National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Informations écrites communiquées par le gouvernement
Le gouvernement de la Colombie respecte les conventions internationales, tant dans la législation que dans la pratique. Il est fermement engagé à faire respecter le droit syndical, comme le démontre la création de 611 organisations syndicales de 2018 à 2020.
Il a été mis fin à l’impunité: Le gouvernement s’oppose catégoriquement à tout acte de violence, quelle qu’en soit l’origine, et réaffirme la volonté de l’État d’avancer dans les enquêtes visant à élucider les faits et à condamner les responsables, ainsi que de protéger les travailleurs, en particulier les militants et les dirigeants syndicaux. La Colombie a progressé considérablement dans la lutte contre l’impunité; aujourd’hui, le pays enregistre en tout plus de 960 condamnations, et le nombre d’actes de violence contre les syndicalistes est en baisse. Le gouvernement tient à réaffirmer qu’il rejette tous les actes de violence à l’encontre des dirigeants syndicaux et qu’il continuera à lutter pour que ces actes soient réduits à néant.
Stratégies de l’État
Le Système national de réaction immédiate pour la promotion de la stabilité (SIRIE) a été créé et activé par l’intermédiaire du Commandement général des forces militaires. Le SIRIE prévoit tout un ensemble de mesures coordonnées afin de concentrer les capacités nécessaires pour contrôler les territoires, et pour répondre à toute situation portant atteinte ou nuisant à l’activité des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants sociaux, des syndicalistes et des dirigeants syndicaux.
Stratégie d’enquêtes et de poursuites en ce qui concerne les délits commis à l’encontre de personnes syndiquées
Afin de garantir l’accès à la justice des personnes syndiquées victimes de délits, et de contribuer à la réalisation du principe de la liberté syndicale, le ministère public (Fiscalía general de la nación) a donné la priorité aux enquêtes sur les délits susceptibles de compromettre l’activité syndicale, cela grâce aux mesures suivantes, qui seront renforcées sur la base des dispositions de l’orientation stratégique 2020-2024 «Des résultats dans la rue et dans les territoires»:
Analyse des délits dont l’incidence est la plus élevée parmi les syndicalistes dans l’exercice de leurs fonctions: homicides, violation des droits de réunion et d’association et menaces.
Définition des différents types de cas et des situations prioritaires.
Coordination interinstitutionnelle et avec le ministère du Travail.
Formation en vue du renforcement des enquêtes sur les délits visés en priorité.
Renforcement des enquêtes sur le délit de menaces proférées à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme.
Directives précises aux fins des enquêtes sur le délit d’homicide de défenseurs des droits de l’homme.
Plan de travail pour coordonner en interne les différentes unités du ministère public compétentes pour enquêter sur ces délits.
Résultats
1) Il a été mis fin à l’impunité: on est passé d’une seule condamnation en 2001 à plus de 960 aujourd’hui; en 2020 seulement, 70 condamnations ont été prononcées.
2) Le nombre d’homicides de syndicalistes, 205 en 2001, a baissé de plus de 94 pour cent, pour s’établir à 14 en 2020. Cela étant, même si un seul homicide était enregistré, ce chiffre resterait trop élevé.
3) Sont passibles de sanctions pénales les personnes qui entravent le droit d’association ou qui offrent de meilleures garanties dans le cadre de pactes collectifs.
4) Le ministère du Travail, conjointement avec l’OIT, réalise une étude pour classer et analyser 814 décisions judiciaires rendues sur des délits ayant visé des travailleurs syndiqués et des organisations syndicales pendant la période 2002-2020. En tant que mécanisme de suivi de la stratégie tripartite de lutte contre l’impunité, qui a été convenue en 2006, cette étude fait le point sur les progrès réalisés dans les procédures judiciaires menées dans les cas de violence antisyndicale. Cette étude présente les résultats généraux de l’analyse de ces 814 décisions judiciaires. Elle identifie leurs principales réussites et lacunes, et formule des recommandations dans le but que les poursuites aboutissent.
5) Négociation dans le secteur public. La Colombie est l’un des rares pays de la région à la mener avec succès avec toutes les centrales du pays.
6) Protection des syndicalistes. L’Unité nationale de protection a participé activement aux travaux des entités suivantes: Table ronde nationale sur les droits de l’homme avec le ministère du Travail et les centrales ouvrières; Comité national de suivi des transferts d’enseignants pour des raisons de sécurité avec le ministère de l’Éducation nationale et la Fédération colombienne des travailleurs de l’éducation (FECODE); et Comité de suivi des enseignants victimes de menaces avec le secrétariat de l’Éducation de Bogotá. L’objectif de ces espaces de dialogue est d’analyser les différentes situations à risque qui sont susceptibles de compromettre les droits fondamentaux des membres de la population ciblée – dirigeants et/ou militants syndicaux et leurs représentants. Actuellement, 292 syndicalistes sont protégés.
7) Budget pour les syndicalistes. Garanti par le gouvernement, il augmente chaque année de manière significative afin d’assurer la protection des dirigeants syndicaux. De 2018 à 2020, près de 37 millions de dollars ont été consacrés à leur protection.
8) L’Unité nationale de protection traite les demandes de protection conformément au décret qui la régit. En cas de risque extrême, une procédure d’urgence existe pour assurer rapidement une protection.
Il est important de souligner que, bien que l’Unité nationale de protection protège les dirigeants sociaux et les dirigeants syndicaux, les stratégies et les résultats présentés à la commission ne rendent compte que des mesures axées sur les dirigeants syndicaux, auxquels s’appliquent exclusivement les dispositions de la convention no 87.
Mesures de réparation collective en faveur du mouvement syndical
Le gouvernement, dans le cadre du Bureau national de garanties, a tenu le 14 décembre 2020 la 4e session du bureau permanent. Au cours de cette session, les engagements du gouvernement ont été évoqués et ont donné lieu, dans un premier temps, au recrutement d’agents de liaison technique du mouvement syndical de façon à faciliter la systématisation des informations nécessaires pour présenter la déclaration, présentation qui comporte l’envoi en temps opportun de la proposition de spécifications contractuelles convenue avec le mouvement syndical et, ultérieurement, donneront lieu à leur recrutement par le gouvernement national à partir de mai 2020. Actuellement, on attend la déclaration du mouvement syndical afin d’élaborer la procédure de réparation collective qui permettra de formuler et de mettre en œuvre le Plan intégral de réparation collective (PIRC), qui établira les actions et les mesures utiles pour réparer les dommages et les atteintes qu’a subis de longue date le mouvement syndical.
Article 200 du Code pénal
Le ministère public, entre 2017 et 2020, a reçu en tout 865 plaintes pour violation des droits de réunion et d’association. 714 cas sont clos et 151 sont actifs (17,45 pour cent des cas).
En ce qui concerne le délit en question, la procédure suivante a été appliquée pour mettre un terme à l’action pénale relative aux cas dont a été saisi le ministère public du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020 :
Dans 59 cas, une conciliation a abouti à un accord. Dans ces affaires, les parties ont convenu, devant le procureur, de mettre fin à la procédure pénale sous réserve de l’accomplissement de conditions également concertées.
95 cas ont été clos, le travailleur ou l’organisation syndicale ayant retiré sa plainte. Ce chiffre est important, car il s’agit de cas dans lesquels le travailleur et l’entreprise ont convenu d’une solution négociée.
Dans 68 cas, le processus a pris fin en raison de la connexité des faits: le procureur a décidé de poursuivre l’enquête dans le cadre d’une autre affaire pénale qui visait les mêmes faits, afin d’analyser la situation dans son ensemble.
407 cas (57 pour cent) ont été clos. Dans 57,25 pour cent de ces cas, l’absence d’actes délictueux a été établi. Dans 29,98 pour cent des cas, l’affaire a été classée au motif que le plaignant était illégitime.
Autres cas: dans 85 cas, il a été mis un terme à l’enquête, notamment pour les raisons suivantes: fin de l’action pénale, forclusion, extinction de la plainte.
En ce qui concerne des faits survenus entre 2017 et 2020, on enregistre 151 cas actifs; 106 en sont au stade de l’enquête préalable et pourraient aboutir à une conciliation, 42 en sont au stade de l’enquête et 3 sont en phase de jugement. Cinquante-sept bureaux du ministère public mènent la procédure active; dans ces bureaux, 3 procureurs ont été affectés aux zones dans lesquelles le nombre de cas en cours de procédure est le plus élevé .
Les actions susmentionnées sont examinées par la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme, au sein de laquelle les acteurs tripartites peuvent interagir directement avec les autorités judiciaires et exprimer leurs préoccupations; ils peuvent aussi formuler des recommandations visant à rendre plus efficaces les mesures prises à des fins de protection et d’enquête; dans le cadre de cette commission, on a présenté la loi établissant la procédure orale accélérée qui incorpore la figure juridique de la partie civile, laquelle permet à la victime de se porter partie civile, c’est-à-dire de jouer le rôle du ministère public.
Articles 2 et 10 de la convention. Contrats syndicaux
En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement pour contrôler le recours abusif au contrat syndical, le ministère du Travail a conçu et applique actuellement le système d’information sur les registres syndicaux (SIAS). L’objectif est d’enregistrer, de conserver et de gérer les informations qui permettront de produire les indicateurs et les rapports nécessaires pour élaborer des politiques et des projets dans le domaine syndical; ce système en est maintenant au stade de la préproduction et du contrôle de qualité. Ce système du ministère du Travail permettra de superviser l’enregistrement des contrats syndicaux déposés, de déterminer les caractéristiques des contrats en vigueur pendant la période annuelle, en les ventilant par activité économique, et de planifier les activités d’inspection menées à des fins de contrôle.
Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. Questions législatives
Comme l’OIT en a été informée, dans le cadre de la sous-commission des affaires internationales, nous espérons établir ensemble une feuille de route qui nous permettra d’aller dans le sens de solutions concertées et, ainsi, de mettre en œuvre efficacement les dispositions des conventions ratifiées par la Colombie, ainsi que les observations des experts.
Par ailleurs, le ministère du Travail et la Cour suprême de justice ont signé en avril 2021 un protocole d’accord sur les droits du travail, dont l’objet est de créer des mécanismes efficaces pour promouvoir, compiler et diffuser les règles jurisprudentielles de LA CHAMBRE sur les droits du travail individuels et collectifs, de façon à contribuer à la jouissance et à la garantie des droits fondamentaux de la population colombienne.
Comme on peut le constater, l’engagement de l’État est total. La lutte contre la violence syndicale reste très difficile, mais les chiffres démontrent le ferme engagement de la Colombie dans ce domaine, et qu’elle a réalisé des progrès significatifs ces dernières années dans la protection des dirigeants syndicaux, et mis fin à l’impunité.
Discussion par la commission
Représentant gouvernemental, ministre du Travail – Notre gouvernement souhaite réaffirmer devant la commission, que je salue tout particulièrement, qu’il veille au respect des conventions que la Colombie a ratifiées, tant en droit qu’en pratique, et que, comme toujours, il agit conformément aux principes d’orientation de l’Organisation internationale du Travail dont il reconnaît toute la valeur.
En particulier, la convention fait partie intégrante du droit constitutionnel, ce qui signifie que ses normes constituent des critères de constitutionnalité des normes juridiques et un paramètre additionnel à l’article 39 de notre Constitution nationale.
Le gouvernement colombien, se fondant sur les principes de l’OIT et donnant la priorité à la concertation, au dialogue social, à la négociation collective, à la liberté syndicale, à la défense des droits humains des travailleurs et au droit d’association et à la liberté d’entreprise, travaille en étroite coordination avec tous les organes de l’État pour garantir l’application rigoureuse de cette convention.
Sur le premier point porté à l’attention de cette commission, relatif aux droits syndicaux et aux libertés civiles, notamment s’agissant des progrès des enquêtes, nous souhaitons remercier la commission d’experts qui salue les efforts importants accomplis par les autorités publiques. Nous convenons, comme le souligne la commission d’experts, que les défis sont grands et que, malgré les efforts de l’État colombien, notre pays est toujours confronté à un climat de violence généralisée, dû principalement aux activités illicites du trafic de drogue et de groupes illégaux, une violence dont sont également victimes de nombreux travailleurs.
La commission n’est pas sans savoir que les enquêtes sont menées par un organe totalement indépendant du gouvernement national. Pour témoigner de l’engagement de l’État, nous sommes rejoints aujourd’hui par la vice-procureure générale, Mme Martha Mancera, que je tiens à remercier tout particulièrement de se joindre à nous. Par conséquent, et pour montrer l’engagement de la Colombie envers l’OIT, je vais maintenant donner la parole à la vice-procureure générale, qui répondra aux observations de la commission sur les progrès réalisés dans les enquêtes en matière de droit à la vie et les enquêtes au titre de l’article 200 de notre Code pénal portant sur la pénalisation de toute entrave au droit d’association.
Une autre représentante gouvernementale – Le ministère public est conscient de l’importance que revêt pour l’État colombien l’exercice syndical et, par conséquent, il lui incombe de faire avancer l’action pénale selon les critères établis par la Constitution, la loi et les normes internationales, et notamment le principe de diligence raisonnable en matière d’enquête.
Aujourd’hui, je peux dire avec satisfaction que notre stratégie de priorisation des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes est un succès, qu’elle suit la bonne direction et qu’elle a en outre été renforcée sur la base des dispositions de l’orientation stratégique du ministère public 2020-2024 «Des résultats dans la rue et dans les territoires», qui a été dirigée par le procureur général, Francisco Barboza.
Entre 2011 et le 7 juin 2021, le ministère public a reçu 2 841 plaintes concernant la violation des droits de réunion et d’association. En juin 2021, nous avons réussi à conclure 91,21 pour cent des procédures pénales, soit 2 593 cas, de sorte que seulement 8,72 pour cent, soit 248 cas, sont actuellement en cours d’investigation.
Point très important à signaler: pour la première fois dans l’histoire des enquêtes sur ce type de délit pour des faits survenus entre 2011 et 2021, 4 condamnations ont été prononcées; 161 cas ont donné lieu à une conciliation depuis 2011, les parties acceptant de mettre fin à l’action pénale sous réserve de l’accomplissement des conditions convenues; 449 cas ont été clos à la suite du désistement du travailleur ou de l’organisation syndicale plaignante; en outre, signalons que 1 389 cas ont été archivés, soit 63,57 pour cent de ces cas, étant établi qu’il n’y avait pas eu de comportement criminel. Selon le principe de la diligence raisonnable et de l’accès à la justice, les parties intéressées pouvaient saisir le juge de contrôle pour rouvrir le dossier, ce que n’a fait aucune des parties. Enfin, 248 cas sont en cours pour des actes survenus entre 2011 et 2021. Pour venir appuyer ces enquêtes, 49 procureurs ont été formés en mai dernier pour traiter ce type de délits. C’est important, car la formation nous permet de disposer de meilleurs outils pour prendre des décisions beaucoup plus rapidement conformément au principe de diligence raisonnable.
En ce qui concerne les meurtres commis contre des syndicalistes entre janvier 2011 et juin 2021, le ministère public fait état de 262 victimes. La juridiction ordinaire enquête sur 259 cas, et trois cas sont poursuivis par la juridiction spéciale autochtone.
L’application des stratégies d’enquête du ministère public a contribué à élucider 43,2 pour cent des cas. Cet indicateur est plus élevé que les statistiques relatives aux homicides volontaires, qui enregistrent en 2020 un taux d’élucidation de 29,70 pour cent. Nous avons encore un long chemin à parcourir, bien sûr, mais les progrès sont tangibles, et les chiffres en témoignent, tout comme la détermination du ministère public pour que les meurtriers de syndicalistes soient traduits en justice.
En ce qui concerne les progrès de l’enquête sur les homicides commis contre les syndicalistes, qui ont eu lieu entre 2011 et juin 2021, 47 cas en sont au stade de l’exécution de la peine; 62 condamnations ont été prononcées; 41 cas sont en cours de procès; 5, au stade de l’inculpation, 11, au stade de l’enquête avec mandat d’arrêt; et 4 ont été clôturés à la suite du décès de la personne suspectée.
Le ministère public fait état de 562 condamnations pour homicides contre des syndicalistes, prononcées par les juges de la République sur la période 2011-2021. Autrement dit, 62 condamnations correspondent à des événements qui se sont produits entre 2011 et 2021; et 500 condamnations, à des événements antérieurs à 2011. Ce qui, mis en perspective, nous permet de dire que les juges de la République ont prononcé 884 condamnations sur le territoire colombien.
Les menaces contre les syndicalistes constituent également un axe important de la politique du ministère public et, bien sûr, de l’État colombien. En avril 2021, le procureur général a publié une résolution renforçant le groupe de travail national chargé d’enquêter sur les menaces. En ce qui concerne les syndicalistes, trois situations ont été privilégiées au sein de notre institution. La première sont les menaces dont ont fait l’objet les directeurs de FECODE; la deuxième, les menaces contre des syndicalistes du département de Valle del Cauca; et, la troisième, les menaces contre des syndicats du secteur minier et énergétique. Il est important de souligner à cet égard que les menaces sont replacées dans le contexte, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas examinées une par une, mais que les situations qui prévalent dans les territoires colombiens sont prises en considération.
Soyez convaincus que le ministère public est résolu à enquêter sur les crimes commis contre des syndicalistes, avec sérieux, en toute indépendance, en utilisant tous les moyens dont nous disposons pour établir les faits, avec la participation des victimes. Nous poursuivrons cet objectif et nous ferons en sorte qu’il soit inscrit dans les politiques de l’institution, nous permettant de continuer à obtenir des résultats efficaces et concrets dans notre territoire colombien.
Représentant gouvernemental, ministre du Travail – Merci, Madame la vice-procureure générale, de rendre compte à la commission des efforts déployés par la Colombie. Avant d’aborder les progrès réalisés sur les autres points soulevés par la commission d’experts, permettez-moi de souligner que le pays a évolué, et ce grâce notamment aux efforts des organisations syndicales.
Même si une seule attaque contre un seul dirigeant syndical est un fait inadmissible et que nous le condamnons énergiquement, il convient toutefois de souligner que le nombre d’assassinats de syndicalistes colombiens a diminué de 93 pour cent par rapport à 2001.
Je tiens à préciser aux membres de la commission que, la dernière fois que la Colombie a été convoquée devant cette commission, c’était en 2009 et qu’à l’époque on comptait 266 condamnations, contre aujourd’hui 960 condamnations qui clarifient et punissent des actes de violence à l’encontre d’organisations syndicales.
La Colombie a criminalisé la violation du droit d’association. L’unité nationale a été renforcée dans le pays pour la période 2018-2020, et le budget pour la protection exclusive des dirigeants syndicaux était de près de 35 millions de dollars. Pour l’année 2021, le budget global de la protection, objet du programme, dépasse 82 millions de dollars. Depuis le début de 2021, 293 dirigeants syndicaux ont été protégés.
Je tiens à préciser ce qui suit: grâce à la protection offerte par le programme depuis 2018, à ce jour aucun syndicaliste faisant partie du programme n’a été agressé ou tué. Les dispositifs sont efficaces.
Selon les informations du programme, aucun des syndicalistes victimes d’homicide n’avait demandé un régime de protection, et il n’y avait aucune menace connue.
L’Unité nationale de protection est chargée de fournir deux types de mesures de protection: les mesures douces, qui comprennent les moyens de communication et les gilets pare-balles, et les mesures strictes, à savoir escortes, véhicules, frais de déplacement et carburant.
La valeur maximale d’un régime de protection pour un dirigeant syndical est d’environ 13 000 dollars par mois.
Témoignant du libre exercice du droit syndical conformément aux articles 2 et 11 de la convention, nous tenons à souligner que le droit d’association dans notre pays s’exerce librement, aucun obstacle n’empêchant l’organisation des syndicats, ce dont témoigne la création entre 2018 et 2020 de 611 nouvelles organisations syndicales. En Colombie, les organisations syndicales se forment sans aucune forme d’intervention. Des négociations ont lieu par ailleurs dans le secteur public, qui devraient aboutir à des résultats concrets, la Colombie étant l’un des rares pays de la région à les mener à bien, avec toutes les centrales syndicales.
En ce qui concerne le point no 2, la systématisation des peines pour les crimes commis contre des syndicalistes et la transparence de l’information, je tiens à dire que la Colombie entend offrir un accès en ligne pour montrer la transparence dont font preuve les pouvoirs publics en Colombie.
Il est important d’informer que le ministère du Travail, en collaboration avec l’OIT, réalise une étude pour analyser et systématiser toutes les sentences qui ont trait à la protection des droits des syndicalistes. Cette étude a pour but de fournir des éléments qui permettront d’analyser, d’évaluer et de renforcer la politique de poursuite judiciaire des violences commises à l’encontre des syndicalistes et la lutte contre l’impunité, en identifiant les principales réalisations et lacunes, ainsi qu’en formulant des recommandations pour faire aboutir les poursuites judiciaires. Je tiens à remercier l’OIT pour cette étude qui nous accompagne dans nos actions.
L’étude présente les résultats de 814 décisions judiciaires rendues par le système judiciaire colombien concernant des crimes et délits commis contre des syndicalistes et des organisations syndicales au cours de la période 2002-2020. Il s’agit d’un mécanisme de suivi de la stratégie de lutte contre l’impunité, convenue de manière tripartite en 2006, dans le cadre des dispositions de la conventions no 87 et de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
Notre gouvernement, faisant preuve d’un engagement total, a promulgué et mis en œuvre des politiques publiques qui contribuent à renforcer la garantie des droits humains, notre engagement envers la paix, avec la mise en œuvre de l’accord de paix; de la loi sur les victimes et la restitution de terres, pour tout ce qui a trait à l’accord de paix. Nous faisons preuve de détermination et d’engagement dans les efforts que nous déployons à cette fin.
Je tiens à rappeler au monde entier que nous avons signé un accord de paix et que, dans ce cadre, le Registre unique des victimes a été créé, lequel recense 9 millions de personnes affectées à titre personnel par des événements de quelque type que ce soit.
Le gouvernement, dans le cadre du comité national sur les garanties, a tenu la quatrième session du comité permanent le 14 décembre 2020. Lors de cette session, les engagements pris par le gouvernement envers le mouvement syndical ont été précisés. Il convient de souligner qu’à ce jour, et ce n’est pas notre fait, la déclaration des faits d’intimidation n’a pas été communiquée, pour évaluation, à l’Unité des victimes par le mouvement syndical. Nous faisons actuellement le nécessaire pour l’obtenir courant mai. C’est au groupe de travail syndical de faire le nécessaire, nous sommes à sa disposition.
En ce qui concerne les contrats syndicaux, il convient de noter que cette figure contractuelle existe dans la législation colombienne. Nous avons effectué des démarches, des consultations et les recherches nécessaires à ce sujet et nous avons proposé au Congrès de la République son élimination dans le secteur de la santé.
Membres employeurs – Nous apprécions les présentations orales du ministre colombien du Travail, ainsi que de la vice-procureure, et surtout les informations écrites qui sont à la disposition de cette commission. Nous soulignons l’engagement du gouvernement au plus haut niveau envers le respect des conventions ratifiées par la Colombie, tant en droit que dans la pratique.
Le gouvernement, qui travaille depuis longtemps en étroite collaboration avec tous les organes de l’État pour se conformer à la convention, n’a jamais cessé de donner la priorité à la concertation, au dialogue social, à la négociation collective libre et volontaire, à la liberté d’association, à la défense des droits de l’homme des travailleurs et des employeurs et à la liberté d’entreprise en tant que politiques d’État.
Selon les membres employeurs, les informations reçues reflètent donc un cas de progrès.
En dépit des efforts déployés par le gouvernement, le pays est toujours confronté à un climat de violence généralisée, principalement due aux activités illégales du trafic de drogue et de groupes armés illégaux, une violence qui affecte également les travailleurs syndiqués. Dans ce cadre, il faut distinguer les violations des droits humains que subit la population en général des formes de violence directement liées à l’exercice des droits syndicaux par les travailleurs. Dans un contexte tel que celui décrit en Colombie, tout acte de violence dont est victime un dirigeant syndical n’a pas forcément un lien direct avec le rôle qu’il remplit au sein du mouvement syndical; de même, tout acte de violence à l’encontre d’un dirigeant social (jeune, ethnique, environnemental, politique, entre autres) n’est pas directement lié au droit d’association syndicale et à la liberté d’association. Cela ne signifie pas que les actes de violence sont moins répréhensibles, mais cela montre à quel point il est important de comprendre la situation complexe du pays et de distinguer les compétences des organes judiciaires et quasi judiciaires nationaux et internationaux.
Peu de pays Membres de l’OIT ont travaillé de manière aussi étroite et positive avec les organes de contrôle et le Bureau pour donner effet aux conventions ratifiées.
La dernière fois que la commission a examiné ce cas, c’était en 2009, il y a plus de dix ans. La discussion aujourd’hui devrait donc se limiter aux observations faites par les experts dans la mesure où elles portent sur les dispositions de la convention et aux informations soumises par le gouvernement.
Je tiens tout d’abord à souligner que la convention ne contient aucune disposition sur le droit de grève. En outre, les travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de la convention indiquent clairement que la convention n’inclut pas la réglementation du droit de grève. C’est également l’avis du groupe gouvernemental du Conseil d’administration et nous sommes heureux d’entendre le gouvernement colombien rappeler ce point important.
Par conséquent, la demande de la commission d’experts au gouvernement de modifier la loi sur la grève et les services essentiels n’a aucun fondement dans la convention. Le gouvernement n’est donc pas tenu de prendre en compte cette demande. En tant que groupe des employeurs, nous n’aborderons pas cette question dans la discussion, et les conclusions de la commission ne devraient pas aborder ce point.
Dans les quelques minutes qui nous restent, je voudrais aborder les questions suivantes soulevées par la commission d’experts.
Tout d’abord, en ce qui concerne les droits syndicaux et les libertés publiques: la Colombie a résolument mis en œuvre diverses initiatives pour renforcer la protection des dirigeants syndicaux, et ces efforts ont également été reconnus par d’autres organes de surveillance. Comme l’a indiqué la commission d’experts, des progrès significatifs ont été réalisés en matière d’enquêtes et de poursuites des délits commis à l’encontre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Entre 2001 et 2020, un total de 966 condamnations ont été prononcées en rapport avec des actes de violence antisyndicale, dont 815 concernent des meurtres de membres du mouvement syndical.
Les chiffres des assassinats ciblés en Colombie témoignent de progrès importants en matière de réduction de la violence. Alors que, en 2002, 16 382 assassinats ciblés étaient signalés, en 2020, il y en avait 455, soit une réduction de 97,2 pour cent. L’État et les partenaires sociaux restent déterminés à lutter contre la violence antisyndicale, à mener rapidement des enquêtes et à poursuivre en justice les responsables de ces meurtres et à instaurer un environnement de travail pacifique.
La commission doit saluer les efforts concrets déployés par le gouvernement avec les partenaires sociaux et l’encourager à poursuivre dans cette voie et à rendre compte des résultats obtenus dans son prochain rapport régulier.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 200 du Code pénal: le ministère public a donné la priorité aux cas signalés au titre de l’article 200 de la loi no 599. Les données présentées par le gouvernement sur les cas de violation possible de l’article 200 du Code pénal montrent que l’affirmation d’«impunité totale» alléguée par les confédérations syndicales en relation avec l’application de cet article ne reflète pas la réalité.
Entre 2011 et octobre 2020, 2 727 cas ont été présentés. Au total, 91,02 pour cent ont été traités et seulement 8,98 pour cent sont en cours d’investigation. Il est faux de penser que le système de justice pénale doit assumer un rôle de premier plan dans la gestion des relations de travail. En tant que mécanisme d’ultima ratio, le système pénal, comme dans tous les pays démocratiques, intervient lorsque n’existe aucun autre moyen de prévenir et de résoudre les conflits juridiques.
On note également des avancées importantes dans les procédures d’enquête et de poursuites pour le crime susmentionné.
Le ministère public et le système de justice pénale sont des organes qui agissent en toute indépendance, ce qui garantit, lors de l’instruction et quel qu’en soit le résultat, une justice adéquate et opportune. À cet égard, le groupe des employeurs invite le gouvernement à continuer à fournir des informations sur l’avancement des enquêtes et les résultats obtenus, dans son prochain rapport régulier.
Troisièmement, concernant le contrat syndical: le contrat syndical est une forme de négociation collective en Colombie, et il est donc étrange que ce sujet soit mentionné dans l’examen de la convention et non, comme cela devrait être le cas, dans celui de la convention no 98.
Si la commission d’experts souhaite enquêter sur la cause ou la raison de la création de syndicats dans le but de conclure des contrats syndicaux, ce qui pourrait aller à l’encontre de l’article 2 de la convention, en ce que cela impliquerait un abus de droit, elle devra également s’intéresser à ces syndicats qui, en Colombie, n’ont qu’une forme juridique apparente et n’ont d’autre but que d’étendre des privilèges à d’autres travailleurs que ceux protégés en tant que fondateurs, dirigeants ou négociateurs de conventions collectives, dans le syndicat initial. Dans ce cas, il s’agirait d’un abus de la liberté syndicale que prévoit la convention, une définition conceptuelle de ce droit et une analyse complète de toutes les situations devant être effectuées.
La Cour constitutionnelle a rappelé l’autonomie dont jouissent les organisations syndicales pour la conclusion de contrats syndicaux, qui visent à promouvoir le droit à la négociation collective libre et volontaire, tout en renforçant le droit d’association syndicale, dans le but de générer des emplois pour les membres de l’organisation syndicale et de dynamiser l’activité syndicale.
Le contrat syndical ne va pas à l’encontre des dispositions de la convention. En fait, il s’agit d’une figure juridique que défendent les centrales syndicales telles que la Confédération générale du travail de Colombie, car il leur permet de maintenir un dialogue constant avec l’employeur, d’avoir un plus grand nombre de membres et de générer de plus grands bénéfices pour les travailleurs. La commission d’experts ne devrait pas poursuivre l’examen de cette question.
Quatrièmement, concernant les allégations d’annulation de l’enregistrement d’un syndicat: en Colombie, un syndicat ne peut être dissous que par une procédure judiciaire établie par la loi. Elle ne peut se faire par voie administrative, une disposition compatible avec l’article 4 de la convention. Pour qu’une organisation syndicale, quel que soit son niveau, soit dissoute, il faut qu’elle se trouve dans l’un des cas de figure établis à l’article 402 du Code du travail.
La simple présence de l’un des motifs ne suffit pas, une sentence judiciaire exécutoire doit ordonner cette dissolution. En outre, le pouvoir judiciaire jouit, en Colombie, d’une indépendance et d’une autonomie dans ses décisions par rapport aux autres branches du gouvernement. S’agissant du délai de cinq jours pour répondre à une action en justice pour l’annulation d’un syndicat pour violation de droit, en raison d’une grève illégale, le délai est raisonnable et proportionné, compte tenu du fait qu’une telle déclaration a été faite dans une procédure judiciaire antérieure dans laquelle le syndicat visé était devenu partie. En outre, les États disposent d’une marge d’appréciation pour définir leurs propres procédures internes.
La commission doit conclure que la réglementation renforcée de la liberté d’association en Colombie en matière d’annulation de l’enregistrement d’un syndicat est conforme à la convention et répond à l’objectif de protection des organisations syndicales.
Membres travailleurs – La discussion sur le droit à la liberté syndicale en Colombie est attendue depuis longtemps. Ce cas a été discuté pour la dernière en 2009, il y a douze ans, et ce malgré sa présence régulière sur les listes longues.
Je tiens à préciser que, contrairement à ce qu’a dit le porte-parole des employeurs, la liste ne contient aucun cas de progrès. Pour qu’un cas figurant sur la liste soit considéré en progrès, il doit être explicitement identifié comme tel par les deux porte parole, et ce n’est clairement pas le cas ici.
Le 28 avril 2021, les travailleurs colombiens, menés par une alliance de syndicats et d’organisations de mouvements sociaux, ont commencé à manifester pacifiquement dans toute la Colombie. Fondamentalement, les protestations sont une réaction face à une série de mesures promues par le gouvernement, notamment un projet de réforme fiscale qui aggrave les inégalités de revenus, ainsi que des réformes régressives du droit du travail et des retraites. Les syndicats n’ont pas été consultés sur ces propositions de réforme, et ces mesures ont attisé le ressentiment des travailleurs dont la vie a été dévastée par la pandémie de COVID-19, et qui n’ont reçu aucune aide significative de la part du gouvernement.
Le système de contrôle de l’OIT a constaté à plusieurs reprises que les syndicats «devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement». C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui en Colombie.
Malgré le caractère pacifique des protestations des syndicats et d’autres organisations de la société civile, l’État y a répondu avec une violence extrême, comme tout récemment en 2019. Des centaines de vidéos filmées dans la rue démontrent une utilisation brutale et indiscriminée d’armes létales et non létales contre les citoyens, en violation du droit colombien et du droit international.
L’ONG Temblores, une source d’information crédible et largement citée s’agissant des manifestations, signale qu’au 31 mai près de 3 789 actes de violence ont été perpétrés par l’État, notamment par l’armée et la force d’élite de la police antiémeute, l’ESMAD. En conséquence, 45 personnes ont été tuées par les forces de sécurité, 1 248 personnes ont été blessées, 1 649 manifestants ont été détenus arbitrairement et 25 personnes ont été victimes de violences sexuelles. Le nombre de disparus n’a pas encore été comptabilisé. Cela doit cesser maintenant.
Les membres travailleurs prient instamment le gouvernement d’ordonner le retrait immédiat de l’armée et de garantir que la police n’intervienne pas au cours des manifestations pacifiques. Le gouvernement doit en outre enquêter de toute urgence sur tous les membres des forces de sécurité qui ont commis des violations des droits humains et syndicaux et les poursuivre en justice. Bien entendu, pour mettre fin aux manifestations, le gouvernement colombien doit s’engager dans des négociations efficaces et de bonne foi avec les syndicats colombiens et la société civile colombiens dont les besoins ont été, jusqu’à présent, ignorés.
Ces faits justifient à eux seuls l’examen de ce cas, mais ils ne sont que les événements les plus récents d’une guerre menée depuis des décennies contre les syndicats en Colombie. Une fois de plus, la commission d’experts a exprimé sa profonde inquiétude face à la persistance de la violence antisyndicale. Cette violence persistante est la preuve que le gouvernement n’a pas réussi à mettre en œuvre les accords de paix. La violence antisyndicale augmente et est particulièrement intense dans le secteur rural.
Je ne vais pas faire la lecture des statistiques effroyables, car nombre d’entre elles figurent déjà dans le rapport de la commission d’experts. Je soulignerai seulement que, depuis 2016 et jusqu’en mai 2020, 119 syndicalistes ont été assassinés en Colombie pour avoir exercé leurs activités légales, et près de 700 ont reçu des menaces de mort.
À cela, il faut ajouter des milliers de morts supplémentaires depuis 1986, année des premières statistiques. Nous devons réfléchir à la manière dont la communauté internationale a permis que cela se produise, et si cela était normal ou acceptable. Il est choquant qu’aujourd’hui encore le gouvernement et certains employeurs nient que les syndicats ont fait l’objet, et font toujours l’objet, d’une persécution systématique. C’est l’une des raisons pour lesquelles la violence continue. Si le nombre d’enquêtes et de poursuites concernant ces meurtres a augmenté au cours des vingt dernières années, le taux d’impunité reste élevé, et les ravages subis par les citoyens, leurs familles et leurs syndicats ne seront jamais complètement réparés.
Nous sommes particulièrement inquiets de voir que, bien que le problème ait été évoqué à plusieurs reprises, les mesures de protection des syndicalistes restent insuffisantes. Seule une fraction des demandes de protection soumises en 2019 et 2020 a été examinée et, en raison des coûts budgétaires, les mesures de protection ont été interrompues pour environ la moitié des bénéficiaires.
La participation des syndicats au processus de détermination des mesures de protection a également diminué.
La violence et la menace de violence ne sont pas le seul danger auquel sont confrontés les mouvements syndicaux. Ces dernières années, le gouvernement a remplacé les coopératives de travail associé par les «contrats syndicaux» en vue de perpétuer l’intermédiation illégale du travail. Or le résultat est largement le même. Désormais, un employeur conclut un contrat avec un soi-disant syndicat, qui agit comme une agence pour l’emploi et envoie de la main-d’œuvre à un employeur avec lequel il a un contrat. Ces contrats syndicaux ne sont pas gérés par des syndicats indépendants, et ils reçoivent en fait un soutien financier de l’employeur. En conséquence, les travailleurs ont peu de prise sur les conditions de travail et n’ont aucun droit de regard sur la gestion du «syndicat». Malgré les protestations répétées de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC), le gouvernement n’a adopté aucune mesure d’application efficace ni aucune législation pour interdire la prolifération de ces contrats, qui sont fortement concentrés dans le secteur de la santé.
En outre, le gouvernement n’a pas donné suite aux conclusions du cas no 3137 du Comité de la liberté syndicale sur la question des contrats syndicaux. En effet, l’État ne prend guère de mesures face aux violations du droit à la liberté d’association en général, qui entraîne des sanctions pénales en vertu de l’article 200 du Code pénal. Aucune condamnation n’a eu lieu à ce jour au titre de cette loi, malgré les violations généralisées, y compris celles commises par l’État. Citons par exemple le cas du principal transporteur aérien colombien, comme l’a récemment déterminé le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 3316 en mars 2021. Le gouvernement ne s’est pas conformé à cette décision du Comité de liberté syndicale et la législation portant sur la grève dans les services essentiels n’a pas été révisée.
Autres mesures actuellement employées pour éliminer les syndicats: l’utilisation d’une procédure spéciale que prévoit l’article 380 du Code du travail pour l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat. Il s’agit d’une procédure sommaire, et toutes les garanties et protections pour le syndicat, ses dirigeants et les travailleurs sont pratiquement supprimées. En 2020, plusieurs cas alarmants ont été constatés, dont celui de SINTRAINAGRO, où une entreprise a intenté une action pour dissoudre le syndicat à la suite d’un arrêt de travail prétendument illégal.
Nous sommes d’accord avec la commission d’experts qui a réaffirmé que l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat constitue une forme extrême d’ingérence qui doit être limitée aux violations graves de la loi, après avoir épuisé d’autres moyens d’action moins drastiques pour l’organisation dans son ensemble. De telles mesures doivent être accompagnées de toutes les garanties nécessaires, que seules des procédures judiciaires normales permettent d’assurer.
Il y a encore beaucoup à dire et vous entendrez le représentant des travailleurs de Colombie et d’autres pays avant d’en arriver aux observations finales.
Membre employeur, Colombie – Le cas de la Colombie n’aurait pas dû être inclus dans la liste des cas individuels et la commission aurait dû conclure qu’il s’agit d’un cas de progrès, comme je l’expliquerai ci-dessous.
Sur la violence syndicale: depuis son dernier examen en 2009, l’OIT a accompagné le gouvernement et les partenaires sociaux du pays pour renforcer le dialogue social et la mise en conformité de la législation et des pratiques avec cette convention et d’autres. L’accord de paix de 2016 a été une étape importante pour les Colombiens dans l’instauration d’un climat d’entente sociale. Le fort soutien apporté à cet accord par le Directeur général du BIT et la communauté internationale nous engage encore plus, nous les employeurs, envers cette entente avec les travailleurs et leurs organisations. La Colombie, même dans la phase de mise en œuvre de l’accord, continue de subir la loi des groupes armés illégaux, dont le financement provient essentiellement du trafic de drogue et du blanchiment d’argent, qui utilisent la violence pour tenter d’imposer leurs objectifs à tous les secteurs de la société.
Par conséquent, dans le cadre de l’analyse de l’OIT, et partant du principe que tous les actes de violence sont condamnables, il est important de distinguer les violences subies par la population en général, des formes spécifiques de violence liées à l’exercice de la liberté syndicale.
En matière de protection des dirigeants et militants syndicaux, l’État colombien a mis en œuvre des actions, dont s’est félicité le Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 2761 et 3074.
La commission d’experts a également souligné les progrès significatifs réalisés dans les enquêtes et les poursuites des crimes contre les dirigeants et les militants syndicaux, avec des enquêtes et des condamnations qui font la lumière sur les faits et condamnent les auteurs.
Nous avons constaté l’effort du gouvernement pour allouer d’énormes ressources et offrir des programmes de protection et de prévention en matière de sécurité pour les syndicalistes et autres groupes menacés.
Nous réaffirmons notre rejet de tous actes de violence contre les employeurs et les syndicalistes, ou contre tout Colombien, et nous soutenons les actions des autorités en matière de protection, d’enquêtes et de condamnation judiciaire des responsables.
Nous lançons un appel cordial aux centrales syndicales pour œuvrer à la mise en place de politiques économiques et de travail, fruit d’un accord tripartite, qui, au-delà des différences idéologiques, parviennent à redresser les entreprises et à augmenter les emplois pour le bien-être social. Nous devons, avec le soutien de l’OIT, utiliser le dialogue social pour construire un consensus autour d’objectifs communs.
Sur le crime contre la liberté de réunion et d’association: le ministère public, un organe d’enquête indépendant, vient de nous fournir des données précises sur la manière dont il a résolu la grande majorité des plaintes. La Colombie est l’un des rares pays au monde à considérer que les violations de la liberté d’association devaient être punies comme un crime et passibles d’une peine d’emprisonnement, ce qui témoigne de sa détermination à respecter la convention. La commission ne peut considérer que la justice ne peut être rendue que sous forme de condamnations. Le désistement, la conciliation, la forclusion, le classement sans suite et l’acquittement sont autant de façons de rendre la justice.
Sur le contrat syndical: il s’agit d’une forme de négociation collective et non de la création d’un syndicat, raison pour laquelle la commission aurait dû inclure cette question au titre de la convention no 98. En Colombie, les organisations syndicales jouissent d’une autonomie totale en matière d’organisation et sont libres de conclure des accords avec les employeurs, y compris, dans une mesure très limitée, des contrats syndicaux. En outre, seul le dépôt, et non l’enregistrement, de l’acte de création du syndicat auprès du ministère du Travail est nécessaire, ce qui confère automatiquement au syndicat la personnalité juridique pour agir, et la contestation ne peut se faire que par voie judiciaire.
Comme l’a exprimé notre porte-parole, si l’OIT veut comprendre ce qui préside à la création d’un syndicat, il faut également explorer la notion de «carrousel syndical», une figure qui, selon nous, constitue un abus de la loi car, en plus d’affaiblir l’unité des travailleurs, elle détourne les objectifs de protection des privilèges et de la négociation collective elle-même. Le contrat syndical ne contrevient pas à la convention et est défendu par la Confédération générale du travail. Depuis 2018, un document complet de cette confédération est disponible au Bureau, expliquant son contenu, son utilisation et sa portée.
Sur l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat: en Colombie, le processus d’annulation de l’enregistrement d’un syndicat nécessite une décision de justice ordonnant la dissolution afin de garantir la protection constitutionnelle du droit d’association syndicale, le pouvoir judiciaire en Colombie jouissant d’indépendance et d’autonomie dans ses décisions. À cet égard, la législation colombienne est en harmonie avec l’article 4 de la convention et avec le Comité de la liberté syndicale, qui a indiqué que «l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire».
Enfin, sur la grève: les employeurs ont toujours affirmé que la convention ne contient ni ne reconnaît implicitement le droit de grève. Dans les documents qui ont donné naissance à la convention, lors de la Conférence de 1948, il est précisé que «le projet de convention ne porte que sur la liberté d’association et non sur le droit de grève». En ce sens, il n’appartient pas à la commission d’experts d’examiner ce sujet ni à la commission d’en discuter ou de tirer des conclusions. Je conclus en demandant que les interventions se limitent expressément au cadre auquel la commission d’experts s’est référée dans son rapport et non à d’autres éléments qui n’en font pas partie.
Membre travailleur, Colombie – Les travailleurs de Colombie saluent le fait qu’après douze ans la Colombie soit, à nouveau, dénoncée pour les terribles violations de la liberté d’association. La commission d’experts n’est pas la seule à avoir constaté de graves violations des droits d’association, de négociation et de grève. Pour le Comité de la liberté syndicale, la Colombie est le pays qui compte le plus de cas d’homicides, de discrimination et de figures juridiques qui font obstacle à la liberté syndicale.
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a déjà condamné et examine actuellement des cas de disparitions forcées, d’homicides de syndicalistes et de perte d’un œil au cours de manifestations.
Des partenaires commerciaux comme le Canada, les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne et des organes comme le Comité de l’emploi de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont constaté les violations antisyndicales, l’impunité et les obstacles législatifs qui compromettent l’application de la convention.
Depuis des années, la Colombie fait partie des dix plus mauvais pays au monde pour les travailleurs et les travailleuses, et des neuf pays où des meurtres sont commis. Au cours des douze dernières années, 4 888 atteintes à la vie et à l’intégrité des syndicalistes ont été commises. Bien que le gouvernement ait affirmé pendant des années qu’il s’agissait de crimes liés au conflit armé, la vérité est que, même après la signature de l’accord de paix avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), la violence contre les dirigeants sociaux, notamment contre des syndicalistes, se poursuit et s’intensifie. En cinq ans de post-conflit, depuis 2016, plus de 1 120 violations des droits humains ont été commises, avec 696 menaces, 6 disparitions forcées, 4 enlèvements et 119 meurtres.
Les travailleurs et travailleuses les plus touchés par les violences sont les enseignants, les travailleurs pénitentiaires, les travailleurs ruraux et ceux du secteur minier-énergétique, pour avoir défendu leurs droits contre les entreprises transnationales et avoir essayé d’instaurer la paix dans leurs territoires et, dans le domaine de la santé, ils ont été persécutés pour avoir dénoncé la corruption dans la gestion des ressources sanitaires.
La situation était déjà grave avant les troubles sociaux qui ont commencé avec la grève nationale de cette année, à laquelle les confédérations syndicales, entre autres, ont appelé en réponse à la grave crise sociale.
Mais, depuis le 28 avril, plus de 800 municipalités ont manifesté pacifiquement dans les capitales et sur les routes du pays, et un plan d’urgence présenté il y a un an, au lieu d’inciter le gouvernement à négocier, a déclenché contre la population les réactions les plus violentes dans l’histoire de la Colombie.
La police, les forces militaires et même des civils armés, faisant un usage excessif de la force contre les manifestants et usant de méthodes dignes d’un état de guerre, se sont rendus coupables jusqu’au 31 mai de 3 789 cas de violence: 1 248 victimes de violences physiques, 45 homicides, 1 649 détentions arbitraires, 705 interventions violentes contre des manifestations pacifiques, 65 victimes d’agressions oculaires, 25 victimes de violences sexuelles et entre 89 et 346 disparus, selon que la source est officielle ou non.
Concernant les déclarations du gouvernement, nous voulons revenir sur le point relatif à la création de 611 nouveaux syndicats. De faux syndicats ont été créés, notamment dans le domaine de la santé, pour l’intermédiation du travail par le biais de la figure juridique du contrat syndical, utilisé depuis 2011 en remplacement de fausses coopératives interdites en raison de telles pratiques. Les 960 condamnations pour des délits commis contre des syndicalistes ne couvrent même pas 6 pour cent des plus de 14 000 actes de violence syndicale de ces trente dernières années. S’agissant du délit que constitue la violation du droit d’association syndicale, sur 865 plaintes, en cinq ans, 82 pour cent ont été classées sans aucune enquête et, en dix ans, nous dit-on aujourd’hui, seules quatre peines auraient été prononcées. Aujourd’hui, seulement 292 syndicalistes sont protégés. Alors que, depuis 2016, plus de 8 570 mesures de protection ont été demandées, moins de 38 pour cent d’entre elles ont été évaluées et seulement 3,45 pour cent ont été accordées. Quatre-vingt-seize pour cent des syndicalistes qui ont déclaré que leur vie était en danger ne bénéficient toujours pas de protection.
La loi limite le droit de grève dans les services non essentiels au sens strict, ce qui permet de licencier les grévistes, de liquider les syndicats et même de les condamner à payer des millions de dollars de dommages-intérêts présumés.
Le gouvernement se félicite que le nombre de meurtres de syndicalistes soit passé de 205 en 2001 à 14 en 2020, comme si ce chiffre était acceptable ou meilleur. La mémoire des 1 352 camarades assassinés en vingt ans est ainsi insultée.
Nous, travailleurs colombiens, demandons une mission tripartite de haut niveau pour la Colombie; et que soit établi un plan imposant au gouvernement de se conformer aux conclusions de cette mission pour que cessent la violence antisyndicale, la stigmatisation et l’impunité et que soient garanties en outre des mesures de protection individuelle et collective, de réaction et de prévention; que soient adoptées des réformes législatives permettant d’éviter les faux syndicats dans l’intermédiation du travail; que soit initié un programme de réparation collective en faveur du mouvement syndical, et qu’il soit donné effet aux recommandations des organes de contrôle de l’OIT.
Il est urgent de mettre fin aux violations des droits de l’homme dans le cadre de la protestation sociale pacifique et de négocier efficacement et de bonne foi le plan d’urgence présenté par le Comité national de grève.
Membre gouvernemental, Portugal – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Les pays candidats du Monténégro et de l’Albanie, la Norvège, membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), et de l’Espace économique européen (EEE), ainsi que la République de Moldova souscrivent à la présente déclaration.
L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits du travail et le droit d’organisation et la liberté d’association. Nous encourageons activement la ratification universelle et la mise en œuvre des normes fondamentales internationales du travail, y compris la présente convention. Nous soutenons le rôle indispensable que joue l’OIT dans l’élaboration, la promotion et le contrôle de l’application des normes internationales du travail et des conventions fondamentales en particulier.
L’UE et ses États membres coopèrent étroitement avec la Colombie, tant dans le cadre de l’accord de coopération avec la communauté andine qu’au niveau bilatéral. L’accord commercial entre la Colombie et l’UE, en vigueur depuis août 2013, comprend également un engagement commun en faveur du développement durable, dont le respect des droits du travail.
Conformément à l’évaluation de la commission d’experts et compte tenu de l’ampleur des défis qui subsistent dans la mise en œuvre de la convention, décrits dans son dernier rapport, nous reconnaissons les mesures importantes prises par les pouvoirs publics. Nous notons, avec satisfaction, l’augmentation significative du nombre de condamnations pour des actes de violence antisyndicale, brisant ainsi le cycle de l’impunité.
Cependant, nous regrettons que, malgré ces avancées, la violence antisyndicale persiste avec un nombre croissant d’attaques à l’encontre de dirigeants sociaux, les secteurs de l’agriculture, de l’éducation, des transports, des mines et de l’énergie étant les plus touchés. Nous sommes particulièrement préoccupés par les nombreux meurtres signalés de dirigeants syndicaux, les tentatives de meurtre, les disparitions et les menaces de mort à l’encontre de syndicalistes, ainsi que par la surveillance alléguée des dirigeants du mouvement syndical.
Nous souhaiterions recevoir plus d’informations sur les efforts entrepris par le gouvernement pour améliorer l’efficacité des enquêtes et des procédures pénales qui sont menées pour identifier et punir les auteurs de ces actes, tant matériels qu’intellectuels. Nous demandons également au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les allégations de surveillance.
Nous soutenons pleinement l’appel de la commission d’experts priant instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts et d’augmenter les ressources allouées pour fournir une protection adéquate à tous les syndicalistes en danger. Nous demandons également au gouvernement d’évaluer l’efficacité de l’article 200 du Code pénal et de son application, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir un rapport sur les résultats obtenus et toute action prise en conséquence.
Nous prenons note de l’arrêt SL 1680-2020 de la Cour suprême et souhaitons faire écho aux appels répétés de la commission d’experts en faveur de la modification des dispositions du Code du travail. Nous prions instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires dans un avenir proche pour modifier les dispositions législatives concernant les services essentiels et l’article 417 du code, qui restreint le droit de grève des fédérations et confédérations. La convention s’applique également aux fédérations et confédérations, et celles-ci doivent donc avoir toute liberté pour déterminer leurs programmes et organiser leurs activités.
Nous souhaitons également obtenir des informations supplémentaires sur les raisons justifiant les délais de procédure très courts prévus à l’article 380(2) du Code du travail, qui ont conduit à l’annulation de plusieurs enregistrements de syndicats.
Enfin, nous tenons à exprimer nos préoccupations face à la violence qui a marqué les récentes manifestations sociales en Colombie, déplorant vivement la perte de nombreuses vies et les milliers de blessés. En Colombie, comme partout ailleurs, les gens ont le droit de manifester pacifiquement. Ce droit, ainsi que la liberté de réunion, d’association et d’expression, est essentiel à toute démocratie et doit être respecté et protégé, et non réprimé par la force. Des enquêtes indépendantes et approfondies sur les abus et les violations des droits de l’homme doivent être menées rapidement et de manière transparente et efficace. Un dialogue social inclusif et des négociations qui débouchent sur des actions concrètes sont la seule voie viable pour surmonter cette crise profonde.
L’UE et ses États membres continueront à suivre la situation et restent attachés à notre coopération et à notre partenariat étroit avec la Colombie.
Membre gouvernemental, Barbade – Je prends la parole au nom d’une majorité importante de pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Nous saluons les délégués du gouvernement colombien, en particulier le ministre du Travail et le procureur général, qui ont fourni à la commission des informations actualisées. Nous remercions le gouvernement colombien pour la présentation de son rapport d’activité sur le suivi des observations que la commission d’experts a formulées sur la convention.
Nous avons pris note des efforts du gouvernement colombien pour faire avancer les enquêtes et lutter contre l’impunité. Nous nous joignons au gouvernement pour rejeter les actes de violence commis contre les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués.
Nous reconnaissons, comme le fait la commission d’experts dans le rapport de février 2021, les actions significatives entreprises par les autorités publiques et qu’aujourd’hui, selon les informations transmises par le gouvernement, plus de 960 condamnations pour des crimes commis contre des syndicalistes ont été prononcées. Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses efforts pour faire avancer les enquêtes et punir les coupables, ainsi que pour continuer à protéger les travailleurs et les syndicalistes.
Nous saluons le travail réalisé avec l’OIT pour systématiser et analyser les décisions judiciaires rendues à l’issue des enquêtes sur les crimes commis à l’encontre des syndicalistes.
Nous reconnaissons le processus de négociation collective en cours dans le secteur public et encourageons tous les acteurs à continuer à travailler dans le cadre du dialogue social pour parvenir à un accord dans l’intérêt des travailleurs. Dans le même ordre d’idées, nous espérons que les progrès se poursuivront en matière de mesures de réparation collective en faveur du mouvement syndical.
Nous saluons les informations qui font état de la création de nouveaux syndicats en Colombie, et nous espérons que les organisations syndicales continueront à se développer.
Le travail réalisé au sein de la sous-commission des affaires internationales pour créer une feuille de route afin de faire avancer les observations de la commission d’experts concernant les conventions que la Colombie a ratifiées, de manière tripartite et avec l’assistance technique du BIT, est très important. Nous encourageons donc la poursuite des travaux dans ce sens.
Enfin, nous encourageons le gouvernement à poursuivre les efforts entrepris pour mettre en œuvre ses engagements au titre de la convention, et nous espérons que le BIT continuera à fournir un soutien technique au gouvernement de la Colombie.
Membre employeuse, Guatemala – Tout d’abord, je voudrais dire que, en Colombie, quatre ans après la signature de l’accord de paix, le cycle infernal de la violence se poursuit, et les actes violents des organisations criminelles qui violent les droits de l’homme de la population générale continuent.
En Colombie, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, tous les actes de violence contre un dirigeant syndical ne sont pas forcément liés à ses activités. Les employeurs rejettent tous les actes de violence en général, y compris ceux commis contre des dirigeants syndicaux, et, comme dans tous les cas de violence, demandent qu’ils soient clarifiés.
La Colombie a mis en œuvre des initiatives pour la protection des syndicalistes, qui ont été reconnues d’un point de vue général par la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 2761 et 3064. Entre 2002 et 2020, le nombre de meurtres de syndicalistes a diminué de 97 pour cent et, durant cette période, 966 condamnations ont été prononcées pour des actes de violence antisyndicale.
Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 200 du Code pénal sur la violation des droits de réunion et d’association, on note que 91 pour cent des 2 727 cas de violation présumée de cet article, présentés entre 2011 et 2020, ont été conclus. Certes, des plaintes sont déposées, mais des progrès significatifs sont réalisés dans les processus d’enquête et de poursuite judiciaire de ce crime.
Troisièmement, le groupe des employeurs a toujours affirmé qu’aucun des articles de la convention ne reconnaît implicitement le droit de grève. Cette affirmation qu’attestent les documents précédant la convention: en effet, selon les rapports de la Conférence de l’époque, la convention proposée ne concernait que la liberté d’association et non le droit de grève; il ne serait donc pas approprié pour la commission d’experts de discuter plus avant de cette question.
En ce qui concerne la grève et les services publics essentiels, la Colombie a défini le sujet dans sa législation que les hautes juridictions du pays ont examiné et jugé conforme aux dispositions de sa Constitution et aux conventions pertinentes de l’OIT.
Membre travailleur, Nicaragua – En Colombie, la démocratie et l’État de droit social continuent d’être détruits alors que se renforce un gouvernement autoritaire qui vend une fausse démocratie pour imposer une dictature, dans laquelle règnent la violence et l’impunité de ceux qui répriment et violent les droits des citoyens. La violation constante de la liberté syndicale, la précarité du travail et le déni des droits sont certaines des causes générant davantage d’inégalité sociale, des niveaux de pauvreté plus élevés et la croissance du chômage de la classe ouvrière colombienne.
Le gouvernement colombien affirme qu’il se conforme à la convention, mais la réalité est tout autre. La persistance des assassinats de dirigeants syndicaux, le recours à la répression face aux demandes d’une société plus juste et la criminalisation des protestations et des revendications sociales témoignent de la violation constante des droits de l’homme.
Le gouvernement, au lieu de conclure des accords avec les dirigeants syndicaux pour résoudre les problèmes sociaux et du travail, s’immisce dans les affaires intérieures des pays voisins et ignore les différentes instances qui, aux niveaux national et international, condamnent les meurtres de jeunes travailleurs et de citoyens qui luttent pour une société plus équitable.
Le droit le plus sacré de tout être humain est la vie, et ce droit est aujourd’hui systématiquement violé par le gouvernement en place. Le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective est également considéré comme un droit de l’homme et doit donc être respecté, comme le prévoit la convention, qui établit également le droit de grève pour exiger le respect des lois et des accords de travail.
Nos paroles sont des paroles de solidarité et nous sommes sûrs que les travailleurs de Colombie aiment la paix et la tranquillité, mais aujourd’hui ils n’ont d’autre choix que de revendiquer et d’exiger la pleine liberté syndicale, le respect de la vie et la restitution du droit de vivre mieux avec une distribution plus équitable des richesses, et que justice soit faite en condamnant ceux qui ont sur les mains et la conscience le sang du peuple colombien. La justice et la vérité doivent prévaloir sur la calomnie et le mensonge.
Membre employeur, Mexique – Avant d’en venir au cas concret, je voudrais faire part à cette commission d’une réflexion sur les procédures de sélection des cas qui, d’après nous, étaient un problème réglé. Inclure des cas de la région des Amériques au titre de la convention semble être une obsession. Dans le rapport de la commission d’experts, des questions graves ne sont malheureusement pas incluses, contrairement à un cas comme celui de la Colombie, qui ne devrait pas être un cas dans la mesure où tout est fait pour poursuivre la mise en œuvre de l’accord de paix, l’harmonisation de la société, qui donne des résultats concrets, même dans l’environnement de violence qui prévaut.
Ces progrès se reflètent dans les actions permanentes qui garantissent l’exercice de la liberté syndicale, ce qui a été reconnu par les organes de contrôle de l’OIT, notamment par le Comité de la liberté syndicale dans plus d’un cas, comme l’a déjà mentionné Alberto Echeverría, représentant des employeurs de Colombie.
Ce qui a été dit dans cette salle virtuelle témoigne de la volonté de continuer à progresser et, pour cela, il est nécessaire de renforcer le dialogue social qui dépend incontestablement de la participation active du gouvernement avec les représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives.
Peu de pays protègent la liberté d’association au point de considérer que la violation de ce droit constitue un crime. Des améliorations sont toujours possibles, mais ce n’est pas en discutant du cas sans reconnaître les progrès réalisés en Colombie que l’on y parviendra; un amalgame est fait avec les problèmes de violence en général et, dans ce cadre, des violations infondées de la convention sont décrétées à tort.
Les opinions de la commission d’experts et les accusations qui ne sont pas étayées par des preuves doivent être rejetées; ainsi que celles liées à la grève qui ne font pas partie de la convention, et il faut encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de la pacification du pays.
Membre travailleur, États-Unis d’Amérique – La commission et le Congrès du travail souscrivent à cette déclaration. La Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) sont profondément préoccupés par la promotion continue de mesures visant à affaiblir les syndicats et à priver les travailleurs de leur capacité à s’associer librement et à négocier collectivement. On recourait autrefois aux «coopératives de travail associé» qui étaient des structures créées par les employeurs dans le but exprès d’exclure les travailleurs, forcés de travailler dans ce cadre, des protections du Code du travail. Si les fausses coopératives ont aujourd’hui largement disparu, une nouvelle structure a pris sa place.
Le «contrat syndical» est prédominant dans le secteur de la santé, ainsi que dans les secteurs de l’éducation et de l’agriculture, ce qui aggrave les difficultés auxquelles les travailleurs sont déjà confrontés. Par le biais du contrat syndical, la législation permet à une soi-disant organisation syndicale de fonctionner comme une entreprise de services temporaires et prévoit en outre que les travailleurs ne bénéficient pas des droits du travail. Cette structure constitue un détournement complet des objectifs du droit à la liberté d’association et à la négociation collective. Le contrat syndical est toujours autorisé par le Code du travail colombien et par le décret no 36 de 2016.
Malgré les abus évidents, rien n’a été fait à ce jour pour que les inspections du travail imposent des sanctions lorsqu’ils sont utilisés comme mécanismes d’intermédiation illégale du travail, et aucune mesure n’est prise pour adopter une réforme qui les éliminerait du droit colombien. Le gouvernement doit faire avancer une législation qui empêche effectivement l’intermédiation illégale du travail, notamment en éliminant l’utilisation du contrat syndical.
Présidente – J’aimerais signaler que le gouvernement de la Colombie a émis un point d’ordre sur le non-respect du langage parlementaire qui est de coutume dans notre commission. J’aimerais inviter tous les membres de la commission à respecter le langage parlementaire.
Membre gouvernementale, Canada – Le Canada remercie le gouvernement de la Colombie pour les informations présentées à la commission. Depuis 2018, le Canada et la Colombie travaillent à régler des problèmes qui touchent depuis longtemps les travailleurs en Colombie et qui concernent notamment la liberté d’association et le droit d’association.
Le Canada salue les efforts que la Colombie a accomplis ces dernières années, notamment le travail réalisé par le groupe d’élite du bureau du procureur général, pour mettre fin à l’impunité dans des affaires d’homicides commis et de menaces proférées à l’endroit de syndicalistes, ainsi que le travail de coordination réalisé avec le ministre du Travail. Ces mesures concrètes ont permis de prévenir des crimes à l’endroit de syndicalistes et de protéger la liberté d’association et le droit à la négociation collective, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. C’est pourquoi le Canada demande au gouvernement de la Colombie d’intensifier ses efforts.
En premier lieu, mobiliser des partenaires sociaux pour évaluer l’efficacité de l’article 200 du Code pénal et de son application.
En deuxième lieu, supprimer les instruments juridiques utilisés pour compromettre les droits fondamentaux des travailleurs de former des associations et de négocier collectivement, comme les conventions collectives, qui minent l’indépendance et les fonctions essentielles des syndicats.
En troisième lieu, évaluer périodiquement l’efficacité des stratégies proposées par le bureau du procureur général concernant les enquêtes relatives aux homicides commis et aux menaces proférées à l’endroit de syndicalistes.
Le Canada demeure déterminé à travailler avec la Colombie en tant que partenaire, et à appuyer ses efforts visant à régler ces sujets de préoccupation.
Membre employeur, Argentine – Je me contenterai d’évoquer certains des points qui ont été soulevés par la commission d’experts.
Tout d’abord, comme l’a souligné le porte-parole des employeurs, M. Mailhos, la convention ne contient aucune disposition sur le droit de grève. Qui plus est, les travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de la convention indiquent clairement que la convention n’inclut pas la réglementation du droit de grève. C’est également l’avis du groupe gouvernemental du Conseil d’administration et nous sommes heureux d’entendre le gouvernement colombien rappeler ce point important.
Par conséquent, la demande de la commission d’experts au gouvernement de modifier la loi sur la grève et les services essentiels n’a aucun fondement dans la convention. Le gouvernement n’est pas tenu de prendre en compte cette demande, et les conclusions de la commission ne devraient pas aborder ce point.
En ce qui concerne les syndicats, il ne s’agit pas de personnes morales qui se situent au-dessus de la législation qui s’applique dans n’importe quel pays à toute autre organisation car, s’il existe des prescriptions légales pour leur création, il devrait également y en avoir pour leur annulation. Et, à cet égard, l’intervention de la justice est un élément indispensable et indiscutable pour ce faire. Ils ne peuvent être en dehors ou au-dessus de la loi puisqu’ils sont soumis à des droits et obligations comme toute autre entité.
Membre gouvernemental, Honduras – Nous apprécions les informations fournies par les représentants des autorités colombiennes, par l’intermédiaire du ministre du Travail, sur les progrès accomplis dans le respect de la convention.
Nous apprécions les efforts du gouvernement colombien pour répondre aux observations de la commission d’experts, en particulier les progrès réalisés dans la lutte contre l’impunité et la protection des dirigeants syndicaux, efforts reconnus par la commission elle-même.
Nous soulignons les informations fournies par le gouvernement colombien sur la réduction des homicides et l’augmentation significative du nombre de condamnations, qui se traduit par 960 condamnations. Nous considérons que l’étude et la systématisation des condamnations, réalisées conjointement avec le BIT, sont très importantes. Nous encourageons le Bureau à poursuivre ce type d’activités et de travail conjoint.
Nous nous réjouissons des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’accord de paix, notamment avec l’approbation de projets dans ce domaine, la restitution de terres paysannes, la mise en place de politiques relatives aux ex-combattants qui peuvent être réintégrés dans la société, et nous soulignons la création du Conseil national de réintégration. Nous soulignons également les mesures visant à garantir la réparation collective du mouvement syndical.
Nous encourageons le gouvernement à continuer à travailler de manière tripartite sur la feuille de route afin d’avancer sur les questions législatives encore en suspens.
Membre travailleur, Uruguay – Nous, les travailleurs, sommes en désaccord total sur le point de savoir s’il s’agit d’un cas en cours ou d’un cas de progrès non seulement en raison du nombre d’années durant lesquelles nous avons dénoncé ce qui se passe en Colombie, en termes de morts et de meurtres de travailleurs, mais aussi en raison des chiffres qui ont été utilisés. Quoi qu’il en soit, ce qui est en cours ou en progrès, c’est à coup sûr les assassinats de dirigeants syndicaux ou la répression de jeunes gens qui veulent manifester et qui perdent un œil ou sont mutilés sous l’effet de la violence du terrorisme d’État en Colombie, qui se poursuit d’un gouvernement à l’autre.
Ces violations des droits de l’homme, ce ne sont pas des morts ou des meurtres qui n’ont rien à voir avec la lutte sociale que mènent ces jeunes et ces dirigeants syndicaux, non, loin s’en faut, et ce que l’on peut dire c’est qu’il ne s’agit pas d’une exception. Il s’agit de violations systématiques des droits de l’homme dont sont victimes ceux qui luttent pour une société meilleure, plus démocratique, égalitaire et inclusive. C’est la lutte que les Colombiens mènent depuis longtemps, ne recevant pour toute réponse que la violence du terrorisme d’État et de bandes paramilitaires dont on se demande qui les finance.
D’ailleurs, parlant de qui finance, je tiens à préciser, une fois de plus, que pour les travailleurs le droit de grève est un pilier fondamental de la liberté syndicale alors que, à l’inverse, le contrat syndical fait partie de la mafia syndicale. Nous n’avons rien à voir avec eux, ils ne nous représentent pas, et c’est pourquoi les employeurs le revendiquent. Le contrat syndical n’a rien à voir avec la véritable lutte syndicale. Ils font partie d’une mafia que nous rejetons. La seule chose avec laquelle nous sommes d’accord dans tout ce qu’ont dit les gouvernements et certains employeurs, c’est que beaucoup reste à faire. C’est pourquoi nous voulons que l’OIT soit aussi intransigeante que possible face à cette hypocrisie et à ce processus qui règnent en Colombie depuis de très nombreuses années.
Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Le gouvernement des États Unis et le gouvernement de la Colombie continuent de coopérer étroitement pour garantir les droits des travailleurs. Depuis 2017, la coopération s’est intensifiée dans le cadre de consultations entre les points de contact au titre du chapitre sur le travail de l’Accord de promotion du commerce entre les États-Unis et la Colombie.
Nous jugeons encourageants certains des efforts concrets du gouvernement pour mieux protéger le droit à la liberté d’association en Colombie, notamment l’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail dans la fonction publique et le renforcement du cadre juridique pour criminaliser les menaces à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, tels que les syndicalistes, par l’ajout en 2018 de l’article 188(e) au Code pénal.
Toutefois, des problèmes importants demeurent. La commission d’experts a noté avec une profonde inquiétude les allégations relatives à la persistance de la violence antisyndicale, ainsi que la lenteur des progrès réalisés pour que les auteurs répondent de leurs actes. De même, les problèmes de liberté d’association doivent être traités par le ministère du Travail. Les mesures et mécanismes existants restent insuffisants pour prévenir et enquêter sur les violations des droits que reconnaît cette convention. Par exemple, entre 2018 et 2020, un seul cas d’inculpation pour la menace à l’encontre d’un syndicaliste est signalé, et aucune condamnation dans des cas relevant de l’article 188(e) ou 347.
Nous demandons au gouvernement de prendre sans attendre des mesures pour garantir la liberté d’association en droit et dans la pratique. À cette fin, il faut:
s’attaquer davantage aux homicides de syndicalistes et garantir un climat exempt d’intimidation et de violence en intensifiant les efforts et les ressources pour enquêter, poursuivre et identifier les auteurs pour qu’ils rendent compte de leurs actions, y compris les commanditaires de ces actes;
évaluer et renforcer l’efficacité de l’article 200 du Code pénal et son application;
garantir un budget suffisant pour inspecter et sanctionner de manière adéquate les violations du droit à la liberté d’association; et
mener des inspections dans les secteurs prioritaires et veiller à ce que les amendes soient perçues.
Nous apprécions la relation de collaboration et félicitons le gouvernement colombien pour les progrès réalisés à ce jour. Cependant, il reste un travail essentiel et urgent à faire pour résoudre ces problèmes de longue date. Nous restons déterminés à collaborer avec le gouvernement afin de réaliser les avancées nécessaires pour faire progresser les droits des travailleurs en Colombie.
Membre employeur, Honduras – Nous apprécions les informations présentées et approuvons les commentaires présentés par l’Association nationale des entrepreneurs de Colombie, en soulignant que les organisations d’entreprises, et, dans ce cas particulier, l’Association nationale des entrepreneurs de Colombie, n’approuvent pas et n’approuveront jamais aucune forme de menace, homicide, enlèvement ou toute autre manifestation de violence ou d’acte de discrimination contre la classe ouvrière.
Nous nous associons à l’appel de l’Association nationale des entrepreneurs de Colombie pour continuer à approfondir le dialogue social en tant qu’outil nécessaire au renforcement de la démocratie.
Nous demandons instamment au gouvernement colombien de continuer à renforcer les mécanismes internes, d’enquêter rapidement et de poursuivre les responsables de crimes contre les dirigeants et les syndicalistes. Et, surtout, à persévérer dans l’instauration d’un environnement de travail pacifique. Tout comme la commission d’experts l’a fait dans sa dernière observation de 2020, le secteur de l’emploi hondurien reconnaît les efforts déployés par le gouvernement colombien pour offrir une protection adéquate à tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes en situation de risque.
Nous demandons à cette commission de considérer ce cas comme un cas de progrès.
Membre travailleur, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Le 28 avril, une manifestation de masse coordonnée par les syndicats colombiens a envahi les rues de nombreuses régions du pays. La manifestation a pris de l’ampleur pour atteindre son point culminant le 1er mai, jour traditionnel des manifestations syndicales. Selon les estimations, entre plusieurs centaines de milliers et plusieurs millions de personnes sont descendues dans les rues. Les protestations visaient les réformes fiscales proposées, ainsi que l’inégalité croissante et la non-application désastreuse du processus de paix dans le pays.
Nous notons que, comme le prévoit la convention, les droits syndicaux incluent le droit d’organiser des manifestations publiques, et que toute intervention des forces de l’ordre doit être dûment proportionnée au danger pour l’ordre public.
Or les organisations de défense des droits de l’homme qui observent l’action menée en réponse aux manifestations ont documenté, jusqu’au 31 mai, des abus de la part des autorités, dont 3 700 cas de violence policière, avec au moins 45 décès de manifestants et 1 600 cas de détention arbitraire. On dénombre également 25 victimes de violences sexuelles et 65 de lésions oculaires. D’où le commentaire d’un sénateur progouvernemental aux ONG: «arrêter de pleurer pour un œil».
La police n’a pas non plus empêché des citoyens d’ouvrir le feu contre les manifestants, avec dans un cas un bilan de dix manifestants autochtones blessés. Selon certaines informations, des manifestants ont été emmenés dans des centres de détention clandestins, ce qui augmente le risque de disparitions forcées.
Le 28 mai, le gouvernement a mis en œuvre un décret renforçant le rôle des forces armées dans le contrôle des manifestations. Ce décret s’appuie sur un article du Code de la police du pays autorisant «l’assistance militaire» «face à un risque ou un danger imminent, ou pour faire face à une situation d’urgence ou une calamité publique». Nous notons que cette énorme manifestation a été largement pacifique et qu’il n’y a pas de situation d’urgence autre que celle provoquée par les actions du gouvernement.
Nous notons que le gouvernement s’est employé à dépeindre les manifestants légitimes comme des terroristes et des criminels pour justifier la répression et réduire la sympathie du public. Dans un pays où 65 dirigeants sociaux ont déjà été assassinés en 2021 et où, depuis l’accord de paix, 270 ex-combattants des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC) ont également été tués, cette tactique non seulement porte atteinte à la liberté de manifester, mais met des vies en réel danger.
Membre gouvernemental, Suisse – La Colombie figure sur la liste du Comité de la liberté syndicale depuis 1952. Au cours de ces soixante-dix dernières années, ce comité a clos 167 cas, 22 cas sont toujours actifs et 25 cas sont en cours de suivi. La plupart des plaintes concernent des allégations de violence contre des syndicalistes et l’impunité.
La Suisse reconnaît que des efforts importants ont été faits par le gouvernement colombien pour améliorer la situation au cours des années, mais une détérioration est constatée ces derniers mois. La population colombienne et évidemment aussi les syndicats sont confrontés quotidiennement au crime organisé et à d’autres formes de criminalité. Cela a pour conséquence de ralentir le développement durable d’une économie performante et de mettre en péril les droits de l’homme et l’État de droit.
La Suisse appelle donc le gouvernement colombien à poursuivre ses efforts pour éliminer toutes les formes de violence contre les syndicalistes, en particulier les assassinats, les tentatives de meurtre, les disparitions forcées, les menaces de mort et les homicides qui font l’objet de rapports de la commission d’experts.
La Suisse continue de coopérer avec la Colombie dans différents domaines du développement économique et s’attend en même temps à ce que la Colombie accélère son projet de réforme du Code pénal et du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de les rendre pleinement conformes aux normes internationales du travail.
Enfin, la Suisse soutient les conclusions et recommandations de la commission d’experts et encourage la Colombie à poursuivre ses efforts pour promouvoir le dialogue social et assurer que ce dernier peut se dérouler dans le climat de confiance nécessaire.
Membre employeur, Norvège – La Colombie a fait des progrès significatifs dans le processus de protection du droit d’organisation. Il convient de souligner les progrès réalisés dans la poursuite des cas de décès de syndicalistes. Les taux d’homicides directement liés à la fonction syndicale ont diminué, grâce aux actions mises en œuvre par le gouvernement. De même, la professionnalisation des inspecteurs du travail permet de mieux protéger les droits associés à la liberté syndicale.
En ce qui concerne le contrat syndical et son impact sur l’application de la convention, la Cour constitutionnelle a réaffirmé l’autonomie dont jouissent les organisations syndicales pour conclure des contrats syndicaux, qui visent à promouvoir le droit de négociation collective, tout en renforçant le droit d’association syndicale, dans le but de générer des emplois pour les membres de l’organisation syndicale et dynamiser l’activité syndicale.
Ainsi, la mise en œuvre de ce modèle de négociation approfondit les différents types d’accords qui peuvent être conclus dans le cadre du dialogue social pour permettre la coordination et la collaboration entre employeurs et travailleurs. Pour éviter l’utilisation abusive du contrat syndical, la législation colombienne dispose de mécanismes d’inspection, de surveillance et de contrôle qui permettent d’imposer des sanctions en cas de preuve d’intermédiation illégale de travail ou de violation des droits des travailleurs.
La figure juridique du contrat syndical ne va pas à l’encontre des dispositions de la convention. En effet, il s’agit d’une figure juridique défendue par les organisations syndicales, car elle leur permet de maintenir un dialogue constant avec l’employeur, d’avoir un plus grand nombre d’adhérents et de générer de plus grands bénéfices pour les travailleurs.
Membre travailleur, Espagne – Je m’exprime devant vous au nom des travailleurs d’Italie, de Suisse, des Pays-Bas, des syndicats des pays nordiques et de ceux d’Allemagne et d’Espagne, pour souligner la situation dramatique de la classe ouvrière en Colombie qui résulte de la politique antisyndicale que mène le pays. Si d’autres pays du continent américain en font autant, celle menée dans ce pays est plus constante et plus violente.
Nous constatons avec inquiétude que le gouvernement colombien refuse de se conformer aux exigences des normes internationales et des organes de contrôle de l’OIT, empêchant de ce fait qu’il soit mis fin à la discrimination à l’encontre des syndicats, malgré le soutien international que cet organisme a apporté à la Colombie.
En Colombie, la faible syndicalisation est le résultat de la violence antisyndicale, mais aussi des modalités précaires de recrutement et du recours à des figures contractuelles abusives qui, bien que légales, violent les principes de la liberté d’association.
Citons, d’une part, les négociations collectives avec des travailleurs non syndiqués, connues sous le nom de «pactes collectifs». La Colombie a enregistré pas moins de 222 pactes collectifs en 2019, malgré le fait que la commission d’experts ait précisé que, si l’entreprise compte un syndicat, les conventions collectives ne doivent pas être conclues avec des travailleurs non syndiqués. D’autre part, les fameux «contrats syndicaux» qui dénaturent également les organisations syndicales.
Face à ces violations de la convention, nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour garantir l’exercice de la liberté syndicale, que le gouvernement mette en œuvre ses engagements de renforcer les organisations syndicales, qu’il f/asse droit aux recommandations de cette instance et d’autres organismes internationaux de défense des droits de l’homme et qu’il lutte contre les politiques antisyndicales qui ne font qu’exacerber la situation que le monde reproche aujourd’hui à la Colombie.
Rappelons-nous que la paix ne peut s’établir que là où naissent le travail et le droit de le défendre.
Membre gouvernemental, République démocratique du Congo – La République démocratique du Congo (RDC) a suivi avec une grande attention les cas de violation de la convention. Les cas constatés sont dans les secteurs stratégiques de la vie de ce pays, à savoir dans les domaines de l’éducation, du transport, des mines, de l’agriculture et de l’énergie.
S’agissant des violences antisyndicales, le gouvernement de la RDC souscrit au constat malheureux fait par la commission d’experts avec les différents cas de tentatives de meurtres, voire d’assassinats, des dirigeants syndicaux, de surveillance et de filatures par les agents de l’armée colombienne. Cependant, le gouvernement de la RDC fait le constat que toutes les violences ne découlent pas de la gestion des pouvoirs publics des mouvements d’ordre syndical, mais plutôt de la situation générale d’insécurité.
Il sied de relever que le gouvernement de la Colombie a mis sur pied des mesures de réparation collective au mouvement syndical, l’attribution de l’indemnité aux syndicalistes suite à la riposte démesurée des pouvoirs publics.
Concernant la problématique du délai accordé à la partie la plus diligente pour exercer le recours relatif à l’article 380, au vu de divergences de vues, le gouvernement de la RDC invite les pouvoirs publics à user des vertus du dialogue social avec tous les partenaires sociaux pour une solution appropriée. Aussi, il convient que le gouvernement de la Colombie sollicite l’assistance technique auprès du BIT.
Membre travailleur, République bolivarienne du Venezuela – Les travailleurs de la République bolivarienne du Venezuela sont préoccupés par le regain de violence qui frappe nos camarades syndicalistes et d’autres organisations sociales en République de Colombie qui, loin de s’atténuer, ne fait que s’amplifier depuis septembre 2019, date à laquelle la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Confédération syndicale des Amériques (CSA) ont déposé des plaintes contre le gouvernement pour négligence manifeste dans la prévention de la violence de groupes criminels contre les dirigeants.
Le gouvernement colombien, recourant à la militarisation face aux protestations sociales, bafoue le droit universel à la liberté de manifester pacifiquement. Les forces de police en uniforme et des membres sans uniforme, ou groupes d’autodéfense, attaquent violemment les manifestants, tirent des coups de feu et arrêtent de manière sélective des citoyens qui sont portés disparus.
Dans ce scénario de guerre, le gouvernement a approuvé le décret no 575 qui impose une assistance militaire à huit gouverneurs et 13 maires, imposant de facto un état de trouble, qui est un coup d’État virtuel perpétré en République de Colombie.
À cet égard, la Commission interaméricaine des droits de l’homme réaffirme les obligations internationales de l’État colombien en matière de sécurité intérieure et les normes interaméricaines qui prévoient que la participation des forces armées aux fonctions de sécurité doit être extraordinaire, subordonnée, complémentaire, réglementée et contrôlée; et que «les États doivent respecter, protéger, faciliter et promouvoir le droit à la protestation sociale et que tout usage légitime de la force doit observer les principes de légalité, d’absolue nécessité et de proportionnalité».
Les travailleurs vénézuéliens demandent au gouvernement colombien de respecter le droit à la vie, le droit de se syndiquer, la convention, et, bien sûr, depuis notre pays, nous embrassons nos camarades colombiens pour témoigner de notre solidarité.
Membre employeur, Brésil – Il est évident que depuis la dernière évaluation, réalisée en 2009 par cette commission, des progrès remarquables ont été accomplis dans le pays, mais ce qui est étrange c’est que ce cas ait été inclus sur la liste restreinte. Dans son rapport, la commission d’experts a reconnu et salué l’engagement actif du gouvernement, l’efficacité de l’action de l’État avec une coordination interinstitutionnelle, les actions et le budget alloués à la protection des syndicalistes, les nombreuses condamnations pénales qui ont permis d’élucider les actes de violence, et la concertation permanente avec les partenaires sociaux. Je remercie le gouvernement d’avoir communiqué des rapports détaillés, faisant état de très bons résultats, pour répondre aux préoccupations de la commission d’experts. La Colombie a bénéficié de l’accompagnement constant de l’OIT et s’est engagée de manière tripartite dans des initiatives et des projets menés par cette dernière. En évaluant le cas de la Colombie, cette commission évalue également l’efficacité de l’OIT elle-même sur le terrain.
En ce qui concerne l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat, je souligne que les motifs et la procédure judiciaire sont établis dans la loi, avec une application qui est rationnelle et proportionnée. L’annulation de l’enregistrement se fait selon une procédure régulière, donnant lieu à une décision de justice pouvant faire l’objet d’un recours. Elle est donc conforme à la convention et aux recommandations des organes de contrôle de l’OIT.
Enfin, la commission d’experts fait référence à la grève, et je réitère donc la position du porte-parole des employeurs selon laquelle la convention ne contient pas ou ne reconnaît pas expressément un droit de grève, et qu’il n’appartient donc pas à cette commission d’analyser et de conclure sur cette question, car en Colombie le droit de grève est réglementé au niveau national par des lois spécifiques.
Membre gouvernemental, Chili – Le gouvernement du Chili s’associe aux déclarations d’une grande majorité des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Nous remercions le gouvernement colombien pour le rapport d’étape sur le suivi des observations de la commission d’experts sur la convention. Nous nous joignons au gouvernement pour rejeter toute forme de violence à l’encontre des personnes qui remplissent une mission syndicale.
Dans le même temps, nous tenons à souligner que les gouvernements du Chili et de la Colombie sont des alliés stratégiques importants dans le domaine du travail. Nous avons travaillé ensemble sur ces questions dans le cadre de notre accord commercial bilatéral, en menant des activités de coopération et en fournissant une assistance technique, ainsi que sur des actions importantes visant à promouvoir l’employabilité de la main-d’œuvre dans l’Alliance du Pacifique.
Nous encourageons tous les acteurs à continuer à travailler dans le cadre du dialogue social afin de parvenir à un accord dans l’intérêt des travailleurs et à continuer à promouvoir des instances telles que la Commission de traitement des conflits déférés à l’OIT pour résoudre, de manière consensuelle, les différends entre les acteurs tripartites. Cette commission nous semble très importante, et nous encourageons donc à continuer à travailler avec elle.
Enfin, nous encourageons le gouvernement de la Colombie à poursuivre ses efforts pour promouvoir la liberté syndicale et la protection du droit syndical sur son territoire, ainsi que pour protéger l’exercice des droits syndicaux des travailleurs colombiens.
Membre employeuse, Allemagne – Permettez-moi de faire quelques commentaires au nom des employeurs allemands. La commission d’experts a reconnu les progrès et les efforts significatifs des autorités colombiennes, s’agissant de la protection des syndicalistes en danger et de la clarification et la sanction des actes de violence antisyndicale.
De même, la commission d’experts a reconnu et salué dans son rapport l’engagement actif de l’État, les initiatives prises pour renforcer l’efficacité de l’action publique par la coordination interinstitutionnelle, ainsi que la consultation des partenaires sociaux.
D’après les informations fournies par le gouvernement, des progrès significatifs ont été réalisés; en témoignent la diminution de 97 pour cent, entre 2002 et 2020, des homicides contre les syndicalistes ainsi que les avancées significatives dans les enquêtes et la poursuite judiciaire des crimes contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes.
Les progrès réalisés et reconnus par le système de contrôle de l’OIT sont le résultat d’un dialogue social permanent et des activités et projets menés avec le soutien de l’OIT.
Enfin, je me joins à mes collègues du groupe des employeurs qui ont parlé avant moi, et qui parleront après moi, pour inviter le gouvernement colombien, les travailleurs et les employeurs à poursuivre sur la voie du dialogue social et de la négociation, qui est finalement la seule voie permettant une véritable réconciliation.
Membre travailleur, Mexique – Nous sommes préoccupés par les violations de la convention et des normes de l’OIT par l’État colombien et nous les condamnons fermement. Selon les dénonciations du Comité national de grève et des organisations de défense des droits de l’homme, de l’année 2020 à juin 2021, des centaines de personnes, dont des dirigeants syndicaux et sociaux, ont été assassinées, persécutées, menacées ou ont disparu pour avoir exercé leur droit légitime à la protestation sociale pacifique, en défense des droits du travail et des droits sociaux dans le pays.
Nous considérons qu’il est de la plus haute importance que cette commission demande au gouvernement colombien d’appliquer toutes les mesures de sécurité et de protection nécessaires pour garantir la vie et l’intégrité physique de notre camarade, Percy Oyola Palomá, président de la CGT, de tous les dirigeants du Comité national de grève, et surtout des citoyens colombiens.
Cette commission doit approuver une mission tripartite de haut niveau et demander à l’État colombien de respecter la liberté d’association et de négociation collective, en exigeant que le gouvernement mette en œuvre de manière effective le dialogue social et le tripartisme et qu’il établisse de toute urgence une instance de dialogue et de négociation portant sur les six points du plan d’urgence présenté par le Comité national de la grève, notamment les garanties en matière de manifestation et de mobilisation pacifiques.
Membre employeur, Nouvelle-Zélande – Je voudrais juste faire deux brèves remarques concernant ce cas. Tout d’abord, pour souligner que, comme nous en avons été informés, la Colombie a mis en œuvre un certain nombre d’initiatives positives pour faire progresser la protection des dirigeants et des syndicalistes, efforts qui ont été reconnus par le Comité de la liberté syndicale dans les cas récemment analysés.
La commission d’experts et les autres organes de contrôle de l’OIT ont également noté avec satisfaction les efforts déployés par la Colombie et l’ensemble des institutions de ce pays pour renforcer la protection des dirigeants syndicaux et la lutte contre l’impunité. Pour cette seule raison, ce cas n’aurait pas dû être inscrit cette année sur la liste de la commission.
Deuxièmement, en ce qui concerne les observations de la commission d’experts relatives aux procédures suivies en Colombie pour l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat, je tiens à souligner que, selon les informations transmises par le gouvernement, ce processus d’annulation relève expressément d’une décision judiciaire. En ce sens, la législation colombienne est conforme à ce qui est recommandé par les organes de contrôle de l’OIT, qui ont indiqué que «l’annulation de l’enregistrement d’un syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire». Selon ce qui précède, la législation actuelle et les procédures établies ne violent pas les dispositions de la convention et, une fois encore, les employeurs estiment que l’accusation n’est pas fondée.
Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – La situation effroyable en Colombie est très préoccupante. Les travailleurs de Hong-kong partagent la douleur des travailleurs colombiens qui vivent dans un climat de répression et de violation des droits de l’homme. Le 28 avril, le Comité national de grève de Colombie, dirigé par les syndicats les plus représentatifs, a appelé à des manifestations en réponse aux mesures régressives du gouvernement, notamment une réforme fiscale qui aurait pour effet d’accroître les inégalités, ainsi que des changements dans les systèmes de travail, des pensions et de la santé. Il est interdit aux États d’utiliser la force meurtrière et les armes à feu contre les manifestants. L’application de la loi doit également respecter le principe de légalité, d’absolue nécessité et de proportionnalité, or, durant quarante huit jours de grève générale, nous avons été témoins de ce qui suit: au 31 mai, 3 789 cas de violences causées par les forces de sécurité; 45 homicides commis par la police et l’armée; 1 700 arrestations arbitraires; 65 personnes souffrant de lésions oculaires causées par des tirs de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc et 25 victimes de violences sexuelles commises par des policiers.
Les syndicats colombiens ont à plusieurs reprises exhorté le gouvernement à garantir le droit de manifester pacifiquement, mais la réponse du Président Duque a été le décret no 575 ordonnant la militarisation de sept villes du pays, ce qui a entraîné un regain de violence.
Le moins que l’on puisse demander à cette commission est d’examiner les graves violations des droits humains et des droits syndicaux commises dans le cadre de la grève nationale. L’OIT doit avoir la possibilité d’évaluer le traitement pénal que le gouvernement réserve aux conflits sociaux et du travail et de recommander un changement urgent des protocoles d’attention et de réaction face aux manifestations, afin qu’ils soient modifiés conformément aux normes internationales.
Enfin, cette commission peut aider les syndicats à exiger des garanties relatives au droit de manifester pacifiquement. Il convient de noter qu’une proposition est sur la table des négociations entre le gouvernement et le Comité national de grève depuis le 24 mai, mais que le gouvernement a refusé de la signer.
Observateur, Organisation internationale des employeurs (OIE) – Je parle en tant que secrétaire général de l’OIE. Ce cas n’a pas été traité depuis plus de dix ans par cette commission, et nous avons pu constater des progrès substantiels dans un pays qui se trouvait dans une situation très difficile de lutte armée, de trafic de drogue et de radicalisme idéologique.
Ces progrès sont le résultat d’un effort collectif pour la défense des libertés, l’éradication de la violence, la lutte contre la corruption, la lutte contre le trafic de drogue, la protection des dirigeants syndicaux et la liberté d’association. Des progrès ont été accomplis dans ces domaines et dans un processus de paix qui n’était pas simple, mais qui était très inclusif, et le dialogue social s’est grandement amélioré.
Alors que la situation du pays s’améliorait grâce aux progrès économiques et sociaux, à l’arrivée d’investissements et à l’essor du tourisme, la pandémie, à l’instar de nombreux autres pays de la région et au-delà, a entraîné la fermeture d’entreprises, des pertes d’emplois et l’instabilité sociale. Le gouvernement fait face à cette situation avec difficulté dans un contexte complexe, qui n’est pas exempt de divers faits de violence, que nous ne nions pas.
Mais ce qui est indéniable c’est que le gouvernement a fait preuve, et c’est toujours le cas, de bonne volonté, d’actions concrètes et de résultats. Il a accepté toutes les recommandations de l’OIT, contrairement à d’autres pays; il a financé, pendant des années, la présence de l’OIT elle-même dans le pays; et il a soumis des informations détaillées à la commission d’experts et également au Comité de la liberté syndicale.
La Colombie est une démocratie qui enregistre des progrès importants depuis de nombreuses années. Elle a besoin d’être accompagnée, et non pointée du doigt, et c’est ainsi que nous abordons le traitement de ce cas.
Observateur, IndustriALL Global Union – Je m’exprime au nom d’IndustriALL Global Union, de la Fédération internationale des ouvriers du transport, de l’Internationale de l’éducation et de l’Internationale des services publics afin de faire part de ma profonde inquiétude concernant l’extrême violence qui règne en Colombie, sur fond d’homicides de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats de tous les secteurs.
Les menaces de mort visant les dirigeants syndicaux et sociaux ne sont pas des incidents isolés. Elles s’inscrivent au contraire dans un contexte d’escalade de la violence contre la société civile sous l’administration actuelle. À La Guajira, 226 travailleurs permanents d’une puissante multinationale minière ont été licenciés sans qu’aucune mesure de transition équitable n’ait été négociée pour les travailleurs concernés, l’entreprise prétendant qu’il s’agissait de «mesures viables».
Ce licenciement est une représaille brutale à la grève de quatre-vingt-dix jours menée avec succès l’année dernière pour contester la nouvelle rotation dangereuse des équipes. Les syndicats ne sont pas consultés en tant que partenaires sociaux, et nous constatons une augmentation rapide des cas de COVID sur tous les lieux de travail. Dans le secteur pétrolier, au sein de la plus grande entreprise publique, les dirigeants de l’Unión Sindical Obrera sont bloqués et se voient refuser l’accès à leur lieu de travail en violation flagrante de la convention collective en vigueur, se servant de la pandémie de la COVID comme prétexte. L’entreprise ne laisse entrer que les travailleurs réguliers, comme si les dirigeants syndicaux – qui, au demeurant, sont aussi des employés de l’entreprise – avaient un quelconque impact sur la contagion.
Le ministère du Travail invoque le manque d’inspecteurs du travail, mais, en l’absence de dirigeants syndicaux sur place, les droits des travailleurs sont bafoués en toute impunité.
Conformément aux observations de la commission d’experts et aux récentes recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 3316 relatif au droit de grève des pilotes de ligne, le gouvernement doit mettre les dispositions législatives en matière de grève dans les services non essentiels, au sens strict du terme, en conformité avec la convention.
Compte tenu de l’actuelle escalade de la violence d’État et de la répression brutale des protestations civiles légitimes contre les réformes structurelles, Global Union se rallie aux recommandations de la commission d’experts, à savoir que «le gouvernement colombien doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les actes de violence antisyndicale, notamment les homicides et autres actes qui ont eu lieu, fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs, tant matériels qu’intellectuels, soient condamnés».
Représentant gouvernemental, ministre du Travail – J’ai pris bonne note des interventions des différentes personnes qui ont pris la parole, y compris celles qui ont une coloration politique, mais je leur en suis néanmoins reconnaissant. Je remercie les gouvernements, ainsi que les travailleurs et les employeurs, pour les remarques formulées.
La lutte contre l’impunité et la violence contre les organisations syndicales est une préoccupation du Président de la République, M. Iván Duque, qui a donné des instructions précises pour préserver l’intégrité des dirigeants syndicaux. Pour ce gouvernement, la réduction de 96 pour cent des homicides est importante, mais nous devons continuer à protéger les dirigeants syndicaux, car un seul cas, un seul meurtre nous fait mal et nous le condamnons, et c’est pourquoi nous poursuivrons dans cette voie.
Le ministère public a conçu une stratégie d’enquête et de poursuite des crimes commis, y compris ceux commis lors de manifestations, avec 12 plans d’action.
Le gouvernement national respecte le droit de manifester, ainsi que le droit de grève, qui ont tous deux rang constitutionnel. Pour nous, les manifestations pacifiques sont respectées et protégées. Ce que nous rejetons, ce sont les actes de violence qui ont violé les droits non seulement des manifestants, mais aussi des personnes qui ne manifestent pas. Dans de nombreux cas, les «blocus» ont même violé les droits fondamentaux des citoyens, tels que l’accès aux soins de santé, à la nourriture, au travail et aux activités de loisirs sur le territoire national. Pour témoigner de l’engagement du gouvernement à respecter les droits de l’homme et le droit à la mobilisation, le Président de la République va présenter au Congrès de la République une réforme de la police nationale.
Revenons à la situation actuelle, et notamment aux faits suivants:
Les contrats syndicaux sont une figure juridique reconnue par nos normes de travail, qui a été prise en compte par le Conseil national de politique économique et sociale (CONPES), et qui a permis de préserver de nombreux emplois. Mais, dans le cas du secteur de la santé, le gouvernement national a proposé et approuvé une loi en vue de sa suppression. Les confédérations syndicales elles-mêmes ont demandé le retrait de ce projet de loi. Nous avons la volonté politique d’éliminer les contrats syndicaux dans le secteur de la santé.
Annulation de l’enregistrement d’un syndicat. Il est important de souligner qu’en Colombie, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, les organisations syndicales sont très protégées à cet égard. Selon notre base de données des archives syndicales, de 1920 à ce jour, soit une période de cent une années, un seul acte d’annulation a été recensé, et ce par voie judiciaire. Il est important de noter que cette figure juridique figure dans le Code du travail et que la déclaration d’illégalité, suivant la suggestion de l’OIT elle-même, relève de la compétence du pouvoir judiciaire.
Nous continuerons à progresser dans l’assistance, l’attention et la réparation dont doivent bénéficier toutes les victimes du conflit et, à cette fin, ce gouvernement investira, au cours des dix prochaines années, 39 millions de dollars pour indemniser les victimes du conflit armé. C’est pourquoi je réitère notre appel à l’OIT pour qu’elle continue à nous accompagner dans l’approfondissement du dialogue social avec tous les acteurs de notre pays. En tant que gouvernement, nous croyons au pouvoir de cet outil dans la recherche d’alternatives permettant d’améliorer le tissu social et économique.
