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Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1931)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 2016)

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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2000, Publication : 88ème session CIT (2000)

Un représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement adhère sans réserve à la convention no 29 et accorde la plus grande importance aux observations de la commission d'experts. L'an dernier, cette commission a abondamment discuté du travail dans les prisons dans le cadre de l'examen des cas individuels relatifs à cette convention et l'un des éléments marquants qui s'est dégagé a été la complexité de l'interprétation, dans un cadre contemporain et, en particulier, dans le contexte du partenariat entre secteur public et secteur privé, de certains aspects de cet instrument, élaboré en 1930. Un autre élément déterminant réside dans le fait que le concept de travail pénitentiaire a changé. Alors qu'il pouvait avoir autrefois une connotation punitive, le travail pénitentiaire, au Royaume-Uni comme dans d'autres pays, revêt désormais une valeur pédagogique et formatrice que l'on considère comme cruciale pour la réinsertion de l'intéressé dans la société. Le fait est que, selon les normes minimales de l'ONU en la matière, ce travail se conçoit comme un élément déterminant pour la préparation du détenu à sa libération et sa réinsertion dans la société. Reconnaissant la complexité des questions qui entourent ce débat, un certain nombre de délégués qui se sont exprimés l'an dernier dans la présente commission estimaient qu'il serait nécessaire d'établir une nouvelle étude d'ensemble sur le travail forcé pour pouvoir examiner cette question avec toute l'attention qu'elle mérite.

Le gouvernement britannique a pris note des observations formulées par la commission d'experts au sujet du travail accompli par les détenus dans des prisons ou des ateliers dont la gestion a été confiée au privé. Tout en comprenant les préoccupations de la commission d'experts, il estime avoir pris des mesures adéquates pour garantir que les détenus travaillant dans un tel contexte ne soient pas exploités ni autrement soumis à un travail forcé ou obligatoire. UK Prison Services s'est fixé pour objectif, d'une part, de protéger le public en plaçant les condamnés dans un environnement qui soit à la fois sûr, décent et sain et, d'autre part, de contribuer à faire baisser la criminalité en offrant un régime carcéral constructif qui apporte une réponse aux comportements délictueux, favorise l'épanouissement du condamné sur les plans éducatif et professionnel et incite l'intéressé à devenir respectueux de la loi, en détention et après sa libération. Les prisonniers sont incités à acquérir à l'égard du travail des habitudes, des dispositions d'esprit et des compétences favorables et à s'initier aux pratiques professionnelles modernes, de manière à être mieux armés pour réintégrer la société en tant que citoyens respectueux du droit. Les régimes carcéraux, que les établissements soient administrés par l'Etat, ou, comme dans certains cas, à gestion privée, suivent tous une démarche comparable pour ce qui est du traitement du comportement délictueux tout autant que de l'éducation, de la formation et de l'accès à l'emploi des prisonniers. L'offre d'un certain nombre de tâches de types différents est conçue dans le but d'apporter, parfois pour la première fois, à de nombreux prisonniers une expérience du travail moderne avant leur retour dans la société. L'intérêt que présentent des programmes de travail comportant une formation adaptée et réaliste tient à ce que de tels programmes préparent effectivement le détenu à l'emploi à sa libération. Il est un fait que le rapport entre chômage et criminalité a été établi depuis longtemps. Une étude a fait ressortir que les détenus qui ont été associés à des programmes de travail présentent un taux de récidive bien inférieur à l'échantillon témoin, qui n'en a pas bénéficié. De même, des recherches ont démontré que des cours de formation professionnelle associant un groupe cible de détenus se traduisent par un abaissement des taux de récidive.

Il est difficile de trouver un travail convenant aux détenus car ce travail doit pouvoir être accompli par des individus présentant, les uns par rapport aux autres, une grande diversité sur le plan des capacités. UK Prison Services constate de plus en plus que le meilleur moyen de procurer un travail aux détenus consiste à passer contrat avec des entreprises privées, et le Royaume-Uni s'est assuré que les sauvegardes appropriées soient en place pour prévenir l'exploitation des prisonniers. Ces arrangements ont des avantages pratiques. Ils se traduisent par un accroissement et une diversification des travaux offerts aux détenus et apportent à ces derniers une expérience professionnelle plus réaliste, ce qui contribue à consolider chez eux l'estime de soi et ultérieurement à dissiper les réticences au recrutement d'anciens détenus.

Au Royaume-Uni, un petit nombre de prisons sont gérées par contrat avec des organismes du secteur privé. Ces établissements -- neuf sur un total de 137 -- sont tenus de se conformer à la même politique et de satisfaire aux mêmes normes que les prisons administrées par l'Etat. Ils sont soumis au même régime d'inspection indépendante. Ils sont tenus de faire respecter les mêmes normes et conditions d'emploi pour les détenus que les prisons administrées par l'Etat. Les détenus qui travaillent dans des prisons ou des ateliers ainsi concédés bénéficient des mêmes conditions que ceux qui travaillent dans les prisons administrées par l'Etat. Les prisons à gestion privée sont tenues de se conformer à toutes les prescriptions de sécurité et d'hygiène que la loi prévoit.

Aucun détenu, que ce soit dans une prison administrée par l'Etat ou bien dans une prison ou un atelier privatisé, n'est mis à la disposition d'un employeur privé. S'il est vrai que des sociétés privées peuvent superviser le travail au quotidien, le prisonnier reste cependant placé, en dernier ressort, sous la responsabilité des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire. Ils perçoivent une rémunération pour le travail qu'ils accomplissent. Les salaires leur sont versés par la prison et non par la société privée qui donne le travail.

Le gouvernement considère que sa politique actuelle en matière d'emploi des détenus est conforme aux prescriptions de la convention de même qu'aux intérêts les mieux compris des détenus. Il reste convaincu que le travail ou service accompli s'effectue sous la supervision et le contrôle de l'autorité publique et que les intéressés ne sont ni concédés ni autrement mis à la disposition d'individus, de sociétés ou de personnes morales privées. A son avis, il n'existe pas d'alternative à cette politique qui n'entraînerait pas un abaissement considérable du volume et de la qualité du travail offert aux détenus et cela, à leur détriment direct de même que, d'une manière plus générale, au détriment des objectifs de la réinsertion. Il reste convaincu que l'offre de possibilités de travail appropriées, y compris à travers des organismes privés mais sous la supervision de l'administration pénitentiaire, reste conforme aux objectifs généraux de la convention ainsi qu'aux autres règles de bonne pratique, telles que le Règlement européen sur les prisons et les règles minima des Nations Unies concernant le traitement des prisonniers.

De l'avis du gouvernement britannique, les discussions de l'an dernier ont fait nettement ressortir que le principe du travail pénitentiaire appelle un examen plus approfondi et plus large. Il est heureux de constater que la commission d'experts reconnaît que cette question très importante devrait être examinée avec un regard nouveau. Le gouvernement britannique entend aborder cette question dans son prochain rapport à la lumière des réponses qu'a suscitées l'observation générale de l'an dernier. Comme il l'a fait nettement comprendre lors de la discussion générale, il entend également participer pleinement à ce débat. Dans cette attente, il se réjouit à la perspective de continuer d'examiner cette question avec les partenaires sociaux. Il continuera de fournir des informations à la commission d'experts dans son prochain rapport relatif à l'application de la convention no 29 et répondra intégralement à la demande directe.

Les membres employeurs ont noté, en ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts relatifs au Royaume-Uni, que les dispositions relatives aux employés de maison venant de l'étranger ont été amendées et que des progrès ont eu lieu dans ce domaine. Cependant, la question de la mise en pratique de ces amendements demeure, et les membres employeurs ont demandé au gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur l'impact de la nouvelle législation. En ce qui concerne la question des prisonniers travaillant pour des sociétés privées, ils ont noté que la commission d'experts ne voit pas de problème quant à la pratique du gouvernement d'autoriser les prisonniers à travailler avant leur libération, dès lors que le consentement des personnes en question a été obtenu de manière volontaire et que des garanties du consentement ont été données concernant les éléments essentiels de la relation de travail pour qu'ils ne soient pas considérés comme du travail contraire à l'article 2 c).

S'agissant du paragraphe 4 des commentaires de la commission d'experts, traitant de l'emploi à l'extérieur des prisonniers, les membres employeurs ont noté que la situation n'existait pas quand la convention a été adoptée en 1930. En conséquence, les rédacteurs de la convention n'avaient pas cette situation à l'esprit. La question pourrait relever de l'article 2 c) de la convention qui dispose qu'une personne condamnée par une décision judiciaire peut être appelée à travailler sous deux conditions: la première, que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et, la seconde, que le prisonnier ne soit pas concédé ou mis à la disposition de compagnies ou de personnes privées. La disposition susmentionnée n'est respectée que si les deux conditions énoncées sont réunies. Dans le cas examiné par la Commission de la Conférence, on peut conclure que la convention n'est pas violée dès lors que le prisonnier demeure sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et qu'il n'est pas placé sous l'autorité complète des entreprises privées. Les membres employeurs ont relevé cependant que l'interprétation de la commission d'experts épouse strictement les mots mêmes de la convention à cet égard. Les membres employeurs ont alors soulevé la question des conditions de travail des prisonniers et ils ont considéré qu'ils n'étaient pas d'accord pour dire que les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées devaient être soumis aux mêmes conditions d'emploi que celles du marché du travail libre. Ils ont souligné que la convention était silencieuse sur ce point en ce qui concerne le travail des prisonniers à l'extérieur. Cependant, il est bien connu que les prisonniers ne sont pas aussi productifs que les autres travailleurs et que les risques de dommages qu'ils peuvent occasionner sont plus grands. Compte tenu de ces conditions, les prisons ne reçoivent que peu d'offres de travail de la part des employeurs à l'extérieur des prisons, et c'est pourquoi elles ont dû aller chercher du travail pour les prisonniers dans les entreprises privées. Les membres employeurs estiment qu'il est important que les prisonniers accomplissent un travail significatif qui leur permettra de se réinsérer dans la société et les aidera à éviter de récidiver. Ce type de travail devrait aider les prisonniers à acquérir une compétence professionnelle ainsi que la possibilité de percevoir un revenu de leur travail. En conclusion, les membres employeurs ont indiqué que la commission devrait examiner la question dans un cadre plus large. Rappelant que la convention a été élaborée avant que la question des prisons privées ne surgisse, ils ont estimé qu'il était nécessaire d'examiner la question du point de vue du bénéfice que la société et les prisonniers peuvent en tirer. Les autorités publiques doivent conserver la surveillance et le contrôle des prisonniers et déterminer les conditions en vertu desquelles les prisonniers pourraient travailler pour une entreprise privée. Bien que la Commission de la Conférence ait discuté de cette question depuis un certain temps, le dialogue devrait continuer et davantage d'attentions devraient être dédiées à cette évolution pratique qui ne cesse de grandir.

Les membres travailleurs ont estimé que l'attention de plus en plus grande portée par la commission d'experts et la Commission de la Conférence à la question des prisonniers travaillant pour des sociétés privées reflète le recours de plus en plus fréquent à ce genre de pratique. La commission d'experts a une nouvelle fois formulé des commentaires sur l'application de la convention no 29 par le Royaume-Uni. D'autres commentaires ont également été formulés à propos du travail pénitentiaire cédé à des sociétés privées au Cameroun. Cette jurisprudence qui s'étoffe sur la question du travail des prisonniers pour des sociétés privées sera enrichie dès l'année prochaine lorsque la commission d'experts se penchera sur la question des prisonniers "concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". En outre, le rapport global de l'année prochaine portera sur les conventions nos 29 et 105, ce qui peut être une occasion supplémentaire de porter l'attention sur cette question du travail pénitentiaire. L'attention portée à cette pratique de plus en plus fréquente doit être saluée, et l'effort de clarification de la commission d'experts sur les dispositions de la convention est exemplaire quant à la faculté du mécanisme de contrôle de considérer l'application d'une convention adoptée il y a de cela soixante-dix ans à la lumière d'évolutions récentes et de circonstances nouvelles.

Le travail pénitentiaire concédé à des sociétés privées est clairement interdit à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Cependant, face à l'acceptation de plus en plus grande de cette pratique vue comme une manière de réinsérer les prisonniers, la commission d'experts a estimé que des programmes de réinsertion dans le cadre desquels les détenus consentaient librement à travailler à l'extérieur de la prison ne contrevenaient pas à l'article 2, paragraphe 2 c). Alors que l'on accuse régulièrement la commission d'experts d'adopter une interprétation trop large, il semble qu'un certain nombre de gouvernements et de membres employeurs souhaiteraient que la commission d'experts formule une interprétation encore plus large à propos de cette pratique de plus en plus répandue du travail pénitentiaire. A cet égard, la commission d'experts a régulièrement indiqué que le travail pour des sociétés privées était conforme à l'article 2, paragraphe 2 c), sous réserve que les conditions de travail des détenus étaient semblables à celles d'une relation de travail librement consentie. Cela requiert non seulement le libre consentement du prisonnier mais également les garanties et clauses de sauvegarde couvrant les éléments essentiels d'une relation d'emploi. Il est souhaitable que la commission d'experts réaffirme ces principes de base dans son rapport général de l'année prochaine. Il est important que la Commission de la Conférence puisse examiner la situation tant dans les pays développés que dans ceux en développement de manière à appliquer un des principes fondamentaux de l'OIT, à savoir que les conventions, et plus particulièrement les fondamentales, sont appliquées de la même manière par tous les pays qui les ont ratifiées. Pour que le mécanisme de contrôle fonctionne effectivement, il ne saurait être question d'une application à deux vitesses des conventions. Notant que la commission d'experts a examiné le cas du Royaume-Uni depuis ces trois dernières années, les membres travailleurs ont souhaité porter l'attention sur deux questions: celle des employés de maison venus de l'étranger et celle des prisonniers travaillant pour des sociétés privées. S'agissant de la première question, ils ont pris note des commentaires du gouvernement dans le rapport de la commission d'experts ainsi que de ceux fournis devant la Commission de la Conférence sur l'application de nouvelles règles de protection des employés de maison adoptées en 1998. Les employés de maison étant une catégorie particulièrement vulnérable face aux abus et à l'exploitation, le gouvernement devrait continuer à fournir à la commission d'experts des informations à jour sur l'efficacité de l'application des nouvelles règles.

S'agissant de la question du travail des détenus pour des sociétés privées, les commentaires de la commission d'experts ont porté tant sur l'emploi à l'extérieur auprès d'employeurs privés que sur l'emploi dans des établissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées. La commission d'experts a relevé que les prisonniers qui travaillent à l'extérieur sont assujettis aux obligations normales pour ce qui est de l'impôt sur le revenu et des cotisations de sécurité sociale prélevées sur les salaires qu'ils perçoivent pour leur travail. Le gouvernement a indiqué que de telles mesures sont nécessaires pour éviter que les entreprises employant des détenus ne bénéficient d'une situation de concurrence déloyale et pour éviter que les prisonniers ne bénéficient de conditions moins favorables que celles des travailleurs ayant un emploi comparable. En conséquence, le gouvernement ne devrait avoir aucune difficulté à inclure les travailleurs prisonniers dans le champ d'application de la loi sur le salaire minimum national comme le requiert la commission d'experts. S'agissant des ateliers et des établissements pénitentiaires cédés à des sociétés privées, la commission d'experts a été parfaitement claire au paragraphe 8 de son observation lorsqu'elle indique qu'un prisonnier qui demeure en permanence sous la surveillance et le contrôle d'une autorité publique ne dispense pas de l'obligation de respecter les dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Le prisonnier doit avoir librement consenti à travailler et le travail doit être accompli dans des conditions normales du point de vue des niveaux de salaire, de la sécurité sociale et autres garanties juridiques. Selon le paragraphe 12 de l'observation de la commission d'experts, le gouvernement a indiqué que la plupart du travail effectué dans les prisons faisant intervenir des entrepreneurs extérieurs "demande une forte intensité de main-d'oeuvre et, s'il devait être fait à l'extérieur, cela ne serait pas rentable. Si ce travail n'était pas fait dans les prisons, il est vraisemblable que la production serait automatisée ou réalisée à l'étranger." Cette situation n'est pas propre au Royaume-Uni. Le point de vue du gouvernement, selon lequel le recours au travail pénitentiaire pour des sociétés privées constitue la seule façon pour l'économie du pays de produire des produits manufacturés et des services selon des coûts de nature à concurrencer les pays en développement qui ont une main-d'oeuvre meilleur marché, devra être précisé.

En conclusion, les membres travailleurs ont souligné qu'ils n'étaient pas opposés à une réinsertion efficace des prisonniers et se sont déclarés favorables à ce qu'on leur offre un meilleur travail, une meilleure éducation ainsi que de meilleures opportunités de formation. Cependant, il est choquant que le Royaume-Uni et un nombre de plus en plus élevé de pays de par le monde admettent que des sociétés privées exploitent la main-d'oeuvre pénitentiaire en employant des détenus de manière tout à fait légale en les rémunérant bien au-dessous du salaire minimum. Il est clair qu'une telle exploitation n'est pas tant motivée par la volonté de réinsérer que par la recherche du profit. Une telle pratique viole manifestement la convention et ne peut être tolérée. La commission d'experts a clairement indiqué que le recours de plus en plus fréquent à la main-d'oeuvre pénitentiaire pour les sociétés privées pouvait être conforme aux dispositions de la convention. En conséquence, le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour déterminer les circonstances dans lesquelles les prisonniers pourraient travailler dans les conditions similaires à une relation de travail libre comme requis par la convention. Lever l'exemption qui permet aux sociétés privées de ne pas payer le salaire minimum aux prisonniers serait un bon début. Quant à l'essentiel, le gouvernement devrait établir un cadre juridique spécifique traitant de la relation contractuelle d'emploi entre la société privée et le prisonnier.

Le membre employeur du Royaume-Uni a appuyé les deux points soulevés par le représentant gouvernemental. Premièrement, elle estime que la politique actuelle concernant les prisons privées est en conformité avec la convention. Deuxièmement, il n'y a pas d'alternative réaliste à la politique actuelle qui ne réduirait pas sévèrement le volume et la qualité de travail mis à la disposition de prisonniers. Elle a également appuyé l'idée que les entreprises privées puissent continuer à passer contrat avec les autorités publiques pour la gestion de prisons. Cela ne signifie pas que les employeurs britanniques sont, pour autant, en faveur de l'exploitation du travail des prisonniers. Ils souscrivent pleinement à l'objectif de cette convention fondamentale. Il est évident, aux termes de l'article 2, paragraphe 2 c), que lorsque du travail est exigé d'un prisonnier le gouvernement doit démontrer que ce travail doit: premièrement, être exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et, deuxièmement, ledit individu ne doit pas être concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes privées. La convention n'est pas violée si les autorités publiques contrôlent le travail donné aux prisonniers et exercent, en dernier ressort, une surveillance et un contrôle sur la fourniture du travail en vertu du contrat même si les entreprises privées ont un rôle de supervision quotidienne. De plus, les arrangements contractuels ne peuvent pas être comparés avec ce qui serait normalement considéré comme un contrat de travail car, s'ils étaient en fait comparables, alors l'entreprise privée devrait payer les autorités publiques en tant que fournisseurs des prestations des prisonniers. Ce n'est clairement pas le cas puisque les rôles ici sont inversés. En outre, les prisonniers ne sont pas mis à la disposition des entreprises privées puisque ces entreprises n'ont pas la maîtrise absolue du type de travail qu'elles peuvent exiger d'un prisonnier. Elles ne peuvent que demander aux prisonniers d'effectuer un travail qu'ils pourraient être amenés à faire dans une prison publique, tel que du travail leur permettant de se réhabiliter ou des tâches qui peuvent être exigées dans une prison. Les entreprises privées qui gèrent les prisons privées sont donc simplement des agents des autorités publiques et n'exercent leurs fonctions que dans le cas de règles mises en place par ces autorités.

Si le Royaume-Uni est condamné simplement parce qu'il n'y a pas de contrôle et de supervision directe, alors le gouvernement n'aurait qu'un seul choix - à savoir montrer que le travail effectué dans les prisons n'est pas du travail forcé ou obligatoire tel que défini à l'article 2, paragraphe 1. L'oratrice a souligné que la commission d'experts a déjà admis que les entreprises privées peuvent exiger du travail des prisonniers conformément aux règles pénitentiaires en application des contrats qu'elles ont signés avec les autorités publiques. Elle a également considéré que le travail effectué par un prisonnier pour une personne privée, que ce soit du travail à l'extérieur ou pour une entreprise privée à l'intérieur d'une prison publique, ne peut être considéré comme du travail effectué à titre volontaire que si la relation de travail avec l'entreprise privée est effectuée dans des conditions proches de celles du travail libre. La commission d'experts a donc demandé que le gouvernement adopte une législation exigeant que les entreprises privées paient le salaire minimum national, établissent un contrat d'emploi avec le prisonnier et garantissent les autres prestations découlant de la relation d'emploi. L'intervenante considère que cette conclusion n'est pas la seule à laquelle on puisse parvenir en se fondant sur les dispositions de la convention et a estimé qu'il n'est pas nécessaire que le prisonnier ait une relation d'emploi normale avec une entreprise privée pour assurer que son consentement a été donné véritablement. L'article 2, paragraphe 1, n'exige que de s'être offert de plein gré et sans menace d'une peine quelconque. L'oratrice a souligné que, quelle que soit la raison pour laquelle les prisonniers se portent volontaires, cela n'altère pas le caractère volontaire du consentement. On pourrait atteindre les objectifs d'une relation volontaire en introduisant une condition empêchant les entreprises privées d'exiger des prisonniers d'effectuer un travail et de leur imposer une peine quelconque s'ils ne le font pas. Cela enlèverait de la définition du travail forcé ou obligatoire tout travail effectué dans les prisons privées. Bien que cette solution ne soit pas réaliste compte tenu des règles minima des Nations Unies, l'oratrice a invité la commission d'experts à examiner des approches alternatives si elle demeure convaincue que le Royaume-Uni n'applique pas la convention. Si un contrat d'emploi entre le prisonnier et l'entreprise privée est considéré comme nécessaire, un certain nombre d'éléments de la législation en matière d'emploi devrait s'appliquer. L'oratrice a estimé que cela n'est pas raisonnable étant donné que les prisonniers sont privés de liberté et qu'il n'est pas réaliste de comparer leur situation avec celle des personnes qui se trouvent dans la société libre. Elle a exprimé l'espoir que soient identifiées de nouvelles voies au cours d'autres discussions avant que des conclusions définitives ne soient adoptées en ce qui concerne la question du travail à l'extérieur des prisons, et elle s'est félicitée de ce qu'une discussion générale sur le sujet aura lieu l'an prochain à la suite de la publication du rapport global.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a, dans un premier temps, abordé les commentaires de la commission d'experts concernant les employés de maison venus de l'étranger, constatant que certains progrès bienvenus ont été acquis mais qu'il reste encore beaucoup à faire. Il a évoqué une réunion entre Kalayaan, organisme qui représente les gens de maison d'outre-mer, et le Secrétariat à l'immigration du Home Office chargé de résoudre les problèmes auxquels ces travailleurs sont confrontés lorsque, après avoir été admis sur le territoire, ils quittent leur employeur initial pour cause de mauvais traitements ou d'exploitation. Le gouvernement a pris certaines dispositions en vue d'améliorer la situation de ces travailleurs, et le Home Office s'en tient à la conduite convenue. Par contre, Kalayaan a récemment exprimé ses préoccupations au Secrétariat à l'immigration au sujet de trois cas de refoulement pour dépassement du délai imparti pour la régularisation, cas que le Home Office a bien voulu réexaminer. Il faut espérer que ces cas comme, d'une manière générale, la question du dépassement des délais seront réexaminés avec bienveillance. Cependant, le problème de fond, qui appelle toujours une réponse, reste que la relation d'emploi de facto, en vertu de laquelle l'employé de maison a été admis au Royaume-Uni, n'est pas reconnue par la législation britannique de sorte que les protections légales relatives à l'emploi ne s'y attachent pas. En fait, la reconnaissance non équivoque de l'existence de cette relation d'emploi constituerait un progrès déterminant.

Abordant la question du travail pénitentiaire, l'intervenant a fait observer que les membres travailleurs ont d'ores et déjà rappelé devant cette commission les aspects fondamentaux de cette question. Il est incontestable que ce que prescrit l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention no 29 était aussi clair en 1930 qu'il l'est aujourd'hui. Pour ce qui est de l'évolution du contexte dans lequel fonctionnent les prisons des Etats ayant ratifié cet instrument, il y a lieu de croire que la commission d'experts a apporté une réponse avisée et qu'elle a établi une jurisprudence claire. A propos de l'affaire du GCHQ, les membres travailleurs ont rappelé le refus persistant, de la part du précédent gouvernement britannique, de reconnaître l'autorité de la commission d'experts ou même celle de la Commission de la Conférence. L'intervenant a signalé que son organisation syndicale a communiqué à la commission d'experts, en rapport avec cette affaire, des éléments directement issus de recherches entreprises l'été dernier. Ces éléments ont été rapportés à l'aune des prescriptions de la convention puis confrontés aux commentaires de la commission d'experts. Les recherches correspondantes avaient été décidées à l'issue d'une réunion de décembre 1998, alors que les dirigeants du TUC et le secrétaire général de l'Association syndicale de l'administration pénitentiaire avaient rencontré le ministre alors compétent pour examiner les divergences que présentent le droit et la pratique du Royaume-Uni par rapport aux prescriptions de la convention. Le ministre avait invité ses interlocuteurs à se rendre aussi bien dans des prisons à gestion privée que dans des prisons administrées par l'Etat pour s'entretenir tant avec les détenus qu'avec l'administration sur le travail effectué pour le compte d'entreprises privées. En août dernier, l'intervenant s'est rendu dans trois établissements différents: une prison pour jeunes femmes en détention provisoire administrée par l'Etat, une prison pour hommes à régime souple administrée par l'Etat, et une prison de gestion privée accueillant une population masculine locale. Il s'est entretenu avec des détenus dans ces trois établissements et, dans deux d'entre eux, notamment dans la prison de gestion privée, il s'est entretenu avec des détenus travaillant pour des entreprises privées ayant passé contrat avec l'établissement. Le directeur de la prison à régime souple a donné des indications précieuses sur les régimes préparatoires à la libération et sur le travail accompli dans l'établissement pour le compte de sociétés privées. Le complément d'information dont la commission d'experts a été saisie est le résultat de ces visites. Il convient de noter que, sur la base de ces éléments, la commission d'experts a réitéré ses préoccupations et a exprimé l'espoir que le gouvernement serait désormais au clair quant aux divergences entre la législation et la pratique du Royaume-Uni et les obligations de ce pays au titre de la convention. Malheureusement, les recherches n'ont pas fait apparaître beaucoup d'éléments qui indiqueraient que la pratique actuelle serait conforme aux critères qui, selon la commission d'experts, correspondraient à la définition d'une relation d'emploi libre. Lors des visites susmentionnées, l'intervenant s'est entretenu avec des détenus travaillant en prison pour des sociétés privées de l'extérieur et avec des détenus affectés aux "tâches pénitentiaires courantes" que sont les travaux de blanchissage, de jardinage et de cuisine dans la prison de gestion privée. Si l'on excepte, d'une part, le régime préparatoire à la libération dans la prison d'Etat à régime souple de Hewell Grange (qui satisfait à certains des critères définis par la commission d'experts, tels que le salaire minimal, les cotisations de sécurité sociale et la formation en matière de sécurité et d'hygiène) et, d'autre part, le travail accompli dans les prisons d'Etat (supervisé le plus souvent par le personnel carcéral), aucun des autres types de travaux ne satisfaisait à un seul des critères énoncés. Dans les autres cas, notamment dans la prison de gestion privée, la relation contractuelle concernait la prison et l'organisme extérieur; il n'y avait pas de contrat entre le détenu et cet organisme. De plus, les détenus étaient placés sous la supervision d'employés de l'organisme extérieur ou bien de UK Detention Services (UKDS), l'organisme privé qui gère les prisons, et non d'employés de l'Etat.

