diplômés annuels; le nombre de demandes acceptées ou rejetées et les motifs invoqués; les recours disponibles en cas de rejet d'une demande; le nombre de diplômés condamnés, le cas échéant, à réintégrer le service en cas de défaut de paiement et d'autres sanctions encourues, ainsi que sur toutes mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de la convention en la matière.

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