Nous insistons sur le fait que le dialogue social est l’un des piliers fondamentaux de notre gouvernement, et c’est pourquoi nous inscrivons toutes nos actions dans une perspective de recherche de consensus, de respect des droits d’association et de la liberté syndicale, de sorte qu’elles bénéficient du plein soutien des syndicats.
C’est précisément dans cet objectif que nos institutions agissent immédiatement. Dès que les menaces dont a fait l’objet notre délégué syndical qui s’est exprimé aujourd’hui ont été connues, nous les avons publiquement et immédiatement condamnées. J’ai personnellement pris les mesures nécessaires pour renforcer sa sécurité. Nous agissons face à toute menace, c’est pourquoi il est très important de connaître notre attitude envers les dirigeants syndicaux.
Il a été dit que dans le cadre des protestations sociales, ces derniers jours, des meurtres de dirigeants syndicaux ont eu lieu. Je rejette cette affirmation, ce n’est pas vrai; et c’est pourquoi nous sommes surpris d’entendre dire qu’en Colombie il est difficile d’exercer le droit d’organisation.
Le gouvernement colombien a toujours travaillé main dans la main avec l’OIT. C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, au lieu d’être pointés du doigt, nous avons besoin du soutien de la communauté internationale pour pouvoir surmonter les obstacles. C’est ce qui ressort du rapport de l’OIT, qui indique que la Colombie, avec 26 pour cent, est le deuxième pays au monde (le premier étant le Brésil) à apporter ses propres ressources à des projets de coopération et de soutien.
Cette année, la Colombie a alloué plus de 4 millions de dollars à de tels projets.
Je tiens à préciser, avant de finir, qu’il ne fait aucun doute que cette commission est sérieuse et dotée de procédures clairement établies. Cependant, certaines interventions parfois ne sont pas dénuées d’une certaine coloration politique. Il ne faut pas que cette commission se laisse emporter dans cette voie; je crois que notre rôle ici est de donner des avis techniques en droit, comme il se doit. C’est pourquoi nous continuerons à respecter l’engagement du gouvernement national envers la convention, qui est la raison d’être de cette commission. Par conséquent, je demande au secrétariat de supprimer les commentaires qui n’ont rien à voir avec la convention, qui ont été exprimés dans cette réunion aujourd’hui.
C’est pourquoi nous nous étonnons que, travaillant main dans la main avec l’OIT, la Colombie soit aujourd’hui montrée du doigt pour ne pas avoir strictement respecté les dispositions de la convention.
Nous avons fait des progrès, notamment sur la question de l’impunité et des peines prononcées, et nous continuerons à travailler dans ce sens. Il est évident que l’histoire du pays a changé, et c’est aussi grâce à la coopération que l’OIT nous a apportée.
À cet égard, je voudrais faire une dernière remarque. La Colombie est le théâtre de violences qui sont le fait de trafiquants de drogue, de groupes violents, de mafias et autres acteurs qui interviennent dans les manifestations. C’est pourquoi nous condamnons une fois de plus et avec force la violence. Nous condamnons et nous punirons la violence exercée contre tout citoyen colombien, d’où qu’elle vienne, et je demande à cette commission de lire attentivement le rapport de quelque 300 pages que nous avons déposé pour en rendre compte. Nous continuerons à informer le monde, l’OIT, les gouvernements et tous ceux qui en font la demande, apportant les informations nécessaires sur ce qui se passe en Colombie.
Plusieurs affirmations nous ont véritablement surpris; comme s’ils ignoraient ce qui se passe dans le pays. Par exemple, il a été affirmé que des réformes du travail et des retraites allaient être présentées ici, sans en discuter au préalable avec les organisations syndicales et les employeurs. Nous n’avons présenté aucun projet de loi dans ce sens. D’où notre grande surprise face à de telles déclarations.
Nous continuerons à écouter toutes les voix qui s’élèvent de la communauté internationale, nous écouterons non seulement les travailleurs, mais aussi les employeurs, afin de surmonter notre crise sociale.
En cette période de manifestations, nous avons mis en place une instance de dialogue et lancé des processus de négociation avec le Comité de grève, de nombreux efforts étant déployés pour changer la situation sociale de ce pays, notamment pour instaurer un revenu de base, formaliser de nombreux travailleurs dans le secteur de la santé, renforcer l’éducation, renforcer tout ce qui a trait aux aspects sociaux des travailleurs informels de Colombie, ce qui est le défi que nous devons relever et pour lequel j’ai demandé à l’OIT de nous accompagner, notamment dans le cadre de la mission pour l’emploi, pour nous aider à créer de nouvelles opportunités.
Aujourd’hui, nous sommes, nous les Colombiens, à la recherche de nombreuses possibilités de travailler et d’améliorer la situation. La présence de la Commission interaméricaine des droits de l’homme au cours des deux dernières semaines témoigne de l’engagement de ce gouvernement en faveur de la transparence. Nous espérons obtenir des résultats et comptons sur l’accompagnement de la commission.
Les portes de la Colombie sont ouvertes à la communauté internationale; nous ne cachons absolument rien. Au contraire, nous rejetons ces formes de violence dans les réseaux sociaux contre le gouvernement colombien.
Membres travailleurs – Nous devons attirer l’attention de tous les participants sur la résolution de 1970 de la Conférence internationale du Travail, concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles dans le cadre de la relation entre les droits de l’homme et les droits syndicaux. Nous rappelons que, selon le Règlement de la Conférence, notre commission a pour mandat d’examiner les mesures prises par les Membres pour donner effet aux dispositions des conventions auxquelles ils sont parties. Par conséquent, nos commentaires s’inscrivent dans le cadre de la convention.
Quant à la suggestion des employeurs selon laquelle nous pouvons reconstruire l’économie sans le plein respect des droits fondamentaux, elle est inimaginable et incompatible avec la Constitution et le mandat de cette Organisation, dont l’objet est la justice sociale.
Le rapport de la commission d’experts montre clairement que, dans le climat de violence endémique qui prévaut, les syndicats sont particulièrement visés pour leurs activités. Les syndicats doivent être particulièrement protégés. Comme le démontrent les interventions que nous avons entendues aujourd’hui, le gouvernement ne s’est pas conformé aux observations et aux conclusions des différents organes du système de contrôle de l’OIT s’agissant de la liberté syndicale et du droit d’organisation. Malheureusement, ce n’est pas faute d’assistance technique ou de ressources, puisque l’OIT et de nombreux gouvernements ont financé ou réalisé des projets visant à améliorer les relations professionnelles dans le pays et à permettre de réduire la violence et l’impunité.
Les agressions physiques brutales de l’armée et de la police contre des syndicalistes et d’autres membres de la société civile, depuis la fin avril, remettent à nouveau en question la volonté du gouvernement de respecter ses obligations envers cette Organisation.
Je tiens à souligner que ce qui se passe aujourd’hui n’est que la manifestation actuelle d’une guerre contre les syndicats qui est menée depuis des décennies. Les travailleurs, les syndicalistes et les syndicats subissent des préjudices importants depuis de nombreuses années, et les employeurs ne doivent pas minimiser cette situation.
Une réparation collective est nécessaire. Nécessaire pour surmonter les graves dommages de l’antisyndicalisme en Colombie. Dans le cadre des accords de paix, le décret no 624 du 18 avril 2016 ordonne la création et la réglementation de la commission pour la réparation intégrale du mouvement syndical. Cela étant, la commission n’a été créée que le 23 octobre 2019, en raison de la pression exercée par les confédérations syndicales. Réunie le 30 octobre pour adopter les modalités de fonctionnement de la commission, celle-ci n’a tenu aucune autre réunion depuis et rien n’a été entrepris pour faire progresser la mission qui lui a été confiée.
Aucun personnel technique n’a été recruté pour faciliter les travaux de la commission. Rien n’empêchait de mener une grande partie des travaux virtuellement pendant la pandémie. Le gouvernement semble manquer de la volonté nécessaire pour réaliser les progrès que nous attendons tous, afin que les travailleurs puissent enfin réaliser pleinement la promesse de la paix fragile en Colombie.
Ainsi, pour conclure, nous prions instamment le gouvernement de:
- tout d’abord, faire face à la violence antisyndicale en mettant fin à la stigmatisation antisyndicale et en dénonçant publiquement les meurtres de dirigeants de mouvements sociaux et de syndicats. En ce qui concerne l’impunité, les unités d’enquête et les tribunaux spécialisés dans l’investigation et la poursuite des crimes contre les syndicalistes doivent intensifier leurs efforts;
- deuxièmement, en consultation avec les syndicats, adopter les mesures préventives et réactives nécessaires pour garantir l’efficacité et l’efficience du programme de protection, y compris les mesures de protection individuelle et collective;
- troisièmement, en consultation avec les syndicats, adopter une législation interdisant l’utilisation de contrats syndicaux fictifs qui compromettent l’exercice effectif du droit à la liberté d’association par les syndicats légitimes;
- quatrièmement, veiller à ce que l’annulation des enregistrements syndicaux soit limitée aux violations graves de la loi, après avoir épuisé d’autres moyens d’action moins drastiques et s’assurer que ces mesures sont accompagnées de toutes les garanties nécessaires par des procédures judiciaires normales;
- cinquièmement, adopter les mesures législatives qui ont fait l’objet de commentaires répétés de la commission d’experts;
- sixièmement, veiller à ce que la commission pour la réparation intégrale du mouvement syndical soit convoquée immédiatement et travaille avec diligence pour s’acquitter pleinement de son mandat;
- septièmement, nous demanderons à la présente commission d’inclure ses conclusions sur ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.
Membres employeurs – Nous avons écouté attentivement et pris note des interventions de tous ceux qui ont pris la parole. Je remercie en particulier le ministre et la vice-procureure pour leurs interventions et les informations fournies, ainsi que les travailleurs et les employeurs pour leurs interventions.
Je voudrais réagir avec force et rejeter les allusions faites par le porte-parole des travailleurs à l’égard de certains des employeurs présents à la session de cette commission. Selon eux, nous serions favorables à la conclusion d’accords économiques ou à la recherche d’un développement économique qui feraient fi des droits de l’homme. Rien de la sorte n’a été dit dans l’hémicycle, je ne sais pas comment le porte-parole des travailleurs le justifie, mais nous le rejetons et nous demandons que cela soit retiré du procès-verbal de cette commission parce que c’est absolument faux.
Je veux également mentionner le fait que le porte-parole des travailleurs a indiqué qu’il ne s’agit pas d’un cas de progrès. Que les travailleurs soient d’accord ou non ne change rien à ce que nous pensons de ce cas et nous persistons à dire que, d’après nous, les éléments dont on dispose sont suffisants pour le considérer comme un cas de progrès, et que ce fait devra être mentionné dans les conclusions du cas.
Enfin, je voudrais également réagir aux commentaires que plusieurs intervenants ont faits sur les manifestations en Colombie. Il nous semble que cela sort du cadre des commentaires de la commission d’experts et, par conséquent, nous allons demander et soutenir la demande du gouvernement colombien de les retirer du procès-verbal de cette réunion.
Le gouvernement colombien, selon nous, respecte les organes de contrôle de cette instance et a renforcé les projets de coopération avec le Bureau, entièrement financés par des fonds de l’État colombien depuis 2006, date de la signature de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie. La signature de l’accord de 2006 a constitué une étape historique pour l’OIT et, surtout, pour le gouvernement colombien, et les travailleurs et les employeurs de ce pays.
Comme l’a dit à juste titre le ministre, la Colombie a changé. La coopération de l’OIT, le tripartisme, le dialogue social et l’engagement total, décisif et coordonné de tous les organes de l’État au plus haut niveau sont les éléments clés de ce changement.
Bien sûr, le travail doit se poursuivre et beaucoup reste à faire pour redresser la situation. La durabilité et la confiance de la société civile dans les institutions; la culture de la collaboration et de la non-confrontation; la résolution de tous les types de conflits par le dialogue; l’adaptation équilibrée des dispositions de la législation du travail, établie collectivement; le respect et la protection des droits de l’homme des travailleurs et des employeurs; les entreprises durables qui créent des emplois authentiques, décents et productifs et le travail décent sont autant d’aspects fondamentaux.
Nous sommes en présence d’un État qui a travaillé, qui travaille et qui entend continuer à travailler avec l’OIT, le dialogue étant essentiel pour obtenir des résultats concrets, mesurables et ayant un impact positif.
Nous sommes en présence d’un État qui s’est engagé à respecter les normes internationales du travail de l’OIT, à les appliquer effectivement en droit et en pratique, ainsi que le système de contrôle de l’OIT, auquel il contribue année après année.
Nous sommes face à un État qui cherche à consolider des entreprises durables et à assurer aux travailleurs la pleine garantie de leurs droits pour contribuer au développement d’une société prospère, avec des emplois productifs, durables et résilients et en quête d’un travail décent.
Cette commission doit prendre note des efforts positifs déployés par le gouvernement avec les partenaires sociaux et l’encourager à continuer de progresser et d’en rendre compte dans son prochain rapport régulier. L’OIT devrait continuer à soutenir la Colombie dans cet effort soutenu et de longue haleine pour intensifier les progrès accomplis et poursuivre sur la voie du respect de la liberté syndicale que consacre la convention.
La commission doit également inviter le gouvernement à continuer de fournir des informations sur l’avancée des enquêtes et les résultats obtenus dans son prochain rapport régulier.
La commission doit également conclure que la législation renforcée de la liberté syndicale en Colombie concernant l’annulation de l’enregistrement judiciaire d’un syndicat est conforme à la convention no 87 et répond à l’objectif de protection des organisations syndicales.
Conclusions de la commission
La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement et par écrit, et de la discussion qui a suivi.
La commission salue les efforts déployés par le gouvernement dans l’application en droit et dans la pratique de la convention. La commission se félicite des mesures positives que le gouvernement a prises pour remédier à la situation de violence dans le pays, et elle encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour garantir un climat exempt de violence.
Prenant en compte la discussion et reconnaissant les difficultés qui demeurent, la commission prie le gouvernement colombien de veiller à ce que le Bureau permanent de concertation pour l’octroi d’une réparation collective au mouvement syndical soit convoqué, et à ce qu’il agisse pour s’acquitter pleinement de son mandat.
La commission prie le gouvernement de continuer à fournir dans son prochain rapport des informations sur toutes les mesures prises en consultation avec les partenaires sociaux.
Autre représentante gouvernementale – Nous sommes reconnaissants pour les conclusions établies par la commission. Nous souhaitons réitérer l’engagement du gouvernement colombien envers les obligations que nous avons contractées en tant que membre de cette assemblée.
Nous n’ignorons pas que la commission est la pierre angulaire des organes de contrôle; les discussions de grande envergure témoignent du rôle important que joue la commission dans le cadre de la Conférence internationale du Travail. La commission a pour objectif de donner aux délégués l’occasion d’examiner, par un dialogue constructif, le respect par les États des obligations qui leur incombent au titre des conventions qu’ils ont ratifiées. Dans notre cas, plus précisément la convention no 87.
Nous espérons que les méthodes de travail de la commission continueront à être améliorées, notamment l’application du règlement mentionné dans le document D.1, paragraphes 21, 29, 44 et 45.
Les conclusions adoptées par la commission sont pour les États des outils de grande valeur qui nous permettent de continuer à améliorer l’application des normes internationales du travail. Nous remercions la commission pour avoir reconnu les efforts du gouvernement, et nous indiquons que nous sommes résolus à continuer à œuvrer pour la défense des travailleurs. Nous ne ménagerons aucun effort pour continuer à progresser dans la protection des droits fondamentaux. Nous espérons pouvoir compter à nouveau sur le soutien de l’OIT pour l’approfondissement du dialogue social en Colombie. Le dialogue social est un instrument efficace et essentiel pour renforcer la démocratie et la participation sociale. Nous continuerons à œuvrer pour garantir le droit à la liberté syndicale et le droit d’association et pour faire progresser efficacement les mesures de réparation collective en faveur du mouvement syndical.
Une représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement colombien tient en haute estime les espaces de dialogue qui permettent d’analyser de manière objective la situation dans le pays, les progrès et les difficultés, et de proposer des initiatives visant à poursuivre le renforcement des capacités institutionnelles et les politiques publiques aux fins de promouvoir la garantie des droits et le bien-être de l’ensemble de la population.
Tout comme en 2008, la Colombie est présente pour fournir des informations sur les faits nouveaux survenus au cours de l’année écoulée et entendre les commentaires que les délégations voudront lui adresser. Le gouvernement colombien s’en félicite et saisit l’occasion qui lui est donnée pour dresser un état des lieux quant aux progrès réalisés dans la mise en oeuvre de la convention no 87, que la commission d’experts, dans son rapport de 2009, qualifie de cas de progrès. La commission d’experts a exprimé sa satisfaction pour les mesures prises par le gouvernement en matière de liberté syndicale, de protection des dirigeants syndicaux et des affiliés, de lutte contre l’impunité et d’enquête sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes.
Le Comité de la liberté syndicale a abouti aux mêmes conclusions dans son analyse du cas no 1787 en notant, pour ce qui est des actes de violence, que des avancées considérables ont été réalisées. S’agissant des recommandations du comité, l’oratrice a signalé que son gouvernement avait déjà répondu et fourni les informations demandées.
Le gouvernement ne peut nier que la violence qui frappe le pays depuis plus de quatre décennies a eu une incidence sur le mouvement syndical, et c’est pourquoi il n’a ménagé aucun effort pour renforcer l’efficacité des programmes de protection destinés aux syndicalistes comme à d’autres catégories de population vulnérables. Le gouvernement poursuit inlassablement ses efforts pour éradiquer les facteurs générateurs de violence, c’est-à-dire principalement le trafic de drogue, les délits qui y sont liés et les autres formes de crime organisé qui servent à financer les groupes armés illégaux responsables d’actes terroristes.
Au cours des sept dernières années, grâce à la politique de sécurité démocratique, le taux des homicides dans la population colombienne a diminué de 44,1 pour cent, et celui des homicides commis à l’encontre de syndicalistes a chuté de 81 pour cent. A la date du 3 juin 2009, on avait enregistré dans le pays 6 722 homicides, dont 14 contre des personnes liées au mouvement syndical. En 2008, à la même date, on dénombrait 22 homicides de syndicalistes, et 116 en 2002.
D’après les centrales syndicales, le nombre de morts violentes de syndicalistes survenues depuis le début de 2009 s’élève à 17. Il faut noter à ce propos que les écarts entre les chiffres officiels et ceux avancés par les organisations de travailleurs sont fréquents. De l’avis du gouvernement, il faudrait que les parties parviennent à un accord sur la méthodologie en vue d’améliorer les techniques statistiques, ce qui ne pourrait que renforcer les capacités de diagnostic et de mise en évidence d’un phénomène qu’il y a lieu d’éradiquer. L’oratrice a souligné qu’il est question ici de vies humaines qui méritent toute l’attention du gouvernement qui condamne ces actes.
Le gouvernement a proposé que, dans le cadre de l’Accord tripartite et avec le soutien et la coopération de l’OIT, les travailleurs, les employeurs et le gouvernement étudient des formules qui permettraient d’avancer sur la voie de la recherche d’accords dans le domaine de la méthodologie.
S’agissant des progrès réalisés en matière d’enquêtes relatives aux cas de violations des droits de l’homme des syndicalistes, depuis la signature de l’Accord tripartite pour la liberté d’association et la démocratie, lors de la 95e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 2006, des progrès importants ont été enregistrés, comme le montre le nombre de condamnations prononcées au cours des trois dernières années.
Les efforts conjoints du Procureur général de la Nation, par le truchement de la sous-unité spécialisée dans les cas de violences perpétrées contre des syndicalistes, et du Conseil supérieur de la magistrature, qui a institué trois juridictions permanentes chargées exclusivement d’enquêter sur les délits envers des syndicalistes, ont renforcé l’action de l’Etat colombien en matière de lutte contre l’impunité, ce qui a permis de faire la lumière sur certaines affaires et de traduire les coupables en justice. Les choses ont beaucoup progressé depuis 2002 en matière d’investigations. A ce jour ont été prononcés 118 jugements, dont 75 en 2008, en vertu desquels 291 personnes ont été condamnées et 175 privées de liberté. S’agissant des homicides de syndicalistes commis en 2009, trois personnes ont déjà été interpelées. Les peines prononcées à ce jour pour les faits commis en 2008 montrent que les décès des travailleurs syndiqués avaient pour cause des faits similaires à ceux à l’origine des morts violentes survenues dans l’ensemble de la population colombienne, à savoir la délinquance, le vol ou des motifs d’ordre personnel.
Les mesures prises en matière de lutte contre l’impunité complètent celles adoptées dans le cadre de la politique de protection et de garantie des droits des travailleurs par le Programme de protection, à travers lequel s’organisent des plans de sécurité à l’intention de catégories de la population qui se sentent menacées ou vulnérables devant le climat de violence qui règne dans le pays. Pour 2009, le budget national prévoit une somme de 45 millions de dollars pour la protection desdites catégories, dont les milieux syndicaux.
S’agissant des normes du travail, le gouvernement respecte les principes du mandat inscrit dans la Constitution de l’OIT dans la mesure où il procède à l’adoption des mesures nécessaires pour donner plein effet aux conventions ratifiées. A cet égard, les normes du travail doivent être appliquées, tant en droit qu’en pratique. Pour ce faire, la Colombie s’est attelée à un processus ininterrompu d’harmonisation de sa législation du travail avec l’esprit et la lettre des conventions internationales du travail auxquelles elle est partie, réaffirmant ainsi l’attachement total du gouvernement aux principes et droits fondamentaux au travail.
En 2008, soucieux de durcir la lutte contre la violence qui frappe aussi durement les organisations syndicales que l’ensemble de la population, le gouvernement a proposé au Congrès de la République un projet de loi visant à allonger le délai de prescription et de condamnation pour les homicides de membres des organisations syndicales. Ce texte augmente la peine à laquelle s’expose toute personne qui empêche ou perturbe l’exercice de la liberté syndicale. La procédure d’approbation de la loi est à un stade avancé; il ne manque plus que le débat en session plénière du Sénat pour que la nouvelle loi puisse recevoir la sanction présidentielle avant d’être promulguée.
De même, en 2008 a été promulguée la loi no 1210 qui transfère aux juges la faculté de déclarer l’illégalité des actions collectives d’arrêt ou de suspension du travail pour non-respect de la loi. En vertu de ce texte, c’est la Chambre du travail du Tribunal supérieur compétent qui statue, et non plus une autorité administrative. Dans le même esprit a été modifiée la disposition du Code du travail qui attribuait au ministère de la Protection sociale la faculté d’ordonner une procédure d’arbitrage obligatoire lorsque la durée d’une grève dépasse soixante jours. Dorénavant, la demande visant à soumettre un différend à une procédure d’arbitrage doit provenir des deux protagonistes – employeur et travailleur – ce qui a eu pour effet de remédier à une autre divergence entre la législation et les normes internationales du travail, conformément aux recommandations de la commission d’experts.
Le ministère de la Protection sociale s’en remet aux mécanismes d’inspection, de surveillance et de contrôle appropriés qui permettent aux travailleurs d’introduire des recours sur l’ensemble du territoire national lorsqu’ils sentent leurs droits au travail menacés.
Avec l’aide de l’Agence de la coopération des Etats-Unis d’Amérique s’élabore une stratégie d’inspection préventive prévoyant une intervention dans des secteurs économiques critiques afin de renforcer la structure organique des directions territoriales du ministère de la Protection sociale et d’examiner les missions confiées à l’inspection du travail. De même, depuis la promulgation du décret 1294 de 2009, 212 postes nouveaux ont été créés dans les Services d’inspection et de surveillance, dont 135 postes d’inspecteurs du travail. Sur ce total, 95 seront pourvus en 2009 et 40 en 2010.
S’agissant des coopératives de travail associé, en 2008 a été approuvée la loi no 1233 qui précise les éléments structurels des cotisations de sécurité sociale et instaure des cotisations spéciales à charge des coopératives et précoopératives de travail associé. Cette même loi interdit le versement de rémunérations inférieures au salaire minimum et interdit l’utilisation de ce mécanisme d’intermédiation en matière d’emploi. Par ailleurs, a été promulgué le décret 535 de 2009 qui arrête la procédure et les cas dans lesquels peut être entamée une procédure de conciliation dans les organes de l’Etat et privilégie le dialogue pour traiter la question des conditions de travail dans le secteur public et réglementer les rapports entre employeurs et salariés dans les organismes publics. Ce décret ouvre un chapitre nouveau du droit de négociation pour les agents de la fonction publique en Colombie. Il a déjà donné des résultats concrets et satisfaisants, vu que des procédures de concertation sont déjà en place dans le district de Bogotá ainsi que dans les ministères de la Protection sociale et de l’Education et qu’un accord a été conclu avec la fédération qui regroupe les enseignants du secteur public de Colombie (FECODE).
S’agissant de l’enregistrement des organisations syndicales, en 2008, la Cour constitutionnelle a ordonné au ministère de la Protection sociale d’accepter l’inscription de nouvelles organisations syndicales de même que les modifications de leurs statuts. Ces décisions sont en voie d’application totale.
Le gouvernement est conscient de l’importance du dialogue social en tant qu’outil fondamental du renforcement des relations de travail. L’oratrice a réitéré la détermination du gouvernement à dynamiser les enceintes tripartites existantes, à améliorer leur fonctionnement et à jeter les bases qui permettront de dégager des accords et des résultats tangibles à moyen terme.
La Commission de concertation sur les politiques salariales et du travail s’est réunie régulièrement en 2009 sous l’égide du ministre de la Protection sociale afin d’analyser l’impact de la crise économique et financière mondiale sur l’emploi dans le pays.
L’oratrice a mis en exergue le travail réalisé par la représentation de l’OIT en Colombie pour la préparation de l’Accord tripartite qui a contribué à donner une impulsion nouvelle à la Commission spéciale chargée du règlement des conflits auprès de l’OIT (CETCOIT). Pour son gouvernement, il s’agit là d’une enceinte de grand intérêt à laquelle il faut donner plus de moyens pour rechercher des solutions à des conflits du travail qui surviennent entre acteurs sociaux colombiens, avant de les porter devant les instances compétentes de l’OIT. Tout aussi importantes sont les procédures introduites devant la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme, dans laquelle siègent les services d’enquête, le gouvernement et les syndicats afin d’analyser et donner suite aux enquêtes sur des cas de violences contre des dirigeants syndicaux et affiliés.
Le gouvernement est déterminé à consolider et renforcer ces espaces de dialogue et prêt à consentir les efforts supplémentaires qui s’imposent pour garantir l’obtention de meilleurs résultats. Il estime que certains projets de coopération menés à bien dans le cadre de l’Accord tripartite permettent de formuler un diagnostic sur la situation de ces espaces de dialogue dans l’optique de les renforcer et de faciliter ainsi la conclusion d’accords.
Le programme de coopération technique est un élément essentiel du fonctionnement de l’Accord tripartite et c’est pourquoi l’assistance de l’OIT, à travers son siège de Genève, son bureau régional de Lima et sa représentation permanente en Colombie, a été fondamentale. Depuis l’ouverture de cette dernière à Bogotá, les partenaires sociaux ont œuvré sans relâche afin de réaliser les activités du programme et d’assurer un suivi adéquat des projets par des réunions tripartites régulières. Pour la plupart, ces projets ont été financés par le gouvernement colombien, tout en bénéficiant de l’aide à la coopération des gouvernements canadien et américain. Afin de mener à bien le programme de coopération, le gouvernement a déjà alloué un budget pour l’année en cours et est en train de négocier des moyens supplémentaires pour 2010.
Le gouvernement reste ouvert au dialogue et conserve une volonté inébranlable de poursuivre ses efforts afin d’améliorer chaque jour les conditions de vie de l’ensemble de la population et de garantir l’exercice des droits de tous les citoyens, y compris les travailleurs syndiqués. Dans cet esprit, il accorde un grand intérêt aux suggestions faites de manière constructive et qui contribueront à encore renforcer les institutions et les politiques orientées vers la réalisation de ces objectifs.
Pour conclure, le gouvernement a apprécié le fait que la commission d’experts ait considéré la Colombie comme un cas de progrès. Cette reconnaissance l’incite à poursuivre sur la voie qu’il s’est tracée depuis la signature de l’Accord tripartite et à persister dans la recherche d’accords, en dépit des différences de points de vue possibles entre les partenaires sociaux.
Les membres travailleurs ont remercié la représentante gouvernementale de la Colombie pour les informations qu’elle a communiquées. Ils ont rappelé qu’en 2008 la Commission de l’application des normes avait conclu l’examen de ce cas en exprimant sa préoccupation face à l’augmentation des actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes. Elle avait demandé au gouvernement de continuer à renforcer les mesures existantes de protection et de s’assurer que les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes puissent aboutir rapidement. En outre, une augmentation des ressources nécessaires pour lutter contre l’impunité, et notamment la nomination de juges supplémentaires spécialisés dans le traitement des cas d’actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes, avait été exigée. Toutes ces mesures avaient été vues comme des éléments essentiels pour que le mouvement syndical puisse mener ses activités et se développer dans un climat exempt de violence. La commission avait par ailleurs noté la déclaration du gouvernement selon laquelle le dialogue se poursuivait sur plusieurs sujets, tels que les services publics essentiels, les coopératives, et le renforcement de l’inspection du travail. Elle avait exprimé l’espoir que diverses dispositions législatives seraient adoptées afin de ne pas priver les travailleurs de la liberté syndicale et de la négociation collective et de leur garantir, y compris dans le secteur public, le droit de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et de s’affilier à celles-ci, conformément à la convention. Enfin, la commission avait considéré que le renforcement de la présence du BIT en Colombie était nécessaire pour faciliter la mise en oeuvre effective de l’Accord tripartite de 2006 et avait demandé un rapport détaillé sur toutes les questions rappelées ci-dessus pour la session de la commission d’experts de novembre-décembre 2008.
Les membres travailleurs ont relevé que, dans le dernier rapport de la commission d’experts, la Colombie figure comme un cas de progrès pour l’application de la convention no 87. En 2008, le représentant gouvernemental de la Colombie déclarait devant cette commission que «discuter d’un cas en progrès requiert une analyse objective permettant de rechercher des mécanismes pour avancer sur le thème qui doit nous intéresser et nous réunir: l’amélioration des conditions de travail en Colombie. Cet exercice exige de rappeler et d’affronter le passé, de regarder et d’analyser le présent, et de pouvoir prévoir les efforts qu’il conviendra de poursuivre...». Les membres travailleurs ne peuvent que souscrire à ces propos. Un an après ces promesses et trois ans après la conclusion de l’Accord tripartite et l’organisation de la mission de haut niveau, le moment est venu de faire le point sur l’évolution d’une situation qui dure depuis plus de vingt ans. Il nous faudra parler, cette année encore, des assassinats, de l’impunité et des coopératives de travail associé, ainsi que des activités du bureau du BIT en Colombie, qui ont démarré en 2007 mais sont actuellement au point mort depuis que le représentant du bureau a été rappelé au siège du BIT. A ce stade, les membres travailleurs ont déclaré se concentrer sur un certain nombre de points soulevés dans le rapport de la commission d’experts.
En ce qui concerne la question des droits syndicaux et des libertés civiles et politiques, il est vrai qu’en 2007, dans le cadre de son programme de protection de personnes menacées, le gouvernement a affecté 13 millions de dollars, sur un budget total de 40 millions de dollars, à la protection de membres du mouvement syndical, qui représentaient 20 pour cent des bénéficiaires de ce programme. Selon le rapport de la commission d’experts, en 2008, le budget était estimé à 45 millions de dollars et, en juin 2008, 1 466 syndicalistes en avaient bénéficié, soit 18 pour cent des bénéficiaires. En outre, un système de rapports, en principe obligatoires, à destination notamment du Département administratif de la sécurité et portant sur les risques encourus par les syndicalistes et sur leur protection avait été mis en place et un réseau virtuel devait être créé pour faire face en temps réel aux alertes de risques. Cependant, le rapport de la commission d’experts relève également que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru. La Colombie reste l’un des pays les plus dangereux pour ceux qui revendiquent le libre exercice du droit d’association et ce droit est mis en échec tant par les autorités publiques que par certains employeurs. Quarante-huit syndicalistes ont été assassinés en 2008, et on compte déjà 17 assassinats de syndicalistes entre le 1er janvier et le 12 mai 2009. Les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement et les employeurs à mettre tout en oeuvre pour que cessent toutes les formes de persécution à l’égard des organisations syndicales et de leurs membres. Un dialogue social efficace avec des syndicats libres et responsables est une condition essentielle pour sortir le pays de la crise économique et un facteur de développement pour une croissance économique durable. Cela a été souligné par de nombreux orateurs au cours des discussions qui ont eu lieu la semaine dernière. Les membres travailleurs ne comprendraient pas que la Colombie fasse exception sur ce point.
Pour ce qui est de la lutte contre l’impunité, les trois centrales syndicales nationales reconnaissent les efforts déployés par le Procureur général de la Nation en vue de faire avancer les enquêtes relatives aux cas de violations des droits fondamentaux des syndicalistes. Toutefois, s’il est vrai qu’une sous-unité spéciale a été créée pour poursuivre et punir les homicides perpétrés contre des syndicalistes depuis 1986, on constate un ralentissement dans les enquêtes. En outre, la motivation de certains jugements est ambiguë et crée une confusion de genre entre des actes perpétrés en relation avec l’exercice de la liberté syndicale et des crimes passionnels ou de droit commun. Les enquêtes criminelles en matière d’actes contre la liberté d’association et la liberté syndicale tels que visés à l’article 200 du Code pénal démontrent que cette loi est encore mal appliquée et ne produit pas les résultats escomptés. Si certains résultats positifs ont été constatés au niveau du pouvoir judiciaire et du bureau du Procureur général, les membres travailleurs ont déploré que le taux d’impunité dans les cas de violations des droits des responsables syndicaux et des travailleurs soit encore de 96 pour cent. Selon les informations dont ils disposent, entre 2008 et 2009, le bureau du Procureur général n’a enregistré aucune avancée significative dans les enquêtes criminelles en cours. Sur les 2 707 assassinats dénoncés par les organisations syndicales, seulement 1 119 ont fait l’objet d’une enquête et 645 sont en phase d’instruction. Cela signifie que, dans la moitié des cas, aucun auteur matériel des faits n’a été identifié, sans parler des commanditaires.
La commission d’experts a noté la mise en place de la Commission interinstitutionnelle des droits fondamentaux des travailleurs qui s’est réunie le 29 juillet 2008. Tout en reconnaissant que des représentants des travailleurs ont participé aux travaux de cette commission, les membres travailleurs ont déploré que la mise en oeuvre des actions projetées prenne trop de temps, et déclaré ne pas pouvoir se contenter de réponses purement cosmétiques aux vrais problèmes que rencontre le syndicalisme en Colombie. La réponse réside dans le respect effectif, sur le terrain, du dialogue social à travers ses deux composantes fondamentales: la liberté syndicale et le droit de négociation collective.
Le rapport de la commission d’experts ne soulève pas de nouveaux points concernant les coopératives de travail associé et les autres formes d’externalisation qui minent le droit à un travail décent. En 2006, le gouvernement avait adopté un décret interdisant l’utilisation des coopératives comme intermédiaires ou agences de travail temporaire et, aujourd’hui, de nouvelles lois sur la sécurité sociale ou les salaires minima sont annoncées. Lorsque les travailleurs effectuent, dans le cadre d’une relation de subordination, des tâches qui s’inscrivent dans le cadre normal des activités de l’entreprise, ils doivent être considérés comme des salariés employés dans le cadre d’une véritable relation de travail et bénéficier de ce fait du droit de s’affilier à une organisation syndicale. Dans la réalité cependant, les violations constantes des dispositions des conventions nos 87 et 98 renforcent de facto l’action des coopératives.
Les membres travailleurs ont également dénoncé des pratiques déjà signalées en 2008 et qui se poursuivent, comme les «pactes collectifs», ou encore les plans d’avantages volontaires (Planes de beneficio voluntario) par lesquels les employeurs offrent certains avantages tels qu’une légère augmentation de salaire aux travailleurs qui renoncent à se syndiquer ou à bénéficier de la couverture offerte par la négociation collective. La Constitution colombienne et la législation nationale font référence au principe du dialogue et de la concertation en vue de promouvoir de bonnes relations entre les employeurs et les travailleurs, de résoudre les conflits collectifs, et de mener des politiques concertées en matière de salaires et de conditions de travail. Cependant, en dépit de cet ancrage législatif, le dialogue social n’est pas effectif et les réformes envisagées le sont sans consultation des organisations syndicales. En conséquence, les membres travailleurs ont instamment demandé au gouvernement de prouver la bonne volonté dont il se prévaut en mettant en oeuvre de manière effective le dialogue social, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
En ce qui concerne les questions législatives, la commission d’experts a rappelé dans son dernier rapport qu’elle formule des commentaires sur l’application des articles 2, 3 et 6 de la convention no 87 depuis plusieurs années sans résultat tangible. Elle a cependant noté avec satisfaction une évolution portant sur un point très limité relatif à l’article 3, paragraphe 2, de la convention, du fait que la loi confie désormais à la seule autorité judiciaire, dans le cadre d’une procédure préférentielle, le droit de déclarer une grève illégale. Les trois centrales syndicales de Colombie accueillent avec intérêt cette modification législative et souhaitent que, dans ce domaine, la jurisprudence des tribunaux judiciaires s’inspire de la jurisprudence constante du Comité de la liberté syndicale.
Pour le surplus, les commentaires de la commission d’experts confirment des questions déjà soulevées par le passé et qui sont restées sans réponse à ce jour. Selon les membres travailleurs, des modifications ont certes été apportées à la législation, mais sur un point très ponctuel et elles doivent encore faire leurs preuves quant à leur application dans la pratique. Ils se sont dès lors interrogés sur le point de savoir si l’inclusion de ce cas individuel dans la liste des «cas de progrès» se justifiait par rapport aux autres cas figurant dans cette même liste et au regard des critères définis par la commission d’experts en 2005. En effet, on est loin de pouvoir dire que «le problème particulier est réglé» au sens de ces critères. Dans le contexte spécifique de la Colombie, une modification législative ne peut être évaluée en dehors du contexte constitué par les assassinats, les atteintes aux droits humains et l’impunité persistante. Il ne s’agit de toute évidence pas d’un cas de progrès: des évolutions se profilent, mais les membres travailleurs restent très inquiets.
Les membres employeurs ont félicité le gouvernement d’avoir choisi d’être le premier à comparaître devant la commission cette année, et ont salué la déclaration faite par le vice-ministre de la Protection sociale. Ils ont pris bonne note des informations transmises concernant la baisse du nombre d’assassinats en général, et d’assassinats de syndicalistes en particulier. Un assassinat est toujours un assassinat de trop et, malgré les progrès considérables réalisés dans ce domaine, des citoyens de tous les horizons continuent de risquer leur vie. Le gouvernement a fait état de l’augmentation du nombre de poursuites judiciaires, de lois et de décisions judiciaires adoptées concernant les coopératives, l’enregistrement des syndicats et le règlement des conflits lorsque la négociation collective se trouve dans l’impasse. Ces changements ont eu lieu récemment et la commission d’experts, dans son rôle d’établissement des faits, devra évaluer l’évolution de la situation juridique qui semble très positive. Le gouvernement a aussi communiqué des faits positifs concernant le dialogue social.
C’est le seul cas sur la liste pour lequel la commission d’experts a exprimé sa satisfaction sur quelques aspects de la situation en cause. Selon la définition du Merriam-Webster Dictionary, le progrès est un mouvement en avant (vers un objectif ou un but) ou une amélioration graduelle, s’agissant en particulier de l’évolution progressive de l’humanité. De même, le Cambridge Dictionary définit le progrès comme une transformation vers le mieux ou une amélioration. S’il lui reste encore beaucoup à faire pour se conformer pleinement aux dispositions de la convention, le gouvernement colombien a pris régulièrement des mesures significatives positives ces dix dernières années.
Au fil des années, les membres employeurs ont adopté une approche de principes pour examiner ce cas. Pendant vingt-cinq ans, ce cas a été examiné de manière ininterrompue jusqu’en 2005, dans le contexte de la guerre civile la plus longue de l’histoire. Au cours de ces vingt-cinq années, peu de progrès ont été enregistrés. En février 2000, une mission de contacts directs a été envoyée en Colombie, suivie de la nomination d’un Représentant spécial du Directeur général par le Conseil d’administration en 2001, et de l’autorisation d’un programme de coopération technique en 2003. En 2005, un Accord tripartite historique a été conclu lors de la Conférence internationale du Travail, et la délégation colombienne tripartite a été ovationnée par la présente commission. Lors de la session de 2005 de la Conférence internationale du Travail, la Colombie a accepté la visite tripartite de haut niveau du président du Comité de la liberté syndicale et des vice-présidents employeur et travailleur de cette commission. Pendant cette visite, ils ont bénéficié d’un libre accès et d’une pleine transparence, et ils ont notamment rencontré le Président. Le 1er juin 2006, un Accord tripartite sur la liberté syndicale et la démocratie a été signé à Genève dans le but de renforcer la protection des droits fondamentaux – en particulier, la protection des dirigeants syndicaux, des libertés des syndicats, de la liberté syndicale et la promotion du travail décent. Pour faciliter l’application de cet accord, le BIT a établi un bureau permanent à Bogotá. Au cours de la session de 2007 de la Conférence internationale du Travail, une mission de haut niveau a été créée pour identifier les besoins complémentaires devant permettre l’application effective de cet accord et la mise en oeuvre du programme de coopération technique en Colombie. La mission de haut niveau s’est rendue à Bogotá en novembre 2007 et a établi un rapport très positif qui n’a pas suscité d’opposition au sein du Conseil d’administration.
Les principaux points soulevés par la commission d’experts dans le présent cas concerne la situation de violence et d’impunité qui règne dans le pays, ainsi que quelques questions juridiques et législatives, dans le contexte de plusieurs décennies de guerre civile. Depuis 2001, le niveau de violence à l’égard des syndicalistes a considérablement baissé, tout comme le taux global d’homicides. Il est important de souligner que, parmi les cibles, ne figurent pas seulement des syndicalistes, mais aussi des enseignants, des juges et d’autres personnalités de premier plan de la société colombienne. L’année dernière, la commission s’est dite préoccupée par la montée de la violence à l’égard des syndicalistes en 2008. La commission d’experts a indiqué dans son dernier rapport que le budget de la protection a augmenté de 43 millions de dollars E.-U., dont 30 pour cent sont exclusivement consacrés à la protection des syndicalistes. Le Comité de la liberté syndicale, dans son 353e rapport, cas no 1787, a indiqué: «En ce qui concerne les actes de violence en particulier, le comité observe que des progrès considérables ont été réalisés pour lutter contre la violence». Ces deux dernières années, la commission d’experts a indiqué que les centrales syndicales colombiennes ont reconnu les efforts accrus déployés par le Procureur général de la Nation pour garantir les poursuites et les condamnations. Si un seul verdict a été rendu en 2000, 76 verdicts ont été rendus en 2008. Conformément aux commentaires de la commission d’experts, le gouvernement doit de toute urgence, par l’intermédiaire d’actions systématiques des procureurs et des juges, poursuivre ses efforts. Les membres employeurs espèrent que ces mesures permettront de renforcer la lutte contre l’impunité.
S’agissant des questions législatives soulevées par la commission d’experts, l’un des points importants concerne le recours inapproprié aux coopératives, un point qui a suscité l’attention de la mission tripartite de haut niveau lors de sa visite en Colombie en 2005. Comme la commission d’experts l’a souligné, dans de telles circonstances, les salariés devraient être considérés comme des salariés ordinaires, relevant des mêmes dispositions et conditions d’emploi et d’éligibilité à l’affiliation à un syndicat. Les membres employeurs ont pris note du décret proposé en 2007 qui vise à garantir des conditions égales pour tous dans ce domaine, comme indiqué par le gouvernement, et demandent à ce qu’il soit rapidement adopté.
En ce qui concerne les observations faites par la commission d’experts sur les obstacles à l’enregistrement des syndicats et à l’exercice de leurs activités, il est compréhensible que, dans le climat d’instabilité actuel, le gouvernement cherche à s’assurer que les activités syndicales ne dépassent pas le champ des activités habituelles des syndicats; toutefois, selon l’article 2 de la convention, les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix. Le gouvernement a reconnu ce point et a apporté des changements en la matière.
Par ailleurs, gardant à l’esprit que la convention n’accorde pas expressément le droit de grève, les membres employeurs ont pris note de la législation dont la représentante gouvernementale a fait état aujourd’hui, qui devrait permettre aux parties de créer leur propre processus de règlement de conflit au lieu du processus actuel d’arbitrage obligatoire. En outre, des ressources substantielles devraient être allouées au système judiciaire et aux tribunaux du travail, ainsi que pour renforcer les services d’inspection du travail. Enfin, des mesures dynamiques devraient être prises pour donner suite aux autres questions soulevées par la commission d’experts.
Pour conclure, les membres employeurs ont exprimé l’espoir que le gouvernement poursuivra ses efforts pour améliorer la situation comme il l’a fait par le passé.
Le membre gouvernemental de la République tchèque, s’exprimant au nom des Etats membres de l’Union européenne, de la Norvège, et de la Suisse, a déclaré que la violence à l’égard des syndicalistes en Colombie reste une préoccupation majeure. Malgré les efforts inlassables du gouvernement colombien, 17 syndicalistes ont été assassinés depuis le début de l’année. Compte tenu du fait que l’on ne peut pas venir à bout de la violence sans lutter contre l’impunité, il faut encourager le gouvernement à intensifier ses activités d’investigation concernant les violations des droits humains des membres de syndicats. A cet égard, l’orateur a salué l’élargissement de la sous-unité du Bureau du Procureur général qui est en charge des affaires concernant les syndicalistes, comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts. Bien que le nombre de cas de violences à l’encontre de syndicalistes faisant l’objet d’une enquête soit supérieur à celui concernant les autres victimes de violence, il faut exhorter le gouvernement à redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre l’impunité.
Si les efforts du gouvernement pour améliorer la situation doivent être reconnus, la violence empêche toujours les organisations de travailleurs et d’employeurs d’exercer librement leurs activités. En conséquence, l’orateur a réitéré son soutien au programme de protection des syndicalistes et encouragé le gouvernement à garantir que tous les syndicalistes exposés à des risques bénéficient de mesures de protection appropriées et fiables.
Notant avec intérêt les progrès récemment enregistrés dans la législation, notamment l’amendement des dispositions relatives à l’instance chargée de rendre des décisions sur la légalité de la grève, adopté en août dernier, l’orateur a exhorté le gouvernement, tout comme l’a fait la commission d’experts, à prendre sans tarder toutes les mesures nécessaires à l’amendement d’autres dispositions législatives dont il est fait état dans le rapport de la commission d’experts, de manière à les rendre pleinement conformes aux dispositions de la convention. Dans cette perspective, il convient de souligner l’importance de renforcer la coopération entre le gouvernement et les partenaires sociaux. La coopération étroite avec le BIT et sa représentation à Bogotá est cruciale à cet égard.
L’orateur a donc réitéré la demande faite au Directeur général de fournir une évaluation du rôle de la présence du BIT à Bogotá dans l’appui à la promotion des relations professionnelles en Colombie. Enfin, l’orateur a indiqué qu’il appuyait pleinement les travaux du BIT et de sa représentation permanente à Bogotá, visant à contribuer au plein respect des conventions fondamentales no 87 et no 98 de l’OIT et à promouvoir les relations professionnelles, le rôle des syndicats, le dialogue social et le programme de coopération technique en Colombie, conformément à l’Accord tripartite.
Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que, au cours des vingt dernières années, la commission d’experts a formulé 19 observations à propos de l’application de la convention no 87 en Colombie, laquelle a comparu à 15 reprises devant la commission. Cela veut dire que, d’une part, le gouvernement colombien continue à violer la convention no 87 et que, d’autre part, cette situation reste sans solution en dépit des efforts du BIT. Chaque fois, le gouvernement s’est engagé, a fait des promesses qu’il n’a jamais tenues. Il en va de même pour les 137 cas soumis au Comité de la liberté syndicale. Dans presque tous les cas, le gouvernement n’a pas suivi les recommandations.
Il s’agit de violations graves qui font s’interroger sur le sérieux de l’Etat quant à ses engagements: la mise en conformité de la législation et de la pratique avec les conventions internationales du travail.
Dans son intervention, la représentante gouvernementale a évoqué quelques mesures adoptées en matière d’instruction des crimes commis contre des syndicalistes, de réglementation de la grève, de coopératives de travail associé et de concertation avec les employés publics. Aucune de ces mesures ne répond aux recommandations formulées par le BIT et n’apporte une réponse à la grave situation d’exclusion, de stigmatisation et de violence à l’encontre des organisations syndicales; elles ne sont que des simulacres de mise en conformité.
Cette pratique consistant à se soustraire systématiquement à ses engagements internationaux a conduit à une situation qu’on peut décrire ainsi: la Colombie compte près de 18 millions de travailleurs dont à peine 4 pour cent sont syndiqués. Seuls 1,2 pour cent ont négocié leurs conditions de travail l’an dernier et l’exercice du droit de grève n’a été possible qu’à deux occasions. Entre 2002 et 2008, le mouvement syndical a perdu plus de 120 000 adhérents. Le ministère de la Protection sociale a refusé d’enregistrer 253 syndicats nouvellement créés. Le nombre des conventions collectives a reculé de 20 pour cent et la couverture de la négociation collective a diminué de 40 pour cent.
Le nombre des coopératives de travail associé a été multiplié par cinq malgré les multiples observations des experts de cette commission, ce qui veut dire que plus de 500 000 travailleurs sont privés du droit de se syndiquer, de négocier et de faire grève et sont réduits à des conditions de travail précaires. Les mères communautaires ne sont pas non plus reconnues en tant que travailleuses.
Le syndicalisme est dénoncé comme un ennemi de l’Etat et de l’entreprise. Le gouvernement multiplie les déclarations hostiles assimilant le syndicalisme aux groupes armés. On a récemment appris que, depuis cinq ans, les services de renseignement de la Présidence de la République (DAS) avaient illégalement mis sur écoute les téléphones de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC), de magistrats des hautes juridictions, de participants à cette Conférence ainsi que d’autres personnes et organisations. Il s’est avéré que ces mêmes services de renseignement ont remis aux paramilitaires une liste de noms de 22 syndicalistes à assassiner, fait pour lequel leur ancien directeur, Jorgue Noguera, est actuellement inculpé pour quatre homicides. Les groupes paramilitaires sont les principaux auteurs de ces assassinats, et parfois aussi la guérilla. En outre, entre 1986 et 2008, on a dénombré 41 exécutions extrajudiciaires de syndicalistes vraisemblablement perpétrées par les forces de l’ordre, 21 d’entre elles sous l’actuel gouvernement.
Au cours des 23 dernières années, ont été commis plus de 10 000 faits de violence contre des syndicalistes, parmi lesquels 2 709 homicides, dont 498 sous l’actuel gouvernement. Entre 2003 et 2007, le nombre des homicides a diminué de 60 pour cent, mais, en 2008, les actes de violence ont progressé de 72 pour cent et les homicides de 25 pour cent, passant de 39 en 2007 à 49 en 2008. Pour 2009, 18 syndicalistes ont été assassinés. Le climat d’insécurité entourant le syndicalisme est tel que plus de 1 500 de ses dirigeants bénéficient de programmes de protection. Tous ces chiffres contredisent l’argument du gouvernement selon lequel la violence antisyndicale est un problème réglé et maîtrisé.
Malgré la création de l’unité spéciale de procureurs et de juges, le travail d’enquête et d’instruction de ces crimes est déficient. Sur les 2 709 homicides commis depuis 1986, le ministère public n’a ouvert une instruction que dans 40 pour cent des cas. Cent dix-huit condamnations à des peines pour assassinat ont été prononcées. Le taux d’impunité se situe ainsi à 95 pour cent et, pour les autres crimes contre des syndicalistes, il atteint 99 pour cent. Les jugements rendus ne permettent pas de faire éclater la vérité. Le mouvement syndical n’a eu de cesse de réclamer l’ouverture d’enquêtes pour tous les cas, de proposer de changer les méthodes d’investigation utilisées et de revendiquer un statut des droits des victimes à la vérité, la justice et la réparation. Au rythme actuel du prononcé des verdicts, il faudrait 37 années à la justice pour venir à bout de l’impunité, à supposer qu’il n’y ait plus d’autre assassinat dès aujourd’hui et que l’unité spéciale d’enquête et d’instruction soit maintenue en activité.
Une telle situation pourrait être surmontée si le dialogue social avait une utilité. Or, malgré la présence d’une Commission permanente de concertation, on ne voit aucun résultat par manque de volonté politique du gouvernement. Il n’a pas été possible de dresser un calendrier de mise en application de la convention no 87. De même, le gouvernement n’a organisé aucune concertation sur les lois sur le droit de grève, la réglementation des coopératives de travail associé et le décret sur la concertation avec les fonctionnaires publics.
Pour terminer, l’orateur a demandé à la commission d’adopter un paragraphe spécial qui non seulement signalerait les manquements graves au regard de la convention no 87, mais exhorterait aussi le gouvernement à se mettre d’accord avec les partenaires sociaux et adopter immédiatement, ou dans un délai maximum d’un an, les politiques et mesures suivantes:
– la reconnaissance de la légitimité et du rôle du syndicalisme dans une société démocratique;
– la prévention des actes de violence antisyndicale et l’investigation complète de ces crimes;
– des mesures de réparation pour le syndicalisme et pour les victimes qui permettent de rétablir les libertés syndicales;
– la réforme complète du Code du travail, conformément aux conventions internationales du travail, aux recommandations de l’OIT et à la Constitution politique;
– la mise en oeuvre des recommandations du Comité de la liberté syndicale;
– la création d’un ministère du travail et le renforcement de l’inspection du travail;
– un plan national de promotion du travail décent;
– l’évaluation et le renforcement de la représentation permanente du BIT en Colombie.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a indiqué que l’application de la convention par la Colombie est un problème qui perdure depuis longtemps, et qui constitue par moments une préoccupation sérieuse pour cette commission et les autres organes de contrôle de l’OIT. Depuis la signature, en 2006, de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie par le gouvernement et ses partenaires sociaux en présence de cette commission, et en grande partie grâce à l’aide du BIT, d’importantes mesures initiales ont été prises. Comme le Comité de la liberté syndicale a noté en mars 2009, le gouvernement a fait des progrès dans la lutte contre la violence à l’encontre des syndicalistes et des fonctionnaires. En particulier, les efforts du gouvernement pour protéger les personnes à risque, enquêter, poursuivre et condamner les auteurs d’actes de violence doivent être notés. En outre, il y a eu récemment des progrès dans la résolution d’un certain nombre de questions d’ordre législatif soulevées par la commission d’experts, dont certaines avaient fait l’objet de commentaires pendant de nombreuses années.
La coopération du gouvernement avec l’OIT doit être saluée. Les Etats-Unis ont contribué de manière significative à la promotion de la liberté syndicale en Colombie, et le Président a promis que les Etats-Unis continueront à soutenir les efforts déployés par la Colombie pour améliorer sa sécurité et sa prospérité.
Il est clair, cependant, que la situation des dirigeants syndicaux en Colombie et des membres de syndicats, ainsi que celle du mouvement syndical en général, continuent d’être extrêmement grave. La violence – et la crainte de la violence – doivent être éliminées afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités en toute liberté, en conformité avec les exigences de la convention.
L’oratrice a reconnu que le gouvernement de la Colombie est conscient des énormes défis qui demeurent. Elle a exprimé l’espoir que, avec l’assistance du BIT et à travers un dialogue ouvert et actif avec ses partenaires sociaux, le gouvernement fera les efforts nécessaires pour mettre pleinement en oeuvre ses engagements en vertu de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie et de ses obligations au titre de la convention.
Le membre employeur de la Colombie a déclaré que, comme il ne lui serait pas possible de répondre aux éléments nouveaux venant d’être exposés par les travailleurs au moyen du texte qu’il avait préparé pour s’exprimer devant la commission, il devait intervenir sans préparation pour répondre à ces éléments.
Il a déclaré que c’était la première fois en quinze ans de participation à la présente commission qu’il entendait le porte-parole des travailleurs formuler des interrogations autour d’un cas signalé par la commission d’experts comme étant un cas de progrès et que cela était d’autant plus surprenant que la commission d’experts avait pris note de ce cas de progrès avec satisfaction à l’égard de la Colombie, pour la convention no 87.
Il a cité textuellement les passages du paragraphe 52 du rapport général de la commission d’experts où il est dit que depuis 1964, la commission d’experts a exprimé sa satisfaction dans les cas dans lesquels les gouvernements ont pris des mesures appropriées en modifiant leur législation, leur politique ou la pratique nationale, relevant que la Colombie avait effectivement accompli de tels changements dans tous les domaines, comme en atteste le document communiqué pour analyse approfondie au Bureau.
L’OIT a procédé à de nombreuses analyses de la situation en Colombie au travers de missions de contacts directs, de haut niveau et des représentants du Directeur général, missions dont il est intégralement rendu compte dans les rapports de la Commission de coopération technique et au Conseil d’administration. Ces deux dernières années, les rapports rendent compte des évolutions positives intervenues depuis l’Accord tripartite de 2006.
Le membre employeur a reconnu qu’il existe en Colombie un problème de violence depuis plus de cinquante ans et que les employeurs font tout ce qui est en leur pouvoir pour en venir à bout. Les employeurs colombiens veulent que leur pays se projette dans l’avenir et que ses produits et ses services soient reconnus dans le monde entier, ce pourquoi ils soutiennent les dix principes du Pacte mondial. L’Association nationale des industriels (ANDI) a œuvré en faveur de la création du Centre régional d’Amérique latine dans le but de contribuer au Pacte mondial, déjà opérationnel en Colombie.
Le membre employeur a souligné que ce ne sont pas les employeurs qui causent la mort de syndicalistes et qu’ils respectent les organisations syndicales. Le respect des droits syndicaux ressort clairement de l’accord tripartite de 2006, qui est mis en oeuvre. Il faudrait, à son avis, identifier les raisons de la violence dirigée contre les syndicalistes. Depuis un an et demi, huit gouvernements d’Amérique du Nord et d’Europe se sont efforcés d’élaborer avec plusieurs chercheurs colombiens un programme sur les causes de cette violence et, alors que les employeurs ont exprimé dès le départ leur intérêt pour une telle étude, du côté des travailleurs, des voix s’y sont opposées.
Il faudrait qu’il y ait un changement dans les attitudes, de telle sorte que le cas de la Colombie ne soit pas présenté tous les ans comme si les choses ne s’amélioraient pas et, à ce titre, les travailleurs sont invités à un tel changement d’attitude et à formuler des propositions positives. Le Bureau y est de même invité, de sorte que le cas soit signalé avec les progrès avérés.
Le membre employeur a déclaré qu’il y a eu des changements récents et importants dans la jurisprudence en faveur des droits des travailleurs. La Cour constitutionnelle a dit pour droit que le registre syndical ne saurait faire l’objet d’aucune restriction de la part du gouvernement parce que son rôle se limite au dépôt de l’acte constitutif d’un syndicat. La vérification de la légalité d’un tel acte constitutif ne peut être entreprise que devant les juges. En matière de droit de grève, une loi adoptée récemment dispose que ce n’est pas au gouvernement mais au juge de se prononcer sur la légalité et le déroulement des grèves. En ce qui concerne les arrêts de travail dans la justice, il existe un vide juridique. L’année précédente, il y a eu 40 journées d’arrêt de travail dans la justice et, jusqu’à ce jour, il n’a pas été possible de statuer sur leur légalité puisque les juges eux-mêmes se déclarent incompétents à ce sujet. Dans deux autres secteurs, on a tardé à définir si les arrêts de travail survenus l’année précédente étaient conformes au droit. Il s’agissait d’une part de l’affaire des coupeurs de canne à sucre qui ont empêché des travailleurs syndiqués d’accéder aux installations des entreprises, et de la question des arrêts de travail incessants dans le transport du charbon. Sur le plan des grèves, le pays se trouve au bord de l’anarchie, situation que les employeurs tolèrent pour montrer au monde leur respect des syndicats, alors qu’ils souhaiteraient que les travailleurs n’abusent pas de leur droit de cesser le travail.
Enfin, le membre employeur a exprimé le souhait que les conclusions invitent toutes les parties prenantes à changer d’attitude, de manière à parvenir à un dialogue social constructif; que l’on approfondisse le programme d’enquêtes et de traitement des délits commis contre des syndicalistes; que des ressources supplémentaires soient affectées à ce programme et à la protection des syndicalistes; que les activités de coopération technique avec les syndicats se poursuivent. Il a également exprimé le souhait que l’on n’abuse pas des procédures juridiques pour servir des objectifs qui débordent du cadre des conventions nos 87 et 98. Il a insisté sur l’importance qui s’attacherait à ce que les conclusions reconnaissent les progrès accomplis en Colombie.
Un autre membre travailleur de la Colombie a exprimé sa reconnaissance pour l’intérêt constant de l’OIT à la recherche de solutions au conflit qui, tant dans le domaine du travail que de l’humanitaire, mine le syndicalisme en Colombie depuis plus de trente ans. Le droit à la vie doit rester l’objectif central. La situation des professeurs membres de la FECODE, des gardiens de prison membres de l’ASEINPEC et celle d’autres syndicats sont bien trop graves pour ne plus être mentionnées.
L’orateur reconnaît que, au cours de l’année écoulée, il y a eu quelques progrès sur des questions aussi importantes que le statut de la grève, qui est maintenant de la compétence des juges et non pas du gouvernement, le caractère oral des procédures judiciaires et la décision de la Cour constitutionnelle qui a établi que le gouvernement ne peut pas intervenir dans l’enregistrement de nouvelles organisations syndicales ni dans l’enregistrement des réformes statutaires ni dans l’élection du comité directeur. Dans ce contexte, il a souligné l’énorme travail de la Cour constitutionnelle qui a joué un rôle décisif pour que les conventions internationales soient reconnues et appliquées au niveau national.
Toutefois, l’orateur a indiqué avec regret que, en matière de liberté syndicale, la situation des travailleurs n’est pas exactement la meilleure à cause du climat antisyndical qui s’est développé au fil des ans. En matière de droit d’organisation, des comportements persistent en violation de la convention no 87 et, dans la plupart des cas, il est nécessaire de constituer des syndicats pratiquement dans la clandestinité puisque, lorsque les chefs d’entreprises ont des preuves indiquant la prochaine organisation d’un syndicat, ceux-ci licencient les dirigeants du syndicat. Cette situation est aggravée avec les formes de recrutement externalisé qui plongent les travailleurs dans des situations précaires et les empêchent d’exercer leurs droits syndicaux.
Le droit à la négociation collective est de plus en plus touché par le faible taux d’affiliation et les pratiques antisyndicales consistant en l’imposition de pactes collectifs dans les entreprises, ainsi que les plans d’avantages sociaux qui sont à l’opposé du droit à la négociation et font que, en pratique, la situation devient chaotique. A titre d’exemple, lors de la création d’un syndicat dans la multinationale TELMEX, qui compte plus de 3 000 employés, l’entreprise a imposé un pacte collectif pour éviter un processus de négociation impliquant tous les employés.
L’orateur a indiqué également que la loi no 411 de 1997, par laquelle la convention no 151 a été ratifiée, afin que les fonctionnaires aient le droit de négociation collective, n’est toujours pas assortie des règlements requis pour sa pleine application et ces travailleurs ne peuvent exercer pleinement ce droit en Colombie.
Il a rappelé que, lorsque l’Accord tripartite du 1er juin 2006 pour la liberté et la démocratie a été signé au siège du BIT, il l’a été avec la conviction de la possibilité de sortir le pays de ce climat de conflit professionnel. Trois ans plus tard, on constate que cet accord se développe à un rythme trop lent, ce qui ne le rend pas moins légitime. Toutefois, il serait souhaitable que le gouvernement et les employeurs disent en toute honnêteté s’ils comptent assumer leurs engagements ou qu’ils reconnaissent devant la communauté internationale qu’il ne s’agissait que d’un stratagème pour ne pas apparaître dans une liste, mais qu’ils n’avaient pas l’intention de lancer un processus de changement. Le caractère récurrent de ces discussions est gênant pour le syndicalisme colombien de même que l’adoption par cette commission de tous types de mesures, sans que soient trouvées des solutions définitives aux conflits qui affectent le pays. La Colombie espère que le syndicalisme soit reconnu une fois pour toutes, conformément à la Constitution et aux normes internationales du travail.
Enfin, l’orateur a souligné qu’une démocratie n’est pas complète sans syndicats suffisamment représentatifs, et exhorté les employeurs et le gouvernement, en collaboration avec les confédérations syndicales, à relever le défi de renforcer, développer, appliquer et faire appliquer l’Accord tripartite de 2006 avec une volonté politique, pour que, dans les plus brefs délais, le pays soit une référence en ce qui concerne le respect de la Constitution politique de la Colombie, des conventions et recommandations de l’OIT, ainsi que des engagements pris devant la communauté internationale.
L’orateur a conclu en affirmant que la présence d’un bureau de l’OIT en Colombie et d’un représentant du Directeur général, en plus du programme de coopération technique, sera décisive pour la réussite des tâches proposées.
Le membre gouvernemental du Pérou s’est félicité des informations fournies par le gouvernement de la Colombie, qui sont essentielles pour comprendre la situation dans le pays. Les informations fournies par le gouvernement mettent en lumière les progrès réalisés pour assurer le plein exercice de la liberté syndicale. D’importantes avancées ont été constatées notamment par la baisse du taux d’homicides de syndicalistes, l’augmentation du nombre de condamnations pour des actes de violence et l’augmentation des efforts réalisés pour harmoniser la législation avec les conventions internationales. La voie choisie par le gouvernement de la Colombie montre une volonté politique de garantir la liberté syndicale. Enfin, l’orateur a exprimé l’appui total de son gouvernement.
Un autre membre travailleur de la Colombie a affirmé que le gouvernement n’applique toujours pas les décisions des organes de contrôle, à savoir la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale, et c’est une violation systématique des conventions de l’OIT ratifiées et de la convention no 87.
En ce qui concerne l’affiliation syndicale, il a mentionné la pratique actuelle de stigmatisation de l’activité syndicale et les obstacles imposés par la législation à cette activité, au moyen des différents types de contrats de travail: contrats civils et commerciaux, et coopératives de travail associé (CTA) qui occultent frauduleusement les vrais contrats de travail, ce qui permet aux employeurs et aux entités gouvernementales d’échapper à leurs responsabilités sociales, ces travailleurs étant obligés de payer les contributions à la sécurité sociale; ce phénomène est aggravé d’autant par le fait que le salaire devient une «compensation» permettant de ne pas payer certains avantages salariaux et faisant baisser les revenus de ces travailleurs. Cette précarité d’emploi fait augmenter le travail informel, qui représente 58 pour cent de la population active qui compte 20 millions de personnes, et accentue la pauvreté qui, elle, touche plus de la moitié de la population s’élevant à 44 millions d’habitants.
La loi no 1233/2008, qui est censée réglementer la relation de travail, n’a pas atteint cet objectif mais au contraire a contribué à renforcer les coopératives de travail associé, et par conséquent l’exploitation dans le travail, qui sont de plus en plus nombreuses dans l’industrie, l’agro-industrie, les services et les entités gouvernementales. Ce type de contrat empêche l’exercice d’une activité syndicale et de la négociation collective.
La commission, à sa session de 2006, a avalisé l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie conclu entre les employeurs, le gouvernement et les travailleurs, et a prévu l’établissement d’une représentation du BIT en Colombie. Il serait donc pertinent que la commission en assure le suivi. La commission a également encouragé l’ouverture d’un dialogue social, en vue d’établir une culture de la concertation équitable.
Trois ans plus tard, le gouvernement n’a pris aucune décision tendant à promouvoir le respect de cet accord dans différents aspects, à savoir, la liberté syndicale, la négociation collective, la violence à l’égard des syndicalistes et l’impunité.
Il est regrettable que la représentation du BIT en Colombie n’ait pas atteint les résultats escomptés en matière de gestion et d’objectifs, malgré l’intérêt que portent le Directeur général du BIT et la représentation du Bureau à la Commission spéciale chargée du règlement des conflits auprès de l’OIT, à cause du refus des autorités de district, régionales et nationales de se conformer aux recommandations du Comité de la liberté syndicale.
L’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie devrait être une instance permettant de parvenir à des résultats et l’OIT devrait réaffirmer l’importance du dialogue social et du tripartisme.
L’orateur a demandé à la commission de promouvoir:
– La continuité de la représentation du bureau du BIT en Colombie.
– Le réexamen immédiat par les représentants des employeurs, du gouvernement et des travailleurs, avec l’assistance et la coopération du BIT, de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie.
– Le suivi continu de l’évolution du respect de l’accord à l’occasion de chaque Conseil d’administration, par le biais de rapports et d’évaluations.
Enfin, il a souligné que l’efficacité du dialogue social et de la concertation dépendent de l’engagement et de la volonté concernant les résultats à atteindre de manière équitable. En conséquence, il est inacceptable que le gouvernement prétende se conformer à ses obligations juridiques dans le cadre de l’OIT, étant donné que les réunions se déroulent en l’absence des autorités légalement tenues d’y participer et qu’elles ne produisent aucun résultat.
Le membre employeur de l’Argentine a expliqué, en sa qualité de vice-président de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de président du groupe des employeurs du Conseil d’administration, qu’en faisant part de sa satisfaction dans son rapport, la commission d’experts reconnaît à la Colombie la qualité de cas de progrès. Il a souligné qu’il s’agit du seul cas de progrès de la liste des cas à examiner et que, depuis la signature, pendant la Conférence de 2006, de l’Accord tripartite pour la liberté d’association et la démocratie, le cas n’a pas été analysé par la présente commission.
Des progrès découlant de cet accord sont enregistrés dans la lutte contre l’impunité et la violence contre les syndicalistes, en l’occurrence: création au sein du ministère public d’une unité d’enquête spéciale sur les actes dirigés contre des syndicalistes; nomination de magistrats spécialisés dans le jugement de délits contre des syndicalistes; affectation de ressources économiques au fonctionnement permanent de ces juges; 190 condamnations, la plupart dans les deux dernières années; 292 détenus reconnus responsables des délits ayant fait l’objet des condamnations; renforcement des programmes de protection des syndicalistes et diminution de la violence à leur égard.
Le programme de coopération technique proposé par l’OIT bat son plein, avec l’assistance et la coordination du représentant de l’OIT, son financement étant intégralement assuré par le gouvernement colombien pour ce qui touche au dialogue social, aux jeunes, aux femmes et au renforcement des communautés locales. Des juridictions supérieures ont prononcé des arrêts assurant une protection aux syndicalistes en matière d’enregistrement des syndicats, de définition par les juges du caractère politique des grèves, etc. Par ailleurs, de nouvelles lois ont été élaborées dans le but d’éviter les abus du recours à la sous-traitance, de la reconduction des congés non rémunérés pour cause de décès d’un proche et de la reconnaissance du caractère illégal d’une grève.
L’orateur n’est pas venu pour exprimer sa satisfaction à propos d’un gouvernement, mais plutôt pour témoigner de l’efficacité de la décision tripartite qui a permis le programme de coopération technique et les résultats qu’il a produits. Cela ne constitue pas seulement un cas de progrès, mais aussi un cas de satisfaction particulière pour l’OIT. Malgré la complexité de la crise mondiale et son impact sur tous les pays, la Colombie a poursuivi ses efforts pour surmonter les problèmes déjà connus et dont la commission a débattu. Ces problèmes n’ont pas disparu, d’autres actions seront nécessaires et le groupe des employeurs continuera à appuyer les programmes de coopération technique. Quand les mécanismes de contrôle permettent d’exprimer non seulement une préoccupation mais aussi une évolution positive, le pays gagne en prestige, à l’extérieur comme à l’intérieur. Enfin, il faudrait que les conclusions de cette commission reflètent la satisfaction retirée des progrès réalisés et que ces progrès se poursuivent à l’avenir.
Le membre gouvernemental de l’Espagne, après avoir dit que la délégation espagnole souscrit à la déclaration de l’Union européenne, a déclaré que son pays suit avec beaucoup d’intérêt la situation politique et sociale en Colombie. Les syndicats espagnols entretiennent des rapports de coopération étroits avec leurs collègues colombiens. La Colombie est un pays prioritaire et qui jouit d’un régime de préférence s’agissant de la coopération espagnole qui a mis en place des programmes d’accueil en Espagne de défenseurs colombiens des droits de l’homme, au nombre desquels figurent de nombreux dirigeants syndicaux.
Les difficultés que rencontre le gouvernement colombien dans sa fonction de normalisation de la vie politique sont connues, notamment pour ce qui a trait aux relations de travail. La politique de sécurité démocratique instaurée au début du mandat du gouvernement actuel a réussi à faire baisser tous les indices de violence, y compris ceux liés au monde du travail. Les chiffres sont bien meilleurs qu’il y a quelques dizaines d’années, quoiqu’il ne fasse aucun doute qu’il faudrait les ramener à zéro.
A l’image de nombreux délégués, l’orateur s’est félicité de la mise en place de la sous-section spéciale du ministère public chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes. La baisse du taux d’impunité est un succès à porter au crédit de l’action menée par les magistrats.
Pour ce qui est des modifications de la législation dans le domaine syndical, on note aussi quelques progrès. Il s’agit d’un travail en cours depuis peu, mais il importe beaucoup que ces progrès aient été réalisés dans la lé-
gislation du travail, des progrès qui doivent être suivis d’autres. En conséquence, on ne peut pas dire que le gouvernement n’ait rien fait à cet égard.
Pour finir, l’orateur a lancé un appel en faveur du dialogue social. Les partenaires sociaux colombiens doivent encore progresser sur la voie d’accords tripartites, comme ceux conclus tout récemment entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, à l’instar de ce qui s’est passé lors des accords de 2006. Comme ce fut le cas en Espagne, les accords préliminaires entre le gouvernement, les chefs d’entreprise et les travailleurs permettront de changer le climat des relations de travail. Tout accord qui sera conclu en Colombie, quelle que soit sa portée, même modeste au départ, peut avoir des effets bénéfiques au-delà de l’entente initiale. C’est pourquoi il a invité les partenaires sociaux colombiens à poursuivre sur la voie du dialogue social et de la négociation qui est, en dernière analyse, celle de la réconciliation.
Le membre travailleur de l’Espagne a déclaré que le cas de la Colombie est le paradigme de la violation systématique des droits fondamentaux. Les assassinats, les disparitions, les menaces et autres actes de violence extrême, peuvent s’exprimer froidement par des chiffres; ce qui est plus difficile à quantifier, ce sont les dégâts considérables provoqués par cette violence antisyndicale sur le tissu social. Le climat de terreur qui en résulte a une incidence néfaste sur l’activité syndicale.
L’une des formes les plus subtiles d’intimidation est la dégradation des relations de travail, au moyen de la promotion du développement des coopératives de travail associé et autres formes de sous-traitance, comme les contrats de prestations de service et les contrats civils ou commerciaux qui occultent des relations de travail irréfutables et rendent d’autant plus difficile l’exercice de la liberté syndicale et autres droits sociaux fondamentaux.
Depuis de nombreuses années, la commission d’experts s’attache en particulier à l’usage abusif en Colombie de différentes formes contractuelles pour éluder la législation du travail et empêcher le droit de se syndiquer et de négociation collective. A en juger par les faits exposés par la présente commission, les autorités du travail ne semblent pas avoir exercé suffisamment de contrôle pour empêcher les coopératives de servir à dissimuler une relation de travail, objectif précisément recherché par la recommandation (nº 193) sur la promotion des coopératives, 2002, de l’OIT. Le fait de ne pas connaître le nombre réel de coopératives – étant donné que certaines opèrent, dans une certaine mesure, dans l’illégalité consentie – rend d’autant plus difficile le suivi que devrait faire le ministère de la Protection sociale pour éviter l’intermédiation dans le travail.
Tout au long de ces dernières années, il y a eu de nombreux exemples de la façon dont certaines entreprises licencient les travailleurs pour ensuite promouvoir avec ces derniers une coopérative de travail associé dans laquelle la relation de subordination est la même. Mais surtout, il convient d’appeler l’attention sur le fait que le gouvernement, même après avoir approuvé l’an dernier la loi no 1233 sur les coopératives de travail associé, a continué de faire fi du critère que le Comité de la liberté syndicale a réitéré à propos de l’article 2 de la convention no 87 selon lequel la notion de travailleur inclut les travailleurs dépendants et les travailleurs autonomes et, par conséquent, les travailleurs associés en coopératives doivent avoir le droit de constituer un syndicat et de s’y affilier. Sans le droit à l’organisation syndicale, il est difficile, voire impossible, d’assurer l’exercice de droits comme la protection sociale, la sécurité et la santé au travail, un salaire digne ou une durée de travail appropriée.
Outre le fait de transférer les coûts supportés par l’entreprise aux travailleurs, puisque ces derniers assument 100 pour cent des coûts relatifs à la sécurité sociale, l’exercice de leurs droits fondamentaux n’est pas respecté, ce qui transforme la relation de travail en une relation de servitude séculaire. Le syndicalisme mondial salue la lutte de l’ensemble du syndicalisme colombien qui, à l’échelle planétaire, dénonce cette forme de semi-servitude.
Le Directeur général du BIT, dans son rapport à la présente Conférence, indique une fois encore que le respect des normes fondamentales de travail est une condition sine qua non, tant pour la réalisation de la justice sociale que pour le développement économique équilibré. Les principales conséquences de ce modèle de capitalisme sauvage, qui a conduit à la crise actuelle, sont la généralisation de la précarité du travail et l’accroissement intolérable des inégalités sociales, et c’est pourquoi les décisions politiques et économiques doivent favoriser une forme de travail centralisée et de qualité, afin que le travail décent soit une source de droits et de progrès économiques. Enfin, l’orateur a proposé l’adoption d’un paragraphe spécial pour demander instamment au gouvernement colombien de se conformer à la convention no 87.
Le membre gouvernemental du Canada a reconnu la situation difficile qui prévaut en Colombie en ce qui concerne les droits des travailleurs. Il est encouragé, toutefois, par la volonté politique manifestée par le gouvernement pour combattre la violence à l’encontre des syndicalistes et protéger les droits des travailleurs, comme en témoignent les mesures prises, telles que la création d’une sous-section dans l’unité des droits de l’homme du Procureur général, chargée de lutter contre les crimes antisyndicaux, et l’élaboration d’une nouvelle législation visant à renforcer les dispositions de protection du travail. Le gouvernement a également travaillé en étroite collaboration avec la représentation du BIT à Bogotá en vue de la mise en oeuvre de l’Accord tripartite, qui comprend une assistance technique sur les questions liées au travail et pour laquelle le gouvernement s’est engagé pour plus de 4 millions de dollars.
L’orateur a toutefois indiqué que d’importants défis subsistent en ce qui concerne la sécurité des syndicalistes, et a encouragé le gouvernement à redoubler d’efforts pour éliminer la violence antisyndicale, mener à leur terme les poursuites en matière de crimes antisyndicaux, et améliorer les conditions favorisant un dialogue social efficace. Il a exprimé le soutien de son gouvernement pour le renforcement et l’application de la législation du travail au profit des travailleurs, y compris par l’apport d’une assistance technique dans les domaines de l’application des droits du travail, le dialogue social, la sécurité et la santé au travail, et la modernisation des systèmes d’inspection du travail.
Le membre employeur de l’Espagne a déclaré que, même s’il est reconnu que la violence, les assassinats de syndicalistes et les problèmes d’application effective du principe de la protection judiciaire des droits persistent, il n’est pas certain que des efforts n’ont pas été faits. On constate des progrès notamment eu égard à la baisse du nombre de personnes agressées ou assassinées, à l’augmentation du nombre de personnes reconnues coupables d’actes de violence contre des syndicalistes, à l’augmentation de la dotation budgétaire pour la protection des syndicalistes, etc. Il faut souligner que le gouvernement est disposé à collaborer avec l’OIT, comme en témoignent les nombreuses missions qui ont été entreprises dans le pays.
Un des avantages de ces discussions réside dans leur capacité à stimuler et encourager les gouvernements, en reconnaissant les progrès accomplis, sans nier ni amoindrir l’importance de la gravité du problème, particulièrement préoccupante en ce qui concerne ce cas.
Le membre travailleur du Sénégal a rappelé qu’au moment de la signature historique de l’Accord tripartite, il y a trois ans, la situation dans le pays était marquée par des meurtres de responsables syndicaux et des atteintes aux droits des travailleurs. Malheureusement, des antagonismes profonds persistent encore aujourd’hui et l’on ne peut qu’être sceptique quant à la volonté du gouvernement de tourner les pages sombres de son histoire sociale. Notre commission a été le témoin de la conclusion de l’Accord tripartite, qui porte sur le droit d’association et la démocratie en vue de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, de leurs organisations et des dirigeants syndicaux, et concerne la dignité humaine, la liberté syndicale, la liberté d’expression, la négociation collective, la libre entreprise pour les employeurs, ainsi que la promotion du travail décent. La conclusion de cet accord devait contribuer à améliorer la situation désastreuse dans laquelle se trouvait le pays en matière de violence antisyndicale. Cependant, la persistance de la violence et de l’impunité, ainsi que l’impossibilité pour le gouvernement de garantir la mise en oeuvre effective de cet accord, restent des sujets de préoccupation majeure. Le gouvernement devrait conjuguer les forces en présence pour soutenir l’accord conclu en 2006 et intensifier ses efforts dans la lutte contre les responsables des meurtres de syndicalistes, au lieu de s’en tenir à une apparente passivité. Plus vite il s’engagera dans cette voie, plus important pourra être le soutien du BIT et plus grandes seront les possibilités d’un avenir meilleur pour les dirigeants syndicaux dans le pays. Inversement, l’avenir restera sombre tant que l’Accord tripartite ne sera pas pleinement appliqué. Le programme de coopération technique offre une lueur d’espoir et il est vrai que le Procureur de la Nation est actif, mais le problème de la qualification des faits dans les procédures pénales reste posé. Le gouvernement est lié par la convention no 87 et par l’Accord tripartite et il doit tenir ses engagements.
La membre gouvernementale du Brésil a indiqué que, en tant que pays voisin, le Brésil est conscient des grands défis que doit relever le gouvernement de la Colombie dans le domaine du travail, et elle a reconnu également les nombreux efforts déployés par les gouvernements colombiens successifs pour y faire face. L’une des fonctions de la commission étant également d’encourager le plus grand nombre de ratifications possible des conventions de l’OIT, l’oratrice a félicité le gouvernement de la Colombie pour avoir dépassé la moyenne régionale en termes de conventions ratifiées: 60 conventions, parmi lesquelles se trouvent les huit conventions fondamentales. Le Brésil partage avec la Colombie le statut d’Etat fondateur de l’OIT et, durant les quatre-vingt-dix ans d’existence de l’Organisation, des progrès ont été réalisés. L’oratrice a exprimé le souhait de voir la complexité de chaque pays, le sérieux et la transparence avec lesquels ils relèvent les défis, pris en considération dans les travaux de la commission.
Le membre employeur du Brésil a déclaré que le cas de la Colombie était emblématique de par son ancienneté, sa complexité, ainsi que de par l’action du BIT. Le BIT a parrainé l’Accord tripartite de 2006, lequel était d’une importance historique, et a décidé de créer un bureau spécial à Bogotá. Au sein de la commission sont discutées non seulement les mesures prises par le gouvernement, mais aussi celles prises par le BIT.
La commission d’experts, le groupe des employeurs et le groupe des travailleurs reconnaissent deux faits: d’une part, de nombreux et graves problèmes restent à résoudre, et pas seulement dans le domaine syndical, et, d’autre part, de nombreux progrès ont été réalisés depuis la signature de l’Accord tripartite. L’orateur a exprimé sa satisfaction devant les progrès accomplis, même si beaucoup reste à faire. Il a souligné que, puisqu’il s’agit d’un cas de progrès, cela doit être souligné dans les conclusions. L’orateur a indiqué que, dans la région, il existe parfois une déception en ce qui concerne les agences de l’ONU et autres organismes multilatéraux et a souligné l’importance de refléter dans les conclusions que, dans ce cas, il n’y a pas de recul, mais des avancées et des progrès.
Le membre gouvernemental du Mexique a déclaré que le rapport de la commission d’experts montre que la situation en Colombie reste difficile mais qu’il permet aussi de se rendre compte de certains progrès dans les efforts réalisés par le gouvernement. A titre d’exemple, bien que la commission fasse état de sa vive préoccupation devant l’augmentation du nombre de dirigeants syndicaux et d’affiliés assassinés, elle se félicite par ailleurs des mesures prises par le gouvernement, en particulier l’augmentation des sommes allouées à la protection des dirigeants syndicaux et des affiliés.
De même, quoique la commission d’experts déplore un recul du nombre des condamnations prononcées dans le cadre de violations des droits de l’homme de syndicalistes, elle prend également note de toutes les mesures adoptées par le gouvernement, et en particulier des efforts déployés pour faire progresser les enquêtes sur les violations des droits de l’homme des syndicalistes. La commission a souligné que ces efforts ont été reconnus par les organisations internationales.
La commission d’experts a noté avec satisfaction que la loi no 1210 a modifié l’article 451 du Code du travail de telle sorte que, dorénavant, la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure prioritaire. L’orateur a considéré que ces efforts doivent être reconnus tout en priant instamment le gouvernement colombien de continuer à oeuvrer pour garantir le respect intégral de la convention no 87.
La membre travailleuse de la Norvège, s’exprimant au nom des organisations syndicales des pays nordiques, a rappelé que la commission a noté à maintes reprises que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans un climat exempt de peur. En Colombie, la peur a toujours été utilisée dans des tentatives concertées pour détruire le mouvement syndical. Il n’y a pas de liberté syndicale et l’état d’impunité est réellement choquant.
L’oratrice s’est interrogée sur les progrès que le gouvernement affirme avoir accomplis pour traduire les coupables en justice, dès lors que le nombre d’homicides demeure élevé et a même de nouveau augmenté. Sur les 2 709 meurtres, seulement 1 119 cas font l’objet d’une enquête, et la moitié de ceux-ci sont dans la phase préliminaire. Moins de 4 pour cent des coupables ont été punis. Dans le cas de menaces de mort et d’enlèvement, le taux d’impunité est respectivement de 99,9 pour cent et 93,7 pour cent respectivement. Le taux d’impunité est de 100 pour cent dans les cas de disparitions forcées, de torture et de harcèlement par les autorités.
S’il est vrai que le bureau du Procureur général et le Conseil supérieur de la magistrature ont créé la sous-section du bureau du Procureur afin d’enquêter et de punir les auteurs d’homicides commis depuis 1986, et que celle-ci a obtenu des résultats dans un premier temps, l’activité de cette sous-section a ensuite fortement ralenti. A l’exception des homicides commis après juin 2006, pour lesquels des aveux ont été obtenus, ni les mobiles ni les commanditaires n’ont été identifiés. Les enquêtes criminelles sur les actes portant atteinte au droit à la liberté d’association et aux libertés syndicales n’ont pas conduit à une seule condamnation à l’encontre du gouvernement et des employeurs.
Les affirmations du gouvernement selon lesquelles la violence à l’encontre de syndicalistes est tout simplement le résultat du conflit armé en Colombie, et que les groupes paramilitaires ont cessé d’exister après la mise en application de la loi «Justice et paix», sont difficiles à croire. La violence à l’encontre de syndicalistes constitue un effort organisé, ciblé et continu visant à détruire le mouvement syndical en créant la peur. Il n’est pas étonnant que près de 4 pour cent des travailleurs colombiens sont membres d’un syndicat. Il est même presque surprenant de voir que 4 pour cent des travailleurs sont si courageux qu’ils sont prêts à mettre leur vie en danger pour être solidaires avec leurs collègues de travail dans la défense d’une juste cause.
Les autorités ont insinué publiquement que le mouvement syndical est lié à des groupes armés, faisant ainsi des syndicalistes des cibles légitimes. En mai 2009, le journal El Tiempo a indiqué que la surveillance des syndicalistes assassinés a été révélée dans le dossier contre J. Noguera, l’ancien directeur du département de la Sécurité du gouvernement (DAS). Des dirigeants syndicaux étaient convaincus que leur ligne téléphonique avait été mise sur écoute. Le DAS a également harcelé le conseiller pour l’Amérique latine de l’organisation à laquelle l’oratrice appartient, LO-Norvège, simplement parce qu’il était chargé des relations de solidarité entre son organisation et la CUT.
Il est nécessaire de faire face aux graves violations commises contre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux par une politique de prévention et de protection complète et solide. A cette fin, il est nécessaire de reconnaître publiquement la légitimité et le caractère démocratique des activités syndicales et de mettre un terme aux déclarations faites par le gouvernement, qui accuse les syndicalistes de collaborer avec les groupes de la guérilla. Le gouvernement doit de toute urgence enquêter sur les crimes contre les syndicalistes et identifier les commanditaires afin que leur implication dans les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ne reste pas impunie.
Il est donc important que le BIT surveille la situation en Colombie et confronte le gouvernement en ce qui concerne les violations graves commises contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. Bien que le gouvernement ait annoncé publiquement que le cas de la Colombie serait examiné comme un cas de progrès, et compte tenu de l’augmentation du nombre d’assassinats de syndicalistes, des violations persistantes des droits syndicaux et de la presque totale impunité des auteurs de ces actes, l’oratrice a exprimé l’espoir que cette commission ne laisse pas cette situation se poursuive sans protester.
La membre gouvernementale du Nigéria a souligné que la violence commise à l’encontre des personnes, y compris des syndicalistes, est regrettable. Cette violence est susceptible d’amener les syndicalistes à passer dans la clandestinité et à taire leur voix; comme cela a été précisé par les différents membres travailleurs qui ont participé à cette discussion, la situation est effectivement grave. Il est néanmoins nécessaire de reconnaître les efforts déployés par le gouvernement qui a montré qu’il reconnaissait la gravité des problèmes à régler et a fait preuve de sa volonté à les traiter. Davantage aurait pu et doit encore être fait par le gouvernement, mais il ne fait aucun doute que des progrès ont été réalisés. L’oratrice a prié instamment le gouvernement de se prévaloir de l’appui promis par les Etats-Unis, le Canada et l’OIT pour une amélioration de la situation grave qui prévaut encore dans le pays.
Le membre travailleur des Etats-Unis a relevé que rien n’est plus essentiel à la convention no 87 que l’intégrité physique des employeurs et des travailleurs. Tragiquement, en 2009, la Colombie demeure l’endroit le plus dangereux pour les travailleurs, avec plus de 60 pour cent de l’ensemble des assassinats de syndicalistes dans le monde.
Si l’épicentre du débat aujourd’hui est la question du progrès, il n’y a pas eu, il n’y a pas actuellement et il n’y aura jamais de progrès réels dans ce cas, tant que la crise de l’impunité ne sera pas directement, véritablement et honnêtement résolue. Cela implique la condamnation effective de tous les auteurs des actes de violence et de leurs commanditaires, de développer les capacités en matière d’enquête, de poursuites et de procédure judiciaire, et de veiller à ce que les termes des condamnations soient consistants. En raison de l’absence de ces éléments essentiels, on trouve aujourd’hui que: 1) le taux d’assassinats de syndicalistes a augmenté de 25,6 pour cent entre 2007 et 2008, 2) déjà en 2009, au moins 17 syndicalistes ont été assassinés; 3) le taux d’impunité pour les assassinats de syndicalistes en Colombie au cours des vingt-trois dernières années était de 96,6 pour cent; et 4) si on prend en considération les actes de violence contre des syndicalistes en Colombie depuis 1986, y compris non seulement les homicides, mais également les enlèvements, les agressions et les actes de torture, on constate que le taux d’impunité atteint 99,9 pour cent.
C’est cette triste et dure réalité que cette commission doit aborder sérieusement et honnêtement. Cette réalité existe en dépit des rapports adressés par le gouvernement à la commission d’experts, l’allocation d’un budget de 45 millions de dollars pour des mesures de protection, la mise en place de trois tribunaux spéciaux chargés de traiter l’arriéré des cas, les récompenses pouvant atteindre 250 000 dollars pour la transmission d’informations et l’augmentation du nombre de fonctionnaires au sein du bureau du Procureur général qui est passé à 2 166. Ces mesures ne résolvent cependant pas le problème et la raison en est claire.
Les présomptions dominantes dans le système d’enquêtes et de poursuites sont fondamentalement entachées d’irrégularités, comme le montrent l’Ecole nationale des syndicats (ENS) et la Commission colombienne de juristes. Dans de nombreux cas, le bureau du Procureur général a prétendu que le syndicat est victime de la guérilla, qu’il est même lié à la guérilla ou a utilisé d’autres motifs erronés, et le cas a été traité en conséquence.
Malgré les millions de dollars investis dans ce bureau, sur les 2 700 syndicalistes qui ont été assassinés au cours des 23 dernières années, la sous-section compte seulement 1 119 dossiers, soit 41,3 pour cent du nombre total de meurtres, et 645 de ces 1 119 cas, soit 58 pour cent, étaient au stade préliminaire, ce qui signifie qu’il n’y avait même pas un suspect. Vu la capacité actuelle, et une moyenne de 70 condamnations par an, il faudrait attendre trente-sept ans pour que le système surmonte le taux d’impunité cité, et ce uniquement dans l’hypothèse où il n’y aurait plus d’assassinats à partir d’aujourd’hui.
Enfin, dans environ 45 pour cent des condamnations à cette date, le défendeur a été jugé par contumace ou sans être en détention, et la grande majorité de ces procédures impliquait les auteurs matériels, mais non les commanditaires de ces actes. De nombreux paramilitaires qui s’étaient inscrits dans le programme mis en place dans le cadre de la loi Justice et Paix ont abandonné la procédure de déposition volontaire, persuadés que le système judiciaire ne fonctionnait pas et ne les tiendrait jamais pour pénalement responsables. Cela signifie qu’ils s’organisent dans de nouvelles bandes d’assassins antisyndicaux, telles que la «Nueva Generación Aguilas Métros de Santander» ou le «Commando Carlos Castaño Vive».
Le climat d’impunité persistera, si la confusion des messages continue au sommet. Tel est le cas, par exemple, de la preuve irréfutable selon laquelle des éléments du DAS avaient collaboré directement avec les paramilitaires pour l’assassinat de syndicalistes, ou des déclarations publiques du président Uribe affirmant que la récente grève des coupeurs de canne à sucre dans la Valle de Cauca avait été provoquée par les FARC. Tout cela rappelle à l’orateur la phrase ironique de George Bernard Shaw, selon laquelle «sans des changements réels, le progrès est impossible et ceux qui ne peuvent pas changer d’avis à propos du changement ne pourront rien changer».
Le représentant gouvernemental de la Colombie a réitéré ses remerciements pour l’intérêt avec lequel les inquiétudes ont été exprimées et les recommandations formulées en ce qui concerne les droits du travail en Colombie. Il a exprimé la reconnaissance de son gouvernement pour le rapport présenté par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations qui qualifie la Colombie de cas en progrès et l’invite à poursuivre sur la voie dans laquelle elle s’est engagée en tenant compte de ses avis et recommandations.
Le gouvernement colombien est intimement convaincu qu’avec le soutien du BIT la compréhension et la coopération de la communauté internationale et l’intensification du dialogue social entre les travailleurs, les employeurs, le gouvernement national et les autorités régionales et locales, il sera possible de tirer tout le parti des progrès obtenus en vue de garantir les droits de la population active. Il ne fait aucun doute que le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif suivront le gouvernement dans cette voie.
Dans un esprit de collaboration entre les rouages de la puissance publique, soucieux de poursuivre sur la voie du progrès, le gouvernement est maintenant suivi par des magistrats de la Cour suprême de justice, de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et du Conseil supérieur de la magistrature qui ont pris note des suggestions qui ont été formulées. L’orateur a indiqué que, pendant son séjour à Genève, il a eu des entretiens qui ont débouché sur la négociation d’un accord entre la juridiction du travail de la Cour suprême de justice et le Département des normes de l’OIT qui devrait être signé dans les prochains jours et se traduire sans doute par un resserrement des liens de collaboration et par des perspectives nouvelles pour continuer à améliorer l’exercice des fonctions des institutions de l’Etat.
Le gouvernement partage les préoccupations permanentes de la communauté internationale devant la situation de violence qui affecte la Colombie en dépit des progrès significatifs obtenus grâce à la politique de sécurité démocratique. Les activités délictueuses et terroristes dont les principaux responsables sont les groupes armés illégaux, qui entretiennent de plus en plus des liens avec les narcotrafiquants, restent une menace pour la société colombienne. La violence et la criminalité affectent l’activité syndicale par le biais d’actes d’une extrême gravité, tels que les assassinats de syndicalistes ou les menaces de mort, mais elles affectent aussi l’activité économique par les enlèvements, les menaces ou les assassinats de chefs d’entreprise.
L’orateur convient, comme plusieurs autres délégations, que la situation ne pourra revenir à la normale tant qu’il y aura en Colombie un seul acte de violence, d’intolérance, d’impunité ou tant qu’un seul syndicaliste, chef d’entreprise, journaliste, défenseur des droits de l’homme, homme politique, indigène, juge, citoyen ou citoyenne sera victime d’un acte de violence. Cette conviction oblige à ne pas limiter l’action à celle du gouvernement actuel parce que la sécurité, qui est liée aux droits fondamentaux à la vie, à la liberté et au bien-être, devrait être une politique d’Etat.
Il a réitéré la demande adressée à la communauté internationale pour qu’elle continue à exiger des groupes armés illégaux qu’ils mettent un terme à la violence absurde qu’ils infligent à la population colombienne, qu’ils cessent ces pratiques inhumaines que sont les enlèvements, l’utilisation de mines antipersonnel et les actions terroristes contre les civils et qu’ils remettent en liberté sans condition aucune toutes les personnes qu’ils détiennent. L’existence de groupes armés illégaux ne se justifie pas, quelles que soient leur obédience ou leurs convictions.
Pour pouvoir mettre fin à la violence, protéger la vie des syndicalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des chefs d’entreprise, des fonctionnaires et des autres citoyens et citoyennes, il est essentiel de progresser dans la lutte contre l’impunité, pour que tous les crimes fassent l’objet d’une enquête et qu’aucun ne reste impuni. Dans tous les pays, lorsqu’un crime reste impuni du fait des autorités judiciaires, il ne fait qu’inciter les délinquants à commettre d’autres actes de violence. C’est pourquoi il faut répéter que l’Etat colombien, soutenu en cela par la société civile, ne peut relâcher ses efforts de lutte contre l’impunité et, pour cela, il doit poursuivre et sanctionner toute pratique criminelle, quel qu’en soit l’auteur.