L'orateur a souligné que la question de savoir si les détenus ont donné librement leur consentement de travailler doit être examinée en tenant compte d'un certain nombre d'éléments. En premier lieu, si les détenus interrogés se sont déclarés en faveur du travail et qu'aucun n'objectait à l'idée de travailler pour un organisme extérieur, l'intervenant a néanmoins constaté que le règlement s'appliquant dans toutes ces prisons, y compris dans les prisons de gestion privée, prescrit aux condamnés de travailler et que le refus de travailler est signalé dans un rapport. Deuxièmement, ni le salaire minimum ni le taux de rémunération correspondant à la nature de l'emploi ne sont respectés, qu'il s'agisse du travail effectué pour des organismes extérieurs ou bien des tâches carcérales ordinaires effectuées pour l'UKDS. Aucun détenu ne perçoit des gains atteignant le minimum prévu pour les cotisations de sécurité sociale. Compte tenu de ces éléments, l'intervenant considère que cette affaire porte essentiellement sur la prévention de l'exploitation des prisonniers par des sociétés privées. Il a cité l'exemple d'un travail consistant à reconditionner de petites bétonnières pour le compte de sociétés de location de matériel. C'est la prison qui a passé un contrat pour cette prestation de services avec la société concernée. Le travail s'effectue sous la supervision des agents de surveillance de l'UKDS, d'un instructeur et d'un salarié de la société de location. La direction a indiqué à l'intervenant que les prisonniers sont payés au maximum 25 livres pour une semaine de 35 heures, alors que les prisonniers lui ont dit percevoir au maximum 15 livres par semaine. A titre de référence, le salaire minimal au Royaume-Uni était, l'an dernier, de 126 livres pour une semaine de 35 heures. Il en résulte que ces prisonniers perçoivent en fait 12 à 20 pour cent du salaire minimum légal en vigueur à l'extérieur. La direction de la prison à gestion privée a déclaré que ce travail ne pourrait pas être accompli ailleurs, sur le marché libre du Royaume-Uni, car le versement d'un salaire ne correspondant même qu'au minimum légal rendrait l'ensemble du système non rentable. L'intervenant a fait valoir que, incontestablement, aucun des membres de la présente commission n'accepterait les arguments de ceux qui exploitent le travail des enfants en arguant qu'il est juste de leur payer un salaire de misère parce qu'à défaut ces enfants n'auraient pas de travail. Pourquoi alors accepterait-on que des employeurs, au mépris du droit, s'abstiennent de payer le salaire minimum légal à des adultes. Il est vrai que certaines opérations peuvent se révéler non rentables dans l'hypothèse d'une rémunération normale et ces opérations sont en général qualifiées de "non économiques". Mais, en l'espèce, le travail accompli - quand bien même les prisonniers en tirent une certaine satisfaction - équivaut incontestablement à une exploitation. S'il ne peut être effectué pour un salaire correct, peut-être alors n'a-t-il pas sa place dans l'économie.

Abordant le cas de la prison à régime souple administrée par l'Etat, l'intervenant a constaté que des travaux divers sont accomplis dans le cadre des régimes préparatoires à la libération, alors qu'un très petit nombre de détenus travaillent à l'intérieur de la prison pour le compte d'organismes privés extérieurs. Dans certains cas, malgré toutes les bonnes intentions du directeur de la prison, les prisonniers participant à une formation comportant un volet pratique travaillent pour un organisme extérieur privé ayant passé contrat avec la prison, et ces prisonniers perçoivent 8 à 10 livres pour une semaine de 35 heures, soit 8 pour cent du minimum légal. Bien qu'aucun de ces prisonniers n'ait déclaré qu'il se considère comme victime d'une contrainte injustifiée, l'intervenant estime qu'il n'y a pas, dans leur cas, de consentement véritablement libre et qu'ils sont manifestement victimes d'une exploitation. En ce qui concerne les "tâches carcérales ordinaires" accomplies à l'intérieur de la prison à gestion privée, l'intervenant a constaté que ces tâches s'effectuent pour le compte et sous la supervision d'un organisme privé. Il a rappelé que c'est précisément pour cette raison que la commission d'experts a dit que l'interdiction du travail des prisonniers pour le compte d'entreprises privées devrait s'appliquer, a fortiori, à tout travail accompli dans une prison privée et qu'elle a fait valoir qu'au Royaume-Uni les condamnés peuvent en fait être astreints au travail, que la prison soit gérée par l'Etat ou par un organisme privé.

Pour conclure, l'orateur a déclaré qu'il part toujours du principe qu'un travail "décent" et constructif constitue un volet essentiel de la réinsertion du détenu. A Hewell Grange, le régime préparatoire à la libération satisfait à peu près aux critères énoncés par la commission d'experts, et ce régime favorise effectivement la réinsertion des détenus dans la société et sur le marché du travail. Cependant, considérant que les prisonniers acquittent une dette à l'égard de la société, cette dernière doit être représentée par l'Etat et non par les actionnaires de sociétés privées. Les prisonniers qui travaillent, même si le traitement qui leur est appliqué se révèle humain, peuvent être et sont souvent victimes d'une exploitation lorsque les critères définis par la commission d'experts ne sont pas respectés. L'orateur convient, avec l'ensemble des membres travailleurs, que les obligations découlant de la ratification de la convention sont les mêmes pour le Royaume-Uni que pour tout autre Etat qui la ratifie. Tout en reconnaissant que, dans ce pays, les organismes privés ne sont pas suspects de faits de maltraitance -- tortures ou coups -- à l'égard des prisonniers, et que le travail effectué peut contribuer en partie à consolider l'estime de soi du détenu, l'intervenant a néanmoins rappelé à la Commission de la Conférence qu'au Royaume-Uni les condamnés n'ont pas le choix entre travailler et ne pas le faire et qu'en outre les critères définis par la commission d'experts n'y sont pas satisfaits. Céder du terrain par rapport à la jurisprudence pour permettre l'exploitation des détenus par des entreprises privées ne pourrait qu'avoir des effets dévastateurs dans les pays où le principe de la prééminence du droit n'est ni universellement ni adéquatement respecté. Le droit international doit se concevoir comme un tout et peut se comparer à un ouvrage sans couture qui, si l'on coupe l'un de ses points, tombe entièrement en pièces. De ce point de vue, on doit être reconnaissant à la commission d'experts de défendre la position selon laquelle les obligations découlant de la ratification de la convention no 29 sont les mêmes pour tous les Etats qui l'ont ratifiée. L'orateur a recommandé que la Commission de la Conférence signifie clairement au Royaume-Uni quelles sont ses obligations en vertu de cette convention. Estimant que les problèmes en question ne sont pas insurmontables mais nécessitent simplement une volonté politique, il se réjouit à la perspective d'une poursuite du débat et espère que le gouvernement saura faire face à ses obligations et prouvera son attachement au respect du droit international, notamment en ce qui concerne les droits de l'homme fondamentaux.

Le membre gouvernemental de l'Australie a signalé que l'Australie reste vivement attachée à la convention no 29, qui est l'une des normes fondamentales de l'OIT. L'année précédente, l'Australie a été invitée à s'expliquer devant cette commission au sujet d'une situation comparable à celle pour laquelle cette année le gouvernement britannique se trouve invité à faire de même. L'an dernier, le gouvernement australien a livré une communication substantielle sur cette question, dont on trouvera la teneur dans le procès-verbal de la 87e session de la Conférence. Pour l'essentiel, il a fait valoir que les travaux préparatoires de 1929 font ressortir à l'évidence que la notion d'administration privée des prisons n'avait pas été envisagée par la Conférence à cette époque. Le problème essentiel visé par cette convention est plutôt la concession de détenus à des employeurs privés. De même, le gouvernement australien a fait observer à cette occasion que, si la convention no 29 constitue assurément un ensemble, son application doit cependant être replacée dans le contexte d'un droit international en évolution. Lorsque l'on vérifie que la convention est respectée, il convient de prendre en considération les autres instruments relatifs aux droits de l'homme qui traitent des mêmes questions, dans l'intérêt d'une jurisprudence internationale cohérente. A cet égard, l'attention de la commission est appelée sur des instruments internationaux récents, notamment sur l'article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et sur les Règles minima des Nations Unies concernant le traitement des prisonniers. L'intervenant a en outre rappelé que, dans ses conclusions relatives au cas de l'Australie, la commission a incité tous les gouvernements à répondre à l'observation générale de la commission d'experts sur la question du travail pénitentiaire privé. Il est apparu que l'application de la convention no 29 se révèle incertaine à notre époque et l'Australie examine actuellement cette question. De ce point de vue, l'intervenant s'est déclaré en accord avec le point de vue exprimé par le représentant gouvernemental du Royaume-Uni quand celui-ci s'interroge sur l'opportunité, à ce stade, de discuter de cette question au sein de cette commission. La situation évoquée aujourd'hui présente également des implications plus lourdes pour la commission et, d'une manière générale, pour le BIT. Tout d'abord, elle illustre la nécessité de veiller à ce que les normes internationales du travail et leur système de contrôle restent adaptés à l'économie moderne. Il n'est pas surprenant que la manière dont se concevait le travail pénitentiaire en 1929 ne soit plus d'actualité aujourd'hui. Deuxièmement, il convient de souligner la nécessité d'un processus de révision du système des normes et de toutes les lacunes qui auraient pu être constatées au gré de ce processus. Il se pourrait que le système actuel n'autorise pas un examen suffisamment efficace des problèmes au moment où ils surviennent. Troisièmement, cette situation soulève la question de l'adaptation du système de contrôle actuel à sa mission, notamment de la pratique consistant à publier une observation mettant spécifiquement un pays en cause, alors que la commission d'experts a elle-même des incertitudes et se réserve d'examiner ultérieurement la question dans le cadre d'une discussion générale. L'intervenant a tenu à faire savoir que le gouvernement australien considère depuis un certain temps qu'il serait nécessaire de procéder à une réforme du système des normes au sein de l'OIT, l'affaire soulevée aujourd'hui renforçant cette position.

Le membre travailleur de Singapour a rappelé que, selon le rapport de la commission d'experts, les détenus qui travaillent dans les conditions prévues par le règlement de 1999 sur les prisons ne rentrent pas dans le champ d'application de la loi de 1998 sur le salaire minimum. A cet égard, le gouvernement déclare qu'il entre dans sa politique carcérale de veiller à ce que ce type d'arrangement ne donne pas à un employeur occupant un détenu un avantage concurrentiel déloyal et que les détenus ne soient pas eux-mêmes traités moins favorablement que les autres travailleurs ayant un emploi comparable. Cependant, rien dans le rapport n'indique de quelle manière cette politique carcérale s'applique dans la pratique et si, en fait, les détenus perçoivent un salaire comparable aux travailleurs du secteur libre et s'ils sont traités équitablement. Il convient de ne pas perdre de vue que les détenus ne sont pas des agents économiques libres de chercher un emploi sur le marché du travail. Compte tenu de ces éléments, on peut difficilement comprendre à quel titre ces détenus pourraient être considérés comme employés dans le cadre d'une relation de travail libre. Pour ce qui est de la question du consentement, l'intervenante a rappelé que, dans ses commentaires concernant l'application de la convention no 29 au Cameroun, la commission d'experts a fait observer que l'un des éléments importants du respect de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention réside dans le respect du consentement formel des intéressés. Il y a lieu de se demander si le consentement des intéressés, dans le cas du Royaume-Uni, a effectivement été obtenu ou bien s'il n'est pas nécessaire de s'attarder à cette considération dans le cas de ce pays. On peut se demander en effet pourquoi les conclusions concernant respectivement l'un et l'autre cas présentent une disparité si manifeste. De l'avis de l'intervenante, l'emploi des détenus dans les conditions prévues par le règlement de 1999 sur les prisons contrevient à la convention no 29 et il convient de rappeler que l'objectif de cette convention est d'empêcher qu'un travail puisse être obtenu d'un individu par la contrainte. Pour conclure, l'intervenante a fait observer qu'il existe une différence entre offrir une formation professionnelle à des prisonniers et offrir de la main-d'oeuvre à bon marché à l'industrie.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne a noté que le travail pénitentiaire est un phénomène particulièrement délicat lorsque l'on aborde la question du travail forcé. D'une part, dans pratiquement tous les pays, les prisonniers sont contraints de travailler, ce qui exige qu'ils bénéficient d'une protection spéciale contre l'exploitation. A cet égard, il s'est référé à l'article XX e) de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce qui prévoit des mesures concernant les biens fabriqués en prison. D'un autre côté, il est toutefois reconnu que le travail est peut-être le facteur le plus important d'une réintégration réussie dans la société civile des prisonniers. Pour ce faire, un tel travail ne devrait pas être simplement répétitif et routinier comme l'est généralement le travail pénitentiaire, mais devrait correspondre aux potentialités des prisonniers et appliquer les conditions en vigueur dans le monde du travail réel. De plus en plus, ce type d'emploi est offert par des employeurs privés. De l'avis de l'orateur, on ne peut pas invoquer une égalité entre les prisonniers et les autres travailleurs, étant donné qu'en l'espèce l'employeur ne peut choisir individuellement chacun de ces travailleurs mais doit accepter l'ensemble de la main-d'oeuvre pénitentiaire de l'institution avec laquelle il traite. La question de savoir si le travail pénitentiaire, tel qu'il s'est développé depuis de nombreuses années, rentre dans le champ d'application de la convention no 29, a incité la commission d'experts à poser un certain nombre de questions aux gouvernements, dans son observation générale de l'année dernière. L'orateur rappelle que les commentaires de la commission d'experts sur cette question seront examinés lors de la prochaine Conférence internationale du Travail en 2001. C'est pourquoi il a souscrit aux préoccupations formulées par le représentant gouvernemental du Royaume-Uni sur la pertinence qu'il y a à débattre du cas particulier de ce pays avant la discussion générale susmentionnée. Il serait peut-être plus approprié de ne pas adopter de conclusions sur ce cas en attendant le prochain rapport de la commission d'experts, de façon à ne pas préjuger de ses recommandations.

Le membre travailleur de la République de Corée a indiqué qu'il adhérait aux déclarations faites par le membre travailleur du Royaume-Uni concernant l'universalité des normes internationales du travail. La convention no 29 est une convention fondamentale, et en tant que norme, elle ne doit pas faire l'objet d'une interprétation restrictive ou souple en vue de tenir compte du degré de développement ou de l'industrialisation de chaque pays. Le gouvernement du Royaume-Uni doit donc respecter les obligations qui lui incombent en vertu de cette convention.

Le membre gouvernemental de la Nouvelle-Zélande a déclaré qu'il soutenait pleinement la convention no 29. Toutefois, le cas présent serait mieux examiné dans le contexte du rapport global de l'année prochaine. Dans ces conditions, une longue discussion sur le travail effectué par les prisonniers, notamment dans le cas spécifique du Royaume-Uni, ne sera pas nécessairement bénéfique. Il convient de noter que cette convention a été adoptée dans les années trente, période à laquelle le travail des prisonniers pour des sociétés privées n'existait pas. Il est donc difficile de débattre de l'interprétation de la convention à la lumière du monde moderne, comme le prouvent les discussions ayant eu lieu à cet égard ces dernières années au sein de cette commission. Compte tenu des doutes existant au sujet de l'interprétation de l'article 2, paragraphe 2 c), relatif au travail pénitentiaire, de plus amples discussions se révèlent nécessaires. Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande se réjouit de participer à la discussion qui suivra la présentation du rapport global à la Conférence l'année prochaine.

Le représentant gouvernemental s'est excusé de ne pas avoir fait référence aux employés de maison dans sa déclaration initiale. Une nouvelle législation permettant aux employés de maison de demander à changer d'employeur ou à régulariser leur séjour au Royaume-Uni en cas d'abus ou d'exploitation a été adoptée. A la suite d'une réunion entre Kalayaan -- l'organisme qui représente ces travailleurs -- et le gouvernement, une procédure spéciale au cas par cas a été adoptée afin de liquider les retards dans les traitements des dossiers de demande soumis en application des nouvelles règles. Un nombre appréciable de cas a ainsi été traité. L'intervenante a signalé à cet égard que Kalayaan et d'autres organismes compétents ont des contacts directs avec les services administratifs compétents pour les questions concernant les employés de maison. S'agissant du travail pénitentiaire, le gouvernement communiquera dans son prochain rapport des informations complètes et entend discuter ce thème avec les partenaires sociaux. Toutefois, la question du travail pénitentiaire pour des sociétés privées va bien au-delà du cas spécifique du Royaume-Uni et devra d'abord être discutée dans un contexte plus général.

Les membres travailleurs se sont déclarés profondément préoccupés par la suggestion visant à suspendre l'examen de ce cas jusqu'à ce que la question soit discutée dans le cadre du rapport général ou jusqu'à la publication du rapport global. La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi ne constitue pas un substitut au mécanisme de contrôle régulier de l'OIT. La discussion au sein de cette commission doit se concentrer sur le cas du Royaume-Uni et le gouvernement doit être incité à mettre sa loi et sa pratique nationales en conformité avec la convention.