A cette fin, il est extrêmement important que le gouvernement, avec le pouvoir judiciaire représenté par le ministère public, le Conseil supérieur de la magistrature et les Hautes Cours, continuent de renforcer le groupe spécial de magistrats et de juges spécialisés dans l’instruction d’affaires liées à l’assassinat de syndicalistes qui a été créé dans le cadre de l’Accord tripartite et qui a permis de réaliser une avancée qualitative et quantitative dans le nombre de jugements prononcés par les juges, qui sont passés de 12 jusqu’en 2002 à 190 à ce jour, dont 151 prononcés depuis la signature de l’Accord tripartite en 2006.
Le gouvernement partage les inquiétudes exprimées par plusieurs délégations qui estiment peu élevé le nombre des enquêtes et des condamnations par comparaison avec celui des procédures pour homicides de syndicalistes introduites ces trente dernières années. La Colombie est devenue le centre de toutes les attentions et les résultats obtenus à ce jour ne peuvent que stimuler les efforts des institutions pour lutter contre la violence et pour la défense de l’activité syndicale.
Parallèlement à sa lutte contre l’impunité et la violence, le gouvernement va mettre en place dans les prochains mois un programme de réparation pécuniaire pour les victimes de la violence au moyen d’un fonds constitué au départ de 50 millions de dollars.
S’agissant des préoccupations qui ont été exprimées à propos de l’évolution de l’Accord tripartite, des résultats de la mission de haut niveau du BIT, des engagements pris par le ministre de la Protection sociale lors de la comparution volontaire de la Colombie devant la commission des normes en 2008 et des programmes de coopération technique que le BIT a accompagnés, l’orateur a signalé que, malgré les carences, les difficultés et les embûches que doivent affronter les divers acteurs sociaux, il est indéniable que le bilan des efforts entrepris ces dernières années est positif.
Il est important de prendre des mesures plus concrètes à l’égard de la présence du BIT en Colombie, dont certaines ont trait aux programmes de coopération technique en ce qui concerne, par exemple, l’emploi et la formation professionnelle, la sécurité sociale, la signature d’accords avec les organismes judiciaires et de contrôle de l’Etat afin de renforcer la lutte contre l’impunité et, avec les gouvernements régionaux et locaux, le travail décent et le dialogue social.
En ce qui concerne les droits au travail, l’orateur a souligné les résultats positifs mis en évidence après la signature de l’Accord tripartite et qui ont été les désirs de luttes syndicales. Parmi ses résultats, peuvent être mentionnés notamment la nouvelle loi sur le droit de grève. Cette loi a retiré au gouvernement le pouvoir de qualifier le mouvement de grève et a été complétée par la récente décision de la Cour constitutionnelle renforçant la protection de ce droit. De même, il faut souligner le jugement de la Cour constitutionnelle sur l’autonomie des travailleurs à former des syndicats et leur droit à être enregistrés par le ministère de la Protection sociale, sans aucune ingérence ou limitation.
Ces résultats montrent que, avec plus de dialogue entre les parties prenantes sur le lieu de travail, plus de souplesse dans les positions, une utilisation plus prudente de la parole, plus d’objectivité et de réalisme par rapport aux progrès à réaliser, l’on peut poursuivre la consolidation et la signature de conventions collectives de travail. Il est nécessaire de briser la peur de dialoguer avec l’autre.
Plusieurs exemples peuvent être cités: les accords conclus récemment par les travailleurs du secteur pétrolier afin d’aboutir à des relations professionnelles plus amicales et fructueuses; l’accord conclu par les travailleurs des bananeraies pour mettre fin à la grève dans ce secteur et qui engage les travailleurs et les employeurs à demander aux acheteurs de la banane colombienne un plus grand bénéfice, tant en ce qui concerne les quotas qu’en ce qui concerne les prix; ainsi que l’accord conclu entre la Fédération colombienne des éducateurs et le ministre de l’Education nationale, qui permet le développement du dialogue social et la concertation dans le secteur public, définissant les sujets qui ont été l’objet d’un accord et les sujets sur lesquels aucun accord n’a été possible.
Le gouvernement, dirigé par le Président de la République et le ministre de la Protection sociale, souhaite renforcer un programme pédagogique et la diffusion du dialogue social au niveau national, ainsi que des politiques d’inspection et de médiation professionnelle pour permettre la poursuite des progrès vers une meilleure compréhension. Dans cette perspective, le développement d’un programme complet visant à renforcer la culture et les meilleures pratiques liées au dialogue social, à la médiation et à l’inspection du travail sera encouragé par l’OIT dans le cadre du développement de l’Accord tripartite, et avec la coopération des gouvernements des pays amis.
L’orateur a souligné l’esprit constructif qui a caractérisé le BIT et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, les porte-parole des travailleurs et des employeurs, ainsi que les interventions faites par les délégations des travailleurs, des employeurs et des gouvernements sur le développement et la mise en oeuvre de la convention no 87 de l’OIT en Colombie.
Il a réaffirmé que ce dialogue, fondé sur l’esprit de collaboration, permettra de surmonter les faiblesses et les défis qui persistent encore et d’améliorer les efforts en vue de garantir les droits des travailleurs.
A cet égard, l’orateur a invité le président de la commission et les porte-parole des travailleurs et des employeurs à faire en sorte que les conclusions de cet important débat sur la Colombie constituent une contribution précieuse permettant à toutes les parties prenantes d’apporter leur contribution à la réalisation des aspirations du peuple colombien, c’est-à-dire, avoir un pays meilleur dans lequel le dialogue social est une expression de la nouvelle culture de travail et de la compréhension que la Colombie mérite et exige.
Avant d’aborder la question des conclusions sur ce cas, les membres travailleurs ont souhaité souligner trois points importants. Premièrement, dans son rapport, la commission d’experts a exprimé sa satisfaction sur un point précis, à savoir l’adoption de la loi no 1210 qui modifie l’article 451 du Code du travail et aux termes de laquelle la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera désormais déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure préférentielle. Pour le reste, sur chaque point soulevé, la commission d’experts a prié le gouvernement d’agir. Deuxièmement, les centrales syndicales de Colombie reconnaissent effectivement les efforts déployés par le Procureur général de la Nation et par le pouvoir judiciaire, dont l’attitude évolue vers une plus grande sensibilité à ces questions, mais il en va différemment du gouvernement. Enfin, la notion de progrès dans le cadre de l’OIT répond à des critères précis qui ont été fixés par la commission d’experts pour des raisons de rigueur juridique. Le cas de la Colombie n’est pas un cas de progrès, compte tenu du contexte global de ce pays et notamment de la violence qui y prévaut. Trop de choses restent à faire, comme les différents orateurs l’ont souligné. Il ne s’agit pas de remettre en cause les commentaires de la commission d’experts, comme le montre cet extrait de l’observation sur l’application de la convention no 87 par la Colombie: «tout en se félicitant des mesures prises par le gouvernement et, en particulier, de l’augmentation des ressources destinées à la protection des dirigeants syndicaux et de leurs affiliés, la commission note avec une profonde préoccupation que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru».
Ceci étant dit, les membres travailleurs ont recommandé l’adoption de conclusions s’articulant autour de quatre points. Le premier d’entre eux est le renforcement de l’Accord tripartite signé le 1er juin 2006. L’exécution de cet accord n’a en effet pas produit à ce jour les résultats que l’on en attendait au regard des quatre priorités qu’il établit. Toutes les parties doivent réaffirmer leur volonté de mettre en oeuvre cet Accord tripartite, indépendamment de l’existence d’opinions divergentes sur certains points. Cela suppose que la législation soit amendée dans le respect du dialogue social afin d’être mise en conformité avec les dispositions des normes de l’OIT. Il convient également de désigner au plus vite un nouveau représentant permanent du BIT en Colombie, lequel devra disposer de compétences juridiques et de communication et faire preuve d’un grand dévouement pour la promotion des principes qui sous-tendent l’action de l’OIT. Par ailleurs, le dialogue social doit être renforcé, ce qui exige la mise en place de structures allant au-delà de la simple assistance technique. Les membres travailleurs ont fait référence à ce propos à l’expérience menée en Afrique pour la promotion du dialogue social et ont suggéré qu’une expérience similaire soit menée en Colombie. Enfin, la lutte contre l’impunité doit être absolument renforcée, et c’est l’engagement du législateur et de lui seul qui permettra d’instaurer un climat de sécurité, car seule la loi permet de trouver des solutions permanentes et démocratiques, à l’abri des changements et des influences humaines partisanes.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations supplémentaires qu’il a fournies et les engagements pris, notamment en ce qui concerne le fonds de 50 millions de dollars pour les victimes de violence. Ils ont noté que le haut niveau et le caractère mesuré de la discussion dans son ensemble sont en phase avec les progrès qui ont été faits au cours des dernières années. La plupart des membres de la commission reconnaissent les progrès qui ont été réalisés. La capacité de cette commission à conclure à l’existence de progrès n’est pas limitée par les décisions prises par la commission d’experts. Cette commission a constaté dans de nombreux cas dans le passé que des progrès avaient été réalisés sans que cela ait été souligné par la commission d’experts. Les observations de la commission d’experts sont d’ordre juridique, alors que le progrès dans le présent cas s’inscrit dans un contexte plus large et plus pragmatique. Il convient de se reporter à cet égard au langage utilisé par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1787 en ce qui concerne les progrès dans la lutte contre l’impunité. Personne ne peut nier qu’il y a eu des améliorations dans ce cas, dans des circonstances très difficiles. Il est incontestable que, depuis 2000, le gouvernement a pris des mesures de plus en plus fermes. Globalement, il est indéniable que le gouvernement a pris des mesures pour mettre fin à l’impunité dans le pays et pour introduire des changements législatifs importants.
Avant 2005, la stratégie suivie visait à sanctionner verbalement le gouvernement. A partir de 2005, une approche nettement différente, impliquant une coopération technique, un changement aux niveaux législatif et judiciaire, ainsi qu’un dialogue social, a été adoptée. Les membres employeurs ont écouté attentivement le débat, en particulier les dirigeants du mouvement syndical de la Colombie et l’importance qu’ils attachent à l’Accord tripartite de 2006 pour le droit d’association et la démocratie. De nombreux éléments de l’accord de 2006 ont été mis en place mais il reste encore à faire. Il s’agit notamment: i) du programme de coopération technique du BIT et du bureau de Bogotá, du programme de l’USAID sur les droits fondamentaux au travail; du programme bipartite de coopération technique de la Suède et de la commission pour l’analyse préalable des dossiers soumis au Comité de la liberté syndicale (CLS); ii) de l’augmentation des enquêtes, inculpations et condamnations, et du renforcement des systèmes de protection pour les syndicalistes; iii) de la Commission tripartite de concertation des politiques sur l’emploi et les salaires; et iv) les modifications du cadre juridique, dont plusieurs ont été mentionnées lors de la discussion.
Les membres employeurs ont souligné en outre les engagements pris par le membre employeur de la Colombie au nom des employeurs de la Colombie, ainsi que l’invitation à s’engager dans une attitude constructive pour résoudre les problèmes de longue date, à attribuer des fonds supplémentaires pour les différents programmes et institutions afin de continuer à assurer la conformité avec la convention, et à continuer à progresser par le dialogue social. De plus, ils ont souligné leur détermination à régler cette situation.
Les membres employeurs ont noté, en conclusion, que les mesures prises en conformité avec l’Accord tripartite de 2006 pour le droit d’association et la démocratie ont conduit à une évolution positive et à des progrès dans la lutte contre l’impunité et dans la protection des droits humains pour les syndicalistes, ainsi qu’à plusieurs développements législatifs positifs. La commission devrait exprimer son soutien à l’action continue du gouvernement afin qu’il puisse profiter pleinement de l’assistance technique du BIT et s’appuyer sur le dialogue social comme moyen approprié pour accomplir de nouveaux progrès. Le ferme engagement des partenaires sociaux devrait être souligné comme étant un élément clé dans ce processus. La commission devrait mettre l’accent sur l’importance d’un dialogue social significatif afin d’assurer un environnement durable pour la liberté syndicale. Le renforcement de la présence du BIT en Colombie est nécessaire pour faciliter la mise en oeuvre effective de l’Accord tripartite. La commission d’experts doit prendre note avec grand intérêt des mesures prises par le gouvernement pour modifier sa législation et les récentes décisions de la Cour constitutionnelle et les rendre conformes aux principes de la convention no 87. En ce qui concerne d’autres questions par rapport auxquelles la commission d’experts a déclaré que le gouvernement doit continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit à la vie et la sécurité des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, de manière à permettre l’exercice des droits garantis par la convention, la commission doit demander au gouvernement de résoudre ces questions en consultation avec les partenaires sociaux et de fournir un rapport détaillé sur lesdites questions, pour qu’il soit examiné à la prochaine session de la commission d’experts.
Conclusions
La commission a pris note de la déclaration de la représentante gouvernementale et de la discussion qui s’en est suivie. Elle a noté également l’importance que l’ensemble des orateurs ont attachée à l’Accord tripartite de 2006 pour la liberté d’association et la démocratie, ainsi que les appels en faveur d’un renforcement de l’engagement de toutes les parties concernées à la mise en oeuvre complète et effective de cet accord.
La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts font état d’actes de violence répétés contre de nombreux syndicalistes, y compris des assassinats, des disparitions, des menaces de mort, ainsi qu’une situation préoccupante d’impunité.
La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il poursuivra ses efforts de lutte contre les facteurs générateurs de violence et indiquant que la politique de sécurité démocratique a permis de réduire le taux d’homicides, en particulier ceux qui visent les syndicalistes. En outre, le gouvernement indique qu’il a renforcé les actions de l’Etat en faveur de la lutte contre l’impunité, notamment grâce à une augmentation des ressources humaines et financières, ce qui a permis d’accroître le nombre de condamnations pour violence antisyndicale. Le gouvernement s’est également référé à un projet de loi actuellement devant le parlement et visant à accroître la période de prescription en cas d’homicides de syndicalistes et à augmenter les sanctions pour toute action ayant pour but de perturber ou d’entraver l’exercice du droit d’organisation. Le gouvernement a également fourni des informations sur les mesures prises dans le domaine du travail, notamment: l’adoption d’une législation visant à transférer aux juges le pouvoir de déclarer une grève illégale et sur l’arbitrage obligatoire; des mesures destinées à renforcer les services d’inspection et de contrôle; des mesures concernant les coopératives de travail associatif; et des mesures relatives à la consultation et au dialogue en matière de conditions de travail dans la fonction publique.
La commission s’est félicitée des actions positives que le gouvernement a menées en vue de renforcer le bureau du Procureur général, ainsi que des progrès auxquels elles ont donné lieu en termes de lutte contre la violence et contre la situation d’impunité actuelle. Elle a également accueilli favorablement les informations qui ont été fournies récemment, faisant état de la création d’un fonds de compensation des victimes de la violence. La commission a pris note des préoccupations exprimées selon lesquelles le nombre de condamnations était encore très bas et les sentences rendues ne concernaient que les auteurs d’actes de violence, et non pas leurs instigateurs. La commission a fait remarquer que des mesures supplémentaires s’imposaient et a exprimé l’espoir que le gouvernement veillerait à ce que le pouvoir judiciaire dispose de tous les moyens nécessaires à cette fin et continue à fournir les ressources supplémentaires nécessaires, afin d’assurer une meilleure protection des syndicalistes faisant l’objet de menaces. Ces mesures doivent s’accompagner d’un message clair au plus haut niveau, qui souligne le rôle important que jouent les syndicats dans la société et insiste sur le fait que la violence antisyndicale ne saurait être tolérée. La commission a rappelé la nécessité de veiller à ce que toute enquête sur des actes de violence à l’encontre de dirigeants et de membres de syndicats se déroule rapidement et efficacement. Tout en soulignant le fait que le mouvement syndical ne peut exister que dans un climat de non-violence, la commission a prié instamment le gouvernement de mettre un terme à la situation de violence et d’impunité actuelle moyennant l’application continue de mesures et de politiques novatrices et efficaces.
En ce qui concerne les questions d’ordre législatif en suspens, dont la commission d’experts a fait état, relatives au droit d’organisation des travailleurs dans les coopératives, à l’enregistrement des syndicats, à l’arbitrage obligatoire, aux restrictions imposées aux fédérations et autres restrictions, la commission a noté les progrès réalisés, dont l’adoption d’une nouvelle législation transférant à l’autorité judiciaire le droit de déclarer une grève illégale, ce qui était auparavant du ressort des autorités administratives. En outre, la commission a pris note avec intérêt du jugement prononcé par la Cour constitutionnelle, qui semble simplifier le processus d’enregistrement des organisations syndicales, en vue d’une meilleure application de l’article 2 de la convention. La commission a toutefois pris note des préoccupations exprimées suscitées par le recours accru aux coopératives, aux contrats de service et aux contrats civils ou commerciaux, qui font obstacle aux droits relatifs à la liberté d’association des travailleurs engagés au titre de tels contrats. Elle a également pris note des allégations faisant état d’un climat antisyndical généralisé.
La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement adoptera les mesures nécessaires pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention, en consultant pleinement les partenaires sociaux. Tout en prenant note de l’engagement manifesté du gouvernement et des partenaires sociaux au sujet du renforcement du dialogue social dans le pays, la commission a insisté sur le fait qu’il est important de veiller à ce que ce dialogue soit profond et constructif et a encouragé toutes les parties concernées à faire preuve de concertation dans leurs efforts, afin de permettre aux mécanismes tripartites nationaux existants d’offrir régulièrement un espace de dialogue ayant la confiance de toutes les parties concernées. La commission a invité le gouvernement à continuer à solliciter l’assistance du BIT à cet égard, ainsi que pour toutes les autres questions en suspens. La commission a invité le Bureau à examiner les questions administratives internes afin de maintenir la représentation du BIT dans le pays et de renforcer la coopération technique, en vue d’une application tangible de l’Accord tripartite de 2006. La commission a prié le gouvernement d’indiquer dans le prochain rapport qui devra être communiqué cette année pour examen par la commission d’experts les mesures prises à cet égard.
Un représentant gouvernemental a déclaré être venu de Colombie avec l’intention de partager avec les employeurs, les travailleurs, les représentants gouvernementaux et les fonctionnaires de l’OIT l’espace qu’offre la Commission des normes de la Conférence pour discuter d’un cas, qui en l’espèce constitue sans aucun doute un cas en progrès.
Discuter d’un cas en progrès requiert une analyse objective permettant de rechercher des mécanismes pour avancer sur le thème qui doit nous intéresser et nous réunir: l’amélioration des conditions de travail en Colombie. Cet exercice exige de rappeler et d’affronter le passé, de regarder et d’analyser le présent, et de pouvoir prévoir les efforts qu’il conviendra de poursuivre afin d’améliorer la situation.
L’orateur a axé son intervention sur la sécurité, l’impunité, les normes du travail et ce qu’il considère comme un point spécial, la présence et l’accompagnement du BIT. Ces thèmes sont analysés du point de vue de l’accord tripartite qui a récemment été évalué par la mission de haut niveau qui s’est rendue en Colombie il y a six mois.
Chaque progrès réalisé dans le cadre de l’accord doit être considéré comme un triomphe de la concertation. Ces progrès constituent également une défaite pour ceux qui veulent uniquement radicaliser le problème. Le gouvernement et l’OIT croient au dialogue et considèrent l’accord et l’espace qu’il octroie comme un mécanisme permettant d’identifier les divergences et d’élaborer des solutions, de construire la démocratie et d’œuvrer le développement. Le tripartisme constitue l’alternative réelle et concrète sur laquelle il faut miser.
S’agissant de la sécurité, il n’est pas possible de dire qu’en Colombie il ait existé ou qu’il existe une politique visant à détruire le mouvement syndical. Ce qu’il y avait, c’était un problème généralisé de violence auquel on a fait face dans le cadre du programme de sécurité démocratique. L’année dernière, cinq ans après la mise en œuvre du programme, le nombre de morts violentes est passé de 32 000 en 2002 à 17 198, et les assassinats de personnes liées au mouvement syndical sont passés de 196 à 26, soit une diminution de 86 pour cent. Ce chiffre reste très élevé, et il est préoccupant qu’au cours des premiers mois de cette année, le nombre de morts soit plus important que pour la même période l’année dernière.
S’agissant du programme de protection, en 2000, deux ans avant l’entrée en fonctions du gouvernement actuel, l’ensemble du programme de protection bénéficiait d’un budget de 1,7 million de dollars E.-U. pour les syndicalistes, les journalistes, les leaders sociaux et les politiciens. En 2007, 34 millions de dollars ont été alloués à ce programme, dont 30 pour cent - soit environ 11 millions de dollars - ont été destinés au programme de protection des syndicalistes.
En ce qui concerne la lutte contre l’impunité - objectif prioritaire de l’accord tripartite - et les progrès réalisés à cet égard, le ministère public a créé une unité spéciale qui se consacre exclusivement à enquêter sur les crimes commis à l’encontre de personnes liées au mouvement syndical. Cette unité, d’abord temporaire, est devenue depuis l’année dernière une unité permanente du ministère public. Elle a été renforcée, quant au sein de cette assemblée de l’OIT, la création de quelques juridictions spéciales consacrées uniquement et exclusivement à juger les délits susmentionnés a été considérée comme une impérieuse nécessité. Ainsi, les magistrats ont mis en place trois juridictions spéciales pour décongestionner le système, permettant d’obtenir des résultats rapides contre l’impunité: 44 condamnations ont été prononcées en 2007, et 11 en 2008, avec au total 103 décisions judiciaires rendues au cours du mandat de ce gouvernement. Ce chiffre, que beaucoup considèrent comme insuffisant, doit être analysé à la lumière des deux décisions de justice rendues entre 1996 et 2001, alors que depuis un an et demi, 55 sentences ont été prononcées, 177 personnes ont été condamnées, et 117 sont incarcérées. En outre, selon le pouvoir judiciaire, branche indépendante du pouvoir public colombien, 20 des 105 sentences en retard rendues concernent des activités syndicales.
Les efforts déployés pour la sécurité et la lutte contre l’impunité ont été renforcés récemment avec le système des récompenses qui permet d’identifier et de capturer les auteurs et les commanditaires de crimes perpétrés contre des personnes liées au mouvement syndical. Cette année, ces récompenses ont permis d’obtenir des résultats significatifs avec l’appréhension de cinq coupables présumés. En outre, le gouvernement a déposé auprès du congrès de la république un projet de loi visant à durcir les peines pour les assassins de syndicalistes.
S’agissant de la législation du travail, la semaine dernière, le congrès a approuvé un projet de loi déposé par le gouvernement, qui transfère aux juridictions du travail la compétence pour déclarer une grève illégale. Ce projet précise également que le recours aux tribunaux d’arbitrage doit se faire d’un commun accord entre les parties.
L’autre projet qui devrait bientôt être approuvé par le congrès concerne les coopératives de travailleurs associés. Seules quelques unes d’entre elles commettent des abus, profitant de l’ambiguïté des dispositions juridiques qui les réglementent. Ce projet de loi, développé avec les associations de coopératives, a été présenté sur initiative du gouvernement. Le recours aux coopératives ne doit pas être condamné en raison de ce qu’il serait une alternative au développement.
En outre, le gouvernement s’est engagé devant le congrès à présenter dans les six prochains mois, un projet de loi sur les services publics essentiels.
Il a rappelé que, suite à l’accord tripartite, le pays a également approuvé une loi qui intègre l’aspect oral dans le système du travail. Ces mesures, qui sont en train d’être mises en œuvre, permettront d’accélérer les procédures pour établir et compenser les droits du travail et accéléreront les procédures judiciaires. En 2008, la construction de plus de 100 nouveaux tribunaux du travail a été lancée dans le pays.
Enfin, il a fait part de la décision du gouvernement de renforcer l’unité d’inspection et de surveillance chargée de faire respecter la législation du travail. Cette mesure est d’une grande importance, étant donné que le taux de chômage annuel a baissé, passant de 20 pour cent en 2002 à 11 pour cent en 2007. La majorité des nouveaux travailleurs bénéficie de l’extension de la protection de la sécurité sociale au niveau de la santé, des retraites et des risques professionnels en Colombie. Par exemple, en 2002, 55 pour cent des Colombiens était couverts par une assurance de santé, contre près de 90 pour cent à ce jour, l’objectif étant de parvenir à une couverture universelle d’ici 2010. En outre, au cours des trois prochaines années, l’effectif de l’inspection du travail sera augmenté de 207 fonctionnaires, soit une croissance de près de 30 pour cent.
Se référant à la présence du BIT en Colombie, l’orateur a rappelé que depuis novembre 2006, le BIT possède un bureau en Colombie. Par l’intermédiaire de ce bureau, le gouvernement, avec ses fonds propres, a alloué plus de 4 millions de dollars pour la mise en œuvre de projets de coopération technique sur le travail décent, qui ont été élaborés de manière tripartite.
L’accompagnement du bureau du BIT de Lima, au Pérou, ainsi que la communication permanente et fluide qui existe avec le Bureau central ont permis à l’OIT d’avoir joué un rôle décisif en faveur de processus constructifs de résolution des problèmes, et ont aidé à trouver des alliés nationaux et internationaux pour mettre en œuvre les projets au plan national.
La mission de haut niveau, qui s’est rendue en Colombie au nom du Directeur général du BIT, M. Juan Somavia, ainsi que sous la conduite de M. Kari Tapiola et de son équipe, a permis de jeter les bases pour promouvoir l’identification d’un agenda tripartite, sur lequel la commission de concertation sur la politique du travail et des salaires a commencé à travailler. Des thèmes comme le travail décent, la justice du travail et l’exercice de la liberté syndicale font partie de l’agenda tripartite. Le représentant gouvernemental a rappelé la conviction de son gouvernement de la nécessité de progresser.
Les membres travailleurs ont souligné que cette procédure d’examen spéciale ne constitue pas un précédent. Il y a lieu de s’attarder sur certains thèmes traités par la commission d’experts au sujet de l’accord tripartite de 2006. S’agissant tout d’abord de la militarisation de la société, les actes de violence à l’encontre des militants et des dirigeants syndicaux se poursuivent. Entre 1986 et avril 2008, 2 669 syndicalistes ont été assassinés, soit un syndicaliste tous les trois jours. Cette année, 26 personnes ont déjà été assassinées, dont sept enseignants, parmi lesquelles une femme enceinte. Ces syndicalistes sont tués en raison de leur activité syndicale, dans la majorité des cas par les groupes paramilitaires qui stigmatisent le mouvement syndical comme étant proche des guérillas ou des mouvements d’extrême gauche. Le gouvernement a fait des efforts pour protéger les syndicalistes mais le nombre d’assassinats n’a pas diminué de manière significative. Selon la commission d’experts, le nombre de personnes protégées a diminué. Quand pourront-ils enfin exercer leurs activités en toute sécurité, sans escorte ni voiture blindée? Par ailleurs, les assassinats des syndicalistes restent à 96,8 pour cent impunis. Même si les enquêtes ont été multipliées récemment, le pourcentage de celles ayant débouché sur une action judiciaire ou une condamnation est considéré comme «infime» par la commission d’experts.
En ce qui concerne les entraves à l’activité syndicale, celles-ci ne relèvent pas seulement du climat de violence mais également de la législation et de pratiques contraires à la convention. A cet égard, la commission d’experts se réfère: i) à l’utilisation de diverses modalités contractuelles de travail, telles que les coopératives de travail associé, les contrats de prestations de services et les contrats civils ou commerciaux qui, en déguisant la relation de travail, privent les travailleurs de l’ensemble de leurs droits syndicaux. Or la commission a rappelé que, lorsque ces travailleurs effectuent des tâches qui s’inscrivent en termes de subordination dans le cadre normal des activités de l’entité, ils doivent être considérés comme des salariés et bénéficier des droits syndicaux; ii) au refus arbitraire d’inscrire de nouvelles organisations, de nouveaux statuts ou les changements dans le comité directeur des organisations. Même si le gouvernement a fait part de l’entrée en vigueur d’une nouvelle résolution en 2007, la commission d’experts considère que l’autorité administrative dispose encore de pouvoirs excessifs et discrétionnaires contraires à l’article 2 de la convention; iii) à l’impossibilité de faire grève pour les fédérations et les confédérations ainsi que pour les fonctionnaires dans toute une série de services qui ne sont pas considérés comme des services essentiels, qui s’accompagne de la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux ayant participé à des grèves dites illégales et de la faculté pour le ministère du Travail de soumettre des différends à l’arbitrage. A cet égard, le gouvernement a adopté une nouvelle loi réglementant le droit de grève, qui ne tient compte que d’une des neuf recommandations de l’OIT et qui permet au Président de la République de mettre fin à une grève. Enfin, il est impossible de mener des négociations collectives puisque, d’une part, les syndicats de fonctionnaires ne peuvent ni présenter des cahiers de revendications ni conclure des conventions collectives du travail - interdiction qui s’étend aux fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat - et, d’autre part, dans le secteur privé, les accords dits collectifs sont utilisés pour affaiblir la position des organisations syndicales et limiter leur capacité à conclure des conventions.
Les membres travailleurs ont conclu que la Colombie continue à violer de manière manifeste et flagrante la convention no 87. L’accord tripartite conclu en 2006, n’a pas encore porté ses fruits. Certes, davantage de moyens ont été consacrés à la protection des syndicalistes mais les poursuites judiciaires et les condamnations des meurtriers des syndicalistes restent largement insuffisantes. En ce qui concerne les droits et libertés fondamentaux, il n’y a toujours pas de progrès significatifs. Le dialogue social doit être renforcé dans la pratique et un indicateur réel de progrès serait que davantage de négociations collectives soient menées dans les secteurs public et privé. Il convient de souligner que la représentation permanente de l’OIT et les programmes d’assistance technique ne font que commencer. La pression internationale a été bénéfique mais les résultats obtenus demeurent insuffisants. Cette pression doit être renforcée et cette discussion poursuit cet objectif.
Les membres employeurs ont remercié le ministre de la Protection sociale de Colombie d’être venu volontairement devant la commission pour débattre avant la discussion de la liste des cas individuels. Ils ont souligné aussi qu’ils apprécient la bonne volonté dont le gouvernement fait preuve devant la commission. Rappelant la longue histoire du contrôle par cette commission de l’application des normes relatives à la liberté syndicale en Colombie, l’orateur a indiqué que des progrès ont été accomplis au cours de ces cinq dernières années, bien que le gouvernement ait reconnu qu’il y avait encore du chemin à parcourir. En février 2000, une mission de contacts directs a été envoyée en Colombie. En 2001, le Conseil d’administration a nommé un représentant spécial du Directeur général qui lui a présenté, en un an, trois rapports. En 2003, le Conseil d’administration a approuvé un programme d’assistance technique coûteux financé par l’OIT, qui a duré jusqu’en 2006. Lors de la Conférence de juin 2005, la Colombie a accepté de recevoir une visite tripartite de haut niveau, à laquelle ont participé le président du Comité de la liberté syndicale et les deux vice-présidents de la Commission de l’application des normes. La visite tripartite de haut niveau a bénéficié d’une liberté totale de mouvement et de transparence lors de ses réunions, y compris avec le Président de la Colombie. Le 1er juin 2006, l’Accord historique tripartite sur le droit d’association et la démocratie a été signé à la Conférence internationale du Travail afin de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, de leurs organisations et des dirigeants syndicaux, en particulier en ce qui concerne le respect de la vie humaine, la liberté syndicale, la liberté de parole, la négociation collective, la libre entreprise pour les employeurs et la promotion du travail décent. Afin de faciliter la mise en œuvre de cet accord, le Bureau a créé une représentation permanente en Colombie, et un programme de coopération technique de 5 millions de dollars E.-U. financé par le gouvernement colombien a été mis en place. Au cours de la session de 2007 de la Conférence, il a été décidé d’envoyer une mission tripartite de haut niveau pour évaluer les besoins complémentaires afin de garantir la mise en œuvre effective de l’accord et du programme de coopération technique en Colombie. La mission de haut niveau qui s’est rendue à Bogotá du 25 au 28 novembre 2007 a remis un rapport très positif qui n’a pas rencontré d’opposition au sein du Conseil d’administration.
Les principales questions soulevées par la commission d’experts dans ce cas concernent la situation de violence et d’impunité ainsi que certains points d’ordre juridique ou législatif, avec en arrière plan plusieurs décennies de guerre civile ininterrompue. Depuis 2001, le niveau de violence à l’encontre des syndicalistes a substantiellement baissé, de même que le nombre d’homicides. Il est important de noter que les cibles ne sont pas seulement des syndicalistes mais également des enseignants, des juges et des personnalités importantes de la société. Cependant, tout le monde doit se sentir concerné par la montée de la violence contre les syndicats en 2008. La commission d’experts a relevé que le budget des mesures de protection avait augmenté, un quart étant exclusivement destiné au mouvement syndical. Elle a également noté que les centrales syndicales colombiennes reconnaissaient les efforts accrus du ministère public pour assurer poursuites et condamnations. Le gouvernement doit, de manière urgente, poursuivre ses efforts en travaillant régulièrement avec les procureurs et les juges. Il est à espérer que ces mesures conduiront à des progrès dans la lutte contre l’impunité.
Parmi les questions d’ordre législatif soulevées par la commission d’experts, celle de l’utilisation inappropriée des coopératives, sur laquelle la visite tripartite de haut niveau en Colombie en 2005 avait concentré son attention, est une question importante. Comme la commission d’experts l’a souligné, les travailleurs employés dans ces conditions devraient être traités comme des travailleurs réguliers et bénéficier des mêmes conditions d’emploi, y compris la possibilité de s’affilier à un syndicat. Les membres employeurs ont pris note du projet de décret préparé en 2007 et qui a pour objet de mettre en place des règles du jeu équitables dans ce domaine, ainsi que le gouvernement l’a déclaré, et ils ont demandé à ce que ce décret soit rapidement adopté.
S’agissant des commentaires de la commission d’experts relatifs aux obstacles à l’enregistrement des syndicats et à l’exercice de leurs activités, il est compréhensible que, dans le climat difficile actuel, le gouvernement souhaite assurer que les fonctions syndicales n’aillent pas au-delà des activités syndicales normales. Toutefois, l’article 2 de la convention no 87 requiert clairement que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent se constituer sans autorisation préalable. De plus, gardant à l’esprit que la convention no 87 ne prévoit pas expressément le droit de grève, il convient de relever que la législation en question permettra aux parties de créer leur propre mécanisme de règlement des différends au lieu d’utiliser le processus d’arbitrage obligatoire actuellement en place. Par ailleurs, des ressources substantielles doivent être allouées au système judiciaire et aux tribunaux du travail ainsi qu’au renforcement des services d’inspection du travail. Enfin, des mesures énergiques doivent être prises pour résoudre les autres questions soulevées par la commission d’experts. Les membres employeurs ont conclu en remerciant le gouvernement de s’être volontairement présenté devant la commission et ont exprimé l’espoir qu’il continuera à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation, comme il l’a fait par le passé.
Le membre gouvernemental de la Slovénie, intervenant au nom des gouvernements des Etats membres de l’Union européenne ainsi qu’au nom de l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Islande, l’ex-République yougoslave de Macédoine, la République de Moldova, la Norvège et la Turquie, a souhaité la bienvenue au ministre de la Protection sociale de Colombie et a exprimé un profond soutien et une entière appréciation du travail de l’OIT, et de sa représentation permanente en Colombie, pour l’aide apportée au pays dans ses efforts visant à assurer le respect des conventions nos 87 et 98, à travers notamment un programme de coopération technique en Colombie.
Bien que les efforts du gouvernement pour améliorer la situation doivent être reconnus, le niveau de violence demeure toujours bien trop élevé et l’assassinat de syndicalistes reste une préoccupation majeure. Néanmoins, l’empressement des partenaires sociaux à coopérer à la mise en place des mécanismes de mise en œuvre effective de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie en Colombie est encourageant.
Les mesures prises jusqu’à présent par le gouvernement dans la lutte contre l’impunité doivent également être saluées. Cependant, la recommandation de la mission de haut niveau devrait à nouveau être rappelée, afin que l’ensemble des cas de violence contre des syndicalistes soit examiné et qu’aucun retard supplémentaire ne s’ajoute au retard existant. Par conséquent, le gouvernement est fortement encouragé à accélérer la lutte contre le taux fort élevé d’impunité.
Le programme de protection des syndicalistes devrait être soutenu, et le gouvernement devrait être encouragé à garantir à l’ensemble des syndicalistes qui en font la demande le bénéfice de mesures de protection adéquates nécessaires à leur confiance. Enfin, le gouvernement est prié instamment de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives, notamment celles du Code du travail, afin de les aligner sur les dispositions des conventions nos 87 et 98. L’orateur a appelé à une coopération continue entre le gouvernement et l’OIT, notamment par la recherche d’une assistance technique du Bureau.
Enfin, le système de contrôle de l’OIT, qui est unique au monde, doit être soutenu et la procédure de cette année ne devrait pas être considérée comme un précédent pour les futurs travaux de la commission.
Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que, lorsque le gouvernement, les employeurs et les travailleurs de son pays ont signé, le 1er juin 2006, l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie, le mouvement syndical était convaincu qu’à partir de cet instrument, il était possible d’ouvrir la voie à la cessation du climat de violence et d’absence de liberté syndicale qui régnait depuis plus d’un quart de siècle. Malheureusement, le climat de violence antisyndicale perdure, avec de graves répercussions non seulement sur le syndicalisme, mais aussi sur la démocratie et sur l’état social de droit sur lequel se fonde l’ordre constitutionnel de la Colombie.
L’on ne peut ignorer que l’accord tripartite a eu pour effet la constitution d’une unité spéciale du ministère public chargée de lutter contre l’impunité (laquelle est le meilleur allié de ceux qui assassinent des syndicalistes), qui a permis d’obtenir un certain nombre de résultats, bien que la route soit encore longue. D’un autre côté, il faut signaler avec la plus grande préoccupation que, depuis le début de l’année 2008, 26 syndicalistes sont morts en cinq mois. Ce nombre est beaucoup trop élevé pour un laps de temps si bref. C’est pour cette raison que l’on demande au gouvernement de prendre des mesures pour mettre un frein à ce génocide.
Il faut, de toute urgence, tenir compte du fait que l’élimination des attitudes antisyndicales de la part du gouvernement et des employeurs, en créant les conditions permettant à la classe ouvrière de s’organiser librement et sans craindre de perdre sa vie ou son emploi, constitue une étape déterminante pour décourager les agressions envers le syndicalisme. Il ne faut pas non plus oublier que, dans de nombreux pays, le syndicalisme a joué un rôle déterminant dans la lutte contre les régimes dictatoriaux et que le retour à la démocratie est redevable au sacrifice, au dévouement et à l’altruisme de milliers de travailleurs syndiqués qui n’ont pas hésité à offrir jusqu’à leur propre vie pour l’avènement de la démocratie.
L’orateur a lancé un appel au gouvernement et aux employeurs de Colombie pour qu’ils misent sur la liberté, la paix et la démocratie, en réaffirmant que l’OIT représente la toile de fond indispensable et le forum de rencontre pour tous. Il convient toutefois de garder à l’esprit que les conflits trouvent une solution si et dans la mesure où les différents acteurs du pays en ont la volonté politique. La meilleure manière de décourager les ennemis du syndicalisme est de favoriser un véritable climat de liberté syndicale et l’accès à la négociation collective, et d’empêcher que les contrats précaires constituent la règle pour les travailleurs.
La préoccupation majeure du mouvement syndical ne réside pas seulement dans la peur de perdre la vie, mais bien dans l’incertitude qu’a entraînée la disparition du travail décent, concept qui oriente les activités de l’OIT et fait partie de l’idéologie des travailleurs. Malheureusement, à l’heure actuelle, les relations capital-travail souffrent d’un phénomène de requalification des relations de travail. Le plus souvent, celles-ci sont nouées par l’intermédiaire de tierces personnes, ou dans le cadre détestable du système de sous-traitance, d’entreprises temporaires, de relations contractuelles de droit civil, de contrats portant sur la prestation de services, de contrats de très courte durée et, enfin, dans le cadre du fléau que constitue le système de coopératives de travail associé. Ces dernières représentent la pire des agressions envers le syndicalisme, étant donné que ceux qui concluent un contrat de ce type n’ont aucune possibilité de se syndiquer et encore moins de participer à la négociation collective. Par conséquent, l’orateur estime qu’il n’est pas correct que le gouvernement ait inclus dans la délégation de la Colombie à la Conférence des porte-parole de ces coopératives, puisqu’elles ne peuvent représenter les travailleurs et, encore moins, le syndicalisme.
La persistance du climat de violence, des conduites antisyndicales et d’absence de liberté syndicale compromet l’avenir. Pour cette raison, l’orateur a proposé au gouvernement et aux employeurs de son pays de permettre la pleine application de l’accord tripartite, car c’est seulement de cette manière que pourront s’établir les bases d’un nouveau pays. Il a également demandé à la communauté internationale de fournir son plein appui pour que les conventions et recommandations de l’OIT ne restent pas lettre morte.
Enfin, soulignant qu’une démocratie sans syndicat n’est qu’une caricature d’elle-même, l’orateur a indiqué que le faible taux de syndicalisation, la diminution du nombre de travailleurs couverts par la négociation collective, la mort de syndicalistes, le refus du ministère de reconnaître les nouvelles organisations, l’augmentation des relations informelles, l’appauvrissement des agriculteurs, le fait que plus de deux millions d’enfants travaillent, les déplacements forcés, le chômage et l’exclusion sociale, tous ces éléments sont le détonateur d’une bombe sociale qu’il est encore temps de désamorcer.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a remercié le gouvernement de la Colombie de sa déclaration. La situation des droits des travailleurs et des droits humains en Colombie est une préoccupation de longue date, et à certains moments particulièrement grave, de cette commission et des autres organes de contrôle de l’OIT. La discussion a permis d’évaluer l’engagement constant du gouvernement envers l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie ainsi que les importants progrès réalisés jusqu’à maintenant dans la mise en œuvre de cet accord. Le gouvernement de la Colombie, essentiellement grâce à sa coopération avec le BIT, a accompli des progrès tangibles en renversant la longue histoire de violence et d’instabilité du pays et en modernisant et renforçant son système juridique. Ses efforts incluent la protection des personnes à risques, y compris des syndicalistes; la réalisation d’enquêtes et la poursuite des auteurs de violences; le renforcement du système judiciaire et la révision de la législation afin de la rendre davantage conforme aux normes de l’OIT. L’objectif est clairement de faire en sorte que les institutions gouvernementales travaillent au service du peuple colombien, et de parvenir ainsi à ce que la Colombie puisse construire une démocratie de plus en plus stable, en paix et prospère. Les résultats obtenus à ce jour par le gouvernement ont été reconnus et tant la commission d’experts que la mission de haut niveau s’en sont félicitées. L’oratrice s’est déclarée confiante quant à la poursuite de ces efforts.
Malgré ces impressionnants progrès, il faut reconnaître qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce qui demeure une situation globale difficile. Tout le monde appelle de ses vœux une Colombie sûre et en paix. A cette fin, il convient d’encourager le gouvernement à continuer à travailler avec les partenaires sociaux et l’OIT afin de résoudre toutes les questions soulevées par la commission d’experts dans ses observations. Cela implique l’adoption de mesures visant à réduire la violence et à lutter contre l’impunité et le règlement d’un certain nombre de questions pratiques ou législatives qui concernent les droits et les activités des syndicats et sont en suspens depuis longtemps. Ainsi que la mission de haut niveau l’a relevé, un dialogue continu et ouvert ainsi que la surveillance de la Commission nationale des salaires et des politiques du travail de Colombie offrent d’excellents outils pour mettre en œuvre, de manière opérationnelle, l’accord tripartite, tout en créant et en renforçant, dans le même temps, la confiance entre les parties. La secrétaire d’Etat a récemment souligné que l’histoire de la Colombie était un bon exemple de ce qu’un gouvernement pouvait accomplir quand il essayait de bien faire. L’oratrice s’est déclarée convaincue que le gouvernement continuera à tirer pleinement parti de l’assistance technique du BIT afin de continuer à bien faire les choses. Elle a instamment prié toutes les parties à l’accord tripartite de continuer à s’engager fermement envers cet accord, quelles que pourraient être occasionnellement leurs divergences de vues. La Colombie a accompli d’énormes progrès et, avec un tel engagement, la communauté internationale peut même bientôt s’attendre à de nouvelles améliorations
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que les organisations syndicales, les employeurs et le gouvernement de Colombie ont signé un accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie. Cet accord n’a pas encore donné de résultats concrets en ce qui concerne le renforcement des libertés et des droits fondamentaux au travail. Les seuls éléments tangibles sont la mise en place d’une représentation permanente, le lancement de programmes de coopération et les premiers résultats obtenus par le ministère public et le pouvoir judiciaire, avec l’élucidation de cas de violence contre des syndicalistes et la comparution des criminels devant la justice.
Les centrales syndicales ont présenté un agenda pour la mise en œuvre des recommandations formulées par les organes de contrôle de l’OIT, afin que le pays mette sa législation et sa pratique en conformité avec les normes internationales du travail. Cependant, faute de volonté de la part des employeurs et du gouvernement, la mise en œuvre de cet agenda et l’application de l’accord n’ont pu se faire.
La mission de haut niveau, qui a eu lieu en novembre 2007, a rappelé que, pour qu’un accord tripartite fonctionne de manière efficace, il faut que toutes les parties maintiennent leur engagement en faveur de son application, quelles que soient les différences d’opinions sur des questions spécifiques. Cela implique la reconnaissance par les parties du fait que les normes internationales du travail et les recommandations des organes de contrôle doivent constituer le fondement des discussions. Il convient de souligner le rapport de la mission, qui insiste sur l’importance de maintenir un dialogue constant et un contrôle permanent de l’application de l’accord tripartite pour mettre en place et donner l’impulsion à un dialogue social utile et efficace.
L’OIT ne peut pas permettre que les engagements pris ne soient pas respectés. La Colombie connaît toujours un déficit en matière de travail décent, des limitations aux libertés syndicales, des assassinats, l’impunité et l’absence de dialogue social efficace. En outre, moins d’un tiers des travailleurs ont accès à une quelconque protection dans le domaine social et du travail et seuls 5 pour cent des travailleurs sont syndiqués. Au cours des cinq dernières années, le ministère de la Protection sociale a refusé d’enregistrer 236 nouvelles organisations syndicales et 1 pour cent des travailleurs seulement était couvert par une convention collective. Dans la moitié des cas, le gouvernement a déclaré illégales les cessations de travail, fragilisant ainsi le droit de grève.
Depuis le début de l’année, 26 syndicalistes ont été assassinés et quatre ont été victimes de disparition forcée. Ces chiffres représentent une augmentation de 71,4 pour cent par rapport à la même période de l’année 2007. Au cours des vingt-deux dernières années, 2 669 syndicalistes ont été assassinés et 193 autres ont été enlevés, tandis que l’Etat n’a sanctionné les responsables de ces actes que dans 86 cas.
L’orateur a attiré l’attention de la commission sur le fait que, par leur attitude, les employeurs et le gouvernement méconnaissent les mécanismes qui ont été mis en place et leur portent atteinte. De cette manière, leurs méthodes de travail fondées sur le tripartisme et le dialogue s’érodent progressivement. C’est pour cette raison que demander au gouvernement et aux employeurs de fournir des explications sur leurs intentions, c’est promouvoir le dialogue et l’échange d’opinions.
La commission doit adopter des conclusions et un paragraphe spécial exhortant le gouvernement et les employeurs à mettre immédiatement en œuvre les recommandations des organes de contrôle de l’OIT, afin de mettre la législation et la pratique en conformité avec les conventions nos 87 et 98 en ce qui concerne les libertés et droits syndicaux.
Soulignant qu’en Colombie le syndicalisme souffre de blessures mortelles et que sa vie dépend de la solidarité internationale et de l’accompagnement qu’il reçoit de la part de l’OIT, l’orateur a insisté sur la nécessité d’empêcher l’anéantissement du mouvement syndical colombien, en soutenant la cessation des violences contre les syndicats et le respect des conventions de l’OIT.
Le membre gouvernemental du Canada a déclaré que son gouvernement a suivi avec un vif intérêt la mise en œuvre de l’accord tripartite signé en 2006. Il a salué le Bureau ainsi que le gouvernement de la Colombie pour l’engagement de haut niveau auquel ils sont parvenus pour appliquer l’accord tripartite. Le processus de mise en œuvre est délicat et complexe. Ce processus est également urgent, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme étant toujours menacés et souvent tués. La mission de haut niveau de l’OIT indique que l’accord laissé aux mains du gouvernement colombien, des employeurs et des travailleurs est un accord primordial; l’OIT joue un rôle important mais, au final, ce sont aux parties elles- mêmes qu’il revient d’assurer la mise en œuvre effective de cet accord.
Son gouvernement s’est félicité de la création, en 2006, par la Colombie, d’une unité spéciale du ministère public chargée d’enquêter et d’engager des poursuites à l’égard des actes de violence perpétrés à l’encontre de syndicalistes. Le gouvernement est encouragé à augmenter ses efforts pour faire aboutir les enquêtes sur ces cas de violence. En conclusion, le gouvernement canadien s’engage à soutenir la Colombie dans le renforcement de sa législation du travail au bénéfice des travailleurs, ainsi que dans la promotion d’un dialogue ouvert entre les partenaires sociaux.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que la négation des libertés syndicales est motivée par une culture et une politique antisyndicales des employeurs et du gouvernement, qui violent le droit syndical en ayant recours à des contrats civils, des pseudo coopératives de travail associé, la sous-traitance, des ordres de travaux et des contrats de prestations de services (qui sont une forme frauduleuse de travail), majoritairement dans les entités publiques, et qui non seulement aboutissent à la précarisation du travail, mais réduisent également à néant le droit d’association et de négociation collective.
La résolution no 0626 du ministère de la Protection sociale du 22 février 2008 ne fait pas seulement obstacle à l’enregistrement de nouveaux syndicats, mais laisse la liberté aux fonctionnaires de grade inférieur de décider de l’enregistrement des syndicats, avec des répercussions négatives et sans aucune adéquation avec les recommandations du Comité de la liberté syndicale.
L’état critique dans lequel se trouve la négociation, du fait du faible nombre des conventions collectives conclues dans le pays et du nombre réduit de bénéficiaires, n’est pas stimulant pour les syndicats. En outre, les pratiques des employeurs publics et privés trouvent leur origine dans la modalité des «pactes collectifs» («pactos colectivos»). Elle constitue un système d’adhésion individuelle, imposé par les employeurs aux travailleurs quand un nouveau syndicat s’organise, afin de réduire sa capacité de négociation.
Le gouvernement continue à intervenir dans l’exercice du droit de grève, et la nouvelle réglementation ne garantit pas pleinement ce droit. Le seul changement introduit par la nouvelle loi réside dans le fait que l’illégalité doit être qualifiée par le juge de première instance et qu’il existe une possibilité de former un recours en appel de la décision. Cependant, l’interdiction pour les fédérations et les confédérations d’exercer le droit de grève demeure, tout comme les autres restrictions relevées par les organes de contrôle de l’OIT.
La violence antisyndicale perdure, au moins 26 assassinats et six disparitions de syndicalistes ayant été comptabilisées au cours des cinq premiers mois de 2008. L’orateur a dénoncé la pratique du gouvernement consistant à qualifier le motif des assassinats avant de lancer l’enquête correspondante, ceci conduisant à des décisions faussées. Deux ans après la signature de l’accord tripartite, ce dernier n’a pas été respecté; ce n’est que sur le terrain des enquêtes du ministère public qu’un début de mise en œuvre est constaté. L’impunité subsiste dans 98 pour cent des cas et les commanditaires ne sont pas identifiés.
La commission devrait adopter un paragraphe spécial pour permettre au mouvement syndical colombien de maintenir sa vocation de dialogue social avec une exigence permanente pour qu’il soit efficace, utile et équitable, et afin que ce dialogue soit promu.
Enfin, l’orateur a indiqué que l’accord tripartite doit aller plus loin, étant donné la crise sociale qui se vit en Colombie et, avec cet objectif, la représentation permanente du BIT à Bogotá doit être renforcée, pour contribuer ainsi à la conclusion d’un pacte social qui garantisse des emplois décents avec une relation contractuelle directe entre employeurs et travailleurs, sans intermédiaire, et qui élimine toutes relations dissimulant la relation de travail, afin de permettre le libre exercice syndical.
La membre travailleuse de l’Australie, s’exprimant au nom des syndicats australiens et des syndicats de la région Asie-Pacifique, a déclaré que les préoccupations exprimées concernant le niveau de violence en Colombie, qui a un impact fondamental sur la vie des travailleurs et des syndicalistes, sont également applicables à des pays de sa région, tels que les Philippines, le Cambodge ou d’autres pays.
Les relations professionnelles et le droit du travail en Colombie sont caractérisés par des violations persistantes, en particulier en ce qui concerne les dispositions en matière de négociation collective qui excluent les travailleurs du secteur public, les travailleurs de l’économie informelle, les travailleurs précaires et les travailleurs considérés comme des travailleurs «indépendants». En fait, la majorité des travailleurs n’est tout simplement pas couverte par les dispositions relatives à la négociation collective. Outre la violence et l’intimidation largement répandues, le gouvernement et les employeurs sont impliqués dans la création d’un environnement dans lequel les droits des travailleurs sont niés ou gravement remis en cause. Le problème essentiel vient du déséquilibre entre les pouvoirs de l’employeur et ceux du travailleur, et ne peut être résolu que grâce à une liberté syndicale effective, une véritable négociation collective et un système de relations professionnelles évolué.
Au cours des dix dernières années, l’Australie a pu observer une tentative, de la part de l’ancien gouvernement, d’affaiblir le rôle des syndicats et les dispositions en matière de négociation collective, dans la législation et les discours publics. Il a également utilisé un langage désobligeant pour insinuer que les dirigeants syndicaux n’étaient pas représentatifs, qu’ils étaient mus par leurs intérêts personnels, et même qu’ils étaient «non australiens». Les syndicats et les travailleurs ont souffert dans cet environnement, car il est devenu plus difficile de défendre des droits sur les lieux de travail et d’entreprendre des actions collectives, y compris des négociations avec les employeurs ou la gestion des conflits de travail. Cette situation est loin d’être aussi grave que celle de la Colombie dans laquelle, au cours de ces dernières années, l’identification des syndicalistes comme étant des «terroristes» a directement contribué à créer un environnement propice aux menaces et à la violence. En Australie, les syndicalistes ne craignent jamais pour leur vie et les employeurs raisonnables n’ont pas peur de négocier avec eux.
Le gouvernement de la Colombie mène une politique contre les syndicats et contre les travailleurs afin de mettre en œuvre sa vision d’une économie déréglementée, favorable aux entreprises et aux multinationales. La situation en Colombie concerne non seulement des assassinats particulièrement graves de syndicalistes, mais également la mort du syndicalisme lui-même. Des efforts importants sont nécessaires pour développer une culture de négociation, contrer la culture du conflit et de la violence et établir des relations professionnelles authentiques qui s’appliquent sur le lieu de travail et sont inscrites dans la loi. Tous ces efforts permettront de construire la paix et de résoudre les conflits.
De sérieux problèmes en matière de négociation collective, dont le manque de dispositions législatives et l’absence de promotion, demeurent. En outre, il existe des obstacles en droit et en pratique quant à l’existence même des syndicats et à leur possibilité d’exercer librement leurs activités. En réalité, il existe clairement une stratégie des employeurs visant soit à empêcher la création de nouveaux syndicats soit à affaiblir les syndicats existants. De nombreux travailleurs ont perdu leur droit à des prestations et le taux de syndicalisation est inférieur à 5 pour cent. La moitié des travailleurs syndiqués appartiennent au secteur public, et 50 pour cent de ces travailleurs sont privés du droit de négociation collective, faisant ainsi du taux de négociation collective l’un des taux les plus bas du monde: seulement 1 pour cent des travailleurs colombiens ont recours à la négociation collective.
Selon les fédérations syndicales colombiennes, le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives est en baisse. En 2007, 463 conventions collectives ont été négociées, soit une de plus qu’en 2006. Les contrats collectifs représentent à peine 1 pour cent des travailleurs, soit 177 000 personnes sur une population active de 18 millions. Le nombre de travailleurs couverts par des «accords collectifs» a en revanche augmenté de 184 pour cent. De tels accords collectifs avec des travailleurs non syndiqués sont utilisés pour affaiblir la position des syndicats et imposés par les entreprises à leurs travailleurs au moyen de médiateurs nommés par celles-ci. Cette pratique expose les travailleurs à des pressions afin qu’ils renoncent à leur affiliation syndicale et, pour le moins, participent à l’affaiblissement de l’efficacité des véritables syndicats. Il y a un an, un collègue visitant une plantation de fleurs ayant recours aux accords collectifs a discuté avec deux travailleurs en présence de l’employeur, et ceux-ci étaient incapables de répondre aux questions concernant les conditions de travail qu’ils étaient censés avoir négociées. Beaucoup d’employeurs font preuve d’une attitude antisyndicale radicale et refusent tout simplement de traiter avec les syndicats, au point que certains estiment que la relation de travail en Colombie est vidée de son objet. Il est nécessaire de mettre un terme auxdits «accords collectifs» ou «pactes» imposés par les employeurs comme une alternative aux conventions collectives.
En 2006, seules 11 négociations collectives ont été menées dans le secteur public - sept d’entre elles concernaient les employés municipaux et deux ceux des départements. Selon les statistiques du ministère, une négociation collective n’a été initiée que dans 2,74 pour cent des municipalités, ce qui témoigne de son caractère marginal dans le secteur public. L’absence d’un système fiable pour la collecte d’informations statistiques pose également problème. En ce qui concerne la négociation collective, il existe ainsi un manque de données statistiques fiables sur le nombre de conventions collectives, le type de conventions et d’entreprises, la nature des syndicats, ainsi que la période de validité de ces conventions. Les systèmes administratifs et de recueil des données sont très peu performants en raison de l’absence de priorité donnée à l’administration du travail. Ces systèmes doivent être renforcés car il est difficile d’établir un système de relations professionnelles solide sans se préoccuper des réalités existantes et sans la possibilité de mesurer les changements ou les progrès réalisés, même lorsque la volonté d’œuvrer en vue d’une amélioration existe.
Il est nécessaire de garantir le droit à la négociation collective dans le service public et de mettre un terme aux «coopératives de travail associé» qui organisent essentiellement un travail non protégé sous la forme de contrats de services dans le déni des droits des travailleurs notamment en ce qui concerne l’affiliation à un syndicat. Le droit à la liberté syndicale de tous les travailleurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, est à la base d’un système de relations professionnelles évolué et efficace. Il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en œuvre la convention no 87 et de garantir un espace juridique et politique pour des relations professionnelles saines. L’oratrice a conclu en remerciant le gouvernement de s’être présenté devant la commission et en le sommant de décupler ses efforts en vue de garantir la liberté syndicale; gouvernement et employeurs devraient, en outre, entamer des discussions constructives avec les syndicats démocratiques et indépendants colombiens.
Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que, tout comme une pièce a deux faces, il y a deux faces à la gouvernance: la bonne gouvernance, d’une part, qui se développe grâce au dialogue social inconditionnel et inclusif et la mauvaise gouvernance, d’autre part, qui se nourrit d’abus de pouvoir, de totalitarisme, d’égoïsme, d’arrogance et d’égocentrisme et est habituellement entachée d’intolérance, de violence et d’impunité, pénalisant ainsi les victimes tout en protégeant les criminels.
L’orateur a rappelé au gouvernement qu’il avait volontairement ratifié la convention no 144, sur les consultations tripartites, 1976, et que, par conséquent, il était obligé d’appliquer ses dispositions en droit et en pratique. Le dialogue social réunit toutes les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux tripartites, qui s’engagent dans l’élaboration de politiques nationales économiques et sociales afin d’apporter la paix, la justice et le progrès social. Il est attristant de constater que le gouvernement ne tient aucun compte de ses engagements en vertu de la convention no 144 et, pire encore, qu’il a sapé l’accord tripartite auquel il est lui-même partie, malgré les nombreux rappels à l’ordre de différentes organisations syndicales. Le but des consultations prévues par la convention no 144 n’est pas de disséminer des informations auprès des partenaires sociaux. Les consultations impliquent en effet un dialogue, avec l’intention de prendre en compte les contributions des parties intéressées et dont le résultat reflète les éléments apportés par les partenaires sociaux. Lorsque ce dialogue se limite à des communications de la part du gouvernement vers les partenaires sociaux, ce n’est plus un véritable dialogue mais un monologue. L’absence de dialogue conduisant au désastre, il n’est pas surprenant que l’intolérance et la violence règnent en maître sur la Colombie.
L’orateur a appelé le gouvernement à montrer l’exemple en instaurant le dialogue social. Lorsque le dialogue social n’est pas respecté au niveau national, comme le montre le mépris du gouvernement envers la convention no 144 et l’accord tripartite auquel il est partie, il est impossible d’avoir des conventions collectives au niveau de l’entreprise.
Le gouvernement viole de manière flagrante et répétée les conventions qu’il a ratifiées. De plus, il a traité les préoccupations des partenaires sociaux avec une parfaite intolérance et le plus grand mépris. Compte tenu de la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale, la liberté syndicale ne peut s’exercer que lorsque les droits fondamentaux de l’homme, en particulier les droits relatifs à la vie humaine et à la sécurité des personnes sont pleinement respectés et garantis. L’orateur a conclu en demandant à ce que les conclusions du présent cas soient incluses dans un paragraphe spécial.
Le membre travailleur de l’Argentine a déclaré que le cas de la Colombie constitue l’une des questions les plus malencontreuses et déplorables discutées au sein de l’OIT. L’anéantissement du mouvement syndical obéit à un plan systématique de répression à l’encontre des travailleurs dans leur ensemble. La peur, les menaces et la terreur constituent autant de moyens par lesquels l’on tente d’en finir avec les droits de ce groupe social. Il convient de s’interroger sur le rôle de l’Etat de garantir les libertés publiques dans la mesure où celles-ci sont, selon les organes de contrôle de l’OIT, la condition préalable nécessaire à l’existence de la liberté syndicale.
Selon le Comité de la liberté syndicale, il existe dans le pays non seulement des cas de menaces, de séquestrations et d’assassinats, mais également des licenciements massifs antisyndicaux, des ingérences injustifiées dans l’autonomie des syndicats, des grèves déclarées illégales et un non-respect des conventions collectives, y compris des refus de négocier collectivement. La responsabilité exclusive de la situation critique dans laquelle on se trouve repose entièrement sur le gouvernement ainsi que sur les entreprises qui ne respectent et ne mettent pas en œuvre les recommandations du Comité de la liberté syndicale pour assurer l’application effective des conventions. Il est nécessaire d’agir de toute urgence afin d’éviter que cette situation ne s’étende à d’autres pays d’Amérique latine dans lesquelles soufflent des vents nouveaux et où il y a des gouvernements engagés dans l’éradication de la faim, de la pauvreté et du chômage.
La détérioration progressive de la situation de la liberté syndicale et de la négociation collective en Colombie a réduit le taux de syndicalisation et de négociation à son niveau le plus bas, ce qui amène le comité de la liberté syndicale à considérer dans son rapport que l’exercice des libertés syndicales est quasi totalement bloqué. La Centrale syndicale des travailleurs des Amériques et la Coordination des centrales syndicales du cône Sud soutiennent de manière inconditionnelle la lutte des travailleurs et des organisations syndicales du pays. Ceux qui sont actuellement en train d’être jugés doivent être condamnés s’ils sont coupables. L’OIT doit poursuivre sa mission en vue de la mise en œuvre, sans hypocrisie, des droits fondamentaux et des normes et principes qui la fondent et qui apporteront la paix, la démocratie et la justice sociale en Colombie.
La membre travailleuse de la France a souhaité revenir sur l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie dont la signature, le 1er juin 2006, avait suscité l’espoir d’une véritable amélioration de la situation des syndicalistes en Colombie et d’un réel engagement des autorités. Aujourd’hui, l’espoir a fait place à la déception et à la frustration car, faute de mise en œuvre efficace, il n’a pas produit les effets escomptés. La liste des atteintes aux libertés fondamentales, au droit à la vie et au droit de grève et des ingérences dans les activités des syndicats reste beaucoup trop longue. La mise en œuvre de l’accord tripartite qui repose sur les conventions nos 87 et 98 ne peut se concevoir que dans le respect et la promotion de ces deux instruments. Or les 26 assassinats de syndicalistes qui ont eu lieu depuis le début de l’année montrent que les mesures prises par le gouvernement pour protéger les syndicalistes et lutter contre l’impunité sont largement insuffisantes, voire même dérisoires. Ce sont 26 morts de trop.
L’accord en question n’est pas une simple déclaration unilatérale mais le fruit d’un compromis liant travailleurs, employeurs et gouvernement. Il implique par conséquent une mise en œuvre concertée, tripartite et de bonne foi dans le cadre d’un véritable dialogue social, qui présuppose la possibilité de constituer des organisations syndicales libres et indépendantes en mesure d’exprimer leurs revendications et de créer des rapports de force, comme la grève, afin de défendre les droits des travailleurs, sans ingérence ni crainte pour leur sécurité. L’existence de telles organisations est un gage de cohésion et de paix sociales et ne doit pas dépendre de la volonté d’un gouvernement. Un syndicalisme libre, dont les droits et prérogatives sont respectés, participe au renforcement de la démocratie, à la transparence et à l’état de droit.
Les mandants de l’OIT, dont la présence à Bogotá est un élément essentiel de l’accord tripartite, sont responsables d’assurer le suivi de ce texte en participant activement et de bonne foi au dialogue indispensable, afin qu’il ne reste pas lettre morte ni qu’il soit vidé de son sens. L’oratrice a conclu en soulignant que les représentants des travailleurs ont clairement exprimé qu’ils sont prêts à collaborer.
Le membre travailleur du Brésil a exprimé sa solidarité avec le mouvement syndical colombien. Si, dans une société démocratique, il est naturel que le capital et le travail entrent en conflit, il n’est cependant pas naturel que cette lutte provoque des morts. De nombreux gouvernements ne comprennent pas bien la nature de ce conflit, et la vision que certains représentants gouvernementaux ont présentée de la situation en Colombie est préoccupante. Par exemple, l’intervention de la membre gouvernementale des Etats-Unis n’indique aucune préoccupation au regard des décès. Apparemment, le gouvernement des Etats-Unis imagine que la Colombie est un paradis et qu’il ne s’y passe jamais rien de mauvais. Il faudrait au contraire reconnaître le problème au lieu de le nier. Dans ce pays, certains ont recours à la violence et tuent des syndicalistes pour démontrer que la démocratie peut se faire sans les syndicats; que joindre un syndicat n’est pas une solution pour les problèmes des travailleurs; que les travailleurs perdront chaque bataille qu’ils ont avec les employeurs et le gouvernement. Or la démocratie ne se limite pas à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Dans une démocratie, le droit à la vie, le droit de constituer des syndicats et le dialogue social sont fondamentaux. Mais, en Colombie, le dialogue social n’existe pas. Il y a eu des améliorations sur le plan de la démocratie en Amérique latine, mais pas en Colombie, où les assassinats répriment toute tentative sur ce plan. Après tout, le respect du droit à la vie et des institutions fortes sont des préconditions pour une meilleure démocratie. Le dialogue social doit être renforcé en Amérique latine. Au Brésil, par exemple, le dialogue social s’est développé par des rencontres tripartites. Il faut le rétablir et renforcer la démocratie et les organisations syndicales pour mettre fin aux assassinats. Il est à cette fin indispensable que les auteurs de ces assassinats soient recherchés, traduits en justice et condamnés. Il faut montrer l’exemple, montrer que le climat a changé et, pour cela, cesser de faire croire que les syndicalistes ont un lien avec la guérilla pour les discréditer, donnant ainsi des arguments aux paramilitaires. Arrêtons les assassinats. Défendons la vie.
La membre gouvernementale du Mexique a indiqué que la commission d’experts signale dans son rapport que la situation générale continue d’être difficile. Cependant, elle reconnaît également qu’il y a eu des progrès, comme par exemple en ce qui concerne la garantie de la protection des dirigeants et des membres syndicaux ainsi que des sièges des syndicats, l’augmentation du budget consacré au programme de protection créé en 1997 et les efforts du gouvernement pour mener à bien les enquêtes relatives aux violations des droits de l’homme perpétrées à l’encontre de syndicalistes. Le gouvernement colombien a réaffirmé son engagement à l’égard de l’accord tripartite, dont la finalité est de promouvoir le travail décent et de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des organisations et des dirigeants syndicaux, en ce qui concerne la vie humaine, la liberté syndicale, les libertés d’association et d’expression, la négociation collective et la liberté d’entreprise.
Le résultat de la mission de haut niveau réalisée en novembre 2007 ne figure pas dans le rapport de la commission d’experts car elle est intervenue postérieurement à la session de la commission. Cependant, dans son rapport le Directeur général se réfère à la satisfaction de la mission du fait de l’engagement du gouvernement et des organisations d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en œuvre de l’accord, ainsi qu’à l’assignation par le gouvernement colombien de 4,7 millions de dollars E.-U. pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord; il se réfère également à des projets de lois sur le travail récemment présentés au congrès.
Enfin, l’oratrice a indiqué que le gouvernement du Mexique reconnaît les efforts consentis par le gouvernement de Colombie et que comme le démontrent les rapports susmentionnés, s’il est certain qu’il reste encore des travaux à accomplir, il n’est pas moins sûr qu’il y ait également une volonté politique, des résultats concrets et une grande disposition pour continuer à travailler en collaboration avec l’OIT.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a observé que, malgré la profonde tristesse suscitée par le meurtre de 2 669 collègues syndicalistes, le contexte de la discussion de la commission ne devait pas se limiter à la seule question de la violence. Les organes de contrôle de l’OIT ont établi que, même en l’absence de violences dans le pays, le gouvernement n’en reste pas moins le plus antisyndical et le plus favorable aux employeurs de toute l’Amérique latine. Les violences discutées dans cette commission n’ont aucun rapport avec le manquement du gouvernement à mettre la législation limitant l’enregistrement des syndicats et la négociation collective, ou la promotion des pactes collectifs et autres coopératives de travail associé, en conformité avec la convention. Les violences sont devenues l’écran de fumée derrière lequel se dissimule l’agenda néolibéral du gouvernement et son dédain pour le dialogue social. Mais l’Etat lui-même était directement ou indirectement complice des violences antisyndicales.
Des protestations ont eu lieu en Colombie et dans le reste du monde les 6 février et 6 mars 2008 pour demander que cesse toute violence qu’elle vienne des paramilitaires, des FARC ou de l’Etat ainsi que la libération immédiate de tous les otages. Carlos Rodriguez, Miguel Morante ainsi que d’autres collègues de la délégation des CUT, CTC et CGT (Centrale unitaire des travailleurs de Colombie, Confédération des travailleurs de Colombie et Confédération générale au travail) ont pris part à des protestations à Londres appelant également à ce que cesse l’aide militaire du Royaume-Uni et à un renforcement de l’assistance humanitaire. Il est nécessaire de passer d’un soutien militaire à un soutien du mandat de l’OIT, du dialogue social et du développement pacifique et équitable. Ceci est d’autant plus urgent que de plus en plus de politiciens liés au Président Uribe sont sous le coup d’enquêtes pour des liens avec les paramilitaires, principaux coupables des violences antisyndicales. Plus de 60 politiciens font l’objet d’enquêtes, y compris le cousin du Président, de hauts responsables des forces de sécurité, quatre gouverneurs de provinces ainsi que de nombreux sénateurs et membres du congrès. Parmi ces personnes, la moitié se trouve en prison et sept ont déjà été condamnées. De plus, un dirigeant paramilitaire, Salvatore Mancuso, a soutenu que, entre autres, le Vice-Président, un ancien ministre de la Défense et trois généraux de l’armée étaient impliqués. Le massacre de Jamundi en 2006 constitue un exemple de la complicité de l’armée avec les paramilitaires narcotrafiquants - un bataillon de soldats de haute montagne avait alors assassiné toute une escouade de la police antidrogue ayant bénéficié d’une formation aux Etats-Unis alors que celle-ci s’apprêtait à arrêter un gang de narcotrafiquants. De tels scandales «parapolitiques» renforcent la conviction selon laquelle l’aide militaire au régime doit cesser.
L’orateur a fermement soutenu la position du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle le gouvernement colombien viole la convention de manière flagrante en diffamant les syndicalistes à travers des annonces publiques les accusant d’être des terroristes. De telles déclarations constituent de invitations faites aux paramilitaires de prendre comme cible les personnes ainsi accusées. Plusieurs des 26 syndicalistes assassinés cette année - parmi eux sept enseignants syndiqués - l’ont été à la suite de la manifestation en faveur de la paix du 6 février, après laquelle José Obdulio Gaviria, haut conseiller auprès du Président Uribe, a prétendu que les protestations prévues pour le mois de mars étaient organisées par les FARC. Or cela était manifestement faux dans la mesure où ces manifestations étaient soutenues par les syndicats, le parti libéral et le Pôle démocratique, et où elles condamnaient toute violence et réclamaient la libération des otages retenus par les FARC. Les scandales de l’université de Cordoba et de l’opération Dragon à Cali constituent d’autres exemples de cas de «parapolitique» ayant été examinés par le Comité de la liberté syndicale. Il convient, par conséquent, de prier instamment tous les membres de la commission de se pencher sur les faits de ce scandale afin de déterminer la manière appropriée de réagir aux déclarations excessivement optimistes du gouvernement.
Les progrès modestes réalisés dans la lutte contre une impunité encore dominante sont essentiellement le fait des pressions internationales, et surtout de cette commission elle-même. Ces progrès, si petits soient-ils, en ce qu’ils aboutissent à la condamnation d’un certain nombre d’accusés par contumace et jamais des réels auteurs des crimes, n’en démontrent pas moins la nécessité d’un pouvoir judiciaire renforcé et indépendant. Les pressions ainsi que l’examen attentif et régulier de ce cas ne doivent pas cesser. De mûres relations professionnelles fondées sur une législation conforme aux normes de l’OIT, outre qu’elles représentent un bien en elles-mêmes, démontrent que les divergences d’intérêts peuvent être surmontées par des négociations pacifiques. Les conclusions doivent par conséquent réitérer la demande faite au gouvernement de s’abstenir de diffamer publiquement des syndicalistes et comporter l’engagement de renforcer le soutien du bureau de l’OIT de Bogotá au dialogue social, à de saines relations professionnelles et au combat contre l’impunité.
Le membre travailleur de l’Espagne a déclaré qu’outre les niveaux de violence antisyndicale intolérables atteints en Colombie le pays souffre d’autres problèmes qui rendent difficile et empêchent l’exercice de la liberté syndicale, dont notamment le problème de l’enregistrement des syndicats, qui limite l’activité syndicale, et celui de la dégradation de la relation de travail du fait du recours abusif aux coopératives de travail associé et aux autres formes de travail précaires.
L’autorité administrative a des pouvoirs discrétionnaires pour refuser l’enregistrement d’un syndicat si elle estime que l’organisation peut exercer des activités qui outrepassent le cadre des activités syndicales normales; le ministère de la Protection sociale peut également le refuser, comme cela a récemment été le cas pour le syndicat national du transport, en raison de l’absence de lien des travailleurs avec l’activité économique de l’organisation. Les organisations syndicales devraient bénéficier d’une autonomie suffisante pour pouvoir s’organiser de la manière qu’elles estiment la plus appropriée et sans autorisation préalable.
Malgré le fait que la commission d’experts signale maintenant depuis de nombreuses années l’abus par la Colombie des différentes formes de contrats de travail pour échapper à la législation du travail et faire obstacle au droit syndical et à la négociation collective, on continue de recourir aux coopératives pour dissimuler la relation de travail. Le fait que les conditions de travail des membres des coopératives soient pires que celles des entreprises auxquelles ils offrent des services constitue une fraude évidente à la loi. Certaines entreprises licencient leurs travailleurs pour ensuite promouvoir avec eux une coopérative de travail associé. Le gouvernement n’applique pas non plus le critère du Comité de la liberté syndicale tiré de l’article 2 de la convention no 87, selon lequel le droit de constituer des syndicats et de s’y affilier doit être accordé aussi bien aux travailleurs dépendants qu’aux travailleurs autonomes. Une relation de travail qui nie les droits fondamentaux des travailleurs est une version moderne de servitude séculaire.
L’orateur a proposé, au regard de toutes les raisons exposées, l’adoption d’un paragraphe spécial priant instamment le gouvernement de la Colombie de mettre en conformité sa législation avec les conventions nos 87 et 98.
Le membre employeur de la Colombie a indiqué que si en 1998, lors de la désignation d’une commission d’enquête pour examiner l’application de la convention en Colombie, on pouvait admettre que la Colombie n’était pas un pays viable, aujourd’hui on ne peut pas nier que la Colombie est devenue un pays différent, au sein duquel la participation des partenaires sociaux existe et un système judiciaire est en fonctionnement.
Il a souligné qu’en 2006, lors de la signature de l’accord tripartite, la conviction selon laquelle la Colombie pouvait changer existait et que la Colombie a changé. L’orateur a indiqué que les progrès réalisés peuvent être observés dans le rapport de la mission de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en novembre 2007, et il a notamment attiré l’attention sur les paragraphes 6, 7, 8, 14 et 23 de ce rapport. En effet, l’accord tripartite a porté ses fruits de manière évidente, et ils peuvent être perçus au travers du programme de coopération technique qui est mené dans le pays. Ce programme contient quatre aspects, l’un d’eux étant le dialogue social.
D’autres avancées considérables sont la réunion périodique menée entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement dans le cadre de la Commission nationale de concertation des politiques sur le travail et les salaires, ainsi que le programme mis en œuvre avec les juges et les procureurs.
Tout ceci démontre que l’accord tripartite est dynamique et qu’il contient même de grandes possibilités de développement et d’action. Il a souligné la participation active du bureau du représentant spécial de l’OIT dans les activités susmentionnées.
En ce qui concerne l’avancée dans la lutte contre l’impunité, il a souligné que, grâce à des fonds européens, un programme par lequel le ministère public travaille en collaboration avec les centrales syndicales pour identifier les syndicalistes victimes de violence est mis en œuvre. L’orateur a souligné que les statistiques actuelles fournies par le ministère public permettent d’assurer la transparence des enquêtes et des résultats communiqués.
Il a signalé en particulier que sur les 105 jugements rendus par les autorités judiciaires, par lesquels 177 personnes ont été condamnées à ce jour, il y a eu, selon les statistiques susmentionnées, 20 cas pour lesquels le motif justifiant les actes de violence était la violence antisyndicale, 1 cas dû à un accident, 1 aux activités politiques de la victime, 1 au trafic de drogues, 5 à des facteurs divers, 14 à un vol, 1 pour lequel les escadrons urbains ont été désignés responsables, 2 où la raison était la collaboration des victimes avec les paramilitaires, 27 à cause de la collaboration avec la guérilla, 1 pour ses liens avec les militaires, 9 pour des raisons personnelles, 14 pour des motifs inconnus, et 2 cas suite à la violence des FARC. D’autre part, si une augmentation récente de la violence est admise, l’orateur a estimé que la justice apporte une réponse et que les institutions de l’Etat fonctionnent.
Dans ce sens, il a affirmé qu’en application de la politique de sécurité démocratique des actions contre la guérilla et contre les paramilitaires ont été mises en place. Quatorze chefs paramilitaires qui ont bénéficié de la loi pour la justice et la paix ont été extradés vers les Etats-Unis pour ne pas avoir respecté les dispositions prévues par cette loi. En outre, des coups précis ont récemment été portés contre la guérilla, ce qui permet aux employeurs d’augmenter le développement de leurs activités.
L’orateur a souligné la large participation de l’opposition dans l’activité politique colombienne. Dans ce sens, la direction de différents gouvernements locaux et départements est confiée à des représentants de l’opposition et à des membres du mouvement syndical. Ces derniers disposent également de sièges au congrès.
Le membre employeur a décrit, ensuite, les progrès considérables réalisés au niveau de l’économie colombienne ces dernières années: l’augmentation du PIB et du salaire per capita, le triplement des exportations et des importations, et la réduction de l’inflation et du déficit fiscal. Il a également fait référence aux progrès intervenus au plan législatif et a rappelé l’engagement des employeurs à conjuguer les efforts destinés à modifier la législation et à la mettre en conformité avec les dispositions de la convention.
Il a ajouté que, en ce qui concerne les procédures judiciaires initiées contre de nombreux membres du congrès accusés de possiblement entretenir des liens avec les paramilitaires, des enquêtes ont récemment été ouvertes quant au lien possible de certains membres avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Ceci démontre que la justice se renforce et que l’utilisation de la politique en tant que moyen pour appliquer les objectifs des groupes armés n’est pas acceptée. En outre, des mesures visant à renforcer les forces armées présentes dans chacun des villages du pays ont été adoptées.
En réponse aux commentaires formulés par le membre travailleur de l’Australie, l’orateur a indiqué qu’une étude a été récemment effectuée à l’intérieur d’un groupe d’entreprises affiliées, dont le chiffre d’affaires représentait 20 pour cent du PIB et dont les résultats démontrent que 21,6 pour cent des entreprises possèdent des syndicats d’entreprise et 29,3 pour cent des syndicats de branches. Ces proportions sont supérieures à la moyenne nationale et à celles d’autres pays.
Concernant la question de l’enregistrement des syndicats, l’orateur a indiqué que, suite à l’adoption de la loi no 584 sur la question, la Cour constitutionnelle a rendu une décision autorisant l’existence de plus d’un syndicat par entreprise. Ceci a donné lieu à des abus, de nombreux syndicalistes étant membres de différents syndicats afin d’obtenir l’immunité syndicale et de bénéficier ainsi d’une stabilité dans leur emploi. Il ne s’agit donc pas de la mauvaise volonté du gouvernement ou des employeurs mais bien de mettre fin à une pratique abusive.
En matière de recrutement, il a indiqué que les questions soulevées sont similaires à celles qui existent dans le reste du monde. Au sein de l’OIT elle-même, il y a eu des discussions sur les différentes formes d’embauche et les différents usages du travail dissimulé ou occulte. Mais il a souligné que l’embauche directe et à durée indéterminée n’est pas à ce jour la seule voie qui existe.
L’orateur a conclu en indiquant que, conformément aux informations fournies, la Colombie a réalisé des avancées et des progrès concrets permettant de considérer ce cas comme un cas de progrès.
Le membre travailleur des Etats-Unis a remercié le gouvernement colombien de s’être présenté devant la commission et a déclaré qu’il n’existait aucune raison légitime pour laquelle un veto avait été opposé à la discussion de ce cas lors de la session de l’année dernière. De tels actes d’obstruction sapent dans ses fondements la raison d’être de la Commission de la Conférence. Selon lui, ce veto a été exploité par le gouvernement colombien et par les défenseurs de l’accord de promotion du commerce conclu entre la Colombie et les Etats-Unis, qui ont affirmé que la Colombie n’était plus soumise à la surveillance de l’OIT dans la mesure où elle respectait les normes internationales du travail fondamentales. Si des distorsions de cette sorte se produisent lors de cette session, elles seront publiquement dénoncées et devront être corrigées.
L’idée dominante avancée par le gouvernement et les promoteurs de l’accord de libre-échange est que les ressources financières qui ont été augmentées pour lutter contre la violence antisyndicale et l’impunité ont permis d’obtenir des résultats, à savoir une diminution des assassinats entre 2006 et 2007. Même si pour la discussion cette image artificielle peut être acceptée, on peut toutefois conclure qu’il n’est pas nécessaire d’assassiner des syndicalistes pour détruire le mouvement syndical en Colombie, le syndicalisme étant déjà victime de répression. Face aux événements tragiques de 2008, l’orateur a rejeté cet argument. Ainsi que le gouvernement l’a reconnu, 26 syndicalistes ont, à ce jour, été tués en 2008, soit une augmentation de 71 pour cent par rapport à la même période l’année dernière. Clairement, même un mouvement syndical réprimé représente une trop grande menace pour les forces antisyndicales.
Comme la commission d’experts l’a noté et comme le gouvernement l’a déclaré, des millions de dollars ont été budgétisés et dépensés pour des mesures de protection spéciale pour la sous-unité spéciale du ministère public et pour seulement trois juges dont le mandat était limité à six mois, ainsi que le bon juge Sanchez l’a découvert à ses dépens. Cependant, aucun programme de protection spéciale ne pourra être réalisé avec succès à moins qu’il soit mis fin à l’impunité, qui caractérise aujourd’hui plus de 97 pour cent de l’ensemble des assassinats depuis 1986 car les commanditaires et les auteurs matériels des violences antisyndicales sont de toute évidence libres et s’organisent, même si nous présumons le meilleur en ce qui concerne les intentions premières qui sous-tendent la loi sur la justice et la paix. De plus, les déclarations publiques émanant des plus hauts niveaux du gouvernement colombien ne font que renforcer le fléau de l’impunité, tel, par exemple, le Vice-Président Santos étiquetant comme guérilleros les trois syndicalistes légitimes assassinés en 2004 par l’armée colombienne.
Le gouvernement se prévaut de plus de 80 condamnations depuis 2001, mais il y a un retard dans le traitement de plus de 2 200 cas de meurtres de membres de syndicats depuis 1991, et, à ce jour, les condamnations concernent 59 cas, dont seulement 22 concernent les plus de 400 assassinats de syndicalistes qui ont eu lieu depuis que l’administration actuelle a pris ses fonctions. Parmi ces 22 cas, 18 sont toujours en instance devant les tribunaux, et susceptibles d’appel ou d’annulation. Sur les 187 cas prioritaires sur lesquels le gouvernement et le mouvement syndical se sont mis d’accord en 2006, moins de dix ont fait l’objet de condamnations définitives. A ce rythme, il faudra trente-six ans pour éliminer l’impunité, seulement pour ce qui est de ces cas. Selon le ministère public, 45 pour cent des personnes condamnées ne sont même pas incarcérées. Les assassinats se poursuivront sauf s’il existe une véritable volonté politique et la capacité juridictionnelle d’éradiquer l’impunité, peu importe l’argent dépensé pour le personnel du ministère public et des gardes du corps.
Le représentant gouvernemental de la Colombie a indiqué que son gouvernement a accepté volontairement cet exercice dans le but de trouver des mécanismes qui aideraient à améliorer la situation et a considéré que les interventions ayant pour objet de condamner ou excuser perturbent ce processus constructif. Tout le monde pleure les morts et, malgré des avancées significatives, il faut continuer à lutter contre l’impunité. Le gouvernement peut compter sur l’appui de 86 pour cent de la population et le Président de la République se réunit toutes les six semaines avec les travailleurs, les employeurs et les représentants du BIT dans le pays pour analyser les questions soulevées par l’OIT. Il convient de demander combien des membres travailleurs ici présents ont, à tous les mois et demi, la chance de rencontrer le Président de leur pays. Il convient d’insister sur le fait que le système judiciaire fonctionne et est autonome comme l’a démontrée la détention de parlementaires. Les efforts accomplis avec volonté et constance sur le plan législatif doivent être poursuivis. Sans optimisme ni fatalisme, le gouvernement maintient sa décision de continuer d’améliorer la situation.
En outre, répondant à l’intervention du membre travailleur des Etats-Unis, le représentant gouvernemental a rejeté l’affirmation selon laquelle le syndicalisme serait réprimé. Accepter une telle affirmation revient, selon lui, à nier les efforts déployés par des responsables syndicaux engagés comme Carlos Rodriguez, Apecides Alvis et Julio Roberto Gomez. Le gouvernement et les travailleurs ont parcouru un long chemin et participé conjointement à des négociations, ceci malgré leur différence d’idéologie. Un bulletin de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) titrait d’ailleurs: «Le début de la fin de l’impunité». Il convient de s’interroger sur le point de savoir si l’on avait fait preuve de la même véhémence par le passé lorsque quelques syndicalistes étaient ministres du travail. S’engager sur la voie de la confrontation revient à ignorer le fait que l’impunité a été accumulée depuis les années quatre-vingt. En ce qui concerne le traité de libre-échange, celui-ci a été l’un des thèmes du gouvernement lors de la campagne électorale et la population s’est prononcée en sa faveur. Les alternatives permettant au syndicalisme de se revitaliser dans le cadre de l’économie mondialisée ne doivent pas être écartées et les divergences idéologiques sont même souhaitables face à certaines questions comme, par exemple, celle du traité de libre-échange. Pour conclure, il a signalé que son gouvernement a invité la Fédération américaine du travail (AFL- CIO) à venir participer aux travaux de la Commission nationale de concertation.
Les membres employeurs ont noté que le gouvernement de la Colombie s’est présenté devant la commission de son plein gré. Il ne s’agit pas de la discussion d’un cas mais d’un dialogue et, dans la mesure où il existe un consensus clair, un paragraphe spécial ne serait pas approprié. Les membres employeurs ont adopté une approche fondée sur des principes pour traiter les observations de la commission d’experts adressées à la Colombie sur la convention no 87. Depuis les vingt-cinq dernières années au cours desquelles la question a été discutée par la Commission de la Conférence, les progrès ont été limités, mais depuis 2005 des progrès substantiels ont été réalisés avec l’ouverture d’un bureau de l’OIT à Bogotá, le déclin de la violence et l’augmentation des fonds destinés à la protection, au système judiciaire, aux tribunaux et à l’inspection du travail. Le dialogue continu reflète ces améliorations.
L’image montre des résultats mitigés. Il y a bien eu des progrès dans des circonstances difficiles mais, dans le même temps, comme le reconnaît le gouvernement, il reste beaucoup à faire. Il existe un consensus clair selon lequel l’accord tripartite de 2006 doit être pleinement mis en œuvre et qu’il reste des progrès à accomplir en ce qui concerne les questions de l’impunité, des coopératives et d’autres points de droit du travail. Le gouvernement a indiqué que la situation devrait bientôt encore s’améliorer. La présence du gouvernement a permis à la commission et à la communauté internationale de mieux comprendre la situation et de clarifier les mesures nécessaires pour aller de l’avant.
Les membres travailleurs ont conclu en soulignant que tous les éléments développés dans les interventions des différents membres travailleurs restent valables. Deux clarifications doivent par ailleurs être apportées aux déclarations du représentant gouvernemental. Tout d’abord, les membres travailleurs n’ont pas indiqué à quatre ou cinq reprises que des progrès avaient été réalisés mais ils ont reconnu que des progrès modestes avaient été accomplis dans le fonctionnement des tribunaux. Par ailleurs, en ce qui concerne la discussion du traité de libre-échange, le gouvernement colombien a invité le mouvement syndical international et non pas l’AFL-CIO.
Les membres travailleurs ont recommandé à la commission de demander au gouvernement d’expliquer pourquoi les conventions nos 87 et 98 sont violées de manière persistante en droit et en pratique; d’inviter, dans un paragraphe spécial de son rapport, le gouvernement à mettre immédiatement en œuvre les recommandations formulées par les organes de contrôle; de modifier la législation pour que le droit de grève soit reconnu et garanti à tous les travailleurs, pour mettre fin aux interférences et à l’ingérence dans les activités des syndicats, et pour reconnaître et garantir les droits d’association et de négociation à tous les travailleurs, quel que soit leur secteur d’activité (privé ou public) ou leur type de contrat; s’agissant de l’impunité, d’accentuer ses efforts, à travers le ministère de la Justice et le pouvoir judiciaire, et d’autoriser des experts internationaux à s’assurer que les enquêtes menées visent à identifier les auteurs de ces crimes et leurs commanditaires et le rôle éventuel des institutions de l’Etat.
Le Conseil d’administration devrait quant à lui prendre des mesures pour renforcer le bureau de représentation permanente du BIT en Colombie, avec la présence d’experts sur les matières relevant de l’accord tripartite, de manière à encourager un dialogue social efficace et utile à la mise en œuvre des recommandations des organes de contrôle et, par là même, à la reconnaissance et à la garantie des droits et des libertés fondamentales des travailleurs. Il devrait également prendre des mesures pour assurer le suivi des recommandations du Comité de la liberté syndicale.
Enfin, la commission d’experts devrait demander au gouvernement de respecter les délais dans l’envoi des rapports et de les présenter sous la forme requise par le Conseil d’administration. Lors de l’examen de l’application de la convention, la commission d’experts devrait tenir compte des observations que les organisations syndicales colombiennes envoient systématiquement.
La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé les actions entreprises par le gouvernement et les partenaires sociaux afin de parvenir à une meilleure application de la convention, depuis qu’elle a examiné l’application de celle-ci, en 2005. La commission a souhaité rappeler en particulier la visite tripartite de haut niveau sur invitation du gouvernement, en octobre 2005, et les recommandations qu’elle a formulées; l’Accord tripartite colombien pour le droit d’association et la démocratie de juin 2006; l’établissement d’un bureau de représentation de l’OIT en Colombie ainsi que la mission de haut niveau du BIT de novembre 2007 et son rapport. La commission a considéré que toutes ces initiatives constituent des premiers pas importants pour maintenir les questions liées à l’application de cette convention fondamentale au centre du dialogue et du débat national. Elle a voulu croire que d’autres mesures importantes seraient prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord tripartite pour parvenir rapidement à la pleine application des dispositions de cette convention fondamentale.
La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts se réfèrent à des actes répétés de violence contre les syndicalistes et à une situation persistante d’impunité même si les efforts significatifs de la part du gouvernement pour renforcer le programme de protection spéciale ont été constatés. La commission d’experts a également pris note des efforts déployés par la «Fiscalía General de la Nación» (Bureau du Procureur général de la Nation) pour s’assurer que les enquêtes diligentées en cas de violations graves des droits de l’homme perpétrées à l’encontre des syndicalistes progressent ainsi que de la désignation de trois juges qui se consacrent exclusivement à l’examen des cas de violence contre les syndicalistes. La commission a pris note des déclarations du gouvernement relatives à l’augmentation des fonds budgétaires pour la protection des syndicalistes et la baisse continue du nombre de morts violentes dans le pays, y compris de syndicalistes.
Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission a exprimé sa préoccupation face à l’augmentation des actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes au cours de la première moitié de l’année 2008. Compte tenu des engagements précités pris par le gouvernement, la commission l’a instamment prié de continuer à renforcer les mesures de protection existantes et de s’assurer que les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes aboutissent rapidement et permettent l’identification des commanditaires. Ces mesures devront inclure l’augmentation des ressources nécessaires pour lutter contre l’impunité, et notamment la nomination de juges supplémentaires spécialisés dans le traitement des cas d’actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes. Toutes ces mesures constituent des éléments essentiels pour s’assurer que le mouvement syndical peut finalement mener ses activités et se développer dans un climat exempt de violence.
En ce qui concerne les questions pratiques et législatives en suspens, la commission a relevé que la commission d’experts a noté avec intérêt certaines mesures prises par le gouvernement pour mettre sa législation en conformité avec la convention mais que plusieurs autres questions restaient à résoudre. La commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle le dialogue se poursuit pour adopter une législation concernant les services publics essentiels et les coopératives, et des mesures importantes ont été prises pour renforcer l’inspection du travail.
La commission a relevé que les questions concernant les divergences entre la législation et les dispositions de la convention font l’objet de commentaires de la commission d’experts depuis de nombreuses années et que les efforts déployés par le gouvernement jusqu’à maintenant n’ont pas porté leurs fruits. Elle a voulu croire que le gouvernement continuera à recourir à l’assistance du Bureau pour traiter toutes les difficultés restantes et adoptera les mesures nécessaires dans un très proche avenir pour assurer l’application pleine et effective de la convention tant en droit qu’en pratique. En particulier, la commission a exprimé le ferme espoir que des dispositions législatives seront adoptées sans délai de manière à ce que les contrats de service, ou autres types de contrats, et les coopératives, ou autres mesures, ne soient utilisés pour priver les travailleurs de la liberté syndicale et de la négociation collective. Elle a également demandé au gouvernement de garantir que tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public, puissent constituer les organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et s’affilier à celles-ci, conformément à la convention. A cet égard, la commission a demandé au gouvernement de ne pas utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser l’enregistrement d’un syndicat.
La commission a une nouvelle fois souligné l’importance d’un dialogue social exhaustif et significatif pour trouver des solutions durables à ces graves questions. La commission a considéré que le renforcement de la représentation du BIT en Colombie est nécessaire pour faciliter la mise en œuvre effective de l’accord tripartite. La commission a demandé au gouvernement de fournir, en consultation avec les partenaires sociaux, un rapport détaillé sur toutes les questions sus-mentionnées afin qu’il soit examiné à la prochaine session de la commission d’experts.
Un représentant gouvernemental de la Colombie a reconnu que la coopération et l'accompagnement reçus de la part de l'OIT et des pays qui ont collaboré par son intermédiaire dans le cadre du programme de coopération ont été d'une aide précieuse. Comme le démontrent les résultats du programme de coopération technique, la coopération internationale doit continuer à être la base de la relation entre l'OIT et la Colombie. Son pays a toujours analysé avec respect les observations formulées par la commission d'experts en ce qui concerne l'adéquation progressive de la législation nationale avec les conventions de l'OIT qu'il a ratifiées.
La situation de violence dans le pays existe depuis de nombreuses décennies. Le gouvernement de la Colombie partage d'ailleurs les préoccupations exprimées à cet égard et a comme objectif principal sa réduction. Bien qu'il soit regrettable que la violence n'ait pu être enrayée jusqu'à aujourd'hui, elle a diminué de manière constante. En 2002, la Colombie enregistrait presque 29 000 homicides. En 2004, ce nombre est tombé à 20 000, ce qui représente une diminution de 30,61 pour cent. En ce qui concerne plus particulièrement les syndicalistes, 205 assassinats sont à regretter en 2002, contre 89 en 2004, ce qui représente une diminution de 56,58 pour cent. Si la violence continue de diminuer, à la fin de cette année 15 000 homicides seront perpétrés, ce qui signifie une réduction de pratiquement 50 pour cent par rapport à l'année précédente, et ce, depuis que le nouveau gouvernement a pris ses fonctions.
La mission de contacts directs qui a visité la Colombie en l'an 2000 a indiqué que l'État colombien ne suivait aucune politique d'extermination contre aucun secteur de la société. Ce sont les groupes armés illégaux et les narcotrafiquants qui assassinent, séquestrent et menacent syndicalistes, maires, journalistes, leaders religieux, conseillers municipaux, indigènes, enseignants, militaires, juges, employeurs, commerçants et diverses personnalités de la vie publique nationale. Bien que peu nombreux, dans certains cas des agents de l'État commettent de manière individuelle des abus. A cet égard, le gouvernement a demandé un éclaircissement des actes posés et l'imposition de sanctions correspondantes. La mort violente d'une seule personne est suffisante pour renforcer l'engagement de l'État pour garantir la vie de ses citoyens et, de manière plus spécifique, des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués.
Les efforts du gouvernement en vue de protéger les groupes vulnérables ne se résument pas à la politique de sécurité démocratique. Ils s'étendent au programme de protection dont le ministère de l'Intérieur et de la Justice a la charge. En outre, plus de 70 pour cent des 40 millions de dollars provenant du budget national pour la période 2002-2004 sont destinés à la protection des syndicalistes et des dirigeants syndicaux.
Selon le rapport du Procureur général de la nation concernant les investigations en cours pour le délit d'homicide dans lequel la victime était affiliée à une organisation syndicale, pour la période 20022004, les mesures suivantes ont été prises: 36 mesures de détention préventive, 21 mises en accusation, quatre sentences de condamnation et 131 examens de preuves. Ceci démontre donc un progrès important par rapport aux dix dernières années.
S'ajoutent aux éléments ci-dessus mentionnés l'effort du gouvernement pour répondre de manière chaque fois plus détaillée et opportune aux plaintes déposées auprès du Comité de la liberté syndicale, effort d'ailleurs reconnu par les groupes syndicaux eux-mêmes. Entre 1993 et 2003, les accusations du comité se réfèrent presque exclusivement à la mort de syndicalistes. Aujourd'hui, les nouvelles accusations sont d'un autre ordre, plutôt en relation avec l'exercice du droit syndical, ce qui représente un progrès.
Ne pas reconnaître le problème serait une énorme erreur pour son pays. De la même façon, ignorer les efforts et les améliorations obtenues peu à peu dans ce domaine serait une erreur de la part de la communauté internationale. La Colombie peut être considérée comme "un pays en progrès". Même si certains problèmes persistent, ils sont en voie d'être résolus. Pour ce faire, la conjoncture de trois éléments simultanés est requise, à savoir le temps, les ressources et la volonté politique du gouvernement.
S'agissant de la lutte contre l'impunité, des personnes sont en détention, et quatre ont été condamnées. Un nouveau système accusatoire, mettant l'accent sur la procédure orale, a récemment été créé. En conjonction avec le renforcement du Procureur général de la nation, ce système devrait permettre plus d'efficacité dans les enquêtes.
En ce qui concerne le processus de réforme législative et des divergences entre la législation nationale et la convention no 87, il est à signaler que ce processus a été reconnu par la commission d'experts. Comme il est mentionné dans l'étude d'ensemble de 1994 de la commission d'experts, au début des années quatre-vingt-dix, un nombre important d'amendements législatifs a permis la reconnaissance du pays comme un cas notable de progrès. En outre, dans son rapport de 2001, la commission d'experts a par ailleurs pris note avec satisfaction des mesures adoptées par la Colombie, lesquelles ont permis de répondre à 10 commentaires formulés par celle-ci. Trois commentaires subsistent actuellement, ce qui est inférieur à la moyenne des commentaires des pays cités dans le rapport cette année.
Concernant la question de l'interdiction pour les fédérations et les confédérations d'appeler à la grève, le gouvernement a expliqué que le système colombien de liberté syndicale, d'association et de négociation collective s'articule autour d'un syndicalisme d'entreprise auquel ont été reconnus toutes les attributions inhérentes à cette liberté ainsi que les droits prévus à la convention no 87. Ce système est considéré par l'État colombien comme parfaitement valide, ne porte pas atteinte aux dispositions de la convention no 87 et permet les meilleurs niveaux de négociation et de dialogue social. La Colombie ne peut admettre que la limitation citée constitue un déni de la liberté syndicale et du droit d'association.
Dans un second temps, la commission a formulé des commentaires concernant l'interdiction de grève pour les services dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes, dans toute ou dans une partie de la population, ainsi que la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui seraient intervenus ou auraient participé à une grève illégale. A cet égard, l'orateur rappelle que le droit de grève est stipulé par la Constitution colombienne et souffre d'une seule exception, à savoir les services publics essentiels. La notion de service public s'entend dans le système juridique colombien de tous les services que l'État fournit directement ou via des particuliers, de manière régulière et continue, et qui visent à satisfaire les nécessités de la population dans lesquelles l'intérêt général est implicite.
S'agissant de la possibilité prévue par la loi de licencier les travailleurs ayant participé à des regroupements collectifs déclarés illégaux, la législation prévoyait qu'avant d'aboutir à la grève certaines mesures et procédures devaient être épuisées et accomplies pour partie par les travailleurs et pour partie par les employeurs. Ainsi, l'expression "grève illégale" ne désigne pas une limitation du droit de grève mais des situations qui, pour ne pas être précédées de l'accomplissement de mesures clairement établies, ne peuvent recevoir la reconnaissance juridique et n'entrent pas stricto sensu dans le concept de grève.
Les efforts signalés doivent être accompagnés d'un plus grand nombre d'emplois. La croissance économique a atteint environ 4 pour cent dans les dernières années, ce qui s'est traduit par l'augmentation des postes de travail et la diminution du taux de chômage dans les deux dernières années.
L'orateur a en outre exprimé sa reconnaissance à l'OIT pour le rôle joué dans le développement du dialogue social. Les dirigeants syndicaux et les employeurs doivent s'efforcer ensemble de profiter des espaces constitutionnels légaux dont ils disposent, en laissant de côté toutes ces pressions internes ou externes qui prétendent polariser leurs relations. Il n'est pas souhaitable que de multiples organisations non représentatives des travailleurs discréditent la Colombie.
Le dialogue social devrait se traduire par un instrument important à travers lequel l'OIT et les pays ayant manifesté des préoccupations, s'agissant de la situation de la Colombie, pourraient contribuer de manière concrète à la poursuite du programme de coopération approuvé par le Conseil d'administration en mars 2005. Pour conclure, il a rappelé que son pays avait besoin de temps et de ressources pour avancer et qu'il espérait que, grâce aux résultats déjà obtenus, la communauté internationale, à travers l'OIT, lui apportera son aide.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations qu'il a fournies. Ils ont souligné que le cas de la Colombie a pour contexte la guerre civile et une violence extrême affectant l'ensemble de la société, y compris le gouvernement, les organisations d'employeurs et les syndicats. La commission d'experts a relevé à de nombreuses reprises que les organisations d'employeurs et les syndicats ne pouvaient fonctionner efficacement que dans un climat de paix et de respect des droits fondamentaux de l'homme. Les problèmes qui se posent en Colombie sont cependant très profondément enracinés dans la société. En témoigne le fait que le financement des FARC et des forces paramilitaires par les cartels de la drogue dépasse le budget national. La commission se trouve donc face à un problème épineux: la liberté syndicale ne peut exister dans la violence. Cela ne veut toutefois pas dire que la liberté syndicale mettrait un terme à la violence. Même si la législation du travail était conforme aux dispositions de la convention no 87, les problèmes de société ne seraient pas résolus pour autant. Et ceci est vrai pour les trois questions relatives à la liberté syndicale et au droit de grève dont est saisie la Commission de la Conférence. Les membres employeurs ont cependant souligné que la violence en Colombie restait inacceptable et portait atteinte à la liberté syndicale. Pour que cette violence cesse, il importe de renforcer les institutions démocratiques et le gouvernement mène des efforts dans ce but.
A cet égard, les membres employeurs ont relevé que les questions soulevées par la commission d'experts portaient essentiellement sur le droit de grève et qu'il n'était pas nécessaire de les traiter dans le détail, étant donné que la position des employeurs à ce sujet est bien connue et a été clairement énoncée dans le cadre de l'application de la convention no 87 par le Guatemala.
Pour conclure, ils ont estimé que la commission devait tirer les conclusions suivantes sur ce cas. Premièrement, pour que la liberté syndicale soit respectée dans le pays, il est fondamental que le gouvernement mette tout en uvre pour faire cesser la violence. Deuxièmement, le programme de coopération technique de l'OIT, qui a permis de réaliser certains progrès, devrait être maintenu et développé. Il est cependant nécessaire de disposer d'informations complémentaires sur les résultats tangibles obtenus grâce à ce programme de coopération technique, que les membres employeurs commenteront plus en détail au moment de la conclusion de l'examen de ce cas.
Les membres travailleurs ont indiqué qu'en Colombie, 5 pour cent environ de la population active serait actuellement affiliée à un syndicat et moins de 1 pour cent serait couvert par une convention collective. Ces situations résultent de lois, de mesures et de pratiques hostiles au droit d'organisation. Les pourcentages indiqués sont en chute libre ces dernières années pour les considérations suivantes: tout d'abord, les garanties légales qui permettent l'exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective ne sont pas encore en conformité avec la convention no 87, comme les experts l'ont souvent indiqué; en deuxième lieu, les décisions des trois pouvoirs font fi des dispositions de la convention en question; enfin, dans la pratique, un ensemble de facteurs se traduit par l'énorme difficulté de mettre en uvre ladite convention.
Ils ont rappelé que la commission d'experts souligne quatre points dans son rapport. Il s'agit de l'interdiction pour les fédérations et confédérations de déclarer la grève; de l'interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels stricto sensu, comme c'est le cas notamment pour les travailleurs d'ECOPETROL; de la faculté du ministère de la Protection sociale de soumettre des différends à l'arbitrage en cas de grève se prolongeant au-delà d'une certaine durée; des procédures d'inscription des syndicats et de l'usage excessif que les autorités peuvent faire de l'évaluation des inscriptions. Ils ont rappelé avec insistance au gouvernement de bien vouloir concrétiser sa proposition formulée à cette commission l'année dernière et qui consistait à discuter sur ce point avec l'OIT en vue d'une solution. Mais une nouvelle année s'est écoulée, et de nouveau rien ne s'est produit. Ils ont en outre rappelé que la commission avait demandé au gouvernement, dans ses conclusions de 2004, de fournir des informations auxquelles le gouvernement n'a pas répondu dans son rapport.
Les membres travailleurs ont rappelé dans un premier temps les déclarations des travailleurs lors de la commission précédente selon lesquelles les droits des travailleurs, notamment les droits syndicaux, garantis par la législation nationale, ne sont pas respectés à l'occasion des processus de fusion, liquidation ou restructuration des services publics et privés. Les organisations syndicales sont généralement informées de la restructuration le jour même où elle se produit; les travailleurs et les dirigeants syndicaux sont licenciés sans autre forme de procès et sans aucune consultation préalable avec les syndicats. Les nouvelles entités issues de la fusion ou de la restructuration emploient généralement les mêmes personnes. Toutefois, elles travaillent en l'absence de conventions collectives, qui ne sont pas reconduites, et dans un régime où la mise en uvre des dispositions de la convention no 87 est impossible, dans la mesure où l'embauche se produit à travers les agences d'emploi temporaire, ou le plus souvent au service de coopératives de travail associé. Et pourtant c'est un principe consacré l'OIT et contenu dans la recommandation no 193 selon lequel les coopératives ne doivent pas être créées ou utilisées aux fins de se soustraire à la législation du travail et établir des relations de travail déguisées ou violer les droits de travailleurs par l'établissement de pseudo-coopératives. Un grand nombre d'entreprises et d'institutions ont subi ce traitement, y compris TÉLÉCOM, BANCAFÉ et d'autres entreprises liées à la sécurité sociale, dont les hôpitaux. Ce qui rend la situation encore plus grave c'est qu'il ne s'agit pas de quelques faits isolés. La somme de ces pratiques permet d'affirmer une volonté d'éliminer la liberté syndicale et les droits qui en découlent. Ainsi, de manière clairement planifiée et en réponse aux accords signés avec la Banque mondiale et le FMI, le même scénario se répète: les syndicats ne sont pas consultés, les mesures sont prises de facto et les pouvoirs sont utilisés pour parvenir à cette fin en toute méconnaissance du droit syndical.
Les membres travailleurs ont déclaré que les politiques de flexibilité des droits sociaux de ces dernières années ont conduit à une montée en flèche du chômage et de l'économie informelle. Pour réagir à cette réalité, la CGT a, lors de son congrès, demandé l'auto-risation pour procéder à l'affiliation directe des travailleurs mais a reçu une fin de non-recevoir catégorique. Ils ont souligné l'aggravation de la violence, avec 174 cas d'assassinats ou de menaces de mort contre des dirigeants syndicaux entre janvier et avril 2004, en plus de fouilles de locaux syndicaux, de détentions arbitraires ou d'enlè-vements. Ce chiffre est passé à 214 pour la même période en 2005, auquel s'ajoute la mort d'au moins trois nouveaux dirigeants syndicaux portant le total d'assassinats pour cette année à 19. Les détentions arbitraires de syndicalistes, qui sont en augmentation, mettent en évidence la criminalisation de l'activité syndicale tandis que les assassins des syndicalistes restent en liberté. Bien qu'il y ait des programmes de protection de syndicalistes, ils doivent être accompagnés de l'identification d'auteurs des menaces contre les syndicalistes. Ils dénoncent le silence du gouvernement colombien sur ces cas ainsi que l'absence d'enquêtes et de sanctions envers les auteurs de menaces.
Les membres travailleurs ont fait état des missions de solidarité syndicales de l'ORIT et des fédérations professionnelles internationales qui avaient tenté de se rendre en Colombie, mais sans succès, l'entrée au pays leur ayant été refusée. Ils ont demandé, en conséquence, au gouvernement des explications à ce sujet. D'autres missions ont pu écouter les autorités colombiennes, dont le Président de la République, qui ont affirmé leur ouverture au dialogue, mais qui, paradoxalement, ont insisté sur le besoin de compter sur des organisations syndicales plus participatives et moins revendicatives. Or l'essence même du syndicat est de veiller à la protection des droits des travailleurs à travers l'organisation de leurs activités et la formulation de leurs programmes d'action dont la revendication constitue la base principale. Ils ont, par ailleurs, exprimé leur étonnement de voir les autorités émettre des critères sur le type de mouvement syndical qu'elles souhaiteraient, ce qui constitue une ingérence dans les affaires relevant normalement du ressort des syndicats eux-mêmes.
Pour conclure, les membres travailleurs ont souligné la gravité et la dégradation constante de la situation de la liberté syndicale et du droit d'association en Colombie. Aux commentaires de la commission d'experts qui font état de l'incompatibilité des lois et pratiques nationales aux dispositions de la convention et sur la persistance de la violence, s'ajoutent des faits précis qui démontrent que l'État fait fi du dialogue social et ne souhaite pas vraiment de syndicats, ou alors des syndicats qui seraient essentiellement participatifs. Une telle situation est l'antithèse du travail décent et porte atteinte au droit international. Elle ne peut que déboucher sur davantage de chômage, de sous-emploi, d'exclusion sociale, de pauvreté et de violence. La violence, sous toutes ses formes, et sans vouloir la justifier, est profondément ancrée dans le manque de justice sociale. La liberté syndicale est un pilier du travail décent et de la justice sociale. Les lois et les pratiques qui en sont contraires ne peuvent que semer l'injustice et alimenter le cercle vicieux de la violence.
Un membre travailleur de la Colombie a indiqué que le mouvement syndical colombien observe avec préoccupation les actions des gouvernements et des employeurs destinées à restreindre l'activité normative et le travail des organes de contrôle de l'OIT. En ce qui concerne les violations des droits syndicaux en Colombie, les trois centrales syndicales colombiennes ont fourni des informations au Comité de la liberté syndicale et au Conseil d'administration. Bien que la Constitution colombienne stipule que les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation nationale interne, la destruction du syndicalisme colombien se poursuit. L'orateur s'est référé à divers faits qui violent les droits syndicaux: 1) le licenciement de 3 400 travailleurs de la BANCAFÉ pour détruire le syndicat et la négociation collective; 2) la déclaration d'illégalité de la grève d'ECOPETROL et le licenciement subséquent de 247 travailleurs; 3) le licenciement des travailleurs des institutions de l'État (par exemple TÉLÉCOM, l'Institut de sécurité sociale, les hôpitaux, etc.) où fonctionnent des syndicats et ont été négociées des conventions collectives de travail, afin de les embaucher de nouveau au moyen de contrats temporaires de prestation de services, administratifs, civils, par des coopératives ou autres.
S'agissant de la violation des droits de l'homme, les dirigeants syndicaux et les syndicalistes de la CUT continuent à être victimes de différents types d'agression. En 2004, 17 dirigeants et 71 affiliés ont été assassinés, alors qu'en 2005, 2 dirigeants et 17 affiliés ont été assassinés. Cela démontre la continuité d'une politique d'élimination des syndicalistes de la CUT. C'est le secteur de l'éducation qui a le plus souffert des actes de violence, et dans une moindre mesure les travailleurs du secteur de la santé. Toutefois, des syndicalistes ont reçu des menaces de mort, comme cela a pu être constaté dans les entreprises municipales de Cali. Enfin, l'orateur a indiqué que la situation en Colombie continue à être très grave. Le gouvernement doit être instamment prié de: sanctionner les faits qui violent la liberté syndicale et le droit d'association et prendre les mesures nécessaires afin d'éviter les actes antisyndicaux; mettre en uvre les recommandations des organes de contrôle de l'OIT et, en particulier, celles du Comité de la liberté syndicale; et renforcer le programme de protection des dirigeants syndicaux colombiens. Pour sa part, le BIT doit être invité à maintenir et améliorer le programme de coopération avec la Colombie et à organiser une visite tripartite en Colombie le plus tôt possible. Finalement, l'orateur a demandé que le cas de la Colombie soit intégré dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que depuis des années, tant la commission d'experts que la Commission d'application des normes prient instamment le gouvernement de prendre des mesures pour rendre la législation du travail et la pratique entièrement conformes aux conventions sur la liberté syndicale. Les cas de non-conformité concernent les dispositions suivantes: l'interdiction pour les fédérations et les confédérations d'appeler à la grève (art. 417, alinéa I, du Code du travail); l'interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels (art. 450 du Code du travail); le pouvoir du ministre de la Protection sociale de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail); le licenciement de dirigeants syndicaux qui prennent part à une grève (art. 450 du Code du travail); la possibilité de déclarer une grève illégale laissée à une autorité administrative, judiciaire ou indépendante; la non-reconnaissance du droit de négociation collective aux employés du secteur public et dans certaines branches d'activité; et les obstacles à l'enregistrement de syndicats.
Pour l'orateur, cela montre que la liberté syndicale continue à ne pas être respectée, alors que le gouvernement colombien s'est engagé à plusieurs reprises à prendre des mesures pour que les travailleurs jouissent du droit d'association et du droit de négociation collective. Les arguments politiques et juridiques avancés par le gouvernement et les employeurs pour justifier les restrictions à la liberté syndicale révèlent une pratique destinée à détruire le syndicalisme en Colombie, pratique qui semble avoir pour objet l'instauration de "relations professionnelles sans syndicats ni conventions collectives".
Les obstacles à la création de syndicats sont évidents. Dans les années quatre-vingt-dix, on comptait en moyenne 88 nouveaux syndicats chaque année. En 2000 et 2001, on comptait 104 nouveaux syndicats, en 2003, 11, et en 2004, six. Pendant les deux années et demie de présidence de M. Uribe, les syndicats des secteurs privé et public ont perdu 40 000 membres. En 2004, sur 18 millions d'actifs, seuls 80 000 étaient couverts par des conventions collectives. Les employeurs encouragent les travailleurs non syndiqués à conclure des accords en leur octroyant des privilèges, et le gouvernement simule la liquidation d'entreprises pour dissoudre les syndicats, remettre en cause la négociation collective et les droits reconnus aux dirigeants syndicaux. D'autres actes antisyndicaux ont été commis, notammentà la Caja Agraria, à TÉLÉCOM et dans les sociétés BANCAFÉ et ADPOSTAL. Le fait que les autorités administratives elles-mêmes puissent prévoir une dérogation à l'autorisation d'activités syndicales sur demande des employeurs est une pratique antisyndicale du gouvernement et des employeurs qui la soutiennent.
La violation du droit de grève constitue une autre pratique perverse de l'État colombien. Tel est le cas, par exemple, pour la compagnie pétrolière ECOPETROL, où l'organisation syndicale USO a pris l'initiative d'une grève pour défendre le patrimoine et la souveraineté nationale. La grève a été déclarée illégale par le gouvernement. Cela a entraîné le licenciement de 248 travailleurs, dont 26 dirigeants, et le non-respect de la décision judiciaire que les parties intéressées avaient approuvée. Par conséquent, l'orateur a demandé qu'un paragraphe spécial soit inséré dans le rapport de la commission.
Un autre membre travailleur de la Colombie s'est dit déçu, d'une part, parce que les manifestations de bonne volonté du représentant gouvernemental sont en désaccord avec les faits et, d'autre part, parce que la possibilité d'avoir un horizon clair pour le développement des activités syndicales de son pays est chaque fois plus éloignée. Parler de liberté syndicale en Colombie équivaut à parler de quelque chose d'exotique car ce droit élémentaire inhérent à la démocratie est refusé. Le rituel pratiqué depuis plus de vingt ans par cette commission est devenu récurrent sans pour autant que des éléments pratiques permettent la résolution d'un conflit qui affecte une population économiquement active de 22 millions de personnes, dont 4 millions de chômeurs, 10 millions de personnes travaillant dans le secteur informel et une grande majorité ne possédant pas un travail stable.
Le syndicalisme en Colombie s'est vu brutalement affecté dans deux directions: d'une part, la pratique constante de graves violations des conventions nos 87, 98, 151 et 154 affectant entre autres la stabilité du syndicalisme par des attentats, exils forcés, menaces et intimidations. A cet égard, il est notamment fait référence à Auca où trois dirigeants syndicaux furent assassinés. Pour les néolibéraux et les défenseurs de la globalisation capitaliste, le meilleur syndicat est celui qui n'existe pas.
D'autre part, les coopératives de travail social imposées qui existent dans les secteurs public et privé, les contrats temporaires, le système d'entrepreneurs, les voies parallèles d'engagement civil et les moqueries constantes à la relation "capital-travail" adéquat sont des situations qui indiquent l'urgence de la réaction du ministère du Travail, ministère qui a fusionné avec le ministère de la Santé et qui s'appelle aujourd'hui ministère de la Protection sociale. Cette fusion est une nouvelle atteinte au syndicalisme. L'inexistence d'un ministère du Travail garantissant des relations "capital-travail" adéquat ne peut pas se comprendre. A titre d'exemple, il existe des situations dans lesquelles la ministre des Communications elle-même avait convoqué ses travailleurs dans des hôtels pour exercer sur eux une pression afin qu'ils acceptent les plans de retraite volontaire et ainsi éviter la négociation collective.
Un ministère du Travail sérieux, dynamique, respectueux des normes internationales et nationales et qui empêche le renforcement des actes irréguliers des services d'inspection du travail entre les travailleurs est nécessaire.
L'orateur a exprimé sa profonde préoccupation en ce qui concerne la liberté syndicale et le cas des travailleurs des télécommunications qui ont été licenciés, dont l'entreprise a été militarisée et dont les syndicats ont été dissous. Le droit pour ces travailleurs à une pension de retraite est même refusé à la demande des directrices du ministère des Finances. Approximativement 2 000 travailleurs courent le risque de perdre plus de vingt-cinq années au service de l'État. La nouvelle entreprise de télécommunications se refuse à respecter les sentences émises par les juges du pays qui favorisent les travailleurs et en particulier les mères de famille et les travailleurs handicapés. Le Code du travail, la Constitution et les conventions et recommandations de l'OIT doivent être respectés. Les travailleurs et les syndicats demandent de l'aide pour pouvoir continuer à exister.
La membre gouvernementale du Luxembourg, s'exprimant au nom de l'Union européenne (UE) et des membres gouvernementaux de Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, ex-République yougoslave de Macédoine, Norvège, Roumanie, Serbie-et-Monténégro, Suisse, Turquie et Ukraine, a soutenu les efforts de la Colombie pour atteindre la justice, le progrès social et la réconciliation nationale ainsi que pour lutter contre l'impunité et les violations des droits de l'homme. Dans ce contexte, la récente ratification par la Colombie de la convention no 182 doit être accueillie. Toutefois, depuis de nombreuses années, la situation des droits syndicaux en Colombie a fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts et a été examinée à de nombreuses reprises par la Commission de la Conférence. En outre, le Comité de la liberté syndicale a examiné de nombreuses plaintes sur ce cas. Tout en reconnaissant les efforts accomplis par le gouvernement en ce qui concerne l'augmentation des mesures protectrices ayant pour but d'assurer la sécurité des dirigeants syndicaux et des syndicalistes locaux, l'Union européenne est grandement préoccupée du niveau élevé et continu de violence et du climat d'impunité dans lequel de tels actes de violence continuent de se produire. Comme l'a récemment noté la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, les syndicalistes restent le groupe le plus visé. L'Union européenne condamne fermement les meurtres et enlèvements des syndicalistes et autres groupes vulnérables, principalement perpétrés en 2004 par des groupes armés illégaux. L'Union européenne demande au gouvernement d'assurer le droit à la vie et à la sécurité et d'aborder la question de l'impunité qui reste l'obstacle majeur à l'exercice des droits syndicaux en Colombie. Le gouvernement doit utiliser pleinement les services consultatifs et l'assistance technique du BIT de manière à renforcer la démocratie et accroître l'état de droit dans le pays, conformément à l'intention exprimée par les hautes sphères de l'État colombien au cours des réunions précédentes du Conseil d'administration.
L'Union européenne regrette le manque de progrès concernant certaines législations entravant le plein exercice et le développement des activités syndicales. Elle reste préoccupée notamment par l'interdiction du droit de grève dans un grand nombre de secteurs, lesquels ne sont pas considérés comme des services essentiels, mais qui sont pourtant définis comme tels dans la législation colombienne. L'importance du dialogue social doit être rappelée. L'oratrice a appelé le gouvernement de la Colombie à entreprendre une action ferme pour mettre en conformité sa législation et sa pratique nationales avec les dispositions de la convention.
La membre travailleuse de la France s'est référée à un entretien qui a eu lieu le 16 septembre 2004 entre le Président de la Colombie, M. Uribe, et une délégation syndicale conduite par les secrétaires généraux de la CISL et de la CMT, MM. Guy Ryder et Willis Thys, et à laquelle elle a participé au nom de son organisation syndicale, Force ouvrière. Lors de cette rencontre, le Président Uribe a indiqué que, selon lui, le syndicalisme colombien est trop "revendicatif" et pas assez "participatif", c'est-à-dire que les syndicats n'adoptent pas une attitude "entreprenariale". Toujours selon le Président, le syndicalisme en Colombie doit changer, dans la mesure où les syndicats ont des méthodes archaïques, amenées à disparaître dans ce monde moderne. A cet égard, l'oratrice a indiqué que l'attitude du Président Uribe est grave. En effet, le principe de non-ingérence des pouvoirs publics dans la libre organisation des syndicats est la base de la convention no 87. Or il semble que M. Uribe, au contraire, considère qu'il est normal pour un président de définir la nature même du syndicalisme dans son propre pays. Cette attitude ne lui semble pas être en violation de la convention no 87.
A titre de preuve supplémentaire, l'oratrice a cité les passages suivants d'une lettre envoyée par le Président de la Colombie au président de l'entreprise ECOPETROL: "Par la présente, je veux vous exprimer, à vous comme président d'ECOPETROL et à tous les dirigeants et employés de l'entreprise, un chaleureux remerciement et mes félicitations pour avoir mené à bien le processus de négociation avec la USO. (...) Le déroulement de ce processus, avec le plein appui à la loi et aux garanties constitutionnelles, est un exemple pour le pays. En Colombie, nous avons besoin de créer une culture de syndicalisme participatif et non revendicatif...".
La violation de la convention no 87 par le Président lui-même explique la situation actuellement en cours en Colombie, notamment en ce qui concerne l'adoption des dispositions législatives et procédures judiciaires. Ces dernières, en effet, visent systématiquement à mettre un terme à un certain type de syndicalisme, à savoir le syndicalisme dit "revendicatif". C'est le cas de la politique de promotion d'un type particulier de "coopératives", lesquelles non seulement ne donnent pas le pouvoir aux travailleurs au sein de l'entreprise mais s'accompagnent d'une interdiction de se syndiquer. C'est le cas également de la politique de promotion du "contrat syndical" qui vise à transformer le syndicat en un prestataire de main-d' uvre temporaire et donc d'en finir rapidement avec son rôle de représentant des travailleurs. En outre, c'est le cas de toutes les réformes économiques qui ont affaibli fortement ou mis fin au droit à la négociation collective comme pour la réforme des retraites. Cette politique a déjà, malheureusement, porté ses fruits. Entre les années 2001 et 2004, le nombre de syndicats créés par année est passé de 140 à six. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Cette politique de dénigrement des syndicats libres s'accompagne, dans les discours publics du Président Uribe, d'un vocabulaire précis. En effet, il cherche systématiquement à associer les syndicats libres, soit "revendicatifs", à la rébellion et à la guérilla.
S'agissant de l'assassinat du 4 août 2004 par les forces armées de trois syndicalistes dans la région d'Arauca, le Président Uribe a indiqué, lors de la rencontre du 16 septembre 2004, que les victimes étaient des membres de la guérilla. Or il appert que même le Bureau du Procureur de la République a reconnu qu'il s'agissait de syndicalistes. La volonté présidentielle de mettre un terme au syndicalisme libre explique l'ambiance générale de violence à l'encontre des syndicats. Cette politique est en outre appuyée par le patronat. A cet égard, l'oratrice a indiqué que, lors d'un entretien qui a également eu lieu le 16 septembre 2004 avec M. Echevarria, vice-président de l'Association nationale des industries, celui-ci a tenu le même discours que le Président Uribe, en indiquant que les syndicats colombiens étaient trop "revendicatifs" et pas assez "participatifs". Ces propos prouvent qu'en Colombie les pouvoirs politique et économique n'acceptent le dialogue social qu'à condition que les partenaires soient obéissants et discrets. Ils ne sont pas prêts à faire vivre les principes de base de la démocratie.
L'intimidation envers les syndicalistes colombiens est si forte qu'elle dépasse même les frontières de la Colombie. Les syndicalistes qui ont participé également à la rencontre du 16 septembre 2004 ont été identifiés par le gouvernement et sont dorénavant privés de mener leurs activités syndicales internationales. En effet, le 3 novembre 2004, les syndicalistes Victor Baez, secrétaire général de l'ORIT-CISL, Rodolfo Benitez, secrétaire général de l'UNI Amériques, Antonio Rodriguez, secrétaire général de l'ITF Amériques, et Cameron Duncan, secrétaire général de l'ISP Amériques, ont été refoulés à l'aéroport de Bogotá. Il est donc possible de conclure que leur nom est sur une liste noire. Cette situation est grave et inquiétante. L'oratrice a indiqué qu'elle n'était pas retournée en Colombie depuis septembre 2004 et a exprimé sa peur d'y retourner. Ayant participé à la rencontre avec le Président Uribe, elle a supposé que son nom se retrouve également sur une liste noire. L'intimidation n'a rien à voir avec la guerre qui a cours en Colombie. Le seul fait d'être un syndicaliste libre soutenant le syndicalisme libre en Colombie fait craindre pour son intégrité.
Toute personne peut avoir un avis personnel sur ce que sont les syndicats dans son pays. Peut-être même que certaines souhaitent dans leur for intérieur que les syndicats soient moins revendicatifs. Toutefois, il est connu que l'ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales viole la convention no 87. La définition de ce que sont les syndicats est une tâche qui ne revient qu'aux travailleurs et à eux seuls. Toute vision contraire peut conduire, comme c'est le cas en Colombie et comme ce fut le cas ailleurs, aux pires abus et atrocités. En conclusion, l'oratrice a conjuré la commission de faire passer ce message avec la plus grande clarté et la plus grande fermeté au gouvernement de la Colombie.
La membre gouvernementale des États-Unis d'Amérique a indiqué que dans son observation la commission d'experts a pris note avec une profonde préoccupation du climat de violence qui règne en Colombie et de l'impunité qui y contribue, laquelle empêche l'exercice libre et effectif des droits syndicaux garantis par la convention no 87. Son gouvernement partage cette préoccupation. Si le nombre d'assassinats a diminué, les violences et les menaces restent trop nombreuses, et les auteurs de ces actes sont rarement condamnés, ce qui est inadmissible.
La liberté syndicale est un élément clé pour instaurer la paix, la justice sociale, la réconciliation et la démocratie en Colombie. Le gouvernement a certes pris des mesures. Toutefois, la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont rappelé à maintes reprises que l'absence de violences et de menaces était une condition à l'exercice effectif des activités des organisations de travailleurs et d'employeurs. En conséquence, le gouvernement doit instamment être prié de continuer à tirer le meilleur parti du programme de coopération technique de l'OIT en Colombie afin de renforcer les mesures de protection en faveur des syndicalistes. Il doit également s'employer davantage à rechercher et à traduire en justice les auteurs des violences responsables de la mort de nombreuses personnes. Enfin, le gouvernement doit être encouragé à poursuivre les réformes du droit du travail recommandées par la commission d'experts afin d'assurer la pleine conformité des lois nationales avec les dispositions de la convention.
Le membre travailleur du Chili s'est référé à différentes violations de la convention no 87. La grève initiée en avril 2004 par l'Union syndicale ouvrière (USO) a été déclarée illégale par le ministère de la Protection sociale, lequel considère l'industrie pétrolière comme un service public essentiel. La déclaration d'illégalité a entraîné le licenciement de 247 syndicalistes sur la base de l'article 450 du Code du travail. La réintégration de 106 de ces travailleurs a été ordonnée par le tribunal d'arbitrage volontaire et a donné lieu à l'ouverture de nouvelles procédures. Plus de 1 000 procédures disciplinaires ont été prises pour sanctionner les travailleurs ayant exercé le droit de grève. L'orateur s'est également référé à l'acte administratif qui a engendré la fermeture de BANCAFÉ, des hôpitaux et des cliniques des entreprises sociales de l'État. Une telle décision est arbitraire et a permis de détruire deux grandes organisations syndicales. Dans ce cas les droits sociaux et les conventions collectives ont été ignorés.
L'"opération dragon" d'août 2004 a permis de découvrir la preuve de la persécution antisyndicale grâce à la détention d'un lieutenant-colonel de l'armée colombienne, numéro de matricule 7217167. Des documents sur les activités du syndicat SINTRAEMCALI ainsi que les informations sur l'opération dragon furent trouvés en sa possession. Ces informations planifiaient entre autres l'exécution extra-judiciaire du président du syndicat Luis Hernandez Monroy, de l'assesseur juridique Berenice Celeyta et du dirigeant Alexander Lopez. L'opération prévoyait également l'infiltration du syndicat et la création d'un syndicat dominant pour l'entreprise.
En outre, 270 agriculteurs appartenant à la fédération agricole FENSUAGRO ont par ailleurs été emprisonnés. Les violations de la liberté syndicale en Colombie ont augmenté quant à leur gravité. Le droit des travailleurs à fonder leur propre organisation, à élire leur représentant, à définir librement leur plan d'action et à jouir du droit à la vie doit être réaffirmé.
Le membre gouvernemental du Canada a remercié le représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations supplémentaires communiquées. Toutefois, malgré les initiatives menées par le gouvernement pour améliorer la sécurité, et même si dans les déclarations de Londres et de Carthagène ce dernier a admis qu'il fallait protéger et garantir le droit à la vie et la liberté d'expression, la situation reste très grave. Des syndicalistes continuent à disparaître, à faire l'objet de menaces et à être assassinés. Les violences qu'ils subissent peuvent revêtir d'autres formes: harcèlement, enlèvements, exil forcé, fouilles illégales et détention arbitraire. Malheureusement, les auteurs de ces infractions sont rarement traduits en justice; son gouvernement saluera tout résultat positif obtenu grâce aux mesures prises récemment par le gouvernement pour mettre fin à l'impunité. Le gouvernement est instamment prié de prendre d'autres mesures concrètes pour mettre un terme à l'impunité en Colombie, pour veiller à ce que les ressources nécessaires soient allouées afin de protéger les syndicalistes et pour collaborer avec l'OIT par le biais du programme de coopération technique. Cette collaboration doit permettre de mettre en place un dialogue social constructif pour garantir la stabilité sociale et assurer le respect de la liberté syndicale et des droits de négociation collective.
La membre travailleuse du Venezuela a fait observer que cela fait de nombreuses années que l'on traite du cas de la Colombie et que chaque année la situation devient plus grave pour les travailleurs de ce pays. Cette année, on doit constater de très graves violations. Par exemple, dans la société ECOPETROL, 247 syndicalistes ont été licenciés pour s'être opposés à la politique de privatisation et de flexibilité du travail appliquée à cette entreprise; la société TÉLÉCOM a été fermée; des licenciements massifs ont eu lieu à la BANCAFÉ; l'administration postale a fermé, de même que les sociétés du secteur de l'audiovisuel. Ces mesures ont été prises dans le but évident d'appliquer des systèmes de flexibilité et de déréglementation de l'emploi, en imposant des modèles de coopératives de travailleurs afin de se débarrasser des conventions collectives et de liquider les syndicats. L'oratrice s'est également référée aux actes de violence perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Entre le 1er janvier 2005 et le mois d'avril, 16 travailleurs syndiqués ont été assassinés, 123 ont reçu des menaces de mort, 12 ont été agressés, quatre ont été séquestrés, 40 ont été détenus arbitrairement et six ont été déplacés de force. Ces actes de violence ont eu pour effet de faire diminuer le taux d'affiliation syndicale, car les travailleurs ont peur de s'affilier à un syndicat ou d'en constituer un. Selon l'oratrice, il existe un plan pour éliminer les dirigeants syndicaux de SINTRAEMCALI, parce qu'ils ont dénoncé la politique de flexibilité et de déréglementation de l'emploi que l'on prétend imposer aux entreprises du secteur. Il faut exiger du gouvernement qu'il garantisse le droit d'organisation, de négociation collective et de grève, et qu'il mette un terme au climat de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. Il faut en outre lui demander de prendre les mesures nécessaires pour réformer la législation et la rendre conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective.
Le membre employeur de la Colombie a déclaré qu'il souhaitait intervenir à propos d'une allusion faite par la membre travailleuse de la France puisqu'elle a fait une mauvaise interprétation de la réunion d'un groupe de syndicalistes ayant visité le pays en septembre 2004 et il souhaiterait qu'il soit entendu par cette commission. La Colombie vit une situation très difficile dans laquelle la violence s'est généralisée depuis de nombreuses années. Les entrepreneurs colombiens souhaiteraient, de manière constructive et positive, créer une société qui rassemble. Ils contribuent d'ailleurs à cet objectif en apportant des ressources additionnelles. A titre d'exemple, les 3,34 pour cent des bénéfices nets des ventes sont destinés à des organismes à caractère social. Les entrepreneurs promeuvent en outre les caisses de compensations familiales. Par ailleurs, des indicateurs économiques, sociaux et politiques positifs ainsi que les indicateurs portant sur le combat du trafic de narcotique démontrent qu'il existe une sortie institutionnelle à la crise. C'est dans ce domaine que le secteur privé souhaite une administration efficace et transparente des ressources. Les politiques de ces dernières années ayant pour objectif le rééquilibrage des entités publiques ont été appuyées par les employeurs. L'orateur déclare qu'il fait partie du directoire tripartite de l'Institut colombien d'assurance sociale. Cet institut perdait 250 millions de dollars par an, et un dialogue fut entrepris pour trouver des solutions. Lors de la discussion, la position du syndicat avait été intransigeante et celui-ci s'était refusé à toute modification. Il faut savoir que pour une entité publique on ne pense pas seulement aux travailleurs mais aussi aux millions de personnes affiliées. En ce qui concerne l'allusion relative aux pensions, s'il n'existe pas de fonds, on estime que 12,5 pour cent de l'impôt va actuellement aux pensions. Cela signifie que le système de répartition s'est effondré. Il n'existe pas par conséquent une politique particulière contre les travailleurs de l'Institut des pensions mais une nécessité de réajustement de l'État. Cinquante entreprises étatiques ont ainsi subi des modifications. Celles-ci répondent à un programme de rénovation du secteur public auquel les employeurs et les travailleurs furent invités à participer. Les travailleurs n'ont cependant jamais assisté à ces réunions. La Commission de concertation doit fonctionner chaque mois. Il s'agit d'un espace de dialogue qui n'est pourtant pas utilisé. L'attitude des syndicats est une attitude de confrontation plus que de construction. Aussi bien l'Association nationale des industries (ANDI) que lui-même souhaitent que se construise par le dialogue social et la coopération technique une société avec une meilleure redistribution des richesses. Dans un journal colombien, des déclarations de l'ANDI relatives au chapitre du droit du travail de traité de libre échange ont été publiées. L'ANDI a déclaré qu'avec traité de libre échange ou sans traité de libre échange, la modification du régime des coopératives se doit d'avancer. La définition légale du concept du service public essentiel et la modification du régime collectif de travail montrent des usages abusifs du droit.
Le membre gouvernemental du Pérou a souligné les efforts que vient de réaliser le gouvernement de Colombie en vue de réduire la violence et a félicité les représentants des gouvernements qui ont reconnu cela, en particulier la représentante gouvernementale qui a parlé au nom de l'Union européenne. Son pays a également traversé un processus de violence interne dû à des mouvements terroristes; il est conscient que ces actions affectent certains secteurs sociaux, dont le mouvement syndical. Il convient selon lui d'éviter les excès dans la lutte contre les mouvements violents. L'orateur a également prié l'assemblée de reconnaître l'effort réalisé par le gouvernement ainsi que par le peuple de Colombie, en demandant à la communauté internationale de continuer à soutenir ce processus présentant un intérêt particulier pour la sécurité des pays de la région. Il a exprimé l'espoir que le gouvernement, les travailleurs et les employeurs, au moyen du dialogue social, et avec l'appui technique du BIT, pourront faire une place au dialogue tripartite, à l'instar de ce qui vient d'être réalisé dans son propre pays. Pour conclure, il a souligné qu'en présence de violence, il ne pouvait exister de véritable démocratie, et qu'en l'absence de démocratie il n'existe pas de véritable respect des droits des travailleurs.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a demandé que soit mis un terme à la politisation qui affaiblit l'autorité de la Commission de la Conférence. La vaste campagne destinée à briser le mouvement syndical en Colombie a des effets très graves: 94 syndicalistes ont été assassinés en 2004, soit plus que dans le monde entier. Depuis 2002, le nombre total de violations des droits humains des syndicalistes a augmenté de 65 pour cent. Ces violations revêtent des formes diverses: assassinats, disparitions, menaces de mort, détentions arbitraires et déplacements forcés. De plus, les violences visant les femmes syndicalistes ont augmenté de 800 pour cent. Pourtant, certains membres de la Commission de la Conférence continuent à affirmer que la situation s'améliore. Les syndicalistes font même l'objet de harcèlement lorsqu'ils sortent de Colombie, et le régime actuel refuse de mettre en uvre la recommandation des Nations Unies exigeant qu'un terme soit mis à la tenue de fichiers sur les syndicalistes par les services de renseignements militaires.
Il est impensable qu'un gouvernement puisse détenir arbitrairement des douzaines de syndicalistes chaque année et qu'il ne soit pas en mesure de faire cesser l'impunité avec laquelle les forces de l'ordre et leurs alliés paramilitaires assassinent les syndicalistes. De plus, les syndicalistes détenus sont souvent accusés de rébellion et, même lors-qu'ils sont finalement relaxés faute de preuve, leur seule accusation permet de les placer sur la liste des personnes à éliminer tenue par les paramilitaires. Le Myanmar ne remplit pas les obligations qui lui incombent au titre de la convention no 29. A cet égard, il a été dit que le groupe employeur du Conseil d'administration que l'impunité qui prévaut dans ce pays indiquait la mesure dans laquelle on tolérait des violations manifestes de la convention sur le travail forcé, et que tout État ne disposant pas des moyens de punir ces infractions violait les principes défendus par l'OIT. Il est tout à fait clair que les mêmes principes devraient s'appliquer pour les assassinats perpétrés en Colombie. Des délégations syndicales britanniques se rendent régulièrement en Colombie et se sont vu remettre par le Vice-président une liste de 13 cas pour lesquels les auteurs auraient été condamnés et emprisonnés, alors que 791 syndicalistes au total ont été assassinés entre 1999 et 2004. Pour au moins trois de ces 13 cas, les informations communiquées sont insuffisantes ou ne révèlent pas la vérité. Le représentant gouvernemental a mentionné seulement quatre condamnations. Pour trois cas spécifiques, les informations transmises par le gouvernement présentent des incohérences, et des dispositions ont été prises pour communiquer au Bureau des informations qui s'y rapportent. A supposer que le gouvernement s'attaque au problème de l'impunité, les informations données par le gouvernement sont insuffisantes. Récemment, lors d'un débat au Conseil d'administration, le gouvernement colombien s'est référé à un supposé accord tripartite qui, selon lui, serait le signe d'un progrès en termes de dialogue social; en fait, cet accord a été dénoncé par les syndicats. Il a également reçu des informations selon lesquelles le gouvernement a restitué au Trésor public une somme de 83 000 dollars E.-U. provenant du fonds du BIT et non dépensée, sans en informer le Conseil d'administration. Il est préoccupant que les intérêts politico-économiques en jeu et le manque d'informations exactes et vérifiables empêchent la Commission de la Conférence de prendre les décisions voulues concernant la Colombie. Les organes de contrôle de l'OIT sont en droit d'attendre des États Membres qu'ils fournissent des informations véridiques. C'est la raison pour laquelle une mission tripartite de haut niveau doit être envoyée en Colombie.
La commission est instamment priée d'adopter des conclusions indiquant que la situation ne cesse de se détériorer et que les violations persistantes des conventions nos 87 et 98 mettent à mal le mouvement syndical colombien. Si ces conclusions ne vont pas dans ce sens, la commission encouragera d'autres actes de répression au lieu de remplir son rôle essentiel qui consiste à défendre le droit fondamental de tous les travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier pour défendre leurs intérêts, notamment le droit de mener librement des négociations collectives.
Le membre gouvernemental du Brésil a déclaré que son gouvernement suit attentivement l'évolution de la situation relative à la liberté syndicale en Colombie et prend note des informations fournies par le représentant gouvernemental de la Colombie. Il convient que la commission appuie les mesures prises en vue de stimuler et d'encourager le dialogue social dans le pays et qu'elle tienne compte des résultats obtenus dans le cadre du programme de coopération technique entre l'OIT et le gouvernement. L'orateur a conclu en exprimant l'espoir que le gouvernement colombien mettra en uvre les mesures proposées afin d'améliorer les relations professionnelles dans le pays.
La membre gouvernementale du Mexique a exprimé sa reconnaissance au représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations qu'il a fournies, lesquelles démontrent l'attitude constructive et de coopération du gouvernement colombien afin de garantir l'exercice des droits syndicaux prévus à la convention no 87. Les résultats ne sont peut-être pas à la hauteur des attentes de la commission d'experts mais ils doivent être considérés comme des avancées progressives. La situation rend difficile la condamnation des responsables des faits de violence contre les syndicalistes, et la violence affecte tous les secteurs de la société. L'oratrice a encouragé le gouvernement, les employeurs et les travailleurs colombiens à renforcer le dialogue et la coopération afin de continuer à appliquer le programme spécial de coopération technique.
La membre gouvernementale de la Chine a indiqué que les informations communiquées par le représentant du gouvernement démontrent que la Colombie fait de réels efforts afin de protéger les droits syndicaux. Des mesures sont, par conséquent, prises et des progrès réalisés. Toutefois, en dépit d'une amélioration progressive dans la résolution du problème, l'ensemble des parties s'accordent à dire qu'un long chemin doit encore être parcouru. Elle a relevé que l'OIT et le gouvernement se sont engagés dans une coopération et exprimé l'espoir que celle-ci permettrait de trouver une solution au problème. L'oratrice a appelé l'ensemble des parties à adopter une attitude constructive en vue d'améliorer l'application de la convention en Colombie et de parvenir au règlement des questions importantes examinées.
Un représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement de la Colombie considérait que ses commentaires concernant les précédentes interventions pouvaient se classer en trois catégories: 1) les points de convergence importants; 2) les divergences d'informations; 3) les divergences de vues. S'agissant des points de convergence, les employeurs, les travailleurs, la plupart des gouvernements et le gouvernement de la Colombie pensent que le programme de coopération technique de l'OIT fonctionne et qu'il faut continuer à l'exécuter. Tous sont d'accord pour mettre en uvre la décision prise par le Conseil d'administration en mars 2005 et trouver les moyens requis. Les gouvernements, les employeurs et les travailleurs ont mentionné la violence en précisant qu'elle est le fait de groupes rebelles et du trafic de stupéfiants responsables de la situation du pays. Tous s'accordent à dire que la moindre mort est inacceptable, que la violence est inadmissible et difficile à comprendre en raison de sa complexité, et qu'elle entrave les activités syndicales; les employeurs eux-mêmes risquent d'être séquestrés et assassinés. La violence est généralisée, et il est indispensable de replacer la situation du travail dans ce contexte. Enfin, tous sont d'accord pour lutter contre l'impunité.
S'agissant du deuxième point, les divergences d'informations, certains ont affirmé que BANCAFÉ était une entreprise solide, ce qui est faux, puisque le gouvernement a injecté 612 millions de dollars dans cette société, dont 55 millions étaient alloués aux pensions de retraite. Il y a un désaccord sur les chiffres, puisque les travailleurs affirment que le chômage a augmenté alors que le gouvernement indique qu'en 2001 le taux de chômage était de 20 pour cent et qu'il est passé à 12 pour cent le mois dernier. De plus, il a mentionné d'autres indicateurs et dit qu'il transmettra aux travailleurs les informations communiquées par le gouvernement pour qu'ils les examinent; ces informations ont été préparées par des instances indépendantes. Les travailleurs ont dit que le nombre de conventions collectives du travail a diminué; en 2000, 491 conventions collectives ont été conclues, contre 433 en 2001 et plus de 400 en 2004, soit une moyenne à peu près stable. Quant au système de santé, certains ont dit qu'il ne fonctionnait pas, alors que l'année dernière la couverture de santé des personnes démunies a connu un élargissement sans précédent. Certains ont insinué que la justice était rarement impartiale, alors que le nombre de juges syndiqués est important, et l'on ne peut laisser dire qu'ils font l'objet de manipulations. Quant à TÉLÉCOM, le gouvernement n'a pas les moyens de la soutenir et son capital n'est pas suffisant. De nombreux pays d'Europe ont dû privatiser des entre-prises publiques, et le Président colombien n'a pas décidé de procéder à la liquidation de TÉLÉCOM, mais a souhaité garder cette société en la rendant plus efficace. On a dit que des employés avaient été licenciés, mais on n'a pas signalé que les indemnités et les autres prestations accordées s'étaient élevées à 70 millions de dollars. On a dit que les paysans ne bénéficiaient d'aucun crédit alors que le montant disponible pour le microcrédit est passé à 2,1 milliards de dollars. On a dit que le gouvernement avait interdit l'accès aux syndicalistes, mais M. Carlos Rodríguez, ici présent, n'a pas précisé qu'il a appelé de l'aéroport en raison de divers problèmes et qu'après quelques heures ils ont été reçus par le gouvernement et que ce dernier a prolongé leurs visas de trente jours. Plusieurs travailleurs ont décidé de rentrer dans leur pays, mais ils ont pris cette décision eux mêmes. Quant à la mort de syndicalistes, les travailleurs n'ont pas mentionné que l'enquête d'Arauca relevait désormais de la justice civile, et non plus militaire.
Pour conclure, il indique qu'il ne peut pas accepter qu'un auditoire tripartite utilise certains adjectifs pour qualifier les interventions et dise que M. Uribe est un fasciste et un menteur ou que l'État commet des assassinats. Cela ne doit pas être acceptable pour l'OIT ni pour les employeurs ou les travailleurs. Les discussions devraient au contraire être éminemment techniques. Il a manifesté sa préoccupation devant les interventions chargées de haine et d'intérêts politiques. Comme il les rejette, il ne répondra à aucune de ces accusations.
Les employeurs et les travailleurs sont invités au nom du gouvernement à comprendre que la situation du peuple colombien, bien que difficile, est en progrès. Il existe quelques résultats encourageants qui permettent de dire, sans affirmer que le problème est résolu, que l'on travaille de façon permanente à sa résolution. Ce matin, il y a eu une réunion avec le président du Comité de la liberté syndicale. Ce dernier est invité à aller en Colombie et à se réunir avec différents secteurs de la société colombienne ainsi qu'avec l'ensemble des acteurs s'intéressant à l'impunité. Les problèmes ainsi que les améliorations doivent être reconnus. Il faut toutefois rester prudent. Le risque de prendre des décisions pouvant être utilisées de manière politique, tout en cherchant une sanction pour la Colombie, existe. Ces décisions ne généreraient aucun bénéfice pour le peuple colombien. Le programme de coopération technique doit se poursuivre afin de renforcer le dialogue social et de diminuer la violence.
Un autre représentant gouvernemental (vice-ministre de la Protection sociale) a relevé l'importance que toutes les instances de l'OIT puissent collaborer et coopérer avec le gouvernement de Colombie. Dans le but de créer un contact direct avec l'opinion publique, son gouvernement invite le président du Comité de la liberté syndicale à venir rencontrer les autorités du pouvoir exécutif et judiciaire et les autres organes chargés du contrôle, de même que les organisations de travailleurs et d'employeurs. Son gouvernement est également disposé à fournir toutes les informations nécessaires pour permettre de trouver une solution aux problèmes soulevés. La collaboration est essentielle pour atteindre le meilleur niveau de transparence possible.
En conclusion, le représentant gouvernemental indique que, si cela peut contribuer à une meilleure prise de conscience de la réalité nationale et à faciliter la recherche de solutions, son gouvernement accepte que l'invitation de visiter son pays qui a été faite au président du Comité de la liberté syndicale soit étendue aux porte-parole des travailleurs et des employeurs de cette commission.
Les membres travailleurs ont déclaré avoir pris note des propositions du gouvernement tendant à ce qu'une mission vienne en Colombie pour prendre pleinement la mesure des réalités concrètes. Ils ont convenu que les problèmes que ce pays connaît vont bien au delà de ceux évoqués par la commission d'experts dans son observation, comme en témoignent les obstacles rencontrés par les organisations de travailleurs dès lors qu'elles cherchent à faire respecter les droits les plus élémentaires de leurs adhérents.
Les membres travailleurs ont suggéré que la Commission de la Conférence se prononce en faveur d'une mission tripartite de haut niveau en Colombie, mission qui compterait parmi ses membres les deux vice-présidents de la Commission de la Conférence et qui aurait pour mandat l'application de la convention no 87 et la coopération technique.
Les membres employeurs ont constaté que le problème de la violence était central dans ce cas difficile et qu'il était essentiel d'y mettre fin pour que le cas puisse être résolu. Ils notent également que le gouvernement fait face à de nombreuses difficultés pour remédier complètement à ce problème.
Les membres employeurs prennent note de la déclaration faite par le représentant gouvernemental d'inviter le président du Comité de la liberté syndicale et les vice-présidents de la Commission de la Conférence à visiter le pays. Ils veulent toutefois attirer l'attention sur le fait que l'objectif et le mandat de la Commission de la Conférence sont différents de ceux du Comité de la liberté syndicale: alors que le mandat de la Commission de la Conférence est limité au contrôle de la mise en uvre de la convention, en droit et en pratique, celui du Comité de la liberté syndicale, plus large, excède les termes de la convention.
Les membres employeurs concluent en notant que la visite devrait permettre d'entrer en contact avec les partenaires sociaux et les organes de contrôle et de mettre l'emphase sur la mise en uvre de la convention en droit et en pratique, avec un intérêt particulier pour ce qui concerne le programme spécial de coopération technique pour la Colombie.
La commission a pris note des informations présentées oralement par le ministre de la Protection sociale et du débat qui a suivi. Elle a noté avec une profonde préoccupation que les problèmes en instance sont extrêmement graves et concernent en particulier des assassinats de dirigeants syndicaux et d'adhérents, d'autres actes de violence contre des syndicalistes et la situation d'impunité qui bénéficie à leurs auteurs. Elle a noté que les actes de violence touchent aussi d'autres secteurs et d'autres groupes, y compris les employeurs, notamment à travers des enlèvements. Elle note que le Comité de la liberté syndicale a examiné des plaintes particulièrement graves ayant trait à des assassinats et autres actes de violence contre des syndicalistes. Elle a condamné une fois de plus dans des termes les plus énergiques tous ces actes de violence commis dans un contexte d'instabilité dramatique et elle a rappelé au gouvernement qu'il lui incombe de prendre de toute urgence toutes les mesures en son pouvoir pour y mettre un terme et assurer la sécurité des personnes.
La commission a pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles le nombre d'assassinats de syndicalistes et autres actes de violence a diminué et les pouvoirs publics ont pris des mesures de protection des syndicalistes et des sièges d'organisations syndicales. La commission a également pris note des informations contenues dans le rapport du Procureur général en ce qui concerne les mises en examen, les arrestations et les condamnations pour homicides, de même que sur le nouveau système d'accusation conçu pour rendre les enquêtes plus efficaces dans le cadre de la lutte contre l'impunité.
La commission a rappelé que les organisations d'employeurs et de travailleurs ne peuvent mener leurs activités librement et de manière significative que dans un climat exempt de violence et elle a appelé instamment une fois de plus le gouvernement à garantir le droit à la vie et à la sécurité, en renforçant de toute urgence les institutions nécessaires pour mettre un terme à cette situation inadmissible d'impunité, qui constitue un obstacle majeur à l'exercice des droits garantis par la convention. Elle a demandé de renforcer les mesures de protection des syndicalistes, de même que le programme de coopération technique avec l'OIT. Elle a constaté d'une manière générale qu'il règne dans le pays un climat mettant en péril l'exercice de l'activité syndicale et des autres droits de l'homme, ce qui est totalement inadmissible. Elle a pris note de l'invitation faite par le gouvernement au Président du Comité de la liberté syndicale de se rendre en Colombie pour rencontrer les partenaires sociaux et les autorités compétentes.
En ce qui concerne les réformes législatives préconisées, la commission a pris note des déclarations du gouvernement relatives aux questions à caractère juridique soulevées par la commission d'experts. Elle a notamment pris note des déclarations selon lesquelles du temps est nécessaire pour progresser dans le sens des réformes de la législation du travail et de la concertation tripartite.
La commission a pris note des informations et allégations émanant d'autres membres travailleurs, qui concernent le déni des droits syndicaux dans le contexte des nombreuses restructurations, privatisations ou fusions en cours, en particulier dans le secteur public, et des licenciements collectifs qui s'ensuivent; les licenciements à caractère antisyndical; le recours aux coopératives comme un moyen de priver les travailleurs de leurs droits syndicaux et de la possibilité de négocier collectivement; le recours croissant à des accords collectifs avec des travailleurs non syndiqués; et enfin la lenteur, la complexité, les dysfonctionnements et la partialité des organes judiciaires. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tous ces points à la commission d'experts.
La commission a prié le gouvernement de soumettre un rapport détaillé à la commission d'experts afin que celle-ci puisse examiner à sa prochaine session l'évolution de la situation, y compris en réponse aux commentaires d'organisations syndicales concernant les actes de violence, les entraves à l'enregistrement des syndicats et les dispositions légales critiquées par la commission d'experts. Elle a prié le gouvernement de faire connaître le nombre de cas d'homicides qui ont été déférés aux instances judiciaires et le nombre des affaires à l'issue desquelles les coupables ont été désignés et punis, dans le souci de faire reculer cette situation d'impunité particulièrement préoccupante.
La commission a exprimé le ferme espoir que dans un proche avenir des progrès tangibles pourront être constatés, notamment par rapport à tous les obstacles au plein exercice de la liberté syndicale, de sorte que les organisations syndicales puissent enfin exercer les droits qui leur sont garantis par la convention dans un climat de pleine sécurité, exempt de toute menace et de toute peur. Elle a souligné l'importance de parvenir à ces objectifs par le dialogue social et la concertation et elle a rappelé que l'assistance technique du Bureau reste ouverte. Elle a demandé au gouvernement et aux partenaires sociaux de relancer sans retard le dialogue social et elle a prié instamment le gouvernement de prendre des mesures en ce sens de toute urgence.
La commission, ayant pris note du fait que le gouvernement a adressé son invitation au Président du Comité de la liberté syndicale et aux vice-présidents employeur et travailleur de la Commission de l'application des normes, a décidé qu'une visite tripartite de haut niveau, conduite par le Président du Comité de la liberté syndicale, serait effectuée dans le pays, accompagnée des porte-parole des groupes employeurs et travailleurs de la commission. Cette visite devra comporter des rencontres avec le gouvernement, les organisations de travailleurs et d'employeurs, les organes compétents en matière d'enquête et de contrôle et elle accordera une attention particulière à toutes les questions touchant à l'application de la convention no 87, en droit comme dans la pratique, et au programme spécial de coopération technique de l'OIT en Colombie.
Une représentante gouvernementale (vice-ministre des Relations de travail) a souligné qu'année après année la Colombie était devant cette commission, communiquant les informations et les explications nécessaires pour donner une vision toujours plus objective de la réalité du pays. Elle a réitéré la volonté constante de dialogue visant un débat constructif duquel découleraient des conclusions visant à renforcer la liberté syndicale. La convention no 87 est l'un des instruments qui génèrent le plus d'observations devant la commission, ce qui reflète la complexité à laquelle doit faire face le processus de mise en conformité des législations nationales avec les conventions. Dans le cas de la Colombie, le processus de mise en conformité a continué au fil des ans. La commission d'experts a mentionné la Colombie comme un cas de progrès, dans son étude d'ensemble sur la liberté syndicale de 1994, en ce qui concerne la loi 50 de 1990, une des lois les plus combattues par les travailleurs colombiens car considérée comme violant le droit d'association.
En 2000, la commission d'experts a souligné qu'il existait 13 divergences entre la législation nationale et la convention no 87 et les principes de celle-ci. Dans son rapport de 2001, la commission a noté avec satisfaction que l'adoption de la loi no 584 du 13 juin 2000 mettait un terme ou modifiait dix des divergences existantes. Seules trois divergences subsistaient que la commission invoque toujours aujourd'hui. Malgré les modifications apportées à la législation au fil du temps, qui expriment clairement une politique durable de l'Etat de respect du mouvement syndical et la garantie de la liberté syndicale, la Colombie a été appelée chaque année à répondre à cette commission. La première des trois divergences qui subsistent toujours est l'interdiction pour les fédérations et confédérations d'appeler à la grève. Le gouvernement considère que la négociation doit se faire entre l'employeur et son syndicat, et non avec des personnes étrangères à l'entreprise, ce qui rendrait encore plus difficiles les négociations. Ces raisons, qui visent à renforcer le dialogue entre les employeurs et les travailleurs, expliquent cette divergence, à propos de laquelle le gouvernement continue à dialoguer ouvertement avec l'OIT.
La seconde divergence se réfère à l'interdiction de la grève dans une série de services, considérée comme étant trop large par la commission, par rapport au concept de service essentiel qu'elle a développé, ainsi qu'à la possibilité de congédier les dirigeants syndicaux qui ont participé à une "grève illégale". Dans cette observation, on doit différencier deux aspects: le concept de service essentiel et la faculté de congédier les travailleurs qui participent à un arrêt de travail déclaré illégal. En Colombie, la notion de service public découle d'une grande tradition de droit français, qui a attribué à ce concept une importance capitale en ce qui concerne l'accomplissement des fonctions à la charge de l'Etat. Au cours des années, les lois de la Colombie se sont référées au service public comme étant "toute activité organisée qui vise à satisfaire les besoins d'intérêt général, de manière régulière et continue, conformément à un régime juridique spécial, qu'elle soit réalisée directement ou indirectement par l'Etat, ou par des personnes privées". Pour cette école de pensée, le service public est, par nature, essentiel, et ce qualificatif lui est donné parce que c'est l'Etat qui, directement ou à travers ses institutions décentralisées, est chargé de le fournir, compte tenu de l'importance qu'il revêt pour le développement de la société. Le concept de "service essentiel", développé par l'OIT, n'est pas le produit de la même tradition juridique que celle développée en Colombie, qui résulte de la nécessité d'équilibrer, d'une part, les intérêts particuliers des travailleurs et de leur droit de grève - droit consacré par les conventions nos 87 et 98 de l'OIT - et, d'autre part, l'intérêt général de la société qui est affectée par la grève.
Chacun de ces concepts découle de conceptions juridiques différentes qui expliquent les divergences constatées. Celles-ci ne sont pas dues, comme l'affirment les travailleurs, à une politique gouvernementale qui ne respecte pas les conventions internationales du travail. Le gouvernement est ouvert au dialogue avec l'OIT afin d'identifier les alternatives qui permettraient de les surmonter. En ce qui concerne le second aspect, "la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail)", il convient de souligner qu'il n'existe pas de "grève illégale" en Colombie. La grève est consacrée et garantie dans la législation, dans ses aspects substantifs et procéduraux. Aucune des normes relatives à la grève ne fait l'objet en ce moment d'observations de la commission d'experts. On peut donc en déduire que la législation est en conformité avec la convention no 87. Dans cette perspective, il n'est pas possible de congédier des travailleurs pour avoir participé à une grève.
Il en va différemment de la cessation collective des activités, qui est illégale quand elle a lieu dans les cas prévus à l'article 450 du Code substantif du travail, complété par l'article 56 de la Constitution politique et les arrêts de la Cour suprême de justice - chambres de cassation et constitutionnelle, relatifs aux services publics essentiels, comme l'arrêt C-450, d'octobre 1995, selon lequel l'exploitation, le raffinage et le transport du pétrole et de ses produits dérivés ont été déclarés comme étant des services publics essentiels. Cette décision est conforme à l'article 56 de la Constitution politique qui garantit le droit de grève sauf dans les services publics essentiels. Des sept raisons prévues dans la législation pour déclarer illégale une cessation d'activités, seules celles relatives aux cessations dans les services publics ont fait l'objet des observations de la commission d'experts. En conséquence, la logique la plus élémentaire nous mène à penser que, si la cessation collective illégale d'activités n'a pas été considérée par la commission d'experts comme étant contraire à la convention no 87, sauf dans les cas qui concernent les services publics, il n'existe pas de raisons de remettre en cause la législation qui permet aux employeurs de licencier ceux qui participent à une de ces cessations illégales. Concernant la troisième divergence, c'est-à-dire "la faculté du ministre du Travail de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail)", il faut souligner que cette possibilité est facultative et non obligatoire pour le gouvernement. Cette possibilité est utilisée en très peu d'occasions. L'actuel gouvernement n'en a jamais fait l'usage. Tout ceci indique que l'existence des divergences découle d'interprétations différentes d'une même norme par le gouvernement et la commission d'experts. C'est pourquoi un dialogue ouvert avec le Bureau permettra un échange d'idées et d'arguments et de trouver des alternatives. En ce qui concerne le fait que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponses aux commentaires présentés par la CISL, la représentante gouvernementale a déclaré que ces derniers ont été reçus par le gouvernement après la réunion de la commission.
Concernant la baisse du nombre des assassinats de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, le gouvernement est conscient qu'un seul meurtre est suffisant pour réaffirmer son appui à la politique de sécurité démocratique. Bien que cette baisse ne constitue, ni ne peut constituer, un motif de satisfaction, elle encourage du moins le gouvernement à aller de l'avant, constatant qu'il va dans la bonne direction et ce de manière soutenue. Pour faire face au "grave climat de violence persistant" qui est mentionné par la commission, le programme de protection existe depuis cinq ans. Unique au monde, il relève de la compétence du ministère de l'Intérieur et de la Justice et il offre une protection spéciale aux populations les plus affectées par la violence des narcoterroristes. 4 576 syndicalistes bénéficient d'approximativement 2 218 mesures de protection. En outre, afin de les protéger, leur sont proposés: des escortes, armes d'appui, voitures blindées, clôtures blindées aux sièges de leurs organisations, transport, moyens de communication, relocalisations temporaires et "billets" nationaux et internationaux. A cet effet, il a fallu augmenter le budget du programme dont 70 pour cent des ressources étaient destinés à protéger les syndicalistes. Grâce à ce programme, une diminution importante, bien qu'insuffisante, du nombre des assassinats et des autres actes de violence contre les syndicalistes a pu être enregistrée. Ainsi est-on passé de 120 homicides de syndicalistes en 2002, à 54 en 2003. De même, 17 morts violentes ont été enregistrées depuis le début de l'année comparées à 22 enregistrées l'année dernière pendant la même période. Finalement, l'oratrice a indiqué qu'elle n'avait pas perçu, dans le rapport de la commission, de signes encourageant le gouvernement dans sa lutte pour améliorer les conditions d'exercice de la liberté syndicale. Son pays continuera néanmoins à redoubler ses efforts en vue d'exécuter la politique de sécurité démocratique et d'assurer une meilleure protection aux syndicalistes et aux dirigeants syndicaux à risque. Elle a réitéré la volonté de son gouvernement de poursuivre la lutte pour la liberté syndicale et les droits fondamentaux des travailleurs.
Les membres travailleurs ont souligné que les violations extrêmement graves des libertés syndicales en Colombie ont figuré en permanence à l'ordre du jour de cette commission depuis de nombreuses années. L'OIT, dans son ensemble, a été grandement préoccupée par ces violations. Le Conseil d'administration a discuté à plusieurs reprises des actions à entreprendre, notamment à l'occasion des rapports du représentant spécial du Directeur général et à la suite de la demande des membres travailleurs de trouver les moyens d'action à la hauteur de la situation. C'est pourquoi les membres travailleurs ont demandé l'envoi d'une commission d'enquête en Colombie pour rompre l'inertie qui les amène, année après année, au même constat. Cette impasse est d'ailleurs confirmée par les propos de la commission d'experts, qui "... constate cependant avec une profonde inquiétude que le climat de violence persiste dans le pays et que, selon les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1787, examiné en mai 2003 et évoqué devant la Commission de l'application des normes, les assassinats et autres actes de violence ont toujours cours. Comme ces deux autres instances, la commission prie le gouvernement de renforcer les institutions qui doivent l'être pour mettre un terme à cette situation intolérable d'impunité qui fait gravement obstacle au libre exercice de droits syndicaux garantis par la convention, de sorte que toutes les personnes reconnues coupables de tels actes soient sanctionnées de manière effective." Dans le passé, de nombreuses violations ont fait l'objet de discussions, notamment la violence envers les syndicalistes tués par milliers depuis plus de dix ans; la criminalisation permanente des actions syndicales; et l'impunité qui empêche toute mesure d'avoir la moindre efficacité. L'impunité est au coeur du problème. Tant que la vie d'une personne est sans valeur et que l'on peut la lui enlever sans être poursuivi, les assassinats continueront. Le gouvernement mentionne une baisse des assassinats. Faut-il applaudir? Encore une fois, plus d'une centaine de personnes ont perdu la vie depuis la dernière réunion de cette commission. On ignore tout des investigations concernant les auteurs de ces atrocités et des sanctions qui leur sont imposées. Il faut que l'état de droit, l'état du courage l'emporte sur l'état de la lâcheté et de l'impunité.
Les experts se réfèrent encore une fois aux problèmes d'application de la convention no 87 en ce qui concerne le droit des organisations syndicales de pouvoir organiser librement leurs activités. La commission d'experts rappelle à ce propos: l'interdiction pour les fédérations et confédérations d'appeler à la grève contenue dans le Code du travail; l'interdiction de la grève dans de nombreux services publics et d'autres secteurs de l'économie qui sont loin d'être essentiels au sens strict du terme; et la faculté du ministre du Travail de soumettre des conflits à l'arbitrage après un certain délai. A ce propos, la réaction du gouvernement est difficilement acceptable puisque, au lieu de prendre les mesures qui s'imposent pour rendre la loi compatible avec la convention, il se borne à déclarer que l'étude des propositions de réforme de la législation du travail, dont la Commission de concertation des politiques sociales et du travail avait été saisie en 2002, n'a pas encore été engagée. Un rapport du gouvernement sur les propositions de réforme, ou plus généralement sur les observations de la commission d'experts, aurait dû être fourni. Au lieu de cela, le gouvernement colombien a fait parvenir un communiqué de presse portant sur des questions politiques qui ne relèvent pas de la question à l'ordre du jour, à savoir l'impunité et les restrictions légales des activités syndicales. Le débat doit porter sur les questions relatives à l'application des normes et non sur des questions politiques, et ne doit pas non plus être porté dans la presse.
La situation en Colombie requiert une volonté politique commune pour résoudre les problèmes graves que connaissent les travailleurs, les travailleuses et plus généralement la population. Cette volonté politique doit cibler correctement les responsabilités. Dans son communiqué de presse, le ministre du Travail présente une lecture assez particulière des responsabilités, qui en dit long sur sa vision des choses. Selon ce communiqué, les syndicats eux-mêmes sont le problème: "les mouvements syndicaux doivent nous aider à résoudre plusieurs problèmes auxquels le pays fait face au lieu de faire partie de ce problème". La faute revient donc à ceux qui ne veulent pas subir passivement ce que les gouvernants leur imposent. A plusieurs reprises, l'impuissance de l'OIT à agir de manière indépendante et avec le courage nécessaire a été constatée. L'année dernière, cette commission n'est pas arrivée à un accord afin d'inscrire ses conclusions dans un paragraphe spécial, et ce même en présence d'une situation où des dizaines de syndicalistes ont perdu la vie. Ceci parce que le gouvernement n'est pas arrivé à prendre les mesures adéquates pour arrêter ce carnage qui dure depuis plusieurs décennies. De plus, le Conseil d'administration n'est pas parvenu à un accord sur l'envoi d'une commission d'enquête en Colombie. L'OIT a adopté des conventions concernant la liberté syndicale et la libre négociation collective et les a considérées comme normes fondamentales, justement pour éviter que les responsabilités s'effritent et pour que les travailleurs puissent, pour eux-mêmes et dans l'intérêt de leur famille, mener librement leurs revendications et leurs actions. Les membres travailleurs ont souhaité pouvoir constater des progrès en ce qui concerne la liberté syndicale et la punition des assassins, dans la loi et dans la pratique. Ils ont émis l'espoir que le gouvernement changera à la fois les lois et la pratique conformément aux observations faites et qu'un véritable esprit de dialogue et d'ouverture l'amènera à examiner, avec les organisations syndicales colombiennes, les problèmes qui se posent au lieu d'en créer davantage.
Les membres employeurs ont déclaré que ce cas a lieu dans un contexte similaire à celui d'une guerre civile. La violence touche les politiciens, les leaders économiques, les avocats tout comme les dirigeants syndicaux. Elle est perpétrée par des groupes comme les FARC et autres groupes paramilitaires qui commettent souvent des crimes au nom de différentes idéologies. Il n'y a pas de recette unique pour rétablir la paix en Colombie et ce n'est pas le mandat de cette commission d'évaluer les différentes mesures à cette fin. La liberté syndicale ne peut s'exercer dans un climat de violence mais la pleine garantie de cette liberté ne pourra pas non plus mettre fin à la violence. En 2001, la commission d'experts a noté un certain nombre de changements dans la législation concernant l'application des conventions nos 87 et 98 et a considéré ces cas comme des cas de progrès. Pour la commission d'experts, il demeure trois obstacles légaux à l'exercice de la liberté syndicale. Les membres employeurs ont souligné qu'ils n'étaient pas d'accord avec les vues de la commission d'experts en ce qui concerne le droit de grève. A cet égard, ils ont rappelé que les travaux préparatoires de la convention no 87 et la décision de la Conférence de 1948 relative au droit de grève avaient souligné que le droit de grève n'était pas couvert par la convention. Il n'y a donc pas lieu de demander au gouvernement de modifier la législation à cet égard.
Afin d'exercer la liberté syndicale, toutes les mesures devront être prises pour mettre fin au climat de violence dans ce pays. Le gouvernement actuel semble suivre un chemin différent à cet égard. Bien que la violence n'ait pas disparu en Colombie, les données statistiques indiquent qu'elle a baissé au cours des deux dernières années. Toutefois, le degré de violence persistante demeure inacceptable car il compromet non seulement la liberté syndicale mais également d'autres droits. Le gouvernement doit adopter des mesures plus sévères en ce qui concerne la poursuite des crimes. Les membres employeurs ont noté les programmes de protection des syndicalistes, la présence de postes de police dans presque tous les villages et le fait que les dirigeants syndicaux occupent maintenant des postes publics importants. De plus, le gouvernement semble lutter activement contre des groupes paramilitaires de droite. Les membres employeurs ont noté une amélioration de l'économie nationale colombienne et l'accord entre l'OIT et la Colombie sur des projets de coopération technique. Ils ont également noté l'offre du gouvernement du Mexique de mener des négociations pour mettre fin à la violence. A cet égard, ils ont conclu que le gouvernement ne devrait pas être affaibli dans la mesure où cela pourrait compromettre de tels projets et encourager les groupes criminels qui opèrent en Colombie. Ils ont donc prié instamment la commission de demander au gouvernement d'être encore plus déterminé dans ses efforts pour mettre un terme à la violence dans le pays.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a déclaré que son gouvernement reste profondément préoccupé par la situation de violence dévastatrice en Colombie qui s'abat contre les syndicalistes. Son gouvernement continue à appuyer les efforts visant à trouver des solutions aux problèmes fondamentaux qui ont créé cette situation, à améliorer les compétences et l'efficacité de syndicalistes colombiens et à protéger les vies des syndicalistes qui courent des risques. Bien que le nombre des assassinats et autres actes de violence ait baissé, il demeure effroyablement élevé, et les menaces de violence continuent à se produire avec une fréquence alarmante. En même temps, le nombre de condamnations contre les personnes ayant commis des actes de violence reste inacceptablement bas.
La liberté syndicale constitue un élément clé si la Colombie veut évoluer favorablement vers la paix, la justice sociale, la réconciliation et la démocratie. La liberté syndicale ne peut prospérer que si les droits fondamentaux de l'homme, en particulier ceux relatifs à la vie humaine et à la sécurité personnelle, sont complètement respectés et garantis. C'est pourquoi son gouvernement a appelé le gouvernement de la Colombie - dans le contexte de la coopération et de l'assistance technique du BIT - à renforcer les mesures de protection et les systèmes de sécurité en faveur des syndicalistes colombiens; à s'assurer que tous les actes de violence fassent l'objet d'enquêtes et de poursuites, et que les personnes qui en sont responsables soient condamnées et punies; et à poursuivre le processus de réforme de législation du travail afin que la législation et la pratique soient pleinement conformes aux conventions ratifiées de l'OIT sur la liberté syndicale.
Un membre travailleur de la Colombie a signalé que, malheureusement, il fallait indiquer en toute franchise que les organisations syndicales et les travailleurs colombiens étaient profondément déçus des résultats obtenus dans deux domaines: la protection du droit à la vie et l'exercice d'activités syndicales rendu chaque jour plus difficile dans le pays. Cette commission se préoccupe du cas de la Colombie depuis les dix-huit dernières années, surtout quant à la violation des dispositions des conventions nos 87, 98 et 151, et l'on assiste à une sorte de rituel qui se répète d'année en année: les travailleurs dénoncent, l'OIT interroge le gouvernement, celui-ci répond, les travailleurs soutiennent leurs allégations, l'OIT cherche à nouveau des informations, la commission d'experts consigne ses préoccupations dans ses rapports, cette commission examine le cas, le temps passe, et la situation, au lieu de s'améliorer, empire chaque jour. Il faut admettre que le nombre de syndicalistes assassinés en un an est passé de 182 il y a deux ans à 108 l'année dernière, ce qui constitue une grande différence. Cependant, il serait pervers d'interpréter ce chiffre comme un signe de progrès, car nul, où qu'il se trouve dans le monde, ne doit être assassiné pour des raisons d'appartenance syndicale. Il s'agit d'un problème de fond dans la mesure où, lorsque l'on parle de la survivance du syndicalisme en Colombie, on parle d'un pays dans lequel, ces quatorze dernières années, s'enracinent une conduite antisyndicale et une campagne systématique d'extermination du syndicalisme de la part des différents gouvernements et de quelques secteurs du patronat.
L'année dernière, alors qu'au sein de cette commission on débattait de la liberté syndicale en Colombie, les locaux de TELECOM et de 14 autres entreprises de télécommunications étaient occupés par la force publique, tous les travailleurs ayant été licenciés sans formalité et plus de 7 000 familles ayant été affectées. De la même manière et de façon inacceptable, les conventions collectives, le Code du travail, la Constitution politique et les conventions de l'OIT ont été bafoués. Il y a trois ans, dans la plus grande compagnie de brassage de bière de Colombie, un syndicat de 4 000 membres existait. Après avoir fait usage du droit de grève, cette organisation a été démantelée, la convention collective a été remplacée par un "pacte collectif", et à ce jour aucune action du gouvernement visant à enquêter sur ces faits et à appliquer les sanctions correspondantes n'a eu lieu.
Les préoccupations concernant la liberté syndicale ont vu le jour lors de la fusion entre le ministère du Travail et le ministère de la Santé, donnant lieu à la création du ministère de la Protection sociale, avec de graves répercussions sur la liberté syndicale des travailleurs, comme en témoignent les situations vécues par les membres du syndicat de la sécurité sociale, la situation chaotique des travailleurs et de leurs organisations dans le secteur de la santé, ainsi que l'absence de protection de ceux qui espéraient être entendus dans leurs réclamations par le ministère du Travail, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. D'autant plus qu'il est devenu une coutume que les tribunaux fondent leurs décisions sur des considérations plus politiques que juridiques, comme en ont fait l'expérience les travailleurs de la Croix-Rouge, de la section Cundinamarca et de Bogota, à qui un tribunal arbitral a été imposé en toute illégalité. Une des cours de justice a non seulement validé de manière inacceptable le jugement rendu, mais a également permis que les travailleurs perdent tous leurs droits.
L'orateur a indiqué qu'il ne souhaitait pas engager un débat politique, mais seulement permettre la subsistance du mouvement syndical et l'existence effective des droits d'organisation, de négociation collective et de grève. La meilleure preuve en est la conclusion le 17 mai d'une convention collective avec le maire de Bogotá pour 53 000 fonctionnaires. Il a souligné l'importance du droit à la liberté d'expression, sans menace de mort ainsi que du droit de grève, sans que ne se reproduisent certaines situations comme celle de l'entreprise Ecopetrol où 248 travailleurs avaient été licenciés pour avoir fait usage de ce droit constitutionnel. Dans ce sens, il y a lieu d'espérer que l'OIT conclura comme elle l'avait fait dans le cas de la grève pétrolière au Venezuela, lorsqu'elle avait considérée légale la grève car ne portant pas atteinte à un service public essentiel. Enfin, l'orateur a souhaité que soit mise en place une commission d'investigation et de conciliation dans le pays, afin de clarifier avec précision la situation actuelle et de faire le jour sur la réalité de ce drame qui touche chacun de nous. Il s'agit d'une mesure préventive d'utilité générale et en aucun cas d'une sanction. De même, il est nécessaire d'assurer la continuité du programme de coopération technique du BIT. Il faut espérer à cette occasion que ne seront pas appliqués deux poids deux mesures, comme il y a un an, au moment où l'on a refusé d'appliquer des mesures préventives à la Colombie, tandis que pour une situation d'importance infiniment moindre et de manière injuste, un paragraphe spécial sur le Venezuela a été adopté sans raison satisfaisante.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que, depuis plusieurs années, la commission débat de pratiques violant les droits de l'homme et les conventions relatives à la liberté syndicale, telle la convention no 87. La commission d'experts a, à plusieurs reprises, prié instamment à la Colombie de respecter les conventions. Cependant, rien ne s'est produit. Au contraire, une politique de violation des droits du travail, syndicaux et civils, se renforce. A ce propos, l'orateur a demandé que cette commission, en vertu des principes de l'OIT et de la Déclaration de Philadelphie, procède à une évaluation objective de la réalité colombienne et qu'elle agisse en conséquence sans tenir compte des intérêts politiques.
La situation des droits de l'homme en Colombie est critique. Les violations de la vie, de la liberté et de l'intégrité des personnes sont constantes. Cette tragédie requiert que le gouvernement, la justice et les forces publiques honorent leurs engagements afin de garantir le respect du droit à la vie en vertu de la Constitution politique. Le débat actuel ne se résume pas à la réduction du nombre de victimes car un seul assassinat, surtout quand il est perpétré pour cause d'intolérance ou de désaccord, constitue une tragédie humaine. Il existe en Colombie d'autres formes de violation des droits de l'homme, telles que les détentions arbitraires et massives, les menaces et le harcèlement. L'impunité est la chose la plus monstrueuse parce qu'elle constitue la source qui alimente la perpétration des crimes envers les dirigeants et les activistes syndicaux. Les sérieuses mises en cause dont fait l'objet l'actuel Ministère public sont également extrêmement préoccupantes.
De même, l'Etat développe une politique antisyndicale, en association avec les employeurs, qui conduit à l'extermination des syndicats et qui viole manifestement les conventions. Cette politique a impliqué la suspension du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ainsi que l'élimination des contrats individuels entre travailleurs et employeurs, empêchant ainsi l'exercice de la liberté syndicale. De plus, les procédures de la négociation collective ont été bafouées et violées, contrairement aux dispositions de la convention no 151. Selon les statistiques officielles en 2003, sur les 4 millions de travailleurs de l'économie formelle, seulement 49 200 ont bénéficié de la négociation collective. La répression du droit de grève est clairement reflétée dans le fait que sur les 30 conflits du travail, 26 ont été déclarés illégaux. Dans ces constatations, l'OIT doit, dans le cas de la grève de la USO dans l'entreprise Ecopetrol, réaffirmer les principes développés, notamment dans les cas du Costa Rica et du Venezuela, et rappeler à la Colombie que la grève dans le secteur pétrolier est légale. En ce qui concerne le programme de coopération technique, l'orateur a reconnu la contribution de celui-ci à la protection de la vie des syndicalistes menacés. Il a déploré l'absence de dialogue social contribuant à forger une culture de tolérance syndicale entre le gouvernement et les employeurs et a regretté que la coopération technique ait été interprétée comme une sanction et non comme ce qu'elle était en réalité, à savoir un mécanisme de coopération. Pour toutes ces raisons, il a sollicité la mise en place d'une Commission d'investigation et de conciliation pour la Colombie.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que le gouvernement et les employeurs colombiens avaient développé une politique antisyndicale, qui avait été constatée par les organes de l'OIT qui formulaient des observations et des recommandations en vue d'assurer le respect de la liberté syndicale. Le gouvernement n'a pas concrétisé la concertation avec le mouvement syndical. Au contraire, il l'ignore, il impose une politique économique et sociale qui va à l'encontre des droits des travailleurs et il initie des projets de loi, en ignorant qu'ils doivent d'abord être soumis à la Commission nationale de concertation, conformément à la Constitution colombienne et aux principes du dialogue social.
Le gouvernement a fourni des informations sur l'adoption d'un plan de travail de la Commission interinstitutionnelle pour la défense et la protection des droits de l'homme au travail, qui demeure pratiquement inappliqué en raison du manque de volonté et de ressources nécessaires. Malgré le fait que l'OIT note, depuis 1987, les violences exercées à l'encontre des syndicalistes colombiens, il est pertinent de dénoncer, qu'entre le 1er mai 2003 et le 30 avril 2004, 108 syndicalistes ont été assassinés et parmi eux 55 étaient éducateurs. Entre janvier et mai 2004, 22 syndicalistes ont été assassinées. Si l'impunité continue à protéger les auteurs et les commanditaires des crimes contre les syndicalistes, comme il a été indiqué à plusieurs reprises par le Comité de liberté syndicale et la commission d'experts, on ne peut pas parler de droits de l'homme des travailleurs, ni de conditions nécessaires à l'exercice de la liberté syndicale. Dans le même sens, la convention no 87 a une fois de plus été violée lorsque la grève qui a eu lieu dans l'entreprise colombienne du pétrole a été déclarée illégale, et 248 travailleurs ont été licenciés, y compris les dirigeants syndicaux, et lorsque les travailleurs grévistes ont été remplacés par d'autres travailleurs appartenant à la direction de l'entreprise. Tout cela alors que, depuis 1987, l'OIT signale cette divergence et malgré la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de la Colombie.
L'orateur a signalé qu'en vertu de la position de la Cour, lorsque l'Etat est l'employeur, un organe gouvernemental ne saurait qualifier la grève d'illégale, puisque cela serait contraire au principe de l'application de bonne foi des engagements internationaux; cette décision était entachée de partialité. Le gouvernement a pris une autre décision arbitraire en considérant l'activité pétrolière comme un service public essentiel. L'OIT a signalé à plusieurs occasions que l'extraction, la distribution, la production, le transport et le raffinage du pétrole ne peuvent être considérés, en tant que tels, comme des services publics essentiels. Le rapport de la commission d'experts de cette année le rappelle pour le cas du Costa Rica: le raffinage du pétrole n'est pas un service essentiel et le droit de grève doit être garanti dans ce secteur sans que, par exemple, soit possible le remplacement des travailleurs grévistes.
Il a indiqué qu'actuellement une grève est menée par SINTRAINAGRO dans le secteur bananier, qui a pour objectif d'empêcher les employeurs de supprimer le système des contrats et la sécurité sociale. La conclusion des conventions collectives et l'exercice du droit de grève doivent être respectés, conformément aux normes de l'OIT. L'orateur a appelé à la commission pour qu'elle réitère ses recommandations afin que l'Etat colombien mette en conformité sa législation avec les conventions de l'OIT. A cette occasion, il a demandé: l'abolition de la faculté du ministère de la Protection sociale de déclarer illégale une grève; que les services essentiels soient déterminés en tenant compte des critères de l'OIT; l'abrogation du pouvoir du ministère de nommer un arbitre dans les tribunaux d'arbitrage obligatoire lors des conflits collectifs dans les entreprises d'Etat; l'abolition du pouvoir du ministère de convoquer le tribunal d'arbitrage lorsque la grève dure un certain temps; la suppression du pouvoir de licencier les travailleurs dans le cas où la grève a été déclarée illégale; l'abrogation de l'interdiction faite aux centrales syndicales d'appeler à la grève; la pleine application de la convention no 151 afin que les travailleurs de l'Etat puissent exercer leurs droits syndicaux, comme le signale le rapport de la commission d'experts de cette année. La pratique des employeurs consistant à privilégier la conclusion de "pactes collectifs" avec les travailleurs non syndiqués, soutenue par le pouvoir judiciaire et par le gouvernement, ne doit être ni soutenue ni autorisée. Finalement, il a noté que la satisfaction et l'intérêt exprimés dans le rapport de la commission d'experts en ce qui concerne l'application par le gouvernement colombien des conventions nos 29, 111, 129 et 169 laissent songeur puisque ces constats ne sont pas conformes à la vérité. Au contraire, ce qui est évident, c'est l'existence d'un plan de liquidation du syndicalisme. Voilà pourquoi une commission d'investigation et de conciliation est requise.
Le membre travailleur des Etats-Unis a rappelé qu'en 1999 le Comité de la liberté syndicale, dans ses conclusions du cas no 1787, avait déploré qu'aucun progrès significatif n'ait pu être réalisé et avait espéré que le Conseil d'administration tiendrait compte de cela dans ses délibérations sur la mise en place d'une commission d'enquête en Colombie. Depuis lors, la présente commission a examiné le cas de la Colombie à chacune de ses sessions. Une mission de contacts directs a été envoyée, un programme de coopération technique lancé et un représentant spécial du Directeur général désigné, tandis que des centaines de syndicalistes colombiens ont été assassinés, pris en otage, agressés ou menacés, impunément. Se référant à la mention par le gouvernement colombien de la baisse relative du nombre des assassinats, on peut se demander s'il y a lieu de se féliciter de l'assassinat de 90 syndicalistes en 2003, et de 26 autres cette année. La protection fournie aux 1 424 syndicalistes par le programme de protection syndicale du ministère de l'Intérieur est dérisoire au regard des milliers de syndicalistes en danger. Selon l'Ecole nationale syndicale (ENS), ce chiffre est certainement exagéré car il concerne d'autres secteurs que les syndicats et, de l'avis de la Commission colombienne de juristes, le programme de protection se réduit, dans certains cas, à la fourniture d'un téléphone mobile à une victime potentielle. L'orateur a, en outre, fait remarquer que la diminution des assassinats relève davantage de l'effet du cessez-le-feu en vigueur entre les paramilitaires et le gouvernement que du programme de protection. En fait, l'ENS a souligné la recrudescence des menaces de mort à l'encontre de syndicalistes depuis 2002.
Selon l'orateur, l'élément clé de la protection des syndicalistes colombiens réside dans la poursuite effective et l'inculpation des auteurs de la violence. Malheureusement, l'Unité nationale colombienne des droits de l'homme pour les poursuites a reconnu que sur les 3 000 cas d'assassinats de syndicalistes, entre le 30 août 1986 et le 30 avril 2002, seuls cinq ont donné lieu à des condamnations. Le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a conclu en 2003 que le Procureur général de la Colombie s'était ingéré dans les enquêtes concernant des assassinats.
En outre, la loi colombienne viole toujours la convention no 87. En plus des points soulevés par la commission d'experts à cet égard, l'orateur a attiré l'attention sur l'existence persistante des "pactes collectifs directs" entre des employeurs et des groupes de travailleurs individuels. L'article 46 de la loi no 50 continue de restreindre l'enregistrement de nouveaux syndicats, et la même loi empêche toujours la mise en place de représentants de négociation collective pour le secteur public et l'industrie. L'orateur a conclu que ce cas était particulièrement préoccupant pour les syndicats des Etats-Unis et de la Colombie puisque ces deux pays sont en train de négocier un accord de libre-échange aux termes duquel la mise en conformité avec les instruments de l'OIT ne sera pas exigée, mais simplement l'application de la loi nationale en vigueur.
La membre travailleuse de la Suède a déclaré que s'était enracinée en Colombie une mentalité antisyndicale au sein de l'Etat et du patronat. Comme mentionné dans des rapports antérieurs, des hauts fonctionnaires de l'Etat ont pris l'habitude de faire des déclarations publiques accusant le mouvement syndical et la négociation collective d'être responsables des crises récurrentes que connaît le pays. Comme souligné dans l'enquête réalisée par le magazine économique Portafolio, les employeurs ne voient pas d'un bon oeil les syndicats. Dans ces circonstances, les travailleurs colombiens méritent un appui maximum dans un moment où l'exercice de la liberté syndicale continue à avoir des conséquences dramatiques; 108 syndicalistes ont été assassinés l'année dernière et déjà 22 depuis le début de cette année, fait qui démontre de manière ostensible la gravité de la situation.
Un autre problème grave réside dans l'anéantissement de la négociation collective qui, en 2003, ne concernait que 49 000 travailleurs sur environ 4 millions de travailleurs occupés dans le secteur formel. Ces constatations conduisent à poser la question de la nécessité de renforcer le programme spécial de coopération technique pour la Colombie. Le Conseil d'administration du BIT a déjà eu l'occasion d'exiger du gouvernement qu'il mette fin, de toute urgence, au problème de l'impunité des personnes qui commettent les actes de violence contre les syndicalistes. Le programme de coopération ne peut être vu comme une sanction mais bien comme un instrument valable qui contribue à faciliter et à améliorer l'exercice de la liberté syndicale et à favoriser la promotion et l'application des droits fondamentaux au travail.
L'oratrice a demandé à l'OIT de renforcer le programme de coopération technique, ce qui implique que soient garanties les ressources économiques nécessaires pour la réalisation des objectifs fixés par le Conseil d'administration. Il existe une grande préoccupation des travailleurs du monde entier et de la communauté internationale face à la situation très grave à laquelle le syndicalisme colombien est confronté. Tout ce qui est possible devrait être fait pour faire en sorte qu'il soit mis fin aux assassinats et que soit respectée la liberté syndicale. Pour toutes ces raisons, le programme de coopération technique constitue un instrument que l'OIT doit renforcer.
Le membre travailleur du Chili, après avoir affirmé que, pour les travailleurs, le respect de la liberté syndicale était impératif tant au Chili qu'en Colombie, a déclaré qu'il était clair que les violations des droits fondamentaux des syndicalistes étaient liées à leurs activités syndicales. La guerre est un instrument utilisé par divers secteurs du pays pour affaiblir, neutraliser et éliminer les organisations de travailleurs. Pour cette raison, il n'est pas surprenant que la majorité des violations des droits fondamentaux des travailleurs colombiens s'aggravent au moment où sont négociés ou que se terminent les conflits du travail, c'est-à-dire que ces violations ont lieu lors de la négociation de documents et de conventions collectives et pendant les arrêts de travail aux niveaux national et local. Cette situation n'est pas le résultat d'une violence aveugle, irrationnelle, non calculée et fortuite. Au contraire, elle est sélective, discriminatoire, calculée et se dirige contre les dirigeants syndicaux et les dirigeants intermédiaires d'organisations qui ont un grand poids social, une présence publique importante et une grande capacité de mobilisation politique. Tel est le cas, par exemple, des fédérations sectorielles comme Fecode, qui jouent un rôle prédominant dans la définition des politiques publiques. C'est aussi le cas des centrales ouvrières, qui sont très représentatives et détiennent une grande capacité de mobilisation, ainsi que des syndicats nationaux, comme, entre autres, Sinaltrainal, Union Syndical Obrera - USO - et Sintraelecol, qui opèrent dans des secteurs stratégiques de l'économie nationale. Les enlèvements, les menaces et les assassinats de travailleurs sont des stratégies calculées pour en finir avec les organisations syndicales.
Pour illustrer le fait que la violence contre les syndicalistes s'aggrave lors des conflits du travail, on peut mentionner le cas de la "renonciation volontaire" à leurs droits acquis par convention collective des travailleurs de l'hôpital de La Ceja, d'Antioquia orientale, affiliés à l'Association nationale des travailleurs des hôpitaux et cliniques (ANTHOC), suite à la pression exercée par les organisations paramilitaires. Il existe d'autres exemples, notamment: les menaces contre la direction de Sinaltrainal lors des négociations avec l'entreprise Femsa Coca-Cola en mai 2003; le retrait forcé, suite à des menaces, de l'arbitre choisi pour représenter cette organisation syndicale dans le conflit avec la transnationale Nestlé-Cicolac, au Valledupar, en février 2003; et l'assassinat du président de la sous-direction de Sintrainagro alors que son organisation syndicale avait terminé la phase de négociations avec l'entreprise Palmas del Cesar et se préparait à commencer une grève dans cette entreprise.
L'orateur a donné d'autres exemples, tels que: le jugement du dirigeant de la USO sur la base de faux témoignages et des preuves falsifiées; la déclaration d'illégalité de la grève de la USO; le congédiement de 248 travailleurs et la militarisation des conflits du travail. Il a également mentionné les menaces adressées aux dirigeants syndicaux affiliés à la CUT, au Syndicat des éducateurs de Risaralda, à l'Union des chauffeurs et au Syndicat des vendeurs ambulants. Ces cas ne constituent que quelques exemples représentatifs de la situation qui remettent en cause la thèse du gouvernement et des employeurs, selon laquelle le gouvernement n'est pas le responsable direct des violations des droits fondamentaux des travailleurs, puisque l'évolution du conflit armé lui a fait perdre sa capacité de contrôler et de régir la vie sociale. Ces faits viennent démontrer que la guerre est un instrument utilisé par des secteurs de l'Etat et du patronat pour réglementer, sans résoudre, les conflits qui se situent exclusivement dans la sphère des relations de travail. Le gouvernement doit mettre un terme à la situation insoutenable d'impunité qui constitue un grave obstacle au libre exercice des droits syndicaux.