Les membres employeurs rappellent, en réaction à une déclaration des membres travailleurs selon laquelle la position des employeurs paraît tendre à une interprétation de la convention, que leur position a toujours été celle d'une abstention rigoureuse de toute interprétation des conventions au-delà de leur formulation. A ce sujet, ils ont rappelé que la notion de gestion privée des prisons n'existait pas en 1930 et que cette question ne s'était donc pas posée au moment de l'élaboration de la convention. C'est la raison pour laquelle le rattachement de cette question aux dispositions de la convention n'est possible qu'en sollicitant de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention une interprétation allant au-delà de ses termes. La position des employeurs est tout simplement que le travail dans les prisons de gestion privée ne peut être discuté dans le contexte de la convention sans hasarder une interprétation de cet instrument. Abordant la question du paiement d'un salaire pour le travail accompli par les détenus pour le compte de sociétés privées, ils constatent que diverses expressions, telles que "le versement d'un salaire normal", "un taux de rémunération approprié au travail considéré" et "un paiement minimum", sont employées dans les commentaires de la commission d'experts. Ils rappellent que le travail pénitentiaire traditionnel a toujours été rémunéré faiblement. De plus, la convention ne comporte aucune disposition sur ce point. Les membres employeurs croient comprendre que la commission d'experts estime que la rémunération en question devrait être supérieure au salaire minimum tout en restant inférieure à celle du marché du travail. Ils ont en outre fait observer que cette conception est reflétée dans les "commentaires" de la commission d'experts, lesquels ne sauraient être assimilés à une jurisprudence. Les membres employeurs ont également réitéré leur position selon laquelle les contrats de travail devraient être conclus entre la prison et l'entreprise et non entre le détenu qui travaille et l'entreprise. Ce n'est que dans le cadre d'une relation d'emploi entre la prison et l'entreprise que l'on peut garantir que le travail accompli par le détenu s'effectue sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, alors que cela ne pourrait être garanti dans le cadre d'un contrat d'emploi privé. Par ailleurs, d'un point de vue juridique, il serait difficile d'envisager l'affranchissement du détenu de son statut au regard du droit pénal afin que celui-ci puisse entrer dans une situation ordinaire d'emploi pendant quelques heures par jour. Par ailleurs, les membres employeurs se sont ralliés à la position du membre gouvernemental de l'Allemagne selon laquelle le fait d'offrir aux détenus la possibilité d'accomplir un travail gratifiant constitue un élément important du succès de la réinsertion de l'intéressé dans la société. Ils conviennent qu'il existe d'importantes différences entre le travail normal et le travail en prison et que l'un et l'autre doivent être traités différemment sur le plan de leurs tenants et aboutissants juridiques. Enfin, ils ont rappelé que la présente commission a notamment pour mandat de tirer ses propres conclusions, lesquelles peuvent s'écarter considérablement de celles de la commission d'experts. A ce titre, les diverses opinions qui ont été exprimées à ce sujet dans le cadre de la discussion devraient être reflétées dans les conclusions de la commission.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental ainsi que la discussion qui s'en est suivie. Elle a également noté qu'un rapport détaillé a été soumis afin d'être examiné par la commission d'experts. Elle prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur les observations de la commission d'experts relatives aux employés de maison venus de l'étranger. S'agissant des prisonniers travaillant pour des sociétés privées, la commission a pris note des différents points de vue exprimés au sein de cette commission. Elle espère que le gouvernement continuera à étudier la question de savoir si les prisonniers libérés quotidiennement pour occuper un emploi sur le marché libre du travail devraient être couverts par la loi sur le salaire minimum. En ce qui concerne les établissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées, la commission a noté que la commission d'experts examinera cette question en détail à sa prochaine session. Elle exprime l'espoir que le gouvernement continuera à examiner les mesures, tant sur le plan de la législation que sur celui de la pratique, permettant de s'assurer que, lorsque les prisonniers doivent travailler, leur travail s'effectue conformément à la convention.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport de 2019, ainsi que des informations supplémentaires communiquées par le gouvernement pour faire suite à la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). Elle prend également note des observations du Congrès des syndicats (TUC) reçues le 30 août 2019, et de la réponse du gouvernement à ces observations, reçue le 12 novembre 2019. Enfin, elle note que le TUC a communiqué des informations supplémentaires le 1er octobre 2020.
Article 2, paragraphe 2 (c) de la convention. Peine de travail obligatoire non rémunéré. Dans ses précédents commentaires la commission s’est référée aux conclusions du comité tripartite établi pour examiner la réclamation présentée par les syndicats UNISON, GMB et Napo, alléguant l’inexécution de la convention (document GB.325/INS/15/8). La réclamation se référait aux arrangements contractuels passés par le gouvernement avec un certain nombre d’entreprises privées s’occupant de réhabilitation dans la collectivité (les Community Rehabilitation Companies (CRC)), qui ont pour mission de placer auprès de fournisseurs de services des personnes qui doivent accomplir un travail d’intérêt général en vertu d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire. Le comité tripartite a observé que, tout en étant des entités de droit privé, les CRC assurent une mission de service public par délégation de l’État et que le travail ainsi effectué par les délinquants est un travail d’intérêt général qui bénéficie à la société.
Notant qu’une telle peine de travail d’intérêt général peut être prononcée sans que la personne condamnée n’ait exprimée son consentement à effectuer un tel travail, la commission a souligné qu’en tant que forme de travail obligatoire imposée comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire, une peine de travail d’intérêt général doit respecter les conditions fixées à l’article 2, paragraphe 2 (c) de la convention pour pouvoir être considérée comme étant conforme à la convention. En conséquence, la commission a prié le gouvernement de continuer à s’assurer qu’un contrôle étroit s’exerce sur l’exécution des peines de travail d’intérêt général; que les CRC font l’objet d’un contrôle étroit des autorités publiques et, enfin, que tout travail obligatoire s’accomplissant en application d’une condamnation à une peine de travail d’intérêt général ne s’effectue pas pour le compte d’entités privées.
La commission note que le gouvernement réitère que les contrats conclus avec les CRC restent soumis à des procédures d’administration des contrats et des pratiques de gouvernance solides. Ainsi le contractant est tenu de révéler le détail de toutes recettes excédant le coût de la mise à disposition du travail d’intérêt général; démontrer comment il a réinvesti ces recettes dans la fourniture de services; révéler la structuration de ses prestations ainsi que le montant des revenus générés par l’externalisation de l’accomplissement du travail d’intérêt général à un sous-traitant; démontrer qu’il ne tire pas un profit direct de l’accomplissement du travail d’intérêt général. Le gouvernement a produit une sélection de réponses émanant de deux CRC, sur les 21 avec lesquels il est en contrat, réponse dans lesquelles les CRC en question déclarent d’une manière générale qu’ils se conforment à ces prescriptions.
La commission note que, dans ses observations de 2019, le TUC, s’appuyant sur des audits indépendants et des inspections du «Transforming Rehabilitation» (le programme public de privatisation de l’exécution des peines), déclare que le gouvernement n’a pas exercé sur les CRC le contrôle rigoureux prévu ni les inspections propres à garantir que les CRC organisent le travail d’intérêt général de manière appropriée. Le TUC déclare également que de la main-d’œuvre non rémunérée a été mise à la disposition d’entreprises privées sous la forme de tierces parties qui sont des organismes à but lucratif bénéficiaires d’un travail non rémunéré. La commission note en outre que, dans ses observations supplémentaires de 2020, le TUC déclare que, le 11 juin 2020, le gouvernement a annoncé à la Chambre des Communes qu’il allait mettre un terme à la procédure d’appel d’offres pour la sélection de partenaires pour l’exécution des peines et que, à compter de juin 2021, l’administration du travail d’intérêt général serait ramenée sous le contrôle d’une autorité publique (le service national de l’exécution des peines (NPS)).
La commission salue la déclaration du gouvernement à la Chambre des Communes annonçant qu’à compter de juin 2021 il ne sera plus fait appel à des entités privées pour placer des délinquants condamnés auprès de fournisseurs de services pour accomplir un travail d’intérêt général, ce qui permettra une meilleure conformité avec l’article 2, paragraphe 2 (c) de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application effective de cette mesure et de continuer de communiquer des informations sur la nature des entités qui sont les bénéficiaires d’un tel travail non rémunéré, ainsi que sur le type de travail d’intérêt général qui est effectué.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport de 2019, ainsi que des informations supplémentaires communiquées par le gouvernement pour faire suite à la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). Elle prend également note des observations du Congrès des syndicats (TUC) reçues le 30 août 2019, et de la réponse du gouvernement à ces observations, reçue le 12 novembre 2019. Enfin, elle note que le TUC a fait parvenir des informations supplémentaires le 1er octobre 2020.
Rappelant qu’en janvier 2016 le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a ratifié le protocole de 2014 à la convention du travail forcé, 1930, la commission observe que le gouvernement n’a pas présenté de rapport détaillé sur l’application des dispositions de cet instrument. La commission prie le gouvernement de communiquer dans son prochain rapport des informations sur les questions soulevées ci-après de même que sur les mesures prises pour donner effet à chacune des dispositions du protocole.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Suppression du travail forcé sous toutes ses formes, y compris la traite des personnes. 1. Stratégies nationales. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note avec intérêt des mesures prises pour renforcer le cadre législatif et institutionnel de lutte contre toutes les formes de travail forcé et elle a encouragé le gouvernement à poursuivre ses efforts et à fournir des informations sur la mise en œuvre des diverses stratégies adoptées. La commission note que le gouvernement indique qu’il a ordonné en juillet 2018 une évaluation indépendante de la loi de 2015 sur l’esclavage moderne. Le gouvernement a accepté ou partiellement accepté la majorité des recommandations contenues dans le rapport final de cette évaluation. Parmi les mesures prises, le gouvernement indique qu’il étudie actuellement comment renforcer l’indépendance du Commissaire indépendant à l’action contre l’esclavage (IASC), qui compte au nombre de ses missions l’élaboration d’un nouveau plan stratégique. La commission note également que le gouvernement publie des rapports annuels sur les progrès réalisés dans la lutte contre l’esclavage moderne. Selon ces rapports, le gouvernement reconnaît que l’amélioration des données sur la nature et l’ampleur de l’esclavage moderne constitue une priorité, compte tenu du caractère complexe et essentiellement dissimulé de cette forme de criminalité. Le gouvernement a créé à l’automne 2019 le Centre des données et de politique concernant l’esclavage moderne, qui a ordonné de nouvelles études afin de disposer de davantage de données sur l’esclavage moderne et en améliorer la compréhension.
En ce qui concerne l’Écosse, la commission prend note de la publication des rapports annuels d’étape sur la mise en œuvre de la Stratégie d’action contre la traite et l’exploitation des êtres humains adoptée en mai 2017. Cette stratégie comporte trois volets: l’identification et l’assistance des victimes; l’identification des auteurs et le démantèlement de leurs activités; les causes profondes de la traite et de l’exploitation. Selon le rapport annuel du Royaume-Uni sur l’esclavage moderne pour l’année 2020, même si cette stratégie a été jugée conforme à ses objectifs, le gouvernement écossais est résolu à agir avec tous les partenaires et autres parties concernées pour mettre au point une version révisée et actualisée de la stratégie.
La commission note qu’en Irlande du Nord, le ministère de la Justice a élaboré en partenariat avec des organismes officiels et des ONG sa troisième Stratégie contre l’esclavage moderne, qui couvre la période 2019-2020 et s’articule autour de trois volets essentiels: réprimer, protéger et prévenir. La commission observe que le Groupe d’action contre le crime organisé (OCTF) analyse régulièrement les progrès réalisés et documente les résultats dans ses rapports annuels. Le gouvernement indique également que l’OCTF constitue un espace de partenariat stratégique et s’emploie à développer des relations solides entre les acteurs officiellement chargés d’agir contre l’esclavage moderne.
La commission salue les mesures prises pour continuer à développer des stratégies nationales d’action contre toutes les formes de travail forcé et pour évaluer de manière régulière l’impact des mesures prises. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le Commissaire indépendant à l’action contre l’esclavage (IASC) a adopté un nouveau plan stratégique et, dans l’affirmative, de fournir des informations sur les mesures envisagées et les actions entreprises pour sa mise en œuvre. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur toute stratégie révisée qui aurait été adoptée pour l’Irlande du Nord et pour l’Écosse. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations détaillées et concrètes sur les conclusions qui se sont dégagées des évaluations régulières de ces stratégies, les obstacles identifiés et les mesures prises afin de les surmonter. Elle prie également le gouvernement d’indiquer de quelle manière les partenaires sociaux sont consultés sur l’élaboration et la mise en œuvre de ces stratégies.
2. Mesures pour appuyer à la diligence raisonnable pour prévenir les risques de travail forcé et y faire face. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, conformément à la loi de 2015 sur l’esclavage moderne, certaines entreprises commerciales doivent publier au terme de chaque exercice financier une déclaration indiquant ce qu’elles ont fait pour éradiquer l’esclavage moderne au sein de leurs établissements ainsi qu’au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. La commission note que, tout en saluant cette disposition, le TUC considère que son application n’a pas donné lieu à des déclarations satisfaisantes tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Selon le TUC, les entreprises concernées peuvent par exemple déclarer qu’elles n’ont pris aucune mesure spécifique pour lutter contre l’esclavage moderne. Dans le domaine de l’attribution des marchés publics, le TUC déclare que le gouvernement devrait user du levier considérable dont dispose le secteur public pour rehausser le degré de diligence requise en matière de droits de l’homme en assurant qu’il devienne impossible aux entreprises négligentes de répondre à des appels d’offres pour des marchés publics.
En réponse le gouvernement indique qu’il a mis en place un service central pour la publication des déclarations annuelles sur la transparence dans les chaînes d’approvisionnement; qu’il a étendu les impératifs de transparence au secteur public et; qu’il a développé des outils et des orientations grâce auxquels les organismes publics seront mieux à même de déployer la diligence raisonnable contre les formes modernes d’esclavage. En vertu de la réglementation de 2015 sur les contrats publics, sont exclues des procédures d’appel d’offres toutes les personnes physiques ou morales ayant fait l’objet dans les cinq dernières années d’une condamnation pour travail d’enfants ou traite des personnes, sur la base de la loi sur l’esclavage moderne. En mars 2020 a été publiée la première Déclaration gouvernementale sur l’esclavage moderne, qui résume les mesures déployées pour instaurer des pratiques responsables et prévenir les risques dans les chaînes d’approvisionnement des collectivités publiques. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises pour appuyer les entreprises et les organismes publics à prendre des mesures pour identifier, prévenir et atténuer les risques de travail forcé et pour informer sur la manière dont ils appréhendent ces risques dans leurs activités, produits ou services auxquels ils peuvent être directement liés.
3. Identification et protection des victimes. La commission note que, selon le rapport du Royaume-Uni de 2020 sur l’esclavage moderne, en 2019, 10 627 victimes potentielles d’esclavage moderne ont été dirigées vers le mécanisme national d’orientation (NRM) (National referral mechanism) par les intervenants de première ligne, ce qui représente une hausse de 52 pour cent par rapport à 2018. Il s’agissait essentiellement de victimes originaires du Royaume-Uni, de l’Albanie, du Vietnam, de la Chine et de l’Inde. Les formes d’exploitation dénoncées le plus couramment étaient l’exploitation au travail (52 pour cent) puis l’exploitation sexuelle (33 pour cent). Selon le rapport, la hausse du nombre des signalements au NRM tient probablement au fait que le NRM est désormais mieux connu et que le contrôle de application de la loi s’est renforcé. La commission note que le gouvernement indique qu’en Écosse, des règlements fixent à 90 jours la période pendant laquelle le soutien et l’assistance aux victimes adultes sont considérés comme nécessaires, compte tenu des besoins de ces dernières. Elle prend note également des accords de financement conclus avec des ONG en Écosse et en Irlande du Nord pour fournir une aide matérielle et une assistance médicale à un nombre croissant de victimes (nombre qui est passé de 158 pour la période 2016-2017 à 251 pour la période 2018-2019 en Écosse et de 20 à 38 en Irlande du Nord pour les mêmes périodes).
La commission note que, dans ses observations, le TUC indique que les organismes de première ligne qui dirigent les victimes vers le NRM ne bénéficient pas d’une formation suffisante en ce qui concerne l’identification et l’aide aux victimes, ainsi que les différentes étapes du processus prévues dans le NRM. Le TUC se réfère en particulier à la procédure de réexamen des décisions négatives afférentes au statut de victimes (décisions fondées sur des motifs raisonnables et décisions fondées sur des motifs concluants). Le TUC évoque aussi les obstacles rencontrés en ce qui concerne l’accès à des réparations et il souligne que l’assistance accordée aux victimes ne devrait pas être limitée dans le temps mais plutôt répondre à leurs besoins.
La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il a engagé un processus inter administrations visant à déterminer quelle formation les agents de première ligne devraient recevoir et comment cette formation devrait être dispensée. Il indique également que le Home Office s’est engagé dans un programme ambitieux de transformation du NRM, visant à améliorer le processus de prise de décision et répondre aux difficultés signalées dans la prise en compte des besoins en assistance des victimes.
La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les conclusions auxquelles est parvenu le programme de transformation du NRM et sur les mesures prises pour assurer qu’une assistance et un soutien sont accordés dès qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est victime d’esclavage moderne et que cette assistance est assurée pendant un laps de temps suffisant pour que les victimes puissent se rétablir et se réinsérer. Elle prie le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre des victimes ayant bénéficié des différentes formes d’assistance (médicale, psychologique, matérielle et juridique, ainsi que l’octroi d’un titre de résidence ou de travail temporaire). La commission prie également le gouvernement de communiquer des statistiques sur le nombre des personnes dirigées vers le NRM, le nombre des décisions négatives fondées sur des motifs raisonnables ou des motifs concluants et sur le nombre de telles décisions qui ont été revues par l’autorité compétente.
4. Protection des travailleurs migrants contre les risques de pratiques abusives ou frauduleuses. La commission note que, dans ses observations, le TUC indique que le gouvernement prévoit d’instaurer un certain nombre de programmes temporaires spécifiques d’immigration par secteur concernant les travailleurs ressortissants d’un pays membre de l’Espace économique européen (EEE) et les travailleurs ressortissants d’un pays non membre. Le TUC allègue que des visas spécifiques par secteur comportent des risques élevés pour les travailleurs migrants car ils leur confèrent un statut précaire, et il demande au gouvernement de veiller à ce que les régimes qui seront adoptés soient conçus de manière à ne pas favoriser l’exploitation. La commission note également que le TUC indique qu’une analyse de l’action déployée par les organes chargées de faire appliquer la loi montre que les organes chargés de protéger les victimes de l’esclavage moderne partagent les informations concernant leur statut migratoire. Le TUC se déclare préoccupé par cette pratique de signalement du statut migratoire par les inspecteurs du travail, qui entrave les actions menées pour identifier les victimes, prévenir et réprimer l’esclavage moderne. La commission rappelle à cet égard que, conformément à l’article 4 du Protocole, toutes les victimes de travail forcé ou obligatoire, indépendamment de leur présence ou de leur statut juridique sur le territoire national, doivent avoir effectivement accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés et efficaces, tels que l’indemnisation. La commission prie le gouvernement de communiquer sa réponse aux observations du TUC et d’indiquer les mesures prises pour que les travailleurs migrants ne se retrouvent pas dans une situation de vulnérabilité accrue à l’exploitation, pour qu’ils soient protégés contre les pratiques abusives, qu’ils connaissent leurs droits et qu’ils aient effectivement accès à la justice.
5. Application de la législation. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour continuer de renforcer les activités de sensibilisation, ainsi que la formation et les capacités des fonctionnaires de police de première ligne et du ministère public, notamment à travers le Programme de transformation de la police concernant l’esclavage moderne en Angleterre et au pays de Galles; la désignation d’un Procureur national principal pour la traite des êtres humains en Écosse; l’adoption, à l’usage des fonctionnaires de police de première ligne, de directives sur l’identification et le signalement de victimes potentielles et la mise en place d’équipes spécialisées au sein du Ministère public (PPS) et de la Police de l’Irlande du Nord (PSNI). La commission observe que, d’après le rapport annuel du Royaume-Uni de 2020 sur l’esclavage moderne, il y avait en juin 2020, 1845 enquêtes actives, contre 1 479 en juin 2019. Le nombre des poursuites et celui des condamnations est également en progression en Angleterre et au pays de Galles. En Irlande du Nord, la PSNI a désigné un enquêteur financier pour toutes les enquêtes sur les affaires d’esclavage moderne et de traite d’êtres humains, et les avoirs de tout suspect peuvent être placés sous séquestre. Le gouvernement se réfère également aux deux premières condamnations pour traite des êtres humains qui ont été prononcées sur la base de la nouvelle législation de l’Irlande du Nord, soulignant que dans les deux cas, la procédure ne s’est pas appuyée sur les témoignages des victimes puisqu’aucune d’entre elles n’avait accepté de bénéficier des procédures prévues dans le cadre du mécanisme national de prise en charge des victimes (NRM). La commission note également que le gouvernement indique que la nouvelle législation a étendu la juridiction et renforcé les pouvoirs de la Gangmasters and Labour Abuse Authority (GLAA) [autorité de répression de la criminalité organisée et de l’exploitation au travail], qui enquête sur les affaires graves d’exploitation dans tous les secteurs de l’économie, en partenariat avec d’autres organes chargés de faire appliquer la loi (comme l’Inspection des normes des agences d’emploi (EAS) et le service du fisc (HMRC) compétent pour le salaire minimum national (NMW)).
La commission encourage le gouvernement à continuer de renforcer les moyens dont disposent les organes chargés de faire appliquer la loi afin qu’ils puissent identifier et adéquatement traiter les situations relevant du travail forcé de manière à ce que des poursuites judiciaires soient engagées et des sanctions efficaces et dissuasives imposées à l’encontre des auteurs. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre des enquêtes menées, des poursuites initiées et des condamnations prononcées. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur la confiscation des avoirs des auteurs ainsi que sur les ordres d’indemnisation des victimes prononcés à l’encontre des auteurs dans les affaires d’esclavage moderne et de traite.
Article 2, paragraphe 2 c). Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail de prisonniers pour le compte d’entreprises privées. Depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que tout travail de prisonnier accompli dans des établissements pénitentiaires gérés par le secteur privé, de même que tout travail de prisonnier pour des entreprises privées, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons, soit exécuté avec le consentement formel, libre et éclairé des intéressés.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’il continue de maintenir un ensemble solide de règles qui garantissent que le travail des prisonniers ne se prête pas à des abus. Le gouvernement réitère sa conviction que le travail pénitentiaire relève de l’exception prévue par la convention, puisque le travail accompli dans les prisons du secteur public et du secteur privé fait l’objet d’une supervision et d’un contrôle par le secteur public à travers les moyens suivants: l’objectif principal de ce travail reste la réhabilitation de l’intéressé; des inspections indépendantes et rigoureuses sont menées dans les établissements pénitentiaires et les ateliers du secteur public et du secteur privé; les conditions de travail des prisonniers sont encadrées par un solide dispositif légal; les intéressés ont accès à des systèmes de plainte efficaces. Le gouvernement ajoute que le travail dans les prisons est un élément clé du bon fonctionnement des prisons, qu’elles soient administrées par le secteur public ou par le secteur privé. Le travail pénitentiaire remplit un certain nombre de fonctions importantes: il assure au prisonnier une activité utile; il donne un sens et un cadre à la journée du prisonnier; il contribue à la santé physique et mentale du prisonnier; et, ce qui est le plus important, il prépare le prisonnier à l’emploi à sa libération. Le gouvernement indique que son approche flexible a permis d’accéder à des marchés nouveaux et novateurs et d’agir de concert avec des clients pour ouvrir des voies nouvelles, comme des académies de l’emploi dans les établissements pénitentiaires. Le gouvernement réaffirme qu’il souhaite ardemment continuer à voir progresser le nombre des employeurs qui proposent une formation professionnelle valable aux détenus pendant la durée de leur peine et qui sont capables de leur offrir un soutien pour la préparation de leur libération et leur accès à un emploi.
Tout en reconnaissant l’objectif de réinsertion poursuivi par le gouvernement à travers le travail des personnes condamnées, la commission ne peut que réitérer que la privatisation du travail des prisonniers va au-delà des conditions expresses prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention pour exclure le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de celle-ci. La commission a déjà souligné que l’article 2, paragraphe 2 c) de la convention interdit expressément que des personnes condamnées soient concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées, en ce sens que l’exception prévue par cet article pour le travail obligatoire des prisonniers ne s’étend pas au travail de prisonniers s’effectuant pour des employeurs privés (notamment dans des prisons ou des ateliers pénitentiaires privatisés), même si ce travail reste placé sous la supervision et le contrôle d’une autorité publique. Ainsi, pour être compatible avec la convention, le travail de prisonniers pour le compte d’entreprises privées ne doit comporter aucune forme de coercition. Cela requiert nécessairement le consentement formel, libre et éclairé des personnes intéressées, ainsi que des garanties supplémentaires couvrant les aspects essentiels d’une relation de travail, comme le niveau de rémunération, une certaine forme de sécurité sociale et l’application des règles de sécurité et de santé au travail. Comme la commission l’a souligné de manière répétée, si les termes de la convention interdisent expressément de concéder ou de mettre des prisonniers à la disposition d’entités privées, il reste parfaitement possible aux gouvernements de continuer de respecter la convention lorsqu’ils conçoivent ou mettent en œuvre un système de privatisation du travail pénitentiaire dès lors que les exigences susmentionnées sont remplies. En conséquence, la commission prie une fois de plus instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu’un consentement formel, libre et éclairé des intéressés soit requis pour que les prisonniers travaillent dans les prisons gérées par le secteur privé et pour tout travail de prisonniers s’effectuant pour le compte d’entreprises privées, que ce travail s’accomplisse dans les locaux de l’établissement pénitentiaire ou à l’extérieur de celui-ci, ledit consentement devant pouvoir être corroboré par des conditions de travail approchant celles d’une relation de travail libre.
La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations du Congrès des syndicats (TUC) en date des 1er et 19 septembre 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Situation des travailleurs domestiques étrangers. La commission s’était précédemment référée aux préoccupations exprimées par le TUC au sujet des modifications apportées au système de visa des travailleurs domestiques étrangers en 2012, qui, en supprimant le droit de changer d’employeur et le droit de renouveler le visa, avaient porté préjudice aux travailleurs domestiques migrants, les rendant ainsi plus vulnérables au travail forcé. Le gouvernement indique que les règles sur l’immigration ont été modifiées en avril 2016 afin de permettre aux personnes admises en qualité de travailleurs domestiques étrangers de pouvoir prendre un autre emploi auprès d’un autre employeur au cours de la période de six mois pendant laquelle ils sont admis. De plus, les personnes dont il a été constaté qu’elles sont victimes d’esclavage ou de traite des personnes peuvent prolonger leur séjour de deux ans et, si elles reçoivent l’assistance du Mécanisme national d’orientation (NRM) dans les six mois pour lesquels elles ont été admises, elles peuvent continuer de travailler durant l’examen de leur cas. En outre, les travailleurs domestiques étrangers auront l’obligation de participer à des réunions d’information, de conseil et d’appui. Le TUC considère cependant que, du fait que les travailleurs domestiques étrangers n’ont pas la possibilité de renouveler leur visa au-delà de la période de six mois, le droit récemment instauré de changer d’employeur est sans effet. Il sera extrêmement difficile pour un travailleur victime d’abus de trouver un nouvel employeur s’il ne peut rester au Royaume-Uni que quelques mois de plus. La commission se réfère à son observation sur les mesures prises pour lutter contre l’esclavage moderne et, prenant en compte la situation spécifique des travailleurs domestiques étrangers, elle encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour veiller à ce que ceux qui parmi ces travailleurs sont victimes de travail forcé soient identifiés et effectivement assistés pour qu’ils bénéficient de la protection de la loi de 2015 sur l’esclavage moderne. La commission prie le gouvernement d’indiquer le nombre de travailleurs domestiques étrangers qui ont été orientés vers le NRM et ont bénéficié d’une prolongation de leur séjour dans le pays.

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations reçues du Congrès des syndicats (TUC) les 1er et 19 septembre 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Suppression de toutes les formes de travail forcé, y compris la traite des personnes. Cadre législatif et institutionnel. Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend note de l’information fournie par le gouvernement dans son rapport au sujet de l’adoption de la loi de 2015 sur l’esclavage moderne. Elle note avec intérêt que la loi renforce le cadre juridique de lutte contre toutes les formes de travail forcé en définissant les éléments constitutifs des délits d’esclavage, de servitude, de travail forcé ou obligatoire et de traite des personnes, et en aggravant les sanctions applicables. La loi prévoit en particulier l’institution d’un poste de commissaire indépendant anti-esclavage dont le rôle est d’encourager les bonnes pratiques dans les domaines de la prévention, de la détection et des poursuites des délits d’esclavage moderne, et dans l’identification des victimes. Elle renforce également les pouvoirs des autorités chargées de l’application de la loi, entre autres en autorisant les tribunaux à rendre des ordonnances préventives, à décider de la confiscation des biens, ou à rendre des ordonnances de réparation pour esclavage et traite contre les délinquants qui devront payer des indemnités à la victime pour tout dommage résultant de leur délit. La loi renforce également le soutien juridique aux victimes et prévoit une interdiction de détention, d’accusation et de poursuite pour des délits commis durant l’exploitation. Enfin, la loi exige des établissements commerciaux qu’ils publient, lors de chaque exercice budgétaire, une déclaration sur l’esclavage et la traite des personnes indiquant les mesures prises pour éradiquer l’esclavage moderne de leur organisation et de leurs chaînes d’approvisionnement.
La commission note également avec intérêt l’adoption de la loi de 2015 (Ecosse) sur la traite et l’exploitation des personnes, qui prévoit un délit unique regroupant toutes les formes d’exploitation et accroît la sanction maximum, ainsi que de l’adoption de la loi de 2015 (Irlande du Nord) sur la traite et l’exploitation des personnes (justice pénale et soutien aux victimes), qui regroupe les nouveaux délits en un seul instrument législatif, donnant un poids égal à la traite des personnes et aux délits apparentés à l’esclavage. Ces deux lois comportent des dispositions similaires à celles de la loi sur l’esclavage moderne en ce qui concerne les nouveaux outils et pouvoirs en matière de contrôle de l’application de la loi. Le gouvernement indique que, suite à l’adoption de ces lois, le Département de la justice de l’Irlande du Nord a adopté une stratégie annuelle de sensibilisation aux délits d’esclavage moderne, qui s’appuie sur quatre priorités stratégiques (poursuites, protection et soutien, prévention et partenariats) et que les autorités écossaises travaillent conjointement avec diverses parties prenantes pour finaliser la stratégie sur la traite et l’exploitation des personnes.
La commission note que le commissaire indépendant anti-esclavage, dont le mandat porte sur l’ensemble du territoire national du Royaume-Uni, a adopté un plan stratégique pour 2015-2017, et que ce plan est axé sur cinq priorités: i) l’amélioration de l’identification des victimes et des soins apportés à celles-ci; ii) l’amélioration de la réponse apportée par les autorités chargées de faire appliquer la loi et la justice pénale; iii) la promotion des meilleures pratiques pour un travail en partenariat; iv) l’incitation du secteur privé à œuvrer à une plus grande transparence des chaînes d’approvisionnement; v) l’encouragement de la collaboration internationale. Dans son premier rapport, le commissaire indépendant met l’accent sur les résultats obtenus et fait un certain nombre de recommandations spécifiques en relation avec les priorités susmentionnées. Le gouvernement indique qu’il examine actuellement les recommandations du commissaire indépendant et qu’il collabore avec ses partenaires des administrations chargées de l’application de la loi et de la justice pénale pour améliorer la réaction à l’esclavage moderne. Le gouvernement fournit également des informations sur la création d’un groupe spécial national chargé de lutter contre l’esclavage moderne.
La commission prend dûment note des mesures prises pour renforcer le cadre législatif et institutionnel de lutte contre toutes les formes de travail forcé, qui témoignent de l’engagement du gouvernement à cet égard. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts et à fournir des informations sur la mise en œuvre du plan stratégique du commissaire indépendant antiesclavage ainsi que sur les stratégies adoptées par l’Irlande du Nord et l’Ecosse, et sur les résultats obtenus. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités menées par le groupe spécial national ainsi que sur toute évaluation des politiques appliquées, sur les obstacles rencontrés et sur les mesures prises ou envisagées pour les surmonter.
Application de sanctions efficaces. La commission note l’information fournie par le gouvernement dans son rapport selon laquelle, en 2015, 289 délits d’esclavage moderne ont fait l’objet de poursuites et ont donné lieu à 113 condamnations (contre 253 poursuites et 108 condamnations en 2014). Dans son rapport, le commissaire indépendant souligne les points faibles de l’enregistrement des crimes d’esclavage moderne par les forces de police en Angleterre et au pays de Galles, qui ont pour conséquence que les enquêtes nécessaires ne sont pas ouvertes. L’effet direct de cette situation est qu’il y a moins de poursuites et de condamnations, créant ainsi un contexte dans lequel les délinquants peuvent opérer en toute impunité. Le commissaire indépendant a par conséquent pris des mesures pour le financement et le développement de programmes de formation des juges et des membres des forces de police, axés en particulier sur la façon d’engager des poursuites avec succès. A cet égard, le TUC considère que la cause la plus importante du faible nombre des poursuites et des condamnations est l’insuffisance des capacités et ressources de la police. Le TUC observe que plusieurs tâches importantes destinées à mettre en œuvre la loi sur l’esclavage moderne sont confiées à la police, pour lesquelles elle ne dispose pas des capacités nécessaires. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures pour renforcer la formation et les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi, en relation avec le nouveau cadre juridique adopté pour lutter contre l’esclavage moderne et les outils qu’il contient, de manière à améliorer l’identification des cas, à veiller à ce que des enquêtes appropriées soient menées et à s’assurer que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont appliquées aux auteurs des délits. Elle prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre des enquêtes menées, des poursuites engagées et des condamnations prononcées.
Protection et assistance des victimes. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le ministère de l’Intérieur a estimé à 13 000 le nombre potentiel des victimes d’esclavage moderne. Un soutien aux victimes potentielles est apporté au moyen du Mécanisme national d’orientation (NRM) durant quarante-cinq jours. Cette assistance est octroyée par l’intermédiaire de contrats avec des ONG après une évaluation initiale des besoins de la victime potentielle. La commission prend note également des informations concernant l’assistance apportée par l’Irlande du Nord après la période de rétablissement et l’intention d’élargir le champ d’application du NRM aux victimes potentielles d’esclavage et de travail forcé. La commission observe que dans son rapport le commissaire indépendant déclare que, en 2015, 3 266 victimes potentielles ont été orientées vers le NRM, contre 2 340 en 2014. Tout en se félicitant de cette augmentation, le commissaire indépendant a fait observer qu’un nombre important de victimes ne sont pas identifiées et restent par conséquent non protégées et dans des situations d’abus et d’exploitation. Il souligne également la nécessité de s’assurer que les victimes reçoivent un appui adapté à leurs besoins individuels, qui sont complexes. Dans ses observations, le TUC reconnaît que le nombre croissant de personnes orientées vers le NRM suggère que l’on procède à des améliorations des campagnes de sensibilisation. Toutefois, le TUC indique que les victimes font état de difficultés d’accès aux services auxquels elles ont droit. Il se réfère également aux décisions discriminatoires et différentielles fondées sur la nationalité des victimes et fait remarquer que l’évaluation du fonctionnement du NRM doit être exhaustive et que toute révision du mécanisme doit être faite dans l’intérêt des victimes. La commission prie le gouvernement d’intensifier ses efforts pour apporter une protection et une assistance, y compris une assistance juridique, aux victimes de travail forcé, de façon à ce qu’elles soient en mesure de faire valoir leurs droits, y compris leurs droits en matière de droit du travail. Elle prie également le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard, ainsi que sur le nombre de personnes bénéficiant de ces services.
Article 2 c). Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail des détenus pour des entreprises privées. Depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que tout travail de prisonnier accompli dans des établissements pénitentiaires gérés par le secteur privé, de même que tout travail de prisonnier pour des entreprises privées, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons, soit exécuté avec le consentement formel, libre et éclairé des intéressés.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’il n’y a pas eu de changement dans la position du gouvernement qui continue d’être d’avis que son approche de la détention et de la réinsertion est pleinement conforme aux objectifs de la convention. Le gouvernement considère que le travail pénitentiaire relève de l’exception prévue par la convention, puisque le travail accompli dans les prisons du secteur public et du secteur privé fait l’objet d’une supervision et d’un contrôle par le secteur public. Le gouvernement se réfère de nouveau aux inspections rigoureuses et indépendantes qui sont menées dans les ateliers et les établissements pénitentiaires privés; aux cadres législatifs solides qui protègent les conditions de travail des prisonniers et les empêchent d’être exploités; à l’accès des prisonniers à des systèmes efficaces de dépôt de plaintes. Le gouvernement ajoute que le travail pénitentiaire continue de croître régulièrement. Il indique qu’il recherche en permanence de nouveaux modèles pour accroître le travail pénitentiaire, y compris en demandant à des employeurs d’ouvrir des «académies pour l’emploi» au sein des établissements pénitentiaires; en créant des centres d’appel dans lesquels les entreprises détachent du personnel expérimenté pour former les prisonniers de façon à ce que ceux-ci puissent travailler dans des conditions aussi proches que possible de celles que l’on trouve dans la société et puissent bénéficier d’une expérience du travail en situation réelle; en demandant aux employeurs d’offrir une formation professionnelle aux délinquants ainsi qu’un appui pour préparer leur libération et trouver un emploi après celle-ci. Le gouvernement réaffirme également que la réinsertion demeure le principal objectif du travail et que, s’il acceptait l’interprétation de la convention par la commission, le travail pénitentiaire, dans de nombreuses prisons du pays, ne serait plus viable, ce qui serait préjudiciable aux prisonniers et à leur réinsertion.
La commission note avec regret l’indication du gouvernement selon laquelle il n’y a pas eu de changement dans la position du gouvernement. Tout en reconnaissant l’objectif de la réinsertion recherché par le gouvernement en offrant du travail aux prisonniers condamnés, la commission se voit contrainte de rappeler que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention pour exclure le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de celle-ci. En effet, le travail pénitentiaire au profit des entreprises privées n’est compatible avec la convention que s’il n’implique aucune coercition, ce qui requiert le consentement formel, libre et éclairé des personnes concernées ainsi que des garanties et des sauvegardes couvrant les éléments essentiels de la relation de travail, tels que le niveau des salaires, l’étendue de la sécurité sociale et l’application de la règlementation en matière de sécurité et santé au travail. Comme la commission l’a souligné à de nombreuses reprises, bien que les dispositions de la convention interdisent expressément que des prisonniers soient cédés ou mis à la disposition d’entités privées, il est néanmoins parfaitement possible, pour les gouvernements, d’appliquer la convention lorsqu’ils élaborent ou mettent en œuvre un système de travail pénitentiaire privatisé, si les conditions susmentionnées sont remplies. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que le consentement formel, libre et éclairé des prisonniers est requis pour que ceux-ci travaillent dans des prisons gérées par le secteur privé ainsi que pour tout travail de prisonniers au profit d’entreprises privées, aussi bien dans les locaux de l’établissement pénitentiaire qu’à l’extérieur, ce consentement étant authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

La commission rappelle que, en novembre 2015, le Conseil d’administration a adopté le rapport du comité tripartite établi pour examiner la réclamation présentée par les syndicats UNISON, GMB et Napo, alléguant l’inexécution de la convention. Le comité tripartite a prié le gouvernement d’assurer que le travail exigé de personnes condamnées à une peine de travail d’intérêt général reste dans les limites de l’exception au travail forcé prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Il a observé que le secrétaire d’Etat avait conclu des arrangements contractuels avec des centres de réinsertion communautaire (CRC) privés pour l’exécution des services de probation, y compris la peine de travail d’intérêt général. Les CRC sont des entreprises privées, mais ils s’acquittent de fonctions publiques au nom de l’Etat. Ils sont chargés de placer les délinquants auprès de fournisseurs d’emploi chez lesquels ceux-ci exercent un travail d’intérêt général; ils ne sont pas les bénéficiaires du produit de ce travail; et le travail effectué par les délinquants l’est dans l’intérêt général de la communauté. Etant donné l’implication des prestataires privés dans le processus de gestion de cette sanction pénale, le comité tripartite a été d’avis qu’il doit y avoir des sauvegardes en ce qui concerne les conditions dans lesquelles le travail est effectué, afin de garantir que ce travail obligatoire est effectivement réalisé dans l’intérêt général, que les arrangements conclus n’ont pas pour effet que le prestataire privé affecte les délinquants à du travail obligatoire pour des entités à but lucratif et que les prestataires privés ne sont rémunérés que sur la base des termes financiers du contrat signé et ne font pas de bénéfices avec le travail d’intérêt général exécuté par les personnes condamnées.
Le gouvernement indique que les contrats des CRC font l’objet de procédures de gestion rigoureuses et de dispositifs de gouvernance solides. Le contractant est tenu de divulguer des informations sur les revenus qui seraient supérieurs au coût de l’offre du travail d’intérêt général; de prouver comment il a réinvesti ce revenu dans la fourniture de travail; de divulguer ses modèles de travail ainsi que les sommes générées en confiant le travail d’intérêt général à un sous-traitant; et de prouver qu’il ne bénéficie pas directement du travail d’intérêt général. Le gouvernement communique également un rapport du Groupe de gestion des contrats des CRC du Service national de prise en charge des auteurs d’infraction (NOMS) selon lequel ce service est convaincu, d’après les preuves fournies, que les 21 CRC s’assurent que les personnes condamnées peuvent effectivement accéder aux mécanismes de plainte; que les CRC ne tirent pas directement profit de la fourniture de travail d’intérêt général; et que le travail est réalisé dans l’intérêt général. Certains CRC ont établi des sociétés d’intérêt général et des fonds d’investissement pour les personnes condamnées afin de gérer de manière appropriée les revenus générés.
Dans ses observations, le TUC conteste l’argument du gouvernement selon lequel les entreprises privées qui offrent un travail d’intérêt général sous contrat au nom du secrétaire d’Etat sont en fait des autorités publiques. A l’appui de sa position, le TUC se réfère à différents instruments législatifs, qu’il analyse, et il considère qu’il ne ressort pas de cette analyse que les CRC sont des autorités publiques. Il indique également qu’aucune jurisprudence ne vient appuyer l’affirmation du gouvernement selon laquelle les CRC sont reconnus et traités comme des autorités publiques et n’ont pas encore fait l’objet d’une demande d’examen judiciaire («Judicial review»).
La commission prend note de ces informations. Elle observe que la peine de travail d’intérêt général est imposée aux délinquants sans que ceux-ci aient donné leur consentement. Dans la mesure où il s’agit d’un travail obligatoire imposé suite à une décision judiciaire, son accomplissement doit rester dans les limites de l’exception au travail forcé prévue à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission prie par conséquent le gouvernement de continuer de s’assurer que le travail exercé dans le cadre de la peine de travail d’intérêt général fait l’objet d’une surveillance adéquate; que les CRC sont régulièrement contrôlés par les autorités publiques; que le travail obligatoire effectué suite à une condamnation à du travail d’intérêt général n’est pas exercé pour des entités privées. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le contrôle et la supervision exercés pour s’assurer que les CRC ne bénéficient pas du revenu généré en sous-traitant le travail d’intérêt général et que le travail des condamnés est effectivement accompli dans l’intérêt général, ainsi que des informations sur toute plainte déposée par les personnes condamnées.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission prend note de la communication du Congrès des syndicats (TUC), en date du 29 août 2013, ainsi que de la réponse du gouvernement.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. 1. Mesures en vue du contrôle de l’application de la législation. La commission prend note de l’affirmation du TUC selon laquelle le gouvernement a rencontré des difficultés pour instaurer une coordination efficace entre les différents organismes engagés dans la lutte contre la traite des personnes. Mentionnant un rapport du Groupe de supervision de la lutte contre la traite, le TUC indique que le système de justice pénale ne poursuit pas systématiquement les trafiquants et que le nombre de condamnations est beaucoup plus faible que le nombre de victimes recensées. Le TUC indique néanmoins qu’il existe aussi de bonnes pratiques et des exemples d’actions localisées menées de manière excellente par certains agents de la police et d’autres acteurs de la justice pénale. Le TUC invite instamment le gouvernement à créer un poste de commissaire indépendant chargé de la lutte contre la traite.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport au sujet des mesures qu’il a prises pour lutter contre la traite des personnes, telles que l’élaboration d’une liste des pays d’où sont originaires les migrants afin d’aider les organes chargés de l’application des lois à cibler leurs efforts, la mise en place d’un correspondant national chargé de la question de la traite au sein de chaque force de police, la mise en œuvre de mesures de sensibilisation et de mesures de formation destinées aux inspecteurs chargés de surveiller les agences d’emploi, la mise à disposition des fonctionnaires de police d’un apprentissage en ligne sur la traite, l’élaboration d’une politique d’engagement de poursuites pénales pour toute affaire de traite et l’octroi de subventions aux agences qui sont en première ligne. Le gouvernement a adopté une stratégie de lutte contre la traite des êtres humains, dont la mise en œuvre sera assurée par un certain nombre d’organismes et qui est axée sur la prévention, sur une meilleure identification et prise en charge des victimes, sur des actions plus efficaces à la frontière et sur une meilleure coordination des efforts entrepris par les autorités chargées de faire appliquer la loi. Le gouvernement indique également qu’il a pris des mesures pour mettre en œuvre la Directive européenne sur la traite des êtres humains, notamment par l’adoption d’une législation en 2012 portant élargissement de la compétence extraterritoriale en cas de délits liés à la traite commis par des nationaux. La commission note par ailleurs l’indication du gouvernement selon laquelle, en Angleterre et au pays de Galles, six personnes ont été condamnées pour des faits de traite des personnes en 2011 et 13 personnes en 2012. En 2011, deux personnes ont été dûment poursuivies et condamnées pour des faits de traite à des fins d’exploitation sexuelle en Ecosse ainsi que deux autres personnes en Irlande du Nord en 2012. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures de lutte contre la traite des personnes et de renforcer ses efforts pour que les auteurs de ce crime fassent l’objet d’enquêtes approfondies, de poursuites judiciaires effectives et que, dans la pratique, des sanctions pénales efficaces et dissuasives soient appliquées. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’application de la législation nationale dans la pratique, y compris le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites initiées ainsi que de condamnations et de sanctions pénales prononcées.
2. Protection et assistance des victimes de la traite. La commission prend note des indications du TUC, selon lesquelles la stratégie de lutte contre la traite prévoit peu de mesures de protection des victimes, étant essentiellement focalisée sur le contrôle de l’immigration et de la traite internationale, en dépit du nombre non négligeable de victimes dans le Royaume-Uni ou en provenance d’Etats de l’Union européenne. Le TUC mentionne également que le Groupe de supervision de la lutte contre la traite a conclu que le Mécanisme national d’orientation (NRM) présentait de grosses lacunes car il reposait beaucoup trop sur la faculté de discernement de membres du personnel n’ayant reçu qu’une formation minimale, s’appuyait sur des orientations juridiques peu rigoureuses quant à la définition de la traite des personnes, mettait indûment l’accent sur le statut migratoire de la victime présumée, ne prévoyait pas de procédure de recours formel et offrait un traitement préférentiel aux citoyens du Royaume-Uni et de l’Union européenne. En outre, la législation actuelle ne définit pas clairement les droits des victimes de la traite en matière de protection, et celles-ci continuent de faire état de problèmes lorsqu’elles veulent avoir accès aux services auxquels elles peuvent prétendre. Le TUC indique que le gouvernement devrait s’assurer que les victimes de traite ont accès à une aide juridique gratuite et peuvent accéder aux services d’aide auxquels elles ont droit.
La commission note que le gouvernement indique avoir apporté des modifications au dispositif d’aide aux victimes en 2011 et qu’il a conclu un contrat de deux ans avec une organisation non gouvernementale, avec laquelle il tient des réunions trimestrielles pour s’assurer que les victimes reçoivent l’aide et l’appui dont elles ont besoin. Pour déterminer les services d’aide à fournir aux personnes, il est procédé à une évaluation initiale des besoins des intéressés dans ce domaine. En Irlande du Nord, cette aide consiste notamment en la fourniture de lieux d’hébergement, de services d’interprétation, d’un accès aux soins médicaux, à des services de conseils, y compris juridiques, et de représentation légale. Le gouvernement indique en outre qu’il a adopté en 2013 un règlement sur la traite des personnes à des fins d’exploitation, qui définit les mesures de protection des plaignants. Il ajoute que le NRM est constamment réexaminé et qu’un certain nombre de modifications ont été apportées aux formulaires du NRM pour améliorer la qualité des informations recueillies par les premiers intervenants. Les efforts entrepris pour sensibiliser les professionnels qui sont en première ligne ont permis d’accroître le nombre de victimes identifiées: 710 en 2010, 946 en 2011 et 1 186 en 2012. Le gouvernement indique en outre qu’une enquête initiale sur les victimes de traite a permis d’estimer à 2 077 le nombre de victimes potentielles en 2011 au Royaume-Uni. Notant le nombre important de victimes identifiées, la commission prie le gouvernement d’intensifier ses efforts en vue de fournir protection et assistance, y compris juridique, aux victimes de la traite. Elle prie en outre le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard ainsi que sur le nombre de personnes ayant bénéficié des services en question.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. Vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants à l’imposition de travail forcé. La commission prend note des commentaires du TUC concernant la situation des travailleurs domestiques migrants au Royaume-Uni, eu égard plus précisément aux modifications apportées au système de visa des travailleurs domestiques étrangers en 2012. Selon le TUC, ces modifications ont entraîné la suppression de garanties importantes qui protégeaient les détenteurs de visa, notamment le droit de changer d’employeur et le droit de renouveler leur visa. Le TUC affirme que ces changements portent préjudice aux travailleurs domestiques migrants qui sont ainsi plus exposés au travail forcé. La commission prie le gouvernement de répondre aux observations du TUC dans son prochain rapport.
Article 25. Sanctions pénales en cas de recours au travail forcé ou obligatoire. La commission a noté antérieurement que l’article 71 de la Coroners and Justice Act de 2009 a ajouté à la liste des délits en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord le fait de tenir une personne en esclavage et en servitude ou d’exiger d’une personne qu’elle exécute un travail forcé ou obligatoire. La commission a demandé des informations sur l’application dans la pratique de cette disposition.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, en 2011, une condamnation a été prononcée en vertu de l’article 71 de la Coroners and Justice Act, qui a sanctionné le condamné à une peine de six mois d’emprisonnement et une injonction à verser 3 000 livres sterling à la victime. En 2012, sept condamnations ont été enregistrées dans le cadre de deux affaires et, en 2013, deux condamnations dans le cadre d’une affaire, pour lesquelles des peines d’emprisonnement allant de plus de deux ans à onze ans ont été prononcées.

Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail des prisonniers au profit d’entreprises privées. Depuis de nombreuses années, la commission formule des commentaires sur la privatisation des prisons et le travail des prisonniers au profit d’entreprises privées au Royaume-Uni. A cet égard, la commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, en ce qui concerne le travail dans les prisons ou les ateliers privatisés, tout travail de prisonniers au profit d’entreprises privées soit accompli dans les conditions d’une relation de travail librement consentie.
La commission note que le gouvernement indique que, depuis la soumission du rapport précédent, ni la position du gouvernement ni la législation et la pratique nationales n’ont changé. Le gouvernement continue à être d’avis que son approche quant à l’emprisonnement et à la réinsertion est pleinement conforme aux objectifs de la convention. La commission note que le gouvernement envisage actuellement d’éventuels autres modèles pour accroître le volume de travail dans les prisons, en tenant compte des conventions pertinentes de l’OIT. Le gouvernement affirme à nouveau que le Royaume-Uni continue à disposer d’un ensemble de règles et de règlements solides pour veiller à ce que le travail pénitentiaire ne fasse pas l’objet d’abus et à ce que les prisons et les ateliers, aussi bien du secteur public que du secteur privé, fassent l’objet d’inspections indépendantes rigoureuses. Le gouvernement considère également que, s’il acceptait l’interprétation que la commission fait de la convention, le travail des prisonniers ne serait plus viable dans bon nombre des prisons du Royaume-Uni, de même que le travail communautaire supervisé par des entités du secteur privé, et que cela serait très préjudiciable pour les prisonniers et leur réinsertion.
Tout en notant ces commentaires, la commission se doit de rappeler à nouveau que le travail des prisonniers au profit d’entreprises privées n’est compatible avec la convention que s’il n’implique pas de travail obligatoire, ce qui suppose que les intéressés donnent formellement leur consentement libre et éclairé, ainsi que des garanties et des sauvegardes couvrant les éléments essentiels d’une relation de travail, tels que par exemple le paiement d’un salaire et la couverture de sécurité sociale. Comme la commission l’a souligné à maintes reprises, il est par conséquent possible pour les gouvernements d’appliquer la convention lorsqu’ils conçoivent ou mettent en pratique un système de travail pénitentiaire privatisé, dès lors que les prescriptions susmentionnées sont respectées. A cet égard, la commission attire l’attention du gouvernement sur le paragraphe 291 de son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales concernant les droits au travail, dans lequel elle a noté qu’un certain nombre de pays ont déjà progressé sur la voie de la pleine application de la convention en prenant des mesures, tant sur le plan du droit que dans la pratique, afin que les conditions de travail des détenus pour le secteur privé se rapprochent progressivement de celles des travailleurs libres. Prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’élaboration de nouveaux modèles de travail pour les prisonniers tiendra compte des conventions pertinentes de l’OIT, la commission veut croire que des mesures seront prises pour veiller à ce qu’un consentement libre et éclairé soit exigé formellement des prisonniers pour le travail dans les prisons privatisées ainsi que pour tout travail au profit d’entreprises privées, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison, un tel consentement devant être authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, ce qui inclut le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations, dans son prochain rapport, sur tout nouveau modèle de travail des prisonniers qui aurait été développé.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. La commission prend note des informations complètes communiquées par le gouvernement sur les différentes mesures prises pour combattre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation de leur travail. Elle note en particulier les informations sur le fonctionnement du mécanisme national d’orientation, qui constitue un processus d’identification et de soutien des victimes conçu pour faciliter la collaboration entre les différentes agences pouvant intervenir dans les affaires de traite de personnes. Le gouvernement décrit les améliorations apportées dans le domaine de l’identification des victimes, ainsi qu’un nouveau cadre d’assistance aux adultes victimes de la traite, qui a été introduit en Angleterre et dans le pays de Galles. Il indique également que cette nouvelle approche assurera à toutes les victimes identifiées un soutien adapté à leurs besoins spécifiques et qu’elle facilitera également la mise en place d’un service de soutien plus diversifié, permettant à un plus grand nombre d’organisations de venir en aide aux victimes. Selon le rapport, des mesures analogues d’aide aux victimes ont été adoptées en Ecosse.
En ce qui concerne le contrôle de l’application de la loi et les poursuites judiciaires, la commission note que le Centre pour la traite des personnes du Royaume-Uni soutient les organismes chargés du contrôle de l’application de la loi en offrant des conseils tactiques, une analyse des renseignements, ainsi que son expérience dans les opérations de lutte contre la traite. Elle note également les informations statistiques contenues dans le rapport sur le nombre de condamnations pour traite. Selon les indications du gouvernement, les poursuites pour traite aux fins de travail forcé/esclavage domestique et les condamnations pour ces motifs sont bien moins nombreuses que pour la traite aux fins d’exploitation sexuelle.
Tout en prenant note de ces informations, la commission espère que le gouvernement continuera à fournir des informations sur les mesures prises pour lutter contre la traite, notamment la traite des personnes aux fins d’exploitation de leur travail. Prière de décrire en particulier la nouvelle stratégie de lutte contre la traite des personnes, à laquelle il est fait référence dans le rapport, ainsi que les mesures prises afin de mettre en œuvre la directive de l’Union européenne sur la traite des personnes qui, selon le gouvernement, doivent être soumises à l’avis du Parlement du Royaume-Uni. Prière de continuer à fournir des informations sur les mesures liées au contrôle de l’application de la loi, en particulier en ce qui concerne l’efficacité des poursuites judiciaires engagées et les sanctions infligées aux contrevenants.
Article 25. Sanctions pénales punissant le fait d’exiger un travail forcé ou obligatoire. La commission note que, selon l’article 71 de la loi sur le système judiciaire et la justice de 2009, constitue une nouvelle infraction en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord le fait de tenir une personne en esclavage et en servitude ou d’exiger d’une personne qu’elle effectue un travail forcé ou obligatoire, cette infraction étant passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à quatorze ans et/ou d’une amende. Le gouvernement indique dans son rapport que cette nouvelle disposition permet de traiter comme une seule infraction toute attitude pouvant être considérée comme relevant de l’esclavage ou de la servitude, ou encore du travail forcé ou obligatoire. La commission note également que l’article 47 de la loi de 2010 sur la justice pénale et les licences (Ecosse) contient une disposition similaire. Tout en prenant note avec intérêt de cette information, la commission saurait gré au gouvernement de bien vouloir fournir dans son prochain rapport des informations sur l’application pratique des dispositions susmentionnées, y compris copie des décisions de justice, en précisant les sanctions imposées.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail des prisonniers au profit d’entreprises privées. Depuis de nombreuses années, la commission formule des commentaires sur la privatisation des prisons et le travail des prisonniers au profit d’entreprises privées au Royaume-Uni. La commission rappelle que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit expressément que des personnes condamnées par décision judiciaire soient concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Il ressort clairement de la rédaction de cette disposition que l’exception au champ d’application de la convention que constitue le travail pénitentiaire obligatoire ne s’étend pas au travail accompli par ces prisonniers au profit d’employeurs privés (y compris pour des prisons et des ateliers de travail pénitentiaires privatisés), même sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques. La commission a donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, en ce qui concerne le travail dans les prisons ou les ateliers privatisés, tout travail de prisonniers au profit d’entreprises privées soit accompli dans les conditions d’une relation de travail librement consentie, sans la menace d’une peine quelconque, et également à ce que, compte tenu de leurs conditions de captivité, les prisonniers bénéficient de garanties en matière de salaires et autres conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.
La commission note avec préoccupation que, depuis le précédent rapport, la position du gouvernement n’a pas changé, tout comme la législation et la pratique nationales. Le gouvernement déclare à nouveau que le Royaume-Uni continue à disposer d’un ensemble de règles et de règlements solides pour garantir que le travail pénitentiaire ne fait pas l’objet d’abus, et que les prisons et les ateliers, aussi bien du secteur public que du secteur privé, sont soumis dans le pays à des inspections indépendantes rigoureuses, sur les plans interne et international. Le gouvernement exprime également l’avis selon lequel, s’il accepte l’interprétation faite par la commission d’experts de la convention, le travail des prisonniers ne serait plus viable dans bon nombre des prisons du Royaume-Uni, et, par conséquent, suivre le point de vue de la commission serait grandement préjudiciable pour les prisonniers et leur réinsertion.
Tout en prenant note de ces avis et de ces commentaires, la commission souligne à nouveau que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, pour pouvoir exclure le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de la convention. Toutefois, la commission a estimé que le travail des prisonniers au profit d’entreprises privées peut être considéré comme conforme à la convention, s’il n’implique pas de travail obligatoire, ce qui suppose que les intéressés donnent formellement leur consentement libre et éclairé. Dans le contexte d’une main-d’œuvre captive qui n’a pas d’autre possibilité d’accès au marché libre du travail, ce libre consentement devrait être authentifié par des conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, qui constitue l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail, ce qui inclut le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail (voir paragr. 59-60 et 114-120 de l’étude d’ensemble de 2007 de la commission, Eradiquer le travail forcé).
Comme la commission l’a souligné à plusieurs reprises, en dépit de l’interdiction expresse de concéder les prisonniers ou de les mettre à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées établie par la convention, il est tout à fait possible pour les Etats ayant ratifié la convention de l’appliquer lorsqu’ils conçoivent ou mettent en pratique un système de travail pénitentiaire privatisé, dès lors que les prescriptions susmentionnées sont respectées. La commission attire à nouveau l’attention du gouvernement sur les paragraphes 61 et 122 de son étude d’ensemble de 2007, dans lesquels elle a constaté qu’un certain nombre de pays ont progressé sur la voie de la pleine application de la convention en prenant des mesures, tant en droit que dans la pratique, afin que les conditions de travail des prisonniers pour le secteur privé se rapprochent progressivement de celles des travailleurs libres.
Tout en notant que le gouvernement indique dans son rapport qu’il étudie actuellement divers modèles visant à accroître le travail dans les prisons et qu’il s’engage à tenir compte des conventions pertinentes de l’OIT dans l’élaboration de ces modèles, la commission veut croire que des mesures seront prises pour veiller à ce qu’un consentement libre et éclairé soit exigé formellement des prisonniers pour le travail dans les prisons privatisées ainsi que pour tout travail au profit d’entreprises privées, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison, un tel consentement devant être authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, ce qui inclut le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail. La commission exprime le ferme espoir que de telles mesures seront prises tant en droit qu’en pratique, en vue d’accorder aux prisonniers qui travaillent dans des ateliers à gestion privée et aux prisonniers travaillant pour des entreprises privées un statut légal avec des droits et des conditions de travail qui sont compatibles avec cet instrument fondamental des droits de l’homme que le Royaume-Uni a ratifié depuis plus de quatre-vingt ans, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de faire état des progrès réalisés à ce propos.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et 25 de la convention. Traite des personnes. La commission prend note avec intérêt des informations complètes communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour combattre la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation de leur travail. Elle a également pris note d’une communication datée du 29 août 2008 par laquelle la Confédération syndicale internationale (CSI) a soumis des commentaires concernant la traite des êtres humains, en liaison avec l’application de la convention par le Royaume-Uni. Dans cette communication, la CSI s’est déclarée préoccupée par le fait que, malgré un grand nombre d’initiatives positives prises par le gouvernement, la politique de lutte contre la traite comporte encore des lacunes importantes qui doivent être traitées. La CSI considère en effet que le gouvernement devrait de manière urgente mener des recherches détaillées sur la traite en vue de l’exploitation du travail au Royaume-Uni. Par ailleurs, la CSI est d’avis que les mesures d’identification, d’orientation, de protection et de soutien demeurent inadéquates, particulièrement au sujet de la traite aux fins de l’exploitation du travail. La CSI exprime aussi sa préoccupation au sujet de la situation des travailleurs domestiques migrants et des modifications proposées à la réglementation en vigueur sur l’immigration.

La commission note avec intérêt que le Royaume-Uni a ratifié la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et a constitué un groupe de travail, multi-agency Home Office-led task force, chargé de contrôler sa mise en œuvre. Elle note aussi que l’article 31 de la nouvelle loi de 2007 sur les frontières a modifié les dispositions existantes relatives aux délits de traite aux fins d’exploitation pour en étendre le champ d’application.

La commission prend note avec intérêt des informations sur la mise en œuvre du plan d’action du Royaume-Uni de lutte contre la traite des êtres humains (établissant la stratégie du gouvernement dans des domaines clés, tels que la prévention, la protection des victimes, l’investigation, le contrôle de l’application de la loi et les poursuites); ces informations portent notamment sur les activités du Centre du Royaume-Uni de lutte contre la traite des êtres humains qui accomplit des fonctions de coordination et est chargé de plusieurs actions importantes prévues dans le plan susmentionné. Elle prend note en particulier de l’établissement en 2009 du mécanisme national d’orientation, qui prévoit des procédures améliorées en vue de l’identification précoce des victimes, de leur orientation et de leur soutien de la part des bureaux locaux; ce mécanisme devrait également permettre de produire de meilleures données sur les victimes.