Le membre gouvernemental de l'Irlande s'est exprimé au nom de l'Union européenne et a indiqué que les pays de l'EFTA, l'Islande, la Norvège et la Suisse, se joignaient à sa déclaration. L'UE a souhaité réaffirmer son plein appui au peuple et au gouvernement colombiens dans leurs efforts pour garantir la justice, le progrès social et la réconciliation nationale et pour remédier à l'impunité et aux violations des droits de l'homme. Cette année, l'Union européenne s'est réjouie de noter les efforts déployés par le gouvernement colombien pour améliorer la situation des droits de l'homme et des syndicalistes en Colombie. Les développements positifs récents, y compris l'adoption d'un programme d'action pour promouvoir et favoriser les droits des travailleurs, et la baisse constatée dans le nombre de décès des syndicalistes, constituent des éléments encourageants. Tout en notant ces développements positifs récents, l'UE a néanmoins souhaité réitérer sa grave préoccupation face au climat général de violence constante qui est présente à tous les niveaux de la société colombienne et face à la menace qu'une telle situation présente pour le dialogue social et la réconciliation. L'UE a condamné fermement les meurtres et les enlèvements de syndicalistes et de la population. L'UE est préoccupée par le fait que le gouvernement ne prenne pas les mesures nécessaires pour amender la législation incompatible avec la convention no 87. Il convient de souligner l'importance du dialogue social et de demander au gouvernement de redoubler d'efforts dans ce domaine pour effectivement respecter tous ses engagements tels qu'ils découlent de cette convention.
Le membre gouvernemental du Brésil a indiqué que son gouvernement était attentif à l'évolution de la situation de la liberté syndicale en Colombie et que, dans ce contexte, il accueillait favorablement la déclaration de la vice-ministre faisant état des efforts déployés par la Colombie afin d'endiguer le climat de violence régnant dans le pays. Cette commission doit chercher à appuyer les mesures qui ont déjà été prises par le gouvernement colombien pour stimuler et renforcer le dialogue social et il est, à cet égard, important que la commission prenne en compte les informations communiquées par la vice-ministre. Il convient également de tenir compte des bons résultats obtenus dans le cadre du programme de coopération technique mené par l'OIT en Colombie qui vise à stimuler le dialogue social et la liberté syndicale et à mettre la législation en conformité avec les normes internationales du travail. L'orateur s'est dit persuadé qu'avec l'appui constructif de l'Organisation, le gouvernement colombien continuera à améliorer les conditions de travail sur son territoire de manière à renforcer les institutions démocratiques.
Le membre gouvernemental du Costa Rica a signalé que la violence des narcoterroristes ne faisait pas de distinction entre les propriétaires fonciers riches et les syndicalistes, entre les diplomates et les politiques, entre les jeunes et les personnes âgées, les enfants et les femmes. La Colombie devrait sans nul doute s'en sortir avec l'appui des pays amis et des organisations internationales et grâce au dialogue et au renforcement des institutions démocratiques.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que, en février, il avait visité la petite ville de Saravena qui est sous contrôle militaire depuis novembre 2002. Selon l'armée, les voitures blindées encerclant le bâtiment du syndicat, où il a rencontré les syndicalistes et leurs familles, ainsi que les troupes armées étaient là pour assurer la protection de ces derniers. Lorsque l'armée a pris d'assaut la ville, la moitié de la population adulte a été rassemblée et conduite illégalement par l'armée dans le stade de football. Des familles ont raconté comment leurs proches avaient été sortis de leur lit. Au stade, des informateurs payés circulaient en voiture avec des vitres teintées pointant les "soi-disant" dissidents (et ceux à qui on en voulait). Parmi les centaines de personnes arrêtées, environ 40 ont été envoyées dans des prisons éloignées. Les arrestations arbitraires à Saravena et dans le département d'Arauca sont des événements quotidiens. Dans la même zone, l'armée et les paramilitaires patrouillent ensemble. Ils ont massacré, il y a trois semaines, 13 autres campesinos à Flor, Amarillo et Pinalto. Tous les candidats de l'opposition à Saravena ont été arrêtés avant les élections d'octobre. Le chef local de la CUT n'a pas pu être rencontré car un mandat d'arrêt pesait contre lui.
Sa délégation a aussi visité les deux principales prisons de Bogota, incluant une aile fermée de la prison des femmes, où 84 femmes sont logées dans un espace prévu pour 31. La grande majorité de ces détenues sont membres de syndicats ou d'organisations communautaires. Des 84 prisonnières, dont certaines avec leurs enfants, plus de 50 n'ont pas encore eu de procès ou n'ont pas encore été inculpées. Parmi elles se trouvent des syndicalistes arrêtées à Saravena en novembre 2002 et emprisonnées depuis quinze mois sans que des charges soient retenues contre elles. Certains mandats d'arrestation ont été entachés d'erreur et les femmes concernées se sont retrouvées sans identification et aucune preuve n'existe de leur détention. L'orateur a mentionné qu'il était heureux d'apprendre que peu après leur visite 11 membres du syndicat de la santé ont été remis en liberté, quoique sous caution.
Parmi les victimes de détention arbitraire figure Luz Perly Cordoba, secrétaire générale du Syndicat des travailleurs agricoles, FENSUAGRO, arrêtée le 18 février après s'être entretenue avec l'orateur à Saravena. Les motifs de sa détention demeurent inconnus. Les cas mentionnés ne représentent que quelques-uns des 7 000 prisonniers politiques en Colombie. Il est remarquable qu'un Etat, apparemment incapable d'arrêter et condamner les assassins de syndicalistes au cours de la dernière décennie, soit capable d'arrêter et d'emprisonner tant de victimes potentielles. Il y a l'impunité pour les meurtriers et la détention arbitraire pour ceux qui osent s'opposer à la croisade antisyndicale, néolibérale du régime et des forces cachées et puissantes qui le soutiennent. A Ecopetrol, 43 travailleurs ont été confinés dans des locaux sales et bondés faisant face à un mur, pour six mois de formation sur l'"amélioration des compétences et du comportement". Il s'agissait en fait de traitement dégradant, de torture psychologique et de lavage de cerveau. Le programme était utilisé comme une menace pour les autres syndicalistes à Ecopetrol.
Trop de membres de cette commission insistent pour dire qu'il s'agit d'une démocratie menant une guerre contre le terrorisme plutôt qu'un gouvernement, appuyé par des terroristes paramilitaires, qui mène une guerre contre la démocratie. Le gouvernement refuse de mettre en oeuvre deux recommandations fondamentales des Nations Unies concernant la fin du pouvoir judiciaire de l'armée et le maintien de dossiers militaires sur les syndicats et les activistes des ONG. Les hauts fonctionnaires continuent de calomnier les dirigeants syndicaux, en faisant ainsi des cibles pour les paramilitaires. La commission pourrait inviter le ministère public afin qu'il explique la remarquable relation qu'il entretient, selon "Human Rights Watch", avec les paramilitaires de droite.
En conclusion, il est illusoire de prétendre que l'exercice de la liberté syndicale s'améliore en Colombie. C'est le contraire qui est vrai et cette commission n'a pas été en mesure de recommander les mesures appropriées. Tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention devraient être l'objet d'un jugement impartial, quel que soit leur système économique ou leur attitude face à la mondialisation. Le fait que le gouvernement de Colombie adopte un modèle économique néolibéral n'est pas une excuse pour ignorer les violations flagrantes et persistantes de la liberté syndicale.
Le membre travailleur du Swaziland, s'exprimant au nom des travailleurs africains, s'est déclaré solidaire des travailleurs colombiens et a soutenu les demandes faites à cette commission par les membres travailleurs et les membres travailleurs de la Colombie.
La membre gouvernementale du Canada a réitéré l'appui de son pays au programme spécial de coopération technique pour la Colombie. Son pays croit en la force du dialogue social et a appuyé la mise en oeuvre de mesures législatives appropriées conformes aux recommandations de l'OIT relatives au respect des conventions nos 87 et 98. Le gouvernement du Canada se félicite du fait que certaines composantes de ce programme aient été mises en oeuvre en Colombie.
Le rapport du gouvernement indique que le nombre des actes de violence contre les syndicalistes a diminué légèrement, et des ressources additionnelles ont été assignées à la protection des syndicalistes. Le Canada a salué l'indication selon laquelle des progrès ont été réalisés et a reconnu que certaines mesures ont été prises par le gouvernement contre l'impunité. En même temps, la communauté internationale est impatiente de voir les résultats concrets obtenus suite à l'adoption de ces mesures visant à ce que les auteurs de violations des droits de l'homme soient punis en fonction de la gravité des crimes commis.
La situation de violence en Colombie est très complexe. Néanmoins, il est crucial de traiter le problème de l'impunité. La situation des droits de l'homme des syndicalistes en Colombie reste extrêmement précaire et des mesures urgentes, transparentes et décisives sont requises afin de trouver une solution au problème.
Le membre travailleur du Pakistan a fait part de la solidarité des travailleurs de son pays et a demandé au gouvernement de Colombie d'améliorer la protection des droits de tous les travailleurs, d'apporter les améliorations à la législation, tel que demandé par la commission d'experts, et de poursuivre les personnes responsables de violences envers les syndicalistes. Il a appuyé la demande visant à établir une commission d'investigation et de conciliation pour traiter de ce sujet.
La membre gouvernementale du Mexique a déclaré qu'il ressortait des informations fournies par la représentante gouvernementale de la Colombie non seulement une réponse ponctuelle aux recommandations de la commission d'experts, mais également une attitude constructive du gouvernement colombien qui, tous les quatre mois, et année après année, fournit des informations sur les mesures adoptées et les efforts déployés pour garantir les droits syndicaux prévus dans la convention no 87. Ainsi, bien que les résultats atteints ne soient pas encore suffisants, la tendance est positive même si l'orateur a relevé des éléments de progrès, même si des divergences subsistent entre la convention no 87 et la législation. Les membres de cette commission connaissent la situation difficile de violence interne que connaît ce pays - situation qui rend difficile l'application de mesures destinées à permettre le plein exercice des droits syndicaux. L'oratrice a partagé la préoccupation des membres travailleurs face à la violence dont continuent à être victimes les syndicalistes, même si cette violence n'affecte pas uniquement le monde syndical mais tous les secteurs de la société. Cette situation requiert une solution politique ne pouvant pas être trouvée par cette commission.
L'oratrice a considéré que, comme à chaque fois que ce cas est examiné, le programme spécial de coopération avec la Colombie constitue un instrument adéquat pour que l'OIT, dans les limites de ses compétences, le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs trouvent, en étroite collaboration, une solution aux problèmes qui affligent le monde du travail colombien.
La membre gouvernementale de la Chine a noté les efforts du gouvernement de la Colombie pour améliorer la politique économique et sociale ainsi que l'amélioration du dialogue social dans le pays. Elle a souhaité que l'OIT renforce sa coopération technique avec la Colombie et a souligné que son pays soutient le dialogue social en tant qu'alternative à la violence. Ce cas ne devrait pas apparaître dans un paragraphe spécial du rapport de cette commission.
La membre gouvernementale du Danemark s'est exprimée au nom du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède et a appuyé la déclaration faite par le membre gouvernemental de l'Irlande au nom de l'Union européenne. Les gouvernements au nom desquels elle s'est exprimée restent préoccupés et profondément déçus de constater que le gouvernement de la Colombie n'a toujours pas pris les mesures nécessaires visant à modifier en profondeur la législation contraire à la convention no 87. Le gouvernement doit immédiatement mettre un terme à ce problème. Cependant, la modification de la législation ne suffit pas à elle seule et il est impératif d'aller de l'avant avec les réformes socio-économiques éminemment nécessaires, notamment une politique de l'emploi visant à fournir des emplois aux conditions dignes et convenables.
Elle a réitéré sa demande au gouvernement de la Colombie de coopérer de manière constructive avec les partenaires sociaux en vue de garantir la liberté syndicale. Il est nécessaire pour le gouvernement de soutenir le dialogue social à travers une administration efficace du marché du travail. L'oratrice a par ailleurs constaté avec préoccupation la persistance du climat de violence dans le pays et a déclaré que même si le nombre de syndicalistes assassinés a baissé, le gouvernement de la Colombie devrait d'urgence renforcer les institutions qui doivent l'être pour mettre un terme à cette situation intolérable d'impunité qui protège les auteurs des assassinats. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner l'importance de l'engagement pris par le gouvernement colombien à la réunion internationale sur la Colombie, qui s'est tenue l'année dernière à Londres, de protéger les dirigeants de la société civile et, parmi eux, les syndicalistes.
L'oratrice a déclaré qu'après avoir écouté les informations fournies par la représentante gouvernementale de la Colombie, elle n'a pu y déceler aucune preuve d'une amélioration significative de la situation. Le climat de terreur et d'intimidation demeure un sérieux obstacle au libre exercice de la liberté syndicale. Elle a réaffirmé le soutien des gouvernements qu'elle représente au travail du BIT et de la Colombie, et a exprimé l'espoir qu'il serait renforcé, en particulier la coopération du BIT avec le bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme et les autres organes du système des Nations Unies. Elle a instamment demandé à toutes les parties de développer le dialogue en vue de trouver les solutions requises.
La représentante gouvernementale a souligné l'importance que revêtait pour son pays le renforcement du programme de coopération technique, qui devrait pouvoir se maintenir financièrement et dans le temps, ainsi que la garantie de la liberté syndicale et le tripartisme. Le gouvernement a entrepris des actions concrètes destinées à lutter contre l'impunité, parmi lesquelles la mise en place d'ateliers auxquels participent le ministère public et les juges.
L'oratrice a fait part des problèmes existants en ce qui concerne le refus des proches de témoigner par peur d'être victimes de représailles. Un programme de protection des témoins a ainsi été créé grâce auquel certaines personnes ont pu quitter le pays. De même, ont été créées des tables rondes régionales sur le dialogue social afin de réactiver le dialogue dans les villes où le problème était particulièrement grave et où il y avait le plus grand nombre d'assassinats de syndicalistes, et des conventions ont été signées pour lutter contre le fléau de la violence. En ce qui concerne le programme "amélioration des compétences et du comportement" de l'entreprise Ecopetrol, l'oratrice a reconnu que certains travailleurs avaient été maltraités, mais grâce à l'intervention du gouvernement il a été mis fin à ce programme.
Contrairement à ce qu'ont indiqué certains membres de la commission, le terrorisme n'est pas sélectif mais bien généralisé. Le gouvernement combat aussi bien les guérilleros que les narcotrafiquants et a fermement refusé toute collaboration avec les paramilitaires. Actuellement, le ministère public poursuit toutes les investigations pertinentes.
Les membres travailleurs ont déploré que le bureau de la commission ne soit pas parvenu à un accord en vue de donner la parole à l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Il est en outre regrettable que les informations données par le gouvernement n'aient pas figuré dans le rapport qu'il devait fournir en application de l'article 22 de la Constitution.
Après avoir écouté l'ensemble des intervenants, les membres travailleurs ont tenu à souligner certains points dans leurs conclusions. Tout d'abord, le climat de violence antisyndicale systématique et d'impunité persiste, ce qui constitue une situation inacceptable. Deuxièmement, les violations de la convention no 87 vont bien au-delà de ce climat de violence. Il existe un climat antisyndical qui se traduit par des mesures et des pratiques qui portent gravement atteinte à l'exercice de la liberté syndicale et, comme le signalent les experts, la législation continue à ne pas donner effet à la convention, même si le gouvernement prétend qu'il s'agit de simples divergences d'interprétation. Dans la pratique, les violations sont les suivantes: criminalisation des actions syndicales et notamment du droit de grève; licenciements massifs et abusifs de travailleurs exerçant leur droit d'organisation; restrictions au droit de grève; méconnaissance des conventions de la part de ceux qui doivent veiller à leur application; et autres manifestations antisyndicales.
L'année dernière, les membres travailleurs avaient considéré que la situation était suffisamment préoccupante pour que les conclusions sur ce cas soient reprises dans un paragraphe spécial. Cette année, le nombre de morts et le climat antisyndical ne permettent pas de constater le moindre progrès tangible. Un paragraphe spécial demeure amplement justifié et il est regrettable que les membres employeurs s'y opposent une nouvelle fois. A côté de la réalité et des pratiques connues de tous, il convient de rappeler que, juridiquement, il n'est pas donné effet à la convention. Or ignorer ces violations juridiques et refuser un paragraphe spécial dans un cas aussi grave que celui de la Colombie implique un risque de politisation de cette commission. Il faut refuser l'instrumentalisation politique des travaux de cette commission. Une telle instrumentalisation donnerait raison à ceux qui ne croient pas en l'objectivité des conclusions de cette commission ou qui considèrent que la commission n'est sévère qu'avec les pays hostiles à l'ordre néolibéral mondial établi.
Les membres travailleurs ont appelé à réfléchir sur cette situation qui risque de saper la mission de cette commission qui est de dialoguer avec les gouvernements sur les violations constatées. Ainsi, face au blocage existant dans ce cas, il est indispensable de trouver des voies et des moyens en vue de mettre fin à la situation de confrontation et d'agression du mouvement syndical afin que l'OIT retrouve sa crédibilité d'interlocuteur dans des situations aussi graves que celles de la Colombie. Le Bureau et le Conseil d'administration doivent apporter une attention particulière à la situation existant en Colombie et à l'impossibilité répétée dans laquelle se trouve cette commission de trouver un consensus face à ladite situation. Les membres travailleurs ont en conséquence demandé au Conseil d'administration de décider de l'envoi d'une commission d'investigation et de conciliation en Colombie.
Les membres employeurs ont déclaré que le gouvernement avait démontré qu'il était prêt à collaborer étroitement avec l'OIT. Il est essentiel pour le gouvernement de déterminer quelles mesures sont nécessaires. Selon les membres employeurs, le cadre institutionnel pour la poursuite de crimes, en vertu du Code pénal, doit être amélioré. Bien que le Code pénal couvre les crimes en question, le représentant gouvernemental a indiqué que les problèmes d'investigation des crimes persistent. Ceci n'est pas surprenant vu le climat de violence qui rend difficile l'obtention de témoignages crédibles. Dans ses conclusions, la commission devrait demander au gouvernement de fournir un rapport détaillé sur les points soulevés pendant la discussion. Les membres employeurs n'ont pas considéré que l'insertion d'un paragraphe spécial pour ce cas serait productive et ont réitéré leur objection aux questions relatives au droit de grève soulevées par les membres travailleurs.
Les membres travailleurs ont tenu à indiquer qu'ils regrettaient que l'idée de la commission d'investigation et de conciliation n'ait pas été retenue.
La commission a noté les informations orales fournies par la représentante gouvernementale, vice-ministre des Relations du travail, et la discussion qui a suivi. La commission a constaté avec une grande préoccupation que les problèmes existants étaient extrêmement graves et englobaient notamment des assassinats de dirigeants et de membres syndicaux, d'autres actes de violence contre les syndicalistes et la situation d'impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes. La commission a noté que le Comité de la liberté syndicale avait examiné des plaintes graves relatives à des assassinats et à des actes de violence à l'encontre de syndicalistes. La commission a constaté que les actes de violence atteignaient d'autres secteurs de la société, y compris les employeurs qui font notamment l'objet d'enlèvements. La commission a une nouvelle fois condamné tous ces actes de violence perpétrés dans le contexte de la dramatique situation de violence que traverse le pays.
La commission a noté les déclarations du gouvernement selon lesquelles le nombre d'assassinats de syndicalistes et d'actes de violence avait diminué et les autorités avaient adopté des mesures de protection des syndicalistes. La commission a également noté le plan de travail de la Commission interinstitutionnelle pour la prévention et la protection des droits de l'homme et le fonctionnement du Comité spécial de soutien des enquêtes sur les violations des droits de l'homme. Toutefois, la commission s'est déclarée profondément préoccupée par le nombre encore élevé de victimes.
La commission a rappelé que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent exercer librement et significativement leurs activités que dans un climat exempt de violence. Elle a une nouvelle fois prié le gouvernement de garantir le droit à la vie et à la sécurité et de renforcer, de toute urgence, les institutions pertinentes en vue de mettre un terme à la situation d'impunité qui constitue un obstacle important à l'exercice des droits garantis par la convention. La commission a constaté de manière plus générale qu'il règne dans le pays un climat peu favorable au développement des activités syndicales.
En ce qui concerne les réformes législatives demandées par la commission d'experts, la commission a noté que le gouvernement restait ouvert au dialogue avec l'OIT au sujet des questions légales en suspens et qu'il était convaincu que l'échange de points de vue au sujet des commentaires de la commission d'experts permettrait de trouver des alternatives et ainsi de surmonter les divergences mentionnées par ladite commission. La commission a encore une fois instamment prié le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires en vue de garantir la pleine application de la convention. La commission a demandé au gouvernement d'envoyer un rapport détaillé à la commission d'experts afin qu'elle puisse examiner lors de sa prochaine session l'évolution de la situation, ainsi qu'une réponse aux commentaires présentés par les organisations syndicales. La commission a exprimé le ferme espoir que, dans un future très proche et avec l'aide du programme de coopération technique dont les ressources devraient être renforcées, des progrès tangibles pourraient être constatés pour surmonter tous les obstacles au plein exercice de la liberté syndicale afin que les organisations syndicales puissent exercer les droits garantis par la convention, dans un climat de pleine sécurité exempt de menaces et de terreur. La commission a souligné qu'il était important que ces objectifs soient atteints grâce au dialogue social et à la concertation.
Un représentant gouvernemental a indiqué qu'il assistait pour la première fois à la commission et qu'il entendait faire une déclaration franche et directe pour permettre d'identifier les problèmes et les résoudre. S'agissant de la convention no 87, des 141 Etats qui l'ont ratifiée, 97 ont été inclus dans le rapport de la commission d'experts. Dans le cas de la Colombie, la commission d'experts formule des observations depuis le début des années quatre-vingt-dix. A ce moment, 20 divergences entre la convention et la législation peuvent être relevées. Par la suite, après l'adoption de la loi no 50, ces divergences se sont réduites à 13, fait qui a été reconnu par la commission d'experts en 1994. De plus, grâce à l'assistance technique de l'OIT et à la mission de contacts directs qui a eu lieu en 2000, la loi no 584 a été adoptée la même année et a fait l'objet, une fois de plus, de la reconnaissance des avancées de la part de la commission d'experts. A ce jour, il ne reste que trois aspects à résoudre. Néanmoins, le cas de la Colombie figure à l'agenda de l'OIT depuis plusieurs années en raison de la violence envers le mouvement syndical dans le pays. Le représentant gouvernemental a manifesté sa volonté d'exposer les résultats positifs réalisés par le gouvernement. En effet, alors que dans les cinq premiers mois de l'année 2002, 86 assassinats de syndicalistes ont eu lieu, seulement 14 peuvent être dénombrés pour la même période de cette année, ce qui indique une diminution de 84 pour cent. Le gouvernement croit à la nécessité de lutter de manière permanente contre la violence, indépendamment de son origine. A cette fin, le programme de la sécurité démocratique vient tout juste d'être complété, en parallèle avec le programme de protection du ministère de l'Intérieur et de la Justice. Ces deux programmes sont destinés à protéger des personnes en situation de danger. Le programme de la sécurité démocratique compte actuellement sur de meilleures ressources, ce qui a permis d'octroyer 1 357 mesures de sécurité. Ceci, ensemble avec la coopération franche et directe avec les syndicats, a contribué à l'obtention des résultas mentionnés. La violence en Colombie a touché des prêtres et des évêques, des maires et des gouverneurs, des ministres et des ex-ministres, des filles et des garçons, des employeurs et des travailleurs, syndicalistes ou non. Il a manifesté son engagement dans la lutte pour résoudre ce problème complexe et difficile. S'agissant de la solution pouvant être apportée au problème, le représentant gouvernemental s'est référé aux deux alternatives proposées par les Membres de l'OIT, à savoir, d'une part, le programme de coopération et, d'autre part, l'établissement d'une commission d'enquête. En ce qui concerne le programme de coopération, il a souligné qu'il doit être renforcé et amélioré et qu'il peut être considéré comme la véritable solution. Ainsi, son soutien et son financement contribueront à la résolution du problème en Colombie. Il est nécessaire de changer le discours et l'analyse des problèmes afin d'établir une collaboration réelle et effective.
En ce qui concerne la commission d'enquête, il a considéré que même si une telle commission avait été envoyée il y a quelques années, le nombre d'assassinats de syndicalistes n'aurait pas été différent. La commission d'enquête n'apporte pas de solution réelle au problème. Au contraire, il a estimé qu'elle complique l'analyse, dévie l'attention du problème véritable et retarde la solution. Il a souligné que, depuis cinq ans, ce thème est discuté tous les quatre mois, empêchant ainsi les travailleurs, les employeurs et le gouvernement d'offrir des alternatives de solutions. Il a déclaré que de grandes avancées auraient été faites si on avait agi au lieu de discuter. En effet, il a estimé que discuter de la pauvreté à Genève est différent que de la vivre et la supporter dans son pays. Il s'est demandé si certaines personnes ne préféraient pas discuter de la "problématique colombienne" au lieu de se compromettre dans la recherche de sa solution. Il a indiqué que l'on doit réfléchir sur l'apport réel de la discussion en termes de bénéfice pour les travailleurs et les employeurs. La responsabilité principale de la recherche de solutions appartient de toute façon aux Colombiens.
Il a appelé les dirigeants syndicaux de son pays à changer de discours et a reconnu que cela requiert du courage et un sacrifice politique; cela implique de penser au pays et aux personnes qui ont perdu la vie en espérant pouvoir éviter, par le biais d'un travail commun, des morts supplémentaires. Il a réitéré sa conviction que la vraie solution pour la Colombie réside dans les programmes de coopération et non dans une commission d'enquête ou d'investigation et de conciliation. Il a exprimé l'espoir que les discours, les analyses et les recommandations se transforment en actions et en aide effective pour la Colombie. Le pays nécessite plus que jamais des syndicats forts et démocratiques qui cessent d'être revendicatifs pour être plutôt participatifs. Il a demandé aux ONG, aux gouvernements et aux organismes multilatéraux qu'ils fournissent l'appui nécessaire aux syndicats afin que les employeurs et les gouvernements comprennent que, dans ce nouveau monde globalisé, le changement est une nécessité. Finalement, il a exprimé sa préoccupation face à la gestion de l'information par le Bureau.
Les membres travailleurs ont souligné que la Colombie figure une fois de plus dans la liste des cas examinés devant cette commission en raison de la situation dans le pays au regard de la liberté syndicale et de la protection du droit syndical. Ils ont rappelé que la commission d'experts signale encore et toujours de profondes divergences entre la convention no 87 et la législation du travail: les fédérations et confédérations n'ont toujours pas le droit d'appeler à la grève; la grève reste interdite dans des services qui ne sont pas essentiels au sens stricte du terme; le ministère du Travail s'arroge toujours le droit d'imposer le recours à l'arbitrage lorsqu'il estime qu'un conflit dure depuis trop longtemps.
Sur un plan plus pratique, les membres travailleurs ont rappelé qu'ils dénoncent continuellement les nombreuses atteintes aux libertés syndicales; la diminution du nombre des syndicats; la violence qui sévit plus particulièrement contre le milieu syndical; les divers obstacles suscités à l'exercice légitime du droit de grève et une certaine complicité des pouvoirs publics avec les formations paramilitaires contre les grévistes; l'impunité totale contre les auteurs d'assassinats; et, enfin, la non-application par le gouvernement des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale.
Les membres travailleurs ont pris note des diverses initiatives annoncées par le gouvernement sur le plan institutionnel, mais ils considèrent que c'est au ministère du Travail d'un pays qu'il appartient au premier chef de faire respecter les principes de la convention no 87. Or la fusion de ce ministère avec celui de la Santé, en Colombie, ne leur paraît pas propice à une telle politique. Les membres travailleurs ont déclaré qu'à leurs yeux la persistance du climat de violence et surtout l'impunité totale des crimes perpétrés contre des syndicalistes sont la véritable expression de la réalité dure et cruelle mais aussi de la véritable position du gouvernement en matière de protection des libertés syndicales. Devant une situation où ces libertés sont bafouées de manière si flagrante, les membres travailleurs ont émis le souhait que les conclusions du présent cas figurent dans un paragraphe spécial du rapport et aussi qu'elles recommandent au Conseil d'administration de décider la mise en place d'une commission d'enquête. Ce dernier moyen est le seul, aux yeux des membres travailleurs, qui soit susceptible de faire évoluer la situation, de parvenir à une harmonisation de la législation du travail par rapport à la convention et aussi à une véritable reconnaissance des principes de la liberté syndicale dans la pratique.
Les membres employeurs, rappelant que le cas de la Colombie reste inscrit à l'ordre du jour de la Commission de la Conférence depuis longtemps, ont noté que l'observation de la commission d'experts contient deux éléments principaux: des commentaires portant sur les dispositions légales et des commentaires sur la violence qui prévaut dans le pays. En ce qui concerne les dispositions légales, les membres employeurs ont noté que le nombre de dispositions nationales critiquées par la commission d'experts a diminué considérablement au cours du temps. Pour des raisons bien connues, ils ne partagent pas l'opinion de la commission d'experts sur les trois dispositions restantes relatives au droit de grève qui, à leur sens, n'est pas contenu dans la convention no 87. La plupart des pays appelés devant la commission sur cette convention ont des problèmes beaucoup plus sérieux avec leur législation du travail. La raison pour laquelle la Colombie a été invitée à discuter à la Commission de la Conférence est liée à la deuxième partie de l'observation de la commission d'experts qui traite du problème de la violence continue et généralisée qui est au c ur de la situation actuelle. Le phénomène de la violence et de la contre-violence va bien au-delà de la question de la liberté syndicale et de la législation du travail. Les enlèvements, menaces de mort et meurtres sont des crimes particulièrement sérieux qui déstabilisent la société. Les membres employeurs ont exprimé leur plus profond regret à l'égard de chacune des victimes. Toutefois, la situation actuelle n'est pas due à l'existence de quelques dispositions légales. La situation est beaucoup plus complexe; cause et effet ne doivent pas être confondus.
En 2002, la commission a reçu l'engagement crédible du ministre colombien du Travail de l'époque, lui-même un syndicaliste, de combattre la violence, et la déclaration du représentant gouvernemental cette année est tout aussi crédible. L'annonce de la diminution du nombre de meurtres est notée, mais chaque nouvelle victime est à déplorer. Il faut espérer que les mesures prises pour améliorer la sécurité porteront bientôt leurs fruits. Le programme de coopération technique du BIT pour la Colombie doit être poursuivi et intensifié. Il est important que la Commission de la Conférence garde à l'esprit l'environnement politique du pays et qu'elle renforce la position du gouvernement qui s'est engagé à combattre la violence. Agir autrement jouerait en faveur des responsables de la violence. Le gouvernement devrait être exhorté à renouveler ses efforts, en particulier en ce qui concerne l'impunité.
Un membre travailleur de la Colombie a déclaré avoir écouté avec attention les informations apportées par le représentant gouvernemental. Loin de vouloir mettre le gouvernement dans une position critique, les membres travailleurs souhaitent aboutir à des solutions répondant aux préoccupations signalées par la commission d'experts dans son observation. En Colombie, le ministère du Travail, suite à des restructurations, a été fusionné avec celui de la Santé, ce qui risque d'avoir de graves conséquences sur l'action politique de l'un et l'autre ministères. Les politiques d'ajustement structurel ont également pour effet de mettre sérieusement à mal le syndicalisme.
Le gouvernement s'entend avec les milieux financiers pour procéder à des privatisations dans les secteurs clés de l'économie, comme ceux du pétrole et des télécommunications. Des secteurs moins prospères pâtissent des effets des réformes du travail, du système de pensions et du système fiscal. Les licenciements se multiplient et le taux de chômage augmente. Dans de telles circonstances, le ministère ne devrait pas faciliter les autorisations de licenciements.
L'intervenant a également jugé préoccupants les propos tenus le 4 juin 2003 par le Président de la République, suggérant que les divergences entre la législation du travail et les conventions internationales du travail pourraient être résolues à travers la dénonciation de ces derniers instruments. Les employeurs colombiens devraient adopter une nouvelle culture du travail, qui soit respectueuse des activités syndicales. Pour conclure, l'orateur estime que le gouvernement devrait considérer comme positif la proposition tendant à constituer une commission d'enquête, puisque ce moyen pourrait contribuer à résoudre les problèmes existants.
Un autre membre travailleur de la Colombie a dénoncé la persistance des violations des droits fondamentaux des travailleurs. Il a signalé que les menaces, déplacements forcés et intimidations de dirigeants syndicaux avaient toujours cours. De telles pratiques sont un obstacle à l'exercice des libertés syndicales. S'il est vrai que le nombre d'assassinats de syndicalistes a baissé, il n'en reste pas moins que 121 syndicalistes sont morts depuis la précédente session, en juin 2002, et que l'impunité généralisée met en cause les fondements de l'Etat. Il est préoccupant que le Président de la République ait déclaré, le 4 juin 2003, que les divergences entre la législation et les conventions pourraient être résolues par le biais d'une dénonciation des conventions, considérant qu'aucun pays ne peut méconnaître les droits fondamentaux des travailleurs et encore moins user du prétexte d'un hypothétique mandat populaire. Il serait souhaitable que le gouvernement fasse preuve de plus de volonté politique en mettant un terme à sa culture antisyndicale, et qu'il prenne des engagements clairs par rapport aux droits fondamentaux des travailleurs. Pour conclure, l'orateur s'est prononcé en faveur de la constitution d'une commission d'enquête et de l'inclusion des conclusions du présent cas dans un paragraphe spécial.
Un autre membre travailleur de la Colombie s'est associé aux déclarations des membres travailleurs précédents en soulignant que cela prouvait qu'il existe une pensée unitaire dans le syndicalisme colombien. L'orateur demande que la Commission de la Conférence: 1) prie le gouvernement d'appliquer immédiatement les conventions internationales du travail ratifiées, en conformité avec les recommandations de la commission d'experts et en particulier les conventions nos 87, 98, 151 et 154; 2) exige que le gouvernement mette un terme à la prérogative du pouvoir exécutif de juger de la légalité des grèves et que cette prérogative relève du pouvoir judiciaire; 3) demande au gouvernement de la Colombie qu'il n'approuve ni ne modifie la législation et en particulier les réformes constitutionnelles qui entrent en contradiction avec ces obligations internationales, tant dans le domaine du droit du travail que de celui des droits de l'homme; 4) demande au gouvernement d'appliquer les recommandations des organes de contrôle de l'OIT et en particulier celles du paragraphe 506 du rapport du Comité de la liberté syndicale présenté au Conseil d'administration en mars 2003; 5) exhorte le gouvernement de la Colombie de renforcer le programme de protection des syndicalistes et, pour ce faire, à mettre en uvre les recommandations dudit rapport; et 6) prie le gouvernement de renforcer la Commission interinstitutionnelle de promotion et de protection des droits de l'homme des travailleurs en la dotant des ressources nécessaires pour qu'elle mette en uvre le plan approuvé pour 2003.
L'orateur fait état de la nécessité de donner suite à la plainte déposée contre le gouvernement de la Colombie et de créer une commission d'enquête comme mécanisme idoine pour que la communauté internationale apporte sa contribution à la résolution des graves problèmes mentionnés dans cette plainte. Il exprime le souhait que cette question fasse l'objet d'une décision lors du prochain Conseil d'administration. Il se prononce pour l'adoption par la commission d'un paragraphe spécial relatif à l'application de la convention no 87.
Enfin, l'orateur fait observer que, le 4 juin 2003, lors d'une audience devant la Cour constitutionnelle de Colombie, qui avait pour objet de définir la constitutionnalité de la loi qui soumet au référendum une modification de la Constitution, le Président de la République a déclaré que les conventions ne sont pas perpétuelles et que, si par référendum le peuple approuvait une législation en contradiction avec les conventions de l'OIT, alors il estimerait que le peuple lui confie un mandat pour dénoncer ces conventions. L'orateur est d'avis qu'il en résulterait qu'en cas de contradiction entre une norme de droit interne avec le droit fondamental à la négociation collective, la convention internationale serait alors dénoncée. C'est pourquoi il se demande quel est le véritable engagement du gouvernement à respecter les principes et droits fondamentaux défendus par l'OIT.
La membre travailleuse de la Norvège, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a souligné que la Colombie demeure le pays le plus dangereux du monde pour les travailleurs qui veulent se syndiquer. Plus de 90 pour cent des syndicalistes tués chaque année le sont en Colombie, dont 184 pour la seule année 2002. Au cours de la première moitié de l'année 2003, le gouvernement, la police et les militaires ont été responsables d'un nombre croissant de violations des droits de l'homme contre des syndicalistes, incluant des violences contre des femmes syndicalistes en augmentation de 50 pour cent. Au cours des derniers mois, les paramilitaires ont pris pour cible les familles des syndicalistes, et Carlos Castaño, le leader d'une organisation paramilitaire, a annoncé publiquement que les enfants des dirigeants du syndicat pétrolier USO seraient tués. L'orateur en a voulu pour preuve le cas de deux tentatives d'enlèvement de la fille du chef du bureau des droits de l'homme de l'organisation nationale CUT.
L'intervenante a déclaré que le programme du gouvernement pour la protection des syndicalistes n'est pas fonctionnel, en raison d'un financement insuffisant, de la durée excessive du traitement des demandes de protection et du manque d'inspecteurs du travail - seulement 271 pour couvrir plus de 300 000 entreprises dans 1 097 municipalités. Le licenciement et la mise sur des listes noires de dirigeants syndicaux est monnaie courante. De plus, la loi colombienne viole la convention no 87 et favorise les travailleurs non syndiqués par rapport aux travailleurs syndiqués en permettant aux travailleurs non syndiqués et aux employeurs de signer des "accords collectifs". Les droits des travailleurs sont aussi menacés par la proposition de référendum sur la loi du travail, qui éliminerait les allocations dominicales et de congé, supprimerait les indemnités de licenciement, gèlerait les salaires dans le secteur public et rendrait la main-d' uvre plus flexible. L'intervenante a exhorté la commission à demander que la Colombie soit incluse dans un paragraphe spécial et que le Conseil d'administration établisse une commission d'enquête pour se rendre dans le pays.
Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que ce cas constitue un grand défi pour la commission, car les violations de la convention par la Colombie défient l'autorité du BIT. Si la commission et le Conseil d'administration n'agissent pas avec efficacité et détermination, l'intégrité institutionnelle du BIT risque d'être compromise. Plus de syndicalistes sont assassinés en Colombie que dans tous les autres pays réunis (184 au cours de l'année 2002 et plus de 1 900 depuis 1991). Il a déploré l'argument du représentant gouvernemental selon lequel la situation s'améliore parce que l'on a pu constater une diminution relative des homicides au cours du premier quart de l'année 2003. L'augmentation relative du nombre d'agressions, de menaces de mort, d'enlèvements et de détentions illégales ainsi que les 32 assassinats de cette année ne peuvent pas être considérés comme un progrès. L'orateur a aussi rejeté l'argument selon lequel le gouvernement pourrait fuir ses responsabilités au titre de la convention au prétexte que les violations des droits de l'homme dont souffrent les syndicalistes sont la conséquence d'un climat général de violence qui affecte toutes les franges de la société. Cet argument doit être récusé pour plusieurs raisons. Premièrement, un grand nombre de crimes sont commis contre des syndicalistes et ces crimes se concentrent par secteurs. Il existe aussi un lien direct entre ces crimes et la négociation collective. Deuxièmement, le gouvernement est responsable des assassinats car les groupes paramilitaires opèrent avec le soutien non-dissimulé des forces armées. Troisièmement, dans les problèmes d'insécurité visant les syndicalistes et d'impunité des crimes, le gouvernement est directement responsable par omission ou par action. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme a fait part publiquement de sa préoccupation concernant les retards dans le financement du Programme gouvernemental pour la protection des défenseurs des droits de l'homme et des syndicalistes, qui a un impact direct sur l'application efficace des mesures de sécurité. L'orateur a aussi rappelé que selon la commission d'experts les auteurs d'assassinats n'ont toujours pas été condamnés. Il est de notoriété publique que le Procureur de la République de Colombie a étouffé les poursuites dans des affaires très graves touchant aux droits de l'homme.
Les conclusions adoptées par la Commission de la Conférence en 2002 prévoient qu'au cas où le gouvernement ne tirerait pas pleinement partie du programme de coopération technique du BIT, la commission serait obligée d'envisager des options plus fermes. Selon les trois centrales syndicales colombiennes, le programme spécial de coopération technique de l'OIT n'a jamais été appliqué pleinement et ni le gouvernement ni les entrepreneurs colombiens n'ont témoigné d'un réel engagement envers ce programme. L'orateur s'est joint aux membres travailleurs pour demander un paragraphe spécial dans ce cas.
Le membre travailleur de l'Indonésie a exprimé une grande préoccupation devant l'extrême violence qui sévit contre les syndicalistes en Colombie, ainsi que devant l'ingérence du gouvernement dans les affaires des syndicats. Il a exprimé son soutien aux propositions faites par les autres membres travailleurs pour promouvoir la paix, la justice sociale et le respect de la convention no 87 en Colombie.
Le membre travailleur du Mexique a rappelé qu'à la 86e session de la Conférence (juin 1998) les travailleurs avaient saisi le BIT d'une plainte sur le fondement de l'article 26 de la Constitution de l'OIT pour violation des conventions nos 87 et 98 par la Colombie. La responsabilité de l'Etat dans ladite violation était invoquée en raison de l'action des agents de l'Etat et du défaut de garantie et de protection des droits fondamentaux. Le gouvernement attente à la liberté syndicale en désignant publiquement dans les médias le mouvement syndical comme responsable des crises économiques affectant les secteurs publics et privés. En outre, il impose un arbitrage obligatoire lors de conflits collectifs concernant des agents de services publics non essentiels. Enfin, l'autorité administrative s'arroge un droit discrétionnaire quant à la qualification de la légalité des grèves, ayant récemment déclaré illégale une grève dans le secteur de la production de bananes.
L'orateur a évoqué les actions antisyndicales dont le Syndicat des travailleurs du téléphone de Bogotá a fait l'objet lorsqu'il a voulu s'opposer à la privatisation: licenciements massifs, menaces contre les dirigeants et violations de toutes sortes des conventions nos 87, 98, 135 et 154. Ainsi, au mépris de la convention collective et de la convention no 154, le gouvernement a imposé un arbitrage obligatoire. Aujourd'hui, il veut restructurer une entreprise du secteur pétrolier afin de supprimer le droit syndical, en parfaite contradiction avec les conventions nos 87 et 98. Il interdit l'accès de la direction aux raffineries en postant l'armée dans les installations, ce qui a provoqué un mouvement de protestation patronale. Le Syndicat des travailleurs de Bavaria (SINALTRABVARIA) signale la résiliation des contrats d'emploi de plus de quarante dirigeants syndicaux, qui sont autant de licenciements sans juste cause. Le pacte collectif qui a été imposé par intimidation a été une offensive réussie contre l'organisation syndicale, laquelle est passée en trois ans de 3 500 à 300 adhérents. L'intervenant a appuyé la proposition tendant à ce que les conclusions du présent cas figurent dans un paragraphe spécial et il a appelé vivement le gouvernement à faire ce qui est en son pouvoir pour mettre un terme aux atteintes à la vie ou à l'intégrité physique des dirigeants syndicaux et des travailleurs.
Le membre travailleur de la Côte d'Ivoire s'est déclaré profondément préoccupé de voir que l'approbation d'une commission d'investigation et de conciliation piétine. Entre temps, la législation du travail reste en contradiction sur bien des points avec la convention no 87, le nombre de syndicats diminue, les dirigeants syndicaux font l'objet de licenciements programmés, les militants sont menacés d'assassinats. L'OIT peut agir, favoriser la création d'emplois décents et concourir à sauver des vies humaines en Colombie. Face à la violence, face aussi à la flexibilisation de la législation sociale et aux atteintes aux libertés syndicales, le moins que l'on puisse faire est d'appuyer la proposition d'une commission d'enquête en Colombie.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que le TUC suit avec grande attention la situation préoccupante en Colombie et a développé des relations étroites avec les confédérations nationales. Le TUC lancera bientôt un programme destiné à fournir un répit provisoire aux syndicalistes colombiens en danger d'être assassinés. Les travailleurs colombiens veulent une Colombie sociale, démocratique et pacifique, mais tous ceux qui plaident en faveur d'une telle alternative sont en danger. Il est exact que les syndicalistes ne sont pas les seules victimes, mais de même que les journalistes sont assassinés parce qu'ils écrivent la vérité et les procureurs parce qu'ils enquêtent sur les assassinats politiques, les dirigeants syndicaux et les syndicalistes sont assassinés précisément parce qu'ils prennent fait et cause en faveur des travailleurs colombiens. Toutes les victimes ont en commun qu'elles représentent un modèle pacifique et social alternatif pour le pays, une société basée sur le dialogue et le progrès à travers une participation démocratique.
L'orateur a déploré que le BIT ait été empêché de prendre les mesures nécessaires pour aider la Colombie à régler le problème de l'impunité. Le fait que le nombre de syndicalistes assassinés soit en baisse est un faible réconfort pour les familles des 32 collègues assassinés cette année. C'est principalement parce que les employeurs colombiens ont bloqué un consensus au sein du groupe des employeurs que le Conseil d'administration n'a pas pu trouver un accord en faveur d'une commission d'enquête pour accomplir la tâche dans laquelle l'Etat colombien a échoué. Il n'a pas non plus été possible de trouver un accord sur un paragraphe spécial l'année dernière, ni sur une commission d'enquête et de conciliation, alors que 184 collègues ont été assassinés. Selon l'orateur, ceci s'explique par le fait qu'un trop grand nombre d'entreprises sont impliquées dans la violence et la répression et que les gouvernements également coupables de violations graves des conventions fondamentales de l'OIT craignent d'être les suivants. De plus, certains gouvernements croient à l'idée selon laquelle la Colombie demeure une démocratie qui fonctionne normalement, un point de vue que l'orateur ne partage pas. Pour que la Colombie soit une démocratie qui fonctionne, elle a besoin de la paix et, pour trouver la paix, elle doit rompre le cycle de l'impunité. Comme l'Etat s'est montré incapable d'y parvenir seul, cette tâche nécessite toujours le soutien d'une commission d'enquête. Déclarant que ceux qui préfèrent la répression et la violence au dialogue et au compromis bénéficient de l'inaction de l'OIT, l'orateur a noté que 15 familles se partagent les richesses de la Colombie. Toutefois, l'OIT doit mettre les intérêts de ceux qui travaillent, ceux qui pensent librement, ceux qui aiment la démocratie et la paix, les pauvres et les sans emploi, les exclus de la société et les déplacés avant ceux des élites responsables du désastre depuis des décennies.
La membre gouvernementale des Etats-Unis a déclaré que son gouvernement est extrêmement préoccupé par la violence qui sévit contre les syndicalistes en Colombie et qu'il soutient les efforts en vue de trouver des solutions, notamment le programme spécial de coopération technique du BIT. Il est d'une importance urgente de protéger la vie des syndicalistes, de promouvoir le dialogue social, de combattre l'impunité, et de mettre la législation du travail colombienne et son application en pleine conformité avec la convention. Son gouvernement croit que le gouvernement colombien est engagé dans la restauration de la légalité et qu'il est déterminé à s'assurer que tous les membres de la société puissent exercer leurs droits dans des conditions qui garantissent leur sécurité personnelle. Il existe des signes que les efforts pour mettre en uvre cet engagement commencent à porter leurs fruits, mais beaucoup plus doit être fait. Le gouvernement colombien a été exhorté à continuer de coopérer avec le BIT et d'appliquer sans délai les recommandations de la commission d'experts.
La membre gouvernementale du Mexique a estimé que les informations apportées par le ministre de la Colombie traduisent non seulement le souci de répondre ponctuellement aux recommandations de la commission d'experts mais aussi une attitude constructive, au terme de laquelle tous les quatre mois et une fois par an des informations sont données sur les mesures prises et les efforts déployés pour garantir l'exercice des droits syndicaux conformément à la convention no 87. Si les résultats constatés peuvent ne pas entièrement répondre aux v ux de la commission, force est de reconnaître le caractère positif des éléments apportés par le représentant gouvernemental de la Colombie. L'intervenante a fait valoir également que l'on ne saurait méconnaître la situation du pays, qui rend difficile d'appliquer des mesures permettant le plein exercice des libertés syndicales. Tout en partageant les préoccupations des membres travailleurs sur les victimes de la violence, elle a jugé pertinente l'observation du représentant gouvernemental faisant valoir que la violence ne frappe pas seulement le monde syndical mais toutes les composantes de la société colombienne. L'intervenante considère que le programme spécial de coopération avec la Colombie est l'instrument idoine pour que l'OIT, dans le cadre de ses compétences et en collaboration étroite avec le gouvernement et les organisations de travailleurs et d'employeurs, parvienne à dégager une solution aux problèmes touchant le monde du travail en Colombie. Pour conclure, l'intervenante a déclaré que sa délégation juge inopportune une commission d'enquête, alors que le programme spécial est en cours d'application et commence à produire des résultats, grâce à l'octroi de moyens financiers de la part de l'OIT et d'autres donateurs et aussi grâce à la volonté manifestée par le gouvernement sur ce plan.
La membre gouvernementale du Danemark, s'exprimant également au nom des membres gouvernementaux de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a regretté que le gouvernement n'ait pas adopté le projet de loi préparé par la mission de contacts directs en février 2000. Ceci soulève des interrogations sur la volonté et la capacité des autorités colombiennes à accomplir des progrès significatifs pour préserver le droit à la vie, à l'intégrité physique et la liberté syndicale des dirigeants syndicaux. Les pays nordiques continuent de contrôler étroitement l'application du Programme spécial de coopération pour la Colombie du BIT et reconnaissent le rôle important que le BIT peut jouer. Elle a regretté que le Conseil d'administration doive connaître de nouvelles allégations graves de violence, telles que rapportées dans le cas no 1787 du Comité de la liberté syndicale, tout en constatant dans le même temps un certain progrès au cours de l'année dernière. Toujours est-il que 14 syndicalistes assassinés sont 14 de trop. Elle a fermement condamné les meurtres et enlèvements continus de responsables et de membres de syndicats et a exhorté le gouvernement à prendre toute mesure à sa disposition pour renverser la situation d'impunité dont bénéficient les responsables de ces violations, conformément aux recommandations du rapport de juin 2002 du Comité de la liberté syndicale. Elle a fait sienne la suggestion de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial.
Le membre gouvernemental de la République dominicaine s'est déclaré profondément consterné par les assassinats de syndicalistes et autres personnes en Colombie. Il a rappelé que ce cas a été examiné par la commission à de nombreuses reprises mais que le gouvernement fait preuve de sa bonne volonté en vue de mettre un terme aux violations de la convention no 87, à travers les informations qu'il a données sur les efforts déployés pour trouver une solution. L'intervenant a rappelé qu'il serait souhaitable que l'OIT continue de soutenir le programme spécial de coopération pour la Colombie, qui apparaît comme un moyen déterminant pour résoudre la problématique colombienne.
Le membre gouvernemental de l'Allemagne a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et est d'avis que le climat de violence à l'encontre des dirigeants syndicaux est des plus préoccupants. Il a déclaré comprendre pourquoi les membres travailleurs ont pu interpréter les informations portant sur la diminution des assassinats comme empreintes de cynisme. Toutefois, il a noté que le représentant gouvernemental a exprimé des regrets sincères pour chaque victime. A propos de la question de l'impunité, il a souligné qu'aucun texte législatif ne permet aux coupables de crimes perpétrés contre les syndicalistes d'échapper à la rigueur de la loi. L'impunité est plutôt la conséquence de certaines pratiques, au nombre desquelles l'intimidation des juges. Rappelant que plusieurs orateurs ont demandé la création d'une commission d'enquête, il a estimé que cette question n'est pas du ressort de la Commission de la Conférence. En résumé, il est d'avis que la commission devrait tenir compte de l'attitude nettement différente du représentant gouvernemental par rapport à la représentante gouvernementale dans le cas du Bélarus traité auparavant, et par conséquent ne pas prendre une décision identique.
Le membre gouvernemental du Chili a remercié le représentant gouvernemental de la Colombie pour les informations fournies. Il a déploré et partagé l'inquiétude exprimée par le Groupe des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) quant à la situation en Colombie. L'orateur a constaté que le programme spécial de coopération avec la Colombie est la meilleure forme d'assistance pour permettre l'application de la convention no 87 dans ce pays.
Le membre gouvernemental de l'Uruguay a souligné l'importance que l'on devait accorder aux informations fournies à la Commission de la Conférence par le ministre. Il déclare que si la situation reste complexe, il convient de souligner les progrès accomplis. Il est d'avis que la coopération de l'OIT joue un rôle fondamental dans la recherche de solutions concrètes à la situation difficile que connaît la Colombie.
La membre gouvernementale du Pérou (vice-ministre de la Promotion de l'emploi) a témoigné de sa solidarité avec la société et le gouvernement colombien face à la situation de violence interne et les pertes de vies de Colombiens et de Colombiennes de toutes origines sociales. L'oratrice a souligné la priorité donnée par le gouvernement de la Colombie à la protection des dirigeants syndicaux en allouant des ressources conséquentes dans cette optique. Elle a déclaré qu'il convient de renforcer le programme spécial de coopération de l'OIT avec la Colombie pour donner un nouvel élan à la mobilisation de toute la société en faveur de la paix.
Le membre gouvernemental de l'Italie a déclaré que la situation en Colombie est particulièrement préoccupante. Il a cependant estimé qu'il ne serait pas opportun de mettre en place une commission d'enquête. Un renforcement du programme de coopération technique avec l'OIT serait préférable. Le représentant a également souhaité obtenir des clarifications quant à ce que la législation colombienne prévoit en matière de droit de grève dans le secteur public.
La membre gouvernementale du Canada a déploré la persistance de la situation en Colombie, tout en reconnaissant que le gouvernement a enregistré, au cours de l'année écoulée, un certain progrès par rapport à la violence. Elle a appelé instamment le gouvernement à ne pas recourir à des mesures d'exception en tant que moyen de menace et de harcèlement des syndicalistes et à éviter d'accuser ces derniers de subversion, ce qui délégitime les activités syndicales et expose les syndicats aux attaques. Le gouvernement devrait également établir et consolider les institutions compétentes pour qu'il soit mis un terme à l'impunité des crimes. L'absence de poursuites impartiales et efficaces contribue à entretenir la violence. Le gouvernement devrait rendre la législation conforme aux normes internationales du travail en matière de droit syndical et veiller à son application. Le programme spécial de coopération technique de l'OIT est une initiative particulièrement positive, car le dialogue social et des mesures législatives appropriées vont dans le sens de la paix sociale. Le gouvernement de la Colombie est incité à coopérer pleinement avec l'OIT.
Le représentant gouvernemental a déclaré avoir pris note avec intérêt des déclarations formulées pendant la discussion qui toutes présentent des éléments intéressants et enrichissants. La compréhension que l'on peut en avoir implique que l'on tienne compte des circonstances particulières dans lesquelles ces informations ont été recueillies. A cet égard, l'orateur a constaté que certaines déclarations faisaient allusion à la saisine d'office de tribunaux d'arbitrage obligatoire. L'orateur a reconnu que l'on assiste à une augmentation de ce type de saisine mais que l'objectif poursuivi est précisément de limiter l'intervention directe de l'administration dans la solution des conflits. Ces tribunaux ont été saisis principalement à la demande des travailleurs: 47 des 50 recours devant les tribunaux d'arbitrage obligatoire l'ont été à la demande des travailleurs et le ministre n'a fait qu'entériner ces demandes. L'orateur a suggéré que les partenaires sociaux se consultent pour envisager avec l'OIT un moyen de trouver des solutions constructives à ces problèmes.
Le représentant gouvernemental a partagé pleinement l'inquiétude que suscite le climat de violence en Colombie. Son gouvernement souhaite tout particulièrement diminuer le nombre de manifestations de violence contre les syndicalistes. Il a tenu à souligner que l'enveloppe budgétaire destinée à la sécurité des dirigeants syndicaux est 15 fois plus élevée que celle consacrée à la sécurité des juges. Au vu des efforts déployés l'année dernière pour résoudre le problème de la sécurité, il ne fait aucun doute que la tendance positive perdurera.
L'orateur a rappelé aussi à la commission que les assassinats et les violences sont également dirigés contre les responsables politiques en Colombie - le père du Président de la République a été assassiné, le Vice-président a été séquestré et également les membres de la famille de la ministre de l'Education et de la ministre de la Culture. La liste des fonctionnaires y compris les magistrats qui ont fait l'objet d'actes de violence est considérable.
En ce qui concerne les observations de la commission d'experts en rapport avec les réformes législatives en instance, le représentant gouvernemental a souligné que l'on était passé progressivement de 20 points de divergence à 13, et que trois questions légales sont toujours en suspens.
Le représentant gouvernemental déclare que le gouvernement soutient pleinement l'OIT et que ses attentes sont importantes en termes de renforcement des programmes de coopération. Le gouvernement se félicite que les membres travailleurs et employeurs indépendamment de leur différence partagent la même confiance dans le potentiel de la Colombie et les engage à unir leurs efforts pour que les prochaines générations vivent dans un pays plus prospère.
Les membres travailleurs ont estimé que leur analyse avait été assez claire et que leur argumentation avait été suffisamment développée pour être entendue. Ils ont fait valoir que, pour qu'un dialogue social s'instaure et se poursuive, il faut des interlocuteurs de qualité et il faut en plus que ces interlocuteurs restent en vie. Les membres travailleurs rappellent qu'ils ont dénoncé de manière répétée le défaut d'adaptation de la législation du travail par rapport à la convention no 87, aggravé, qui plus est, par l'adoption d'une nouvelle législation particulièrement rétrograde. Dans la pratique, on constate en Colombie un recul du syndicalisme, la persistance des atteintes aux libertés syndicales et des obstacles à la négociation collective, la persistance d'une violence qui frappe plus particulièrement le milieu syndical et d'une impunité flagrante des crimes commis contre les travailleurs. Tout en restant conscient que la décision finale n'appartient pas à la Commission de la Conférence, les membres travailleurs demandent instamment que la proposition d'envoi d'une commission d'enquête dans le pays soit discutée au Conseil d'administration et que tout soit mis en uvre pour que cette proposition soit acceptée. Ce moyen, plutôt que la coopération technique, est le seul à leurs yeux qui soit susceptible d'aboutir à une amélioration de la situation. Enfin, ils ont demandé que les conclusions concernant ce cas figurent dans un paragraphe spécial du rapport.
Les membres employeurs ont déclaré que des améliorations dans différents domaines sont nécessaires dans le cas présent, principalement en ce qui concerne la violence prédominante, qui est au c ur du problème. En particulier, il faut s'attaquer à l'impunité, qui est un problème de pratique et non de législation, qui a plusieurs causes. Les membres employeurs ne soutiennent ni la proposition d'inclure un paragraphe spécial dans le rapport de la Commission de la Conférence ni l'établissement d'une commission d'enquête par le Conseil d'administration, ceci pour ne pas gêner la position du gouvernement dans sa résolution des problèmes de violence.
Les membres travailleurs ont tenu à faire valoir deux points. Tout d'abord, ils n'ont pas estimé opportun que l'on mentionne dans les conclusions que des avis divers ont été exprimés à propos des mesures à recommander au Conseil d'administration, et ils considèrent que la commission d'enquête reste le seul moyen de parvenir à mettre un terme au climat de violence dans le pays. Ensuite, la réticence des membres employeurs à condamner assez fermement une situation si destructrice, tant pour les milieux syndicaux que pour les milieux employeurs, leur paraît incompréhensible, surtout en rapportant la gravité de ce cas avec celle d'autres cas ayant donné lieu à un paragraphe spécial. Ils ont exprimé dans des termes les plus vifs que l'OIT ne peut pas avoir deux poids et deux mesures.
Les membres employeurs ont de nouveau souligné qu'ils ne soutiennent ni la proposition d'un paragraphe spécial, ni l'établissement d'une commission d'enquête par le Conseil d'administration parce qu'ils croient que la coopération technique constitue le meilleur instrument pour atteindre les objectifs. Ils ont répété que la position du gouvernement doit être consolidée, ce qui ne devrait surprendre personne puisqu'ils ont déjà exprimé ce point de vue l'année dernière. La situation ne peut pas simplement être améliorée en modifiant la législation, puisqu'il s'agit d'un problème beaucoup plus vaste et il convient de soutenir la coopération technique du BIT.
Suite à l'adoption des conclusions sur l'application de la convention no 87 en Colombie, les membres travailleurs ont souhaité faire une déclaration. Ils ont demandé que celle-ci soit transmise au Directeur général et reprise dans le compte rendu comme l'explication de leur adhésion, dans un esprit de coopération au sein de cette enceinte tripartite, aux conclusions de la discussion de ce cas.
Les membres travailleurs demeurent convaincus qu'il aurait été opportun, en dépit des déclarations du représentant gouvernemental, que le Conseil d'administration puisse demander au Bureau la mise en place d'une commission d'enquête en Colombie. Il ne s'agit en rien d'un acte hostile envers le gouvernement mais bien de la traduction d'une profonde préoccupation face à l'impunité, la violence et les assassinats dont sont victimes les militants et les dirigeants syndicaux. Il est regrettable que la politisation de l'affaire conduise à accepter que la perte continue de vies humaines, de vies de syndicalistes ne devienne chaque année qu'un point ordinaire à l'ordre du jour. Qu'il soit clair qu'il n'en sera jamais ainsi pour les membres travailleurs.
Les membres travailleurs ont vivement regretté que les conclusions adoptées ne soient pas reprises dans un paragraphe spécial. Avec ces conclusions, il semble y avoir deux poids deux mesures, ce qui sape l'autorité morale de cette commission et du système de contrôle. Qu'il s'agisse pour certains d'un objectif à peine dévoilé ne fait qu'aggraver, dans ce cas, l'incapacité de discernement de cette commission. Le défaut continu d'application réside dans l'absence d'adoption de mesures adéquates pour garantir le respect des libertés élémentaires, telles que le droit à la vie, qui sont une condition sine qua non de la liberté syndicale. Il s'agit d'un défaut continu qui coûte la vie à des centaines de personnes par an et affecte des milliers d'autres personnes dans leur vie professionnelle.
Les membres travailleurs ont salué l'engagement de tous ceux, syndicalistes mais aussi employeurs soucieux d'une production de biens et de services respectueuse des droits sociaux, fonctionnaires, politiciens, qui continuent à lutter contre le fléau de la violence, contre l'impunité et pour la liberté syndicale, la négociation collective et le droit de grève. Un paragraphe spécial aurait été, à juste titre, un encouragement, un acte de solidarité envers ceux et celles qui sur le terrain luttent au quotidien pour un autre monde. Un autre monde reste possible, sans doute aurait-il fallu le dire tout haut.
Les membres employeurs ont noté la déclaration faite par les membres travailleurs. Ils s'en sont tenus à leurs observations précédentes et ont considéré que certaines propositions concrètes faites la veille n'aideraient pas le gouvernement dans ses efforts pour améliorer la situation. Les mesures proposées par les employeurs étaient certainement plus appropriées étant donné la situation.
La commission a pris note des informations apportées par le représentant gouvernemental et du débat qui a fait suite. Elle a souligné que ses commentaires concernaient, d'une part, les innombrables assassinats et autres actes de violence visant des syndicalistes et l'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes et, d'autre part, un certain nombre d'obstacles posés par la législation au droit des organisations de travailleurs de poursuivre librement leurs activités. La commission a pris note du fait que le Comité de la liberté syndicale a été saisi de plusieurs cas portant sur de tels assassinats et autres actes de violence à l'encontre de syndicalistes. Elle a pris note avec une profonde préoccupation du climat de violence particulièrement dramatique qui règne dans le pays.
La commission a condamné une fois de plus avec la plus grande fermeté les assassinats et enlèvements de syndicalistes et les enlèvements de travailleurs et d'employeurs, rappelant que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent exercer librement et de manière significative leurs activités que dans un climat exempt de violence. A cet égard, la commission a demandé une fois de plus au gouvernement de consolider les institutions nécessaires pour qu'il soit mis un terme à cette situation d'impunité qui constitue un grave obstacle au libre exercice de la liberté syndicale garanti par la convention.
La commission a prié instamment le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour mettre un terme à cette situation d'insécurité afin que, à travers le rétablissement du respect des droits fondamentaux et, en particulier, le droit à la vie et à la sécurité, les organisations de travailleurs et d'employeurs puissent exercer pleinement les droits que leur reconnaît la convention.
Notant qu'en juin 1998 une plainte a été soumise sur le fondement de l'article 26 de la Constitution de l'OIT qui visait en particulier la situation de violence frappant les syndicalistes, la commission a exprimé l'espoir que le Conseil d'administration prendra les mesures adéquates - à propos desquelles des avis divers se sont exprimés - qui contribueront au rétablissement d'une situation propice à l'exercice plein et entier des droits syndicaux, dans un climat exempt de violence.
La commission a lancé un appel instant au gouvernement afin que celui-ci prenne immédiatement les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de la convention, tant dans la législation que dans la pratique. Elle a demandé que celui-ci soumette un rapport détaillé (répondant de manière exhaustive aux commentaires formulés par les organisations syndicales) à la commission d'experts afin que celle-ci puisse réexaminer la situation à sa prochaine session et elle a exprimé l'espoir que des progrès tangibles pourront être constatés dans un très proche avenir.
Un représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a indiqué en ce qui concerne l'adaptation de la législation du travail aux conventions de l'OIT que la loi no 584 de 2000 a réformé le système du travail sur divers points:
- elle a réaffirmé la liberté d'association et le droit à la liberté syndicale en donnant la pleine autonomie aux syndicats dans la rédaction de leurs statuts;
- elle a retiré au ministère du Travail la possibilité d'intervenir et d'enquêter sur les organisations syndicales;
- elle a permis aux organisations syndicales de mener une grève pour le non-paiement des salaires par les employeurs;
- elle a étendu la garantie de la liberté syndicale aux travailleurs du service public;
- elle a reconnu le droit de bénéficier du temps libre nécessaire pour les activités syndicales;
- elle a permis aux syndicats minoritaires de résoudre les conflits de travail par le biais d'un tribunal arbitral.
La Cour constitutionnelle a, pour sa part et par des sentences exécutoires, abrogé diverses dispositions du Code du travail révisé qui n'étaient pas conformes à la Constitution politique ni aux conventions de l'OIT. Certaines dispositions, qui autorisaient le ministère du Travail à intervenir dans le fonctionnement interne des syndicats comme l'approbation des statuts ou la participation à des assemblées syndicales, ont été déclarées illégales pour renforcer le principe de l'autonomie syndicale. Les travailleurs ont par ailleurs la possibilité de s'affilier à plusieurs syndicats. Les dispositions qui distinguaient les activités des syndicats d'entreprise avec ceux dans les secteurs agricole et de l'industrie ont été abrogées en application du principe d'égalité. Lorsque plusieurs syndicats minoritaires coexistent dans une entreprise, tous ont la possibilité d'avoir une représentation lors de la négociation collective. La grève solidaire est autorisée et celle menée à l'encontre d'un employeur ne se limite pas au motif de non-paiement des salaires mais à n'importe quelle autre obligation contractuelle. Une décision de 1998 de la Chambre de cassation sociale de la Cour suprême de justice, qui a donné une interprétation de la norme, a reconnu l'immunité circonstancielle aux travailleurs dans un conflit collectif de travail.
L'orateur a indiqué que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a organisé plusieurs séminaires avec les directeurs territoriaux et les inspecteurs du travail en vue de les former aux compétences et fonctions prévues dans les conventions. De plus, des directives sur le respect des principes du droit à la liberté syndicale ont été adoptées, à l'exemple de l'acte administratif qui prescrit que l'inscription des organisations syndicales au registre syndical ne peut faire l'objet d'un recours et qu'en cas de difficulté il revient à la juridiction ordinaire de décider. Il en est de même des résolutions sur les fonctions de responsabilité syndicale tournantes. De même, des directives imposant la négociation collective aux employeurs publics ont été adoptées conformément aux conventions nos 151 et 154. Les mouvements de protestation des travailleurs sont respectés et aucun n'a été déclaré illégal. Les organisations syndicales peuvent seules recourir au tribunal arbitral. Le recours au dialogue social et à la négociation collective est encouragé en tant que mécanisme de résolution des différends et des conflits. Les conventions collectives, décisions arbitrales et accords, qui sont au nombre de plus de 200 pour les douze derniers mois, en sont un exemple.
Le ministère du Travail a défendu l'activité syndicale comme élément fondamental de la démocratie, condamné l'assassinat et les menaces de mort contre les syndicalistes, publiquement exigé l'arrêt de ces assassinats aux groupes paramilitaires, de même qu'il a exigé la libération des nombreuses personnes détenues par les groupes paramilitaires.
Il a souligné qu'en matière de protection de la vie des syndicalistes le gouvernement, à l'initiative du président et avec la participation des délégués des syndicats, a développé un programme national de protection pour lesdits syndicats, qui est sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur. D'autre part, le Congrès de la république, à l'initiative du gouvernement et suite à la consultation des syndicats des employés publics, a approuvé le 12 juin 2001 la nouvelle loi sur la carrière administrative qui prévoit des mécanismes d'entrée, de promotion et de permanence dans l'administration publique beaucoup plus favorables et démocratiques pour les travailleurs.
En ce qui concerne la réglementation du droit de grève dans les services publics essentiels, le gouvernement national espère que la législation qui réglemente ce droit sera le résultat d'un processus de concertation entre les employeurs, les travailleurs et le gouvernement. De toute façon, le droit de grève et de protestation sociale est garanti par la Constitution nationale. Le gouvernement a respecté pleinement ce droit et n'a déclaré illégale aucune sorte de grève ou arrêt d'activités.
Le ministère du Travail a déclaré qu'il terminera prochainement son mandat et il a remercié tous les membres de la commission pour leur collaboration afin qu'il existe en Colombie une législation du travail conforme aux principes démocratiques de l'OIT et que soit respectée la liberté syndicale, y compris la vie des syndicalistes, non seulement comme composante essentielle de la démocratie mais aussi comme garantie pour l'obtention d'un nouveau type de relations du travail. Considérant les conditions de violence aiguë que vit la Colombie, attisée par l'activité criminelle des groupes militaires, le trafic de drogue et la délinquance organisée, la meilleure collaboration que l'OIT peut apporter consiste à renforcer le Programme tripartite de coopération avec la Colombie et à stimuler les travailleurs, les employeurs et le gouvernement pour qu'ils aient la volonté politique qui permettra que les objectifs de ce programme deviennent réalité.
Les membres employeurs ont rappelé que la commission a examiné le cas de l'application de la convention depuis de nombreuses années et qu'un long débat a eu lieu l'an dernier à ce sujet. Ce cas soulève deux questions. La première concerne la non-conformité de la loi et de la pratique avec les principes énoncés dans la convention sur la liberté d'association, et la deuxième le climat de violence qui existe dans le pays et qui constitue un obstacle très sérieux à l'exercice par les employeurs et les travailleurs de leurs droits en vertu de la convention. La situation soulève aussi le problème de la relation entre le climat de violence et la non-conformité de la législation avec les critères de la convention. Il est évident qu'une législation inadéquate en matière de travail ne génère pas à elle seule un climat de violence. Toutefois, l'existence d'un climat de violence n'encourage pas les amendements législatifs. Bien que la question de la violence ne relève pas directement du mandat de la commission et que l'OIT ne soit pas en position de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à la violence, la commission fait face à un dilemme puisque le développement actuel de la législation du travail est influencé par la situation générale qui existe dans le pays.
Concernant la longue liste d'éléments faisant l'objet de commentaires de la commission d'experts dans le passé, la Commission de la Conférence a noté à sa session de juin 2001 les progrès réalisés par le gouvernement. En ce qui concerne les restrictions au droit de grève, le représentant gouvernemental a indiqué qu'un projet de loi a été préparé afin de résoudre le problème. Toutefois, rappelant leur position sur le droit de grève en relation avec la convention, les membres employeurs croient qu'aucune action législative n'est requise par le gouvernement pour que la législation soit conforme à la convention. Le climat de violence qui prévaut dans le pays constitue le problème principal. Comme l'illustre la longue liste des victimes lue l'année dernière, les syndicats sont plutôt affectés par les attaques personnelles, assassinats et enlèvements, bien que d'autres secteurs de la population incluant les employeurs, les juges, les médecins et la police soient aussi affectés. Durant les six dernières années, il y a eu 200 000 victimes, ce qui constitue un nombre horrifiant. Comme son nom le suggère, la liberté d'association présuppose un minimum de liberté et ne peut être favorisée dans un climat de menaces et de violence. Dans ces circonstances, la commission doit exprimer dans ses conclusions sa profonde préoccupation, de même que sa sympathie pour les victimes et leurs familles, et doit demander à nouveau au gouvernement de faire tout son possible pour améliorer durablement la situation, ce qui est indispensable pour que la liberté d'association puisse s'épanouir.
Les membres travailleurs ont remercié le ministre de son intervention. Il y a exactement un an, il était fait état des chiffres des assassinats de dirigeants syndicaux en Colombie. Quarante-six syndicalistes avaient perdu la vie entre janvier et mai 2001. Pour ce qui concerne l'année 2002, les informations reçues interpellent très sérieusement: 72 syndicalistes ont déjà été victimes d'assassinats. Entre juin 2001 et mai 2002, 176 femmes et hommes actifs en tant que dirigeants syndicaux ont été assassinés, sans compter les atteintes à l'intégrité et diverses situations de criminalisation de l'activité syndicale. Entre le 4 et le 6 juin, trois syndicalistes ont encore été tués. La violence en Colombie est sans pareille et touche principalement les dirigeants syndicaux. Un syndicaliste colombien a signalé que "le meilleur syndicaliste semble être celui qui est mort. Le meilleur syndicat est aussi celui qui n'existe plus". Nul doute que cette violence est de nature à désarticuler le mouvement syndical en empêchant toute expression de mécontentement face à des politiques d'exclusion. Tentatives d'assassinats, enlèvements et disparitions, menaces de mort, persécutions, détentions, licenciements, non-versement des salaires échus à des dirigeants syndicaux, restrictions dans l'accès aux locaux de travail, pire encore, assassinats et impunité, tels sont les principaux cas traités par le Comité de la liberté syndicale au cours des dernières années et pour lesquels celui-ci a exprimé de façon très insistante le besoin de la pleine application de garanties prévues dans la convention. La commission d'experts cite le Comité de la liberté syndicale dans son rapport à l'effet qu'il "regrette profondément que, dans l'énorme majorité des cas d'homicides, de tentatives d'homicides ou de disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, les auteurs des cas en question n'ont été ni jugés ni condamnés". L'impunité persiste dans l'immense majorité des cas. Les atteintes contre l'intégrité des dirigeants augmentent encore davantage. Les chiffres alarmants qui ont été avancés reflètent une augmentation extrêmement inquiétante. En mars dernier, le Comité de la liberté syndicale a exprimé sa vive inquiétude:
Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas tenu compte de ses recommandations et qu'il n'ait pas communiqué non plus d'observations sur les graves allégations présentées par les plaignants, qui font état d'une recrudescence importante de la violence. En effet, le comité regrette profondément que, depuis son dernier examen du cas de la violence, en mars 2001, aucune amélioration n'ait pu être constatée pour ce qui touche à la violence visant le mouvement syndical, ses représentants et ses adhérents. (...) Le comité rappelle une fois encore que la liberté syndicale ne s'exerce que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit de la sécurité de la personne, et que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et (qu'il) appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. (...) Le comité souligne que l'impunité perpétrée ou tolérée par le gouvernement ou d'autres groupes en relation avec des violations extrêmes et massives des droits syndicaux fondamentaux est une menace réelle pour les droits syndicaux et les fondements de la démocratie. (...) Le comité demande également au gouvernement de lui communiquer tous les faits dont il dispose qui contribueraient à expliquer la situation d'impunité pour les actes de violence commis contre les syndicalistes. Le comité rappelle de nouveau au gouvernement qu'il lui appartient d'assurer la protection des travailleurs contre les actes de violence et d'effectuer de façon responsable une analyse factuelle de chaque acte criminel.
Le Comité de la liberté syndicale a également insisté sur le besoin de recevoir, de la part du gouvernement, des informations permettant de clarifier les motifs et les circonstances dans lesquelles les actes de violence ont été commis. Sur la base de nombreuses plaintes reçues de la part des organisations de travailleurs au cours des dernières années, le comité a souligné des secteurs spécifiques tels que l'éducation, l'industrie pétrolière, les services de santé et les administrations municipales et départementales. Ces services sont fortement touchés par la plupart des politiques de restructuration ayant un coût social élevé et un taux élevé de conflits sociaux y a été enregistré. Des dispositions légales relatives à des prérogatives essentielles de la liberté syndicale persistent telles que des entraves au droit de grève et la soumission des conflits à l'arbitrage. Sur ces points la commission d'experts a formulé des commentaires depuis de nombreuses années sans qu'aucun changement ne soit opéré.
Il est possible de continuer de s'étendre sur la situation de la Colombie car elle le mérite bien. Les faits sont accompagnés de conclusions claires et de demandes précises des instances normatives de l'OIT. Ces faits, strictement éloquents, ont été constatés sur place l'année dernière par le représentant spécial du Directeur général du BIT, les représentants de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ainsi que par de nombreuses missions syndicales et des émissaires envoyés par plusieurs Etats Membres de l'OIT. En Colombie, l'exercice du droit d'organisation, de négociation collective et de grève dans le secteur public et dans les entreprises privées est pratiquement impossible. Les dirigeants syndicaux sont assassinés, menacés de mort, licenciés ou poursuivis injustement comme des délinquants alors que les auteurs d'assassinats de leaders syndicaux circulent en toute liberté. Il existe une véritable criminalisation du syndicalisme dans ce pays. Les organisations syndicales sont affaiblies, désarticulées, et souvent, disparaissent. Les travailleurs risquent de se retrouver progressivement sans aucune forme de protection sociale et sans aucune forme d'organisation.
Il y a un an, la mise en place d'un programme de l'OIT en Colombie a été décidée. Celui-ci n'a pas encore été instauré, ce qu'il convient de déplorer profondément au vu de la situation critique qui a été décrite. Le groupe des travailleurs a insisté pour que le programme soit lancé de toute urgence et a exhorté le gouvernement colombien à accepter la proposition d'assistance technique du Bureau pour procéder à une évaluation factuelle des cas de violence qui devrait permettre de lever l'impunité et de mettre en évidence les véritables causes de violence. Il y a un an, le groupe des travailleurs avait souhaité l'envoi d'une commission d'enquête en Colombie et cette demande est réitérée cette année. Cette commission ne doit pas être une fin en soi mais être un mécanisme, d'une extrême importance, pour progresser dans le respect des libertés syndicales en Colombie. Elle doit contribuer à répondre, sans plus attendre, aux nombreuses demandes et conclusions formulées par le Comité de la liberté syndicale et par la commission d'experts sur l'application dans la pratique et dans la législation de la convention.
Un membre travailleur de la Colombie a mentionné qu'en Colombie l'exercice de l'activité syndicale n'a jamais été facile dû à l'attitude hostile permanente des hommes d'affaires et des gouvernements. Depuis le début du XXe siècle, des assassinats massifs de travailleurs, comme le massacre de centaines de travailleurs en 1928, ont été rapportés. Le dernier mouvement de persécution antisyndicale a commencé en 1979 avec l'adoption du statut de la sécurité qui a donné lieu à des violations de domicile, des détentions et à la torture de nombreux syndicalistes. A la fin des années 80, les assassinats commencèrent. Durant ses quinze ans d'existence, la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) a enregistré l'assassinat de plus de 3 500 dirigeants, activistes et affiliés. En 2000, 128 assassinats ont été rapportés et le chiffre est monté à 192 en 2001. Durant la Conférence internationale du Travail de 2001, les noms de 46 dirigeants assassinés au cours des cinq premiers mois de l'année ont été énumérés. En 2002, pendant la même période, le nombre est monté à 85. Trois autres dirigeants ont de plus été assassinés depuis le départ de la délégation nationale pour assister à la 90e Conférence. A ce qui précède, on doit ajouter une liste interminable de menaces, attentats, déplacements, exils, séquestrations et disparitions forcées, ce qui constitue un cadre d'horreur pour le mouvement syndical. En bref, durant la période allant de la 89e à la 90e Conférence, 420 actes de violence qui portent atteinte au droit à la vie, à l'intégrité physique et à la liberté personnelle des syndicalistes ont été perpétrés. Comme explication de cette dramatique réalité, le gouvernement et les employeurs affirment qu'il y a, en Colombie, une situation de violence généralisée qui affecte plusieurs Colombiens, entre autres des syndicalistes, et que le gouvernement fait tout son possible pour éviter ces faits. Pas plus qu'il ne peut nier la gravité de la violence et son incidence dans pratiquement toutes les activités du pays, le gouvernement ne peut se cacher derrière cette situation pour éluder sa responsabilité.
Un voile d'impunité entoure les crimes. Dans les commentaires envoyés à la commission d'experts par la CUT cette année, on cite le Comité de la liberté syndicale et mentionne que l'impunité aggrave la situation des travailleurs syndicaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: plus de 3 500 assassinats et à peine 5 condamnations ont eu lieu entre le mois d'août 1986 et le mois d'avril 2002.
Les mesures du gouvernement pour protéger les syndicalistes sont très faibles. Le programme du ministère de l'Intérieur pour la protection des syndicalistes et défenseurs des droits de l'homme fonctionne de façon déficiente due aux procédures bureaucratiques et au manque de recours. Les demandes insistantes pour que ce programme soit restructuré, décentralisé, pour que les systèmes d'évaluation des risques changent et pour qu'on établisse des recours suffisants n'ont pas été entendues. La même chose se produit avec la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l'homme des travailleurs créée en 1997, cela étant dû aux rares réponses des différentes entités de l'Etat qui la constituent. Même si les mesures de protection sont importantes (et des améliorations sont souhaitées dans ce sens), celles-ci ne sont pas suffisantes en soi. Une politique de l'Etat, visant à mettre un terme à l'impunité et à démanteler les groupes paramilitaires qui sont responsables de la majeure partie des crimes perpétrés, est nécessaire. En effet, les groupes paramilitaires font partie d'une campagne destinée à exterminer le mouvement syndical et à empêcher quelque forme de résistance aux abus du néolibéralisme.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme, les organisations non gouvernementales des droits de l'homme, divers organismes intergouvernementaux, le Comité de la liberté syndicale et les centrales syndicales internationales ont tous eu une connaissance directe de la réalité colombienne et s'accordent sur la gravité de la situation. Ils demandent au gouvernement de prendre des mesures efficaces pour mettre fin à la barbarie. Les résultats obtenus jusqu'à ce jour sont très pauvres.
Les travailleurs colombiens s'engagent fermement à promouvoir la paix et la justice sociale à l'aide d'une solution négociée du conflit interne et sont contre tout type d'ingérence externe manifestée à travers des programmes tels que le "Plan Colombia" qui accentuent la guerre et menacent de l'étendre bien au-delà des frontières colombiennes. Les travailleurs sont préoccupés par la politique annoncée par le nouveau gouvernement car, selon eux, elle entraînera l'escalade de la guerre et l'aggravation des problèmes économiques, politiques et sociaux du pays ainsi qu'une situation encore plus critique pour les travailleurs. La tendance gouvernementale à utiliser toujours plus la répression, comme le démontrent les réformes du Code disciplinaire unique, qui criminalise des faits qui ont mené plusieurs travailleurs à la prison, et la législation de guerre annoncée par le nouveau gouvernement suscitent beaucoup d'inquiétude. Les efforts réalisés par l'OIT jusqu'à maintenant: les paragraphes spéciaux, les deux missions de contacts directs et l'envoi d'un représentant spécial du Directeur général, sont très appréciés. Il est cependant regrettable que le programme spécial de coopération avec la Colombie, approuvé par le Conseil d'administration il y a un an, n'ait pas eu lieu par manque de ressources. Le financement nécessaire pour le mettre en marche devrait être attribué. Vu que la situation s'aggrave de manière alarmante et que le gouvernement ne présente pas de résultats satisfaisants aux différentes demandes de l'OIT, la Commission de l'application des normes devrait inclure un paragraphe spécial dans ce cas et exprimer au Conseil d'administration sa préoccupation pour le retard à aborder le fond de la plainte qui a été présentée par les travailleurs en 1998, en vertu de l'article 26. Une commission d'enquête devrait aussi être nommée même si le gouvernement et les employeurs viennent de terminer une vaste campagne pour la contrecarrer, avec l'argument que celle-ci entraînerait des sanctions économiques pour le pays et aggraverait la situation en plaçant les syndicalistes colombiens dans une situation difficile pouvant entraîner de graves conséquences.
L'OIT dispose de normes et de mesures pour des cas aussi critiques que celui de la Colombie. Les normes devraient être respectées et les mesures appliquées pour que soient respectés les droits de l'homme et la liberté syndicale.
Un autre membre travailleur de la Colombie a exprimé son accord avec les déclarations des membres travailleurs qui se sont exprimés auparavant et a remercié le ministre du Travail pour ses commentaires. Il a souligné que ce dernier, durant son ministère, a empêché que des mauvais traitements encore plus graves ne se commettent à l'encontre des travailleurs. Il a soutenu que le pays a régressé dans le concert des nations en raison de l'adoption du modèle néolibéral, avec ses programmes d'ajustement structurel, de privatisations, de régression dans le niveau de protection sociale, de manque de stimulus à la production nationale, d'imposition de réformes de travail qui mènent vers une plus grande flexibilité du travail, de perte de stabilité, de précarisation de l'emploi et de démantèlement de la sécurité sociale.
Une attention spéciale doit être accordée à la question des violations au droit à la vie, à la sécurité de la personne et à l'intégrité physique et morale des dirigeants syndicaux, qui constituent des préalables essentiels à l'exercice des droits consacrés par la convention no 87. D'autres aspects de la liberté syndicale suscitent de l'inquiétude à la lumière de la convention susmentionnée et d'autres conventions fondamentales de l'OIT. De nos jours, créer une organisation syndicale est extrêmement difficile en raison de la politique antisyndicale de certains employeurs qui favorisent le licenciement de ceux qui promeuvent la création d'organisations syndicales. En outre, la déréglementation du travail et la prolifération de contrats de prestations de services ne favorisent pas la création d'organisations syndicales. D'un autre côté, la détérioration des taux de syndicalisation est en grande mesure due au climat latent de terreur qui règne sur ceux qui veulent former un syndicat. En effet, une politique est mise en œuvre pour éliminer le syndicalisme, et désigner les syndicats comme les responsables de la crise économique auquel le pays doit faire face, ce qui donne carte blanche à des assassins de tous types.
D'autres violations au droit de syndicalisation existent aussi. Il en est ainsi de l'ingérence indue des autorités administratives dans la création d'organisations syndicales et de la légalisation de l'intervention patronale dans l'enregistrement des syndicats; ils effectuent des licenciements massifs pour des raisons prétendument économiques et favorisent les "coopératives de travail associé" qui regroupent de la main-d'œuvre non syndicalisée, en faisant valoir que les travailleurs sont les propriétaires de l'entreprise et que, pour cette raison, ils n'ont pas besoin d'un syndicat. Il est impossible d'énumérer toutes les violations de l'exercice de la liberté syndicale qui sont commises de jour en jour en Colombie, et qui ont fait l'objet d'un nombre élevé de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale. Il existe en effet, en ce moment, dix cas en instance et quatre qui font l'objet d'un suivi, et qui contiennent des allégations de nombreuses organisations syndicales. Cela démontre la situation difficile dans laquelle se trouvent les travailleurs colombiens, non seulement en ce qui concerne les droits fondamentaux de l'homme, mais aussi en ce qui concerne l'exercice de la liberté syndicale.
Le droit à la négociation collective est restreint de façon considérable. Beaucoup d'employeurs favorisent les contre-propositions tant dans le secteur public que dans le secteur privé, conduisant ainsi au démantèlement des conventions collectives de travail. Le fait que, après une longue lutte de la part des travailleurs, la convention no 151 ait été ratifiée et que la Cour constitutionnelle déclare, en dépit de tout cela, que les syndicats de fonctionnaires ne bénéficient pas du droit de négociation collective, constitue un exemple clair de la situation actuelle.
La situation que vivent les travailleurs de nombreuses entreprises publiques et privées, des communes et des départements du pays, dans le secteur de la santé publique et de l'enseignement est extrêmement inquiétante. Encore plus quand le pouvoir économique actuel annonce une plus grande flexibilité, davantage de privatisations, une réforme à la baisse du système des retraites et de nouveaux sacrifices pour les travailleurs. En fait, le futur n'est pas très prometteur. La Colombie nécessite d'urgence l'adoption de mesures qui permettent de construire les bases pour le développement d'un nouveau pays, où la paix sera le fruit de la justice.
Le membre travailleur des Etats-Unis s'est référé à la déclaration qu'il a faite devant la commission l'année dernière concernant la responsabilité spéciale et le devoir d'intervention qui lui incombe dans ce cas du fait de son statut de syndicaliste et de citoyen des Etats-Unis. Même si c'est le cas de la Colombie et non des Etats-Unis qui est l'étude, l'aide militaire fournie par son pays, par l'intermédiaire du Plan Colombia, contribue au conflit armé, augmentant du coup la terreur physique infligée aux syndicalistes colombiens. Grâce au Plan Colombia, une aide financière est fournie aux forces armées colombiennes, dont certains membres et une partie de ses ressources servent également aux forces paramilitaires qui sont responsables de bon nombre d'assassinats de citoyens et de syndicalistes colombiens. La Conférence et le Conseil d'administration ont la responsabilité spéciale et le devoir de résoudre les problèmes en Colombie.
Dans sa conclusion sur le cas no 1787 sur la Colombie, le Comité de la liberté syndicale déplore qu'aucun progrès important n'ait été réalisé dans les cas à l'étude et espère que le Conseil d'administration en tiendra compte lorsqu'il prendra une décision sur la nécessité de créer une commission d'enquête. Depuis novembre 1999, le Comité de la liberté syndicale est arrivé à la conclusion susmentionnée, la commission d'experts a étudié le cas de la Colombie, le Conseil d'administration s'est penché sur ce cas au cours de presque toutes ses sessions, une mission de contacts directs a été dépêchée et un programme spécial de coopération technique a été conçu. Pendant ce temps, plus de 128 syndicalistes colombiens ont été assassinés en l'an 2000, plus de 194 en l'an 2001 et plus de 80 au cours des six premiers mois de cette année, sans mentionner les 3 500 personnes ou plus qui ont été assassinées depuis 1985, selon les estimations de la Confédération colombienne des syndicats. Malgré cela, l'Unité nationale sur les poursuites en matière de droits de l'homme de la Colombie a conclu qu'entre 1986 et 2002 il n'y avait eu que 5 de ces affaires qui s'étaient soldées par un verdict de culpabilité.
La destruction des organisations syndicales colombiennes est aussi causée par l'application flexible et inadéquate des lois du travail qui découle souvent de la prescription, par le FMI, de mesures d'ajustement structurel ainsi que du lobbying et des pressions des employeurs. La loi colombienne autorise la conclusion de pactes collectifs directs entre les employeurs et des groupes d'employés, ce qui a pour effet de nuire aux organisations syndicales. Un autre moyen efficace pour détruire les syndicats colombiens consiste à procéder à des mises à pied massives pour ensuite créer des coopératives dont les travailleurs sont les soi-disant propriétaires. L'article 46 de la loi no 50 de 1990 accorde au ministère du Travail et aux autorités administratives le pouvoir de refuser des demandes d'enregistrement tout à fait légitimes et les autorités administratives permettent souvent aux employeurs de contester des enregistrements de syndicats.
En ce qui concerne la question de la destruction physique des syndicats et des assassinats de syndicalistes, le programme de protection du ministère de l'Intérieur a connu des dysfonctionnements en raison des restrictions budgétaires, de l'inefficacité administrative et de la mauvaise foi de la part du personnel chargé de l'administration et de l'application du programme. Un récent rapport du HCR confirme que le gouvernement a adopté des politiques et des mesures qui affaiblissent l'appareil judiciaire et qui le rendent plus inefficace, ce qui contribue davantage au taux excessivement élevé d'impunité pour les responsables de la violence dont sont victimes les syndicalistes. Le gouvernement cherche également à obtenir des pouvoirs supplémentaires lui permettant de s'ingérer dans les enquêtes sur les meurtriers de syndicalistes.
L'OIT et le Conseil d'administration sont priés d'agir dès maintenant et d'appliquer tous les moyens et les mécanismes, notamment en dépêchant une commission d'enquête. Les conclusions de la commission sur ce cas devraient aussi figurer dans un paragraphe spécial de son rapport.
Le membre travailleur de la France a déclaré qu'il allait faire un bref discours afin de permettre à la commission d'étudier tous les cas prévus pour examen. Il a déploré que des membres de la commission se soient lancés dans des discours excessifs et a appelé le président à faire en sorte que de tel abus ne se reproduisent pas.
Les violations de la convention en Colombie sont extrêmement graves et aucun progrès n'est observé. Les lois ne respectent pas les conventions ratifiées. De plus, la violence qui règne dans ce pays est telle que le droit à la vie n'est pas garanti et que d'autres droits y compris les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective sont mis en cause. Tous les gouvernements successifs du pays ont rejeté la responsabilité sur les groupes armés et paramilitaires ou des maffias de la drogue et du crime organisé et, lorsqu'ils ont parfois pris des engagements d'édicter des lois afin d'empêcher les violations du droit syndical, ces projets de loi ne sont jamais arrivés devant le Congrès. L'impunité persiste et, sans attendre le rôle de l'éventuel Tribunal pénal international, il appartient au gouvernement de faire tous les efforts afin de mettre la législation et la pratique en conformité avec ses engagements conventionnels internationaux. Les travailleurs français sont solidaires du mouvement syndical colombien et de ses courageux militants. Leurs actions participent, aux côtés d'autres intervenants de la société civile, au renforcement et à la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit par leur défense active des droits des travailleurs. Il doit être mis un terme à ce qui est un véritable génocide des représentants syndicaux colombiens.
Le membre travailleur de Cuba a exprimé la solidarité des travailleurs cubains avec les travailleurs colombiens face à la gravité de la situation à l'examen par la commission. La gravité de cette situation doit se traduire par la mise à disposition inconditionnelle de toute aide qui serait nécessaire. Il a exprimé son plein accord avec ce qui a été dit par les membres travailleurs qui l'ont précédé.
Le membre travailleur de la Suisse a constaté que le cas de la Colombie ne cesse de consterner les démocrates et les syndicalistes du monde entier. Les travailleurs suisses sont très inquiets et solidaires des syndicalistes colombiens. L'Union syndicale suisse a été interpellée à plusieurs reprises par sa base au cours des derniers mois à propos de ce que l'OIT réaliserait et ne réaliserait pas en vue d'aider à parvenir à recréer les conditions susceptibles de rétablir l'exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective. La violence et les homicides dont sont victimes les syndicalistes colombiens n'ont que trop duré, et ce hélas en toute impunité. Force est de constater que les procédures mises en œuvre jusqu'ici sont restées sans grands effets. Le programme d'assistance projeté n'a toujours pas été réalisé. Il est inadmissible d'en rester là alors que le droit à la vie, les conventions de l'OIT et la Déclaration universelle des droits de l'homme sont bafoués en Colombie. La procédure ordinaire doit être reprise et une commission d'enquête doit être dépêchée sur place sans délai. Le programme d'assistance est à mettre en œuvre au plus tôt. Il est indécent de retarder son déroulement plus longtemps sous prétexte que son financement n'est pas assuré.
Le membre travailleur du Pakistan a réaffirmé que la situation en Colombie, où d'innocents syndicalistes sont brutalement assassinés, continue de préoccuper le peuple de la Colombie et la communauté internationale. Il n'y a eu aucune amélioration dans le respect des droits fondamentaux de liberté syndicale et de négociation collective. En ce qui concerne particulièrement les travailleurs dans les services publics, les syndicats ont été bannis d'une vaste gamme de services, lesquels ne sont pas nécessairement essentiels. De plus, la législation prévoit la possibilité de congédier des dirigeants syndicaux qui ont appelé à une grève illégale ou qui y ont participé. En dépit de l'engagement pris par le gouvernement devant la commission de modifier sa législation, les dispositions pertinentes demeurent inchangées. En outre, des décisions récentes de deux tribunaux constitutionnels vont à l'encontre du droit de négociation collective. En conséquence, un grand nombre de travailleurs employés dans des services publics comme les banques, les institutions financières, les transports, les communications, l'électricité, l'éducation et les hôpitaux publics ne peuvent faire valoir leurs revendications alors que les effectifs dans le service public sont réduits, souvent dans le contexte de mesures de privatisation. Les travailleurs dans ces services ont le droit de faire valoir leurs revendications et d'entamer des négociations collectives, particulièrement quand leurs emplois sont menacés. Toutefois, au lieu de promouvoir une solution négociée, les travailleurs dans les services non essentiels qui font la grève risquent d'être congédiés. La commission d'experts a soulevé cette question à de nombreuses reprises.
Le gouvernement est donc instamment prié de modifier sa législation du travail pour éliminer les restrictions sur les activités syndicales, notamment sur la négociation collective. Le gouvernement est aussi prié de ne pas entreprendre des mesures de restructuration dans les services publics, comme les hôpitaux et les télécommunications, sans offrir les protections nécessaires. Les travailleurs ne devraient pas être pénalisés en raison de leurs activités syndicales. Les travailleurs ne devraient pas être obligés de signer des contrats dans lesquels ils s'engagent à ne pas joindre les rangs de syndicats. L'OIT est priée de fournir une assistance afin d'améliorer la situation et il est à espérer que les conclusions de la commission sur ce cas figureront dans un paragraphe spécial de son rapport.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a rappelé que ses collègues syndicalistes colombiens sont confrontés à la violence, aux meurtres et à la désolation sur une base quotidienne. Malgré tout, ils continuent d'essayer de s'organiser et de représenter leurs membres. En fait, c'est lorsqu'ils effectuent leurs activités syndicales qu'ils sont le plus souvent attaqués. Il a rappelé que l'année dernière il a lu les noms de 46 collègues syndicalistes tués au cours des cinq mois précédents et mentionné qu'il n'allait pas, cette année, lire les noms des 192 collègues qui ont été assassinés en 2001 ou tués depuis janvier 2002. L'augmentation de la violence contre les syndicalistes en Colombie est décrite comme une tentative pour éradiquer le mouvement syndical. Afin de donner une idée du niveau de violence à laquelle font face les dirigeants des syndicats colombiens et leurs membres, il a décrit les incidents survenus lors d'une mission du TUC au pays en février 2000. Il a notamment été mis au courant que des professeurs avaient été tués en classe en face de leurs élèves et que des gens en relation avec le mouvement syndical étaient menacés. Malgré toutes les discussions de la commission sur ce cas, la violence ne cesse d'augmenter. Le programme du ministre de l'Intérieur est limité et s'est terminé le 31 mai en raison d'un manque de fonds. Malheureusement, les gouvernements n'ont pas respecté leur engagement à contribuer au programme spécial de l'OIT, lequel inclut un programme de protection et a été présenté comme une alternative à la commission d'enquête.