En ce qui concerne les mesures destinées à lutter contre la traite à des fins d’exploitation du travail, le gouvernement indique qu’un bureau multifonctionnel pilote sur la traite à des fins de travail forcé a permis entre mai et septembre 208 de mieux faire connaître un type moins connu de traite et de tester les dispositions d’identification des victimes et d’aide aux victimes. En novembre 2008, une agence multifonctionnelle «opération Ruby» a été lancée pour cibler la traite à des fins d’exploitation du travail; elle a conduit à plusieurs arrestations, et plus de 60 victimes potentielles ont été repérées dans le cadre d’un processus d’identification des victimes.

Pour ce qui est du contrôle de l’application de la loi et des poursuites, la commission note que le Centre du Royaume-Uni de lutte contre la traite des êtres humains constitue le point central du développement du contrôle de l’application de la législation par rapport à toutes les formes de traite et joue un rôle clé dans un partenariat stratégique et un travail de collaboration entre tous les bureaux chargés du contrôle de l’application de la législation au Royaume-Uni. Elle note par ailleurs l’indication du gouvernement selon laquelle jusqu’en février 2009, 100 condamnations pour traite ont été prononcées, trois pour complot en vue de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et cinq pour traite en vue d’exploitation du travail. La commission prend note aussi des informations statistiques sur les résultats de l’opération «Pentameter 2» (la campagne la plus vaste jamais menée par la police pour combattre la traite à des fins d’exploitation sexuelle), publiées en juillet 2008; selon ces informations, 167 victimes ont été retrouvées et 528 arrestations effectuées au cours de cette opération.

Tout en prenant note avec intérêt de ces renseignements, la commission espère que le gouvernement communiquera de plus amples informations sur les développements en matière de législation en vue de renforcer les mesures destinées à combattre la traite, telles que par exemple les mesures proposées dans le projet de loi concernant les frontières, la citoyenneté et l’immigration et les projets de loi sur les crimes, actuellement devant le parlement, comme l’indique le rapport du gouvernement. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement pratique du mécanisme national d’orientation, en relation aussi bien avec la traite à des fins d’exploitation du travail qu’à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, ainsi que de manière plus générale sur toute action prise en vue d’améliorer l’efficacité de l’identification des victimes et des mesures de protection des victimes, en se référant également aux points pertinents soulevés dans la communication susmentionnée de la CSI. Prière de continuer également à transmettre des informations sur les mesures destinées à assurer le contrôle de l’application de la législation, en particulier par rapport à l’efficacité des poursuites et aux sanctions infligées aux contrevenants.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail des prisonniers au profit d’entreprises privées. Dans des commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années concernant la privatisation des prisons et le travail des prisonniers au profit d’entreprises privées au Royaume-Uni, la commission a souligné que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit expressément que des personnes condamnées par décision judiciaire soient concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Ainsi, l’exception au champ d’application de la convention autorisée par cet article pour le travail pénitentiaire obligatoire ne s’étend pas au travail accompli par ces prisonniers au profit d’employeurs privés (y compris pour des prisons et des ateliers de travail pénitentiaires privatisés), même sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques. La commission a rappelé que le travail ou le service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont remplies, à savoir: «que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». Ces deux conditions doivent être satisfaites pour que la convention soit respectée: si l’une des deux conditions n’est pas respectée, la situation n’est pas exclue du champ d’application de la convention et, par conséquent, le travail obligatoire imposé dans de telles conditions à des personnes condamnées est interdit. La commission a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, en ce qui concerne le travail dans les prisons ou les ateliers privatisés, tout travail de prisonniers au profit d’entreprises privées soit accompli dans les conditions d’une relation de travail librement consentie, sans la menace d’une peine quelconque et que, compte tenu de leurs conditions de captivité, les prisonniers bénéficient de garanties en matière de salaires et autres conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.

La commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne fait état d’aucun changement dans la position du gouvernement et dans la législation et la pratique nationales en ce qui concerne le travail des prisonniers au profit d’entités privées. Le gouvernement continue à considérer que son approche est conforme aux objectifs de la convention. Il déclare que les prisons et les ateliers aussi bien du secteur public que du secteur privé au Royaume-Uni sont soumis à des inspections indépendantes rigoureuses, sur les plans interne et international, et que le Royaume-Uni continue à disposer d’un ensemble de règles et de règlements solides pour garantir que le travail pénitentiaire ne fait pas l’objet d’abus.

Tout en notant ces déclarations, la commission souligne à nouveau que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention qui a exclu le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de la convention. En conséquence, celui-ci ne peut être compatible avec la convention que s’il ne comporte pas de travail obligatoire. Ainsi, pour être conforme à la convention, le travail des prisonniers au profit d’entités privées exige le libre consentement des intéressés. La commission a estimé que, dans le contexte d’une main-d’œuvre captive qui n’a pas d’autre possibilité d’accès au marché libre du travail, l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail réside dans la réalisation du travail dans des conditions d’emploi qui se rapprochent de celles d’une relation de travail libre, ce qui inclut le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la santé et la sécurité au travail (voir paragr. 59-60 et 114 à 120 de l’étude d’ensemble de 2007 de la commission, Eradiquer le travail forcé).

Tout en prenant note de la suggestion réitérée du gouvernement de renvoyer cette question à des spécialistes du droit international du travail pour un nouvel examen, ainsi que de la volonté confirmée du gouvernement de coopérer avec l’OIT sur cette question, la commission est d’avis que, en dépit de l’interdiction expresse de concéder les prisonniers ou de les mettre à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées, établie par la convention, il est tout à fait possible pour les Etats ayant ratifié la convention d’appliquer la convention lorsqu’ils conçoivent ou mettent en pratique un système de travail pénitentiaire privatisé, dès lors que les prescriptions susmentionnées sont respectées. La commission se réfère à cet égard au paragraphe 122 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, dans lequel elle a constaté qu’un certain nombre de pays ont progressé sur la voie de la pleine application de la convention en prenant des mesures, tant en droit que dans la pratique, afin que les conditions de travail des prisonniers pour le secteur privé se rapprochent progressivement de celles des travailleurs libres.

La commission exprime donc le ferme espoir que des mesures seront prises pour veiller à ce qu’un consentement libre et éclairé soit exigé pour le travail des prisonniers dans les prisons privatisées et pour tout travail de prisonniers au profit d’entreprises privées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux de la prison, un tel consentement «libre» et «éclairé» devant être authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, ce qui inclut le niveau de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et la santé au travail. La commission veut croire que de telles mesures seront prises aussi bien dans la législation que dans la pratique, en vue d’accorder aux prisonniers qui travaillent dans des installations à gestion privée et aux autres prisonniers travaillant pour des entreprises privées un statut légal avec des droits et des conditions d’emploi qui sont compatibles avec cet instrument fondamental des droits de l’homme, et que le gouvernement sera bientôt en mesure de faire état du progrès réalisé à ce propos.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

Travailleurs domestiques étrangers. Suite à ses précédents commentaires, la commission prend note avec intérêt des informations détaillées concernant les mesures prises en vue de renforcer la protection des travailleurs domestiques venus de l’étranger, et notamment des règles applicables en matière d’immigration pour les employés de maison des résidences diplomatiques et des ménages privés. Elle note également que le gouvernement indique dans son rapport de 2005 que la Direction de l’immigration et de la nationalité s’est largement concertée avec Kalayaan, une ONG qui milite pour les droits des travailleurs d’outre-mer employés comme gens de maison, pour parvenir à ce que cette catégorie de travailleurs bénéficie d’une certaine protection au Royaume-Uni. La commission exprime l’espoir que le gouvernement continuera de fournir dans ses prochains rapports des informations sur toute nouvelle mesure prise dans ce domaine.

Femmes recrutées à l’étranger sur de fausses promesses d’un emploi d’infirmière au Royaume-Uni. Dans ses précédents commentaires, la commission se référait au rapport établi en vue des travaux de la vingt-sixième session du Groupe de travail des formes contemporaines d’esclavage (document E/CN.4/Sub.2/2001/30), selon lequel un nombre croissant de femmes originaires notamment des Philippines et d’Inde sont recrutées dans ces pays sur de fausses promesses d’un emploi d’infirmière au Royaume-Uni. Ces personnes sont particulièrement vulnérables à l’exploitation, surtout du fait qu’on leur confisque leur passeport et leur permis de travail à leur arrivée. Le gouvernement avait indiqué qu’en février 2003 Work permits (UK) a constitué une équipe de renseignement ayant pour mission de garantir que tout signalement d’abus des facilités accordées en ce qui concerne les permis de travail ou de tromperie de travailleurs étrangers donne lieu à des investigations rigoureuses et, le cas échéant, aux poursuites légales qui s’imposent.

La commission prend note des indications données par le gouvernement dans son rapport de 2005 en ce qui concerne l’organisation et le travail pratique des équipes de Work permits. Elle note en particulier que ces équipes interviennent sur tout signalement d’abus concernant les permis de travail, quelle que soit la source, et peuvent mener des investigations approfondies, qui débouchent parfois sur la mise au jour d’affaires qui donnent lieu ensuite à des poursuites, dans les cas de facilitation, de contrefaçon, de tromperie, etc. La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera dans ses futurs rapports de plus amples informations sur les mesures prises dans ce domaine, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées.

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport en réponse à ses précédents commentaires. Elle prend également note d’une communication du Congrès des syndicats (TUC) datée du 24 octobre 2005 qui contient des commentaires sur le rapport du gouvernement. Elle prend également note d’une communication en date du 29 août 2006 de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
– désormais Confédération syndicale internationale (CSI) – relative à l’application de la convention par le Royaume-Uni. La commission note que ces communications ont été transmises au gouvernement pour tout commentaire que celui-ci voudrait formuler à leur égard et elle espère que, le cas échéant, ces commentaires seront communiqués avec le prochain rapport du gouvernement.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Travail des détenus pour des sociétés privées. Dans ses précédents commentaires concernant la privatisation des prisons et le travail des détenus effectué pour des entités privées, la commission a souligné que l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit expressément que des personnes condamnées par décision judiciaire soient concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Ainsi, l’exception au champ d’application de la convention autorisée par cet article pour le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation ne s’étend pas au travail accompli par ces détenus pour des employeurs privés (y compris pour des prisons et des ateliers de travail pénitentiaire privés), même sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques. La commission a précédemment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que, en ce qui concerne les prisons et les activités pénitentiaires privatisées, le travail des prisonniers pour le compte d’entreprises privées s’accomplit dans les conditions d’une relation d’emploi librement consentie, sans la menace d’une peine quelconque et, eu égard aux conditions inhérentes à une main-d’œuvre captive, moyennant des garanties quant aux salaires et aux autres conditions d’emploi se rapprochant d’une relation d’emploi libre.

Le gouvernement indique à nouveau que son approche sur le travail des prisonniers pour des entités privées est conforme aux buts de la convention. Il déclare qu’il n’y a pas de réelle différence entre les prisons publiques et les prisons privées du Royaume-Uni sur le plan des arrangements concernant la surveillance, puisque le personnel pénitentiaire servant dans les prisons privées doit avoir été agréé par les autorités publiques. Le gouvernement avait précédemment déclaré que rien ne saurait justifier l’instauration de systèmes d’emploi différents, selon que les condamnés effectuent un travail en prison pour le compte du secteur public ou pour celui du secteur privé puisque des sauvegardes adéquates contre les abus ont été prévues. La commission note cependant que cette conception a de nouveau été rejetée par le TUC dans les commentaires qu’il a faits au sujet du rapport du gouvernement, contenus dans la communication mentionnée plus haut. Le TUC a également considéré que les arrangements concernant la surveillance dans les prisons privées n’atteignent pas le niveau de surveillance exigé par la convention pour ce type de travail: certes le personnel pénitentiaire employé par des sociétés privées doit avoir été agréé par les autorités publiques, mais ceci n’équivaut pas à une surveillance au quotidien des autorités publiques sur le travail des condamnés.

La commission prend note de ces avis et commentaires et rappelle que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention pour exclure du champ d’application de la convention le travail obligatoire en prison. En effet, en vertu de cette disposition, le travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont remplies, à savoir: «que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques; et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». Ces deux conditions doivent être satisfaites pour que la convention soit respectée: si l’une des deux conditions n’est pas respectée, la situation n’est pas exclue du champ d’application de la convention, et par conséquent le travail obligatoire imposé dans de telles conditions à des personnes condamnées est interdit. En d’autres termes, ces deux conditions s’appliquent de manière cumulative, c’est-à-dire que le fait que le prisonnier reste en tout temps sous la supervision et le contrôle d’une autorité publique ne dispense pas en soi le gouvernement de satisfaire à la deuxième condition, à savoir que cette personne ne soit pas «concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées».

Comme la commission l’a souligné au paragraphe 106 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, l’interdiction de concéder des prisonniers à des entités privées ou de les mettre à leur disposition est absolue et ne se limite pas au travail effectué hors des établissements pénitentiaires mais s’applique également dans les ateliers exploités à l’intérieur des établissements par des entreprises privées; elle s’applique donc à tout travail organisé par des prisons à gestion privée. Par conséquent, la privatisation des prisons et/ou du travail pénitentiaire n’est compatible avec la convention que si elle n’implique pas du travail obligatoire. Donc, pour que la convention soit respectée, le travail des détenus pour le compte d’entités privées requiert le libre consentement des intéressés. La commission a considéré que, dans le contexte d’une main-d’œuvre captive qui n’a pas d’autre possibilité d’accès au marché libre du travail, l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du consentement réside dans la réalisation du travail dans des conditions d’emploi qui se rapprochent de celles d’une relation de travail libre, qui incluent le niveau de la rémunération (étant admis que des retenues et des saisies peuvent être opérées), la sécurité sociale, et l’hygiène et la sécurité. Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent également être considérés comme des éléments objectifs et des avantages quantifiables dont le prisonnier bénéficie en réalisant le travail et qui pourraient être pris en compte afin de déterminer si le consentement a été donné librement et de manière éclairée, comme par exemple: l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré; la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération; ou l’opportunité de travailler en groupe dans un environnement contrôlé permettant au prisonnier de développer sa capacité de travailler en équipe. La commission a indiqué que tous ces facteurs devaient être pris dans leur ensemble afin de déterminer si le consentement a été donné librement, et ils devraient être examinés et évalués par les autorités publiques (voir paragr. 59-60 et 114 à 120 de l’étude d’ensemble de 2007 précitée).

La commission est d’avis que, même si la convention interdit de façon expresse que des prisonniers soient concédés ou mis à la disposition d’entités privées, les pays peuvent tout à fait respecter la convention lorsqu’ils conçoivent ou mettent en œuvre un système de travail pénitentiaire privatisé, dès lors que les exigences exposées ci-dessus sont remplies. Notant que le gouvernement réaffirme sa volonté de coopérer avec l’OIT dans ce domaine, la commission le prie de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les prisonniers qui travaillent dans les prisons privatisées donnent leur consentement libre et éclairé, compte tenu de l’ensemble des facteurs mentionnés par la commission ci-dessus.

Elle prie en particulier le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur:

–           les mesures prises pour s’assurer qu’un consentement éclairé, formel et donné par écrit est obtenu des prisonniers, sans la menace d’une peine quelconque;

–           les mesures prises pour s’assurer que ce consentement formel est authentifié par l’existence de facteurs objectifs et quantifiables comme la réalisation du travail dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, associée à d’autres avantages comme l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré; la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération; ou l’opportunité de travailler en groupe et de développer sa capacité de travailler en équipe ou d’autres facteurs similaires;

–           les facteurs objectifs et quantifiables qui sont pris en compte par les autorités publiques pour authentifier le caractère volontaire du consentement;

–           les procédures suivies par les autorités publiques pour contrôler régulièrement que ces facteurs objectifs et quantifiables existent afin d’assurer que le travail effectué par les prisonniers est volontaire.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1. Traite des personnes. Se référant à ses précédents commentaires, la commission prend note avec intérêt des informations exhaustives communiquées par le gouvernement sur les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes aux fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation de leur travail. Elle prend note en particulier de l’adoption des textes suivants: la loi de 2004 sur l’asile et l’immigration (traitement des demandeurs, etc.), qui incrimine la traite à des fins d’exploitation au travail; la loi de 2003 sur les délits sexuels, qui renforce les dispositions réprimant la traite à des fins d’exploitation sexuelle; la loi de 2004 sur les contremaîtres (agrément) et le règlement de 2005 sur les contremaîtres (autorité d’agrément), qui instaurent un système d’agrément et d’enregistrement des fournisseurs de main-d’œuvre opérant dans les secteurs de l’agriculture, de la récolte des fruits de mer et des activités de transformation qui y sont liées. Elle note avec intérêt que le gouvernement participe à un projet lancé par le programme spécial d’action de l’OIT contre le travail forcé (SAP-FL), centré sur la dimension travail forcé de la traite dans certains pays d’Europe d’origine et de destination. Enfin, elle prend note de la mise en place, en 2004, d’un groupe interministériel sur la traite des personnes, qui a pour objectif de garantir l’efficacité maximale de l’action déployée par les pouvoirs publics pour prévenir et réprimer la traite, poursuivre les auteurs et aider les victimes. Elle prend également note du projet intitulé «The POPPY Scheme» de soutien de l’action de lutte contre la traite, y compris de ses volets répression et poursuites judiciaires. Notant que le gouvernement indique dans son rapport qu’une évaluation du «POPPY Scheme» est en cours, la commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera les conclusions de cette évaluation et en particulier en ce qui concerne l’efficacité de l’action de répression et les mesures de protection des victimes.

Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée aux observations du TUC concernant la situation des travailleurs qui, venus de l’étranger, se retrouvent victimes de traite et de conditions de travail qui relèvent du travail forcé. Le TUC a considéré que la plus grande faiblesse de la législation et de la réglementation en vigueur réside dans le fait que les travailleurs qui dénoncent ces pratiques risquent, notamment s’ils quittent leur emploi, de se retrouver eux-mêmes en position d’être expulsés. Dans sa dernière communication, mentionnée ci-dessus, le TUC exprimer de nouveau sa préoccupation face au fait que les travailleurs victimes de la traite ainsi expulsés risquent grandement de retomber entre les mains des associations criminelles qui les ont fait venir initialement et de retomber ainsi une nouvelle fois dans la traite. De l’avis du TUC, l’élément essentiel d’une protection efficace des victimes serait de donner le droit aux personnes libérées de la traite de rester au Royaume-Uni plutôt que d’être expulsées vers leur pays d’origine ou le pays de leur dernière résidence connue.

La commission avait noté que, dans son rapport de 2002, le gouvernement a indiqué qu’il existe déjà une disposition accordant aux victimes de la traite une autorisation exceptionnelle de rester au Royaume-Uni et qu’à son avis, en la matière, le meilleur moyen de procéder est de traiter les demandes au cas par cas et non d’accorder ces autorisations de manière systématique. En effet, une telle politique ouvrirait la porte à tous les abus et pourrait avoir un effet pervers en encourageant les auteurs du trafic à exploiter davantage de victimes en leur laissant croire que leur statut de victimes leur ouvrira droit à résider au Royaume-Uni. La commission prend note des explications détaillées données par le gouvernement dans ses rapports de 2005 et 2007 au sujet de l’attribution, sur des considérations humanitaires, d’une protection et d’une autorisation de séjour délivrée à titre discrétionnaire ou par dérogation aux règles de l’immigration, facilité qui, de l’avis du gouvernement, autorise une approche pleinement flexible. Tout en prenant note de ces explications, la commission saurait gré au gouvernement de communiquer des informations sur la manière dont ces arrangements opèrent dans la pratique ainsi que sur toute autre mesure prise ou envisagée pour assurer la protection des victimes de la traite. Prière en particulier de fournir des informations sur la mise en œuvre du Plan d’action de lutte contre la traite des personnes ainsi que sur les activités menées par le Centre de lutte contre la traite des personnes auquel le gouvernement s’est référé dans son dernier rapport.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

I.  Femmes recrutées à l’étranger sur de fausses promesses
  d’un emploi d’infirmière au Royaume-Uni

La commission avait précédemment noté qu’aux termes du paragraphe 29 du rapport du Groupe de travail des formes contemporaines d’esclavage pour les travaux de sa vingt-sixième session (document E/CN.4/Sub.2/2001/30) «un nombre croissant de femmes originaires en particulier des Philippines et d’Inde étaient recrutées à l’étranger avec la promesse fallacieuse qu’on allait leur offrir des emplois d’infirmière. Une fois parvenues dans le pays, leur passeport et leur permis de travail leur étaient confisqués. Sans papiers, elles étaient plus vulnérables à l’exploitation».

La commission prend note avec intérêt des indications contenues dans le dernier rapport du gouvernement selon lesquelles, en février 2003, Work Permits (UK) (Département du ministère des Affaires étrangères compétent en matière de permis de travail) a constitué une équipe de renseignements chargée de veiller à ce que toute dénonciation d’abus des arrangements concernant les permis de travail ou de tromperie de travailleurs étrangers fassent l’objet d’investigations rigoureuses et des poursuites légales qui s’imposent. Work Permits (UK) dispose également d’une nouvelle équipe de suivi (qui fonctionne depuis mai 2003) chargée d’opérer des contrôles ponctuels sur les employeurs pour vérifier que les informations fournies au stade de la demande sont exactes et que les dispositions légales sont respectées. De plus, Work Permits (UK) diffuse une brochure (devant être largement accessible à partir d’août 2003) s’adressant aux étrangers, qui indique où ceux-ci peuvent s’informer plus en détail sur leurs droits au Royaume-Uni au moment de prendre l’emploi convenu.

La commission note également que, dans une communication du 1er novembre 2002, le TUC a déclaré regretter que le gouvernement n’ait pas traité ces questions en consultant formellement les syndicats représentant le personnel infirmier de Grande-Bretagne. La commission exprime l’espoir que le gouvernement fournira dans son prochain rapport de plus amples informations sur les initiatives prises dans ce domaine, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées, notamment à propos du fonctionnement des équipes de Work Permits (UK) mentionnées ci-dessus.

II.  Traite d’êtres humains à des fins d’exploitation

La commission prend note avec intérêt des informations présentées par le gouvernement dans sa réponse à son observation générale de 2000 sur les mesures prises pour prévenir, réprimer et sanctionner la traite d’êtres humains. Elle note que la loi sur la nationalité, l’immigration et l’asile, entrée en vigueur en février 2003, introduit un nouveau délit, celui de traite d’un être humain aux fins de l’exploitation de sa prostitution, délit passible d’une peine maximale de quatorze ans de prison. De plus, le projet de loi sur les délits sexuels, dont le Parlement est actuellement saisi, envisage des mesures plus larges, couvrant la traite d’êtres humains aux fins de leur exploitation sexuelle. La commission souhaiterait que le gouvernement communique copie de ce dernier texte dès qu’il aura été adopté.

Dans la communication visée plus haut, le TUC évoque la situation des travailleurs recrutés à l’étranger piégés dans un trafic et se retrouvant soumis à des conditions assimilables à du travail forcé, avec confiscation de leur passeport par l’employeur, non-paiement du salaire, etc. De l’avis du TUC, la grande faiblesse de la législation en vigueur reste et demeure que les travailleurs qui dénoncent de telles pratiques s’exposent eux-mêmes, notamment s’ils quittent leur emploi, au risque très probable d’être expulsés.

S’agissant de la protection des victimes, la commission a noté que, selon le rapport du gouvernement pour 2002, il existe déjà une disposition accordant aux victimes d’un trafic la permission exceptionnelle de rester au Royaume-Uni. Le gouvernement estime qu’en la matière le meilleur moyen de procéder est de traiter les demandes au cas par cas sans accorder ces permissions de manière systématique. Ce serait en effet la porte ouverte à tous les abus, voire même une incitation à ces abus, par un effet pervers qui encouragerait les auteurs du trafic à exploiter encore davantage leurs victimes en leur laissant entendre que le fait même d’être victime d’un trafic leur ouvrira droit à résider au Royaume-Uni. Tout en prenant note de ces explications et de l’avis du gouvernement selon lequel les arrangements actuels sont plus souples et d’un bienfait plus grand sur le plan pratique, la commission saurait gré au gouvernement de fournir des informations plus précises sur les modalités de fonctionnement de ces arrangements de travail dans la pratique, en donnant des exemples de demandes de permis acceptées et de demandes refusées et en précisant, dans ce dernier cas, les motifs du refus.

A ce sujet, la commission prend également note avec intérêt de la publication récente d’un module pédagogique sur la traite des êtres humains (dont un exemplaire est joint au dernier rapport), qui sert de guide pratique de référence aux fonctionnaires de l’immigration, à la police et aux autres organes ayant à connaître de trafics. Elle prend également note du lancement, en mars 2003, d’un système pilote s’adressant aux adultes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, système qui prévoit de fournir aux victimes un logement protégé, des soins de santé et une assistance juridique. Notant également que ce système doit fonctionner initialement - pendant neuf mois - sur une base pilote, pour évaluer l’importance de la demande en services de cette nature et tester leur efficacité, la commission exprime l’espoir que le gouvernement fournira des informations sur les résultats enregistrés et les mesures prises ou envisagées consécutivement pour assurer la protection des victimes d’une traite.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement en 2002 et 2003 en réponse à ses précédents commentaires. Elle a également pris note d’une communication en date du 1er novembre 2002 émanant du Congrès des syndicats britanniques (TUC) contenant la réaction de cette centrale au rapport présenté par le gouvernement en 2002. Il a été communiqué copie de cette communication au gouvernement pour commentaires.

I. Travailleurs domestiques étrangers

1. Dans sa précédente observation, la commission s’était référée à la déclaration faite par le membre travailleur du Royaume-Uni devant la Commission de la Conférence en 2000, selon laquelle le nœud du problème, toujours non résolu apparemment, tient au fait que la relation de facto par laquelle le travailleur domestique a été admis au Royaume-Uni n’est pas reconnue par le droit britannique, si bien que les protections prévues normalement par la loi dans le domaine de l’emploi ne sont pas applicables. La commission a noté que, dans son rapport de 2002, le gouvernement déclarait qu’en cas de différend une juridiction compétente en matière d’emploi peut se prononcer sur le statut de la personne concernée au regard de l’emploi et, pour ce faire, tiendra compte de tous les faits pertinents du cas. Cependant, d’après la réaction susvisée du TUC, les juridictions du travail n’ont été saisies, ces dernières années, que d’un nombre infime de cas de cette nature, dans le cadre desquels les travailleurs concernés bénéficiaient de l’assistance d’organisations telles que Kalayaan et les syndicats affiliés au TUC. Le TUC émet l’opinion que, dans la plupart des cas, les travailleurs domestiques n’ont aucune connaissance de la législation du travail britannique, notamment de leur droit de saisir une juridiction du travail, et ceux d’entre eux dont la relation avec l’employeur est de facto assimilable à un travail forcé sont encore moins en mesure d’accéder à une telle information ou de se prévaloir de la protection qu’ils seraient pourtant fondés à attendre d’un tribunal. Une question qui a été soulevée par le TUC est celle de savoir comment le gouvernement entend assurer que tous les travailleurs domestiques connaissent leurs droits et quelle stratégie il entend suivre pour assurer que ces droits soient respectés. La commission exprime l’espoir que le gouvernement fera part de ses commentaires sur ces déclarations du TUC et communiquera des informations sur les mesures prises.