Les meurtres se poursuivent avec impunité. Depuis 1986, 3 500 syndicalistes ont été assassinés. Des juges d'instruction risquent de se faire tuer ou ont été démis de leurs fonctions alors qu'ils étaient en cours d'enquête. Le bureau du Procureur général a rapporté qu'il n'y a eu que 376 enquêtes initiées dont seulement trois ont donné lieu à un procès, et que seulement quelques-unes de plus sont référées aux tribunaux militaires. Seulement 5 cas ont obtenu sentence. Cela constitue l'impunité la plus totale. Malgré la bonne volonté des travailleurs pour le pays, le fait est que les institutions se sont montrées incapables de résoudre le problème de l'impunité. Des faiblesses systématiques ébranlent l'efficacité du gouvernement et la démocratie. Il y a un manque de volonté de la part des politiciens. Les forces de sécurité ne semblent pas être sous le plein contrôle du gouvernement et il existe des liens entre les paramilitaires et quelques sections des forces armées qui demeurent nébuleux. La commission doit se demander ce qui peut être fait pour aider au mieux le gouvernement et les partenaires sociaux à briser le cercle vicieux de l'impunité. Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que seule une commission d'enquête de l'OIT peut aider. Cependant, une telle mesure ne doit pas être perçue comme une menace ou une punition mais comme étant la procédure la plus puissante des structures de contrôle de l'OIT. Une telle commission d'enquête va permettre de lever le voile sur de dures et horribles vérités. Mais, sans la vérité, aucune réconciliation et, sans réconciliation, aucune paix durable ne sera possible.
Le membre travailleur de la Suède a exprimé, au nom des travailleurs du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, sa solidarité avec les travailleurs et travailleuses colombiens et a réitéré son engagement à continuer la coopération avec les syndicalistes colombiens. Elle a constaté, avec un mélange de fureur et de profonde douleur, que la situation de violence et le nombre d'assassinats de syndicalistes empirent de jour en jour. En dépit des promesses et de l'apparente bonne volonté manifestée par le gouvernement l'année passée devant la commission, les assassinats continuent et les assassins continuent à courir librement dans les rues. Il n'y a aucun doute que les syndicalistes sont victimes d'une terreur systématique. Cela constitue une tragédie et démontre fondamentalement un échec accablant de la part du gouvernement. Son organisation, la Confédération des syndicats suédois, a visité le pays à maintes reprises. Il est difficile de comprendre ou de décrire la situation de tension constante dans laquelle vivent les syndicalistes, qui méritent admiration et profond respect. Cette année-ci, il faut franchir un pas définitif pour changer cette situation de terreur et de mort. L'établissement d'une commission d'enquête et le déploiement d'un vaste programme d'assistance technique de l'OIT sont les éléments clés pour lancer ce processus. Son organisation a exigé du gouvernement suédois qu'il se prononce, pendant la prochaine réunion du Conseil d'administration, sur la nécessité de financer pleinement le programme d'assistance technique pour la Colombie qui a été adopté l'année dernière. Des voies pour mettre fin à la violence en Colombie et pour garantir le plein exercice de la liberté syndicale existent. Il convient que le gouvernement fasse le premier pas et ne se dérobe pas à sa responsabilité.
Le membre gouvernemental du Danemark, s'exprimant aussi au nom des membres gouvernementaux de la Finlande, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, s'est référé au discours que l'Union européenne a fait l'année précédente devant la commission. Dans ce discours, le gouvernement était prié de prendre des mesures urgentes et efficaces pour assurer la protection juridique et physique de ceux affectés par la violence répandue dans le pays. L'Union européenne a repris cette question à nouveau aux sessions du Conseil d'administration de novembre 2001 et de mars 2002. Le climat de violence en Colombie suscite une grande inquiétude. Les syndicalistes continuent d'être victimes d'atteintes à leur vie, à leur intégrité physique, à leur sécurité et à leur liberté de mouvement. Dans la majorité des cas d'homicides, de tentatives d'homicides ou de disparition de syndicalistes, les responsables n'ont été ni arrêtés ni inculpés. Le haut niveau d'impunité est alarmant. Les garanties énoncées dans les conventions internationales du travail, en particulier celles concernant la liberté syndicale, ne peuvent réellement s'appliquer que si les droits civils et politiques reconnus par la Déclaration universelle des droits de l'homme sont véritablement reconnus et protégés. Le gouvernement doit sans tarder prendre des mesures adéquates pour protéger la vie et l'intégrité physique des syndicalistes et le droit de liberté syndicale, notamment en appliquant et en respectant les conventions fondamentales de l'OIT. A cet égard, les organisations de travailleurs devraient avoir le droit d'organiser librement leurs activités. Le gouvernement est prié depuis de nombreuses années de porter une attention particulière à certaines dispositions du Code du travail. Au cours de la mission de contacts directs qui a eu lieu en février 2000, un avant-projet de loi avait été préparé en vue de la modification de ces dispositions. Toutefois, même si le gouvernement s'est engagé à soumettre ce projet de loi au Congrès, il ne l'a pas encore fait. Le gouvernement est donc prié de s'assurer que l'avant-projet de loi sera soumis sans délai au Congrès en vue de son adoption. Il est également important de prendre des mesures pour donner effet à la loi. Enfin, le gouvernement doit, dans le prochain rapport qu'il remettra à l'OIT, informer la commission d'experts des progrès réalisés.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis a noté que ce cas a été porté devant la commission d'experts et la Commission de la Conférence à plusieurs reprises. Des progrès relatifs aux contradictions législatives avec la convention no 87 ont eu lieu ces dernières années et le gouvernement a démontré un engagement quant à la promotion des méthodes recommandées par la commission d'experts. Cependant, la situation de la violence à l'égard des syndicalistes reste grave, plusieurs ayant connu une mort violente, et les menaces de mort à leur endroit ne cessent d'augmenter. Le programme spécial d'assistance technique pour la Colombie a été mis en œuvre pour promouvoir le dialogue social, améliorer les relations de travail et protéger les syndicats à risque. Les Etats-Unis apportent leur appui à ce programme et encouragent l'utilisation des surplus budgétaires pour le financer. La liberté d'association joue un rôle clé dans l'accomplissement de la paix, la justice sociale, la réconciliation et la démocratie en Colombie. L'orateur espère que le nouveau gouvernement continuera, avec l'aide de l'OIT et de façon urgente, de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin de protéger adéquatement la liberté syndicale et le droit d'association.
Le représentant du gouvernement a déclaré qu'il a écouté très attentivement les interventions des membres employeurs et travailleurs, de même que les déclarations des membres gouvernementaux. Il n'est pas possible de cacher la violence en Colombie comme en témoignent les assassinats de milliers de Colombiens, dont ceux de syndicalistes, d'enfants, de prêtres (incluant l'évêque de Calí) et de dizaines de journalistes. De plus, on rapporte des milliers d'enlèvements, notamment ceux de 6 parlementaires, d'un gouverneur, de 45 officiers des forces armées. Même une candidate à la présidence de la République a été enlevée. On note aussi que de nombreux entrepreneurs ont été enlevés ou assassinés et des juges et des maires ont fait l'objet de menaces de mort. La situation de violence très grave qui prévaut en Colombie constitue une dégradation de la dignité humaine.
La communauté internationale suit de près les efforts de paix. Le Président de la République a fait tout son possible pour entamer un dialogue avec les FARC et l'ELN mais, dans le contexte actuel, le dialogue est rompu. L'orateur reconnaît l'existence de groupes de justice privée et d'autodéfense reliés à l'extrême droite.
Depuis que l'orateur a été nommé ministre du Travail, c'est-à-dire depuis les 23 derniers mois, aucune demande d'enregistrement de syndicats n'a été refusée. Le gouvernement s'est même abstenu de présenter au Congrès un projet de loi réglementant le droit de grève dans les services publics essentiels par crainte que les amendements éventuels ne fassent plus de mal que de bien dans un domaine où les progrès doivent être réalisés par des consultations tripartites.
L'orateur a déclaré qu'il comprend que la Commission de la Conférence voulait prendre des mesures et a souligné qu'aucune des propositions faites par la commission ne serait rejetée par le gouvernement. Il a insisté pour dire que l'esprit du paragraphe spécial adopté l'an dernier par la Commission de la Conférence était toujours d'actualité. Durant l'administration actuelle du gouvernement, tout a été entrepris dans le sens de ce paragraphe spécial. Une commission d'enquête ne mettra pas un terme au problème de la violence et ne contribuera qu'à créer des attentes sans arrêter le génocide qui est en cours en Colombie.
Afin de mettre fin au génocide, il est nécessaire de réaliser des accords politiques et sociaux entre tous les habitants de la Colombie. Ces accords doivent inclure l'Etat, les guérilleros, les syndicats et les employeurs, les paramilitaires et l'ensemble de la société colombienne. Dans les conditions actuelles, une commission d'enquête ne peut qu'envoyer un message trompeur et aggraver la violence.
Le syndicalisme est une institution importante de la démocratie. En Colombie, plusieurs employeurs sont en faveur de la paix et du dialogue social et certains s'inspirent des activités des organisations de travailleurs et d'employeurs de Suède.
L'orateur insiste sur la nécessité de renforcer le programme spécial de coopération technique pour la Colombie en utilisant les surplus budgétaires de l'OIT et en mettant l'accent sur une conception globale du problème colombien. L'orateur est reconnaissant des efforts réalisés par l'OIT pour s'occuper des problèmes en Colombie et souhaite que cela continue afin de surmonter la violence et réaliser la reconstruction du pays dans la paix durable et la justice sociale.
Les membres travailleurs ont déclaré qu'il était difficile d'avoir un débat sur une situation où l'on peut à peine parler de liberté syndicale. Si, assurément, le présent cas suscite une profonde émotion, il n'en demeure pas moins que des faits en sont à l'origine. La législation touchant au domaine syndical reste en contradiction avec la convention no 87. Des syndicalistes continuent d'être assassinés à cause de leur engagement, et d'autres font l'objet de menaces ou de poursuites. L'impunité totale qui entoure les actes criminels perpétrés contre des syndicalistes bafoue les principes de la liberté syndicale. La ligne suivie par le gouvernement équivaut à une criminalisation de l'action syndicale. C'est pourquoi les membres travailleurs ont demandé que le gouvernement accepte une commission d'enquête de l'OIT, laquelle pourrait avoir un impact important, et ont soutenu la proposition faite par le membre gouvernemental du Danemark, au nom des membres gouvernementaux des pays nordiques, de consacrer l'excédent budgétaire de l'Organisation au programme de protection des syndicats. Le défaut d'application de la convention no 87 par le gouvernement justifie, à leurs yeux, l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la Commission de la Conférence.
Les membres employeurs ont noté qu'il est évident, suite aux discussions, que le problème actuel est vaste, a des motifs complexes et n'est pas limité aux questions de lois portant sur le travail mais qu'il touchait tous les domaines. Ils estiment donc que le problème n'est pas entièrement couvert par le mandat de l'OIT, qui n'a ni le droit ni les moyens d'entreprendre sa résolution. Ils notent que le problème cherchait toujours solution malgré les mesures prises par le gouvernement qui a, en outre, soulevé que de nouvelles mesures pouvaient avoir des contre-effets. Ils croient qu'il est difficile d'identifier l'approche adéquate au problème et concluent que la situation a besoin d'être décrite dans des termes plus clairs et objectifs. Finalement, le gouvernement doit pouvoir élaborer une proposition, sans préjudice.
Les membres travailleurs ont accepté les conclusions, telles que présentées par le président de la commission et ont condamné sévèrement l'attitude des membres employeurs qui empêche le consensus sur l'inclusion des conclusions dans un paragraphe spécial. Ils ont estimé que, de ce fait, les membres employeurs refusent implicitement de reconnaître l'aggravation du climat de violence dans le pays. Ils ont demandé que des mesures immédiates soient prises pour assurer le respect de la liberté syndicale. Enfin, les membres travailleurs se sont référés à leur intervention précédente concernant la sauvegarde de la sécurité personnelle des syndicalistes et l'utilisation du surplus budgétaire du BIT pour financer les activités du Programme spécial d'assistance technique pour la Colombie.
Les membres employeurs ont réservé leur position à l'égard de la déclaration précédente.
Les membres employeurs se sont de nouveau opposés à l'inclusion du cas de la Colombie dans un paragraphe spécial et ont protesté contre les allégations des travailleurs. La déclaration des membres travailleurs est contradictoire et non correcte en substance. Les membres employeurs ont accepté sans réserve les conclusions sur le cas de la Colombie qu'ils ont élaborées avec les membres travailleurs. Ils rejettent donc fermement l'assertion des membres travailleurs selon laquelle les membres employeurs refuseraient de reconnaître les réalités en Colombie. Ces douze dernières années, un esprit de coopération et non de confrontation règne au sein de cette commission. Mais c'est également dans cet esprit qu'il faut de temps en temps accepter de ne pas être d'accord. Il serait dangereux d'abandonner ou de mettre en danger cet esprit de coopération. Les conséquences en seraient regrettées par tous.
Le président a souligné que par définition le cas avait été clos.
Les membres travailleurs ont pris note de cela et n'ont pas souhaité rouvrir le débat.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a observé avec une profonde préoccupation qu'une grave situation de violence continue à prévaloir dans le pays. Elle a rappelé que cette dramatique situation a fait l'objet et continue à faire l'objet de nombreuses plaintes devant le Comité de la liberté syndicale et qu'une plainte avait été déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution en juin 1998. La commission a une fois de plus condamné avec la plus grande fermeté les assassinats et enlèvements des syndicalistes ainsi que les séquestrations d'employeurs. La commission a rappelé que les organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent exercer librement et significativement leurs activités que dans un climat exempt de violence. Elle a exhorté le gouvernement à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour que cesse cette situation d'insécurité et que les organisations de travailleurs et d'employeurs puissent pleinement exercer les droits qui leur sont reconnus par la convention, en restaurant le respect des droits fondamentaux de l'homme et notamment le droit à la vie et à la sécurité. A cette fin, la commission a demandé instamment au gouvernement d'établir et de renforcer les institutions nécessaires pour mettre un terme à l'intolérable situation d'impunité qui règne dans le pays et qui constitue un grave obstacle au libre exercice des droits syndicaux. La commission a noté par ailleurs que les questions concernant l'application de la convention no 87 ont été soumises à la Commission de concertation sur les politiques salariales et du travail. La commission a lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il prenne immédiatement les mesures nécessaires en vue de garantir une pleine application de la convention tant en droit qu'en pratique. Elle a demandé au gouvernement de présenter un rapport complet à cet égard pour que la commission d'experts puisse examiner à nouveau la situation à cet égard dès sa prochaine session. La commission a exprimé l'espoir que la plainte déposée en juin 1998 en vertu de l'article 26, toujours en instance, fera l'objet d'un réexamen du Conseil d'administration, en vue d'utiliser tous les moyens appropriés en sa possession, particulièrement les programmes de coopération technique permettant de contribuer au plein respect en droit et en pratique de la convention no 87. Au cas où le gouvernement ne tirerait pas pleinement profit de cette coopération technique, la commission se verrait dans l'obligation d'envisager des mesures plus fortes l'an prochain. La commission a noté la déclaration du ministre selon laquelle l'esprit du paragraphe spécial adopté l'an dernier prévaut toujours.
Un représentant gouvernemental, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a remercié la communauté internationale pour sa constante préoccupation pour la situation en Colombie et pour son soutien dans le processus de paix qui se vit dans le pays. Il a réitéré les efforts que réalise le gouvernement pour atteindre la paix et a indiqué que le conflit, qui s'est dégradé énormément, lui pèse beaucoup. Il a souligné que la politique du gouvernement consiste à appuyer le processus de paix et à négocier, dialoguer et chercher des accords avec les organisations de guérillas existantes dans le pays, mais d'aucune manière avec les groupes paramilitaires qui sont de grands ennemis de la paix. Le gouvernement dirige des actions judiciaires et militaires contres les groupes paramilitaires. Ceux-ci entreprennent des actions en Colombie afin d'empêcher le processus de paix et, à titre d'exemple, il a cité l'attentat subi par le dirigeant syndical, le Dr Wilson Borga. Cet attentat fut condamné par le gouvernement et déploré par la société colombienne, comme les autres faits qui entravent la paix, assassinats de syndicalistes, de dirigeants politiques, de dirigeants d'entreprises, de spécialistes de la communication et de prêtres, ainsi que les séquestrations, les massacres et les disparitions. Il a indiqué que durant l'année 2001 plus de quarante syndicalistes ont été assassinés et que, selon le gouvernement, 95 pour cent de ces assassinats ont été commis par des groupes paramilitaires ennemis du syndicalisme. Le gouvernement vient de terminer un dialogue avec la guérilla et développe des actions militaires contre les paramilitaires et combat les liens entre les fonctionnaires de l'Etat et ces groupes. Des centaines de membres des groupes paramilitaires ont été détenus et leurs biens et armes ont été saisis. De plus, une commission d'experts a été constituée afin de faire un rapport sur la possible relation entre les membres des forces armées et les groupes paramilitaires; cette commission présentera dans trois mois des initiatives pour démanteler ces groupes. Il a indiqué que le gouvernement a pris des initiatives pour assurer la protection de syndicalistes pour lesquels il existe actuellement un fonds de protection de 2 500 000 dollars des Etats-Unis. Il a signalé que l'aide de l'OIT, afin que ce fonds ne s'affaiblisse pas, a été de grande importance et qu'il a cherché de l'aide auprès des autres pays pour qu'ils collaborent à la protection des syndicalistes.
Il a mentionné qu'un des éléments fondamentaux pour diminuer le niveau de violence est la collaboration de la communauté internationale afin d'obtenir un accord entre l'Etat et la guérilla relatif à la population civile, dans le cadre du droit international humanitaire. Il a également mentionné qu'un meilleur environnement pour la défense des droits de l'homme permettra aussi de créer un meilleur environnement pour faire progresser le processus de paix. Il y a dix jours, le gouvernement a signé un premier accord avec la principale organisation de guérilla du pays (FARC) sur un échange de personnes, selon lequel ce groupe libérera cent soldats et policiers, et le gouvernement remettra en liberté quinze guérilleros pour des raisons humanitaires et de santé. Cela peut être le début de nouveaux accords. Actuellement, on cherche également à conclure un accord avec le groupe insurgé ELN. Il n'existe pas de politique d'Etat contre le syndicalisme, mais il existe, en effet, une situation de violence qu'il faut abolir avec l'aide de la communauté internationale. La situation de violence affecte aussi l'exercice de droits syndicaux, consacrés dans la convention no 87, et, plus que tout, la vie des syndicalistes. Il a indiqué que le gouvernement est conscient que ce thème sera traité de nouveau, d'ici peu de jours, au sein du Conseil d'administration, afin d'examiner le troisième rapport du représentant spécial du Directeur général pour la coopération avec la Colombie, le Dr Alburquerque. Le gouvernement est ouvert à la collaboration de la communauté internationale, comme en fait foi la présence dans le pays depuis cinq années du délégué spécial du Haut Commissaire aux droits de l'homme dont les informations rappellent la nécessité de respecter les droits de l'homme. Le gouvernement apprécie la présence du Dr Alburquerque et les portes du pays sont ouvertes à toute organisation syndicale, organisation d'employeurs ou gouvernement qui veut collaborer au processus de paix. Toute coopération de la part du BIT est bienvenue et une éventuelle proposition du Conseil d'administration décidant d'étendre le mandat du représentant spécial sera appuyée. De plus, si une commission d'enquête est nommée, le gouvernement est disposé à étudier cette possibilité, car le peuple colombien est fatigué de tant de morts et, si le contexte de violence se perpétue, le pays ira sur le chemin de l'autodestruction. Le gouvernement est disposé à discuter de solutions élaborées dans le cadre de l'OIT. Se référant à l'observation de la commission d'experts, l'orateur a mentionné que celle-ci approuve les avancées introduites dans la législation par la loi no 584 et attire cependant l'attention sur le fait que certains autres points n'ont pas été abordés. Il s'est référé particulièrement au droit de grève des fédérations et confédérations syndicales et a signalé que, en vertu de la Constitution politique, ces organisations peuvent convoquer des grèves et que, depuis l'année passée, elles ont convoqué trois arrêts généraux de travail. Il a souligné que le gouvernement actuel respecte pleinement le droit à la protestation sociale et que le ministère du Travail ne dicte pas de mesures qui peuvent restreindre ce droit. En ce qui concerne la réglementation du droit de grève dans les services essentiels, la commission de concertation a traité de cette question, mais il n'y a pas eu d'accord. Cependant, il a souligné que, en pratique, le droit de grève est respecté dans les services essentiels et il s'est référé, à cet égard, à la grève menée depuis trente jours par les enseignants et les travailleurs du secteur de la santé. En ce moment, en Colombie, la personnalité juridique ou l'incorporation n'est pas niée aux organisations de travailleurs. Il a réaffirmé que son gouvernement a pour objectif de stimuler le dialogue social, non seulement pour diminuer les conflits, mais aussi pour juger les dénonciations des violations des droits syndicaux, sans jamais nier l'autonomie des parties qui désirent présenter des plaintes. Le gouvernement est ouvert à toutes les initiatives et à toute la coopération et l'assistance technique provenant de l'OIT. L'orateur a insisté pour que les représentants des travailleurs et des employeurs arrivent à un accord pour améliorer la liberté syndicale et les mécanismes de protection de la vie des syndicalistes afin de résoudre les questions relatives à la négociation par secteur d'activité, la réglementation de la grève dans les services publics ou généraux et le statut du travail. En concluant, il a indiqué que l'aide de l'OIT contribuera à ce que les droits syndicaux deviennent une réalité et à ce que la Colombie puisse avancer sur le chemin de la réconciliation.
Les membres travailleurs ont rappelé que les violations extrêmement graves des libertés syndicales en Colombie figurent en permanence à l'ordre du jour de la présente commission depuis plus d'une décennie. Ils ont déclaré que l'OIT dans son ensemble est profondément préoccupée par ces violations permanentes et répétées. Le Conseil d'administration va prochainement examiner les mesures à prendre à l'occasion du rapport du représentant spécial du Directeur général dont le mandat s'achève bientôt. En mars dernier, le groupe des travailleurs au sein du Conseil d'administration a exprimé à nouveau son inquiétude face à la persistance des violations antisyndicales et à l'insuffisance de la concrétisation des engagements pris par le gouvernement, dans un document résumant ses observations au deuxième rapport du représentant spécial du Directeur général. Ce document fait mention, entre autres, de l'impunité permanente des auteurs de crimes antisyndicaux, de l'insuffisance des mesures de protection des syndicalistes, du licenciement de syndicalistes par certaines entreprises et d'autres actes contraires à la convention no 87.
Dans leur observation de cette année, les experts confirment bon nombre de ces points. Tout d'abord, prenant note du rapport de la mission de contacts directs de février 2000 ainsi que de celui du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas concernant la Colombie, la commission d'experts a exprimé sa profonde préoccupation quant au climat de violence qui existe dans ce pays. Les membres travailleurs ont cité les conclusions du Comité de la liberté syndicale qui indiquent que "le nombre d'assassinats, de séquestrations, de menaces de mort ou autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués en Colombie est sans précédent dans l'histoire".
Indiquant qu'ils avaient eu l'occasion, ces derniers jours, d'obtenir des informations détaillées de leurs collègues colombiens sur les violations les plus récentes, les membres travailleurs ont fourni quelques chiffres: depuis 1996, 1 557 syndicalistes ont été assassinés, 60 ont disparu, 72 ont été enlevés, 1 670 ont reçu des menaces directes de mort; en 2000, 136 syndicalistes ont été assassinés, ce qui représente une augmentation de 59 pour cent par rapport à 1999; depuis le début de l'année 2001, entre le 1er janvier et le 30 mai, 46 syndicalistes ont été assassinés. La commission d'experts a rappelé que, bien que la violence soit un phénomène endémique, la qualité de dirigeant syndical constitue un élément essentiel de ces assassinats. Il en va de même des enlèvements qui visent en particulier les acteurs économiques et sociaux.
Dans son observation, la commission d'experts affirme, en se référant à l'étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, que "les garanties énoncées dans les conventions internationales du travail, et notamment celles qui concernent la liberté syndicale, ne peuvent être effectives que dans la mesure où sont aussi véritablement reconnues et protégées les libertés civiles et politiques consacrées par la Déclaration universelle des droits de l'homme et des autres instruments internationaux en la matière". Il va sans dire que le groupe des travailleurs est extrêmement préoccupé par rapport à la dégradation de la situation, d'une part, et à l'incapacité du gouvernement d'y apporter une réponse, d'autre part. Il revient au BIT et à cette commission d'appuyer la recherche de nouvelles solutions pour sortir de cette situation infernale dans laquelle vivent les syndicalistes colombiens.
Le problème de la liberté syndicale, qui est déjà en soi d'une gravité extrême, ne s'arrête toutefois pas au seul problème des atteintes à l'intégrité physique des syndicalistes. Comme le disait un de leurs camarades colombiens, "pendant que nous pleurons nos syndicalistes morts, d'autres sont occupés à faire mourir les syndicats". Et c'est aussi cet aspect des choses que la commission d'experts a soulevé dans son observation à propos du cas présenté par l'Union des travailleurs des transports maritimes (UNIMAR). Certaines organisations patronales, en effet, refusent de verser les cotisations syndicales qui ont été retenues, licencient des dirigeants syndicaux et retiennent leurs salaires, licencient les travailleurs qui assistent aux réunions du syndicat et bloquent les fonds du syndicat. Selon les informations dont dispose la commission, il ne s'agit pas d'un phénomène isolé. Les membres travailleurs estiment donc que les pratiques qui visent à nuire directement au fait syndical et à rendre impossible la liberté d'association de facto constituent le deuxième volet de ce cas.
Le troisième volet de ce cas est celui des réformes légales. Dans leur observation, les experts prennent note avec satisfaction de l'adoption de la loi no 584 du 13 juin 2000. Les membres travailleurs peuvent s'associer à cette appréciation, parce que la nouvelle loi répond effectivement, sur un nombre important de points, aux commentaires faits de longue date par la commission d'experts. Pourtant, il reste des questions en suspens ou de non-conformité avec la convention. Il s'agit, entre autres, et ils souhaitent que cela figure dans les conclusions, de la conditionnalité en ce qui concerne la nationalité et des restrictions en ce qui concerne la liberté en matière d'activités syndicales. Ils notent toutefois que le gouvernement s'est engagé à y remédier et cela dans le respect de la démarche tripartite.
Si l'on s'en tenait uniquement aux dispositions du Code du travail, on pourrait sans doute se réjouir. Malheureusement, l'autre face de la réalité colombienne est trop douloureuse et trop grave pour ne pas être celle qui doit retenir l'attention prioritaire la plus absolue de la commission. L'impunité continue des assassinats et autres actes de violence perpétrés contre les syndicalistes, et les pratiques antisyndicales obligent, une fois de plus, cette commission à adopter une attitude ferme vis-à-vis du gouvernement auquel il incombe de s'assurer de l'application dans la pratique de la convention no 87 et, avant tout, d'agir pour que les droits les plus élémentaires, comme le droit à la vie, soient garantis.
Compte tenu des multiples efforts déployés par l'OIT dans le passé, les membres travailleurs souhaitent un renforcement de sa position en la matière. C'est pourquoi ils espèrent que les conclusions de la commission sur ce cas figureront dans un paragraphe spécial. Dans un souci d'efficacité, par rapport aux tentatives infructueuses du passé, les membres travailleurs ont adressé les demandes suivantes au gouvernement: a) que soient garantis la liberté d'action et le droit d'opposition des organisations syndicales; b) qu'un véritable processus de dialogue social soit promu en vue de promouvoir un climat de paix sociale et de respect des droits de chacun, et de pouvoir trouver ainsi un consensus sur les mesures à prendre pour rendre le Code du travail en pleine conformité avec les termes de la convention; et c) que soit assurée une protection effective contre les actes de violence, en ce qui concerne aussi bien les menaces de mort et les assassinats des syndicalistes que les enlèvements des acteurs économiques et sociaux. Ils ont souligné une nouvelle fois qu'il convient de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l'impunité des auteurs de tels crimes. Finalement, les membres travailleurs ont souhaité que la commission soutienne dans ses conclusions la demande, qui est devant le Conseil d'administration, d'envoyer une commission d'enquête en Colombie ou de trouver un autre mécanisme adéquat visant les mêmes objectifs, c'est-à-dire assurer un progrès tangible et concret dans la lutte contre la spirale infernale de la violence dont souffrent ce pays et tout particulièrement les syndicalistes.
Les membres employeurs ont rappelé que le cas de la Colombie est un cas grave que la Commission de la Conférence a examiné à plusieurs reprises. Dans ses observations, la commission a affirmé à juste titre que le contexte actuel, à savoir le climat de violence qui règne dans le pays, entrave gravement l'exercice du droit à la liberté syndicale. La commission d'experts a pris note avec une profonde préoccupation du climat de violence qui existe dans ce pays. Elle a également fait référence aux conclusions du Comité de la liberté syndicale et au rapport de la mission de contacts directs qui s'est rendue dans le pays en février 2000, ainsi qu'aux allégations présentées par divers syndicats. Le représentant gouvernemental a ouvertement reconnu la situation actuelle du pays et s'est déclaré prêt à prendre en considération toute proposition qui lui serait faite pour y remédier. Les membres employeurs ont affirmé qu'il est extrêmement important de trouver des solutions et se sont par conséquent félicités de ce que le représentant gouvernemental n'ait pas tenté, comme lors des précédents examens de ce cas par la commission, de nier la gravité de la situation. Ce changement d'attitude constitue déjà un signe positif. En outre, les membres employeurs considèrent que le représentant gouvernemental a raison d'affirmer que le climat de violence ne porte pas préjudice aux seuls syndicats, mais également aux employeurs, à la classe politique et, en dernière analyse, à la société tout entière. Ils ont ajouté que le caractère exceptionnel de la situation tient en outre au fait que le gouvernement a conclu avec la guérilla et les forces paramilitaires des accords précisant les zones d'influence de chaque groupe à l'intérieur du pays.
Les membres employeurs ont néanmoins fait observer que la commission d'experts avait constaté certains progrès par rapport à l'année précédente du fait de l'adoption de la loi no 584 du 13 juin 2000. Cette loi abroge ou modifie un certain nombre de dispositions à propos desquelles la commission formule des commentaires depuis de nombreuses années. La commission d'experts a donc cité la Colombie dans la partie générale de son rapport comme un cas de progrès en ce qui concerne l'application de la convention. Les amendements portent notamment sur les dispositions stipulant que, pour qu'un syndicat puisse être enregistré, l'inspection du travail doit certifier qu'il n'en existe pas d'autres, qu'il faut être Colombien pour être membre de la direction d'un syndicat et qu'il faut être Colombien pour être membre d'une délégation qui saisit l'employeur d'un cahier de revendications.
En ce qui concerne le fait que la nouvelle loi passe outre d'autres dispositions législatives à propos desquelles la commission d'experts a formulé des commentaires, et en particulier sur le droit de grève, les membres employeurs ont rappelé que, selon eux, le droit de grève ne découle pas de la convention et qu'aucune mesure législative n'est donc nécessaire sur ce point. Notant qu'un avant-projet de loi sur le droit de grève a été élaboré à l'occasion de la mission de contacts directs de février 2000, ils ont indiqué qu'il appartient au gouvernement de décider d'adopter ou non une loi concernant le droit de grève. De l'avis des membres employeurs, l'adoption d'une telle loi n'est pas indispensable à l'application de la convention.
En conclusion, les membres employeurs ont souligné que, compte tenu de la situation générale du pays, il est important que des consultations aient lieu entre le gouvernement et les partenaires sociaux pour rechercher des solutions de nature à remédier, autant que faire se peut, à la situation.
Le membre travailleur de la Colombie a pris note de la déclaration du ministre du Travail de son pays. Il a indiqué que, à l'évidence, la situation des travailleurs de son pays ne s'est pas détériorée, le ministre s'étant mis du côté du secteur le plus vulnérable, c'est-à-dire les travailleurs. L'intervenant a souligné que, aujourd'hui plus que jamais, il faut saluer ce qui est positif, d'autant plus que, dans le climat de violence qui est celui du pays, les actes et les attitudes démocratiques contribuent à la difficile reconstruction nationale. Toutefois, l'intervenant a estimé qu'il se devait d'évoquer devant la commission des faits qui, à son sens, peuvent aider à comprendre la situation. Il a indiqué à la commission la présence de M. Wilson Borja, président de la Fédération nationale des agents de l'Etat. Par miracle, celui-ci a échappé à un attentat, le 15 décembre 2000 à Bogotá, qui aurait pu lui coûter la vie. Voilà qui montre comment certains secteurs de l'extrême droite cherchent à régler les conflits politiques, sociaux ou du travail par la violence ou l'élimination physique. L'intervenant a souligné que, au cours des cinq premiers mois et demi de 2001, 46 travailleurs ont été assassinés mais que l'on ne voit pas d'issue à cette situation ténébreuse. L'intervenant a ajouté que les travailleurs sont préoccupés par une politique permanente et soutenue d'élimination physique des syndicalistes mais aussi d'extermination des syndicats, lesquels sont l'objet de toutes sortes d'agressions qui les empêchent de s'organiser, de conclure des conventions collectives et d'exercer le droit de grève. Il est essentiel de prendre pleinement conscience que, en matière de liberté syndicale, la situation est très grave. Les faits parlent d'eux-mêmes:
-- En 1997, pour avoir exercé leur droit de grève, 23 travailleurs ont été licenciés de l'entreprise Telecom de Bogotá, dont trois dirigeants syndicaux présents à la commission. A ce jour, ils n'ont pu être réintégrés dans l'entreprise. Pourtant, le ministre du Travail a abrogé la résolution en vertu de laquelle le licenciement a été justifié et la réinsertion de ces travailleurs refusée au motif qu'ils avaient commis des actes contraires à la loi. L'intervenant a formé l'espoir que les représentants des instances de justice présents à la commission prendront note de ses déclarations.
-- Ces deux dernières années, le licenciement de plus de 120 dirigeants du Syndicat de l'Institut national pénitentiaire, à l'échelle nationale et régionale, a été décidé dans l'impunité la plus absurde, pour motif d'exercice du droit de protestation. La situation est telle que ce syndicat, qui comptait environ 7 000 membres, n'en a plus actuellement que 1 000. En outre, l'application de la loi no 617 a débouché sur des milliers de licenciements dans le secteur public, et l'accord entre le gouvernement et le FMI sur la fermeture d'entreprises.
-- La situation en matière de liberté syndicale, de conventions collectives et de grèves est à ce point grave que, actuellement, ce ne sont pas les travailleurs qui soumettent des cahiers de revendications aux employeurs mais l'inverse. Il s'agit là d'une politique absurde et inacceptable de contre-revendications patronales, lesquelles ont poussé à la grève les travailleurs de Bavaria et de la Croix-Rouge. Par ailleurs, l'intervenant a appris que, la veille, le Congrès de la république a approuvé à une majorité considérable une proposition de Statut de la sécurité, dont le gouvernement a eu l'initiative, qui aggravera la situation.
-- A Bavaria, un accord a été conclu cette semaine mais, à la Croix-Rouge, le conflit reste sans solution.
L'intervenant a ajouté que, dans son pays, il sera pratiquement impossible de parvenir à la paix si l'on ne trouve pas sans plus attendre des mécanismes qui garantissent pleinement, entre autres, le droit à la vie, les droits de l'homme, les libertés syndicales, le droit de négociation et la stabilité dans l'emploi.
En conclusion, l'intervenant a posé au gouvernement les questions suivantes: a) pour quelles raisons le statut du travail, qui découle d'un mandant constitutionnel, n'a-t-il pas fait l'objet d'un accord? b) Pourquoi les services publics essentiels ne sont-ils pas définis? c) Pourquoi les employeurs du pays s'opposent-ils autant à la négociation collective par branche? d) Dans quel but promeut-on les contre-cahiers de revendications des employeurs? L'intervenant a estimé que la commission doit faire figurer ses conclusions dans un paragraphe spécial, dans une perspective positive.
Le membre employeur de la Colombie a déclaré que les employeurs colombiens condamnent les actes violents qui affectent la coexistence des citoyens de son pays et qui menacent le développement économique et la stabilité des institutions démocratiques qui composent l'Etat de droit. Il a déploré particulièrement l'attentat contre Wilson Borja (dirigeant syndicaliste connu) ainsi que la mort de syndicalistes et de dirigeants sociaux, victimes du conflit interne armé qui dure depuis des décennies et dont la solution s'obtiendra à travers des négociations politiques. Il a reconnu l'effort que vient de réaliser le gouvernement dans la recherche d'avancées dans le processus de paix, avec les FARC, qui vient de se terminer, et dans les solutions trouvées aux différends avec l'ELN. La coopération internationale, au cours des dernières années, a constitué un appui précieux pour continuer sur le chemin de la paix. Après l'échange humanitaire de soldats et de policiers séquestrés contre des guérilleros des FARC, détenus dans les prisons et en mauvais état de santé, les employeurs croient nécessaire que soit conclu un accord assurant le respect du droit international humanitaire afin que la société civile ne soit plus affectée. Le coût du conflit interne est très élevé. Chaque année en Colombie 27 000 personnes sont assassinées, dont la majorité sont des jeunes. Quinze pour cent de celles-ci sont des victimes de ce conflit. Le pays investit près de 2,5 pour cent de son PIB annuel pour combattre, d'une part, les rebelles et, d'autre part, les groupes d'autodéfense. La croissance économique annuelle serait 2,5 fois supérieure à celle enregistrée historiquement si le pays jouissait de conditions de sécurité similaires aux pays voisins. Les employeurs voient des signes de confiance dans les indicateurs économiques actuels: inflation à un chiffre, taux de change réels élevés, réduction substantielle des taux d'intérêt, contrôle de la contrebande, augmentation des réserves internationales, réduction du déficit fiscal et augmentation des exportations. L'année dernière le PIB a augmenté de 2,8 pour cent, après avoir chuté d'au moins 4 pour cent en 1999.
Concernant l'appui qui vient d'être donné par l'OIT au travail et à la concertation entre les employeurs, les travailleurs et les gouvernements, il a émis l'avis que l'assistance donnée par l'équipe technique multidisciplinaire du bureau régional n'a pas permis d'obtenir des accords sur des sujets tels que la sécurité sociale, la formation professionnelle, les incitations fiscales liées à l'emploi, les modifications à la législation du travail et la définition des services publics essentiels. Le processus de discussion et de conclusion d'accords doit se poursuivre, et les employeurs sont intéressés à poursuivre le processus avec la présence et le suivi de l'OIT. De plus, le représentant spécial du Directeur général du BIT dégage des rapports sur l'activité qui vient de se dérouler la nécessité que le gouvernement et les autres institutions de l'Etat mettent sur pied des programmes plus efficaces pour assurer une protection aux syndicalistes menacés, progresser rapidement dans l'identification des responsables des délits contre les travailleurs et les employeurs ainsi que pour combattre avec plus de force tous les facteurs de violence qui entravent la démocratie et le fonctionnement des institutions sociales du pays. Il a exprimé sa conviction qu'une meilleure présence des fonctionnaires de l'OIT en Colombie et qu'un contact permanent avec les représentants des différents secteurs sociaux contribueront positivement à l'avancée du processus de paix. A cet égard, il a considéré comme positif le renforcement technique et politique de cet organisme. Les employeurs ont constaté avec enthousiasme le dialogue tripartite régional qui s'est engagé dans le pays ainsi que la création de la commission spéciale pour le traitement de plaintes devant l'OIT, de manière à ce qu'on évite leur traitement à l'extérieur du pays et qu'on trouve des solutions par consensus. A cet égard, il a considéré qu'il est indispensable que le gouvernement national réglemente le mécanisme d'information qui permet aux organisations d'employeurs d'assurer leur défense dans les procédures de plainte.
En résumé, le pays est en train de surmonter ses problèmes structurels dans le domaine économique et il y a eu des avancées dans les indicateurs sociaux. Cependant, le grand défi de mettre fin au conflit interne qui détruit des vies et le patrimoine, détériore la croissance et affecte la démocratie et l'éthique demeure. L'orateur a déclaré que l'engagement de sa génération est de déchiffrer et résoudre les facteurs qui ont mené à un passif violent et d'ouvrir les portes à une société pluraliste, solidaire, accueillante et prospère.
Enfin, il a voulu transmettre les paroles exprimées par le président de l'association des employeurs de Colombie, ANDI, au moment de la libération de sa fille Juliana, qui a été séquestrée par les FARC: "Avoir de nouveau Juliana à la maison nous donne l'espoir que la paix dans le pays est possible si la société s'engage à l'obtenir en s'unissant, au-delà de toute différence autour du gouvernement et des tables de négociation. Je continuerai comme toujours à servir cette cause, qui est la cause de la Colombie."
Le membre travailleur des Etats-Unis a réaffirmé que, dans le cas à l'étude, le n ud du problème est incontestablement le défaut fondamental, violent et tragique d'application de la convention par la Colombie. Toutefois, tous les gouvernements de la communauté internationale, et en particulier le sien, doivent assumer leurs responsabilités quant à la tragédie de la réalité humaine, et aux questions de vie et de mort, au sens propre, qui sont à l'origine des observations de la commission d'experts. Néanmoins, cette responsabilité collective de la communauté internationale n'excuse pas la Colombie. En effet, la communauté internationale, représentée par la Commission de la Conférence, a l'obligation morale d'accorder à ce cas l'attention exceptionnelle qu'il mérite. Tous les gouvernements, et en particulier le sien, qui financent le Plan Colombia doivent reconnaître et assumer la responsabilité des retombées du plan sur l'application de la convention. En outre, l'orateur a exhorté son gouvernement à tenir compte de la situation concernant les droits de l'homme et les droits des travailleurs en Colombie dans la formulation de la loi sur les préférences commerciales accordées aux pays andins, qui sera promulguée dans le courant de l'année.
Tout en prenant en considération les points soulevés dans le rapport de la commission d'experts en ce qui concerne les réformes auxquelles a procédé le pays à la suite de l'adoption de la loi no 584, il a souligné que ces réformes ne sont pas de nature à éradiquer les causes profondes des très graves violations de la liberté syndicale dans le pays. Les améliorations apportées au Code du travail ont été réduites à néant par les infractions fondamentales à la convention qui se sont produites par la suite. Premièrement, l'amendement de l'article 486 concernant l'obligation faite aux dirigeants ou représentants syndicaux de fournir des informations et de les prouver demeure inacceptable et n'est pas amélioré par la disposition prévoyant que les autorités ne pourront exercer ces facultés qu'à la demande d'un syndicat ou d'une organisation de niveau supérieur auquel celui-ci est affilié. Deuxièmement, la législation en vigueur constitue un obstacle non négligeable à l'instauration de la négociation collective sectorielle puisqu'elle continue d'exiger que les syndicats obtiennent la majorité dans chaque entreprise d'une branche donnée pour avoir le droit de conclure un accord sectoriel. Troisièmement, le gouvernement ne dispose pas, afin de prévenir la discrimination antisyndicale et d'y remédier, des moyens nécessaires pour réaliser des inspections et pour faire appliquer la loi. Il n'y a en effet que 270 inspecteurs du travail pour couvrir 300 000 entreprises. En outre, ces inspecteurs n'ont pas les véhicules et l'équipement nécessaires pour exercer correctement leurs fonctions et sont souvent découragés de le faire car ils sont désignés comme des cibles militaires. Quatrièmement, les pactes collectifs, en d'autres termes les accords entre travailleurs isolés et leurs employeurs, ne font pas l'objet de conventions collectives et sont souvent utilisés pour faire obstacle à l'organisation des travailleurs. Le ministère du Travail a peu d'influence, sinon aucune, sur ces pratiques, ce qui a de graves conséquences pour l'application des conventions nos 87 et 98. En dernier lieu, l'orateur a attiré l'attention sur le fait que la question centrale du défaut d'application demeure celle de l'atteinte à l'intégrité physique des syndicalistes colombiens. Sur ce point, la référence faite par la commission d'experts aux conclusions de la mission de contacts directs, selon lesquelles "la qualité de dirigeant syndical constitue un élément essentiel des assassinats", devrait une fois pour toutes démentir l'affirmation faite par le gouvernement dans le passé que l'assassinat de syndicalistes ne serait pas systématique, mais le résultat d'une violence endémique dans le pays. Les forces paramilitaires ont récemment averti que les syndicalistes étaient pris pour cibles uniquement en raison de leur activité.
Il a relevé que, depuis la décision prise l'année dernière par le Conseil d'administration d'établir un Bureau de l'OIT à Bogota et de nommer à sa tête un représentant spécial du Directeur général, l'impunité s'est poursuivie. Plus de 130 syndicalistes ont été assassinés en 2000 et plus de 46 au cours des six premiers mois de cette année. Les auteurs de ces assassinats n'ont toujours pas été cités en justice.
L'orateur a donc fait appel à l'humanité et à la conscience des membres de la commission, et en particulier des membres employeurs, au nom des droits de l'homme et des droits des travailleurs les plus fondamentaux, en leur demandant de citer le cas dans un paragraphe spécial du rapport et de recommander que l'OIT fasse tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer au redressement de la situation, éventuellement en désignant une commission d'enquête.
Le membre travailleur de la Côte d'Ivoire a déclaré qu'à entendre la déclaration du ministre du Travail de la Colombie le gouvernement colombien n'a aucune responsabilité dans les assassinats, menaces de mort et séquestrations des syndicalistes. De plus, le ministre du Travail a même invité le Bureau international du Travail et la communauté internationale à aider la Colombie à sortir de la spirale de violence dans laquelle elle est plongée. Après avoir écouté le ministre, le membre travailleur s'est demandé pourquoi la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale avaient formulé de tels commentaires et un tel rapport alors que le gouvernement colombien est irréprochable. Il a cependant indiqué que les propos du camarade délégué travailleur l'ont tout de suite édifié quant à la réalité de la gravité de la situation en Colombie.
Dans ce pays, les assassinats sont érigés en institution. Il ne se passe pas un mois sans qu'un syndicaliste ne soit assassiné. Le gouvernement est le garant des libertés publiques et individuelles, en conséquence il doit permettre par tous les moyens aux syndicalistes d'exercer librement leurs activités. S'il est vrai que la convention no 87 prévoit la liberté syndicale, encore faut-il être vivant pour exercer cette liberté. Le syndicalisme est fait par les hommes et pour les hommes et non pour les morts. Les libertés civiles et politiques doivent donc être protégées par le gouvernement. Le rapport de la commission d'experts est clair à ce sujet. Chaque Conférence qui passe voit le lot des syndicalistes assassinés s'agrandir, sans que le gouvernement puisse lui dire concrètement qui assassine les syndicalistes et pourquoi. En ce mois de juin 2001, plus de 40 morts ont déjà été enregistrés. Qu'en sera-t-il d'ici à la fin de l'an? Il est grand temps que la communauté internationale s'investisse davantage dans la résolution définitive du problème colombien pour que cessent ces tueries en Colombie. L'orateur a appuyé pleinement les propos du membre travailleur colombien.
Le membre travailleur de l'Argentine a déploré que, de nouveau, la commission ait à examiner la grave situation des travailleurs en Colombie. Il a constaté, avec consternation et avec une profonde douleur, que des dirigeants syndicaux, en raison de leur qualité, sont assassinés. En permanence, leur vie et leur liberté sont menacées. En 2001, on compte déjà 46 assassinats de dirigeants syndicaux. La situation est dramatique, et en outre le gouvernement applique des lois du travail qui sont contraires aux conventions de l'OIT et restreignent l'exercice du droit de grève et de la liberté syndicale. L'interdiction du droit de grève dans beaucoup de services, qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme et qui recouvrent divers secteurs, revient, à n'en pas douter, à empêcher directement les travailleurs de faire grève. Cette situation est aggravée par le fait qu'il n'existe pas d'autres moyens de résoudre les conflits collectifs. De plus, le ministère du Travail impose le recours à l'arbitrage pour résoudre les conflits d'intérêts.
L'intervenant a souligné par ailleurs que, comme la commission en a été informée, les employeurs appliquent les politiques du travail négatives du gouvernement pour rendre encore plus précaires les conditions de travail. Ils dénoncent les conventions collectives en vigueur pour obtenir des baisses salariales et des conditions de travail plus favorables à leurs intérêts économiques. La gravité de la situation en Colombie ne permet pas les atermoiements. La décision de la commission doit être énergique et juste. On ne saurait permettre que des situations comme celle de la Colombie se poursuivent. La vie, la santé et la liberté des travailleurs de la Colombie n'ont pas de prix.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a donné 47 raisons justifiant la mention du cas de la Colombie dans un paragraphe spécial du rapport de la commission. Les 47 assassinats énumérés ci-dessous ont été commis cette année:
-- 10 janvier 2001, Edgar Orlando Marulanda Ríos (SINTRAOFAN), assassiné;
-- 17 janvier 2001, Miguel Antonio Medina Bohórquez (SINTRENAL), assassiné;
-- 17 janvier 2001, Tello Barragán Aldona (vice-président du Sindicato de Loteros del Magdalena - SINTRALOPE), assassiné;
-- 18 janvier 2001, Arturo Alarcón (ASOINCA, affilié à FECODE), assassiné
-- 21 janvier 2001, Jair Cubides (Sindicato de Trabajadores del Departamento del Valle - SINTRADEPARTAMENTO), assassiné;
-- 24 janvier 2001, José Luis Guette (président de SINTRAINAGRO), assassiné;
-- 26 janvier 2001, Walter Dione Perea Díaz (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 26 janvier 2001, Carlos Humberto Trujillo (ASONAL JUDICIAL, section de Buga), assassiné;
-- 28 janvier 2001, Elsa Clarena Guerrero (ASINORT, affilié à FECODE), assassinée;
-- 28 janvier 2001, Carolina Santiago Navarro (ASINORT, affilié à FECODE), assassinée;
-- 8 février 2001, Alfonso Alejandro Naar Hernández (Asociación de Educadores del Arauca - ASEDAR, affilié à FECODE), assassiné;
-- 11 février 2001, Alfredo Flórez (Sindicato Nacional de Trabajadores de la Industria del Cultivo y Procesamiento de Aceites y Vegetales - SINTRAPOACEITES), assassiné;
-- 12 février 2001, Nilson Martínez Peña (Sindicato de Trabajadores de la Palma de Aceite y Oleaginosas - SINTRAPALMA), assassiné;
-- 12 février 2001, Raúl Gil Ariza (Sindicato de Trabajadores de la Palma de Aceite y Oleaginosas - SINTRAPALMA), assassiné;
-- 16 février 2001, Pablo Padilla (vice-président de SINTRAPROACEITES, section de San Alberto), assassiné:
-- 16 février 2001, Julio Cesar Quintero (SINTRAISS, section de Barrancabermeja), assassiné;
-- 20 février 2001, Cándido Méndez (Sindicato de Trabajadores de la Industria Minera y Energética - SINTRAMIENERGETICA, section de Loma), assassiné;
-- 22 février 2001, Edgar Manuel Ramírez Gutiérrez (vice-président de SINTRAELECOL, section de Santander Nord), assassiné;
-- 23 février 2001, Lisandro Vargas Zapata (ASPU, section de Atlantico), assassiné;
-- 1er mars 2001, Víctor Carrillo (SINTRAELECOL, section de Málaga), assassiné;
-- 3 mars 2001, Darío Hoyos Franco, assassiné;
-- 12 mars 2001, Valmore Locarno (président de SINTRAMIENERGETICA), assassiné;
-- 12 mars 2001, Victor Hugo Orcasita (vice-président de SINTRAMIENERGETICA), assassiné;
-- 13 mars 2001, Rodion Peláez Cortés (ADIDA), assassiné;
-- 18 mars 2001, Rafael Atencia Miranda (Unión Sindical Obrera de la Industría del Petróleo - USO, section de Casabe), assassiné;
-- 20 mars 2001, Jaime Sánchez (SINTRAELECOL, section de Santander), assassiné;
-- 20 mars 2001, Andrés Granados (SINTRAELECOL, section de Santander), assassiné;
-- 21 mars 2001, Juan Rodrigo Suárez Mira (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 24 mars 2001, Luis Pedraza (USO, branche de Arauca), assassiné;
-- 24 mars 2001, Ciro Arias (président du Sindicato Nacional de Trabajadores de la Industria Colombiana de Tabacos - SINTRAINTABACO, section de Capitanejo), assassiné;
-- 26 mars 2001, Robinson Badillo (Sindicato de Trabajadores y Empleados de Servicios Públicos, Autónomos e Institutos Descentralizados de Colombia - SINTRAEMSDES, section de Barrancabermeja), assassiné;
-- 27 mars 2001, Mario Ospina (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 27 mars 2001, Jésus Antonio Ruano (Asociación de Empleados del Instituto Nacional Penitenciario - ASEINPEC), assassiné;
-- 2 avril 2001, Ricardo Luis Orozco Serrano (premier vice-président de ANTHOC Nacional), assassiné;
-- 4 avril 2001, Aldo Mejía Martínez (président du Sindicato Nacional de Trabajadores de Acueducto, Alcantarillado y Obras Públicas - SINTRACUEMPONAL, section de Codazzi), assassiné;
-- 11 avril 2001, Saulo Guzmán Cruz (président du Sindicato de Trabajadores de la Salud de Aguachica), assassiné;
-- 26 avril 2001, Francisco Isaías Cifuentes (ASIONINCA, affilié à FECODE), assassiné, et sa femme, L. María Fernandez Cuellar, assassinée; leur enfant de 5 ans a été grièvement blessé au cours de l'attentat.
-- 27 avril 2001, Frank Elías Pérez Martínez (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 2 mai 2001, Darío de Jésus Silva (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 9 mai 2001, Juan Carlos Castro Zapata (ADIDA, affilié à FECODE), assassiné;
-- 10 mai 2001, Engeniano Sánchez Díaz (SINTRACUEMPONAL, section de Codazzi), assassiné;
-- 14 mai 2001, Julio Alberto Otero (ASPU, section de Caqueta), assassiné;
-- 16 mai 2001, Miguel Antonio Zapata (président de l'ASPU, section de Caqueta), assassiné;
-- 21 mai 2001, Carlos Eliécer Prado (SINTRAEMCALI), assassiné;
-- 25 mai 2001, Henry Jiménez Rodríguez (SINTRAEMCALI), assassiné;
-- 29 mai 2001, Nelson Narváez (SINTRAUNICOL), assassiné.
L'orateur a ajouté qu'il n'avait pas cité les noms de plus de 50 collègues assassinés entre l'ouverture de la dernière Conférence et la fin de l'année 2000. Il n'a pas non plus été en mesure de donner les noms de tous les enfants qui ont perdu leurs pères ou leurs mères ou les deux. Ni les noms des 69 enseignants qui ont reçu des menaces de mort cette année. En dernier lieu, il a exprimé le regret que le représentant gouvernemental n'ait pas abordé la question de l'impunité dans laquelle ces meurtres ont été commis. Il n'y aura pas d'Etat de droit tant qu'une telle impunité persistera dans le contexte de ce qui semble être une élimination systématique des dirigeants syndicaux de la Colombie, à laquelle s'ajoute une recrudescence des attaques menées contre les membres de base des syndicats. Cependant, heureusement, Wilson Borja est présent dans cette commission, ainsi que d'autres collègues syndicalistes colombiens qui ont survécu à de nombreuses tentatives d'assassinat. Les noms des collègues dont il a donné la liste sont les témoins silencieux d'une situation à propos de laquelle le moins que la commission puisse faire est de la mentionner dans un paragraphe spécial de son rapport.
Le membre travailleur de la France a constaté que le climat de violence qui règne en Colombie contre les dirigeants syndicaux est sans précédent dans l'histoire selon le Comité de la liberté syndicale. Il a affirmé que le gouvernement et les employeurs qui plaident en faveur de la paix, des libertés publiques et des droits de l'homme - à juste titre - semblent toutefois tenir un double langage en ce qui concerne les organisations syndicales. En ce qui concerne les employeurs, nombre d'entre eux, dans la pratique, font obstacle par différents moyens (dont la confiscation ou la rétention des cotisations syndicales) au libre exercice des activités syndicales. Du côté gouvernemental, si l'on note les améliorations apportées au Code du travail en ce qui concerne les dispositions restrictives abusives dénoncées par la commission depuis des années, il reste par exemple l'interdiction absolue faite aux fédérations et confédérations d'appeler à la grève, alors que le droit de grève est reconnu dans ce pays. Le fait que le droit de grève soit entouré de limitations et exceptions exagérées, en particulier dans les services publics non essentiels, constitue une ingérence dans le droit des travailleurs d'organiser leurs activités et une entrave légale excessive au droit syndical. La grève, a rappelé l'orateur, est l'ultime moyen dont disposent les travailleurs quand les autres moyens ont été épuisés pour leur permettre de promouvoir leurs revendications. Si l'exercice de ce droit peut être soumis, éventuellement, à certaines règles légales, son interdiction constitue une entrave fondamentale à la liberté syndicale en vertu de la convention no 87 (art. 3) mais aussi du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux, et culturels (art. 8). L'exercice du droit de grève est une des activités légitimes des organisations syndicales qui, au même titre que les autres activités syndicales, entrent dans le champ d'application de la convention.
Si le groupe des employeurs a décidé unanimement de se livrer à une escalade préméditée et de défier systématiquement la jurisprudence constamment suivie par les différents organes de contrôle de l'OIT (il est vrai de façon plus nuancée depuis 1998), cela ne devrait pas obliger cette commission à admettre ce revirement injustifié. Sans le droit de grève, la liberté syndicale est mutilée et affaiblie et les travailleurs sont laissés sans défense efficace face aux employeurs. Admettre cette proposition révisionniste d'exclure le droit de grève du champ d'application de la liberté syndicale irait aussi à l'encontre des pratiques nationales en matière d'interprétation juridique, qui consistent à interpréter les textes dans le respect des objectifs fondamentaux qu'ils poursuivent. D'ailleurs, la pratique commune des Etats, si l'on se réfère à ce critère d'interprétation (contenu dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, et souvent évoquée par les membres employeurs), n'est pas d'exclure le droit de grève du droit syndical, sauf exception, mais de le reconnaître en l'encadrant parfois de manière excessive.
La convention no 87 n'existe pas non plus dans un désert juridique; elle est une composante du droit international, en particulier des droits de l'homme. Il est regrettable que le membre employeur de la France ait soutenu une interprétation aussi étriquée de la liberté syndicale et l'orateur a félicité le représentant gouvernemental de l'Allemagne pour son analyse d'une parfaite honnêteté intellectuelle qui aurait dû être appuyée, au moins, par tous les autres pays membres de l'Union européenne. Le gouvernement colombien a l'obligation de promouvoir la liberté syndicale ainsi que de faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les syndicalistes et militants des droits de l'homme et, plus généralement, l'ensemble de ses citoyens des exactions commises par les troupes paramilitaires et les différents groupes armés qui commettent ces assassinats, tortures et enlèvements, lesquels ont contraint des centaines de milliers de personnes à devenir des réfugiés dans leur propre pays.
En conclusion, l'orateur a formulé l'espoir que le gouvernement acceptera de recevoir la commission d'enquête, question que le Conseil d'administration examine depuis maintenant trois ans pour aider le gouvernement à se conformer à la convention. Il a souhaité que le gouvernement fasse également appel à l'assistance technique du Bureau pour l'aider à mettre en uvre les conclusions et recommandations de la commission. Enfin, il a tenu à réaffirmer le ferme soutien des organisations syndicales françaises au peuple et aux syndicalistes colombiens dans leur action courageuse et permanente pour le respect des libertés et des droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, dans le cadre d'un Etat de droit et dans la paix et la réconciliation. La gravité de ce cas justifie à ses yeux son inscription dans un paragraphe spécial du rapport de cette commission.
Le membre travailleur du Mexique a signalé que, selon les déclarations entendues, les travailleurs du monde sont extrêmement préoccupés par les assassinats des travailleurs colombiens. Le climat de violence existant dans le pays fait partie d'une campagne plus large du mouvement d'extrême droite pour faire taire les dirigeants qui s'élèvent contre le statu quo.
Il a ajouté que les travailleurs condamnent ces faits en même temps qu'ils se rappellent qu'au cours de l'année 2000 il y a eu une augmentation de 63 pour cent des assassinats en comparaison de 1999, sans compter les menaces de mort et la disparition de syndicalistes. Il a ajouté que, depuis le début de l'année, 46 syndicalistes ont été assassinés, ce qui démontre une fois de plus la totale impunité qui existe dans le pays. Malgré la pression nationale et internationale, le gouvernement colombien n'a fait aucun effort pour remédier à la situation et garantir le plein exercice du droit fondamental d'organisation syndicale. Il a considéré qu'il est important de se rappeler les violations permanentes à la liberté syndicale, au droit de négociation collective et au droit de grève, en plus de ce qui a été établi par la commission d'experts dans son rapport. Finalement, il a signalé que la situation décrite justifie que le cas de la Colombie figure dans un paragraphe spécial et qu'on envoie une commission d'enquête ou qu'on adopte toute autre mesure pour trouver une solution au problème vécu par les travailleurs colombiens.
Le membre travailleur de la Suède a signalé que la commission d'experts a décrit très clairement, dans son rapport, le climat de violence dans lequel vivent la Colombie et en particulier les syndicalistes, les militants sociaux et les défenseurs des droits de l'homme. Elle a ajouté que le gouvernement a manifesté, au cours de multiples sessions de la commission, son engagement à se conformer pleinement avec les dispositions de la convention no 87. Toutefois, en réalité, la violence est chaque jour plus forte et la situation continue de se détériorer rapidement. En Colombie, il n'y a pas de liberté syndicale. La quantité alarmante de morts, séquestrations, menaces de mort et autres actes violents contre les membres et les dirigeants syndicaux a atteint un niveau sans pareil dans l'histoire du pays. La commission d'experts a constaté que le groupe le plus affecté par cette violence est celui des dirigeants syndicaux. Cette violence brutale et presque incompréhensible a causé, depuis le début de l'année, la mort de 47 syndicalistes.
Le gouvernement colombien a tendance à se décrire comme une victime. Cependant, les vraies victimes sont les syndicalistes qui, au nombre de plus de 2 500, sont morts entre 1987 et 2001. L'oratrice a recommandé instamment au gouvernement qu'il assume sa responsabilité et qu'il prenne les mesures pour en finir avec l'impunité. Il y a un manque de volonté politique, de détermination et de compréhension face à la contribution que l'OIT offre. Elle a reconnu la prudence du ministre actuel du Travail devant la situation et a observé qu'en même temps d'autres ministres du Cabinet expriment de fortes critiques contre les syndicats et leurs demandes pour une réforme sociale, économique et politique du pays.
L'oratrice a signalé que la commission continue d'observer que le gouvernement doit reconnaître et protéger les droits civils et politiques tels qu'ils sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la convention no 87, particulièrement ceux relatifs à la liberté syndicale. Elle a terminé en exprimant son ferme désir que les conclusions sur le cas de la Colombie soient incluses dans un paragraphe spécial.
Le membre travailleur de Cuba a signalé que les nombreuses informations sur cette situation tragique et les déclarations des membres de la commission sont si éloquentes qu'il n'est pas nécessaire de les répéter. Cependant, il a senti la nécessité de souligner que des pressions doivent être exercées sur le gouvernement, de toutes les manières possibles, afin qu'il prenne des décisions qui garantissent la fin de l'impunité prévalant dans le pays. Le gouvernement doit garantir la fin de l'impunité, quelle que soit la situation qui existe en Colombie. De leur côté, les employeurs et leurs organisations doivent assumer une grande part de responsabilité pour garantir l'élimination des violations des droits syndicaux. En concluant, il a signalé, au nom de la Centrale des travailleurs de Cuba, sa reconnaissance expresse au mouvement syndical colombien qui lutte dans des conditions si difficiles et avec tant de dignité, ce qui l'honore.
Le membre travailleur de l'Uruguay a reconnu la sincérité du ministre du Travail de Colombie dans sa déclaration et a signalé qu'il connaissait sa sensibilité pour les sujets traités. Il a souligné les observations émises par la commission d'experts en ce qui concerne: l'interdiction pour les fédérations et les confédérations de déclarer une grève; l'interdiction de grève dans les services essentiels et dans une gamme plus large de services qui ne sont pas essentiels; la possibilité de congédier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus ou ont participé à une grève illégale; et la faculté du ministre du Travail de renvoyer le différend à une procédure d'arbitrage lorsqu'une grève se prolonge au-delà d'une certaine période de temps, conformément au rapport de la commission d'experts.
Il a signalé que, bien que des projets de loi modifiant les dispositions légales antérieurement citées aient été élaborés pendant la mission de contacts directs réalisée en février 2000, ces amendements n'ont toujours pas été effectués. Il a affirmé que, depuis qu'il exerce ses fonctions, il n'a jamais été fait usage de ces dispositions, celles-ci demeurent en vigueur dans l'ordre juridique de la Colombie. Il a considéré qu'on devrait inclure un paragraphe spécial reprenant les conclusions du débat qui a eu lieu ou prendre toute autre mesure pouvant contribuer à la résolution de la situation du conflit. Il a signalé comment, le 12 décembre 2000, 12 tueurs à gages ont grièvement blessé le membre travailleur Wilson Borja et ses deux gardes du corps. L'enquête a permis de trouver des pistes qui ont décelé un lien entre le procès et certaines personnes, tels des militaires actifs ou retraités, des membres de la police et cinq paramilitaires de Bogota, y compris leur supérieur. Ces éléments démontrent que des relations subsistent entre les membres de la force publique et les groupes paramilitaires et contredisent ainsi l'argument du gouvernement selon lequel il s'agit de cas isolés, argument derrière lequel on essaie de cacher que les assassinats de syndicalistes et de militants sociaux sont planifiés dans les quartiers de la force publique colombienne. L'orateur a affirmé que le ministre de l'Intérieur connaissait la situation depuis le mois de septembre et que, malgré cela, il a refusé le renforcement de la sécurité aux travailleurs. Il a souligné que 129 dirigeants syndicaux ont été assassinés au cours de l'année 2000 et que 46 dirigeants syndicaux ont été assassinés depuis le début de l'année. Il a également signalé qu'un dirigeant syndical colombien, Jorge Ortega, en exil en Uruguay, décida de renter dans son pays et comme Vice-président de la CUT il fut assassiné. A ce jour, il n'y a pas de nouvelles quant à l'investigation. Voilà pourquoi dans ce processus il est indispensable que tout le monde participe et contribue sincèrement à lutter contre l'impunité.
De plus, il a expliqué comment les accords avec le FMI contribuent à restreindre l'activité syndicale. Il a signalé que le "Plan Colombie" tend plus à être un plan de guerre que de paix. Il a mis l'accent sur le fait que des changements doivent se réaliser par et pour les personnes. Les changements sont nécessaires pour pouvoir faire la paix et la paix est nécessaire pour pouvoir faire les changements. Nous devons tous y participer. L'orateur a conclu en réitérant que dans les prochains jours le Conseil d'administration devrait décider d'instituer une commission d'enquête.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que le gouvernement colombien déploie effectivement une politique de paix et que, dans ce cadre, le mouvement syndical s'est engagé et a soutenu le processus. Il convient cependant de noter que le gouvernement, tout en impulsant un processus de paix avec les guérillas, autorise et favorise une politique qui revient à retirer d'une main ce qu'il a donné de l'autre. Le 14 juin 2000, le Congrès de la République a approuvé un projet de loi sur la sécurité nationale ayant l'aval du gouvernement, qui confère aux autorités militaires certains pouvoirs de police judiciaire leur permettant d'opérer des arrestations sans mandat de justice. Ce système rappelle les "convivir" de sinistre réputation, qui furent déclarés inconstitutionnels; c'est-à-dire qu'il laisse à nouveau entrevoir une résurgence du paramilitarisme. L'approbation de la loi en question signifie un retour dans un passé que l'on croyait révolu, avec son cortège de preuves fabriquées pour la circonstance par les renseignements militaires et de procès et incarcérations arbitraires de nombreux syndicalistes et militants. Au cours de la semaine passée, le chef des formations paramilitaires de la Colombie a déclaré qu'il assassinait des syndicalistes parce que ceux-ci entravent sa mission en raison de leurs multiples protestations. Cette affirmation a d'ailleurs été soutenue à la face de nombreux syndicalistes, y compris de l'orateur lui-même. Ce nouveau dévoiement de l'armée implique aussi bien des militaires de carrière que des réservistes.
L'orateur a déclaré que le gouvernement a certes mis en uvre des ressources d'un montant de deux millions et demi de dollars US, mais ce n'est pas seulement pour les syndicalistes puisque ce budget inclut la protection de nombreuses personnes menacées appartenant à des organisations de défense des droits de l'homme et à des formations politiques non traditionnelles. Il est certain qu'en Colombie l'assassinat se pratique sans discernement, mais on ne peut en tirer argument pour éluder les responsabilités et le problème de l'impunité. Que l'on tue est grave en soi mais, ce qui est encore plus grave, c'est que l'Etat ne fasse pas grand-chose pour rechercher les coupables et encore moins pour les châtier. Le gouvernement agit comme une victime de la guerre et non comme un protagoniste ayant une responsabilité dans celle-ci. Pour illustrer la situation par un chiffre, l'indice d'impunité pour violation des droits de l'homme se monte à 97 pour cent. Il est certain que ces derniers temps les autorités n'ont pas déclaré les arrêts de travail illégaux, ce qui a son importance. Mais le respect d'une obligation internationale et constitutionnelle ne suffit pas à atténuer la gravité des faits d'une situation qui se solde cette année par l'assassinat de 47 syndicalistes, des demandes d'exil de plus de 500 personnes et l'errance d'un grand nombre de syndicalistes et de militants sociaux contraints de se déplacer continuellement à l'intérieur du pays.
L'orateur a estimé qu'il n'existe pas de véritable protection des syndicalistes. Nombreux sont ceux d'ailleurs que des employeurs, estimant que l'organisation des travailleurs constitue une menace pour leurs intérêts, ont fait disparaître. Nombreuses sont aussi les déclarations publiques de fonctionnaires de l'Etat tendant à faire porter par les organisations syndicales la responsabilité de la situation de crise dans les organes publics, dressant ainsi l'opinion publique contre le syndicalisme. On stigmatise les travailleurs au seul motif qu'ils exercent leurs droits; on cloue au pilori les organisations de travailleurs, les travailleurs syndiqués et les dirigeants syndicaux. Comment peut-on croire que les assassins vont cesser de frapper lorsque certains hauts fonctionnaires, comme le ministre de l'Economie lui-même, stigmatise le syndicalisme et les travailleurs en général, à travers les médias, et les rend responsables de la crise que traverse la Colombie.
Ces deux dernières années, un nouveau phénomène est apparu: dans de nombreuses affaires à l'issue desquelles les juges avaient ordonné la réintégration de syndicalistes illégalement licenciés, les décisions n'ont pas été exécutées. Cela a notamment été le cas dans deux établissements - la Caja Agraria et le Banco Agrario - qui avaient été condamnés solidairement, par jugement définitif, à réintégrer un certain nombre de travailleurs et qui n'ont pas fait droit à ce jugement. Le même cas se présente aujourd'hui avec l'Empresa de Teléfonos de Bogotá. A cette situation s'ajoute une politique économique qui, en application d'un accord passé avec le Fonds monétaire international, prétend imposer sans concertation préalable une politique ayant pour conséquence le licenciement d'un nombre élevé de travailleurs de l'Etat, sans aucune garantie de mécanismes de réinsertion dans la vie active, d'application des garanties sociales ni d'adaptation rétroactive du régime des pensions, de la couverture maladie et des prestations d'éducation. Cette politique tend également à la création, à travers une réforme de la législation, d'un régime spécial du travail pour les zones frontalières, qui aura pour but de favoriser l'implantation dans ces zones des entreprises travaillant pour l'exportation. Un grand nombre de travailleurs qui ont été licenciés des organes publics ont été remplacés par des contractuels sans lien de travail durable, sans droits à la sécurité sociale et n'ayant pas, au surplus, la possibilité de se syndiquer. En dépit de certaines réformes adoptées l'année précédente, l'interdiction de la grève dans des services publics non essentiels persiste, on continue de réprimer la protestation sociale par des opérations de police, on interdit aux fédérations et aux confédérations de déclarer une grève, on maintient en vigueur la possibilité de licencier des syndicalistes et des dirigeants syndicaux ayant participé à une grève déclarée illégale, on maintient le pouvoir du ministère du Travail de déclarer une grève illégale, de même que celui de convoquer des tribunaux d'arbitrage lorsque la grève dure depuis plus de 60 jours, entre autres dispositions légales qui sont contraires aux conventions que la Colombie a ratifiées.
Du point de vue du mouvement syndical colombien, cet ensemble de facteurs justifierait que les conclusions de la présente discussion soient reproduites dans un paragraphe spécial et que la Commission des normes demande instamment au Conseil d'administration de constituer une commission d'enquête en se fondant sur la plainte dont il a été saisi, ou bien qu'il recherche d'autres moyens qui seraient de nature à aboutir à une solution, devant la situation particulièrement grave que connaît la Colombie sur le plan de la liberté syndicale.
Le membre gouvernemental de la Suède, s'exprimant au nom des Etats membres de l'Union européenne, de la Norvège et de l'Islande, a insisté sur le fait que l'Union européenne est grandement préoccupée par les graves attaques persistantes et les menaces dont sont victimes les membres syndicaux, avec déjà près de 50 syndicalistes assassinés en l'an 2001. Par conséquent, l'évolution alarmante de l'année précédente concernant l'augmentation de 100 pour cent du nombre de syndicalistes tués par rapport à 1999 continue. Le Comité de la liberté syndicale a déclaré que "le nombre d'assassinats, de séquestrations, de menaces de mort ou autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués en Colombie est sans précédent dans l'histoire" et qu'"en général la qualité de dirigeant syndical constitue un élément essentiel de ces assassinats".
Il est clair que les groupes paramilitaires sont responsables, dans une large mesure, de la violence commise contre les syndicats. Cependant, l'Union européenne insiste également sur la responsabilité du gouvernement colombien de protéger ses citoyens contre toute forme de violence et d'amener devant les tribunaux les auteurs des violations contre les droits humains et les droits des travailleurs. L'Union européenne recommande instamment au gouvernement de la Colombie de prendre des mesures urgentes et efficaces afin d'assurer la protection légale et physique des personnes touchées. L'oratrice fait également appel au gouvernement pour qu'il continue ses efforts visant à combattre efficacement les groupes paramilitaires et à prendre des mesures concrètes pour démanteler ces groupes en arrêtant, en jugeant et en punissant les personnes impliquées dans de telles activités. L'Union européenne déplore vivement l'impunité persistante en Colombie, particulièrement en ce qui concerne les violations des droits humains et des droits des travailleurs, ce qui est un obstacle fondamental au respect et à l'application des droits humains dans le pays.
La violence a maintenant atteint un tel niveau que tous les efforts possibles doivent être faits par toutes les parties concernées pour atténuer l'escalade de la violence. L'oratrice a recommandé instamment au gouvernement colombien et aux partenaires sociaux de coopérer de façon constructive afin de trouver toutes les mesures possibles pouvant résoudre efficacement la violence dont sont victimes les membres syndicaux. L'OIT pourrait et devrait jouer un rôle plus proactif et d'assistance en aidant le gouvernement colombien et les partenaires sociaux dans leurs efforts visant à développer des mécanismes de protection, à trouver des solutions ainsi qu'à superviser la situation. Puisque que le cas de la Colombie figure à l'ordre du jour du Conseil d'administration qui suit la Conférence et que le rapport du représentant spécial du Directeur général pour la coopération avec la Colombie y sera discuté, l'Union européenne traitera des aspects opérationnels de ce cas dans ce contexte. Seule la paix est une solution viable à long terme pour régler le problème. L'Union européenne accueille favorablement et appuie toutes les mesures positives prises en faveur du processus de paix.
Le membre employeur du Panama a déclaré que la violence qui sévit au quotidien en Colombie, manifestement sans aucune raison, inspire à chacun rejet et inquiétude, et que cette honte pour l'humanité incite à rechercher les moyens d'y mettre un terme définitivement. Les victimes sont en grande majorité des personnes de condition modeste, dont le destin n'occupera pas beaucoup d'espace dans les unes de la presse internationale. Cependant, le sang versé à la vue de tous, dans les rues et sur les places publiques, appelle la justice. Cette violence a des racines profondes dans l'histoire de la Colombie. Les guerres civiles dans ce pays ont essaimé largement leurs graines depuis plus d'un siècle et demi. Il apparaît douteux à l'intervenant qu'un paragraphe spécial dans le rapport de la Commission de la Conférence, l'envoi d'une commission d'enquête ou bien la condamnation unanime de l'Assemblée puissent réellement mettre un terme à cette spirale de violence abominable. A son avis, la solution ne viendra pas de là et, si l'on s'en tient à cette optique, selon toute probabilité, les murs de cette salle entendront encore longtemps le compte rendu des atrocités qui se déroulent en Colombie. Il conviendrait au contraire d'explorer des voies nouvelles pour essayer de tirer le pays de ce cauchemar latino-américain.
L'intervenant a suggéré que l'on aide à la reconstruction de l'institution judiciaire, considérant que cette institution est le seul ciment de la confraternité et de la paix. Au nombre des mesures concrètes qui pourraient être prises, il faudrait renouer les liens entre les partenaires sociaux, en vue d'un dialogue conduisant à une coexistence pacifique; reconnaître et respecter les diverses modalités d'une protestation sociale s'exerçant sans préjudice des tiers; promouvoir le progrès dans le processus de paix en mettant en relief le respect des droits de l'homme et une solution politique au conflit armé; promouvoir des initiatives en matière de législation du travail, de négociation collective, de définition des services publics essentiels et de développement des ressources humaines. C'est par ces moyens que l'on contribuera à ressusciter l'espoir des Colombiens, à rebâtir un nouvel appareil judiciaire digne de foi, dans lequel chacun reconnaîtra une instance digne de la confiance de tous et capable de résoudre les conflits. Le membre employeur a ajouté que la dénonciation d'une convention collective du travail ne constitue pas une violation de la liberté syndicale car elle est l'expression de la volonté de renégocier ce qui se révèle inadéquat. Une telle démarche s'inscrit dans le droit de négocier les conditions de travail selon des modalités que les partenaires jugent propices au développement de leur collaboration.
Le membre gouvernemental du Mexique s'est déclaré profondément préoccupé par le degré de violence en Colombie, qui frappe dans leur existence de nombreux syndicalistes et d'autres composantes de la population, y compris des fonctionnaires de l'Etat, des personnalités religieuses et des employeurs. Il est un fait que le gouvernement colombien a déployé des efforts considérables pour tenter d'assurer la sécurité des travailleurs syndiqués, malgré les difficultés qu'il doit affronter. L'intervenante a appelé instamment l'OIT à maintenir et renforcer sa coopération avec le gouvernement colombien afin que celui-ci puisse venir à bout de la situation de violence qui affecte le monde du travail.
Un membre gouvernemental de la Colombie, a déclaré que, en tant que Colombienne, elle déplore profondément la situation douloureuse de son pays; personne ne peut imaginer la situation dans laquelle vivent les Colombiens; et personne ne peut être suffisamment conscient de la gravité de la situation. Elle a fait observer que les personnes qui luttent pour le respect des droits de l'homme, les syndicalistes, les entrepreneurs, les juges et leurs familles, quiconque participe à la reconstruction du pays, font constamment l'objet de menaces et que leur vie et leur intégrité physique sont en péril. L'intervenante a souligné que cette situation est un véritable enfer. Elle a réitéré que, dans son pays, il y a des personnes qui ont les qualités nécessaires pour reconstruire le pays, et que les jeunes croient en la paix. L'intervenante a demandé tout l'appui nécessaire pour reconstruire son pays.
Le représentant gouvernemental de la Colombie, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a pris note avec attention des déclarations des travailleurs, des employeurs et des représentants des gouvernements. Il a indiqué que, outre lui-même, trois magistrats des Hautes Cours de la Colombie et six membres de la septième commission de la Chambre des questions du travail du Congrès composent la représentation du gouvernement de son pays à la commission. Il a estimé que toutes les déclarations qui ont été formulées visent à résoudre les conflits en Colombie et à mettre un terme à l'impunité. L'intervenant a indiqué également que la Constitution nationale prévoit la division des pouvoirs. Il a formé l'espoir que la présence de juges à la commission permettra une réflexion plus approfondie sur les questions à l'examen.
L'intervenant a dit qu'il ne souhaitait pas contester les déclarations qui ont été formulées. Il a invité les travailleurs et les employeurs à se réunir avec le gouvernement pour analyser toutes les déclarations et observations formulées au sein de la commission. Il a indiqué que, dans la mesure de leurs moyens, tous les secteurs intéressés doivent s'engager à résoudre le conflit pour renforcer le dialogue social et la concertation. Il a réaffirmé qu'il continuera d'agir dans le cadre de la Constitution nationale et des conventions de l'OIT. Toutefois, il a souligné que certaines questions relèvent d'autres instances de l'Etat ou dépendent de la volonté politique d'instaurer le dialogue entre employeurs et travailleurs. L'intervenant a estimé que les magistrats et parlementaires colombiens devraient également participer à la réunion susmentionnée.
L'orateur a indiqué être disposé à considérer toutes les initiatives de la commission comme propres à résoudre les problèmes de son pays afin de mettre un terme notamment aux actes de violence qui visent des syndicalistes ainsi qu'à l'impunité. Il a déclaré que le gouvernement n'avait pas pour politique de harceler les syndicalistes et les défenseurs des droits de l'homme. Cela ne veut pas pour autant dire que l'Etat nie l'éventuelle participation de fonctionnaires à des actes délictueux liés, entre autres, à des activités paramilitaires, au trafic de drogue et à la corruption. L'intervenant n'a pas nié non plus que d'autres secteurs aient été mêlés à ce type d'actes. Ainsi, l'enquête sur l'attentat qui visait M. Wilson Borja a permis d'établir que les responsables étaient membres des forces armées. L'intervenant a souligné que ces personnes ont été démises de leurs fonctions. Il a ajouté que le Président de la République a demandé que toutes les personnes ayant participé à ces faits délictueux soient radiées du service public, et que des mesures analogues soient prises dans tous les secteurs de la société colombienne. L'intervenant a réitéré que son gouvernement est tout à fait résolu à examiner les initiatives qui permettront de progresser et de mettre fin à autant de violence dans le pays.
A propos de la loi approuvée par le Congrès qui, pour certains, favorise des mesures répressives et marque le retour aux politiques de sécurité qui avaient été adoptées dans le passé, l'intervenant a souligné que cette loi n'a pas pour origine une initiative gouvernementale mais une proposition parlementaire. Par ailleurs, il a exprimé des doutes au sujet de sa constitutionnalité. L'intervenant a estimé que la voie de la paix ne passe ni par des solutions militaires ni par la guerre. Elle passe par la paix. L'intervenant a formé l'espoir que la Chambre constitutionnelle démontrera que cette loi va à l'encontre des principes fondamentaux de la Constitution du pays.
L'intervenant a déclaré combien il lui est pénible d'avoir à examiner, au sein de la commission, en sa qualité de ministre du Travail et de la Sécurité sociale, une question aussi douloureuse. Il a fait observer que beaucoup de membres du gouvernement ont été également l'objet d'actes de violence des groupes paramilitaires, lesquels considèrent que le Président et le Haut Commissariat pour la paix sont les alliés de la guérilla au motif qu'ils mènent à bien des négociations en vue de la paix. L'intervenant a souligné qu'il aurait préféré, dans cette commission, traiter de problèmes de son pays qui auraient été comparables à ceux qui touchent des pays développés. Toutefois, il assume ses responsabilités. Il cherche un chemin, une solution pour mettre fin à la situation en question. Il s'est dit convaincu que tous les secteurs doivent s'unir pour reconstruire le pays. Il a rappelé que, en 1991, au sein de la commission constitutionnelle, ils y étaient parvenus en laissant de côté ce qui les opposait pour définir une nouvelle Constitution.
L'intervenant a demandé à l'OIT et à la communauté internationale leur collaboration et, en particulier, leur aide politique pour que son pays parvienne à la paix. Il a rappelé que, en 1980, alors qu'il était syndicaliste, il avait donné l'alerte sur les cas de harcèlement dont étaient victimes dans son pays les travailleurs qui défendaient leurs droits. L'intervenant a estimé que, bien des fois, pour des raisons idéologiques, il n'avait pas été prêté attention à la dénonciation de ces faits. Il en résulte que la situation actuelle pourrait déboucher sur l'effondrement de l'Etat si tous les secteurs ne parviennent pas à un accord. Il a réitéré qu'il faut tout faire pour institutionnaliser la démocratie et pour mettre définitivement un terme à la situation que connaît son pays. Enfin, l'intervenant a souligné que ces crimes sont une honte pour l'humanité et il a réitéré que les syndicalistes ont toujours pu compter sur son aide, et même les employeurs savent qu'il veille à la protection des travailleurs.
Les membres travailleurs, estimant que leur déclaration liminaire ainsi que les différents intervenants ont été très clairs dans leurs propos face à la situation tragique que connaît la Colombie, ont souhaité que la Commission de l'application des normes de la Conférence rende hommage à tous leurs camarades assassinés par l'observation d'une minute de silence.
La commission a observé une minute de silence en hommage à toutes les victimes de la violence en Colombie.
Les membres travailleurs ont remercié la commission et ont demandé l'insertion des conclusions de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la présente commission.
Les membres employeurs ont fait remarquer que les discussions ont été plutôt émotionnelles, ce qui est justifié étant donné la gravité de la situation qui sévit dans le pays. La priorité n'a donc pas été accordée aux discussions des problèmes de droit du travail puisque les raisons de la situation dans le pays ne se retrouvent pas dans la législation nationale mais bien dans le climat de violence comme en témoigne le nombre de victimes qui ont été pleurées dans le pays. Ils en ont donc conclu que la contribution de l'OIT ne peut être que modeste et que les problèmes doivent être résolus par les Colombiens eux-mêmes, d'autant plus qu'il n'est pas du ressort de l'OIT d'intervenir dans les problèmes qui ont été décrits. Cependant, la commission devrait exprimer dans ses conclusions sa grande préoccupation, et les exigences des membres travailleurs devraient être prises en compte. Même si la contribution que la Commission de la Conférence et l'OIT pourraient faire afin de résoudre la situation ne peut être que mineure, elle constitue néanmoins un signal important. Enfin, ils ont appuyé la proposition des membres travailleurs visant à ce que les conclusions de la commission sur ce cas figurent dans un paragraphe spécial.
La commission a pris note des informations communiquées oralement par le représentant gouvernemental ainsi que du débat qui a suivi. Dans ses conclusions antérieures, la commission avait noté avec une grande préoccupation que les divergences majeures ou persistantes entre la législation et la pratique et les dispositions de la convention ont conduit à plusieurs plaintes devant le Comité de la liberté syndicale et à une plainte présentée par un certain nombre de délégués travailleurs à la Conférence internationale du Travail de juin 1998, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, relative au défaut d'application de la convention no 87.
La commission a rappelé que la commission d'experts a noté avec une profonde préoccupation le climat de violence qui existe dans le pays, et fait observer que le nombre d'assassinats, de séquestrations, de menaces de morts ou autres actes de violences commis contre des syndicalistes était sans précédent dans l'histoire. La commission a condamné avec fermeté les assassinats et actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués ainsi que la séquestration d'employeurs, malgré les efforts déployés par le gouvernement pour les protéger. La commission a pris note des informations concernant la mise en place du plan de paix et espère que celui-ci engendrera des progrès, en particulier en ce qui concerne le respect du droit international humanitaire et la recherche de solutions politiques négociées au conflit interne. La commission, qui a examiné ce cas à maintes reprises dans le passé, a constaté que la commission d'experts a pris note de progrès substantiels dans l'application de la convention eu égard à la majorité des dispositions législatives examinées. La commission a également constaté que le gouvernement s'est engagé à prendre des mesures concernant les autres dispositions sur lesquelles la commission d'experts a formulé des commentaires. La commission a considéré que le renforcement du dialogue entre les partenaires sociaux pourrait constituer à cet égard un moyen privilégié.
La commission a noté avec préoccupation que de nouvelles plaintes concernant des actes de violence et de discrimination contre des syndicalistes continuaient à être présentées à l'OIT. La commission a rappelé que le plein respect des libertés civiles est essentiel à la mise en uvre de la convention et a souligné que le climat d'impunité qui règne dans le pays met gravement en péril l'exercice de la liberté syndicale. La commission a prié instamment le gouvernement de prendre d'autres mesures afin de mettre le plus rapidement possible sa législation et sa pratique en complète conformité avec la convention. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournisse, à la prochaine réunion de la commission d'experts, un rapport détaillé faisant état de progrès réels accomplis en droit et en pratique pour assurer l'application de cette convention et a rappelé la possibilité de faire appel à l'assistance technique du Bureau dans ce contexte. La commission a exprimé le ferme espoir d'être en mesure de noter, à sa prochaine session, des progrès définitifs sur la situation syndicale dans le pays. A ce propos, la commission a noté que le Conseil d'administration était saisi de la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. Elle a exprimé l'espoir que le Conseil d'administration prenne, lors de sa prochaine session, les mesures appropriées, efficaces et nécessaires pour donner suite à cette plainte.
La commission a décidé d'inscrire ses conclusions dans un paragraphe spécial de son rapport.
Un représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement est disposé à donner à la commission toutes les informations nécessaires sur l'application de la convention. Le gouvernement s'est efforcé d'avoir un dialogue constant, approfondi et sincère, tant avec les travailleurs et les employeurs qu'avec l'OIT, et de fournir à la commission les informations propres à mettre en évidence les progrès effectués dans ce domaine.
Le Congrès de la République a adopté le projet de loi no 184 soumis par le gouvernement, en vertu duquel des dispositions de la législation ont été modifiées, supprimées ou introduites pour aligner celle-ci sur les conventions nos 87 et 98. Il convient de souligner que le droit d'association a été renforcé: les organisations syndicales jouissent d'une plus grande autonomie, les restrictions prévues par la loi à l'affiliation syndicale et à l'enregistrement de syndicats ont été supprimées et les autorités civiles (les maires) ont été habilités à enregistrer des syndicats. De plus, il suffit de présenter des modifications de statuts pour qu'elles soient approuvées. Ainsi, il est tenu compte des articles 2, 3, 4 et 5 de la convention no 87. Les revendications collectives en cas de retenues de salaire sont maintenant autorisées et certaines sanctions, comme l'interdiction du droit syndical aux dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat, ont été supprimées, ainsi que les conditions de nationalité et d'exercice d'une profession déterminée pour être dirigeant d'un syndicat, d'une fédération ou d'une confédération. De même, en favorisant le versement de cotisations syndicales, on a renforcé les fédérations et les confédérations. La protection liée à l'activité syndicale a été étendue aux fonctionnaires et les permis syndicaux ont été réglementés. De plus, la procédure que doit suivre un dirigeant syndical pour démontrer qu'il jouit du privilège syndical a été simplifiée.
La loi susmentionnée constitue un progrès considérable et, comme l'a reconnu l'OIT, des institutions modernes ont été mises en place pour la faire appliquer. Elle prévoit que les délégués participant à la négociation collective peuvent être des travailleurs de la profession, du secteur ou de l'activité économique intéressés. De plus, elle indique que des syndicats parties à un conflit peuvent inviter le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à assister aux réunions qu'ils convoquent, après une négociation directe, pour décider par un vote de saisir le tribunal d'arbitrage ou de déclarer la grève. Désormais, sans que les autorités du travail n'interviennent, des travailleurs en grève peuvent décider seuls de la lever ou de saisir un tribunal d'arbitrage. De plus, la loi tient compte des observations de la commission d'experts pour ce qui est de la capacité des autorités administratives du travail de procéder d'office à des inspections. Désormais, celles-ci ne peuvent le faire que si les syndicats ou les organisations de deuxième ou de troisième degré en font la demande.
A propos des observations de la Commission d'experts sur l'exercice du droit de grève, il faut indiquer d'abord que le gouvernement a élaboré un projet de loi qui définit les services publics essentiels. Ce projet a été inscrit à l'ordre du jour de la Commission tripartite de concertation des politiques salariales et du travail. Une fois que les partenaires sociaux (employeurs, travailleurs et gouvernements) l'auront examiné, il sera soumis au Congrès. L'orateur s'est félicité que ce projet, qu'ont examiné les experts du BIT de la mission de contacts directs, reprenne leurs principales recommandations. Le projet prévoit aussi que c'est dorénavant la juridiction du travail qui est chargée de déterminer si une grève est conforme à la loi.
Le gouvernement colombien a amplement démontré que, en ce qui concerne l'exercice du droit syndical, il est attaché à défendre l'autonomie des organisations de travailleurs, puisqu'il a soumis au Congrès un projet de loi qui met un terme aux restrictions législatives à ce droit. Il convient de souligner que ce projet de loi résulte d'un accord entre les partenaires sociaux et démontre que chacun est disposé à construire une nouvelle culture des relations du travail, fondée sur le dialogue et la concertation sociale. Le gouvernement a communiqué au BIT l'intégralité du texte de la loi sur la liberté syndicale et il lui a demandé de le transmettre aux membres de la commission. Le gouvernement colombien a remercié l'OIT de l'aide sans faille qu'elle lui a apportée afin de lui permettre d'aligner sa législation sur la convention.
Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait été discuté à de nombreuses reprises durant la dernière décennie et que les conclusions de cette commission avaient été reprises dans un paragraphe spécial à deux occasions. Des missions de contacts directs ont eu lieu en Colombie en 1996 ainsi qu'en février de cette année. De nombreuses plaintes en violation de la liberté syndicale, y compris de nouvelles plaintes présentées par plusieurs organisations syndicales relatives à des actes de discrimination antisyndicale et de violation du droit de négociation collective, ont été récemment déposées. Au cours de la 86e session de la Conférence, une plainte au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT a été présentée.
Par ailleurs, les membres travailleurs ont rappelé que la commission d'experts avait soulevé, dans le passé, trois questions majeures. La première concerne les conditions requises pour la création d'un syndicat, et en particulier la clause de nationalité obligatoire, d'aptitudes professionnelles, ainsi que l'existence d'un casier judiciaire. La deuxième question est relative aux dispositions sur l'arbitrage obligatoire et les restrictions au droit de grève. Enfin, la troisième question concerne le climat de violence et d'impunité qui règne dans le pays. Les membres travailleurs ont pris note qu'un avant-projet de loi du gouvernement se propose d'abroger une série de dispositions législatives contraires à la convention. Toutefois, ils observent que les experts ont constaté que de nombreuses dispositions posent toujours problème, notamment celles relatives à la surveillance par des fonctionnaires de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales. Une autre disposition qui pose toujours problème au regard de la convention est celle relative à la permission octroyée aux fonctionnaires du ministère du Travail de convoquer des dirigeants syndicaux ou des travailleurs syndiqués pour leur demander des informations sur leurs missions, ou de présenter des livres, registres ou autres documents. Les membres travailleurs ont constaté que, depuis la promesse du gouvernement de soumettre ce projet de loi, aucune suite n'a été donnée. En fait, au lieu de progresser, il semble que la situation se soit détériorée suite à l'adoption le 30 décembre 1999 de la loi no 550 qui constitue une atteinte directe à la liberté syndicale et à la liberté de négociation.
Par ailleurs, les membres travailleurs ont noté les observations de la commission d'experts selon lesquelles certaines dispositions relatives au droit de grève qui ont fait l'objet de commentaires depuis de nombreuses années n'ont pas été prises en compte dans les modifications proposées par le projet de loi. Ces dispositions concernent, entre autres, l'interdiction de grève dans plusieurs services publics ainsi que le licenciement de dirigeants syndicaux ayant participé à une grève. S'agissant de l'application du droit de grève en pratique, ils se sont référés aux conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 1916, selon lesquelles la notion de services essentiels doit être interprétée au sens strict du terme. A cet égard, les membres travailleurs ont donc appuyé les experts et demandé une nouvelle fois au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette disposition.
Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde préoccupation en ce qui concerne la situation de violence à l'encontre des travailleurs et des syndicalistes qui prévaut dans le pays. Les témoignages des organisations de travailleurs nationales, régionales et internationales relatifs aux violences antisyndicales sont accablants et soulèvent la question du respect effectif de la liberté syndicale dans le pays. Depuis juin 1998, au moins 125 syndicalistes ont été assassinés et, depuis novembre 1999, le chiffre s'élève déjà à 39 syndicalistes assassinés. Selon les informations émanant de différentes confédérations syndicales internationales, des 123 syndicalistes assassinés dans le monde en 1998, 98 étaient colombiens. De plus, des 1.336 syndicalistes assassinés en Colombie entre 1991 et 1999, 226 étaient des dirigeants syndicaux. Cette continuité dans la violence qui touche en grande partie des syndicalistes de ce pays est tout simplement insupportable, puisque c'est dans leur qualité de syndicalistes que ces travailleurs sont visés. En effet, leur engagement et leurs activités publiques en font des cibles systématiques, comme le prouvent de nombreux témoignages. L'impunité des assassins est totale et l'impuissance du gouvernement intolérable. D'autant plus intolérable que le gouvernement, en ratifiant la convention no 87, s'est engagé à assurer les conditions minimales pour son application effective. Ainsi, les membres travailleurs ont insisté à nouveau sur l'interaction nécessaire des instruments de l'OIT et des principes énoncés dans sa Constitution, afin de créer un climat de paix sociale. Enfin, ils ont prié instamment le gouvernement de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec les principes de la liberté syndicale au sens large. Cela implique impérativement la création d'un climat politique et juridique ainsi que la mise en place de dispositions concrètes qui mettent fin à l'impunité et à la terreur antisyndicale. Ils ont donc proposé que les conclusions soient reprises dans un paragraphe spécial.
Les membres employeurs ont rappelé que la commission a déjà fréquemment examiné le cas de l'application de la convention par la Colombie. L'observation de la commission d'experts contient une liste de divergences avec les dispositions de la convention d'importance variable. Les membres employeurs sont d'avis que les points relatifs au droit de grève ne constituent aucune violation de la convention, puisque le problème du droit de grève n'est selon eux pas couvert par la convention no 87. Cependant, de nombreux autres points constituent des violations claires de la liberté syndicale. Ils ont noté que, avec l'assistance du BIT, un certain nombre de projets d'amendements ont été élaborés et que les projets de loi en question ont été approuvés en première lecture en juillet 1999 par le Congrès. La question se pose clairement quant au nombre de lectures nécessaires avant que ce projet ne soit finalement adopté en loi. Les projets d'amendements résolvent onze des problèmes énumérés par la commission d'experts concernant l'application de la convention. A cet égard, les progrès enregistrés devraient être reconnus, puisque la législation en question donnait aux autorités de larges pouvoirs d'intervention dans les affaires internes des syndicats.
Les membres employeurs ont rappelé que la commission d'experts continue néanmoins de critiquer à raison l'amendement proposé à l'article 486 du Code du travail car il donne pouvoir à l'Etat d'exercer un contrôle sur l'administration interne des syndicats. Ils ont noté la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle des cours d'arbitrage ont été créées dans le pays. Cependant, des informations sont demandées sur l'indépendance des procédures d'arbitrage appliquées par ces cours face aux interventions de l'Etat. Les membres employeurs appuient l'opinion des membres travailleurs selon laquelle ce processus a eu lieu dans un climat d'extrême violence. Ils ont souligné que, bien que ces informations soient importantes pour la compréhension du cas, le gouvernement est toujours tenu de donner effet aux dispositions de la convention dans la législation nationale. Même une situation assimilable à une guerre civile ne saurait être invoquée comme excuse pour ne pas se conformer à ces exigences. En conclusion, ils en ont appelé au gouvernement pour fournir des informations sur le nombre de lectures nécessaires pour l'adoption des projets d'amendements et sur le temps qu'il faudra pour clôturer la procédure législative. De nombreuses restrictions à la liberté syndicale subsistent cependant dans le pays et les projets d'amendements des nombreuses dispositions existantes qui violent la convention sont un premier pas dans la bonne direction.
Le membre travailleur de la Colombie a indiqué qu'une fois encore les travailleurs en général et les Colombiens en particulier assistent au spectacle lamentable d'un gouvernement qui cherche à dévier l'attention de la communauté internationale avec des informations et des justifications éloignées de la réalité en Colombie en ce qui concerne la convention no 87, la liberté syndicale et l'application des droits de l'homme. On est toujours surpris par l'énorme facilité avec laquelle le gouvernement utilise tous les moyens pour embrouiller les membres de la commission sur des questions comme le projet de loi no 184 qui a été approuvé la semaine précédente mais pour lequel, jusqu'à présent, on ne sait toujours pas s'il a été promulgué. Si les aspects juridiques concernant l'application de la convention no 87 constituent des motifs de préoccupation, comme l'a exprimé de manière très précise et brillante le porte-parole des membres travailleurs, il est vrai que les préoccupations des travailleurs concernent davantage les questions qui ont aujourd'hui un impact sur l'ensemble des travailleurs et du peuple colombien. Le gouvernement sait qu'un projet de réforme du droit du travail en matière de flexibilité a été élaboré et que, s'il devait être approuvé, il conduirait à des discussions au sein de la présente commission pendant de nombreuses années. Il en est de même du projet relatif à la sécurité sociale ainsi que des effets négatifs de la loi no 550 du 30 décembre 1999 qui en eux-mêmes constituent une série de menaces à l'encontre des travailleurs en ce qui concerne la négociation collective et la liberté syndicale. A cela s'ajoutent les graves préoccupations sur la résurgence du statut des travailleurs non syndiqués ou des "plans de bénéfices" qui constituent des pratiques visant à empêcher le développement du mouvement syndical, violant ainsi les dispositions de la convention no 87.
Diverses circonstances obligent à discuter de ce cas. Trente-neuf syndicalistes ont été assassinés au cours de l'année 2000, presque deux millions de personnes ont été déplacées à cause de la violence, le taux de chômage s'élève à 22 pour cent, l'économie informelle à 56 pour cent, des paysans sans terres et des indigènes souffrent de ce que l'on appelle à tort le développement, et en général on doit faire face à l'instabilité démocratique. Ces faits conduisent les travailleurs à chercher sur la scène internationale une attitude qui pourra dans un avenir pas très lointain contribuer à un changement de situation. Il convient de souligner que, si le gouvernement parle d'un projet de loi sur la détermination des services publics essentiels, les organisations de travailleurs n'ont pas été consultées à cet égard. La ministre du Travail a une attitude complaisante face aux licenciements de milliers de travailleurs, surtout dans le secteur public et dans les collectivités locales, où par exemple plus de 40.000 travailleurs ont été licenciés au cours des 14 derniers mois. La ministre du Travail a également autorisé le licenciement de travailleurs dans le secteur privé, et l'orateur s'est référé en particulier à un club de tennis. Il n'est pas possible de parler de liberté syndicale quand, cette année, les travailleurs se sont vu dénier la liberté syndicale à la suite de l'interdiction du droit de négocier collectivement dans l'ensemble du secteur public, les salaires y ayant été gelés par décret. Enfin, l'orateur a signalé que le peuple colombien attend ce qui se décidera au sein de l'OIT et il a demandé l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial afin que le gouvernement n'oublie pas une fois encore les engagements pris devant cette organisation.
Un autre membre travailleur de la Colombie, réfutant la déclaration du gouvernement selon laquelle il ne conviendrait pas de discuter dans cette enceinte des questions relatives à des actes de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, s'est référé à la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en juin 1970. Il a souligné que le concept de droits syndicaux manquerait totalement de signification si les libertés politiques et civiles ne sont pas respectées et si le droit à la vie n'est pas garanti. Le thème de la violence contre le mouvement syndical doit être mentionné. La création de syndicats en Colombie est difficile, dans de nombreuses circonstances ils doivent se créer dans la clandestinité pour que les travailleurs ne soient pas l'objet de licenciement de la part des employeurs ou des entités du secteur public. A cet égard, l'orateur s'est référé à une citation émanant d'un membre guérillero de la Colombie qui a indiqué qu'il est plus facile d'organiser un groupe d'insurgés que de créer un syndicat en Colombie. Il s'est demandé dans ces conditions comment les autorités colombiennes peuvent refuser de discuter de la question des assassinats et des actes de violence contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. Il a indiqué que, si la loi visant à mettre certaines dispositions de la législation en conformité avec les conventions sur la liberté syndicale en Colombie venait d'être adoptée, le problème demeure de la non-application d'un grand nombre de lois existantes. Par exemple, il a rappelé que les conventions nos 87 et 98 ont été ratifiées par la Colombie en 1976 mais que, année après année, la non-application de ces conventions continue d'être discutée au sein de la présente commission. Il a souligné que l'OIT doit poursuivre son examen des évolutions qui ont lieu en Colombie en relation avec la violation de ces conventions. Un grand respect de l'OIT et de grandes attentes de la part des travailleurs de ce que l'OIT pourra réaliser pour la défense de leurs intérêts existent en Colombie. A cet égard, l'orateur a demandé l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial pour que le gouvernement de la Colombie réagisse et qu'ainsi, en l'an 2001, la commission puisse être tenue informée de la mise en oeuvre des suites données aux recommandations du Comité de la liberté syndicale et aux commentaires de la commission d'experts.
Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que l'intégrité physique des syndicalistes colombiens pourrait être sérieusement menacée par un programme d'aide proposé de 1 milliard 600 millions de dollars, destiné aux forces de sécurité dans le cadre du conflit interne avec les trafiquants de drogue et les mouvements de guérilla. Malheureusement, les syndicalistes colombiens sont la cible privilégiée de toutes les parties armées dans ce conflit. Au mois de février cette année, l'AFL-CIO a adopté une résolution, conjointement avec le mouvement syndical colombien, pour demander le respect des droits du travail fondamentaux en tant que condition préalable à l'adoption du programme américain d'aide à la Colombie. L'orateur a rappelé que la commission d'experts avait souligné que les récents amendements au Code du travail permettaient au ministre du Travail de mener des enquêtes sur les activités syndicales, et ce même lorsqu'il n'existait aucun soupçon raisonnable d'activité criminelle de leur part. Il a mentionné que les experts avaient omis de soulever un problème particulier, c'est-à-dire que ni la loi no 50 sur la négociation collective ni le Code du travail actuellement en vigueur ne permettent la mise sur pied de mécanismes de négociation collective ou la désignation d'agents négociateurs par secteur ou par industrie au plan national, ce qui limite en fait la représentation syndicale et la négociation collective au niveau local et à celui de l'entreprise. L'orateur a souligné que la violence physique contre les syndicalistes colombiens et le problème récurrent d'impunité restent entiers, voire s'aggravent. Il a critiqué l'argument présenté à cet égard par le gouvernement, selon qui cette question n'était pas pertinente dans le cadre de la convention no 87, et a rappelé que le gouvernement s'était spécifiquement opposé à l'établissement d'une commission d'enquête de l'OIT au motif que ces assassinats de syndicalistes n'étaient pas systématiques mais résultaient plutôt de la violence endémique dans la société. Il a répliqué sur ce point que l'article 8 de la convention no 87 dispose que la législation nationale ne doit pas entraver l'exercice des droits prévus par la convention. Il s'est demandé quelle situation pourrait constituer une entrave plus flagrante à l'exercice des droits prévus par la convention no 87 qu'un système judiciaire incapable d'enrayer, de dissuader et de porter remède à la violence dirigée intentionnellement contre les travailleurs ou les employeurs. Il a également rappelé que la résolution sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence de l'OIT en 1970 établissait un lien entre les droits fondamentaux du travail et le droit à la sécurité physique et à la protection contre la détention arbitraire. Plus de 2.000 syndicalistes colombiens ont été assassinés ces dix dernières années. Le Programme des droits de l'homme et des droits du travail de l'Institut syndical national de Colombie a conclu que la très grande majorité des assassinats de syndicalistes en 1999 est intervenue durant des périodes de négociation collective ou durant des actions de revendication. Etant donné que cette commission a été saisie de ce cas à de si nombreuses reprises sans qu'intervienne d'amélioration notable, l'orateur s'est dit d'avis que la commission ne pouvait faire autrement que citer ce cas dans un paragraphe spécial.
Le membre travailleur du Costa Rica a rappelé que le cas de la Colombie est examiné par la commission depuis plusieurs années. On ne peut nier qu'il existe un lien étroit entre la situation juridique et les actes de barbarie qui sont commis quotidiennement contre les syndicalistes. Il s'agit ici d'une agression généralisée contre les travailleurs qui se manifeste par une législation nationale qui empêche la négociation collective dans le secteur public, qui admet l'ingérence des autorités administratives dans les activités syndicales et, en conséquence, les licenciements pour cause de grèves déclarées illégales car ce droit n'est pas reconnu aux travailleurs, l'impunité devant les assassinats, les séquestrations et les incarcérations des diri- geants syndicaux et des syndicalistes. Cette situation oblige la commission à signaler ce cas dans un paragraphe spécial dans la mesure où c'est un cas de violation des droits de l'homme dans le plus grand sens du terme. Si la commission souhaite obtenir une amélioration de la situation en Colombie, sa conclusion ne peut être de proposer l'assistance technique du BIT mais d'exprimer la condamnation de la communauté internationale.
Le membre travailleur du Guatemala a souligné que le cas de la Colombie concernant la violation systématique de la convention no 87 est examiné par la Commission de la Conférence depuis au moins les cinq dernières années. De même qu'il faut appuyer la déclaration faite par les membres travailleurs, il faut insister sur le fait que la Colombie vit une situation dramatique. La Commission des droits de l'homme de la Centrale syndicale demande systématiquement au gouvernement de la Colombie de respecter et de faire respecter la liberté d'association et le droit syndical. Malgré les observations de la commission d'experts, la situation des syndicalistes continue de s'aggraver particulièrement par des assassinats commis par des intérêts et forces obscurs du pays. Les syndicalistes et les sociétés civilisées du monde ne peuvent rester indifférents à ce que vit le mouvement syndical colombien. Il est urgent que le gouvernement indique les mesures qu'il a prises ou qu'il envisage de prendre pour faire cesser la répression syndicale. En conclusion, l'inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport est nécessaire.
Le membre travailleur de l'Uruguay a rappelé que la Colombie a ratifié la convention no 87 en 1976 et que, plus de vingt ans après, la Commission d'application a été informée par le ministre du Travail que la législation devait être modifiée. Malheureusement, cette modification n'a pas eu lieu. Aujourd'hui, ni la ministre ni le secrétaire du Travail ne sont présents pour discuter et essayer de trouver des solutions à la situation de violence et de douleur vécue par les travailleurs colombiens, situation provoquée par de nombreux assassinats et la non-protection dans la réalisation de leurs activités. L'orateur a soutenu qu'il est de la responsabilité du gouvernement de protéger l'activité syndicale. Ni le gouvernement actuel ni les gouvernements antérieurs n'ont respecté et ne respectent leur engagement de mettre en oeuvre la convention no 87. Ainsi, il est manifeste qu'en ce qui concerne le droit de grève une volonté de commettre des violations persiste. L'orateur indique que la commission d'experts se réfère dans son rapport à des commentaires d'une organisation syndicale portant sur l'inobservation de l'obligation de prélever à la source les cotisations syndicales. Cette inobservation prouve que la convention est non seulement gravement violée par des menaces de mort et des assassinats de syndicalistes, mais également par des questions de moindre importance. Finalement, il a demandé que le cas soit inclus dans un paragraphe spécial et il s'est dit confiant que le gouvernement présentera des solutions concrètes dans l'année qui suit.
Le membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant au nom de plusieurs gouvernements -- Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Pays-Bas et Suède -- , s'est félicité des efforts déployés en faveur de la paix. Toutefois, il a noté avec beaucoup de préoccupation que plusieurs dispositions de la législation ne sont toujours pas conformes aux exigences de la convention no 87, alors que cette situation fait l'objet, depuis bien des années, d'observations de la commission d'experts et de débats au sein de la Commission de la Conférence. A propos du droit de grève, l'orateur a pris note des conclusions du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1916. Ces conclusions ont été approuvées par le Conseil d'administration à sa session de mars 1999. L'orateur a souligné avec force que c'est à une autorité judiciaire ou à une autorité indépendante, et non au gouvernement, qu'il revient de déterminer si une grève est conforme à la loi. L'intervenant a également fait observer que le Conseil d'administration se prononcera en juin 2000 sur l'établissement d'une commission d'enquête. Enfin, l'orateur a demandé instamment au gouvernement de prendre des mesures pour rendre les dispositions susmentionnées pleinement conformes aux principes de la liberté syndicale, et exprimé l'espoir que le gouvernement colombien sera en mesure de faire état l'an prochain des progrès et que la convention est appliquée au bénéfice de tous.
Le membre travailleur de Cuba a souligné que, depuis des années, des cas de violations de la convention se produisent en Colombie, cas qui sont traités à la présente session et qui l'ont été dans d'autres. Il s'est dit très préoccupé par la gravité de la situation des syndicalistes colombiens et a exprimé toute sa solidarité à leur égard. Partout en Amérique latine, des dirigeants syndicaux colombiens sont harcelés. Il a insisté fermement sur le fait qu'on ne saurait se désintéresser des cas de syndicalistes qui ont été tués, que ces cas soient liés directement ou non aux points soulevés par l'observation de la commission d'experts. Il a exprimé l'espoir qu'il sera mis un terme au climat de violence et que les problèmes de législation seront bientôt résolus, et il a manifesté son soutien au processus de paix, lequel a un caractère impérieux.
Le membre employeur de la Colombie, se référant aux déclarations des membres travailleurs, a dit qu'il est déplaisant pour les employeurs de devoir recourir à des instances comme la commission. Il a exprimé les condoléances des employeurs pour la mort de compatriotes colombiens, y compris de syndicalistes. Lorsqu'ils déploient leurs activités, les employeurs respectent la loi. Il a souligné les efforts énormes du gouvernement en faveur du processus de paix et de concorde nationale. Il a précisé que le projet de loi que la commission d'experts a mentionné résout la plupart des questions évoquées, que le Congrès, c'est-à-dire le Sénat et la Chambre, l'a examiné et approuvé et que, conformément à la loi, le Président de la République est en train de l'examiner en vue de son adoption définitive. Il a souligné que, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat et la Chambre, beaucoup de points ont été étudiés en concertation avec les représentants des travailleurs et des employeurs. Ce n'est qu'à propos de l'article 486 du Code du travail qu'il n'y a pas eu d'accord et les employeurs et les travailleurs ont convenu de consulter l'OIT sur ce point. Il a été tenu compte de l'avis de l'Organisation dans le texte du projet de loi. L'orateur a indiqué que la Commission de concertation des politiques salariales et du travail est en train d'examiner deux points: la formation professionnelle et la définition des services publics essentiels, c'est-à-dire les cas dans lesquels la grève peut être interdite. Voilà qui démontre que les employeurs sont disposés à promouvoir et à appuyer les initiatives propres à améliorer la coexistence et l'harmonie dans le pays.
Le représentant gouvernemental s'est référé à la difficile situation qui perdure en Colombie depuis plus de quarante ans, comme conséquence du conflit armé interne. Il a souligné que, lors des deux dernières années, il avait été prévu que les parties au conflit s'assoient à une table de négociation. Le 3 juillet 2000, l'une des parties s'y assoira afin de parler du cessez-le-feu, lequel changera le problème de la violence. L'orateur a mis en évidence les progrès réalisés afin de rendre conforme la législation interne aux conventions de l'OIT et plus particulièrement à la convention no 87. A cet effet, il a notamment mentionné la loi no 50 de 1990 qui introduit des modifications et des nouveautés très importantes; la Constitution de 1991 qui garantit les droits syndicaux, de grève et de négociation collective et qui prévoit également que les conventions ratifiées font partie intégrante de la législation interne; la loi no 278 de 1996 qui crée la commission de concertation tripartite, laquelle constitue une table de négociations, et le projet de loi no 184 qui contient les questions signalées par la commission d'experts. Ce dernier projet de loi a été approuvé par le Congrès à la fin de mars 2000 et est actuellement soumis pour approbation au Président de la République. L'orateur a indiqué qu'il a fait parvenir à la présente commission un document expliquant clairement les changements sollicités par la Commission d'experts. En février 2000, la mission de contacts directs a pris connaissance des projets de loi élaborés par le ministère du Travail concernant les services publics essentiels. Ces projets de loi prohibent le droit de grève et prévoient la possibilité pour une partie de soumettre le conflit à un arbitrage obligatoire. En ce qui concerne le droit à la négociation collective des employeurs publics, il permet de présenter des pétitions devant les autorités. La mission a proposé des modifications à ces projets de loi, lesquelles incluent un recours sommaire aux autorités judiciaires en ce qui concerne les décisions de l'administration déclarant illégale une grève, l'inclusion de l'expression "négociation collective des employeurs publics" dans l'un des projets de loi, le droit de grève des fédérations et des confédérations et le remplacement de l'arbitrage obligatoire à la fin de 60 jours de grève par l'arbitrage convenu entre les parties. Les projets de loi et les modifications proposés par la mission sont présentement en cours d'examen et tiennent compte du fait que certaines questions ont des répercussions économiques. Par la suite, les projets de loi seront soumis aux interlocuteurs sociaux conformément aux mécanismes légalement prévus. L'article 29 de la Constitution politique garantit ledit processus inclus dans les procédures administratives. Enfin, l'orateur a informé la commission que la ministre du Travail n'a pu être présente cette semaine car le Président de la République avait organisé, à l'intérieur de la procédure de paix, des tables de concertation concernant les pensions, l'emploi et les impôts. Certains sujets mentionnés par les orateurs antérieurs seront également abordés. Les employeurs, les travailleurs, l'Eglise et la société civile prendront part aux discussions.
Le membre travailleur de la Colombie, commentant les raisons pour lesquelles la ministre du Travail de Colombie n'était pas présente à la commission et les explications fournies par les représentants gouvernementaux à cet égard, a indiqué qu'il convenait de préciser qu'actuellement plusieurs tables de concertation se tiennent où les travailleurs ont décidé, en principe, de participer pour discuter de questions spécifiques, mais que l'absence de la ministre était due en réalité au fait que le gouvernement est en train de traverser une grave crise politique.
Un autre représentant gouvernemental a déclaré que la proposition d'un paragraphe spécial ne se justifie pas, en particulier parce que le gouvernement a obtenu des résultats importants. En effet, la loi approuvée par le Congrès et les autres projets législatifs recouvrent tous les points mentionnés par la commission d'experts. On enregistre aujourd'hui, ce qui n'aurait pas été le cas autrefois, des progrès qui résultent du travail effectué conjointement avec l'OIT. De plus, le gouvernement prend résolument part au processus de paix. Quant aux questions sur le climat de violence, l'orateur a déclaré que le gouvernement ne cherche pas à éviter le débat. Bien au contraire, la ministre du Travail participera prochainement aux travaux de l'instance compétente.
Les membres travailleurs, après avoir écouté les différents orateurs, ont constaté qu'en ce qui a trait aux observations des experts aucun progrès n'a été constaté. Les témoignages entendus confirment qu'en Colombie les travailleurs syndicalistes s'exposent à la violence par l'exercice même de leur engagement en faveur des travailleurs et en leur qualité de syndicalistes. Les membres travailleurs ont réitéré leurs profondes inquiétudes devant une situation qui dure depuis près de vingt ans et qui, du fait de sa gravité, a figuré en quasi-permanence à l'ordre du jour de cette commission ou de celui du Comité de la liberté syndicale. Ils ont demandé à nouveau que les conclusions figurent dans un paragraphe spécial. Ils ont par ailleurs regretté que les membres employeurs n'aient pas partagé leur appréciation de la situation. Ils ont insisté une nouvelle fois avec fermeté sur la gravité de la situation dans ce pays et déploré que, dans de trop nombreux cas, les travailleurs colombiens ont payé de leur vie.
Les membres employeurs ont souligné la nécessité de prendre en compte la situation générale du pays. Ils ont rappelé, que depuis plusieurs années, la commission d'experts appelle l'attention sur plusieurs dispositions de la législation nationale qui violent la convention. L'orateur a souligné que, maintenant, plusieurs des points relevés par la commission d'experts sont sur le point d'être réglés par un projet de loi qui a récemment été présenté au parlement et qui est en attente de l'approbation du Président. Toutefois, la commission d'experts considère toujours que l'un de ces amendements contrevient aux dispositions de la convention. En ce qui concerne les commentaires présentés par la commission d'experts relatifs à l'exercice du droit de grève, les membres employeurs ont réitéré qu'à leur avis cette question ne devrait pas être examinée dans le cadre de la convention no 87. Ils ont fait remarquer que tous les orateurs ont souligné l'importance des conflits existants dans le pays. Néanmoins, ces conflits ne doivent pas être invoqués comme excuse pour maintenir des dispositions violant la convention. Effectivement, la situation dans le pays est extrêmement sérieuse et elle affecte toutes les parties concernées; mais s'agissant d'un problème de nature politique, il ne doit pas être examiné seulement au regard de la convention. Les amendements prévus par les projets de loi contiennent d'importants changements, lesquels sont demandés par la commission d'experts depuis de nombreuses années. Il est toutefois du devoir du gouvernement d'examiner toutes les questions en suspens et de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures prises de même que sur l'adoption du projet de loi.
La commission a pris note des informations orales communiquées par les représentants gouvernementaux ainsi que du débat qui a suivi. La commission a noté avec une grande préoccupation que les divergences majeures ou persistantes entre la législation et la pratique et les dispositions de la convention ont conduit à plusieurs plaintes devant le Comité de la liberté syndicale et à une plainte formelle présentée par un certain nombre de délégués travailleurs à la Conférence internationale du Travail de juin 1998, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, relative au défaut d'application de la convention no 87. La Commission de la Conférence a discuté de l'application de la convention no 87 à plusieurs reprises, sans pouvoir noter de progrès dans la mise en oeuvre de la convention. La commission a rappelé, une fois encore, que la commission d'experts a instamment prié le gouvernement de lever tous les obstacles qui entravent le droit des travailleurs de créer des syndicats de leur choix et d'y adhérer, d'élire librement leurs représentants, et le droit des organisations de travailleurs d'organiser leurs activités sans ingérence des autorités publiques restreignant ou empêchant l'exercice de ces droits. La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental selon lesquelles un projet de loi a été adopté par le Congrès le 29 mai 2000. Elle a souligné qu'il appartiendra à la commission d'experts d'examiner la compatibilité de cette législation avec les exigences légales de la convention. Cependant, elle a noté que de nouvelles plaintes concernant notamment la violence antisyndicale continuaient à être présentées à l'OIT. La commission a rappelé que le respect complet des libertés civiles est essentiel à la mise en oeuvre de la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre d'autres mesures afin de mettre sa législation et sa pratique en complète conformité avec la convention le plus rapidement possible. Elle a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournisse un rapport détaillé à la prochaine réunion de la commission d'experts sur les progrès réels accomplis en droit et en pratique pour assurer l'application de cette convention. La commission a fermement espéré être en mesure de noter, à sa prochaine session, des progrès concrets et définitifs sur la situation syndicale dans le pays.
Le représentant gouvernemental, ministre du Travail, a souligné que son gouvernement approuve et fait siennes les observations de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Toutefois, son gouvernement estime pertinent d'apporter quelques précisions sur la législation du travail en vigueur en Colombie, ce qui conduit à évoquer certaines dispositions constitutionnelles et les conventions de l'OIT.
Depuis 1991, date à laquelle a été adoptée la nouvelle Constitution colombienne par l'Assemblée nationale constituante, laquelle est éminemment pluraliste, on enregistre des progrès sans précédent pour tout ce qui a trait au monde du travail. Il convient de mentionner que, sur le plan constitutionnel, les conventions internationales du travail que le Congrès a dûment ratifiées font partie du droit interne. Ainsi, les 51 conventions ratifiées par la Colombie peuvent être appliquées directement et, en vertu de la Constitution colombienne, elles priment dans le droit interne car il s'agit d'instruments du domaine des droits de l'homme. C'est le cas des conventions nos 87 et 96 de l'OIT. L'article 53 de la Constitution, dans son paragraphe 4, dispose que les conventions internationales du travail qui ont été dûment ratifiées font partie du droit interne. L'article 93 de la Constitution dispose que les traités et conventions internationaux qui consacrent les droits de l'homme et qui interdisent la restriction de ces droits pendant tout état d'exception priment dans le droit interne. Les droits et devoirs prévus dans la Constitution sont interprétés conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Colombie. Les principes du droit du travail sont également garantis par le mécanisme judiciaire appelé "action de tutelle". En vertu de ce mécanisme, quiconque estime que l'un de ces droits fondamentaux est violé peut solliciter la protection de toute autorité judiciaire au moyen d'une procédure courte et rapide. De nombreux cas de violation de la liberté syndicale ont pu ainsi être résolus, et la protection du droit de libre association, notamment celui d'exercer les droits du travail, a été garantie.
Le gouvernement reste convaincu de l'importance que revêt l'activité normative de l'OIT et de l'avantage, sur le plan social, pour les travailleurs, les employeurs et la société, qu'il y a à intégrer les normes internationales du travail dans le droit interne. Ainsi, au cours de la dernière période, le Congrès a examiné et a approuvé les conventions (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, (no 161) sur les services de santé au travail, (no 162) sur l'amiante, et (no 174) sur la prévention des accidents industriels majeurs. Ces conventions sont en cours de ratification. On peut affirmer qu'avant la Constitution de 1991 l'exercice de la liberté syndicale faisait l'objet d'entraves en Colombie. Ce n'est plus le cas actuellement et ce droit, qui est consacré par la convention no 87, a désormais rang constitutionnel. De même, le droit qu'ont les travailleurs et les employeurs de former des syndicats ou des associations sans l'intervention de l'Etat -- ces syndicats ou associations étant alors reconnus immédiatement du point de vue juridique -- est consacré dans l'article 38 de la Constitution.
Le représentant gouvernemental indique que des mesures ont été prises pour tenir compte des observations formulées par la commission d'experts dans son rapport III (partie 1) et des commentaires relatifs à la convention no 87, notamment en ce qui concerne les difficultés d'ordre législatif qui persistent. En 1996, une mission d'assistance technique sur la liberté syndicale s'est rendue en Colombie. En collaboration avec cette mission, on a élaboré divers projets de loi destinés à adapter la législation nationale relative au travail aux conventions qui ont été ratifiées. Ces projets de loi ont été soumis au Congrès. S'il est vrai qu'ils n'ont pas été adoptés au cours de cette procédure législative, ils ont servi de point de départ pour l'adoption de diverses mesures administratives, pour répondre aux besoins les plus immédiats et pour élaborer un projet de décret réglementaire portant sur les lois 26 et 27 de 1976, lois en vertu desquelles ont été ratifiées les conventions no 87 et no 98. A l'évidence, il convient de signaler à la commission que, même si ces lois, qui, selon les observations susmentionnées, vont à l'encontre des conventions no 87 et no 98, continuent d'exister, le gouvernement estime qu'elles ont été dérogées et, à cette fin, on demandera qu'une action en inconstitutionnalité soit entamée chaque fois que cela sera nécessaire. Comme on le voit, tout est mis en oeuvre: la présentation d'un projet de loi visant à adapter la législation aux observations de la commission d'experts, l'adoption d'un décret réglementaire et, même, une action en inconstitutionnalité devant la Cour.
A propos des observations de la commission d'experts sur la convention no 87, l'orateur rappelle que, dans le rapport de la commission d'experts, il est indiqué que les normes du travail colombiennes qui ne sont pas conformes à la convention no 87 sont les suivantes:
-- L'article 365 g) selon lequel, pour qu'un syndicat puisse être enregistré, l'inspection du travail doit certifier qu'il n'en existe pas d'autre syndicat. Cette disposition vise à empêcher, seulement dans le cas de syndicats d'entreprise, le parallélisme syndical. Les travailleurs conviendront, très certainement, que cette disposition est nécessaire pour renforcer le mouvement des travailleurs.
-- L'article 365 g) et l'article 384 du Code substantif du travail prévoient qu'il faut être Colombien pour exercer des fonctions de direction dans un syndicat et que, pour qu'un syndicat puisse être constitué, les deux tiers de ses membres doivent être Colombiens. Il est difficile de trouver, dans quelque pays que ce soit, une constitution aussi prodigue que la Constitution colombienne en ce qui concerne la reconnaissance des droits des étrangers. Il suffit d'examiner certaines constitutions dans le monde pour comprendre que la Constitution colombienne est prodigue puisqu'elle prévoit d'emblée la possibilité d'acquérir la nationalité colombienne en vertu des principes de la loi du sol et de la loi du sang. En outre, la Constitution établit que les étrangers peuvent acquérir la nationalité colombienne sans renoncer pour autant à leur nationalité d'origine. Ces dispositions sont d'une ampleur sans précédent et, dans ce domaine, peu de pays au monde peuvent être comparés à la Colombie. Par ailleurs, et c'est peut-être pour cela que ce point n'a pas fait l'objet de mesures législatives particulières, on n'enregistre pas en Colombie un secteur d'activité où la proportion d'étrangers serait particulièrement élevée. En vertu de la Constitution colombienne, les étrangers jouissent des mêmes droits civils que les Colombiens. Toutefois, pour des raisons d'ordre public, ces droits peuvent faire l'objet de réglementations. Par conséquent, la législation n'est contraire ni à la Constitution ni à la convention. Les étrangers peuvent adhérer à un syndicat, mais ils ne peuvent contrôler un syndicat ou devenir dirigeant d'un syndicat.
-- A propos de l'article 486 du Code du travail qui assujettit la gestion interne des syndicats ainsi que les réunions syndicales au contrôle de fonctionnaires, le représentant gouvernemental indique que les fonctionnaires sont chargés de garantir le respect des dispositions des statuts syndicaux relatives aux majorités qualifiées, par exemple en cas de grève. Souvent, ce sont les syndicalistes qui sollicitent la présence de fonctionnaires administratifs en cas de conflit au sein d'un syndicat. Dans ce cas, le fonctionnaire doit recueillir des éléments de preuve qui permettront de régler les conflits à l'avenir. Le gouvernement estime que cette disposition ne nuit ni à l'indépendance, ni à l'autonomie des syndicats.
-- L'article 380 (3) prévoit que tout membre de la direction d'un syndicat qui est responsable de la dissolution de ce syndicat peut être déchu de ses droits syndicaux pour un délai pouvant atteindre trois ans. La loi 50 de 1990 a supprimé la faculté de l'administration, c'est-à-dire du gouvernement, de déchoir de leurs droits syndicaux, les dirigeants d'un syndicat dans le cas susmentionné. Cette faculté revient désormais à l'autorité judiciaire lorsqu'elle constate qu'un dirigeant syndical est responsable de la dissolution ou de la suspension d'un syndicat. Etant donné que cette dissolution est déclarée par voie judiciaire, l'article 380 (3) du Code ne constitue pas une violation de la convention.
-- L'article 422 (1) c) prévoit qu'il faut avoir exercé une activité ou une profession pour devenir dirigeant syndical. Cette disposition ne peut porter atteinte aux droits d'association syndicale, d'abord parce qu'elle s'applique aux syndicats de secteur, ensuite parce que, ce qui importe, c'est le fait que l'activité ou la profession de la personne intéressée relèvent du domaine propre au syndicat, même si cette personne n'exerce pas, dans les faits, ces activités. Les autorités administratives du travail exigent seulement un certificat d'ancienneté du travailleur dans l'entreprise et le fait que ces activités relèvent du domaine propre au syndicat. De par sa nature, un syndicat doit être dirigé par des personnes qui ont la même profession que les membres du syndicat. Ce serait toute autre chose que d'envisager la possibilité de professionnaliser l'activité de dirigeant syndical.
-- Le droit de grève des fédérations et confédérations: le ministère du Travail est en train d'examiner avec tous les partenaires sociaux l'opportunité de développer et de renforcer le mouvement syndical par le biais du syndicalisme de secteur, ce qui conduirait à donner des facultés importantes aux fédérations et aux confédérations. De même, le projet de décret réglementaire envisage les mêmes facultés pour les syndicats d'organisations syndicales de deuxième et troisième degrés.
-- La faculté du ministre du Travail et de la Sécurité sociale et du Président de la République d'intervenir dans les conflits (articles 448 et 450 du Code): pendant le présent mandat du gouvernement, cette faculté n'a pas été exercée, sauf à la demande des syndicats. Le délégué reconnaît que, effectivement, cette disposition viole la convention no 87.
-- La possibilité de licencier les dirigeants qui sont intervenus ou qui ont participé à une grève illégale (article 450 (2) du Code). Les organes de supervision de l'OIT reconnaissent le caractère légitime du licenciement en cas de grève illégale, et la convention prévoit que les organisations de travailleurs doivent respecter la loi. Cette disposition ne viole donc pas la convention. Toutefois, à propos du droit de grève et de certaines restrictions, notamment du point de vue administratif (voir page 184 du rapport de la commission d'experts), le délégué informe la commission que la nouvelle Constitution colombienne de 1991 permet au Congrès de déterminer quels services publics sont essentiels. Ces mesures législatives sont notamment contenues dans cinq lois.
La loi 100 de 1993, article 4, qui porte sur le système général de sécurité sociale en matière de santé et sur le système général de pensions. Ces systèmes ont un caractère essentiel en ce qui concerne les activités qui ont directement trait à l'attribution et au versement de pensions; les articles 1 et 4 de la loi 142 de 1994 portent sur les services publics apportés aux particuliers (eau, égouts, installations sanitaires, électricité, gaz, téléphone fixe et téléphone mobile en milieu rural); l'article 11 du décret 407 de 1994 définit les fonctions du corps national de protection et de surveillance pénitentiaire et des prisons; l'article 125 de la loi 270 de 1996 établit que l'administration de la justice est un service public essentiel; le décret 336 de 1996 fixe les modalités des transports publics aériens, maritimes, ferroviaires et terrestres. Le droit de grève est consacré par la Constitution, et la législation du travail fait progressivement l'objet d'adoptions, de telle sorte que certaines dispositions de la législation en vigueur sont inapplicables et qu'il est possible de déroger à celles qui sont contraires à la Constitution.
Compte tenu du fait que, actuellement, la législation prévoit que les conventions internationales l'emportent sur le droit interne et qu'elles sont immédiatement applicables, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a créé un groupe de juristes dirigé par un spécialiste du droit du travail et des normes de l'OIT. Ce groupe est chargé d'entamer des actions devant la Cour constitutionnelle afin que celle-ci déclare anticonstitutionnelles les normes du Code substantif du travail et les dispositions de la législation du travail qui seraient contraires à l'esprit et à la lettre des conventions de l'OIT ratifiées par la Colombie. Ainsi, on évite, par la voie constitutionnelle, une procédure législative trop longue et le risque que, une fois pris le décret réglementaire susmentionné, des obstacles juridiques en empêchent l'application à l'avenir. La situation n'est toujours pas idéale au niveau de la législation, et pour cette raison le gouvernement tentera, avec les organisations de travailleurs, de tomber d'accord sur des dispositions plus acceptables.
Au sujet des actes de violence qui se produisent en Colombie, le représentant a indiqué que les violations des droits de l'homme qui se produisent ne sont ni voulues ni recherchées par le gouvernement, les travailleurs et les entrepreneurs, et qu'elles s'inscrivent dans le cadre de conflits armés qui perdurent et qui touchent les catégories sociales les plus diverses, soit l'ensemble de la société, les travailleurs et les dirigeants syndicaux. Face à cette situation complexe et extrêmement délicate, le gouvernement colombien a élaboré et mis en oeuvre une politique structurelle en vue de la paix et du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Cette politique vise à la fois à rechercher une solution négociée pour les conflits armés, à garantir et à promouvoir le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, pour que la population civile ne soit pas victime de ces violations. Au sujet de la politique de paix, il convient de mentionner la création du Conseil national pour la paix qui est composé d'organisations de l'Etat et d'organisations issues de la société civile, en particulier de l'église catholique. Le Conseil est respecté et reconnu par les forces en présence. Le gouvernement a apporté son appui à une série d'initiatives de la part des citoyens pour la paix et contre la guerre. Ainsi, lors des dernières élections, le gouvernement a proposé aux électeurs un "bulletin pour la paix", et 10 millions de Colombiens ont placé ce bulletin dans les urnes. Conscient de l'importance qu'il y a à coopérer avec la communauté internationale pour faire face au problème de la violence, le gouvernement colombien a demandé la création en Colombie d'un bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme. Ce bureau a ouvert ses portes en avril 1997.
Le représentant gouvernemental a souligné que la Commission des droits de l'homme, qui est l'organe le plus important des Nations Unies pour la protection des droits de l'homme, a déclaré, lors de sa cinquante-quatrième session qui vient de se terminer alors que l'on célèbre le cinquantenaire de la Déclaration des droits de l'homme, qu'elle prend bonne note, d'une part, de l'ensemble des politiques et mesures importantes que le gouvernement colombien a adoptées et mises en oeuvre pour la protection et la défense des droits de l'homme, d'autre part, de la volonté du gouvernement de coopérer avec le bureau du Haut Commissaire pour les droits de l'homme à Bogotá, avec les rapporteurs spéciaux et avec les groupes de travail de la commission, et, enfin, de la disponibilité du gouvernement pour poursuivre et renforcer ces politiques et mesures. Ni la communauté internationale, ni la Colombie ne pourraient comprendre, à ce sujet, que soit prise une décision différente de celle qui a été adoptée au sein de la Commission des droits de l'homme, cela après une longue période d'examen et de concertation.
Au sujet des droits de l'homme des travailleurs, le gouvernement colombien et, en particulier, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale se sont engagés à promouvoir le respect des droits fondamentaux relatifs à la vie, à la liberté individuelle et à la liberté d'association. Le gouvernement colombien a attaché une importance particulière à ce sujet parce que l'image du pays à l'étranger en dépend. Il a aussi pris des dispositions véritables et a manifesté sa volonté politique de remédier à une situation qui, il le reconnaît, est inacceptable et qui n'est pas compatible avec le caractère démocratique et citoyen des institutions colombiennes. A été créé le groupe consultatif en matière de droits de l'homme qui dépend directement des services du ministère. Ce groupe a notamment pour fonction de fournir des services consultatifs et d'appui à la Commission interinstitutionnelle des droits des travailleurs. De la sorte, on a progressé dans l'élaboration d'un système d'information sur les actes de violence dont sont victimes les dirigeants syndicaux. Ce système servira de base au gouvernement pour élaborer un mécanisme de suivi et de lutte contre l'impunité. Néanmoins, des assassinats et d'autres crimes odieux ont eu lieu contre des dirigeants syndicaux, et des menaces continuent d'être proférées à l'endroit des dirigeants syndicaux et de leurs activités. Le gouvernement condamne ces actes et offre de prendre des mesures afin de punir les auteurs de ces crimes. Le gouvernement considère que les organisations syndicales occupent une place importante dans la société et que la poursuite d'une paix réelle et d'une justice sociale devrait se poursuivre. Enfin, il indique qu'il s'identifie à la juste cause des organisations syndicales.
Les membres travailleurs ont déclaré que le cas de la Colombie est extrêmement préoccupant. La Commission de la Conférence a discuté de ce cas en 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995 et 1997. Ce cas a été mentionné dans un paragraphe spécial en 1989 et 1990. En outre, les observations de la commission d'experts renvoient également aux problèmes soulevés à propos de la convention no 98. En 1996, une mission de contacts directs s'est rendue en Colombie. A ce jour, cinq plaintes sont en instance devant le Comité de la liberté syndicale.
Les membres travailleurs ont rappelé que l'année précédente, lors de l'examen de ce cas, deux préoccupations majeures ont été soulevées: d'une part, le gouvernement avait élaboré, avec le concours du BIT, deux projets de loi allant dans le sens des observations des experts. Ces observations, reprises dans le rapport de cette année, portaient sur les divergences du droit et de la pratique avec les conventions nos 87 et 98. D'autre part, la Commission de la Conférence s'était déclarée vivement préoccupée par le climat de violence et d'impunité régnant dans le pays et visant en particulier les travailleurs et les syndicalistes.
La commission d'experts note que le gouvernement déclare dans son rapport que le Congrès de la République a décidé d'écarter le projet de loi et recherche d'autres solutions pour répondre aux exigences de la convention. De plus, le deuxième projet de loi, concernant les services publics essentiels, ne semble pas, non plus, avoir connu de suite.
En ce qui concerne la deuxième préoccupation, c'est-à-dire les intentions du gouvernement devant la situation de violence visant les travailleurs et les syndicalistes, aucune information n'est relayée par la commission d'experts, ce qui mène à conclure que le gouvernement n'a pas fourni de telles informations dans son rapport. Or les nouvelles parvenant par des syndicalistes colombiens à cette session même témoignent encore de la gravité extrême de la situation. La semaine précédente, 26 travailleurs ont été enlevés et assassinés. Selon les informations de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, 127 syndicalistes ont été assassinés en 1997 pour des raisons politiques. Plusieurs syndicalistes ont été enlevés et sont portés disparus. Le Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme a condamné l'appareil judiciaire, et en particulier les tribunaux régionaux, ces tribunaux ayant entériné l'arrestation de syndicalistes sans respecter la procédure judiciaire, et purement et simplement pour avoir exercé leurs droits syndicaux.
Cette situation conduit les membres travailleurs à insister de nouveau sur l'interaction nécessaire et indispensable des instruments de l'OIT et des principes énoncés dans sa Constitution afin de créer, pour reprendre les termes du mandat de la mission de contacts directs de 1996, "un climat de paix sociale et d'élimination progressive des conditions sociales qui impliquent l'injustice, la misère et les privations".
Les membres travailleurs ont constaté que, sur le plan de la mise en conformité de la législation avec la convention, aucun projet n'a été constaté et même que le processus devrait apparemment être recommencé. S'agissant des violences antisyndicales, le gouvernement reste muet quant à l'action entreprise pour mettre fin à ce climat de violence et, en particulier, aux agressions de syndicalistes.
Compte tenu de cette double lacune, les membres travailleurs proposent que, dans ses conclusions, la commission invite le gouvernement à accepter une mission de contacts directs afin: 1) d'assister le gouvernement et les autres organes politiques de décision, comme le Congrès de la République, en vue d'éliminer à court terme les obstacles s'opposant à l'adoption de normes de nature à rendre la législation conforme à la convention; 2) de s'informer sur la situation de violence antisyndicale et définir, avec les autorités compétentes et les organisations de travailleurs et d'employeurs, les mesures à prendre pour mettre un terme aux violences antisyndicales, pour instaurer un climat de paix sociale, et établir et garantir l'état de droit.
Les membres employeurs ont rappelé que ce cas a été examiné huit fois au cours des dix dernières années. En 1996, une mission de l'OIT sur la liberté syndicale avait abouti à l'élaboration d'un projet de loi qui, pour finir, n'a pas été adopté par le Congrès. L'adoption de ce projet de loi aurait apporté dans une large mesure une réponse satisfaisante aux douze points constituant la matière du rapport de la commission d'experts. S'agissant des critiques formulées par la commission d'experts quant à la disposition législative relative au droit de grève, les membres employeurs ont rappelé qu'en la matière leur position n'est pas la même que celle de la commission d'experts et que, par ailleurs, l'obligation pour l'Etat de prendre des mesures de protection s'impose à un stade antérieur. Abstraction faite de cette divergence d'opinions, les autres points soulevés par la commission d'experts montrent à l'évidence que la liberté syndicale est loin d'être respectée. Quant à la suggestion du représentant gouvernemental d'examiner si les propositions formulées dans le cadre du projet de loi précité pourraient être introduites dans la Constitution du pays, les membres employeurs estiment que cette procédure n'aurait pas de résultat positif puisqu'il n'a pas été adopté un seul projet de loi. Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental a donné d'abondantes informations sur les nombreuses questions soulevées dans le rapport de la commission d'experts, et qu'il a déclaré qu'une fois ratifiées les conventions sont directement applicables au niveau national et ont la prééminence sur les autres lois. Or la convention no 87 consacre des principes qui devraient être adoptés dans l'ordre juridique national et devraient être respectés dans la pratique, ce qui s'est révélé particulièrement aléatoire. S'agissant de l'intention du gouvernement d'examiner les dispositions juridiques contraires aux dispositions de la convention no 87 et de les déclarer inconstitutionnelles, les membres employeurs doutent que l'exécutif ait la faculté de procéder ainsi. Ils ont fait observer que le problème concerne non seulement la convention no 87 mais encore l'ensemble de la société, en proie à un climat de violence généralisé. Militants syndicaux et chefs d'entreprise sont victimes de discriminations, d'enlèvements ou d'assassinats, situation qui prouve que la liberté syndicale n'existe pas dans ce pays. Les membres employeurs souhaitent que, dans ses conclusions, la commission exprime sa profonde préoccupation, sans y mentionner pour autant des éléments individuels soulignés par la commission d'experts, dans le but d'illustrer la gravité de la situation dans son ensemble. Enfin, le gouvernement devrait être instamment prié de prendre des mesures appropriées et de présenter un rapport dans un proche avenir.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que ce n'est pas la première fois qu'un ministre donne sa parole et que, un an plus tard, rien n'est fait. Le membre travailleur espère que, cette fois-ci, les promesses qui concernent les travailleurs et la communauté internationale seront tenues. Il déclare, avec beaucoup de tristesse, que la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée en Colombie. La violence frappe l'ensemble de la société colombienne, en particulier les travailleurs et la population civile. Ces actes de violence, et l'impunité qui les caractérise, sont de plus en plus préoccupants. La politique constante de menaces et d'attentats à l'encontre des défenseurs des droits sociaux fait partie d'une stratégie visant à démobiliser et à démoraliser les organisations de travailleurs. Plus de 98 pour cent de la population colombienne est composée de personnes bonnes, pacifiques, travailleuses, limpides. Tout ce qu'elles veulent, c'est vivre dans un pays en paix, libre, démocratique et développé dans lequel tous les Colombiens auront accès à l'éducation, au logement, à la santé, aux loisirs, à la sécurité sociale, et à l'emploi. Il est donc essentiel de souligner que plus d'un million de personnes sont déplacées en raison de la violence. On sait d'ores et déjà que la situation empirera encore et qu'il y aura davantage de sacrifices. La liberté syndicale est étroitement liée aux droits de l'homme. Le rapport très précis de la commission d'experts porte notamment sur les violations de la convention no 87. S'il est vrai que le ministre du Travail actuel a pris ses fonctions il y a quelques mois seulement, il lui incombe aujourd'hui de se porter garant de ceux qui, de manière irresponsable, s'étaient engagés à harmoniser la législation du travail avec les conventions et les recommandations de l'OIT et qui n'ont pas tenu parole. Les fonctionnaires de l'Etat sont toujours privés du droit à la négociation collective. Le projet de loi dont il a été question précédemment n'a été suivi d'aucun effet et il place les fonctionnaires de l'Etat dans une situation très défavorable. Il est donc très important que le gouvernement de la Colombie dise s'il est véritablement en mesure de tenir des engagements. Par ailleurs, le rapport de la commission d'experts indique de nouveau que, depuis de nombreuses années, la Colombie annonce une modification de la législation du travail. Il est question aujourd'hui, pour garantir la liberté syndicale, de consacrer le statut du travail, comme le prévoit la Constitution. Or les travailleurs colombiens n'ont connaissance ni d'un projet de statut ni de l'issue qui a été donnée à un projet présenté par les travailleurs et qui avait recueilli plus d'un million de signatures. De plus, les travailleurs colombiens se disent préoccupés par la manière dont certaines entreprises suppriment littéralement les travailleurs et leurs organisations en les soumettant à des persécutions, en prévoyant des programmes de retraite "volontaire", en ayant recours à des contrats temporaires et en prévoyant ce que l'on appelle désormais le "statut du travailleur non syndiqué". Cet instrument est extrêmement dangereux pour le mouvement syndical car il établit des garanties et des droits différents pour les travailleurs non syndiqués et parce qu'il vise à diminuer le taux de syndicalisation, comme c'est le cas à Avianca, et dans d'autres entreprises où des pratiques inacceptables sont perpétrées. Par exemple, dans certaines organisations sociales où il existe des syndicats, on a l'habitude, aberrante, de faire pression sur les travailleurs pour qu'ils renoncent à leur emploi et pour qu'ils constituent de petites coopératives susceptibles de fournir des services aux entreprises. De la sorte, on dénature la relation capital-travail, on diminue le volume de l'activité syndicale et on prive les travailleurs de protection syndicale et de sécurité sociale. A ce sujet, il est très important que le gouvernement s'engage à défendre la liberté syndicale et à empêcher que se développent des pratiques allant à l'encontre de la liberté syndicale, comme l'ont signalé les travailleurs de Bavaria, entité où les dirigeants syndicaux ne peuvent exercer leurs activités sur le lieu de travail. De plus, le membre travailleur ne croit pas aux informations selon lesquelles des progrès significatifs auraient été accomplis dans la législation du travail, dans les systèmes de protection de la santé et dans les systèmes de pension. La réalité est tout autre. Le membre travailleur demande que le ministre dise clairement ce que l'on fera des dizaines de milliers de travailleurs qui ont été licenciés ces dernières années. Ces travailleurs ont été licenciés par des maires et des gouverneurs sans qu'aucune sanction n'ait été prise. L'orateur demande également à la commission d'accepter qu'une commission d'enquête soit dépêchée, ce qui pourrait être très utile dans les circonstances actuelles.
Un autre membre travailleur de la Colombie a exposé l'une des principales raisons pour lesquelles il est demandé au gouvernement colombien de rendre des comptes: les violations des droits de l'homme en Colombie sont graves. Plus de 2.500 syndicalistes ont été assassinés au cours des dix dernières années sans qu'aucun responsable de ces crimes n'ait été arrêté. Le nombre extrêmement élevé de personnes déplacées et de réfugiés dans des pays amis et, par conséquent, la destruction du tissu social, la rupture des liens qui existaient dans le monde du travail et au sein des familles montrent à quel point la situation est grave. Par ailleurs, la commission s'est émue des plaintes que les représentants des travailleurs de Colombie ont formulées et qui font état de la "pénalisation" de la lutte sociale. Il s'est avéré que la législation qui vise à réprimer le terrorisme et le trafic de stupéfiants est finalement utilisée contre les dirigeants syndicaux, sociaux et politiques. Cette législation ne permet pas d'engager les actions nécessaires. En effet, la procédure prévue par telle législation est effectuée par des juges "sans visage"; les preuves sont tenues secrètes; des témoins sont entendus plusieurs fois contre une même personne et leur identité n'est pas dévoilée -- on les appelle "témoins clonés"; surtout, cette procédure permet de prononcer, après négociation, des peines dérisoires à l'encontre des véritables coupables, et, bien souvent, des innocents se disent coupables pour ne pas être soumis à des procédures interminables. Si ces derniers n'agissent pas ainsi, ils sont condamnés à des peines arbitraires et injustes. Certes, des débats ont lieu sur l'application de ce type de justice. De plus en plus de personnes s'y opposent. Toutefois, les travailleurs s'inquiètent du fait que, tant que ce type de justice sera appliqué, elle servira, par des moyens illégitimes, à "justifier" ou à prétendre "justifier" toute action contraire à la liberté ou à l'intégrité des dirigeants syndicaux et sociaux et aux membres d'organisations non gouvernementales qui s'occupent des droits de l'homme et des droits politiques.
Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, a fait d'importantes déclarations au cours de la séance plénière à propos des droits de l'homme et du droit légitime de les défendre. Ces déclarations s'appliquent pleinement au rapport sur la Colombie qui a été présenté à la 54e réunion de la Commission des droits de l'homme, il y a à peine deux mois. Se fondant sur des informations émanant de sa déléguée en Colombie, Mme Robinson a indiqué que, selon des organismes de sécurité de l'Etat colombien, 15 guérilleros sur 100 sont militairement actifs et 85 sur 100 apportent un appui logistique ou politique aux insurgés. Ces guérilleros sont intégrés dans des organisations sociales et syndicales, dans des mouvements politiques légaux et dans des organisations de défense des droits de l'homme. On peut imaginer les conséquences qu'ont, dans un pays comme la Colombie, des allégations aussi absurdes de la part des organismes de sécurité.
Il y a environ un mois et demi, a été assassiné à Bogotá M. Eduardo Umaña Mendoza, défenseur reconnu des droits de l'homme et des droits syndicaux, qui a dénoncé avec véhémence l'impunité et le manque de garanties pour exercer les activités syndicales en Colombie. Il défendait à ce moment-là les dirigeants syndicaux du secteur pétrolier.
Les travailleurs colombiens constatent et saluent la préoccupation que manifestent depuis plus de dix ans le Comité de la liberté syndicale, la commission d'experts et la Commission de l'application des normes. De même, ils se félicitent des mesures qu'ont prises les divers organes de l'OIT pour que la Colombie s'acquitte de son obligation de garantir et de respecter les droits relatifs à la liberté syndicale. Tant de syndicalistes ont été assassinés, déplacés de force ou victimes d'autres violations de leurs droits, et si grave est l'impunité qu'il est vain de citer des statistiques. Il est temps que la communauté internationale, et l'OIT en particulier, prenne des mesures plus concrètes pour aider le peuple colombien à résoudre le grave problème de la situation des droits de l'homme en Colombie. Le membre travailleur appuie la demande, formulée par l'autre membre travailleur de la Colombie, en vue de la création d'une commission d'enquête sur la liberté syndicale en Colombie. Enfin, il a demandé qu'à la mémoire des plus de 2.000 syndicalistes qui ont été assassinés en Colombie au cours des dix dernières années la commission observe une minute de silence.
Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que sa centrale avait dû assurer, à la demande de l'Organisation régionale interaméricaine des Travailleurs (ORIT), la protection de certains syndicalistes contraints de quitter leur pays en raison de menaces de mort réitérées. Il a souligné que le rapport de la commission d'experts signale que le Congrès de la République de Colombie a décidé de mettre en sommeil une réforme législative tendant à modifier la législation en vigueur pour la rapprocher des normes de l'OIT et garantir la liberté syndicale des syndicalistes colombiens. La situation est d'autant plus grave qu'aujourd'hui travailleurs et dirigeants syndicaux sont totalement dépourvus de protection. En 1997, 156 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés et une centaine ont dû abandonner leur foyer en raison des menaces dont ils faisaient l'objet. Les autorités ne font pas preuve d'une volonté marquée d'enquêter sur ces innombrables meurtres, enlèvements et autres attentats. On ne constate pas non plus de progrès notables quant au fonctionnement de la Commission pour la protection des droits de l'homme, que le gouvernement colombien s'était engagé à constituer. On ne constate pas d'évolution quant à la législation relative à la négociation collective dans le secteur public. Les syndicats qui revendiquent légitimement contre les abus des employeurs font l'objet d'une répression de la justice. Les entreprises exercent des poursuites au pénal contre les dirigeants syndicaux, avec une certaine complaisance de la justice. Le droit de grève est bafoué, bien qu'il soit inscrit dans la Constitution. Des dirigeants syndicaux sont licenciés en cas de participation à une grève, et ne jouissent d'aucune protection. Le ministère du Travail, investi de pouvoirs excessifs dont il fait usage de manière discrétionnaire et arbitraire, peut qualifier une grève d'illégale. A l'évidence, le gouvernement ne se soucie pas de modifier la législation, contrairement à ce qu'il s'était engagé à faire, ni de protéger la vie, la sécurité et l'activité des travailleurs et de leurs dirigeants syndicaux. L'intervenant se rallie donc à la démarche des travailleurs colombiens et demande instamment qu'il soit mis fin aux violences et aux diverses atteintes aux droits de l'homme en Colombie et qu'une commission d'enquête soit acceptée par le gouvernement.
Le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré ne pas vouloir entrer dans les détails des cas individuels puisque ce cas concernait la situation générale en Colombie. Il souligne que les dirigeants syndicaux ont été assassinés ou sont victimes de toutes sortes de discrimination et qu'en conséquence cette commission se doit d'exprimer sa plus profonde préoccupation concernant la situation dans ce pays. Il souligne que non seulement les syndicalistes font l'objet de persécution, mais également les avocats qui les représentent. Ce climat de violence est illustré notamment par le cas du Dr Mendoza, avocat réputé dans le domaine des droits de l'homme, qui a été assassiné dans son bureau de Bogotá le 18 avril 1998. En ce qui a trait à la déclaration du délégué gouvernemental, il fait remarquer qu'aucune mesure concrète n'a été prise et que le délégué gouvernemental s'est limité à qualifier les actes décrits ci-dessus comme "terribles et criminels". Ainsi, le délégué gouvernemental devrait indiquer quelles mesures concrètes ont été prises afin de remédier à la situation qui prévaut dans ce pays.
Le membre travailleur de l'Islande, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a déclaré que le gouvernement colombien semble déterminé à célébrer le cinquantenaire de la convention no 87 en ne prenant aucune mesure de nature à assurer l'application adéquate de cet instrument dans le pays. A nouveau, la commission est appelée à connaître d'une situation de violence épouvantable à l'encontre de syndicalistes, dont on évoque quelques aspects: en 1997, non moins de 156 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés dans le pays. Ce climat de violence ne semble pas s'être modifié cette année. Le gouvernement peut dire que ces meurtres sont des incidents isolés ou bien le fait de bandes criminelles et qu'il ne peut en être tenu responsable, mais, pour accepter une telle explication, cette commission devrait avoir la preuve que le gouvernement fait effectivement quelque chose pour remédier à la situation. Malheureusement, rien n'indique que ce soit le cas, bien au contraire; certains faits donnent à croire que les moyens de l'Etat sont utilisés pour saper l'activité syndicale. En mars, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a prononcé une condamnation à l'égard de l'appareil judiciaire colombien, considérant que celui-ci violait les garanties du respect des procédures, et Amnesty International a exprimé, dans son récent rapport, des préoccupations du même ordre. Le problème réel qui se pose, devant la démission du gouvernement face aux obligations que lui impose la ratification de la convention no 87, est apparemment l'absence totale de volonté politique. De par le monde, les forces démocratiques et le respect des droits de l'homme amènent un renversement pacifique des dictatures et l'instauration d'une société meilleure pour tous. Pour qu'une telle évolution se produise, il faut du courage. Il faut du courage pour faire table rase de l'ancien système de répression sociale et encore du courage pour permettre au peuple d'un pays de jouir des droits fondamentaux de l'homme. Il est évident que de tels progrès, c'est-à-dire qu'une telle évolution démocratique ne peut avoir lieu dans les conditions qui règnent actuellement en Colombie.
Le membre travailleur de la France a d'abord souligné la forte émotion qui touche ce cas et qui justifie le nombre élevé d'interventions. Il note que les propos du gouvernement se veulent rassurants mais que les faits et l'actualité contredisent ces propos. Il estime qu'à la base le problème est l'absence d'un état de droit et des moyens classiques de faire respecter la loi. L'orateur rappelle que la démarche prometteuse en 1996 avec le concours de l'OIT tendant à modifier diverses mesures contenues dans le Code substantif du travail a été rejetée par le Congrès. Le ministère du Travail étudie la possibilité de soumettre au Congrès le statut du travail qui reprendrait les amendements précités. Mais l'orateur demande quelle crédibilité peut-on attacher à cette démarche si le Congrès de la République a déjà rejeté le premier projet. L'orateur rappelle ensuite certains chiffres tels que 156 dirigeants syndicaux assassinés en 1997. Il note que, de ce nombre, 61 sont des enseignants en plus des quatre qui sont portés disparus, ce qui représente plus de 50 pour cent des syndicalistes assassinés. Il cite par exemple les événements du 7 mars 1996 où le secrétaire général de la FENSUAGRO fut abattu dans son bureau. Il mentionne également que, le 26 mars, le ministère public a menacé d'arrêter huit dirigeants syndicaux pour falsification de documents et fraude. A cet égard, l'orateur estime que la non-application de la convention no 87 ne peut que conforter les groupes paramilitaires qui s'attaquent aux syndicalistes puisque même les pouvoirs publics ne semblent pas respecter les dispositions de la convention no 87.
Le membre travailleur de l'Espagne a souligné que les problèmes essentiels ne se situent pas au niveau de la législation ou de la Constitution, mais ont leur racine dans l'impunité des crimes commis. Il a été signalé qu'aucun responsable de ces crimes n'a été jugé. La commission d'enquête proposée lors de la discussion peut, si elle engage sa tâche avec valeur, générosité et courage, contribuer à rendre la paix possible. L'OIT et les Nations Unies ne peuvent rester impassibles face à la situation de violence en Colombie. Après avoir déploré les récents assassinats massifs des syndicalistes, il rend hommage à la CUT pour sa lutte en faveur des droits de l'homme et des droits syndicaux.
Le membre gouvernemental de la Norvège, s'exprimant au nom des douze pays suivants: l'Allemagne, l'Autriche, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, l'Irlande, l'Islande, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse, a déclaré que la situation de la Colombie avait été discutée au cours de la dernière session de la présente commission. La commission avait exprimé de profonds regrets quant au climat de violence qui menaçait la vie et l'intégrité physique des syndicalistes. Au cours de ces dernières années, l'aggravation de la situation des droits de l'homme a de plus en plus capté l'attention de la communauté internationale. Le gouvernement n'a toujours pas adopté les mesures législatives nécessaires sur la liberté syndicale et la négociation collective, ainsi que la commission d'experts le relève dans son rapport. Les représentants gouvernementaux des douze Etats susvisés soutiennent l'appel lancé par la commission d'experts pour que le gouvernement fournisse un rapport clarifiant la situation dans ce domaine. Toutefois, aussi sérieuses que soient ces restrictions, elles interviennent dans un contexte global d'extrême violence, qui comprend parmi ses victimes des syndicalistes. L'orateur a exprimé le ferme espoir d'être en mesure, dans un proche avenir, de noter des progrès substantiels dans le domaine des droits civils et politiques qui sont essentiels à l'exercice des droits syndicaux, entre autres grâce à la coopération avec le bureau du représentant du Haut Commissaire des droits de l'homme à Bogotá et à l'assistance du BIT. Enfin, l'orateur a exprimé l'espoir que le gouvernement de la Colombie prenne prochainement les mesures nécessaires pour mettre sa législation et sa pratique pleinement en conformité avec la convention.
Le membre travailleur du Guatemala a signalé qu'il est triste et préoccupant de constater que l'année où est célébré le 50e anniversaire de la convention no 87 et de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces instruments restent lettre morte en Colombie. Le gouvernement ne garantit pas la protection de la vie des citoyens alors que ceci est sa responsabilité première. A cet égard, il convient de condamner la répression et les persécutions systématiques que subit le mouvement syndical colombien. L'impunité et l'injustice sociale prévalent en Colombie sans aucune perspective d'amélioration. Les travailleurs sont fatigués par les fausses promesses. Le représentant gouvernemental doit préciser quelles politiques il entend mener pour résoudre les problèmes mentionnés et garantir l'application effective de la convention no 87, la paix ainsi que la démocratie.
Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré qu'étant donné les violations systématiques, structurelles et chroniques de la liberté syndicale en Colombie et considérant les violations massives et barbares contre l'intégrité physique des syndicalistes en Colombie, la délégation des travailleurs américains se joint à la délégation des travailleurs colombiens ainsi qu'aux autres délégations de travailleurs pour demander l'établissement d'une commission d'enquête. Toute mesure moindre serait totalement inadéquate.
Le représentant gouvernemental de la Colombie a remercié tous les orateurs ayant participé à la discussion. Il a déclaré soutenir les déclarations de solidarité des travailleurs de tous les pays avec le peuple colombien, après les assassinats de travailleurs récemment perpétrés par des groupes paramilitaires. Il a également été reconnaissant de la minute de silence demandée par les travailleurs en protestation contre la violence en Colombie. Il a déclaré que, si des inexactitudes ont pu être formulées par certains orateurs à propos des problèmes législatifs, il ne souhaitait pas en faire mention, considérant que la question de fond est tout autre. Pour ce qui est des violations des droits de l'homme, l'organe spécialisé des Nations Unies dans ce domaine a reconnu l'ensemble des importantes mesures politiques adoptées et mises en oeuvre par le gouvernement en matière de protection des droits de l'homme. Compte tenu de cette déclaration, il convient de considérer que ce sont les organes spécialisés dans ce domaine qui doivent s'exprimer à cet égard. L'orateur ne nie pas cependant qu'il existe des violations des droits de l'homme en Colombie. Les agents de l'Etat s'étant rendus coupables de tels actes ont été sanctionnés. Cependant, devant tant de violence de la part des formations paramilitaires, de la guérilla, etc., on peut se demander si d'autres peuples auraient pu préserver leurs institutions et l'ordre constitutionnel, comme c'est le cas en Colombie. Pour ce qui est de la possibilité de déclarer inconstitutionnelles certaines dispositions du Code du travail, l'intervenant considère qu'il s'agit là d'une marque d'intérêt de la part d'un gouvernement soucieux de faire droit aux observations de la commission d'experts. En ce qui concerne la demande d'une commission d'enquête en Colombie, l'intervenant a déclaré souhaiter que s'achève la procédure pertinente devant le Conseil d'administration de l'OIT et que, dans le cas ou ce dernier déciderait, après avoir examiné la réponse du gouvernement, d'envoyer une mission d'enquête, celui-ci se montrerait pleinement coopératif.
Le représentant du Secrétaire général a répondu à la demande d'information formulée par les membres travailleurs concernant la commission d'enquête. Après la lecture des dispositions pertinentes de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, il précise que la plainte doit être présentée par écrit ou, dans le cas présent, par un délégué à la Conférence; une déclaration pouvant être faite à la séance plénière de la Conférence. Le Conseil d'administration soumettra ensuite la plainte au bureau du Conseil d'administration puis au Conseil d'administration afin qu'il se prononce sur son admissibilité, et qu'il statue sur l'adoption de mesures qu'il jugerait utiles ou nécessaires. La plainte doit dans tous les cas identifier clairement les faits et indiquer les dispositions de la convention ou des conventions dont le non-respect est invoqué. Il convient de signaler que, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, la présente commission n'est pas compétente pour se prononcer sur l'admissibilité des plaintes.
La commission a pris note des informations orales communiquées par le ministre du Travail, ainsi que du long débat qui s'en est suivi. La commission a rappelé, avec une grande préoccupation, que les divergences majeures et persistantes entre la législation et la pratique et les dispositions de la convention ont fait, à maintes occasions, l'objet de discussions à la Commission de la Conférence. Elle a profondément déploré que les cas soumis au Comité de la liberté syndicale laissent apparaître une persistance de la violence antisyndicale, y compris la mort d'un grand nombre de dirigeants et militants syndicaux. La commission a exprimé sa profonde préoccupation concernant la violation des droits relatifs à la liberté syndicale dans leurs aspects les plus essentiels. Elle a noté, avec regret, qu'aucun progrès n'avait été réalisé dans le sens d'une plus grande conformité avec la convention, malgré l'assistance fournie en 1996 par une mission du BIT sur la liberté syndicale. La commission a rappelé que par la suite un projet de loi avait été préparé pour abroger et modifier un certain nombre de dispositions non compatibles avec les exigences de la convention, mais que ledit projet de loi a été mis en veilleuse par le Congrès. La commission a de nouveau instamment prié le gouvernement de prendre des mesures concrètes, afin de mettre en conformité avec les exigences de la convention les dispositions du Code substantif du travail et les décrets correspondants contraires à l'application des articles 2, 3 et 10. Elle a insisté, en particulier, sur: la nécessité de lever les pouvoirs de contrôle étendus sur les affaires syndicales accordés aux autorités administratives; l'interdiction de constituer plus d'un syndicat au niveau de l'entreprise; l'exigence d'un nombre excessivement élevé de travailleurs colombiens pour constituer un syndicat; la restriction importante qui pèse sur l'éligibilité des agents syndicaux et sur le droit des organisations de travailleurs d'organiser leurs activités et d'élaborer leurs programmes pour la promotion et la défense de leurs intérêts professionnels. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès concrets qui ont été réalisés, tant en droit qu'en pratique, pour assurer l'application de cette convention fondamentale, ratifiée il y a plus de vingt ans. La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant gouvernemental, manifestant sa disposition à communiquer avec le Conseil d'administration au cas où une plainte écrite pour une commission d'enquête lui serait soumise.
Pendant la discussion, la commission a observé une minute de silence à la mémoire des syndicalistes assassinés en Colombie.
Un représentant gouvernemental a abordé dans un premier temps les deux questions soulevées par la commission d'experts à propos de l'application de la convention par son pays: tout d'abord, l'existence de ce qui a été présenté comme une "ébauche de projet de loi" sur les services publics essentiels et la réglementation du droit de grève dans ces services et, ensuite, le projet de loi tendant à modifier ou abroger certaines dispositions du Code du travail.
Sur le premier point, le représentant gouvernemental de la Colombie a réaffirmé la volonté de concertation de son gouvernement sur un texte avec les partenaires sociaux. Sur cette question, complexe surtout sous son angle juridique puisqu'il s'agit de réexaminer des critères reposant sur des traditions ancrées dans l'ordre juridique national, son gouvernement est prêt à réengager un processus de discussions mené en concertation avec tous les partenaires.
Sur le deuxième point, il a rappelé qu'en novembre 1996 son gouvernement a saisi le Congrès du projet précité, no 190/96, ratifié par le Sénat, qui tend à modifier ou abroger près de dix articles du Code du travail. Cette démarche vise à donner effet aux observations de la commission d'experts.
Il convient de noter que la commission d'experts, selon ce qui ressort de son rapport, a pris note avec intérêt de ce projet, exprimant l'espoir que le gouvernement en saisirait le Congrès, ce qui a été fait.
Ce projet de loi ne constitue pas une proposition isolée de la part du gouvernement et encore moins un artifice par lequel il voudrait se sortir d'un mauvais pas. Au contraire, il s'inscrit dans le cadre d'une politique gouvernementale axée sur la promotion et le respect des droits de l'homme, domaine dans lequel le contenu des conventions internationales du travail, auxquelles la Colombie est en train de donner effet, revêt une signification particulière.
L'orateur a également abordé la question de la qualification au pénal de l'action revendicative, indiquant qu'une commission a été constituée pour examiner la révision des normes pénales et la levée éventuelle du secret de l'instruction dans le cadre de procédures pénales concernant des travailleurs. Il a de même évoqué un projet de loi sur la négociation collective dans le secteur public, élaboré en concertation avec les partenaires sociaux pour les dix-huit articles du texte.
Les progrès accomplis par la Colombie dans ce domaine sont particulièrement sensibles, surtout en ce qui concerne le respect de ses obligations vis-à-vis de l'OIT. Tous les ans, ce pays communique ses rapports à l'Organisation. Il soumet en outre les conventions à l'examen du Congrès. La commission d'experts a cité son pays au nombre des "cas de progrès" dans son étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 en raison d'améliorations dans l'application de cette convention.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies oralement et ont rappelé que le cas de la Colombie a été examiné à maintes reprises par la commission en 1989, 1990, 1991, 1992, 1993 et 1995, faisant même l'objet d'un paragraphe spécial en 1990. La culture de dialogue annoncée par le gouvernement lors de la session de 1995, accueillie favorablement, a apparemment porté ses fruits. En effet, la commission d'experts, s'appuyant sur le rapport de la mission de contacts directs sur la liberté syndicale qui a eu lieu en octobre 1996, à la suite d'une demande formulée par le gouvernement lors de la session de la commission en juin 1996, ainsi que sur le rapport du gouvernement, note avec intérêt qu'un projet de loi, élaboré avec l'assistance du BIT, a été soumis pour approbation au Congrès de la République et qu'il semble faire droit à un grand nombre de questions soulevées par la commission. En outre, un avant-projet de loi, qui a fait l'objet de commentaires de la part du BIT, définit la notion de service public essentiel et réglemente l'exercice du droit de grève. Les membres travailleurs ont insisté pour que les modifications législatives soient pleinement conformes aux exigences de la convention et aux principes de la liberté syndicale et se sont référés à l'observation de la commission d'experts qui détaille l'ensemble des dispositions législatives qui doivent être abrogées ou modifiées. Comme la commission d'experts, ils ont exprimé le ferme espoir que les projets de loi annoncés seront examinés par le Congrès de la République dans les plus brefs délais et que les lois correspondantes seront adoptées en vue de mettre l'ensemble de la législation en conformité avec la convention et les principes de la liberté syndicale.
Toutefois, malgré les avancées législatives annoncées, les membres travailleurs ont déploré la situation très grave de la Colombie, notamment pour ce qui est du climat d'extrême violence qui y prévaut. Les témoignages sont accablants et la liste des violations des principes de la liberté syndicale, et notamment des dispositions de la convention, interminable. Selon les informations obtenues par les membres travailleurs, une violence extrême est exercée en Colombie à l'encontre de personnes qui ont la qualité de dirigeants syndicaux, ces derniers faisant l'objet d'actes attentant à leur liberté personnelle ou à leur intégrité physique, y compris d'assassinats. L'assassinat récent du syndicaliste José Leyton, président de la CGTD, est un exemple probant. Le rapport de mission insiste sur le fait qu'"il y a lieu d'être très préoccupé par le climat de violence qui prévaut dans le pays et qui touche tous les secteurs, mais qui a des répercussions graves pour les dirigeants syndicaux et les syndicalistes (...) le nombre de victimes de la violence reste extraordinairement élevé et les procédures judiciaires pour faire la lumière sur les faits se caractérisent par un degré extrêmement élevé d'impunité". Les membres travailleurs ont prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation qu'elle prépare puisse effectivement être appliquée étant donné que les meilleures lois resteront lettre morte tant que la situation de violence demeurera aussi grave. Ils ont conclu sur l'importance de considérer les instruments de l'OIT et les principes contenus dans sa Constitution, non comme des instruments isolés et circonscrits, mais plutôt comme des éléments s'inscrivant dans une interaction nécessaire et indispensable. Reprenant les conclusions de la mission, ils ont souligné qu'"il est évident que le problème de la violence, à côté de nouvelles mesures et de nouvelles aides financières, ne pourra être abordé efficacement que dans un contexte plus large: celui de l'instauration de la paix sociale, qui ne peut être basée que sur la justice sociale et l'élimination progressive des conditions sociales qui impliquent l'injustice, la misère et des privations". Ils ont dès lors prié le gouvernement d'indiquer le progrès réalisé concernant les changements législatifs annoncés et de préciser les mesures qu'il envisage de prendre pour freiner cette montée inflationniste de violence et pour créer l'environnement politique et social propice à l'application effective des principes et conventions de l'OIT auxquels il a souscrit.
Les membres employeurs ont remercié le représentant du gouvernement pour sa déclaration et les importantes informations qu'il a fournies. La commission a examiné ce cas à sept reprises depuis le milieu des années quatre-vingt et a des raisons de relever la situation complexe et problématique de la Colombie. L'observation de la commission d'experts porte sur 11 points différents qui montrent que, jusqu'à aujourd'hui, il y a une ingérence très grande de l'Etat dans l'exercice de la liberté syndicale et du droit d'association. Les dispositions législatives en question autorisent l'ingérence dans les activités des syndicats et prévoient des restrictions à l'exercice du droit de grève. Bien que les membres employeurs considèrent que toutes les restrictions prévues ne sont pas contraires à la convention, les principes fondamentaux sont violés si, dans la pratique, il n'est plus possible de faire grève. Le représentant gouvernemental a mentionné un projet de loi de modification du Code du travail qui semble apporter des réponses aux critiques faites jusqu'à présent. Il revient à la commission d'experts d'émettre un avis sur la version définitive du texte, mais il est allégué que les dispositions qui font l'objet de critiques seront révisées ou abrogées, ce qui rendra la législation plus conforme à la convention. Le représentant gouvernemental a ajouté que d'autres modifications étaient prévues et a fourni des informations sur les autres projets de loi préparés ou soumis au Parlement. Il est important que les projets qui n'ont pas été envoyés au BIT le soient au plus tôt et qu'ils soient accompagnés d'un rapport complet afin que la commission d'experts puisse les examiner le plus rapidement possible.
Les membres employeurs ont rappelé que, lors des examens de ce cas par la commission dans le passé, les réponses apportées ont toujours insisté sur la situation de violence qui touche tous les niveaux de la société. Dans ce climat de violence, des agressions ont été perpétrées à l'encontre des personnes et des syndicalistes, comme à l'encontre d'autres catégories de population et contre la société civile en général. Les modifications présentées ainsi que celles envisagées influenceront ce climat de violence de façon positive de manière à éviter les situations à l'origine des critiques depuis un certain temps. Le gouvernement doit présenter un rapport sur les derniers progrès réalisés et compléter les réformes engagées le plus rapidement possible afin de donner effet aux changements annoncés.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré ne pas mettre en doute la volonté du gouvernement de rendre la législation conforme aux conventions de l'OIT. Dans ce cas, néanmoins, un engagement réel de sa part quant aux engagements pris est attendu. Le ministère du Travail a fait preuve d'une plus grande ouverture quant à la solution des situations de conflit dans le pays, mais il n'en demeure pas moins que ces situations résultent de la politique gouvernementale. Le principal sujet de préoccupation reste le climat de violence et d'impunité dans lequel le pays est plongé. A ce titre, toutes les formes de violence sont également condamnables et relèvent d'un terrorisme d'Etat, qu'il s'agisse de l'action répressive exercée par les forces de sécurité au mépris des droits de l'homme ou de la violence criminelle des organisations paramilitaires, lesquelles opèrent dans certains endroits avec l'accord tacite des autorités en qualité de milices privées. Sont également condamnables les pratiques de séquestration, les embuscades et les attentats perpétrés par des organisations de guérilleros.
Le gouvernement s'est engagé devant l'OIT à élaborer un ensemble de lois tendant à rendre sa législation conforme à la convention. Or, la fin de la législature en cours approche et, malgré tout, les droits syndicaux, le droit de négociation collective et le droit de grève restent encore limités par la législation.
A l'heure actuelle, des membres du syndicat du secteur pétrolier USO se trouvent en détention, accusés de terrorisme par des organismes de contre-espionnage militaire. La situation est tellement aberrante que le Procureur général a dû ouvrir des enquêtes contre des procureurs, sans visage ("sin rostro"), qui ont utilisé la déclaration d'un témoin masqué à plusieurs reprises sous différents noms contre des dirigeants du secteur pétrolier.
La violence qui continue de sévir contre la liberté syndicale en Colombie revêt des formes diverses. En 1996, 256 syndicalistes ont été assassinés. Pour 1997, on recense déjà 50 morts, dont le président de la CGTD, dans le département de Tolima, M. José Isidoro Leyton, et le syndicaliste Victor Julio Garzón, qui s'était entretenu avec la mission de contacts directs de l'OIT en octobre 1996. En 1997, 16 syndicalistes ont été portés disparus et plusieurs centaines ont été contraints de se déplacer à cause de leur activité syndicale. La menace et l'intimidation sont des pratiques constantes, dont l'OIT doit se préoccuper.
Du 11 au 18 février 1997, les fonctionnaires ont organisé un arrêt général de travail qui a permis d'aboutir à la signature d'un accord avec le gouvernement. Malgré tout, celui-ci n'ayant pas tenu ses engagements, les travailleurs ont été contraints d'organiser un nouvel arrêt de travail de 24 heures le 11 juin pour obtenir l'application des accords conclus. En réponse, le gouvernement a dénoncé les accords qu'il avait signés, et cette attitude ne fait que compliquer la situation dans le proche avenir.
L'orateur a demandé au représentant gouvernemental d'indiquer devant la commission quels sont les engagements que le gouvernement veut bien assumer pour résoudre les problèmes précités et d'accepter une mission du BIT pour tenter de trouver une issue aux problèmes exposés.
Le membre travailleur de l'Espagne a déploré qu'en dépit des engagements pris devant l'OIT aucun des projets de loi élaborés n'a été adopté. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la législation en vigueur permet à l'autorité administrative de déclarer une grève illégale (art. 450 du Code du travail), ce qui est rigoureusement contraire à la convention du fait qu'une telle déclaration doit normalement incomber au pouvoir judiciaire et que la grève est l'expression la plus nette de la liberté syndicale. L'ingérence des pouvoirs publics dans les affaires des syndicats est elle aussi préoccupante. C'est ainsi que, sur 143 demandes de modification des statuts, 99 ont été rejetées par l'autorité administrative, ce qui va à l'encontre des principes essentiels de la liberté syndicale. Mais l'aspect le plus grave est assurément le nombre de syndicalistes assassinés: du 1er janvier au 22 mai 1997, 30 syndicalistes ont déjà été assassinés, dont Victor Julio Garzón et José Giraldo. Cette situation résulte du fait que les syndicalistes veulent instaurer la paix, contre la volonté de la guérilla et des organisations paramilitaires.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que les pénibles conditions de travail des travailleurs colombiens ont été notamment exposées dans une cassette vidéo de la CISL montrant des femmes, certaines en période de grossesse, travaillant à la production de fleurs dans des serres. Ces femmes sont mises en contact direct avec des vapeurs nocives qui sont responsables de cas de cécité, de fausse couche et de naissance prématurée. Aussi terrible, les hommes et les femmes du mouvement syndical risquent leur vie quotidiennement en luttant pour de meilleures conditions de travail, de santé et de sécurité dans le pays et plusieurs d'entre eux sont victimes d'assassinat. Le Comité de la liberté syndicale a noté que nombreux cas d'usage de la violence n'ont pas été élucidés. Peu d'affaires sont étudiées et, lorsqu'elles le sont, la procédure est longue et les juges ne peuvent ou ne veulent pas ordonner des enquêtes pour la simple raison qu'ils sont menacés. La liberté syndicale ne peut être exercée que lorsque les droits fondamentaux de l'homme, et en particulier ceux relatifs à la vie humaine et à la sécurité, sont respectés et garantis de manière absolue. Il faut conduire des enquêtes judiciaires indépendantes et punir les personnes responsables des meurtres, disparitions ou autres atteintes à la personne physique des dirigeants et militants syndicaux. Ne pas traduire les personnes coupables devant la justice crée une situation d'impunité qui renforce le climat de violence et empêche l'exercice des droits syndicaux.
L'oratrice a prié le gouvernement de prendre des mesures rapides pour renforcer le système judiciaire et a exprimé l'espoir que la Commission de révision des normes pénales aborde de manière dynamique les problèmes qu'elle rencontre. Elle a recommandé instamment au gouvernement de démanteler les groupes paramilitaires qui empêchent le développement des activités syndicales dans le pays. A cet égard, le gouvernement devrait reconnaître et protéger le droit légitime des travailleurs de constituer des syndicats. Cette mesure encouragera le dialogue et la compréhension entre les employeurs et les travailleurs et posera les fondements d'une nouvelle culture des relations de travail. Des mesures urgentes doivent être prises pour faire cesser les assassinats qui ont déjà coûté la vie à trop de personnes.
Le membre travailleur du Swaziland a rappelé à la commission que le gouvernement viole de façon grave la convention et ne semble pas accorder de valeur à la vie de syndicalistes et plus généralement des civils. Le cas discuté devant la commission montre un manquement grave aux droits civils et aux droits de l'homme. Les éliminations, assassinats et disparitions sont fréquents et démontrent une détérioration grave des valeurs humaines ainsi que l'irrespect de la justice, sans parler de la justice sociale. Les droits fondamentaux, allant de la discrimination fondée sur des motifs raciaux à l'interdiction d'exercer le droit de grève ou la libre négociation collective, sont déniés. Le système législatif est devenu profondément criminel et sanctionne ceux qui participent à des grèves illégales par l'emprisonnement dont la durée varie de deux à vingt ans. Afin d'éviter les grèves, le gouvernement déclare arbitrairement essentiels certains secteurs. L'ingérence du gouvernement dans les activités syndicales et l'utilisation arbitraire de son pouvoir pour dissoudre les syndicats sont des violations flagrantes de l'article 3 de la convention. Les meurtres des personnes dites marginales, tels vagabonds, enfants de la rue et homosexuels, par les escadrons de la mort sont des violations supplémentaires des droits civils et des droits de l'homme. Les revendications sociales, considérées comme subversives, sont réprimées dans la violence et par des meurtres de civils. Par ailleurs, les autorités ont donné l'ordre d'incendier les maisons des travailleurs ruraux, violant leur droit au logement. Les arrestations arbitraires de dirigeants syndicaux et leur comparution devant des tribunaux militaires constituent des violations de la justice et des droits de l'homme. Toutes les mesures prises afin d'améliorer la situation doivent garantir l'entière protection des droits syndicaux mentionnés dans la convention. Un effort doit être fait afin d'accroître le respect des droits civils et des droits de l'homme. Enfin, l'orateur soutient l'appel lancé par les membres travailleurs pour que les changements législatifs proposés soient rapidement adoptés.
Le représentant gouvernemental a remercié ceux qui se préoccupent réellement de la situation des droits de l'homme en Colombie. Il a déclaré accepter les critiques constructives et les suggestions respectueuses et impartiales des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des syndicats et organisations d'employeurs qui veulent coopérer avec son pays afin de faire disparaître le fléau de la violence. Il a indiqué qu'il conçoit l'action objective et impartiale de ces entités, comme le réveil des sensibilités nationales et internationales, qu'il respecte les institutions et les mécanismes de protection des droits de l'homme de l'ONU et de l'OIT et qu'il sollicite et accepte cette coopération internationale. Ainsi, l'année dernière, une mission de haut niveau du BIT s'est rendue dans le pays au mois d'octobre, et un bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a été ouvert en Colombie.
En ce qui concerne la violence, le gouvernement condamne l'assassinat des syndicalistes et de tout autre membre de la population, les séquestrations, la torture et le terrorisme. Certains agents de l'Etat et certains militaires sont accusés de commettre des violations des droits de l'homme, mais cela est une exception, car aucune politique de l'Etat n'existe à ce sujet.
Le problème grave de la violation des droits de l'homme et du droit international humanitaire est étroitement lié au conflit interne armé que connaît la Colombie. C'est une confrontation qui sévit en dehors de toute norme conventionnelle et dans laquelle, outre la guérilla, les phénomènes de délinquance, tels que le trafic de drogue et les groupes paramilitaires, jouent un rôle prépondérant. L'orateur reconnaît la réalité de ces phénomènes et réaffirme l'engagement de son gouvernement dans la protection et la promotion des droits de l'homme, fondement de l'état de droit et élément essentiel de la tradition démocratique du pays. Ainsi, une politique a été élaborée par le gouvernement visant à l'humanisation du conflit armé interne, au renforcement de la justice, à la suppression des milices privées, à la consolidation des mécanismes de promotion des droits, à l'extension du réseau informatique et de communication destiné à recevoir les plaintes et les dénonciations, à un régime d'indemnisation des préjudices subis par les victimes des violations des droits de l'homme (loi no 288 de 1996), à une politique d'aide aux personnes déplacées en raison de la violence, avec l'assistance de la Croix-Rouge internationale, à une stratégie de pédagogie et de sensibilisation de la population, à la création d'une section spéciale des droits de l'homme au ministère de l'Intérieur, et à l'ouverture en Colombie d'un bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (en activité depuis avril 1997).
Concernant plus particulièrement les droits de l'homme des travailleurs, le gouvernement a créé une commission inter-institutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l'homme des travailleurs. Cinq représentants des centrales ouvrières, le président de la conférence épiscopale et les présidents des organisations non gouvernementales les plus importantes de Colombie (le collectif des avocats et la commission colombienne des juristes) sont membres de droit de cette commission. Celle-ci pourra inviter, quand elle le jugera opportun, les représentants du BIT et du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies dans le cadre de la défense des droits de l'homme. Afin d'accomplir sa mission, cette commission inter-institutionnelle est dotée de pouvoirs suffisamment étendus. Ainsi, par exemple, est-elle chargée de réunir des informations et d'étudier l'état d'avancement des procédures concernant les cas de disparitions, homicides, tortures, menaces et déplacements forcés de travailleurs, syndiqués ou non, en vue de recommander les mesures nécessaires pour que ces faits ne demeurent impunis ni ne se répètent. Elle est également chargée de présenter des évaluations aux autorités compétentes afin que les enquêtes tendant à définir les responsabilités pénales, disciplinaires et pécuniaires progressent. En outre, elle a élaboré un programme général de défense des droits de l'homme des travailleurs, définit et applique les politiques de développement, de suivi et de contrôle de ces droits. Afin d'éviter que cette norme ne reste lettre morte, le décret prévoit que "les entités publiques et privées fourniront les informations requises pour l'accomplissement des tâches qu'il définit". Une copie de ce décret sera communiquée à la commission.
L'orateur a déclaré, en réponse à certaines interventions relatives à l'impunité, que les trois pouvoirs de l'Etat sont indépendants en Colombie et qu'il détient, au sujet des témoins masqués et du terrorisme d'Etat, une lettre du ministère public qui sera communiquée à la commission. Le pouvoir exécutif ne peut ordonner des détentions préventives dans la mesure où celles-ci violent la Constitution colombienne. Le recours aux témoins masqués constitue une mesure d'exception qui résulte du degré de violence exceptionnel imposé par le terrorisme résultant du trafic de drogue. Ils interviennent également pour enquêter sur les violations graves du droit syndical. Concernant la plainte relative aux abus commis par les témoins à visage couvert dans le cadre des procès des syndicalistes de l'Union syndicale ouvrière (USO), il a indiqué que ces procès sont actuellement en cours. Il a précisé que, dans l'affaire des assassinats des dirigeants syndicaux, MM. Leyton et Garzón, la pression du BIT sur le ministère public afin que les enquêtes soient menées plus rapidement a été d'une grande utilité. La révision de l'article 450 du Code du travail a été étudiée avec la mission du BIT, et le texte du projet de modification de cet article sera communiqué en temps opportun. Quant à l'inscription des organisations syndicales, 83 d'entre elles ont été enregistrées jusqu'en mai 1997. Enfin, aucune dénonciation relative aux violations de la liberté syndicale dans le domaine de l'horticulture n'a été présentée devant les organes de contrôle de l'OIT.
La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental et du débat ayant eu lieu en son sein. Elle a pris note de la mission de contacts directs effectuée en octobre 1996. Elle a également noté que le gouvernement a informé la commission d'experts de l'élaboration d'un projet de loi tendant à abroger ou modifier diverses dispositions du Code du travail critiquées par les organes de contrôle et qu'en outre les autorités ont saisi le Congrès de la République dudit projet au cours de la session parlementaire. La commission veut croire que les mesures indispensables à la suppression des divergences entre la législation nationale et les articles 2 et 3 de la convention seront prises d'urgence. Elle déplore, avec un profond regret, le climat de violence qui affecte en particulier la vie et la sécurité physique des syndicalistes. Elle exprime le ferme espoir que la commission d'experts pourra constater, lors de son prochain examen de ce cas, des progrès substantiels sur le plan des libertés civiles, essentielles pour l'exercice des droits syndicaux, ainsi que la pleine application de la convention, tant en droit que dans la pratique.
Une représentante gouvernementale a mis en relief les mécanismes de participation des partenaires sociaux à la définition des grandes politiques nationales, notamment en se référant à la création du Conseil national de la compétitivité, des comités sectoriels de la compétitivité, du Comité adjoint tripartite pour la productivité, de la Commission tripartite du suivi et de l'évaluation du plan "plus et meilleurs emplois", ainsi qu'à la convocation du Conseil national de planification.
Elle s'est référée aux progrès en cours dans le pays en matière de concertation sociale, car ils ont un rapport avec les commentaires de la commission d'experts. En décembre dernier, un pacte social tripartite, des productivités, prix et salaire a été signé par le gouvernement, les employeurs et les organisations des travailleurs. Cet espace de concertation et d'entente a discuté des questions communes à tous les acteurs sociaux.
Parmi les multiples accords conclus dans le cadre du pacte social, se détache celui établissant la Commission tripartite de concertation pour le développement syndical en tant qu'organisme adjoint du gouvernement national, où sont représentés les employeurs, les travailleurs et le gouvernement. Cette commission tripartite remplace temporairement la Commission tripartite permanente de concertation des politiques du travail et salariales, dont le projet de loi qui devra la mettre en oeuvre est actuellement en examen au Congrès de la République.
Les travaux de la Commission pour le développement syndical ont porté sur l'analyse des articles de la Constitution nationale touchant aux droits et aux garanties syndicaux; à la recommandation des plans et programmes d'éducation et de formation des travailleurs et des personnes exerçant des fonctions de direction en ce qui concerne l'exercice du droit syndical et l'incorporation des nouvelles technologies; à l'étude et à la proposition des actions nécessaires afin de renforcer la relation syndicat-entreprise, et par là améliorer la qualité du travail et augmenter l'emploi; et à la mise sur pied d'une campagne institutionnelle visant à développer une nouvelle culture dans les relations entre les partenaires sociaux.
Au sein de la Commission pour le développement syndical, le gouvernement s'est engagé à traiter de certaines questions d'ordre constitutionnel telles que la réglementation de la garantie des droits syndicaux des employés du secteur public. En outre, un accord a été trouvé pour la mise sur pied de commissions qui devraient étudier la négociation collective dans le secteur public et la réglementation de l'article 56 de la Constitution politique qui traite de la grève et des services publics essentiels.
Le gouvernement s'est engagé également, et cela constitue une partie fondamentale de l'accord, à mettre en oeuvre le programme de divulgation et de formation pour l'établissement d'une nouvelle culture de coopération dans les relations professionnelles, avec l'appui et la collaboration de l'OIT, à la demande des parties à l'accord.
Elle s'est référée plus en détail aux questions soulevées dans l'observation de la commission d'experts. En ce qui concerne la suspension, jusqu'à trois ans, avec privation des droits syndicaux, des dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat, elle a précisé que la législation en vigueur établit que seuls les juges de la République ont la faculté d'imposer cette sanction (article 380, alinéa 3, du Code du travail). A cet égard, elle s'est référée au paragraphe no 122 de l'Etude d'ensemble de la commission d'experts sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994 et a mis en relief la procédure judiciaire régulière comme condition procédurale pour la destitution ou la suspension des dirigeants syndicaux.
Elle a indiqué que le gouvernement allait proposer que les thèmes de l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat d'entreprise; du contrôle de la conduite des affaires internes des syndicats et des réunions syndicales; et des conditions requises pour être élu dirigeant syndical soient étudiés de manière tripartite au sein de la Commission permanente de concertation des politiques du travail et salariales.
Pour ce qui est du droit de grève, elle a précisé que la question de l'interdiction de la grève dans les services publics serait examinée par une commission tripartite créée à la suite des accords conclus au sein de la Commission pour le développement syndical. En particulier, serait analysée la réglementation des services publics essentiels avant que le gouvernement ne présente un projet de loi au Congrès de la République.
Concernant la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux ayant intervenu ou participé à une grève illégale, la présence des autorités du travail dans les assemblées générales réunies pour voter sur un recours à l'arbitrage ou sur une déclaration de grève, l'interdiction de la grève pour les fédérations et confédérations, et la faculté, pour le ministère du Travail, de soumettre un différend à l'arbitrage lorsque la grève se prolonge au-delà de soixante jours, elle a souligné que le droit de grève constitue une institution juridique qui s'est développée de manière significative en Colombie, tant aux niveaux normatif que jurisprudentiel. Les possibles limitations ou réglementations de ce droit se justifient par l'intérêt collectif d'un pays insuffisamment développé qui doit protéger son infrastructure économique et sociale, au bénéfice de ces mêmes travailleurs, en tant que forme de protection de ses sources de revenus, et qui doit éviter le dysfonctionnement social lorsque les services essentiels de la communauté peuvent se voir affectés. A cet égard, elle a fait allusion au paragraphe no 151 de l'étude d'ensemble susmentionnée afin de souligner que le droit de grève ne peut pas être considéré comme un droit absolu. L'adoption d'une réglementation et la fixation de paramètres et de limites au droit de grève doivent permettre d'atteindre un équilibre des intérêts opposés en vue de préserver et de garantir l'intérêt général.
Les membres travailleurs ont fait observer que le cas de la Colombie concernant la convention no 87 avait été discuté déjà en 1990, 1991, 1992 et 1993, et qu'il était important que les discussions importantes soient rappelées, car la situation en Colombie est toujours extrêmement grave. La disparition, l'assassinat et l'emprisonnement de syndicalistes demeurent impunis. Ils ont noté que, selon le rapport d'Amnesty International sur la Colombie, le gouvernement a franchi un pas important en reconnaissant l'étendue des violations des droits de l'homme et la responsabilité des membres des forces de sécurité. Le nouveau gouvernement a déclaré que les droits de l'homme constituent une question prioritaire. Néanmoins, tout au long de l'année 1994 et au cours de la première moitié de cette année, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, les tortures et les menaces de mort effectuées par les membres des forces de sécurité et des forces paramilitaires se sont poursuivies. Ils se sont référés à l'étude annuelle de la CISL sur les violations des droits syndicaux dans le monde. Dans les paragraphes introductifs du rapport sur la Colombie, il est indiqué que pendant les deux premiers mois du nouveau gouvernement, 27 syndicalistes ont été assassinés. En outre, au moins 187 syndicalistes ont été tués durant l'année 1994.