2. La commission note avec intérêt que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les nouvelles règles selon lesquelles les travailleurs domestiques travaillant au domicile de particuliers sont autorisés à changer d’employeur sans considération des raisons pour lesquelles ils quittent leur employeur initial, ce changement devant être simplement signaléà la Direction de l’immigration et des nationalités, ont été formellement incorporées dans les Règles applicables en matière d’immigration le 18 septembre 2002 sous le titre «Domestic workers in private households». La commission exprime l’espoir que le gouvernement communiquera copie desdites dispositions, ainsi que des informations sur leur application dans la pratique.

II. Condamnés travaillant pour des entreprises privées

3. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission prend note de la déclaration contenue dans le rapport 2002 du gouvernement, selon laquelle le Royaume-Uni reste doté d’un ensemble de règles solides, qui prémunit la main-d’œuvre carcérale contre tout abus - d’ordre commercial ou autre -, et que lesdites règles sont appliquées avec une égale rigueur à l’égard de toutes personnes et de tous ateliers, publics ou privés. Dès lors, le gouvernement considère que rien ne saurait justifier l’instauration d’un autre système pour le travail que les condamnés effectuent pour le compte du secteur public ou du secteur privé, puisque des garde-fous adéquats existent. La commission a également constaté que ce point de vue est récusé par le TUC dans sa réaction au rapport du gouvernement qui faisait l’objet de la communication mentionnée plus haut. Le TUC considère que des initiatives pourraient et devraient être entreprises sur un plan pratique, à travers des consultations tripartites, afin de voir de quelle manière il pourrait être satisfait aux prescriptions actuelles de la convention.

4. Ayant pris note de ces avis et commentaires, la commission souhaite rappeler à nouveau que la dérogation admise au champ d’application de la convention sous son article 2, paragraphe 2 c),pour le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation ne va pas jusqu’à englober le travail de ces condamnés pour des employeurs privés (y compris les prisons privatisées et les ateliers carcéraux privés), même sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques. A cet égard, la commission renvoie à nouveau aux explications données aux paragraphes 127 à 143 de son rapport général de 2001 à la Conférence internationale du Travail et sous les points 5 à 11 de son observation générale de 2001 au titre de cette convention, où elle souligne que ce n’est que lorsque ledit travail ou service, effectué pour des entreprises privées, s’accomplit dans des conditions proches de celles applicables dans une relation d’emploi libre qu’il peut être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite de la convention; cela requiert nécessairement le consentement formel des personnes concernées, ainsi que d’autres garanties et sauvegardes, qui couvrent les aspects essentiels d’une relation de travail libre, comme le salaire, la sécurité sociale, etc.

5. Ayant également pris note du fait que le gouvernement suggère à nouveau dans son rapport de 2002 que cette question soit renvoyée pour un nouvel examen, incluant la participation des praticiens du droit pénal, la commission veut croire qu’en ce qui concerne les prisons et activités carcérales privatisées les mesures nécessaires seront finalement prises pour assurer que tout travail de prisonniers pour le compte d’entreprises privées s’accomplisse dans les conditions d’une relation d’emploi librement consentie et que le gouvernement sera prochainement en mesure d’indiquer les mesures prises à cette fin.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission a pris note du paragraphe 29 du rapport du Groupe de travail des formes contemporaines d’esclavage sur les travaux de sa 26e session (document de l’ONU E/CN.4/Sub.2/2001/30) dans lequel il est indiqué qu’«un nombre croissant de femmes originaires en particulier des Philippines et d’Inde étaient recrutées à l’étranger avec la promesse fallacieuse qu’on allait leur offrir des emplois d’infirmière [au Royaume-Uni]. Une fois parvenues dans le pays, leurs passeports et leurs permis de travail leur étaient confisqués. Sans papiers, elles étaient plus vulnérables à l’exploitation».

Se référant à l’observation générale sur la convention qui figure dans son rapport soumis à la 89e session de la Conférence internationale du Travail en 2001, la commission espère que le gouvernement, dans sa réponse à cette observation, traitera également des points soulevés par le groupe de travail susmentionné de l’ONU au paragraphe 29 de son rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport qui a été reçu en novembre 2000, et des commentaires sur ce rapport que le Congrès des syndicats (TUC) a présentés dans une communication du 23 novembre 2000, dont copie a été transmise au gouvernement pour tout commentaire qu’il souhaiterait faire à son tour. La commission a également pris note des déclarations du gouvernement devant la Commission de la Conférence de l’application des normes en 2000 et en 2001, ainsi que des débats sur le respect de la convention par le Royaume-Uni qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 2000.

I.  Employés de maison venus de l’étranger

1. Dans son observation précédente, la commission avait noté que, à la suite des inquiétudes suscitées par les allégations d’abus dont auraient été victimes des employés de maison accompagnant leurs employeurs au Royaume-Uni, les conditions régissant leur admission avaient été entièrement revues avec l’aide de Kalayaan, l’organisation représentant les employés de maison venus de l’étranger. Un accord avait été trouvé sur un nombre important de réformes, lesquelles étaient entrées en vigueur le 23 juillet 1998. Notant également que, dans la pratique, l’application des nouvelles règles se heurtait à de sérieux problèmes, comme l’avait fait observer le TUC, la commission avait espéré que ces problèmes seraient traités dans le cadre des discussions qui devaient avoir lieu entre le gouvernement et le Kalayaan, et que le gouvernement fournirait des informations sur toute autre mesure prise. Dans son rapport, le gouvernement indique que, à la suite d’une réunion qui s’est tenue en novembre 1999 entre le ministre de l’Immigration et des représentants de Kalayaan, des procédures d’aide sociale individualisée ont étéétablies et s’appliquent désormais. Ainsi, un nombre considérable de demandes de régularisation d’employés de maison venus de l’étranger a été traité. Le gouvernement a également fourni des informations sur trois cas dont le membre travailleur du Royaume-Uni avait fait état à la Commission de la Conférence, ainsi que copie du formulaire que les employeurs doivent remplir pour obtenir l’autorisation d’entrée dans le pays d’un employé de maison. Le gouvernement a également joint une brochure fournie à tous les employés de maison venus de l’étranger, qui les informe sur leurs droits en matière d’emploi et donne des adresses utiles. La commission note que cette brochure présente les conditions d’emploi telles qu’établies par l’employeur lui-même dans le formulaire susmentionné, conditions que l’employé doit approuver après en avoir pris connaissance. La brochure indique également les conditions générales de protection de l’employé que prévoient les réglementations portant notamment sur les périodes de repos, les congés payés, la protection contre la discrimination en raison du sexe et de la race, et les congés parentaux et de maternité. En ce qui concerne le droit pénal, la brochure indique que quiconque au Royaume-Uni bénéficie d’une pleine protection, quelle que soient sa nationalité ou ses conditions de séjour. Elle fournit également des exemples de protection en cas de séquestration, de viol ou d’actes de violence. La commission prend dûment note de ces indications et espère que le gouvernement répondra à propos de la déclaration formulée par le membre travailleur du Royaume-Uni à la Commission de la Conférence en 2000, selon laquelle le problème de fond, qui ne semble pas encore avoir été résolu, est que la relation de fait en vertu de laquelle un employé de maison a été admis au Royaume-Uni n’est pas reconnue par le droit britannique, de sorte que la protection que prévoit la loi en matière d’emploi ne s’applique pas.

2. Dans ses demandes directes précédentes, la commission avait pris note des indications du gouvernement à propos de cas d’irrégularités à l’encontre de travailleurs domestiques, les tribunaux ayant été saisis de ces cas. La commission avait demandé au gouvernement de l’informer sur les décisions des tribunaux, y compris sur le nombre de condamnations prononcées et sur les sanctions infligées au pénal, conformément à l’article 25 de la convention. Dans son rapport, le gouvernement indique, comme il l’avait déjà fait, qu’il n’est pas en mesure de fournir des informations sur les cas individuels dont les tribunaux ont été saisis, étant donné que la base centrale de données des poursuites en justice du ministère de l’Intérieur n’enregistre pas ces cas en fonction du sexe, du statut ou de la nationalité de la victime. La commission prend note de cette indication.

II.  Prisonniers travaillant pour des entreprises privées

3. A la suite de ses commentaires précédents, la commission prend note de la déclaration du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2000 selon laquelle au Royaume-Uni aucun prisonnier - qu’il s’agisse de prisons ou d’ateliers gérés par les pouvoirs publics ou par une entreprise privée - n’est concédé ou mis à la disposition de personnes, d’entreprises ou d’associations privées. Le gouvernement a expliqué que, s’il est vrai que des entreprises privées peuvent assurer la supervision quotidienne des travaux, les prisonniers restent en dernier ressort sous la protection et le contrôle des fonctionnaires des services pénitentiaires; les salaires sont versés aux prisonniers par les autorités pénitentiaires et non par l’entreprise privée qui fournit le travail; et le gouvernement estime que sa politique actuelle d’emploi des prisonniers est conforme aux exigences de la convention et aux intérêts des prisonniers. Dans son dernier rapport sur la convention, le gouvernement reprend ces arguments, lesquels sont rejetés par le TUC dans ses commentaires sur ce rapport.

La commission a pris bonne note de ces vues et commentaires. A propos des termes «concédé ou mis à la disposition de» et de leur lien avec la notion de «surveillance et contrôle des autorités publiques» et le flux de paiements entre les parties intéressées, la commission renvoie aux explications données aux paragraphes 96 et 118 à 127 de son rapport général présenté en 2001 à la Conférence internationale du Travail et aux points 6 et 7 de son observation générale de cette année sur la convention, confirmant la conclusion selon laquelle l’exception figurant à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, pour le travail pénitentiaire obligatoire ne s’étend pas aux prisons et ateliers pénitentiaires sous gestion privée, même lorsqu’ils sont sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques.

4. Dans ses commentaires précédents, la commission a rappelé que, pour être compatible avec la convention, le travail de prisonniers pour des entreprises privées doit dépendre du consentement librement donné des travailleurs concernés. Cela présuppose, entre autres, l’absence de toute menace d’une peine ou contrainte telle que la prise en compte du travail dans l’évaluation de la conduite du prisonnier aux fins d’une réduction de peine. En outre, dans le cas d’une main-d’oeuvre captive n’ayant pas la possibilité d’accéder au marché du travail libre, le «libre» consentement à une forme d’emploi se présentant au premier abord comme contraire à la lettre de la convention, doit être corroboré par des conditions d’emploi non tributaires de la situation captive, donc proches d’une relation de travail libre: existence d’un contrat de travail entre le prisonnier et l’entreprise privée recourant à son travail, et conditions s’inspirant du marché libre du travail pour ce qui est du niveau de la rémunération, de la sécurité sociale et de la sécurité et de l’hygiène. Sur cette base, se référant également à son observation générale au titre de la convention, la commission revient sur les questions suivantes.

  A.  «Emploi à l’extérieur»

5. Dans son observation précédente, la commission avait noté avec intérêt l’indication du gouvernement dans son rapport de 1999 selon laquelle:

Un certain nombre de prisons autorise au cours des six derniers mois de leur peine la sortie quotidienne des prisonniers pour leur permettre de travailler. Ces prisonniers sont normalement employés dans le cadre d’une relation de travail libre en vue de leur réadaptation et de leur réinsertion dans la société.

...

Les prisonniers qui travaillent à l’extérieur sont assujettis aux obligations normales en matière d’impôt sur le revenu et de cotisations d’assurance nationale - prélevées sur les salaires qu’ils perçoivent pour leur travail. Toutefois, il convient de noter ce qui suit:

-  en vertu de la règle 9(3)(b) du règlement pénitentiaire de 1999, les prisonniers qui travaillent à l’extérieur peuvent être libérés à titre temporaire, l’objectif principal étant qu’ils puissent être engagés par un employeur extérieur. Dans ce cas, ils travaillent «en application du règlement pénitentiaire». Par conséquent, ils ne relèvent pas de l’article 45 de la loi de 1998 sur le salaire minimum;

-  néanmoins, la politique du service pénitentiaire est que ce type de dispositif ne doit pas conférer un avantage concurrentiel indu à ceux qui emploient des prisonniers, et que les employeurs ne doivent pas traiter les prisonniers de manière moins favorable que d’autres travailleurs occupant des emplois comparables. Les prisonniers qui travaillent pour des employeurs extérieurs et qui accomplissent un travail normal devraient donc être rémunérés à un taux correspondant aux tâches qu’ils accomplissent. Lorsque les prisonniers effectuent un nombre d’heures inférieur à la semaine de travail normale, il est acceptable qu’ils soient rémunérés au prorata des heures ouvrées.

6. La commission avait espéré que les prisonniers qui effectuent pour des employeurs extérieurs un travail normal dans le cadre «d’une relation d’emploi libre» bénéficieraient de la législation générale du travail et que, compte tenu de la politique du service pénitentiaire concernant le versement de salaires normaux, l’anomalie de leur exclusion du champ d’application de la loi de 1998 sur le salaire minimum national serait corrigée.

7. En réponse, le gouvernement indique dans son dernier rapport ce qui suit:

Seuls les tribunaux peuvent ordonner la libération de prisonniers. Les prisonniers qui travaillent à l’extérieur sont autorisés par le service pénitentiaire à sortir de la prison à cette fin. Le gouvernement continue donc d’estimer que ces prisonniers ne sont pas «libérés» pour occuper un emploi.

La commission note la subtilité de ces distinctions mais doit relever qu’elles sont en contradiction non seulement avec le rapport précédent du gouvernement, tel que cité au paragraphe 5 ci-dessus, mais aussi avec les dispositions mêmes de la règle 9 du règlement pénitentiaire de 1999 qui prévoit que:

1)  Le secrétaire d’état peut […] libérer temporairement un prisonnier auquel la présente règle s’applique.

2)  Un prisonnier peut être libéré conformément à la présente règle pendant une ou plusieurs périodes déterminées, dans les conditions qui pourraient être prévues.

3)  Un prisonnier ne peut être libéré en vertu de la présente règle [que] b) pour occuper un emploi…

8. Le gouvernement indique en outre dans son dernier rapport que «les prisonniers ne sont pas couverts par la loi sur le salaire national minimum parce qu’ils ne sont pas des travailleurs tels que définis à l’article 53(3) de cette loi, en ce sens qu’ils n’ont pas de contrat d’emploi, de travail ou de service». La commission note ces explications mais doit rappeler que c’est précisément sur ces points qu’un changement de la loi et de la pratique paraît souhaitable et faisable en ce qui concerne le travail à l’extérieur, à la lumière des indications que le gouvernement a fournies dans son rapport de 1999. Les prisonniers «employés dans une relation de travail libre» devraient avoir un contrat de travail avec l’entreprise privée qui a recours à leurs services, et la législation du travail, y compris celle qui porte sur le salaire minimum, devrait s’appliquer à cet emploi. La commission espère que des mesures seront prises pour procéder aux réformes nécessaires, tant en droit que dans la pratique.

9. De plus, dans son rapport, le gouvernement indique ce qui suit:

Il convient également de souligner que le service pénitentiaire, entre autres, nourrit, loge et habille gratuitement les prisonniers. Par conséquent, un prisonnier qui travaillerait à l’extérieur et percevrait le salaire minimum national serait, dans la pratique, avantagé par rapport à une personne en liberté qui effectuerait le même travail pour le même salaire et qui, prévisiblement, aurait à payer son logement, son habillement et sa nourriture.

A ce sujet, le TUC s’est dit surpris:

… que le gouvernement ne fasse pas mention de la loi de 1996 sur la rémunération des prisonniers, laquelle traite du cas des prisonniers qui perçoivent des «revenus supplémentaires» pour un travail qui n’est pas «dirigé», en application de règles pénitentiaires. La loi prévoit, entre autres, des déductions pour ce qui suit: impôt sur le revenu, assurance sociale, saisie sur le salaire au bénéfice de la famille du prisonnier ou à celui de la victime, épargne en vue de la réinsertion sociale du prisonnier au moment de sa libération. L’article 1(3) de cette loi porte sur les rémunérations versées par une autre entité que la direction de la prison au nom du ministère.

A cet égard, la commission renvoie au paragraphe 142 du rapport général qu’elle a présenté en 2001 à la Conférence internationale du Travail, dans lequel elle a rappelé que, sur le marché du travail libre, les salaires peuvent, aux termes des articles 8 et 10 de la convention (nº 95) sur la protection du salaire, 1949, faire l’objet de «retenues, de saisies ou de cessions», selon les modalités et dans les limites fixées par la législation nationale. Pour les prisonniers occupés par des entreprises privées, cela implique que des retenues sur la rémunération peuvent également être effectuées pour le logement et la nourriture, et que les salaires peuvent aussi faire l’objet de «saisies ou de cessions» pour assurer le paiement de dommages et intérêts aux victimes, le versement de pensions alimentaires ou l’exécution d’autres obligations des prisonniers, obligations dont l’exécution est illusoire lorsque les prisonniers sont exploités sur le plan salarial.

  B.  Etablissements et ateliers pénitentiaires gérés
  par des entreprises privées

10. La commission constate de nouveau avec regret que les mesures nécessaires pour assurer que tout travail effectué par des prisonniers pour des entreprises privées soit accompli dans les conditions d’une relation d’emploi librement consentie - telles que rappelées au paragraphe 4 ci-dessus et, dans une certaine mesure, appliquées lorsque les prisonniers sont employés «à l’extérieur» par des employeurs privés - n’ont pas encore étéétendues aux établissements et ateliers pénitentiaires gérés par des entreprises privées.

11. Dans son rapport reçu en novembre 2000, le gouvernement indique, à propos du travail effectué dans des établissements et ateliers pénitentiaires gérés par des entreprises privées au Royaume-Uni, ce qui suit:

L’ensemble des prisonniers, qu’ils se trouvent dans une prison publique ou gérée par une société privée, et quel que soit le travail qu’ils effectuent, sont surveillés en définitive par les pouvoirs publics. Le gouvernement continue d’estimer qu’aucun prisonnier n’est «concédé»à une entreprise privée. Ces entreprises ne rémunèrent pas le service pénitentiaire pour la main-d’oeuvre qu’il fournit. Les prisonniers ne sont pas non plus mis «à la disposition» d’entreprises privées. Cela voudrait dire que des entreprises privées sont autorisées à utiliser des prisonniers comme bon leur semble, alors que le travail que des prisonniers effectuent dans des établissements et ateliers pénitentiaires gérés par des entreprises privées au Royaume-Uni est spécifique et comparable à celui qu’effectuent des prisonniers dans des prisons publiques, cela dans les mêmes conditions d’inspection par les pouvoirs publics.

12. La commission a pris bonne note de ces indications:

a)  En ce qui concerne la «surveillance en définitive» et les «conditions d’inspection» par les pouvoirs publics, le TUC, dans ses commentaires, a estimé que cette «surveillance en définitive» ne correspond pas à la surveillance quotidienne qui, dans les établissements gérés par des entreprises privées, est effectuée par des salariés d’entreprises privées et ne satisfait pas aux exigences de la convention. A cet égard, la commission, se référant également aux paragraphes 119 et 120 de son rapport général de l’an passé, rappelle que le fait que le prisonnier demeure constamment sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques ne dispense pas en soi le gouvernement de respecter la seconde condition de l’article 2, paragraphe 2 c),à savoir que la personne ne doit pas être concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées.

b)  En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle les prisonniers ne sont pas «concédés»à des entreprises privées puisque celles-ci ne rémunèrent pas le service pénitentiaire pour la main-d’oeuvre qu’il fournit, la commission prend note du commentaire suivant du TUC:

Si des entreprises privées versent annuellement 50 millions de livres à des établissements pénitentiaires au titre de l’exécution de contrats, et que cette somme n’est pas versée sous forme de rémunération aux prisonniers, à qui est elle versée?

c)  A propos de la notion de «mise à disposition», la commission renvoie aux éclaircissements donnés au paragraphe 123 de son rapport général de l’an dernier et au point 7 de son observation générale de cette année.

13. Dans son rapport reçu en novembre 2000, le gouvernement indique en outre que de son point de vue:

… la convention no 29 n’indique pas que des conditions proches d’une relation d’emploi libre sont nécessaires pour s’assurer que les prisonniers consentent à travailler.

En ce qui concerne, au regard de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, «l’offre volontaire» de services émanant d’une personne privée du choix que permet le marché du travail libre, la commission renvoie aux éclaircissements apportés aux paragraphes 128 à 142 de son rapport général de l’année passée, et rappelés aux paragraphes 10 et 11 de son observation générale dont il ressort que les conditions d’emploi ne doivent pas être tributaires de la situation captive, donc, proches de celles acceptées par des travailleurs ayant accès au marché du travail libre.

14. La discussion au sujet des conditions d’emploi proches de celles d’une relation d’emploi libre ne devrait pas faire oublier le fait que, dans les prisons et ateliers pénitentiaires gérés par des entreprises privées au Royaume-Uni, même le consentement formel des prisonniers pour effectuer un travail ne semble être demandéà ce jour. En outre, à propos des systèmes de rémunération dans les prisons, dont le gouvernement fait mention dans son rapport, comme permettant aux autorités pénitentiaires d’établir un «marché du travail» interne pour récompenser les prisonniers de leur comportement «au moment d’examiner les questions pertinentes en vue de leur réinsertion, ainsi que les tâches qui sont effectuées pour permettre le fonctionnement de la prison», le TUC, dans ses commentaires, demande dans quelle mesure ce système, s’il est devenu partie intégrante de la procédure d’évaluation, par exemple en vue de l’éventuelle libération conditionnelle d’un prisonnier, est conforme au fait qu’aucune contrainte ne devrait être appliquée pour pousser un prisonnier à effectuer un travail en faveur d’une entreprise privée. Il convient de relever que, dans le seul domaine où le gouvernement semble compter sur le consentement du prisonnier, à savoir pour «un emploi extérieur», il est également prévu, selon les termes du rapport du gouvernement (voir paragr. 5 ci-dessus), que «les prisonniers effectuant un travail normal pour des employeurs extérieurs» doivent être «rémunérés au taux correspondant à cet emploi».

15. La commission exprime de nouveau l’espoir que, en ce qui concerne les établissements et ateliers pénitentiaires gérés par des entreprises privées, les mesures nécessaires seront prises pour assurer que tout travail effectué par des prisonniers pour des entreprises privées le soit dans les conditions d’une relation d’emploi librement consentie, et que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer les mesures prises à cet effet.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

Faisant suite à son observation au titre de la convention, la commission prie le gouvernement de lui fournir un complément d'information sur les points suivants.

1. Employés de maison venus de l'étranger

Dans sa précédente demande directe, la commission avait pris note des indications du gouvernement concernant les cas d'abus subis par des employés de maison ayant fait l'objet de poursuites judiciaires et avait demandé au gouvernement de lui communiquer le détail des décisions de justice prononcées, y compris le nombre de condamnations et les sanctions pénales infligées, conformément à l'article 25 de la convention. La commission espère que le gouvernement fournira ces informations dans son prochain rapport.

2. Prisonniers en détention préventive

Dans sa précédente demande directe, la commission avait demandé au gouvernement de préciser comment les prévenus étaient encouragés à participer à un travail.

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans sa réponse concernant le système d'avantages instaurés en vertu de la règle 4(3) de l'ancien règlement pénitentiaire, qui correspond à la règle 8(3) du règlement pénitentiaire de 1999. Elle remarque qu'il existe trois niveaux d'avantages, "de base", "normal" et "amélioré", qui s'appliquent au niveau national, le retrait des avantages étant prévu si le prisonnier cesse de satisfaire aux conditions requises. Le système national s'applique à l'ensemble des prisonniers, y compris les détenus qui n'ont pas encore été condamnés mais, dans leur cas, il est tenu compte des droits et avantages complémentaires que leur confère leur statut juridique particulier. Les prévenus ne sont pas tenus de travailler bien qu'en vertu de la règle 31(5) du règlement pénitentiaire de 1999 (règle 28(5) de l'ancien règlement) "un prévenu est autorisé, s'il le souhaite, à travailler comme s'il était un détenu condamné".

Le gouvernement indique que par conséquent les prévenus s'intègrent dans le système à l'échelon normal et peuvent atteindre l'échelon amélioré, mais de là ils peuvent revenir au niveau normal en fonction de l'évaluation de leur comportement et de leur participation à une gamme d'activités, y compris du travail, si cela est possible.

Le gouvernement ajoute qu'en pratique, au pénitencier de Blakenhurst, la prison est contractuellement tenue de fournir du travail en priorité aux prisonniers condamnés. Ce n'est que dans le cas où aucun prisonnier condamné n'est disponible pour accomplir le travail que celui-ci est offert à un prévenu qui aurait exprimé le souhait de travailler.

La commission prend bonne note de ces indications. Elle souhaiterait disposer d'un complément d'information concernant a) l'étendue des "avantages" offerts aux prisonniers aux différents niveaux, b) la possibilité de gagner un salaire, et c) l'opinion du gouvernement sur les données fournies par le TUC dans ses observations.

a) Avantages

La commission fait observer que le prononcé d'une condamnation par un tribunal est l'une des conditions à remplir pour que le travail pénitentiaire obligatoire échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention et pour relever de la définition du "travail forcé ou obligatoire" donnée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention, le travail où le service doit être exigé "sous la menace d'une peine". A cet égard, la commission a rappelé, au paragraphe 21 de son étude d'ensemble sur le travail forcé de 1979, que: "Il a été précisé, lors de l'examen du projet d'instrument par la Conférence, que la peine dont il est question ici ne doit pas revêtir forcément la forme d'une sanction pénale, mais qu'il peut s'agir également de la privation de quelque droit ou avantage."

La commission demande au gouvernement de lui fournir des détails complets sur la gamme des "avantages" dont peuvent bénéficier les prisonniers aux niveaux "normal" et "amélioré".

b) Salaires

La commission note par ailleurs, concernant la possibilité de percevoir un salaire, qu'en vertu de la règle 62 du règlement pénitentiaire de 1964 les prisonniers en instance de jugement devaient bénéficier des règles 58 à 60 applicables à un appelant, mais que la règle 61, en vertu de laquelle "s'il est acquitté, un appelant est en droit de percevoir une rémunération à un taux spécial ... pour tout travail qu'il aurait effectué en vertu de la règle 28 du présent règlement alors qu'il était considéré comme appelant", ne peut pas être invoquée par les détenus en attente de comparution ou de jugement. La commission note par ailleurs que les dispositions de la règle 61 semblent ne plus figurer dans le règlement pénitentiaire en vigueur. Elle demande au gouvernement de préciser si la possibilité de gagner un salaire est limitée pour les prisonniers en détention préventive aux niveaux fixés pour les prisonniers condamnés ou si les taux du marché sont applicables.

c) Indications fournies par le TUC

La commission prend note des indications données par le TUC dans son observation reçue le 15 novembre 1999 selon laquelle à Brockhill, une prison préventive pour jeunes femmes gérée par le service pénitentiaire public, les prisonnières sont payées 8 livres par semaine pour enlever des oeillets filetés sur des anneaux de rideau, un travail qui semble avoir été conçu principalement comme une thérapeutique occupationnelle; que la prison percevait 4,16 livres par millier d'anneaux, que le travail portait sur 33 000 anneaux, et qu'il a été effectué par quatre détenues en une semaine. D'après les chiffres du TUC, le salaire hebdomadaire de 8 livres versé aux prévenues concernées était non seulement très inférieur au salaire minimum versé à un travailleur adulte mais représentait moins d'un quart de ce que la société extérieure payait pour leur travail.

Rappelant l'indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle pour les prévenus en instance de jugement une participation à un travail "leur offre la possibilité de gagner un salaire" et d'améliorer leur niveau d'avantages, la commission demande au gouvernement de formuler ses observations sur les chiffres indiqués par le TUC.

Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement en 1998 et 1999 en réponse à ses commentaires antérieurs, et d'une observation reçue le 15 novembre 1999 du Congrès des syndicats (TUC) concernant le travail effectué par des prisonniers au profit de sociétés privées, dont une copie a été envoyée au gouvernement pour tout commentaire qu'il souhaiterait formuler sur les questions soulevées dans ce document.

I. Employés de maison venus de l'étranger

1. La commission prend note avec intérêt de l'indication donnée par le gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle en raison des inquiétudes suscitées par des rapports faisant état d'abus dont auraient été victimes des employés de maison accompagnant leurs employeurs au Royaume-Uni, les conditions régissant leur admission ont été entièrement revues avec l'aide de Kalayaan, l'organisation représentant les employés de maison venus de l'étranger. Un accord n'est fait que sur un nombre important de modifications, qui sont entrées en vigueur le 23 juillet 1998. Ainsi, une fois au Royaume-Uni, un employé de maison pourra demander à changer d'employeur, sous réserve que son nouvel emploi demande l'accomplissement de tâches dont la complexité est supérieure aux tâches de base énoncées dans la Classification internationale type des professions (CITP). Il a été également convenu que les employés de maison admis sous le régime des dispositions antérieures, qui ont quitté leur employeur original pour cause d'abus et/ou d'exploitation et qui se trouvent donc dans une situation irrégulière, peuvent demander à être régularisés.

2. Notant également que dans la pratique l'application des nouvelles règles se heurte à de sérieux problèmes, comme le fait observer le TUC, la commission espère que ces problèmes auront été traités dans le cadre des discussions qui devraient avoir lieu au mois de novembre entre le gouvernement et Kalayaan, et que le gouvernement présentera ses commentaires sur les observations du TUC et fournira des informations sur toute autre mesure prise.

II. Prisonniers travaillant pour des sociétés privées

3. En résumé, dans ses commentaires précédents, la commission a rappelé que ce n'est que lorsqu'il s'accomplit dans le cadre d'une relation proche d'une relation de libre emploi que le travail pour des sociétés privées peut être considéré comme échappant à l'interdiction explicite figurant à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Pour cela, il est impératif que le libre consentement de la personne concernée soit acquis et il doit exister d'autres garanties juridiques couvrant les éléments essentiels d'une relation de travail, notamment le versement d'un salaire normal et de prestations de sécurité sociale, etc., pour que l'emploi échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c) (qui interdit inconditionnellement que les personnes tenues d'accomplir un travail en raison d'une condamnation à une peine de prison soient concédées ou mises à la disposition de sociétés privées). La commission a donc exprimé l'espoir que les mesures nécessaires seront prises en ce qui concerne la législation et la pratique nationales pour assurer que tout travail effectué par un prisonnier pour une société privée le soit dans des conditions librement acceptées par le détenu; que son consentement ne soit pas donné sous la contrainte du fait qu'il s'agit d'un prisonnier purgeant sa peine; qu'il existe un contrat de travail entre le prisonnier et la société privée l'employant; et que, quel que soit le travail, il soit accompli dans des conditions normales du point de vue des niveaux de salaire, de la sécurité sociale, de la sécurité et de la santé.

Dans ce contexte, la commission relève ce qui suit:

A. "Emploi à l'extérieur"

4. La commission note qu'en vertu des règles 9(2) et (3)(b) du règlement pénitentiaire de 1999 un prisonnier peut être libéré "pour toute période ou succession de périodes et sous réserve de toute condition", notamment "pour occuper un emploi". Elle prend note avec intérêt de l'indication donnée par le gouvernement dans son rapport de 1999 selon laquelle, en pratique, un certain nombre de prisons autorisent la sortie quotidienne de prisonniers au cours des six derniers mois de leur peine pour leur permettre de travailler. Ces prisonniers sont normalement employés dans le cadre d'une relation de travail libre en vue de leur réadaptation et de leur réinsertion dans la société. Les prisonniers qui travaillent à l'extérieur sont assujettis aux obligations normales pour ce qui est de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurance nationale prélevés sur les salaires qu'ils perçoivent pour leur travail. Bien que les détenus ainsi libérés pour travailler à l'extérieur soient considérés comme travaillant "en application du règlement pénitentiaire", de sorte que leur salaire ne relève pas de l'article 45 de la loi sur le salaire national minimum, la politique du service pénitentiaire est néanmoins que ce genre de dispositif ne doit pas conférer un avantage concurrentiel indu à ceux qui emploient des prisonniers et que les employeurs ne doivent pas traiter les prisonniers de manière moins favorable que d'autres travailleurs occupant des emplois comparables. On s'attend donc à ce que les prisonniers qui travaillent pour des employeurs à l'extérieur de la prison accomplissant un travail normal soient rémunérés au taux approprié pour les tâches qu'ils accomplissent. Lorsque les prisonniers travaillent un nombre d'heures inférieur à la durée hebdomadaire normale, il est acceptable qu'ils soient rémunérés au prorata du temps travaillé.

5. La commission considère que les prisonniers ainsi "employés dans le cadre d'une relation de travail libre" ne "travaillent" pas "en application du règlement pénitentiaire" mais (conformément aux termes de la règle 9 du règlement pénitentiaire de 1999) "sont libérés" en application du règlement pénitentiaire "pour occuper un emploi" sur le marché libre du travail. La commission espère que les prisonniers qui travaillent ainsi pour des employeurs externes, accomplissant un travail normal dans le cadre d'une relation de travail libre, seront mis au bénéfice de la législation du travail générale et que, compte tenu de la politique du service pénitentiaire concernant le versement de salaires normaux, l'anomalie de leur exclusion du champ d'application de la loi sur le salaire minimum national de 1998 sera corrigée. La commission espère prendre connaissance de mesures prises à cet effet.

B. Etablissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées

6. La commission constate avec regret, dans le rapport du gouvernement, que les mesures nécessaires pour assurer que tout travail effectué par des prisonniers pour des sociétés privées soit accompli dans les conditions d'une relation d'emploi librement consentie - telles que rappelées au paragraphe 3 ci-dessus et dans une large mesure appliquées lorsque les prisonniers sont employés à "l'extérieur" auprès d'employeurs privés - n'ont pas été étendues aux établissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées.

7. De l'avis du gouvernement, aucun des accords existants pour la prestation de programmes de gestion du travail pénitentiaire et de formation ne prévoit que le prisonnier soit "concédé ou mis à la disposition de particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées". Le prisonnier reste en permanence sous la responsabilité et le contrôle des autorités publiques. Le gouvernement souligne que cela vaut pour toutes les prisons du Royaume-Uni, qu'elles soient gérées directement par le service pénitentiaire de Sa Majesté ou par un cessionnaire. Le gouvernement signale également qu'à l'heure actuelle seules sept prisons sur un total de 138 sont gérées par des entrepreneurs privés.

8. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention le travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire n'échappe au champ d'application de la convention que si deux conditions sont remplies, à savoir "que ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Par conséquent, le fait que le prisonnier demeure en permanence sous la surveillance et le contrôle d'une autorité publique ne dispense pas de l'obligation de remplir la seconde condition, à savoir que l'individu ne soit pas "concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées".

9. Sur ce dernier point, le gouvernement souligne dans son rapport de 1998 que les contrats conclus entre le service pénitentiaire et la société gérant une prison privatisée ou un atelier pénitentiaire (ou tout autre travail) ne porte pas sur la fourniture d'une main-d'oeuvre pénale. Le service pénitentiaire n'est pas contractuellement tenu de fournir de la main-d'oeuvre aux entrepreneurs privés gérant une prison ou un atelier pénitentiaire. Il ne concède pas non plus de la main-d'oeuvre car il n'est lié par aucune obligation contractuelle lui faisant obligation de fournir de la main-d'oeuvre. Au contraire, l'entrepreneur est simplement tenu de fournir des installations permettant aux prisonniers de travailler dans le cadre du régime pénitentiaire de réadaptation et conformément au règlement pénitentiaire. Les entrepreneurs privés ne peuvent pas demander aux prisonniers d'accomplir un travail en dehors des termes du contrat ou en dehors des termes du règlement et de la politique pénitentiaires.

10. La commission prend bonne note de ces indications. Elle rappelle que, en vertu du règlement pénitentiaire, le travail est obligatoire pour les prisonniers purgeant une peine; par conséquent, lorsque des ateliers pénitentiaires ou une prison dans son ensemble sont privatisés, ils sont cédés avec une main-d'oeuvre captive et il est donc inutile d'insérer une clause contractuelle spéciale concernant la fourniture de main-d'oeuvre puisque l'Etat assure par des lois et règlements que la main-d'oeuvre captive doit, selon les termes du rapport du gouvernement, "coopérer avec le régime". Pour être rendue compatible avec la convention, la concession de prisons ou d'ateliers pénitentiaires nécessite donc l'introduction des conditions rappelées au paragraphe 3 ci-dessus.

11. La commission prend note également des indications du gouvernement dans son rapport de 1998 selon lesquelles les arrangements prévus pour la gestion privée des ateliers pénitentiaires présentent "des avantages pratiques importants car ils permettent d'améliorer la diversité et la qualité du travail ainsi que les possibilités de formation offerts aux prisonniers. Lorsque des salaires supérieurs sont offerts aux prisonniers, cela leur permet de commencer à économiser en prévision de leur libération".

12. Concernant la diversité et la qualité de travail ainsi que les possibilités de formation offertes aux prisonniers, la commission note dans le rapport du gouvernement de 1999 que, dans le contexte des arrangements actuels, la plupart du travail effectué dans les prisons faisant intervenir des entrepreneurs extérieurs "demande une forte intensité de main-d'oeuvre, et s'il devait être fait à l'extérieur cela ne serait pas rentable. Si ce travail n'était pas fait dans les prisons, il est vraisemblable que la production serait automatisée ou réalisée à l'étranger".

13. Fait plus important, pour ce qui est des "salaires supérieurs offerts aux prisonniers", la commission note l'indication donnée par le TUC dans ses observations selon laquelle à Blakenhurst, une prison où 150 prisonniers travaillent pour des sociétés extérieures et 300 travaillent pour UK Detention Services, la société privée qui gère la prison, les prisonniers ont indiqué que l'une et l'autre catégories recevaient entre 10 et 15 livres par semaine; même les gains les plus élevés étaient inférieurs aux gains minima à partir duquel les cotisations de sécurité sociale sont prélevées et inférieures au salaire minimum qui est de 3,60 livres de l'heure pour un travailleur adulte. La commission attend les commentaires du gouvernement sur ces chiffres.

14. Pour conclure, la commission prend note de l'avis exprimé par le TUC selon lequel le gouvernement devrait amender le régime de travail dans les prisons privatisées afin que soit respecté le critère d'une libre relation de travail et que les régimes préparatoires à la libération soient encouragés lorsqu'ils permettent la réintégration sociale et la réinsertion sur le marché du travail par le biais d'un emploi à l'extérieur dans le cadre duquel les droits fondamentaux du prisonnier en tant que travailleur sont protégés - notamment par l'instauration d'une relation d'emploi directe entre le prisonnier et l'employeur. La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour organiser le travail dans les ateliers et les prisons privatisés de manière compatible avec la convention et que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises à cet effet dans son prochain rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

L'observation précédente de la commission, faisant suite aux commentaires formulés par le Congrès des syndicats, avait trait à la question du travail forcé au sens de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention, et à la question des travailleurs domestiques en provenance de l'étranger. La commission note que le rapport du gouvernement a été reçu le 16 novembre 1998, soit peu de temps avant sa session. La commission ne dispose pas du temps nécessaire pour examiner le rapport et n'a pas d'autre solution que de réexaminer cette question à sa prochaine session. Elle prie en conséquence le gouvernement de fournir à temps pour la prochaine session de la commission les informations plus récentes qu'il souhaiterait porter à sa connaissance.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1999.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

1. Gens de maison venus de l'étranger. Dans ses commentaires de 1994, la commission se référait aux informations présentées par le Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, selon lesquelles certains employeurs, en majorité d'origine étrangère, retiennent le salaire et les pièces d'identité (passeports) des travailleurs étrangers employés chez eux comme gens de maison. Elle avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur la législation applicable en ce qui concerne ces travailleurs, sur les conditions de leur admission et de leur séjour sur le territoire du Royaume-Uni, sur les mesures prises pour enquêter sur ces allégations et sur les sanctions éventuellement prises.

Dans le rapport présenté par ce même groupe de travail en 1996 (document E/CN.4/Sub.2/1996/24, paragr. 74), il est pris note des indications communiquées antérieurement à ce groupe par le représentant de l'organisation non gouvernementale Kayalaan, indications selon lesquelles, indépendamment des conséquences du statut "exceptionnel" de leur admission sur le territoire, ces travailleurs ne sont protégés ni par les lois sur l'immigration ni par la législation britannique du travail. Ils sont autorisés à travailler pour un employeur dont le nom est précisé sur leur passeport et ne peuvent donc pas changer d'emploi en cas d'abus de la part de cet employeur.

Dans son rapport, le gouvernement déclare qu'en vertu du règlement sur l'immigration les personnes qui ne sont pas ressortissantes de l'un des pays de l'Union économique européenne doivent obtenir un permis de travail si elles souhaitent travailler au Royaume-Uni. La demande doit être adressée par l'employeur au Département de l'emploi et de l'éducation et elle est accordée dans la mesure où elle concerne des postes nécessitant des qualifications hautement techniques et une expérience que l'on ne saurait trouver parmi la population locale. Dans le cas des employés de maison, auxquels un permis de travail ne saurait être délivré puisque leur travail n'est pas qualifié, une autorisation spéciale est accordée par dérogation au règlement sur l'immigration et sur la base de critères rigoureux: l'autorisation d'admission sur le territoire doit être obtenue de l'étranger, la personne doit avoir au moins 18 ans et doit déjà avoir travaillé pour l'employeur de 12 à 24 mois, selon que la demande porte sur une visite dans le pays ou bien sur d'autres fins; le travailleur subit un entretien et est informé, à l'aide d'une brochure, des lieux où il peut s'adresser s'il a besoin d'assistance. L'employeur doit énoncer par écrit ses conditions de salaire, de logement et de subsistance, un exemplaire de cette déclaration étant délivré au travailleur, lequel doit à son tour exprimer son accord. Le fonctionnaire responsable du traitement de l'autorisation de séjour doit vérifier le caractère volontaire de l'accord et s'assurer que le travailleur a compris les droits qui lui sont reconnus au Royaume-Uni. Ce type d'entretien a lieu sans la présence de l'employeur. Le gouvernement souligne que toute personne, quel que soit sa nationalité ou le but de son séjour dans le pays, a le droit à une protection entière sur le plan pénal et peut dénoncer à la police toute atteinte physique ou privation de sa liberté. Des cas d'abus de cette nature ont été portés devant les tribunaux et ont entraîné des condamnations et des sanctions. Le gouvernement indique également que les travailleurs étrangers, y compris les employés de maison, ont le même droit que les travailleurs nationaux pour ce qui est de la protection contre le licenciement, le bulletin de salaire détaillé, la spécification par écrit des conditions de travail et les voies de recours contre l'employeur en cas de non-respect des conditions convenues.

La commission prend note des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) à ce sujet dans sa communication reçue le 31 octobre 1996. Le TUC déclare qu'en moyenne 12 000 permis sont délivrés chaque année à l'étranger à des gens de maison, qui sont en majorité des femmes venant de pays en développement et dont le permis de travail les lie à un employeur spécifique (l'intéressé ne peut donc changer d'employeur), ce qui ouvre la porte à l'exploitation, comme en atteste l'abondance de cas d'abus. Le TUC se réfère dans ses commentaires à l'organisation non gouvernementale Kalayaan, qui a documenté quelque 2 100 cas d'employés de maison s'étant échappés et ayant dénoncé les traitements dont ils étaient victimes: confiscation du passeport, non-paiement du salaire, impossibilité de se déplacer, horaires de travail excessifs (de 10 à 16 heures par jour, sept jours par semaine), conditions épouvantables de logement et d'alimentation, sévices, menaces, harcèlement sexuel et, dans certains cas, viols.

La commission constate que la situation des travailleurs qui ne peuvent mettre fin à une relation d'emploi qui, bien que librement contractée, ne correspond pas aux termes du contrat, aggravée par des restrictions à la liberté de déplacement et par le recours à la force pour obtenir un travail ou des services sont autant d'éléments qui constituent une violation de la convention.

La commission a pris note des indications du gouvernement concernant les cas qui ont été portés devant les tribunaux et elle le prie de communiquer le détail des décisions de justice, y compris le nombre des condamnations et des sanctions pénales infligées, conformément à l'article 25 de la convention.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir que les restrictions au changement d'emploi par les employés de maison ne débouchent pas sur l'exploitation d'une main-d'oeuvre captive.

La commission souhaite également examiner cette question sous l'angle de la convention no 97, également ratifiée par le Royaume-Uni.

2. Article 2, paragraphe 2 c). Se référant à la partie I de son observation au titre de cette même convention, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les arrangements pris en application de la règle 4(3) du règlement de 1964 sur les prisons, tel que modifié en 1995, peuvent s'appliquer aux personnes en détention provisoire et, si oui, de quelle manière. De même, rappelant que les personnes en détention provisoire à la prison de Blakenhurst peuvent participer au travail si elles le désirent et sont encouragées à le faire, la commission prie le gouvernement de préciser les moyens par lesquels ces personnes en détention préventive sont ainsi encouragées à travailler.

Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

1. Se référant à ses précédents commentaires concernant la privatisation des prisons et le travail effectué par les prisonniers, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport pour la période du 1er juillet 1993 au 31 mai 1996, parvenu trop tard pour être examiné à sa présente session. Elle prend également note des commentaires formulés par le Congrès des syndicats (TUC) dans une communication reçue le 31 octobre 1996, concernant la situation des gens de maison étrangers travaillant en Grande-Bretagne au domicile d'employeurs étrangers. Enfin, elle prend note d'une communication du TUC reçue le 19 novembre 1996 au sujet de l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par des sociétés privées, ainsi que des observations du gouvernement à ce sujet reçues le 9 décembre 1996.

I. Prisonniers travaillant pour des sociétés privées

A. Exigences de la convention (article 2, paragraphe 2 c))

2. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention tout travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire ne se situe en dehors du champ d'application de la convention qu'à la double condition "que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques" et en outre "que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Ainsi, le fait que le prisonnier reste en tout temps sous la surveillance et le contrôle d'autorités publiques ne dispense pas en soi de remplir la seconde condition, à savoir que l'individu ne doit pas être "concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées".

3. Pour ce qui est de ce dernier point, la commission a souligné dans de précédents commentaires au titre de la convention que les dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), ne sont pas limitées au cas où un lien juridique s'établit entre le prisonnier et l'entreprise, mais couvrent également les situations où un tel lien juridique n'existe pas. Elle avait également noté qu'il est caractéristique du régime de la concession que le prisonnier soit "concédé" à une société privée en vertu d'un contrat conclu entre l'autorité pénitentiaire et cette société. Ainsi, la relation triangulaire dans laquelle le travail d'un prisonnier fait l'objet d'un contrat entre l'autorité pénitentiaire et la société privée correspond exactement à ce que l'article 2, paragraphe 2 c), qualifie d'incompatible avec la convention, dès lors que le prisonnier est obligé de travailler.

4. Dans sa précédente observation concernant le respect de la convention au Royaume-Uni, la commission avait rappelé que, comme elle l'a indiqué au paragraphe 98 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, les dispositions de la convention de 1930 interdisant que la main-d'oeuvre pénale soit concédée ou mise à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées portent non seulement sur le travail effectué en dehors de l'établissement pénitentiaire, mais s'appliquent également au travail dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l'intérieur des prisons, et que, a fortiori, l'interdiction couvre tout travail organisé par des prisons à gestion privée.

5. Au paragraphe 97 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la commission a relevé que, dans certains pays, on accorde à certains prisonniers la possibilité d'accepter volontairement, surtout pendant la période qui précède leur libération, un emploi au service d'un employeur privé, sous réserve de certaines garanties quant au paiement d'un salaire normal et à la couverture de sécurité sociale, au consentement des syndicats, etc. A cet égard, la commission note que le gouvernement indique, dans ses observations reçues le 9 décembre 1996, que "dans les très rares cas lorsqu'un prisonnier effectue un travail directement pour un employeur extérieur (ce qui peut se produire par exemple pendant une certaine période préparatoire à la libération d'une personne purgeant une peine de longue durée), l'intéressé le fait sur une base volontaire", la commission a estimé que, s'il existe les garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement un emploi, sans être soumis à des pressions ou à la menace d'une sanction quelconque, un tel emploi ne tombe pas sous le coup des dispositions de la convention.

6. Comme la commission l'a indiqué à de nombreuses reprises, ce n'est que lorsqu'il s'accomplit dans le cadre d'une relation d'emploi libre que le travail pour des sociétés privées peut être considéré comme compatible avec l'interdiction expresse de l'article 2, paragraphe 2 c). Cela exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé et, compte tenu des circonstances de ce consentement, il doit y avoir des garanties supplémentaires couvrant les éléments essentiels d'une relation de travail, y compris un niveau de rémunération et une couverture de sécurité sociale correspondant à une relation de travail libre, pour que l'emploi échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c), qui interdit de façon inconditionnelle que des personnes obligées d'accomplir du travail pénitentiaire soient concédées ou mises à la disposition de sociétés privées.

B. La législation et la pratique nationales

7. La commission note plusieurs modifications apportées ces dernières années à la législation et la réglementation nationales concernant les prisons et le travail dans les prisons, ainsi qu'à la pratique; elle constate qu'aucune mesure n'a été prise à ces occasions pour tenir compte des exigences de la convention.

a) Concession de prisons et d'ateliers pénitentiaires à des privés

8. Dans ses précédents commentaires, la commission abordait l'article 84 de la loi de 1991 sur la justice pénale, en vertu duquel le secrétaire d'Etat peut se mettre en rapport avec un entrepreneur privé pour la gestion de tout établissement pénitentiaire qui: a) a été créé avant l'entrée en vigueur de cet article, et b) est destiné aux personnes en détention préventive. Ces deux restrictions ont été levées par des ordonnances prises en 1992 et 1993 et la commission a pu constater qu'à la prison de Blakenhurst (qui a été concédée le 26 mai 1993 à "UK Detention Service", société résultant de l'association "Mowlen Alpina" et de "Corrections Corporations of America"), le contrat conclu avec les administrateurs privés prévoit que les personnes jugées et condamnées sont tenues de participer au travail et à des programmes de formation professionnelle, tandis que les personnes en détention préventive ont la faculté d'y participer si elles le désirent et sont incitées à le faire.

9. La commission note que l'article 84 de la loi de 1991 a été modifié par l'article 96 de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public et que l'article 84 (1) de cette loi de 1991 a désormais la teneur suivante:

Le secrétaire d'Etat peut conclure un contrat avec une autre personne pour la fourniture ou la gestion (ou la fourniture et la gestion) par cette dernière, ou (si le contrat le prévoit), pour la gestion par des sous-traitants de cette personne, de toute prison ou partie d'une prison.

L'article 84(4) tel que modifié dispose:

Dans cette partie -- les termes "prison privatisée" s'entendent d'une prison ou partie d'une prison pour la gestion de laquelle un contrat en vertu du présent article est en vigueur; le terme "contractant", dans le contexte d'une prison privatisée, s'entend de la personne ayant contracté avec le secrétaire d'Etat pour sa gestion; et le terme "sous-traitant", dans le contexte d'une prison privatisée, s'entend de la personne qui a traité avec le contractant pour la gestion de la prison ou d'une partie de celle-ci.

10. La commission note qu'en vertu de l'article 85(1) de la loi de 1991 sur la justice pénale:

En lieu et place d'un gouverneur (governor), toute prison privatisée aura -- a) un directeur, qui sera un responsable de la garde des prisonniers désigné par le contractant et expressément agréé par le secrétaire d'Etat aux fins du présent article; et b) un contrôleur, qui sera un fonctionnaire de Sa Majesté, désigné par le secrétaire d'Etat; ...

Les fonctions respectives du directeur et du contrôleur sont précisées aux articles 85(2) et (4) et 85 de la même loi, avec les modifications qui en résultent pour la loi de 1952 sur les prisons.

11. Selon l'article 85(2), lu conjointement à l'article 87 de la loi de 1991, la plupart des fonctions que la loi de 1952 sur les prisons confère au gouverneur d'une prison sont exercées, dans une prison privatisée, par le directeur: ainsi, l'article 13(1) de la loi de 1952 prévoyait que "tout prisonnier est réputé être placé juridiquement sous la garde du gouverneur de la prison ...", et l'alinéa 2 "le prisonnier se trouve juridiquement placé sous garde tant qu'il se trouve en prison, dès qu'il est amené en prison ou lorsqu'il est transféré d'une prison et tandis qu'il travaille ...". L'article 87(4) de la loi de 1991 sur la justice pénale dispose que, dans le contexte d'une prison privatisée, la référence susmentionnée au "gouverneur" à l'article 13(1) de la loi de 1952 sur les prisons se conçoit comme une référence au "directeur" (qui est désigné par le contractant).

12. Selon l'article 85(4) de la loi de 1991:

Le contrôleur doit être investi des fonctions qui peuvent lui être conférées par le règlement des prisons et doit avoir pour mission -- a) d'exercer son contrôle sur la gestion de la prison par et au nom du directeur et de faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat; et b) d'enquêter sur toute allégation visée sous la partie concernant les personnels chargés des missions de garde à l'intérieur des prisons et de faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat.

13. En vertu de l'article 85(5) de la loi de 1991, tel que modifié par l'article 101(1) de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public:

Le contractant et tout sous-traitant de celui-ci sont l'un et l'autre tenus de faire tout ce qui est raisonnablement en leur pouvoir (soit en donnant des instructions au personnel de la prison, soit autrement) pour faciliter l'exercice par le contrôleur de toutes les fonctions mentionnées à l'alinéa (4) ci-avant ou conférées par celui-ci.

14. La commission note que, selon les indications données par le gouvernement dans son rapport, le contrat conclu par le secrétaire d'Etat et le contractant énonce les obligations du contractant de manière détaillée, et que la supervision et le contrôle du secrétaire d'Etat aux affaires intérieures s'exercent par l'intermédiaire du directeur (désigné par le contractant et expressément agréé par le secrétaire d'Etat) et le contrôleur (fonctionnaire de Sa Majesté désigné par le secrétaire d'Etat, en concertation avec le Conseil des visiteurs et l'Inspecteur en chef des prisons de Sa Majesté). Le gouvernement explique que:

Si l'un des rôles d'un contrôleur d'une prison privatisée consiste à s'enquérir et décider des mesures disciplinaires à l'encontre d'un prisonnier, ce rôle n'est pas limité à cette fonction. Les attributions du contrôleur, en vertu de l'article 85(4) de la loi de 1991 sur la justice pénale, consistent à exercer un contrôle sur la gestion de la prison et à faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat ainsi qu'à enquêter sur toute allégation contre le personnel de surveillance et faire rapport à ce sujet au secrétaire d'Etat. L'article 88 de la loi prévoit l'intervention du secrétaire d'Etat dans le cas où le directeur n'exerce plus un contrôle effectif sur la prison.

Le gouvernement conclut que "le secrétaire d'Etat conserve ainsi des fonctions de contrôle considérables, et un très haut degré de supervision de la part de l'Etat continue de s'exercer sur les prisons privatisées".

b) Caractère obligatoire du travail accompli par les prisonniers condamnés dans toute prison

15. La commission note qu'en vertu de l'article 28(1) du règlement des prisons de 1964 (S.I.1964/388) "un prisonnier condamné est tenu d'accomplir un travail utile au maximum dix heures par jour et des dispositions seront prises pour permettre aux prisonniers de travailler, autant que possible, hors de leur cellule et en association des uns avec les autres". Aux termes du paragraphe 5 de la même règle "un détenu qui n'a pas été condamné a la possibilité, s'il le souhaite, de travailler comme s'il était un prisonnier condamné".

16. La commission note que ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des prisons, qu'elles soient administrées par l'Etat ou gérées (en tout ou en partie) par des contractants privés aux termes d'un contrat conclu avec le secrétaire d'Etat conformément à l'article 84 de la loi de 1991 sur la justice pénale, tel que modifié par l'article 96 de la loi de 1994 sur la justice pénale et l'ordre public.

17. La commission note en outre qu'en vertu de la règle 4(1) du règlement des prisons de 1964, telle que modifiée par le règlement (modificateur) (no 2) des prisons de 1995, "chaque prison doit définir des systèmes de privilèges, approuvés par le secrétaire d'Etat et adaptés aux différentes catégories de prisonniers, incluant des arrangements par lesquels l'argent gagné par les prisonniers en prison peut être dépensé par eux à l'intérieur de cette même prison". Selon le paragraphe 3 de cette même règle, "les systèmes de privilèges visés au paragraphe 1 peuvent inclure les arrangements par lesquels de tels privilèges peuvent être accordés aux prisonniers seulement dans la mesure où ils ont satisfait ou continuent de satisfaire à certaines normes concernant le comportement ou l'accomplissement de leur travail ou de toute autre activité".

18. La commission rappelle que, comme elle l'a indiqué au paragraphe 21 de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, il a été précisé lors de l'examen du projet d'instrument par la Conférence, que la "peine" dont il est question à l'article 2, paragraphe 1, de la convention ne doit pas revêtir forcément la forme d'une sanction pénale mais qu'il peut s'agir également de la privation de quelque droit ou avantage.

19. Ainsi, le travail en prison est obligatoire au sens de la convention en vertu aussi bien de la règle 28(1) que des arrangements visés à la règle 4(3) du règlement de 1964 sur les prisons, tel que modifié.

20. Rémunération. La commission a pris note des informations concernant la rémunération des prisonniers travaillant pour des sociétés privées. Dans son rapport, le gouvernement indique que "l'administration pénitentiaire continue d'examiner les modalités permettant d'obtenir une implication du secteur privé dans l'emploi des prisonniers qui serait plus directe et qui offrirait aux prisonniers engagés dans ces activités la possibilité de percevoir des rémunérations sensiblement plus élevées". La commission note que, selon le rapport de l'inspecteur en chef des prisons sur la prison de Blakenhurst, publié en octobre 1994, "les taux de rémunération toutes catégories confondues se situent en moyenne à 8 livres par semaine, mais que dans les ateliers, où s'applique la rémunération à la pièce ou à la vacation, les détenus peuvent s'attendre à gagner entre 15 et 17 livres par semaine. Des taux de rémunération encore plus élevés ont été relevés pour un certain nombre de détenus employés à la cuisine." Selon les commentaires du TUC reçus le 19 novembre 1996, les statistiques gouvernementales concernant cette même prison "révèlent que la plus haute rémunération hebdomadaire s'élève au total, primes comprises, à 14,50 livres pour les serveurs des réfectoires, les détenus travaillant dans les gymnases, au jardinage, pour la peinture ou pour l'entretien percevant la rémunération la plus basse de 10 livres". A titre de comparaison, la commission note également que, selon une brochure officielle intitulée "Britain 1996", établie par l'Office central d'information, les gains hebdomadaires moyens dans le pays s'élèvent à 272 livres pour les travailleurs manuels et à 372 livres pour les travailleurs non manuels.

C. Commentaires du TUC

21. Dans sa communication reçue le 19 novembre 1996, le TUC souligne que, si la possibilité pour les prisonniers de travailler est capitale pour la réinsertion, le travail des prisonniers doit s'accomplir dans le cadre défini par la convention. Le TUC reste d'avis que la convention interdit l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par les sociétés privées, sauf si les conditions suivantes sont remplies:

-- la relation contractuelle doit être entre la société et le prisonnier, et non entre la société et la prison;

-- le consentement du prisonnier doit être véritable et librement donné, ce qui présuppose des garanties concernant le salaire;

-- l'employeur doit verser des cotisations d'assurances sociales comme pour les autres travailleurs;

-- le consentement du prisonnier, que ce soit pour entreprendre ou pour continuer ce travail, ne doit pas résulter de menaces de sanctions telles que la perte d'une remise de peine;

-- la législation du travail et la réglementation d'inspection du travail doivent s'appliquer.

22. Le TUC déclare en outre que:

La gestion au quotidien des prisons est assurée par des sociétés privées. Le secrétaire d'Etat a fait nettement savoir à plusieurs reprises, à la suite de troubles dans des prisons ou d'évasions de prisonniers, qu'il n'est pas responsable de la gestion au quotidien des prisons, qu'elles soient publiques ou privées. Les condamnés peuvent être obligés à travailler en droit britannique. Les directeurs de prisons à gestion privée sont désignés par le contractant (privé) et agréés par le secrétaire d'Etat, mais toute activité exercée par les prisonniers ne peut être placée sous la surveillance ou le contrôle d'un ministre. Le droit, pour le contrôleur d'une prison privatisée, qui est désigné par le secrétaire d'Etat, d'intervenir si un directeur perd le contrôle d'une prison n'équivaut pas à une surveillance effective de l'Etat sur le travail accompli par les prisonniers dans ces prisons.

23. Selon le TUC:

Il est inexact de dire que les prisonniers ne sont pas mis à disposition de sociétés privées, même si les opérations de travail sont supervisées par du personnel pénitentiaire employé par l'administration pénitentiaire publique contrairement à des gardes de sécurité privés dans les prisons privatisées, lorsque des prisonniers produisent des biens pour des sociétés privées qui les vendent sur le marché, leur travail est manifestement mis à la disposition de ces sociétés. La jurisprudence de l'OIT dit clairement que, au nombre des critères retenus pour dire si le travail pénitentiaire pour le compte d'une société privée est compatible avec les termes de la convention, on retient le critère selon lequel toute relation d'emploi doit être conclue entre le prisonnier lui-même et la société et doit être librement conclue. Le prisonnier ne peut être concédé par la prison pour travailler pour une société privée.

24. Enfin, le TUC considère que:

Les informations communiquées par le gouvernement quant à la rémunération des prisonniers font ressortir clairement que ceux-ci ne perçoivent pas le taux prévu pour le travail considéré, même lorsqu'ils accomplissent un travail pour le compte de sociétés privées ou pour le compte de contractants privés gérant une prison. (...) Le TUC s'oppose à l'exploitation d'une main-d'oeuvre pénitentiaire bon marché par des sociétés privées et à la sous-enchère qu'elle entraîne par rapport aux salaires normaux versés aux travailleurs hors des prisons ou le remplacement de leur emploi par cette main-d'oeuvre pénitentiaire bon marché. Cette pratique débouche sur une exploitation et sur une concurrence déloyale. De l'avis du TUC, il convient d'y mettre un terme.

D. La réponse du gouvernement

25. La commission note que, selon les communications reçues le 9 décembre 1996:

Le gouvernement a pris note des commentaires du TUC concernant son dernier rapport sur l'application de cette convention et, en particulier, au sujet de la question des prisonniers qui travaillent pour des sociétés privées. Il a examiné l'avis du TUC selon lequel la relation d'emploi doit être entre le prisonnier et l'employeur plutôt qu'entre la prison et l'employeur, mais il conçoit que cela ne s'applique que lorsque le prisonnier est de force mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées.

De l'avis du gouvernement:

Une telle situation n'a cependant jamais existé au Royaume-Uni, même lorsque la prison est gérée par un contractant privé. Il en est ainsi parce que, lorsque le travail pénitentiaire est donné par des sociétés privées, le contrat est conclu entre l'administration pénitentiaire et la société. La relation du prisonnier n'est pas avec la société privée mais avec la prison. Tout travail dans les prisons du Royaume-Uni est effectué sous la surveillance et le contrôle d'une autorité publique. Les prisons gérées par des sociétés privées sous contrat avec l'administration pénitentiaire sont surveillées par des fonctionnaires opérant sur place -- les contrôleurs -- et sont soumises à d'autres formes de contrôle et de surveillance publics.

Le gouvernement conclut que "leur travail ne rentre donc pas dans la définition du travail forcé donnée à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention".

26. Le gouvernement indique en outre que:

La loi sur les gains des prisonniers, qui s'applique aux prisonniers percevant un "salaire amélioré", dans le cadre des systèmes de salaire amélioré, donne comme l'une des définitions d'un tel système le fait que le prisonnier doit être volontaire. Il ne peut être tenu d'y participer.

E. Conclusions de la commission

27. La commission a pris note des avis contradictoires du gouvernement et du TUC quant au degré de surveillance et de contrôle des autorités publiques sur le travail effectué dans les prisons ou dans des parties de prisons qui sont concédées à des sociétés privées, gérées par un personnel désigné par ces dernières et parfois sous-traitées par elles-mêmes à d'autres particuliers ou sociétés privées. Elle note que, comme indiqué aux paragraphes 2 et 3 ci-avant, même l'existence d'une surveillance et d'un contrôle publics effectifs ne dispenserait pas de l'obligation de remplir la condition distincte énoncée à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention, qui exige que le prisonnier "ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Les fonctions de contrôle conservées par le secrétaire d'Etat, fonctions auxquelles le gouvernement se réfère, ont pour but de garantir le respect par le contractant privé des termes du contrat conclu, c'est-à-dire d'un contrat qui, en lui-même, est en contradiction avec les exigences de la convention, dans la mesure où du travail pénitentiaire obligatoire est utilisé par un contractant privé ou son sous-traitant.

28. En ce qui concerne le système du "salaire amélioré" mentionné par le gouvernement et auquel le prisonnier ne peut être tenu de participer, la commission note que ce système fonctionne dans le cadre défini par la règle 28 du règlement de 1964 sur les prisons et ne fait pas disparaître le caractère obligatoire du travail pénitentiaire pour les condamnés.

29. Pour assurer le respect de la convention, il convient soit d'abroger les dispositions permettant la concession des prisons à des privés, soit de reconnaître aux personnes qui y sont incarcérées les droits et garanties visés aux paragraphes 5 et 6 ci-dessus.

30. Consentement librement donné. La commission note que, dans les prisons et ateliers pénitentiaires concédés à des privés, il apparaît particulièrement difficile de créer les conditions d'une relation d'emploi basée sur le consentement librement donné. Ceci présupposerait en premier lieu la suppression de l'obligation de travailler fondée sur les règles 28(1) et 4(3) du règlement de 1964 sur les prisons, ou une dérogation à cette obligation. Cependant, même si le directeur d'une prison privatisée, désigné par le contractant privé, n'avait pas plus le droit de forcer un prisonnier à travailler, le directeur et la société qui l'emploie auraient toujours intérêt à pouvoir disposer du travail du prisonnier. La commission rappelle à nouveau que la "menace d'une peine" visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention peut revêtir la forme de la perte de droits ou de privilèges. Puisque le directeur qui gère la prison pour le compte d'un concessionnaire privé a aussi juridiquement la garde du prisonnier, il apparaît à la fois indispensable et très difficile de garantir que l'acceptation ou non par le prisonnier d'un travail pour le concessionnaire privé ou son sous-traitant n'a aucune incidence sur ses conditions d'incarcération et ses chances de remise de peine ou de libération anticipée.

31. La commission espère que les mesures nécessaires seront prises, tant sur le plan de la législation nationale que sur celui de la pratique, pour garantir que tout travail de prisonniers pour des sociétés privées s'effectue dans les conditions d'une relation d'emploi librement consentie: absence de toute forme de contrainte découlant de la situation du condamné; existence d'un contrat de travail entre le prisonnier et la société privée qui l'emploie (qu'il s'agisse du concessionnaire gérant la prison ou une partie de la prison ou d'un sous-traitant ou de toute autre société privée, et quel que soit le travail (tâches ancillaires, services, travail en atelier); et conditions normales sur le plan du taux de rémunération, de la sécurité sociale et de la sécurité et de la santé des travailleurs.

32. La commission espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises pour rendre la législation nationale ainsi que la pratique en ce qui concerne les prisons privatisées conformes à la convention, ainsi que sur toute mesure prise pour veiller à ce que la position du TUC soit prise en considération par les autorités lorsqu'elles négocient des contrats avec des sociétés privées qui impliquent l'utilisation d'une main-d'oeuvre pénitentiaire. La commission prie également le gouvernement de communiquer copie des contrats conclus avec les sociétés privées pour ce qui est de l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire.

II. Gens de maison venant de l'étranger

33. En ce qui concerne les commentaires du TUC concernant la situation des gens de maison venus de l'étranger, travaillant en Grande-Bretagne au service d'employeurs étrangers, la commission adresse une demande directe au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Se référant également à son observation, la commission prie le gouvernement de fournir des données sur le taux de base et le taux de rémunération d'activité fixés à l'échelle nationale pour les prisons gérées par l'Etat. Elle le prie également de fournir des informations sur les rémunérations versées à Wolds et à Blakenhurst, comparées aux taux nationaux fixés pour les prisons d'Etat et aux taux minimum de salaire normalement applicables dans les différents secteurs d'activité, ainsi que sur les prestations de sécurité sociale, notamment les assurances accidents et chômage. Prenant note des commentaires sur les conditions de travail et de rémunération dans certaines prisons gérées par l'Etat ayant conclu des contrats de louage de services avec des sociétés privées, la commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées à ce sujet.

La commission a pris note du rapport de l'inspecteur général des prisons (1991-92) et du premier rapport annuel du Conseil des visiteurs pour le centre de détention préventive de Wolds (1992), communiqués par le gouvernement avec son rapport. Relevant que l'inspecteur général déclare qu'il ne faut attendre aucun changement dans l'attitude de la plus grande partie des prisonniers par rapport au travail tant que ceux-ci n'auront pas la possibilité de gagner un salaire décent, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de tout rapport récent de l'inspecteur général, du Conseil des visiteurs pour Wolds, ainsi que du Conseil des visiteurs pour Blakenhurst. Elle le prie également de communiquer copie du "Livre blanc" intitulé "Custody, Care and Justice", publié en 1991.

2. Article 25. La commission a pris note d'informations soumises au Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au sujet de la situation des gens de maison d'origine étrangère, et en particulier des informations indiquant que certains employeurs de gens de maison, pour la plupart d'origine étrangère, retiennent les salaires de leurs employés pendant une période prolongée et leur confisquent leurs passeports. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les dispositions juridiques applicables à ces gens de maison d'origine étrangère, sur leurs conditions d'admission et de séjour au Royaume-Uni, sur les mesures prises pour examiner le bien-fondé de ces allégations, sur les poursuites engagées et sur les peines prononcées ainsi que sur toutes mesures prises ou envisagées pour garantir le respect de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

Faisant suite à ses commentaires concernant la privatisation des prisons et le travail effectué par les prisonniers, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport.

La commission note également les observations du Congrès des syndicats (TUC) sur l'application de la convention, jointes au rapport du gouvernement.

Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. La commission a noté précédemment qu'en vertu de la loi du 26 juillet 1991 sur la justice pénale la gestion de certaines prisons peut être privatisée (art. 84), auquel cas elles sont dirigées par un directeur désigné par l'adjudicataire, en accord avec le secrétaire d'Etat, sous la supervision d'un fonctionnaire de la Couronne (art. 85). Le gouvernement a indiqué que la loi lui permet de rechercher des adjudicataires dans le secteur privé pour créer de nouvelles prisons pour prévenus et qu'un premier contrat pour une période de cinq ans a été conclu pour le centre de détention préventive de Wolds, qui accueille des personnes n'ayant pas été jugées ou condamnées. Le gouvernement a également indiqué que le règlement des prisons prévoit que les prisonniers n'ayant pas été reconnus coupables ne sont pas tenus de travailler tandis que les autres le sont. Au centre de Wolds, le travail se limiterait aux tâches d'entretien de l'établissement et à un travail en atelier polyvalent, les prisonniers ayant choisi de participer devant être rémunérés et acquérir une formation. La commission a également noté les indications du gouvernement concernant le contrôle, la discipline, l'inspection et le suivi des prisons et elle lui a demandé de fournir des informations précises sur le nombre de prisons dont la gestion est ainsi privatisée, sur le nombre de prisonniers concernés, les salaires versés comparés aux salaires minima normalement appliqués dans les différents secteurs d'activité ainsi que d'autres précisions concernant les prestations de sécurité sociale et les retenues effectuées sur les salaires.

La commission note, selon ce qu'indique le gouvernement dans son plus récent rapport, que deux prisons ont été ainsi privatisées, le centre de détention préventive de Wolds (qui fonctionne depuis avril 1992) et la prison de Blakenhurst (depuis le 26 mai 1993). A Wolds, au cours d'une semaine ordinaire de mars 1993, sur une population moyenne de 318 personnes non jugées ou condamnées, 122 ont travaillé, accomplissant au total 2.089 heures. A Blakenhurst, le contrat passé avec l'adjudicataire privé prévoit que les prisonniers reconnus coupables et condamnés (environ la moitié des 649 prisonniers escomptés) participent à des programmes de travail et de formation professionnelle (à raison de 35 heures par semaine et de sept heures par jour), tandis que les prévenus ont la faculté de participer s'ils le désirent et sont encouragés à le faire. Le gouvernement ajoute que les possibilités de travail sont prévues dans l'enceinte de l'établissement, et qu'il existe toute une série d'ateliers proposant diverses sections de travail ou de formation, qui recouvrent une buanderie, trois espaces de formation en atelier et deux ateliers de formation en bâtiment assurant des cours pour la peinture, le plâtre et l'aménagement intérieur, le travail dans les ateliers de formation devant déboucher sur des qualifications reconnues à l'échelle nationale.

En ce qui concerne la rémunération, la commission note que le gouvernement se réfère au Manuel sur la rémunération des prisonniers ("Prisoner's Pay Manual"), publié par la direction des prisons en novembre 1992 et communiqué par le gouvernement avec son rapport. Ce système de rémunération s'applique aux prisonniers dans les établissements pénitentiaires (gérés par l'Etat).

Selon ce que le gouvernement indique, ce nouveau système de rémunération définit un cadre, laissant les modalités d'application à la discrétion de chaque directeur de prison, et il n'existe pas de rémunération uniforme pour les différents domaines de travail proposés aux prisonniers dans les établissements. Le directeur fixe les taux de rémunération applicables localement et les prisonniers doivent satisfaire à des niveaux acceptables de qualité, de rendement et d'activité qui sont convenus avec eux par avance, des réductions pouvant être opérées sur la paie lorsque la norme requise n'est pas atteinte. Le gouvernement déclare également que la plupart des prisonniers ne gagnent pas assez pour que des déductions soient opérées sur leur rémunération.

La commission note que le gouvernement déclare qu'il est dans l'intention des adjudicataires, à la fois à Wolds et à Blakenhurst, de se conformer aux principes de rémunération des prisonniers énoncés dans le Manuel sur la rémunération des prisonniers.

La commission note que le système prévoit trois niveaux différents de rémunération: un taux de base (BR), fixé à l'échelle nationale, que le prisonnier désireux d'exercer une activité productive mais ne pouvant pas obtenir un poste devrait percevoir pour couvrir ses besoins essentiels; un taux de rémunération d'activité (ER), égal pour tous dans tous les établissements d'Etat, versé à chaque prisonnier exerçant une activité productive et atteignant un niveau de qualité et d'effort satisfaisant; un taux uniforme (SR) pouvant être fixé localement par le directeur de prison pour rémunérer une activité productive à un taux supérieur au précédent (ER). Aux fins du système de rémunération, l'activité "productive" s'entend du travail (par exemple en atelier, en exploitation agricole ou en jardinerie, en services domestiques, en équipes d'entretien, pour des travaux intéressant la collectivité ou pour un employeur extérieur), la formation professionnelle et l'enseignement pendant la journée.

La commission note que le manuel souligne que dans les établissements pénitentiaires d'Etat la rémunération des prisonniers est traditionnellement fixée à un niveau tel qu'elle équivaut à de l'argent de poche; que les niveaux de rémunération sont inadéquats même pour ce modeste objectif; que des augmentations de rémunération ont été recommandées par plusieurs rapports; et qu'ainsi le rapport "Woolf" propose un salaire hebdomadaire moyen de huit livres; et que le gouvernement, dans un "Livre blanc" (White Paper) intitulé "Custody, Care and Justice", publié en 1991, a accepté ce chiffre comme objectif initial à réaliser dès que les ressources le permettraient.

La commission note les commentaires du Congrès des syndicats (TUC) selon lesquels un programme de privatisation a été adopté, aux termes duquel la gestion de deux prisons, celle de Blakenhurst et celle de Wolds, a été remise à des compagnies privées. Blakenhurst est gérée par "UK Detention Services", un consortium de la "Corrections Corporation of America" et des sociétés du bâtiment "Mowlem Alpine", responsables de la construction de Wolds. Quant à cette dernière, elle est gérée par la "Group 4 Company". En ce qui concerne les fonctions dont est chargé le contrôleur, à savoir connaître et trancher les questions de discipline concernant les prisonniers, le TUC considère que celles-ci n'équivalent pas à une supervision et à un contrôle par les autorités publiques sur le travail dans les prisons, selon ce que prévoit la convention. Le TUC attire l'attention sur l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention et sur l'Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, qui rappelle le rejet (par la Conférence) d'une proposition qui aurait permis la mise à disposition de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des entreprises privées réalisant des travaux publics.

Le TUC se réfère plus spécialement à la nature, aux conditions et à la rémunération du travail effectué par les prisonniers dans la prison à gestion privée de Blakenhurst et dans différentes prisons gérées par l'Etat qui ont conclu des contrats de louage de services avec des sociétés privées extérieures. La commission note en particulier que le TUC indique, à propos de la prison de Blakenhurst, que le directeur a fourni des informations selon lesquelles des prisonniers seraient employés aux cuisines, au service des bâtiments, au nettoyage des bâtiments, à l'entretien des installations, aux travaux de jardinage, à des travaux de montage et à des travaux de buanderie, que les barèmes de rémunération se situent en moyenne à 6,50 livres par semaine, ces taux variant selon le travail entrepris, et que les recettes produites par le travail accompli sont utilisées pour rémunérer les prisonniers. Toutefois, de l'avis du TUC, les salaires payés ne sont pas normaux et, s'il est déclaré que les recettes produites par le travail des prisonniers sont employées pour améliorer les moyens mis à leur disposition, le TUC estime que la main-d'oeuvre pénitentiaire est utilisée par une société privée pour réduire les coûts de gestion de la prison et augmenter le profit privé.

La commission note que le gouvernement n'a fourni aucun commentaire en réponse aux observations du TUC.

La commission note également les informations selon lesquelles une autre prison est en voie de privatisation.

La commission rappelle que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail en conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Comme la commission l'a fait observer dans son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, en adoptant cette disposition, la Conférence a rejeté expressément un amendement qui aurait permis de concéder de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des entreprises privées réalisant des travaux publics. Il ne suffit donc pas de limiter l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des travaux d'intérêt public, puisque de tels travaux peuvent être effectués par des entreprises privées.

La commission a indiqué dans l'étude d'ensemble susmentionnée que l'interdiction de l'article 2, paragraphe 2 c), n'est pas limitée au travail effectué en dehors des établissements pénitentiaires mais s'applique également au travail dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l'intérieur des prisons. A fortiori, l'interdiction couvre tout travail organisé par des prisons à gestion privée.

La commission rappelle que partout oû les prisonniers sont mis à la disposition de sociétés privées seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à l'interdiction inscrite dans la convention. Ceci exige nécessairement le consentement formel de la personne intéressée et, à la lumière des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre.

La commission exprime l'espoir que le gouvernement fournira des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour garantir le respect de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

Se référant à ses commentaires antérieurs concernant la privatisation de prisons et le travail accompli par les personnes qui y sont incarcérées, la commission note les informations fournies par le gouvernement dans son rapport.

La commission note qu'aux termes de la loi du 26 juillet 1991 sur la justice pénale certaines prisons peuvent faire l'objet de contrats conclus entre le secrétaire d'Etat et une tierce personne (art. 84); de telles prisons ont à leur tête un directeur, nommé par le contractant et agréé par le secrétaire d'Etat, et sont placées sous le contrôle d'un fonctionnaire de la Couronne nommé par le secrétaire d'Etat (art. 85). La commission note les informations du gouvernement dans son rapport, selon lesquelles le gouvernement est autorisé à mettre en adjudication dans le secteur privé, aux fins de gestion, les nouvelles prisons pour prévenus; un premier contrat, qui a été signé en novembre 1991 pour une durée de cinq ans, devait entrer en vigueur en avril 1992. Il concerne la prison pour prévenus de Wolds, laquelle peut héberger 300 prisonniers non jugés ou non condamnés; à tout moment, 50 prévenus environ y sont incarcérés.

La commission note également, d'après les indications données par le gouvernement dans son rapport et en vertu du règlement des prisons, que les prévenus ne peuvent pas être astreints au travail, mais que le travail est obligatoire pour les condamnés. A Wolds, les tâches se limitent aux besoins d'entretien de l'établissement, une petite partie de celui-ci étant en outre constituée par un atelier polyvalent. Les prisonniers sont rémunérés et leur travail servira de formation à ceux d'entre eux qui auront choisi d'y participer.

La commission note en outre les indications du gouvernement concernant le contrôle, la discipline, l'inspection et l'exécution du contrat; à cet égard, la commission note que l'inspecteur en chef, indépendant du service de la prison, établit un rapport annuel sur les conditions régnant dans les prisons et leur gestion.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur le nombre de prisons sous contrat et l'effectif des prisonniers qui y sont incarcérés, sur les salaires payés compte tenu des salaires minima normaux fixés pour les divers secteurs professionnels considérés, de même que sur les prestations de sécurité sociale allouées et sur les déductions de salaire opérées. La commission prie également le gouvernement de joindre à son prochain rapport copie du rapport annuel de l'inspecteur chef des prisons pour ce qui touche aux prisons placées sous contrat.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport. Elle demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur toutes mesures prises ou envisagées en vue de privatiser les prisons et centres de détention préventive, particulièrement en ce qui concerne le travail accompli par les prisonniers ou détenus dans ces établissements, y compris toutes informations sur le cadre juridique du travail en question, la nature du travail accompli, les salaires versés et d'autres données concernant les prestations salariales et de sécurité sociale et sur toutes déductions sur salaires.

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