Le rapport de la commission d'experts mentionne un certain nombre de textes légaux qui ne sont pas en conformité avec la convention. Plusieurs des points soulevés ont été mis en relief pendant des années. Ils ont salué la commission tripartite qui s'occupe actuellement de plusieurs questions contenues dans le rapport susmentionné, ce qui est encourageant. Ils ont exprimé l'espoir que cette commission prendra connaissance des commentaires de la commission d'experts sur la convention no 87 et que les questions traitées, ainsi que celles traitées dans les rapports des années précédentes, seront examinées et qu'elle pourra bientôt faire des recommandations au gouvernement sur des modifications législatives qui permettraient d'harmoniser la législation colombienne avec la convention no 87.
Ils ont ensuite fait observer que la commission d'experts considère l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat dans la même entreprise comme une question très préoccupante. Par le passé, le gouvernement était d'avis que l'existence d'un autre syndicat d'entreprise affaiblirait la représentation syndicale. La commission d'experts déclare que la convention n'impose pas la diversité syndicale dans un pays mais que, si les membres d'un syndicat ou les travailleurs individuellement souhaitent constituer un syndicat, le gouvernement ne devrait pas les en empêcher. Ils ont rappelé que plusieurs années auparavant, dans un certain nombre d'Etats du bloc communiste, l'unicité syndicale était imposée par la loi aux travailleurs du pays. Ils considèrent que quelque chose de cette sorte persiste en Colombie. Ils ont noté qu'il est très difficile de constituer un nouveau syndicat en raison des formalités légales préalables exigées, ce qui constitue une violation de la convention.
Les membres travailleurs se sont ensuite référés à la pratique étrange et menaçante des agents de l'Etat qui supervisent la gestion et les réunions des syndicats. Ils se sont également référés à la présence des représentants des autorités aux assemblées réunies par les syndicats pour décider du recours à l'arbitrage ou de la déclaration de grève. Ces "autorités" sont en fait les services de sécurité. Ils ont fait observer que cette sorte de supervision était malsaine et qu'elle constituait une ingérence dans les activités des syndicats, raison pour laquelle elle devrait cesser. Ils ont déclaré que les membres de cette commission seraient certainement très heureux s'ils pouvaient apprendre que le gouvernement avait l'intention de soumettre cette question à la commission tripartite, en indiquant par là sa volonté de modifier ces textes légaux.
Ils ont ensuite évoqué les obstacles pour ceux qui souhaitent occuper un poste au sein d'un syndicat: le gouvernement préfère des ressortissants colombiens ayant déjà travaillé, avec au moins six mois d'expérience dans le syndicat même ou dans le secteur d'activité couvert par le syndicat, ne faisant pas l'objet d'une poursuite judiciaire au moment de l'élection. Ils ont considéré ce dernier point extrêmement dangereux dans la mesure où il suffirait d'entamer une action en justice afin d'empêcher une personne de se présenter à l'élection syndicale. De plus, ils ont observé que dans plusieurs syndicats partout dans le monde il existe des responsables syndicaux n'ayant pas une expérience spécifique dans le syndicat qu'ils dirigent.
En ce qui concerne les grèves, ils ont observé qu'il n'a jamais été avancé que le droit de grève est un droit absolu et qu'il faut des limites dans l'exercice de ce droit. En effet, la commission d'experts ne reconnaît pas un droit absolu de recourir à la grève: il faut des limites, mais c'est cette commission qui décide des conditions de l'exercice de ce droit. Ils ont observé que le droit de grève fait partie d'une longue jurisprudence de la commission d'experts qui le considère comme partie intégrante de la liberté d'association et du droit de négociation collective. Dans cette optique, des limites s'imposent selon les domaines et les circonstances; ainsi, le droit à la grève n'est pas un droit absolu. Ils ont observé que dans le cas de la Colombie il n'y a pas d'interdiction générale à la grève, mais la grève peut être interdite dans certaines situations.
Pour conclure, ils ont observé que, cette année, le contenu du rapport du gouvernement était plus pertinent que par le passé et, si les informations fournies sont susceptibles d'évoluer lors des consultations tripartites, ce serait un résultat positif.
Ils constatent cependant qu'aucune amélioration ne pourra intervenir tant que la Colombie n'aura pas réglé ses conflits internes, en particulier le problème de la violence qui sévit dans le pays. Ces problèmes, bien entendu, ne seront pas résolus dans le cadre de la convention no 87; tant que ces problèmes persisteront, la Colombie ne pourra espérer avoir des syndicats ou des organisations d'employeurs libres.
Les membres employeurs ont souligné que la commission connaissait déjà fort bien les détails du cas, car elle l'avait examiné à plusieurs reprises. Ils ont déclaré qu'ils avaient l'impression que les choses bougent enfin. Ils se sont réjouis de la mise sur pied d'une commission tripartite permanente qui pourrait s'occuper des problèmes soulevés par les experts et recommander des solutions.
Concernant les nécessités de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat et que ceux-ci appartiennent à la profession en question ou l'aient exercée plus de six mois au moins, ils croient comprendre que la commission tripartite mise sur pied les a considérées et ils supposent que, bientôt, ces exigences seront supprimées.
Pour ce qui est de la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur un recours à l'arbitrage ou sur une déclaration de grève, conformément au décret no 2519 du 14 décembre 1994, ils insistent sur le fait qu'elle constitue une ingérence flagrante et excessive dans les affaires intérieures d'un syndicat et qu'elle porte atteinte à l'indépendance de celui-ci.
Quant à la question de l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat dans la même entreprise ou le même établissement, les membres employeurs ne voient pas de changements annoncés. Ils estiment que la libre concurrence doit jouer dans le domaine syndical aussi. Ils ont le ferme espoir que les restrictions imposées au mouvement syndical seront levées à la suite de la reprise des activités par la commission tripartite permanente.
Ils ont rappelé leur position concernant la question du droit de grève. Ils estiment qu'une réglementation détaillée du droit de grève ne peut pas être dérivée de la convention. Parmi les multiples raisons expliquant cela, ils ont rappelé qu'aucune proposition explicite pour introduire le droit de grève dans la convention n'avait été formulée au moment de son élaboration. Cette question devrait être réglée par un autre instrument encore à élaborer. Par conséquent, la réglementation du droit de grève demeure une affaire interne au sujet de laquelle le groupe des employeurs ne peut pas se prononcer, même si de leur point de vue un droit de grève illimité serait extrême. La commission tripartite permanente a toute latitude en ce qui concerne l'élaboration d'un droit de grève qui corresponde au souhait des parties concernées. Cependant, on ne peut pas critiquer le gouvernement si ce droit n'est pas reconnu en Colombie.
En conclusion, les membres employeurs considèrent que la situation en droit et en pratique semble aller dans la bonne direction, mais que les efforts du gouvernement doivent être encouragés et renforcés afin que des progrès sensibles puissent être enregistrés dans l'application de la convention, grâce notamment au travail de la commission tripartite permanente.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que, tout en reconnaissant que le gouvernement a assumé une attitude différente face à la question des droits de l'homme et des droits des travailleurs, cela était non seulement insuffisant, mais en outre ses agents ont parfois eu des conduites qui le contredisent. La convention no 87 continue à être violée en droit et dans les faits dans son pays, ce qui rend l'exercice des droits syndicaux une activité hautement dangereuse. Au cours de l'année écoulée, plus de 170 travailleurs et dirigeants syndicaux ont été assassinés en toute impunité. La vie et l'intégrité physique des syndicalistes sont menacées par des forces de différents ordres: certains agents de l'Etat et les groupes paramilitaires qui, dans plusieurs régions, agissent avec le soutien et la complicité des autorités. Une situation spéciale est vécue dans la zone bananière de Uraba, où la guérilla a entraîné la mort, ces dernières années, de plus d'une centaine de travailleurs et de dirigeants syndicaux. Il ne s'agit pas d'une situation inconnue pour l'OIT. Au cours des dix dernières années, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de nombreux cas de syndicalistes assassinés, disparus ou torturés et a demandé à l'Etat colombien qu'il entreprenne des actions visant à sanctionner les auteurs de ces crimes. Devant la persistance de cette situation d'impunité, le Comité de la liberté syndicale a exprimé, dans son 265e rapport, sa déception face à cette absence de punition des criminels. Il a mentionné un document officiel du Département national de la planification de Colombie dans lequel on soulignait que la possibilité qu'un délit soit sanctionné pénalement n'est que de 3 pour cent. Cela signifie qu'officiellement l'impunité de l'ensemble des délits est de 97 pour cent. Dans le cas des crimes contre des syndicalistes, cette impunité avoisine les 100 pour cent.
D'autre part, il a souligné que la législation interne méconnaissait la convention no 87, comme la commission d'experts l'a indiqué à plusieurs reprises. Dans son dernier rapport, la commission d'experts a énuméré une longue liste de divergences entre la législation colombienne et la convention. Par exemple, l'exigence de la présence obligatoire des autorités dans les assemblées où est décidée la déclaration d'une grève persiste; l'interdiction de grèves dans tous les services publics, y compris dans les services qui ne sont pas essentiels, demeure en vigueur, ainsi que l'interdiction des grèves pour les fédérations et les confédérations. Dans ses observations, la commission d'experts a attiré l'attention sur les pouvoirs que la législation nationale octroie, en contradiction avec la convention, au ministère du Travail pour ordonner la cessation d'une grève qui se prolonge au-delà de soixante jours. La convention n'est pas observée non plus quand la loi reconnaît au Président de la République la faculté de déclarer terminée une grève si, à son avis, et en consultation avec la Cour de justice, cette grève affecte l'économie dans son ensemble. Par ailleurs, les grèves contre la politique économique et sociale du gouvernement ainsi que les grèves de solidarité sont également interdites.
Il a indiqué que, si dans les années précédentes les travailleurs avaient mis en évidence que le gouvernement niait systématiquement la concertation, il fallait aujourd'hui saluer les progrès enregistrés à la suite de la signature du Pacte social conclu entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs. Dans ce cadre, on a travaillé sur la nécessité de concertations sur les projets de loi en conformité avec les dispositions de la Constitution politique qui reprennent le contenu de la convention, ce qui garantirait ainsi la liberté syndicale et le droit de grève.
L'orateur s'est référé ensuite à la commission tripartite pour le développement syndical qui s'est réunie récemment à la suite des accords du pacte social. Certains accords portent sur des points relatifs à la convention, à savoir: le gouvernement s'est engagé à soumettre au Congrès des projets de loi portant sur la reconnaissance aux syndicats dits minoritaires du droit de grève et sur la garantie effective des droits syndicaux aux employés du secteur public. Il a été convenu également de la création de commissions qui devront étudier l'octroi des droits syndicaux, dont le droit de grève, aux employés du secteur public en conformité avec la convention.
Enfin, il a exprimé l'espoir que des progrès continueront à être enregistrés dans son pays afin d'éviter des situations comme celle où une grève annoncée par les professeurs a été déclarée illégale ou encore celle où les travailleurs de la sécurité sociale se sont vu nier l'autorisation de tenir une assemblée. Il a également exprimé l'espoir que la politique de concertation soit maintenue afin que puissent prendre racine une vraie culture de la tolérance, du respect de l'opinion d'autrui, ainsi que le tripartisme, l'abandon du réflexe antisyndical et de la violence pour que le pays suive la voie de la paix interne.
Un autre membre travailleur de la Colombie a exprimé sa satisfaction pour les changements en cours dans son pays en matière de droits de l'homme et de concertation. Cependant, il serait utile de souligner quelques faits qui se sont produits au cours de l'année écoulée et qui n'ont pas été portés à la connaissance des organes de contrôle de l'OIT, d'autant plus qu'il s'agit, dans une certaine mesure, des cas de violation de la convention. Il s'agit du licenciement de travailleurs qui avaient constitué des organisations syndicales. Dans trois cas importants, à savoir dans les entreprises "Tejidos El Cóndor", de Medellín, "Alfa" et "Protelas", les travailleurs qui ont pris l'initiative de créer une organisation syndicale ont été licenciés, ce qui constitue une violation de la convention. De même, les grèves qui ont eu lieu dans le secteur bancaire (Banco de Bogotá) ont également été déclarées illégales parce qu'il s'agissait de travailleurs du secteur public auxquels on nie le droit de grève. En outre, le mois dernier, les professeurs universitaires de l'Etat ont été victimes de la répression policière suite à une manifestation contre la politique salariale du gouvernement.
Il a indiqué qu'à tout cela s'ajoute la préoccupation concernant les décisions des quelques tribunaux qui avaient légitimé certaines violations de la convention au regard de la Constitution. Il s'est référé spécifiquement à la décision de la Cour constitutionnelle qui s'est déclarée compétente pour prononcer la cessation d'une grève lorsque celle-ci porte préjudice à l'économie du pays. Une autre décision de la Cour suprême a reconnu comme justifiée la décision relative au droit de grève qui avait été mise en question par la commission d'experts. Il a tout de même exprimé sa préoccupation quant au fait que certaines dispositions du Code du travail, qui auraient dû être abrogées, continuent d'être en vigueur, malgré la position de la Cour de justice qui a considéré que les dispositions de la convention devraient être incorporées dans la législation colombienne.
Enfin, il a précisé que la commission tripartite n'avait pas encore été créée et que le projet de loi qui avait été soumis au Congrès rencontrait des difficultés pour être adopté. En outre, le gouvernement a eu un geste positif en constituant une commission transitoire qui, même si elle s'écarte du cadre de la future commission, devrait permettre de suppléer aux déficiences découlant de l'absence d'une législation en la matière.
La représentante gouvernementale de la Colombie s'est à nouveau référée au système de concertation et notamment à la commission tripartite. A cet égard, elle a insisté sur le fait que le projet de loi en vertu duquel la commission permanente serait mise sur pied a été soumis au Congrès et avait déjà été approuvé par l'une des chambres, tandis que l'autre examinait son approbation.
Elle a également réitéré que la Commission tripartite pour le développement syndical avait été créée à titre provisionnel. Des progrès avaient été réalisés sur le plan législatif en ce qui concerne l'information, la formation et le développement du mouvement syndical. Au sein de cette même commission ont été créées des sous-commissions qui devraient s'occuper, entre autres, de l'étude des problèmes relatifs au droit de grève et, en particulier, à la négociation dans le secteur public. Elle a exprimé son espoir que la commission permanente, de nature tripartite, serait créée le plus tôt possible. Cette commission serait chargée d'arriver à des accords qui tiendraient compte des intérêts des différents acteurs du processus de production et du pays en général. Concernant la Banque de Bogotá, elle a déclaré qu'aucune grève n'avait été déclarée illégale. Par ailleurs, il n'y a aucune interdiction de déclarer des grèves régionales dans le pays.
Elle a ensuite fait allusion au thème de la violation des droits de l'homme, lequel devrait être analysé nécessairement dans le contexte de la violence généralisée qui affecte son pays depuis plusieurs années. Les causes de cette violence sont multiples et ses victimes se retrouvent dans tous les secteurs de la communauté, dont le mouvement syndical qui a eu plusieurs de ses membres parmi les cibles de cette situation.
Elle a souligné que son gouvernement avait réalisé des progrès dans la garantie des droits de l'homme et dans la mise en oeuvre d'une politique de pratique du droit humanitaire qui constitue le thème central de son action. La propre Commission des droits de l'homme de l'ONU l'a reconnue, et le Protocole II a été ratifié par le Congrès et révisé par la Cour constitutionnelle. A cet égard, il est important de mentionner également la visite en Colombie, à l'invitation du gouvernement, des rapporteurs thématiques des Nations Unies et du Haut Commissariat des droits de l'homme des Nations Unies, dont l'un des représentants devrait proposer, en collaboration avec les secteurs intéressés, des mesures de protection des droits de l'homme. En outre, la Constitution de 1991 a institué une voie de recours contre les violations des droits de l'homme dont des milliers de citoyens, y compris les syndicalistes et les professeurs, font usage.
L'oratrice a ensuite souligné la reconnaissance officielle de la responsabilité des agents de l'Etat dans des massacres comme celui de Trujillo et a déclaré que des mesures d'indemnisation aux victimes ont été adoptées. Par ailleurs, l'unité des droits de l'homme de la fiscalisation générale de la nation a été renforcée et des mesures ont été prises pour garantir la lutte contre l'impunité.
Elle a assuré que son gouvernement ne se complaisait ni était complice avec les activités paramilitaires. Une commission est déjà en oeuvre pour soumettre un projet de réforme à la justice pénale militaire, tandis que des mesures strictes d'application étendue ont été prises pour purifier la police nationale et assurer les contrôles internes des excès de cette institution.
Enfin, elle a déclaré que, si les mesures susmentionnées atteignaient leur but, la violence généralisée serait réduite, au bénéfice de tous, y compris des syndicalistes. Le gouvernement travaille sans repos pour obtenir la tranquillité des citoyens qui est perturbée par la guérilla, le narcotrafic, les actions paramilitaires et les activités de certains agents de l'Etat. Elle espère pouvoir compter sur la coopération des travailleurs et des employeurs à cette fin.
Les membres travailleurs sont satisfaits du fait que les travailleurs colombiens confirment que le nouveau gouvernement essaie d'améliorer la situation générale du pays, quoi qu'il reste beaucoup à faire. Le Président a reconnu la gravité du problème, ainsi que la responsabilité des agents de l'Etat, en particulier celle de la police. Les membres travailleurs considèrent que cet aveu aidera à surmonter les graves problèmes du passé. Ils attendent des discussions tripartites des évolutions dans la partie de la législation qui n'est pas conforme à la convention no 87. Ils reviendront sur ce cas à l'avenir en espérant que le nombre de questions en suspens aura diminué.
Les membres employeurs ont déclaré qu'ils partageaient la condamnation de cette violence générale en Colombie qui touche dans une large mesure les personnes engagées dans des activités syndicales. Ils n'ont pas de conseils ou de recommandations à faire au gouvernement, mais ils lui lancent un appel pour qu'il fasse tout son possible et prenne toutes les mesures nécessaires en son pouvoir afin de lutter contre cette violence, notamment en ce qui concerne les possibilités de recourir à la justice. Donc, en cas de licenciement abusif, il faut que la personne lésée puisse avoir recours aux tribunaux et obtenir compensation. Il faut également que les délits ne restent pas impunis et que la répression de la violence figure parmi les soucis principaux du gouvernement.
La commission a pris note avec intérêt de l'exposé fait par la représentante gouvernementale concernant la nouvelle culture de dialogue qui se traduit par un pacte social et une série de commissions tripartites nationales sur la productivité, le développement syndical, les relations professionnelles dans les entreprises, etc. La commission considère que ce sont là des signes très encourageants.
Elle espère que ces organes tripartites aborderont les différentes questions mentionnées par la commission d'experts. La commission estime, cependant, que les divers facteurs mentionnés par la commission d'experts, y compris des dispositions législatives qui interdisent l'existence de plus d'un syndicat, la supervision de syndicats par les autorités de l'Etat et les pratiques faisant obstacle à la libre élection des dirigeants syndicaux, constituent une violation flagrante de la liberté d'association. Ces pratiques doivent être interdites et cesser dans les faits. Des lois allant dans ce sens devront être abrogées.
Dans ces circonstances et à la lumière des discussions détaillées, la commission demande instamment au gouvernement de fournir un rapport détaillé sur toutes les mesures prises pour répondre à toutes ces questions soulevées par la commission d'experts afin que la législation et la pratique nationales s'alignent sur la convention no 87.
Un représentant gouvernemental a indiqué que quelques-unes des déclarations du ministre du Travail devant la présente commission l'année dernière sont toujours valables. Ainsi, la présence de fonctionnaires, en vertu de la loi, lors de certaines réunions syndicales, ainsi que leur ingérence dans les statuts syndicaux et dans certains autres cas (par exemple conflits internes), a été demandée par les syndicats mêmes. L'interdiction, imposée par la loi aux membres affiliés qui représentent l'employeur vis-à-vis de ses travailleurs et aux cadres d'une entreprise, de faire partie du Comité directeur d'un syndicat, a comme objectif de préserver l'autonomie et l'indépendance des organisations syndicales par rapport à l'employeur. L'orateur a rappelé qu'en 1991 une nouvelle Constitution a été adoptée et que la tâche d'harmoniser la législation avec les normes constitutionnelles exige un énorme travail et un long laps de temps qui dépassera le mandat de l'actuel gouvernement. Toutefois, le gouvernement a la volonté de consulter les partenaires sociaux pour ce qui est du développement des normes essentielles en matière de travail. A cet égard, le gouvernement voudrait réaliser une consultation en ce qui concerne la commission tripartite prévue par la Constitution (constitution, fonctions, etc.) et la définition des services publics essentiels (que la Constitution confère au législateur). Cependant, toutes les réponses sollicitées des partenaires sociaux sur ces points n'ont pas encore été reçues. Le gouvernement a exprimé l'espoir que le Congrès pourra consacrer du temps à l'harmonisation de la législation avec la Constitution et avec les conventions de l'OIT qui, d'un autre côté, font partie de la législation interne. Pour ce qui est de la préoccupation exprimée par la commission d'experts quant à la grave situation de violence à laquelle est confronté le pays, l'orateur a réitéré le critère maintenu par le ministre du Travail, l'année passée, selon lequel l'intérêt public ne fait pas partie de la convention, et il a ajouté que le gouvernement sera le premier à se rallier à cette préoccupation quant au climat de violence, bien qu'il rejette l'existence d'une politique qui viole la liberté syndicale et les autres droits de l'homme. La situation de violence est le produit de la superposition d'innombrables conflits entre ceux qui appartiennent aux groupes de guérilla et aux groupes liés au trafic de drogues. Après avoir décrit en détail les importantes réussites du gouvernement à l'encontre de ces deux fléaux, il a indiqué que les assassinats n'ont pas seulement fait des victimes parmi les syndicalistes, mais également parmi les ministres, les procureurs, les candidats à la présidence, les directeurs de journaux et les journalistes, les agents des autorités, les juges et les citoyens. Il s'agit donc d'un phénomène général qui n'affecte pas seulement les syndicalistes. Beaucoup de syndicalistes ont été assassinés dans la région d'Utabá par leurs anciens camarades d'armes lorsque certains groupes de guérilla ont décidé de s'unir au processus de paix. Enfin, l'orateur a souligné la totale adhésion de la Constitution et de son pays aux droits de l'homme et aux principes démocratiques.
Les membres travailleurs ont rappelé que la présente commission avait déjà longuement discuté de ce cas l'année dernière. Egalement en 1992, la commission d'experts avait noté certains progrès, mais avait continué à constater une série de divergences entre la législation nationale et les principes de la liberté syndicale. En 1993 encore, les experts, en reprenant les conclusions de 1992 de la présente commission, constatent à nouveau que des divergences existent toujours. Les membres travailleurs ont également indiqué que le Comité de la liberté syndicale a examiné sept plaintes relatives à la Colombie contenant des allégations d'une extrême gravité concernant des atteintes au droit à la vie et à la sécurité des syndicalistes et au droit de négociation collective. La commission d'experts a exprimé sa préoccupation devant cette situation de grave violence, qui rend difficile le plein exercice des droits syndicaux. A la lumière du manque de progrès, les membres travailleurs ont soutenu la demande des experts pour que le gouvernement modifie les dispositions légales qui entravent la liberté syndicale et pour qu'il mette fin aux pratiques administratives arbitraires afin de garantir les droits syndicaux dans la pratique. Pour préparer les changements nécessaires, ils ont été d'avis que le cadre approprié existe déjà et ils se sont référés à la commission nationale tripartite prévue dans la Constitution et déjà mentionnée par le gouvernement en 1992, ainsi qu'à l'assistance technique de l'OIT. L'année dernière, le gouvernement avait déclaré que ladite commission tripartite allait être constituée et avait mentionné ses objectifs définis de façon très large. Les membres travailleurs ont l'impression que, depuis lors, cette commission tripartite n'a toujours pas été établie et ne constitue plus une priorité du gouvernement. C'est pourquoi ils ont demandé, à l'instar de la commission d'experts, que la législation et la pratique soient mises en conformité avec la convention et ont suggéré à cet égard que la Commission nationale tripartite devrait être associée à ces changements. En ce qui concerne les diverses restrictions au droit de grève et la faculté, pour le ministre du Travail et pour le Président, d'intervenir dans les conflits du travail, les membres travailleurs se sont référés à la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale qui ne permet le recours à l'arbitrage obligatoire que dans le cadre des services essentiels au sens strict du terme; cette jurisprudence a été explicitement confirmée par le comité dans des cas concernant la Colombie. Ils ont réitéré leurs préoccupations quant aux mesures répressives, par exemple en considérant les grévistes comme des terroristes, prises dans un climat de violence, et insisté auprès du gouvernement pour qu'il prenne des mesures législatives et pratiques afin de garantir la pleine application de la convention. Ils ont indiqué que les conclusions de la présente commission doivent être formulées en des termes les plus fermes étant donné que des doutes existent concernant la volonté politique réelle du gouvernement pour coopérer avec les organes de contrôle de l'OIT et pour réaliser des progrès, d'autant plus que ce cas a déjà fait l'objet d'un paragraphe en 1992. Ils ont rappelé que de simples intentions de la part du gouvernement ne suffisent pas.
Les membres employeurs ont indiqué qu'il est clair que le pays connaît un climat d'extrême violence et qu'il faut réfléchir sur les conséquences à en tirer pour ce cas. Ils ont signalé que, tout en ayant constaté certains progrès l'année passée, la commission d'experts a mentionné cette année dix points à améliorer qui présentent des poids différents. Pour ce qui est des divergences avec la convention qui concernent la gestion interne des syndicats, les membres employeurs se sont ralliés aux observations de la commission d'experts selon lesquelles ces divergences réduisent clairement la liberté syndicale. En ce qui concerne les restrictions au droit de grève, ils se sont référés à leur position exprimée en 1992. Le gouvernement a montré souvent sa volonté d'agir, comme le prouvent un projet de loi en matière de grève soumis au parlement et la nouvelle Constitution de 1991. Cependant, pour ce qui est des services essentiels qui, d'après la Constitution, seront définis par la loi, les membres employeurs ont déclaré que ce principe est bon, mais qu'il faudra attendre l'adoption de la loi et son application dans la pratique pour pouvoir évaluer les résultats. Pour ce qui est de l'intervention des autorités dans les conflits collectifs en saisissant un tribunal d'arbitrage obligatoire, les membres employeurs ont exprimé leur accord avec la position de la commission d'experts. Ceux-ci précisent toutefois que, lorsque la déclaration d'illégalité de la grève est basée sur une norme nationale contraire aux principes en matière de liberté syndicale, le licenciement des dirigeants syndicaux pour fait de grève, quand bien même serait-il légal, serait contraire à la convention. Les membres employeurs ont déclaré qu'il leur est difficile de comprendre cette précision, étant donné que la commission d'experts part d'une hypothèse fondée sur une base qui sort une fois de plus du champ d'application de la convention. Pour ce qui est des autres points mentionnés par la commission d'experts concernant des modifications nécessaires, les membres employeurs ont constaté que des progrès sont déjà intervenus, mais que d'autres restent encore à réaliser. Etant conscients des difficultés objectives auxquelles la Colombie doit aujourd'hui faire face, les membres employeurs ont estimé que la situation de ce pays exige, soit une plus grande patience, soit une plus grande sévérité. De nombreuses violations dans la pratique de la convention ne sont pas imputables au gouvernement; c'est pourquoi il faudrait absolument poursuivre un dialogue critique malgré les changements déjà intervenus et notés par la commission d'experts et malgré la situation extrême. Les membres employeurs ont souhaité que le gouvernement fournisse un rapport très détaillé et ont espéré pouvoir examiner ce cas en détail l'année prochaine.
Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a déclaré qu'il souhaitait tout particulièrement s'associer à la discussion de ce cas, compte tenu de la gravité des allégations formulées. La commission d'experts, à laquelle il convient de rendre hommage pour sa compétence et sa neutralité a, toutefois, en faisant état d'une "grave situation de violence" empêchant le "plein exercice des activités syndicales", gravement sous-estimé les manoeuvres d'intimidation et les horribles conditions de vie que connaissent actuellement les syndicalistes en Colombie. Il ressort clairement des informations du rapport de la commission d'experts et des informations complémentaires communiqueés par les travailleurs qu'il se déroule une campagne délibérée de sape et d'obstruction légales, tandis qu'ont lieu des assassinats sauvages et des manoeuvres d'intimidation, en vue de miner les organisations de travailleurs et la négociation collective en Colombie. En continuant d'essayer d'exercer leurs droits dans une situation si dangereuse, les travailleurs et les dirigeants syndicaux en Colombie donnent à tous une grande leçon d'humilité. Ce cas fait ressortir avec force l'inquiétude de la commission d'experts, telle qu'elle est exprimée dans ses commentaires du paragraphe 111 de son rapport relatifs à l'inadaptation des sanctions visant à assurer le respect des conventions, particulièrement lorsque, comme c'est le cas, il s'agit d'une violation flagrante des droits fondamentaux de l'homme.
Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que l'activité syndicale dans son pays est gravement entravée par la "criminalisation". Le décret antiterroriste instituant une juridiction d'ordre public adopté par le gouvernement, au motif de combattre le trafic des stupéfiants, s'est traduit, en 1992, par l'incarcération de quelque 618 personnes, dont 6 pour cent seulement sont effectivement des trafiquants et des guérilleros. La loi antiterroriste institue un système de procédure méconnaissant les droits de la défense et le principe de publicité de la procédure, les magistrats, les témoins, les preuves et les expertises restant secrets. En application de cette loi, 17 travailleurs des TELECOM ont été emprisonnés et le président de la principale raffinerie colombienne a été arrêté après avoir négocié des revendications et obtenu un accord satisfaisant les travailleurs. L'orateur lui-même a été menacé par le procureur d'une procédure pénale au motif d'entrave à la justice après avoir participé à une discussion sur l'application de ce système au syndicalisme. Le décret antiterroriste alourdit démesurément les peines, instaure des modalités spéciales de collaboration, laisse le jugement de la conduite essentiellement à l'appréciation du juge et transforme la lutte syndicale en un délit politique. L'orateur a précisé en outre que diverses dispositions pénales frappent les activités syndicales. L'article 290 du Code pénal, qui qualifie de délit l'entrave à la liberté du travail, a été invoqué pour condamner les dirigeants syndicaux des cimenteries à une peine de prison de 6 mois assortie d'une amende de l'équivalent d'un million de dollars. Dans le secteur bancaire, des syndicalistes ont été condamnés pour "obstruction au travail". Des syndicalistes de l'administration nationale des archives et de l'enregistrement ont été condamnés pour avoir diffusé des affiches jugées calomnieuses et, sur les instances d'un employeur, le secrétaire général et le président de la Fédération nationale des ouvriers du cacao ont été arrêtés pour présomption de falsification d'un acte syndical et ont vu leurs biens confisqués. L'orateur déplore que le gouvernement se borne à répéter qu'il mettra sa législation en conformité avec les conventions en fonction des indications de la commission tripartite tout en prenant des décisions unilatérales, comme dans le cas du relèvement du salaire minimum ou dans celui du licenciement de 40 000 agents de la fonction publique. De la même manière, le gouvernement a rejeté un projet de loi du travail qui avait été présenté avec le soutien d'un million de signatures au motif que l'initiative populaire, prévue par la Constitution, n'était pas réglementée. Enfin, l'orateur a dénoncé, outre les innombrables assassinats de syndicalistes, l'impunité contre laquelle le gouvernement n'agit pas et il a demandé à la commission de consacrer un paragraphe spécial de son rapport à ce cas.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déploré d'avoir à dénoncer une fois encore la situation des travailleurs de ce pays en ce qui concerne la liberté syndicale et les droits de l'homme. Il considère que son pays ne garantit pas l'exercice de l'activité syndicale, à en juger par le nombre de syndicats anéantis au moment même de leur constitution et développés dans la clandestinité. Il n'est pas certain que la nouvelle législation assure l'automaticité de l'enregistrement légal d'un syndicat, attendu que les mêmes obstacles juridiques subsistent dans ce domaine. Il a déclaré que son pays ne respecte pas la convention et s'oriente dans un processus inquiétant de pénalisation, et même de criminalisation de la lutte syndicale, avec les graves répercussions qui en résultent pour les travailleurs. On peut citer à cet égard la situation des contrôleurs aériens ou des entreprises comme ECOPETROL et TELECOM, dont les travailleurs ont fait l'objet d'une violente répression pour avoir voulu défendre la souveraineté nationale, contre la privatisation de l'entreprise. A ce jour, pour avoir exercé leurs droits, 13 travailleurs ont été arrêtés et sont jugés par des "juges sans visage", sous l'accusation de terrorisme, avec des témoignages et des preuves secrètes et des limitations considérables pour la défense. Trois autres dirigeants du syndicat de TELECOM, dont le président Eberto López, sont poursuivis et vivent dans la clandestinité. Les entreprises se militarisent, la situation s'oriente vers une répression humiliante pour les travailleurs. Les assassinats de syndicalistes se poursuivent sans que le gouvernement ne prenne de mesures adéquates contre le fléau de la violence. De l'avis de l'orateur, ce n'est pas par des déclarations de guerre intérieure mais par de profondes transformations sociales que la situation pourra s'améliorer. Considérant le nombre d'assassinats de travailleurs qui en résulte, il est à ses yeux inacceptable que l'on mette en rapport guérilla et syndicalisme. L'orateur dénonce par ailleurs les décrets de restructuration et de privatisation de décembre 1992 ayant entraîné le licenciement de plus de 50 000 travailleurs de la fonction publique ainsi que l'utilisation abusive de la notion de service public essentiel, que l'on a même vu étendu à l'hôtellerie. Il a prié la commission de prendre des mesures pour que cessent les atteintes au mouvement syndical et pour empêcher la condamnation des syndicalistes de TELECOM à de lourdes peines de prison et il a demandé que ce cas fasse l'objet d'un paragraphe spécial en raison de la violation persistante des droits des travailleurs et des droits de l'homme. Il a remis au BIT un dossier contenant des informations sur les divers aspects soulevés dans son intervention afin qu'il soit porté à la connaissance de la commission d'experts.
Le membre travailleur du Panama s'est déclaré préoccupé par la situation évoquée par les membres travailleurs de la Colombie et par les explications du représentant gouvernemental qui lui semblent vouloir excuser l'assassinat de syndicalistes par le fait que des magistrats ou des candidats aux élections sont eux aussi assassinés en Colombie. Il considère que cette situation constitue un cas grave de violation des droits de l'homme, qui devrait faire l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission.
Le membre travailleur de la France déplore que les pays soient de plus en plus nombreux à tarder à mettre leur législation en conformité avec les conventions. L'orateur relève que, à la lecture du rapport de la commission d'experts, pour constituer un syndicat en Colombie, il faut deux tiers de membres colombiens, ce qui exclut les travailleurs étrangers, lesquels n'ont donc pas la possibilité de s'exprimer. Il constate en outre que la grève ne peut être déclarée que par entreprise, en présence d'un représentant des autorités, ce qui constitue une ingérence caractérisée du gouvernement dans les activités syndicales. Il s'interroge enfin sur la protection des syndicalistes contre le licenciement dans un pays qui s'engage dans la voie de l'ouverture de son marché dans le cadre du Pacte andin.
Le membre travailleur de l'Espagne a déploré qu'on entende toujours développer exactement la même argumentation de la part du gouvernement de la Colombie devant la commission, celui-ci déclarant qu'il assiste aux réunions syndicales, à la demande des syndicats eux-mêmes, tandis que les syndicats récusent cette assertion et qu'il n'y a pas que des syndicalistes qui soient assassinés en Colombie, mais aussi des journalistes, des hommes politiques et des magistrats. Il se déclare préoccupé par la "justice sans visage" contraire aux principes du droit les plus élémentaires, et devant l'amalgame systématique entre syndicalisme et terrorisme.
Le membre travailleur du Botswana a déclaré que la répression légale généralisée du mouvement syndical colombien préoccupe profondément les syndicalistes africains. Huit cents syndicalistes sont morts dans ce pays depuis 1987 et le pays détient tristement le record en la matière pour l'année 1992. Les syndicats se heurtent à des intimidations continuelles dans l'exercice de leurs activités légitimes de négociation politique ou syndicale, et de revendication économique, sociale ou humanitaire. L'impunité des auteurs des atteintes à la liberté d'association et aux droits de l'homme reste préoccupante et, pour cette raison, il appuie sans réserve la proposition des membres travailleurs tendant à ce que les conclusions pour ce cas soient très fermes.
Le membre travailleur de l'Allemagne s'est déclaré très préoccupé par la situation en Colombie, où les syndicalistes sont victimes d'arrestations arbitraires massives, d'une justice sommaire et de persécutions organisées par des formations paramilitaires. Il s'étonne par ailleurs que les employeurs mettent en question les constatations de la commission d'experts au sujet de l'exercice du droit de grève et du licenciement de syndicalistes dans ce pays. Considérant les principes proclamés par l'article 8, deuxième alinéa, de la convention, l'orateur fait observer que, si un droit interne est en contradiction avec la convention, en l'occurrence, si un licenciement est contraire à la convention, il appartient aux employeurs de prendre nettement position sur la base de ces principes. Enfin, il invite la commission à formuler des conclusions très fermes et à consacrer dans son rapport un paragraphe spécial à ce cas.
Le représentant gouvernemental a évoqué les principes qu'énonce la nouvelle Constitution, le "statut du travail" que le congrès doit adopter, l'intégration des conventions ratifiées dans l'ordre juridique interne, la définition des services publics essentiels et la réglementation élaborée par la commission tripartite créée en application de la Constitution, qui nécessite néanmoins l'élaboration d'une législation régissant sa composition et son fonctionnement. Se référant aux propos des membres travailleurs de la Colombie quant à la soumission au Congrès d'un projet de "statut du travail", il a déclaré que l'initiative populaire prévue par la Constitution n'a pas été réglementée et que, en tout état de cause, la décision appartient au Congrès et non au gouvernement. S'agissant de la loi contre le terrorisme et de son application aux travailleurs de TELECOM, il a expliqué que la grève en question avait été déclarée illégale parce qu'elle avait des motivations politiques, et que le gouvernement avait demandé à la justice, d'une part, de défaire la personnalité juridique du syndicat de TELECOM et, d'autre part, d'enquêter sur les faits délictuels en rapport avec la grève. La première a été rejetée et par décision du procureur la deuxième a été séparée en deux procédures différentes, l'une pour les juridictions ordinaires et l'autre pour la juridiction antiterroriste. L'orateur a exposé que les licenciements intervenus dans le secteur public étaient imputables à des restructurations de l'Etat dans l'économie nationale. A titre d'exemple, il a mentionné la suppression du secteur du contrôle préalable des dépenses publiques, qui a laissé sans emploi quelque 7 000 travailleurs, et les suppressions d'emplois dans les douanes, avec l'ouverture des frontières, qui ont laissé sans travail les agents chargés des permis d'importation. Des plans de reclassement et de mise à la retraite anticipée ont cependant été introduits au bénéfice de nombreux travailleurs. Il conteste avoir tenté d'excuser les assassinats de syndicalistes par le fait que ces assassinats frappent aussi d'autres victimes. Il consteste aussi avoir invoqué la nécessité de prendre en considération le contexte de la situation du pays et enfin avoir établi un lien entre guérilla et syndicalisme. Il a déclaré que son gouvernement s'employait à démilitariser le pays, à preuve que, pour la première fois depuis 1948, le ministère de la Défense et la Direction de l'administration de la sécurité ne sont pas confiés à des militaires. Quant à l'intégration du pays dans le Pacte andin, il considère qu'une zone de libre-échange posera assurément des problèmes d'ajustement mais que le gouvernement s'efforcera d'apporter tout le soutien nécessaire à l'industrie et à l'agriculture nationales pour affronter la concurrence. L'orateur a conclu en soulignant que son gouvernement est fermement attaché aux droits de l'homme, et il s'est d'ailleurs soumis volontairement à la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l'homme.
La commission a pris note des informations écrites et orales communiquées par le représentant gouvernemental. Elle a manifesté sa compréhension au sujet de la grave situation de violence qui règne dans le pays. Elle observe qu'il subsiste des divergences nombreuses et graves entre la législation et la pratique nationales et les principes consacrés par la convention en ce qui concerne les divers points soulevés par la commission d'experts depuis plusieurs années. La commission a noté avec intérêt que le gouvernement est disposé à traiter des questions de travail avec les partenaires sociaux. Toutefois, la commission regrette de constater qu'aucun progrès n'a été enregistré depuis la dernière fois qu'elle a examiné ce cas, en juin 1992. Elle exprime le ferme espoir que le comité tripartite chargé de l'élaboration des projets de loi accomplira sa tâche dans un bref délai. Elle reste profondément préoccupée par la situation de fait et de droit dans le domaine syndical, et elle appelle instamment le gouvernement à adopter d'urgence les mesures nécessaires, au besoin avec l'assistance technique du BIT, afin de mettre sa législation en conformité avec la convention, de sorte que la commission puisse constater dans un proche avenir des progrès effectifs et importants en la matière.
Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:
La Constitution interdit la suspension et la dissolution par voie administrative de la personnalité juridique des organisations syndicales. En outre, il convient de rappeler que cette interdiction est consacrée par la loi no 50 de 1990.
En ce qui concerne l'obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens, l'intervention supposée dans l'administration des syndicats due à la présence de fonctionnaires du ministère aux réunions (notamment lors du déclenchement d'une grève), l'obligation d'être ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales, la sanction accessoire qu'un juge peut infliger à un dirigeant syndical responsable de la dissolution d'un syndicat qui consiste en l'interdiction d'exercer le droit d'association pendant une période maximale de trois ans ainsi que la condition d'appartenance à la profession ou au métier pour être élu dirigeant syndical, le gouvernement s'est déjà référé amplement à ces questions dans sa lettre du 25 octobre 1991 adressée au Directeur général du BIT, dont le gouvernement a joint en annexe une copie.
Le gouvernement a demandé dans une communication du 9 octobre 1991 et adressée au Directeur général qu'une convention sur cette matière soit adoptée compte tenu de l'importance du droit de grève. Le gouvernement regrette que le Directeur général lui ait communiqué, en date du 22 novembre 1991, que, pour des raisons de procédure, il n'est pas possible d'inclure ce thème important à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 1992 ou de 1993. Le gouvernement souhaite insister sur sa demande concernant l'urgence de l'adoption par l'OIT d'une convention portant expressément sur le droit de grève ainsi que sur le fait que ce droit ne doit pas dériver d'interprétations qui, même si elles sont très valables, ne sont que les opinions de juristes respectables. Dans cet ordre d'idée, il reconnaît qu'il existe des restrictions à l'exercice du droit de grève, qui découlent du fait que le ministre du Travail et le Président de la République peuvent convoquer des tribunaux d'arbitrage pour résoudre les conflits après soixante jours de grève ou lorsqu'une grève affecte l'économie nationale considérée dans son ensemble.
A cet égard, il est significatif de mentionner la jurisprudence de la Cour suprême de justice, qui a estimé que la loi no 50 de 1990 est conforme à la Constitution et qui a précisé ce qui suit:
"Essentiellement lors de ses moments d'apogée, le mouvement syndical a toujours souhaité que le droit de grève soit un droit absolu et illimité afin que le conflit collectif puisse être résolu uniquement grâce à sa volonté souveraine et inconditionnelle; cependant, il a été reconnu que la grève affecte non seulement les intérêts des travailleurs qui s'appuient sur elle pour arriver à leurs fins, mais également ceux de l'entreprise et en général de l'ordre économique qui méritent une égale protection; il était nécessaire, par conséquent, de rechercher un équilibre entre des intérêts opposés, ce qu'ont compris ceux qui ont élaboré la Constitution de 1936 en ne permettant pas la grève dans les services publics et en laissant à la loi le soin de réglementer son exercice, comme l'a fait très judicieusement le précepte examiné ici; l'image bien connue des institutions industrielles désolées, abandonnées, inutiles, livrées indéfiniment à la détérioration et non productives, en tant que témoins permanents d'un conflit que personne n'a voulu résoudre pour récupérer les biens perdus et l'emploi lui-même, a eu pour conséquence que la loi est venue empêcher l'appauvrissement général et le dommage social que l'obstination des parties occasionnait, au moyen de méthodes alternatives qui laissent intacte la protection due à tous et qui actuellement se trouve spécialement confortée dans l'article 55 de la Constitution, qui dispose 'l'Etat a le devoir de promouvoir... les autres moyens pour la solution pacifique des conflits collectifs du travail', comme l'est précisément l'instance arbitrale (Cour suprême de justice, toutes Chambres réunies, arrêt du 26 septembre 1991)."
Pour ce qui est du droit de grève, l'article 56 de la Constitution dispose:
"Le droit de grève est garanti, sauf dans les services essentiels tels qu'ils sont définis par la loi.
La loi réglementera ce droit.
Une commission permanente regroupant le gouvernement, des représentants des employeurs et des représentants des travailleurs favorisera de bonnes relations professionnelles, contribuera au règlement des conflits collectifs du travail et s'efforcera d'aboutir à la concertation des politiques salariales et professionnelles. La loi réglementera sa composition et son fonctionnement."
Pour donner suite à ce mandat constitutionnel, le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, a convoqué les représentants des employeurs et des travailleurs dans le but de conclure un accord sur la composition et les fonctions de ladite commission permanente et a présenté, au mois de décembre 1991, à l'Assemblée de la République un projet de loi y relatif. Après la promulgation de la loi, la commission permanente susmentionnée, conformément à son mandat constitutionnel et dans le cadre de sa fonction de concertation de la politique du travail, indiquera comment la législation devra être adaptée aux conventions nos 87 et 98.
En outre, un représentant gouvernemental, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a déclaré que la commission d'experts a constaté un progrès significatif dans l'application de la convention, même si elle a également signalé un nombre de dispositions qui pourraient être incompatibles avec la convention. En ce qui concerne les obligations imposées par la loi en matière de nationalité au sujet desquelles la commission d'experts a formulé des objections (nécessité de réunir deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat, et d'être ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales), la nouvelle Constitution confère aux étrangers les mêmes droits et garanties qu'aux ressortissants nationaux mais dispose que ces droits peuvent être réglementés par la loi. La législation ne porte atteinte ni à la Constitution ni à la convention. Les étrangers ont le droit de se syndicaliser, mais il leur est interdit de contrôler un syndicat ou d'être dirigeant syndical. Ces dispositions trouvent leur base dans la souveraineté nationale, par exemple pour empêcher que des dirigeants étrangers déclenchent une grève dans des secteurs de l'industrie qui ont une relation avec la sécurité nationale. Il est probable que, dans la plupart des pays, de telles normes existent. Les centrales syndicales du pays n'ont pas soulevé d'objections quant aux exigences relatives à la nationalité, mais la modification des dispositions en question pourra être discutée lors de l'établissement de la commission tripartite en matière de travail que l'Assemblée nationale devra réglementer prochainement dans une loi. En ce qui concerne le contrôle de l'administration interne des syndicats et la présence des fonctionnaires publics dans les réunions syndicales (article 486 du Code du travail), la présence de ces derniers a pour but la vérification de la majorité qualifiée prévue par les statuts syndicaux, par exemple pour le déclenchement d'une grève. Souvent, les syndicats même demandent la présence de fonctionnaires lorsque des conflits internes se produisent; dans ce cas, le fonctionnaire a la tâche de recueillir des preuves permettant d'éviter dans le futur de tels conflits. En ce qui concerne la suspension pouvant aller jusqu'à trois ans des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (article 380 (3) du Code du travail), la loi no 50 de 1990 a supprimé la possibilité administrative de suspendre les dirigeants. Actuellement, les autorités judiciaires sont compétentes pour une telle suspension lorsqu'il est prouvé qu'un dirigeant syndical est responsable de la dissolution ou de la suspension d'un syndicat. Etant donné qu'une telle dissolution ou suspension est prononcée par voie judiciaire, l'article 380 (3) du Code du travail n'est pas en contradiction avec la convention. S'agissant de l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, la nature du syndicat entraîne que ses dirigeants exercent la même profession que ses membres. Toutefois, le gouvernement n'insiste pas sur ce point et est ouvert à un dialogue avec les centrales syndicales; à cet égard, il demande l'assistance technique du BIT. En ce qui concerne le droit de grève des fédérations et des confédérations, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un projet de loi sur ce thème est en instance devant l'Assemblée générale et qu'il sera discuté. Le droit de grève a connu une évolution en Colombie. La Constitution antérieure avait reconnu ce droit sauf dans les services publics; la nouvelle Constitution de 1991 le limite uniquement dans les services publics essentiels qui doivent être définis par le législateur dans une loi future. Une concertation tripartite sur cette question sera engagée. Par ailleurs, son gouvernement a demandé au Conseil d'administration du BIT d'étudier la possibilité d'une future convention sur le droit de grève parce que, actuellement, ce droit fait l'objet d'interprétations de caractère prestidigitateur de la part de la commission d'experts ou du Comité de la liberté syndicale. En vue de la sécurité, juridique, l'OIT doit réglementer le droit de grève. En ce qui concerne le pouvoir du ministre du Travail et du Président de la République d'intervenir dans un conflit (articles 448 (3), (4) et 450 (1) g) du Code du travail), il entraîne la convocation d'un tribunal d'arbitrage obligatoire conformément aux principes des organes de contrôle de l'OIT relatifs aux situations dans lesquelles le droit de grève peut être restreint. Quant à la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (article 450 (2) du Code du travail), les organes de contrôle de l'OIT reconnaissent la légitimité du licenciement en cas de grève illégale, et la convention dispose que les organisations de travailleurs doivent respecter la légalité. Par conséquent, ledit article ne porte pas atteinte à la convention.
Les membres travailleurs se sont référés au rapport de la commission d'experts qui a attiré l'attention sur le rapport du gouvernement, les discussions qui se sont déroulées à la présente commission en 1991, les rapports du Comité de la liberté syndicale ainsi que la mission de contacts directs qui s'est effectuée en 1991. Dans la description du contexte dans lequel se déroulait la discussion de ce cas, ils ont rappelé le grand nombre de dirigeants syndicaux qui ont été assassinés ou qui ont disparu, et ils ont indiqué que la situation ne s'était pas encore améliorée.
Le représentant gouvernemental a indiqué que les situations relatives au maintien de l'ordre public ne relèvent pas de la présente convention. Il s'est référé non seulement aux disparitions et aux morts des syndicalistes, mais également à celles d'hommes politiques, de militaires, d'enseignants, d'enfants, et a souhaité en conséquence que la discussion se limite aux thèmes relatifs à la convention.
Les membres travailleurs ont fait remarquer que la commission d'experts s'est référée à la discussion qui s'est déroulée au sein de la présente commission en 1991 au cours de laquelle ce problème avait été mentionné. Ils ont fait observer que, dans leurs remarques introductives, ils se sont référés aux disparitions et aux morts de dirigeants syndicaux afin de décrire le contexte difficile dans lequel se trouve la liberté syndicale en Colombie. Ils ont pris note des informations écrites communiquées par le gouvernement ainsi que des mesures législatives notées avec satisfaction par la commission d'experts dans son rapport. Toutefois, ils se sont référés aux problèmes soulevés par les experts et qui ne sont pas conformes à la convention. En ce qui concerne l'exigence selon laquelle les dirigeants syndicaux doivent être colombiens, ils ont été d'avis qu'il s'agit toujours d'une violation de la convention, même s'il n'est pas interdit par la loi d'être membre d'un syndicat, comme il l'a été souligné par le représentant gouvernemental. Ils se sont cependant félicités de la déclaration du ministre du Travail selon laquelle le gouvernement discutera de ce problème avec les travailleurs, et ils ont exprimé l'espoir que cette divergence entre la législation et la convention sera prochainement éliminée. En ce qui concerne les dispositions qui autorisent la présence des autorités lors des assemblées générales au cours desquelles un vote sur le déclenchement d'une grève a lieu, ils ont été d'avis que, si une telle présence n'est pas spécifiquement réclamée par le syndicat lui-même, elle constitue une ingérence dans les affaires internes des syndicats et par conséquent une violation de la convention. En ce qui concerne la suspension, pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association, des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat, ils ont rejeté l'argument selon lequel celle-ci se justifierait parce qu'elle est prononcée par les autorités judiciaires et pas par le gouvernement, étant donné que, en tout état de cause, une telle suspension est permise par les lois du pays, et que ces lois ne sont pas conformes à la convention. Ils ont souligné, tout comme l'avaient fait les membres employeurs dans le contexte d'un autre cas, que les dirigeants syndicaux ne cherchent pas une immunité vis-à-vis du droit commun du pays, mais que la convention les protège lorsqu'ils agissent en tant que syndicalistes, dans le respect d'une législation qui est en conformité avec la convention. S'agissant de l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, ils ont exprimé des doutes sur la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle les lois pertinentes avaient été abrogées. Au cas où ces lois n'aient pas été abrogées et nonobstant le fait que la plupart des dirigeants syndicaux appartiennent à la profession ou au métier considéré, ils ont été d'avis que la loi ne doit pas interdire aux syndicats de désigner à plein temps des dirigeants professionnels n'appartenant pas au métier considéré, bien qu'en général ceux-ci exercent la profession ou le métier représenté par le syndicat. Se référant à la déclaration du ministre selon laquelle l'interdiction de la grève dans les services publics avait été abrogée, sauf dans les services publics essentiels, les membres travailleurs ont fait remarquer que des différences peuvent exister entre l'opinion de la commission d'experts et celle du gouvernement sur la définition des services essentiels. Même si la convention ne se réfère pas, comme il l'a été dit, d'une manière spécifique à la grève, la commission d'experts a indiqué de façon relativement claire que la grève doit être permise lorsque les travailleurs agissent pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et que toute tentative de restriction de ce droit constitue une violation de la convention. Sans vouloir entrer dans une discussion générale sur le droit de grève, ils ont insisté pour qu'il soit noté que les membres travailleurs partagent l'interprétation de la convention à ce sujet, formulée par la commission d'experts depuis de nombreuses années. Ils ont demandé au représentant gouvernemental d'indiquer à la commission d'experts quelle est la définition précise des services publics afin qu'elle puisse être en mesure d'évaluer l'étendue de cette exception. Ils ont souligné le principe établi par la commission d'experts selon lequel, au cas où la grève est restreinte voire interdite dans les services essentiels, des garanties compensatoires appropriées telles qu'une procédure impartiale et rapide de conciliation, de médiation ou d'arbitrage devraient être mises à la disposition de travailleurs. En ce qui concerne la question des grèves illégales, ils ont été d'avis que le problème n'est pas constitué par des grèves qui sont considérées illégales par des lois conformes à la convention, mais par des lois qui définissent une grève illégale de façon très large comme le font la législation et la Constitution de la Colombie. Ils se sont félicités du fait que, lors de la mission de contacts directs, en septembre 1991, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a exprimé le désir de demander officiellement l'assistance technique du BIT dans le processus de révision de la législation du travail, et ils ont noté que la commission d'experts en avait pris note avec intérêt. Ils ont demandé que les conclusions de la présente commission fassent état de leur espoir que, suite à cette assistance, les lois nationales seront dans un proche avenir mises en pleine conformité avec la convention.
Les membres employeurs ont fait remarquer que le rapport de la commission d'experts sur ce cas peut se diviser en trois parties. La première partie porte sur les améliorations réalisées quant à la conformité de la législation nationale avec la convention. Il y a deux ans, la présente commission a estimé nécessaire de consacrer un paragraphe spécial à la Colombie; aujourd'hui, en revanche, un certain nombre de cas de progrès peuvent être constatés. La seconde partie indique un certain nombre de points sur lesquels des questions peuvent être posées ou au sujet desquelles les experts sont d'avis qu'il y a toujours infraction aux dispositions de la convention. En ce qui concerne l'obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens et les dirigeants syndicaux doivent être Colombiens, le représentant gouvernemental a déclaré que la Constitution de son pays laisse cette question ouverte mais que le Code du travail contient des dispositions qui ressortissent à la souveraineté du pays, et il a supposé que la situation est semblable dans d'autres pays. A cet égard, les membres employeurs ont fait remarquer que, suite à la législation des Communautés européennes et les directives européennes, la discrimination fondée sur la nationalité n'existe plus en Europe. Etant donné que le gouvernement s'est déclaré prêt à établir un dialogue avec les travailleurs et les employeurs à ce sujet, sa position n'est pas rigide et des changements sont possibles. En ce qui concerne la suspension des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat, les membres employeurs ont exprimé des doutes sur la question de savoir si la protection des dirigeants syndicaux est véritablement assurée par une telle disposition, et ils ont été d'avis qu'il appartient au gouvernement de réfléchir à ce problème et d'étudier des modifications éventuelles de la loi. Quant à l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considérés pour être élu dirigeant syndical, ils ont exprimé l'avis qu'il s'agit d'une réglementation à terme qui pourrait être stipulée par le syndicat et qu'il n'est par conséquent pas nécessaire de réglementer cette question en détail. Etant donné la déclaration du représentant gouvernemental selon lequel le gouvernement est prêt à procéder à des consultations également à ce sujet, ils ont estimé que la commission tripartite à laquelle il s'est référé pourrait être l'organisme approprié pour discuter de ces questions. S'agissant de la question relative aux licenciements massifs de travailleurs dans le secteur public et à l'augmentation du nombre de contrats de courte durée dans le secteur privé, les membres employeurs ont déclaré qu'il peut y avoir d'autres raisons que celle invoquée par les experts qui se réfèrent à l'affaiblissement du mouvement syndical, justifiant ces mesures. Ils ont par conséquent estimé qu'il n'était pas nécessaire de continuer la discussion sur ce point. La troisième partie du rapport porte sur les restrictions au droit de grève. Le représentant gouvernemental a indiqué que la convention ne contient pas de disposition précise à cet égard et que l'OIT devrait élaborer un nouvel instrument sur les droits et devoirs relatifs à la grève ainsi que sur ses restrictions. Les membres employeurs ont fait observer qu'un projet de résolution contenant des éléments analogues, qui a été proposé cette année, n'a été retenu de manière prioritaire. Il faut donc, au stade actuel, s'en tenir à la convention qui a été le point de départ de la philosophie de la commission d'experts. Se référant à des prises de position antérieures, ils ont prié la commission d'experts de bien vouloir réfléchir à nouveau à leur argumentation sur le droit de grève puisque les résultats auxquels elle est arrivée ne relèvent pas directement de la convention. Comme la commission d'experts l'a déclaré elle-même ailleurs dans son rapport, les membres employeurs estiment que la convention no 87 doit être interprétée exclusivement au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en particulier de ses articles 31 et 32 qui disposent qu'outre le contexte il faut tenir compte, de manière égale: a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité. Actuellement, le rapport de la commission d'experts contient un très grand nombre d'éléments concernant l'application de la convention dans le monde entier, et il ressort de ces éléments que la situation est très différente selon les pays et qu'il n'existe pas d'application commune relative à la pratique et aux restrictions du droit de grève. Selon les critères de la Convention de Vienne, les critères d'interprétation appliqués par les experts ne sont pas corrects. Il ne faut pas oublier que la grève ne porte pas seulement atteinte aux droits des employeurs, mais qu'elle touche également les intérêts des tiers; pour cette raison, la définition de l'ampleur et des restrictions de cette grève ne saurait être laissée à la libre discrétion d'une seule partie. Seul l'Etat doit être responsable de la détermination de l'étendue du droit des grèves et des limitations à celui-ci. Les membres employeurs ont été d'avis que ce cas, parmi d'autres, fournit de nouveau une occasion de prier instamment la commission d'experts de réfléchir une fois de plus sur ses conclusions. Le fait qu'elle formule, à l'instar du Comité de la liberté syndicale, les mêmes conclusions depuis de nombreuses années ne fonde pas la justesse de celles-ci ni la déclaration qu'elles peuvent être dérivées de la convention no 87. Enfin, les membres employeurs ont exprimé leur désaccord avec les conclusions de la commission d'experts sur les restrictions du droit de grève en Colombie.
Un membre travailleur de la Colombie a indiqué qu'au cours de ce mois de juin neuf syndicalistes ont été assassinés dans son pays et que, contrairement à ce qu'a déclaré le ministre du Travail, la situation syndicale en Colombie est très grave tant au niveau de la législation (comme l'avaient signalé les membres travailleurs en 1991 en se référant plus particulièrement à la loi no 50 de 1990) qu'au niveau de la pratique. Le gouvernement intervient dans la vie syndicale par l'obligation juridique imposée aux syndicats d'inviter des fonctionnaires du ministère du Travail aux assemblées générales. Ceux-ci vont jusqu'à demander à tous les travailleurs de présenter leur carte d'identité lors du vote sur le déclenchement d'une grève. Les syndicats sont obligés de se réunir pendant la nuit et en cachette afin d'éviter des représailles. Même si en vertu de la nouvelle législation la personnalité juridique des syndicats s'obtient automatiquement, le ministère continue à les approuver d'une façon discrétionnaire. La généralisation des contrats de courte durée (entre quinze jours et trois mois) constitue une grave entrave à la liberté syndicale parce que les travailleurs affectés savent que leur contrat ne sera pas renouvelé s'ils s'affilient à un syndicat. La grande majorité des grèves sont déclarées illégales, y compris celles dans les services qui ne sont manifestement pas essentiels. Tel a été le sort de la grève déclenchée à l'Hôtel Teguendama suite au licenciement de 24 travailleurs et nonobstant un accord dans le sens contraire signé dans le cadre du procès-verbal du règlement du conflit. Récemment, pour avoir déclenché une grève dans la société des télécommunications, des dirigeants syndicaux ont été jugés en droit pénal pour sabotage et, par la suite, leur cas a été transmis à des juges "anonymes", chargés de traiter les délits de terrorisme. En outre, 27 travailleurs ont été menacés de licenciement, et le président de l'entreprise ainsi que le ministre du Travail ont demandé l'annulation de la personnalité juridique du syndicat et la suspension de leurs fonctions pendant trois ans des dirigeants syndicaux. Dans le secteur pétrolier, un syndicat s'est vu imposer une amende de plusieurs millions suite à une grève. Dans de nombreux cas, les grèves avaient été déclarées pour revendiquer le droit à la vie des dirigeants syndicaux. Enfin, étant donné les violations graves et multiples de la liberté syndicale dans son pays, l'orateur a demandé que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que le droit de se syndiquer n'existe pas vraiment en Colombie où la législation et la pratique présentent les éléments suivants qui constituent des atteintes directes ou indirectes à la liberté syndicale: les contrats de travail sont dissimulés sous forme de contrats civils ou commerciaux; des contrats de très courte durée, dont le nombre est actuellement de plus de 1.050.000, sont permis; le droit de recours, pour être réintégrés dans leur poste, qui était ouvert aux travailleurs ayant plus de dix ans d'ancienneté et ayant été licenciés sans raison, a été abrogé; une période de grâce de dix ans est accordée aux entreprises pendant laquelle celles-ci ne se déclarent pas l'unité de négociation vis-à-vis de leurs filiales, affaiblissant ainsi les avantages obtenus par la négociation collective dont doivent bénéficier les organisations syndicales; le travail intermédiaire est facilité et ainsi est favorisé l'établissement d'entreprises fournissant des services temporaires, empêchant l'affiliation syndicale; des accords collectifs de travail sont conclus avec les travailleurs non syndiqués; la loi no. 60 et ses décrets d'application créent des systèmes de licenciement et de retraite massifs sur base de chantage et favorisent ainsi la retraite, accompagnée d'une indemnisation dérisoire, des travailleurs de l'Etat (400.000 retraites et licenciements de ce genre sont attendus lors des deux années à venir); dans le but de rendre la grève illégale, tout service public est déclaré essentiel, y compris l'irrigation des terres, les secteurs du ciment, financier et pétrolier; récemment, il a été permis aux patrons d'introduire des recours en droit pénal en cas de grève pour empêcher l'exercice du droit de travail; de nombreuses sommes équivalant à 80 mois de salaire minimum ont été imposées au Syndicat des travailleurs du secteur pétrolier pour avoir organisé des arrêts de travail entre deux et trois heures; et la grève est considérée comme un délit de terrorisme et est soumise à des juges "anonymes" et à des procédures lors desquelles il n'est même pas permis d'avoir accès aux dossiers. Etant donné qu'il n'y a pas de conformité avec la convention, que des progrès ne peuvent pas être constatés et que depuis l'année passée 102 dirigeants et membres syndicaux ont été assassinés, l'orateur a demandé que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial et que le BIT fournisse une assistance technique pour la rédaction de la future législation du travail.
Un membre travailleur de l'Espagne a déclaré que les améliorations de la législation qui ont été signalées par la commission d'experts doivent être évaluées dans leur propre contexte qui est caractérisé par un niveau peu élevé du respect des droits syndicaux. L'orateur a été d'avis que les dispositions de la législation relatives au contrôle de l'administration interne des syndicats, y compris la présence de fonctionnaires dans les assemblées générales qui suppose toute absence de confiance dans les syndicats, qui fait preuve de soupçon à leur égard et qui constitue une discrimination vis-à-vis des autres associations, sont inadmissibles. Il a fait remarquer que les syndicats ne constituent pas un élément pervers mais qu'ils sont nécessaires pour le progrès du pays, comme le prouvent les quarante dernières années de tripartisme en Europe. D'autre part, la convention confère les mêmes droits aux fédérations et confédérations qu'aux syndicats de base et également, pour cette raison, il est inadmissible que la législation interdise la grève aux fédérations et aux confédérations, surtout à la lumière du fait que ce droit fait partie du contenu essentiel de la liberté syndicale. Se référant aux déclarations du ministre du Travail sur l'interprétation du droit de grève par la commission d'experts, il a refusé d'accepter que ceux-ci soient des prestidigitateurs; au contraire, les experts, tout comme les juges ou les magistrats d'un tribunal constitutionnel, seront toujours indispensables et définissent le contenu des droits. Enfin, il a déclaré qu'un gouvernement qui ne garantit pas la vie n'est pas digne de ce nom et qu'en Colombie ont lieu, comme l'ont signalé des orateurs antérieurs, des assassinats et des tortures de dirigeants syndicaux, violations les plus extrêmes de la convention.
Un membre travailleur de la Grèce a nié que dans tous les pays des restrictions aux droits syndicaux des étrangers existent sous le prétexte que ceux-ci constituent des menaces éventuelles à la sécurité du pays, et il a mentionné les cas de la Belgique et de l'Allemagne où les travailleurs immigrés font partie du comité d'entreprise. La question de la sécurité intérieure en cas de grève se pose uniquement dans certains secteurs concrets. La législation doit être mise en conformité avec la convention, et il faut que le gouvernement indique ses intentions à cet égard et demande l'assistance technique du BIT.
Un membre travailleur de la France a déclaré que les interventions faites précédemment par les syndicalistes colombiens démontraient, s'il en était encore besoin, l'intensité des difficultés auxquelles le mouvement syndical se trouve actuellement confronté en Colombie. Il a relevé les limitations faites à la syndicalisation dans ce pays: le problème des travailleurs étrangers, évoqué par le membre travailleur de la Grèce; celui des travailleurs à temps partiel, dont le nombre est en constante augmentation; et l'immixtion du pouvoir politique dans le mouvement syndical, notamment au travers de la présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter le déclenchement des grèves. Quant à la demande du porte-parole des membres employeurs pour que l'OIT se prononce sur l'adoption d'une convention relative au droit de grève, il a déclaré que le débat en cours n'était pas le moment idéal pour vouloir se référer au rapport et à l'interprétation des experts en ce qui concerne l'étendue des libertés syndicales. Le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leur programme d'action, prévu par l'article 3 de la convention, est une prérogative des organisations syndicales, raison pour laquelle on n'a pas voulu, depuis 1919, tenter d'en freiner ou d'en limiter la portée au travers d'une convention. L'encadrement strict du droit de grève doit être évité et les dispositions de la convention no 87 respectées. Enfin, il a souligné que la meilleure façon d'aider le gouvernement à faire évoluer sa législation c'était de formuler des exigences fermes lors des conclusions de ce débat.
Un membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré que ses commentaires ne se référaient qu'au rapport de la commission d'experts sur ce cas ainsi qu'aux déclarations faites oralement et par écrit; elles ne pouvaient se référer qu'à certains événements mentionnés par les orateurs qui étaient intervenus avant lui, événements certes choquants mais difficiles à vérifier par la présente commission à ce stade. Il a noté que des progrès considérables ont été accomplis, même si des divergences importantes demeurent entre la législation nationale et la convention. Cependant, il a insisté sur le fait que ce point de vue ne s'appliquait pas à tout ce qui avait été dit ni à toutes les conclusions de la commission d'experts concernant les restrictions du droit de grève dans le service public.
Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que dans son pays il n'y avait ni justice, ni démocratie, ni syndicalisme libre et qu'il était dans l'obligation de parler devant la commission, car se taire serait trahir la confiance de ceux qui l'ont envoyé devant la présente commission pour défendre leurs droits. Dans son pays, il existe la justice que l'on appelle sans visage, laquelle permet de juger quelqu'un sans que celui-ci sache qui le juge, qui l'accuse et de quoi il est accusé. Plusieurs dirigeants du syndicat de la Compagnie nationale des télécommunications qui ont déclenché une grève lorsqu'on a voulu privatiser cette entreprise sont jugés à l'heure actuelle par des juges anonymes sans visage. Cette année de célébration du cinquième centenaire de la découverte de l'Amérique, des Indiens ont été assassinés pour le fait qu'ils cherchaient des lopins de terre où travailler, une terre qui leur a toujours appartenu. Il a déclaré qu'il considérait que le gouvernement de la Colombie méritait que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial.
Un membre travailleur de l'Uruguay s'est référé aux conséquences des politiques de reconversion sauvage et de privatisation des entreprises publiques. Il a déclaré que le droit de grève est un droit inaliénable; l'outil qu'ont les travailleurs pour se défendre. Dès lors, les restrictions à ce droit signifient couper le plus important de leurs possibilités de défense. En se référant à la déclaration du représentant gouvernemental sur la nécessité d'adopter une norme internationale sur le droit de grève, il s'est demandé si ce que l'on voulait c'était d'imposer des restrictions, et il a indiqué que le Comité de la liberté syndicale avait déclaré que les limitations du droit de grève ne se justifient que dans les cas où les grèves ne sont pas pacifiques. Il a rappelé qu'en Colombie on assassine des dirigeants syndicaux, la grève est interdite, il n'y a pas de liberté syndicale et la convention no 87 est violée. Par conséquent, il a demandé à la commission d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial.
Le représentant gouvernemental a déclaré que son pays garantit la liberté syndicale aux étrangers, mais qu'il ne permet pas qu'un groupe d'étrangers puisse dominer un syndicat et déclencher la grève. Quant à la définition claire et constitutionnelle du droit de grève, il a déclaré que la Constitution garantit ce droit, excepté dans les services essentiels, mais que ces services n'ont pas encore été définis. Cette tâche incombe au Congrès. Il a déclaré qu'il considère qu'en matière de droit de grève la situation varie selon les pays en fonction de leur développement. L'allusion faite à la possibilité d'adopter un instrument international de cette nature ne signifie pas que son gouvernement souhaite limiter le droit de grève. Ce droit se trouve limité, y compris par les experts et le Comité de la liberté syndicale, lequel a établi qu'il ne peut pas y avoir de grève ni dans les services publics essentiels ni dans la fonction publique. Son idée d'adopter un instrument international sur le droit de grève vise à ce qu'une convention impose une limite à ce droit. En se référant à l'intervention du membre travailleur de l'Espagne, selon laquelle le droit à la vie ne serait pas respecté en Colombie, il a insisté sur le fait que son gouvernement respecte ce droit non seulement en appliquant des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, mais également en application de la Constitution nationale. Il a refusé énergiquement cette assertion au nom de son gouvernement. Il s'est référé à la situation difficile de son pays, terrain par excellence des narcotrafiquants, mais a refusé l'insinuation selon laquelle l'assassinat d'un certain nombre d'Indiens serait dû à l'inaction du gouvernement. Celui-ci lutte contre cette situation et il lui semble que d'autres gouvernements, comme par exemple l'Espagne ou le Royaume-Uni, connaissent des situations similaires, en ce qui concerne les activités terroristes, sans que l'on puisse penser qu'ils ne respectent pas le droit à la vie.
Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que le gouvernement n'avait pas pu répondre aux questions qui lui avaient été posées par rapport à la situation du mouvement syndical et a réitéré sa demande, à savoir quels sont les services publics essentiels en Colombie, car l'absence d'une définition dans la législation laisse au gouvernement le pouvoir discrétionnaire de déterminer ces services.
Un membre travailleur de l'Equateur a déclaré qu'il partageait les différentes opinions exprimées au sein de la commission concernant les rapports de la commission d'experts selon lesquelles certains progrès sur le plan juridique ont été enregistrés en Colombie. Cependant, il a remarqué que les membres travailleurs ont souligné, dans leurs interventions, la divergence existant entre ces dispositions et la pratique. Il s'est référé par la suite à l'intervention des fonctionnaires publics dans les réunions syndicales, lesquelles, selon le représentant gouvernemental, visent à garantir la démocratie des décisions adoptées. A son avis, il s'agit d'une violation flagrante de la convention. Il a déclaré qu'il considérait que le gouvernement aurait intérêt à supprimer cette participation dans les réunions syndicales, car ce fait peut donner lieu à penser qu'il y aurait un rapport avec les cas d'assassinat des dirigeants syndicaux. En effet, une relation de cause à effet peut être établie entre ces deux faits. Il a fait remarquer qu'actuellement les droits des travailleurs garantis dans les conventions de l'OIT semblent rétrocéder. Dans ce contexte, il a précisé que la liberté syndicale qui ne s'accompagne pas du droit de grève en tant que complément indispensable est une liberté syndicale inexistante.
Un membre travailleur du Chili a déclaré que les syndicalistes chiliens ont une grande expérience en matière de lois restrictives du mouvement syndical. Après avoir entendu les syndicalistes colombiens et ceux qui exercent le pouvoir politique dans ce pays, il a déclaré qu'il considérait que l'on était devant une réalité propre à l'Amérique latine. Les lois restrictives existant en Colombie existaient également au Chili et étaient caractéristiques de l'époque de la dictature. La Colombie est un pays qui s'efforce de perfectionner l'institution de la démocratie, mais cela ne peut se faire qu'avec les travailleurs. Les travailleurs libres non seulement font la grève, mais également construisent le pays avec les employeurs et les hommes politiques. Il a déclaré qu'il souhaitait que le représentant gouvernemental indique si les autorités ont réellement la volonté de respecter la convention. Il a exprimé l'espoir qu'en 1993 on ne parlera plus d'assassinat et qu'il n'y aura plus de représentant gouvernemental essayant de donner une explication. Il a déclaré qu'il espérait également que l'année prochaine les droits des travailleurs et les droits de l'homme soient mieux respectés afin que les travailleurs puissent remplir leur rôle dans le développement du pays.
Un membre travailleur de la Grèce a déclaré qu'il devait y avoir eu un malentendu, car personne n'avait confondu le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Celui-ci, dans tous les pays démocratiques, ne fait qu'interpréter et faire appliquer les lois. Ce qu'il est demandé au représentant gouvernemental, c'est de changer sa législation pour la mettre en conformité avec la convention. En outre, il a demandé au gouvernement si celui-ci comptait solliciter une aide technique au BIT à cette fin.
Le membre travailleur de l'Espagne, se référant à l'intervention du représentant gouvernemental, a indiqué que la différence essentielle entre ce qui se passe en Espagne et en Colombie réside dans le fait qu'en Espagne on sait qui commet les assassinats et les actes de terrorisme. L'Etat se charge de la répression de ces assassinats avec beaucoup de succès. Il a demandé au représentant gouvernemental d'indiquer: quand le contrôle de l'administration exercé sur le mouvement syndical par la présence d'un fonctionnaire lors des réunions syndicales disparaîtra et quand les confédérations se verront reconnaître le droit d'appeler à la grève.
Les membres travailleurs ont déclaré que les membres travailleurs colombiens avaient fourni des informations utiles sur les types de grèves qui étaient interdites, et considérées comme ayant eu lieu dans des "services essentiels" dans leur pays, notamment les grèves dans l'hôtellerie et dans l'industrie pétrolière. Ils ont observé qu'une telle interprétation des termes "services essentiels" ne constituait pas une application correcte des principes de la convention. Ils ont accepté qu'en général une distinction est admise entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire; selon cette distinction, le gouvernement établit les lois tandis que le pouvoir judiciaire les applique. Ils ont toutefois signalé que, si la loi était incorrecte, le gouvernement ne pourrait s'en remettre au pouvoir judiciaire et invoquer son indépendance pour justifier l'absence d'action. A leur avis, la loi est incorrecte et doit être changée. Le gouvernement s'est référé à des actes de terrorisme qui ont lieu en Espagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, et qui violaient le droit à la vie. Les membres travailleurs ont indiqué que, si des centaines de syndicalistes disparaissaient ou pire encore étaient assassinés toutes les années dans ces pays, il ne pouvait y avoir de doute sur le fait que ces événements intéressent la présente commission et font l'objet d'une importante discussion. Il existe des escadrons de la mort qui opèrent en Colombie et qui tuent des syndicalistes. Ce fait ne peut pas être ignoré. Ils ont déclaré qu'ils n'estimaient pas utile de rouvrir le débat sur la convention no 87 et le droit de grève. Ils ont noté qu'une résolution au sujet de cette question avait été soumise à la Commission des résolutions, mais qu'elle n'a pas reçu de première priorité. A leur avis, cela indique que les membres travailleurs et de nombreux membres gouvernementaux présents à cette Conférence ont estimé qu'un examen plus détaillé de ces points ne serait pas utile, et que certainement le travail de la présente commission risquerait de devenir chaotique au cours d'un examen qui pourrait durer plusieurs années. Les gouvernements qui ont strictement suivi les interprétations de la commission d'experts relatives au droit de grève pourraient se poser des questions sur la justesse des mesures qu'ils ont prises aux fins d'appliquer les principes de la convention si cette question devenait l'objet d'un long examen. L'opinion de la commission d'experts à ce sujet a été claire depuis des décennies et n'avait pas été mise en question sauf depuis les deux dernières années par les membres employeurs et par le gouvernement de la Colombie. Les membres travailleurs ont suggéré de demander au gouvernement s'il était prêt à accepter l'assistance technique du BIT. Bien qu'ils aient remarqué des signes positifs concernant des actions visant à mettre la législation nationale en conformité avec la convention, ils ont déclaré qu'ils souhaitent que les conclusions de la commission soient formulées d'une façon assez ferme de sorte qu'il soit établi que le gouvernement doit encore accomplir un long chemin pour mettre sa législation en conformité avec la convention.
Les membres employeurs ont déclaré que, malgré les divers problèmes auxquels est confrontée la Colombie, ce gouvernement s'est efforcé d'adopter des mesures positives en ce qui concerne la convention, ce qui a conduit la commission d'experts à considérer ce cas comme ayant enregistré des progrès. Se référant à la distinction entre la loi et l'interprétation de la loi, ils ont fait remarquer que, lorsque la loi n'est pas claire ou qu'elle contient des échappatoires, l'interprétation qui est faite de la loi devient indépendante au fur et à mesure qu'on s'efforce de clarifier le contenu des textes. Cela est également vrai de la convention no 87, au sujet de laquelle la commission d'experts a développé une jurisprudence. Cette jurisprudence est extrêmement favorable aux travailleurs. Cependant, selon eux, elle ne découle pas de la convention. Toutefois, quand la commission d'experts fait de longues déclarations sur le droit de grève et sur les restrictions à ce droit, cette commission doit les examiner.
La commission a pris dûment note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement. Elle a également pris note des progrès réalisés en conformité avec la convention et se considère dans l'obligation de rappeler qu'il demeure des points soulevés par la commission d'experts où la loi est en contradiction avec la convention. La commission a noté, cependant, que le gouvernement était en train de créer une commission tripartite pour préparer un projet de loi qu'il devrait soumettre au Parlement. Elle a également pris note de l'intention du gouvernement de demander l'assistance technique du BIT. La commission demeure préoccupée par la situation, pas seulement sur le plan juridique, existant dans le pays. Par conséquent, elle a instamment prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation en complète conformité avec la convention dans les meilleurs délais afin que la commission puisse l'examiner pleinement lors de sa prochaine session.
Un représentant du gouvernement de la Colombie, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a indiqué que les observation de la commission d'experts mettaient l'accent, s'agissant de la convention no 87, sur les changements apportés par la loi no 50, qui a permis d'améliorer la situation en ce qui concerne la personnalité juridique des syndicats. Il appartient désormais aux tribunaux du travail de résoudre les conflits qui pourraient surgir en la matière. L'Assemblée constituante a approuvé l'enregistrement d'un certain nombre de syndicats qui ont maintenant le droit de s'engager dans les négociation collectives et de conclure des conventions collectives. Ces syndicats représentent environ un tiers des travailleurs et il est désormais possible de former des syndicats mixtes.
Le représentant gouvernemental a relevé certaines inexactitudes dans le commentaire de la commission d'experts, qui indique que l'élection des dirigeants syndicaux doit être soumise à l'approbation des autorités administratives en violation de l'article 3 de la convention. A l'appui de cette affirmation, la commission d'experts mentionne des résolutions datant de 1952, 1972 et 1979. Or le texte de la résolution de 1958 ne fait aucune référence à l'approbation de l'élection des dirigeants responsables syndicaux: il ne s'agit que de communiquer les noms aux autorités. De même, selon la commission d'experts, l'article 380, paragraphe 3 nouveau, du Code du travail prévoirait la suspension pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association, des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat. Or il ne s'agit pas d'une mesure administrative, mais d'une faculté à la disposition du gouvernement en cas d'infraction aux normes, avec la possibilité de recourir aux tribunaux du travail. S'agissant de l'interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques, l'article mentionné du Code du travail a été abrogé en 1990. Les dirigeants syndicaux ont toujours été libres d'être actifs en matière politique - bon nombre d'entre eux sont membres du Congrès. S'agissant de la référence faite par la commission d'experts au nouvel article 450 du Code du travail tel qu'amendé en 1990 le représentant gouvernemental a indiqué que la suspension ou la dissolution de la personnalité juridique d'un syndicat, à la suite d'un arrêt de travail illégal, nécessite une décision préalable du tribunal du travail. Le nouvel article 450 du code du travail prévoit donc la suspension ou le retrait de la personnalité juridique, mais pas par voie administrative.
En ce qui concerne le droit de grève, le représentant gouvernemental a estimé que les procédures constitutionnnelles et le Règlement de la Conférence devraient permettre de discuter cette question de façon appropriée dans le cadre de l'OIT. Selon la commission d'experts, en Colombie, la grève n'est pas seulement interdite dans les services essentiels au sens strict, mais aussi dans toute une série de services publics qui n'ont pas nécessairement ce caractère "essentiel". Si la Constitution interdit la grève dans les services publics, c'est qu'en Colombie tous les services publics sont considérés comme "essentiels". Son gouvernement a proposé à l'Assemblée constituante des dispositions législatives qui selon lui seraient conformes à la convention no 87. Ces circonstances sont prévues dans la Constitution étant donné que quand les autorités appliquent des mesures qui sont de leur compétence, elles doivent tenir compte du fait que les grèves doivent être liées à des questions économiques d'intérêt direct pour les travailleurs. Il a été fait mention du pouvoir du ministre du Travail d'autoriser le licenciement de tous les travailleurs d'une entreprise dans certaines circonstances, notamment si une grève n'est pas résolue par l'arbitrage. La loi de la majorité doit aussi prévaloir dans le cas d'un syndicat. En outre, son gouvernement estime qu'il importe de maintenir les mesures législatives de 1968 qui prévoient certaines restrictions en cas de grève affectant l'économie nationale. Mais, même dans ce cas, un accord de la Chambre du travail de la Cour suprême est nécessaire.
S'agissant des commentaires de la commission d'experts sur l'interdiction de la grève associée à des sanctions administratives lorsque l'état de siège est décrété, le représentant gouvernemental a souligné que ce n'était que dans des circonstances très particulières que de telles sanctions pouvaient être décidées. La Colombie a connu de très graves difficultés du fait d'arrêts de travail - et non de grèves authentiques - qui restreignaient le droit de travailler de ceux qui ne voulaient pas participer à ces actions subversives visant, par exemple, à paralyser les transports ou à interrompre les communications. Dans ces cas particuliers, le gouvernement a pris les mesures que lui permet la Constitution, comme il y a été amené par les circonstances prévalant en Colombie qui sont bien connues.
En ce qui concerne les mesures prises contre les dirigeants syndicaux qui ont encouragé ces arrêts de travail illégaux, le représentant gouvernemental a déclaré que la loi interdit les arrêts de travail qui interviennent à des fins subversives. Or l'article 8 de la convention dispose que, dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité. Pour ces raisons, il s'est dit préoccupé des imprécisions contenues dans le rapport de la commission d'experts, qui montrent la nécessité d'une définition plus claire du droit de grève dans toutes ses implications.
S'agissant de la convention no 98, la loi no 50 de 1990 autorise la formation de syndicats mixtes regroupant des travailleurs des secteurs public et privé. Un grand effort de réforme du Code du travail, qui est vieux de quarante ans, a été engagé par le gouvernement, de façon à ce que la législation se rapproche de plus en plus des dispositions des conventions. L'Assemblée constituante travaille actuellement à donner de nouvelles compétences au Congrès dans ce domaine, et c'est dans ce nouveau contexte institutionnel et législatif que le gouvernement va procéder à toutes ces réformes.
Le membre travailleur du Royaume-Uni, tout en remerciant le représentant gouvernemental de sa déclaration très détaillée, a fait part de son désaccord avec la plupart de ce qu'il a dit. La commission d'experts a fort justement indiqué les points de droit nécessaires pour rendre la législation colombienne conforme aux conventions nos 87 et 98. Tout en prenant acte de certains progrès résultant de l'adoption de la loi no 50 de 1990, la présente commission et la commission d'experts se préoccupent aussi de la pratique. Et, comme on l'a vu l'année dernière, les faits sont dans ce cas particulièrement terrifiants: on peut faire la liste des dirigeants syndicaux connus assassinés, disparus, torturés, violés et, depuis l'année dernière, cette liste s'est encore allongée. Se limiter aux noms fournis par la Confédération internationale des syndicats libres et Amnesty International ou d'autres organisations de défense des droits de l'homme ne rendrait pas justice aux centaines de victimes dont les noms ne sont pas connus. Le gouvernement dira, comme l'année dernière, que cette violence contre les syndicalistes est le fait de trafiquants de drogue et de criminels. C'est en partie le cas, mais il existe des preuves concordantes que des membres des forces de sécurité ont toléré ou même directement participé à certains de ces crimes. L'attitude du gouvernement à l'égard des organisations syndicales, faite de restrictions au droit d'organisation et de détentions sans procès, participe d'une atmosphère où les criminels et les trafiquants de drogue peuvent avoir l'impression de pouvoir agir comme des agents du gouvernement. Ce sont les syndicalistes qui sont traités comme des criminels en Colombie, dès lors qu'ils cherchent à faire reconnaître leurs droits fondamentaux. Partout dans le monde, les syndicats cherchent à promouvoir leur cause pacifiquement. Si le gouvernement de la Colombie recherchait la coopération pacifique des syndicats plutôt que de les réprimer, il aurait peut-être plus de succès dans la lutte contre la criminalité régnant dans la société colombienne. On constate que les grandes forces militaires déployées contre les grèves sont mystérieusement absentes lorsque des violences sont perpétrées contre les membres des syndicats.
Les membres employeurs ont constaté que la commission d'experts avait enregistré un certain nombre de progrès dans la nouvelle législation par rapport aux conventions nos 87 et 98. S'agissant d'un cas qui fait l'objet de discussions depuis plusieurs années, on ne peut que se féliciter de tout changement positif. Mais il demeure une longue liste d'insuffisances persistantes. Des quatre points soulevés à propos de la convention no 87, les deux premiers concernent la création et le fonctionnement interne des organisations syndicales. Les dispositions visées sont manifestement contraires à la convention tout en étant superflues. Elles doivent être modifiées. Le représentant gouvernemental a fait état d'une amélioration sur un certain nombre de points mais il n'est pas évident que tous les aspects qui ont fait l'objet de l'observation de la commission d'experts aient été rectifiés, et il est nécessaire qu'un rapport mentionnant clairement les modifications apportées et envisagées soit fourni. En ce qui concerne les points 3 et 4, la situation est moins évidente. Il s'agit de la distinction, souvent difficile, entre syndicats et organisations politiques. Sans doute ne peut-on pas interdire des activités ou des réunions de caractère politique, mais il doit être possible de distinguer entre les organisations politiques et celles qui ne le sont pas. Et il est évident que les organisations à vocation réellement politique ne sont pas couvertes par la convention. Quant à la possibilité d'apporter des restrictions au droit de grève, les employeurs ont déjà indiqué en 1989 qu'ils ne partageaient pas le point de vue de la commission d'experts, selon lequel ces restrictions ne pourraient s'appliquer qu'aux services publics au sens strict du terme. Une limite à l'interdiction du droit de grève doit exister, sans toutefois être trop restrictive, et la situation en Colombie doit aussi être modifiée à cet égard.
Au sujet de la convention no 98, la commission d'experts a pris note avec satisfaction de l'augmentation des amendes sanctionnant les actes antisyndicaux. Les membres employeurs ont souligné, une fois de plus, qu'il n'y avait pas lieu de mentionner ainsi les montants, dans la mesure où les articles 1 et 2 de la convention prévoient une protection "adéquate", tandis que l'article 4 mentionne "des mesures appropriées aux conditions nationales". Un autre point concerne l'interdiction faite aux membres de la fonction publique de mener des négociations collectives, qui s'étend aux travailleurs des entreprises commerciales ou industrielles appartenant à l'Etat. Les membres employeurs et aussi les travailleurs ne devraient pas être privés du droit de négociation collective. Comme le représentant gouvernemental a indiqué que certaines restrictions ont été supprimées, il est nécessaire qu'un rapport détaillé soit soumis par écrit pour permettre l'examen de tous ces éléments.
Des divergences considérables demeurent, s'agissant notamment de la convention no 87, qui appellent des changements importants, et la présente commission doit insister pour qu'ils aient lieu rapidement, tant dans la législation que dans la pratique.
Un membre travailleur de la Colombie a remercié l'OIT ainsi que tous ceux qui ont exprimé leur préoccupation et leur tristesse quant au sort terrible des travailleurs colombiens. Se référant à la déclaration du représentant gouvernemental, il a rappelé que l'ensemble des organisations syndicales faisaient l'objet d'une ingérence indue de la part de l'Etat dans tous les aspects de leur fonctionnement. C'est une véritable guerre qui est ainsi engagée contre le mouvement syndical en Colombie, comme le reflète la législation la plus récente mentionnée par la commission d'experts dans son rapport. Le mouvement syndical demande depuis de nombreuses années une réforme démocratique du droit du travail, mais s'est toujours heurté à la résistance du gouvernement et des employeurs. Lorsque le gouvernement a déclaré qu'il allait procéder à des réformes en concertation avec les travailleurs et les employeurs, les syndicats ont cru que leur souhait allait être exaucé. Mais c'est un projet rétrograde qui est devenu la loi no 50 de 1990. Le gouvernement tente de faire croire à l'opinion publique mondiale que cette réforme est favorable aux travailleurs, alors qu'elle ne fait qu'adapter les lois aux exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Certes, on peut enregistrer une certaine amélioration par rapport à 1989 et 1990 mais, bien que les conventions nos 87 et 98 aient été introduites dans le droit colombien depuis 1976, et en dépit de toutes les lois adoptées depuis, leurs dispositions n'ont jamais été appliquées. Le représentant gouvernemental a prétendu que ce n'était par les grèves qui étaient interdites, mais seulement les arrêts de travail illégaux. Or, lorsque les quatre confédérations syndicales ont organisé le 14 novembre 1990 une grève visant exclusivement à défendre les intérêts des travailleurs, le gouvernement a répondu à cette action pacifique par des mesures telles que, entre autres, des peines d'emprisonnement de trois ans pour les instigateurs, la confiscation des avoirs syndicaux, la censure de la radio et de la télévision des syndicats. Les forces militaires ont été déployées dans un but d'intimidation et le gouvernement a orchestré une campagne de désinformation pour faire croire que la grève était un échec. En conclusion, l'orateur a estimé que le travail de la commission d'experts devait se poursuivre et suggéré qu'une mission de contacts directs se rende de nouveau sur place afin d'établir clairement comment s'appliquait dans les faits la loi no 50 de 1990.
Un autre membre travailleur de la Colombie, après avoir écouté les déclarations du représentant gouvernemental, a déclaré à la commission que la situation des travailleurs colombiens ne pouvait être pire. La nouvelle législation du travail n'est pas seulement en infraction avec les principes fondamentaux de l'OIT, mais elle peut être considérée comme visant à détruire le mouvement syndical de Colombie. Plutôt que de prévoir une "élimination" des obstacles à la formation de syndicats, la loi autorise l'emploi sur la base de contrats précaires afin de rendre impossible au travailleur l'adhésion au syndicat, en raison du caractère temporaire de son emploi. Ces travailleurs savent que, s'ils adhèrent à un syndicat, ils risquent de ne pas voir renouveler leur contrat. Du fait de l'institutionnalisation de l'emploi précaire - alors que la loi interdisait autérieurement les contrats de moins d'un an ", il est impossible en pratique d'appartenir à un syndicat et de conclure des conventions collectives. La nouvelle loi a aussi introduit des changements sur les conditions de déclenchement d'une grève. Il est très difficile de voter la grève car la décision doit désormais être prise par une assemblée au niveau de l'entreprise, à laquelle peuvent participer des travailleurs non syndiqués. Le gouvernement propage l'idée fallacieuse selon laquelle ce n'est pas la grève qui est interdite, mais uniquement les arrêts de travail. Mais la grève du 14 novembre 1990 visait précisément à protester contre l'introduction de la nouvelle loi sur laquelle les travailleurs n'avaient pas été consultés. Ils ont pu assister aux réunions de la commission discutant le projet de loi, mais sans droit de parole, alors que d'autres parties ont pu exprimer leur avis. L'arrêt de travail en question n'avait aucun caractère subversif et les confédérations ont publiquement appelé les groupes de la guérilla à n'intervenir d'aucune façon; or cet arrêt de travail a été déclaré illégal avant même de commencer. Une autre dégradation introduite par la loi nouvelle concerne l'âge minimum d'admission à l'emploi ramené de 14 à 12 ans, ce qu'il est difficile de qualifier de progrès. L'orateur a demandé l'envoi d'une mission en Colombie qui se rendra compte de la situation réelle. Enfin, il s'est référé à un rapport du Comité de la liberté syndicale demandant aux autorités de prendre des mesures pour assurer la réintégration d'un groupe de travailleurs licenciés de façon injustifiée dans le secteur textile. Le gouvernement n'a, à ce jour, fourni aucune information à ce sujet, ce qui montre la différence entre ce que dit le gouvernement pour l'opinion publique et ce qu'il fait en réalité dans son pays.
Un autre membre travailleur de la Colombie a souligné que les travailleurs colombiens ont connu une des décennies les plus difficiles de leur histoire. Le représentant gouvernemental n'a pas rendu compte de la réalité ni de la politique d'ajustement structurel qui n'est pas, en fait, décidée en Colombie mais à Washington par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Il s'agit d'un néo-libéralisme imposé par une politique cruelle de soi-disant développement qui n'hésite pas à détruire la base démocratique du mouvement syndical pour imposer son nouvel ordre économique en Amérique latine. Ce n'est pas par hasard que les dirigeants actuels en Amérique latine ont reçu des instructions sur le nouvel ordre économique qui se met en place au détriment de la justice sociale. En Colombie, cette politique frappe cruellement les secteurs les plus pauvres et les plus défavorisés de la population. La nouvelle loi ne fait que se plier à ces exigences et l'avenir en conséquence est plutôt sombre. L'orateur a souligné qu'il fallait poursuivre les efforts de lutte contre la répression des intérêts des travailleurs colombiens, car ce sont aussi les intérêts des travailleurs d'Amérique latine, du tiers monde et du monde en général.
Le représentant gouvernemental de la Colombie, revenant sur les interventions des membres des confédérations syndicales colombiennes, a appuyé leur proposition pour qu'une mission de l'OIT se rende rapidement en Colombie pour étudier sur place les différentes questions soulevées ici. Son gouvernement pourra ainsi aider l'OIT à mieux connaître la situation du pays. Se référant à la déclaration des membres travailleurs le représentant gouvernemental s'est élevé énergiquement contre l'assertion selon laquelle des terroristes et des trafiquants de drogue agiraient comme des agents virtuels du gouvernement. Leurs actes sont condamnables et aucun n'est attribuable, de quelque façon que ce soit, au gouvernement. Dans le cadre du mandat qui lui a été confié par le peuple, le gouvernement a tout fait pour combattre ces actes subversifs. Par ailleurs, le représentant gouvernemental a rejeté l'insinuation selon laquelle une puissance étrangère pourrait s'immiscer dans les affaires intérieures du pays. Des interventions ont eu lieu dans le passé en Amérique latine. Elles sont aujourd'hui oubliées et les relations avec les Etat-Unis sont excellentes. S'agissant de la longue liste des syndicalistes victimes d'attentats, si le représentant gouvernemental n'en a pas parlé, c'est parce que le rapport de la commission d'experts n'en traitait pas. Il n'y a pas que les syndicalistes qui sont victimes d'attentats mais aussi des candidats à l'élection présidentielle, des magistrats, des policiers, des soldats, des chefs d'entreprise, des entrepreneurs, des citoyens. Tous les Colombiens sont affectés par cette situation douloureuse et les syndicalistes savent mieux que personne qu'il est nécessaire de mettre fin à ces attaques subversives. Se référant aux commentaires des membres employeurs, le représentant gouvernemental a déclaré qu'il en avait pris bonne note et que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Afin de clarifier les choses, il a répété que la nouvelle loi avait aboli la suppression de la personnalité juridique des syndicats par l'autorité administrative: tout ce qui concerne le retrait ou la suspension de la personnalité juridique est désormais de la compétence des tribunaux. En outre, il a répété que l'article 450 de la nouvelle loi avait été cité de manière erronée. Enfin, il a renouvelé ses voeux que l'OIT se livre à une étude attentive de tous les aspects du droit de grève, et répété qu'une mission devrait visiter le pays pour constater les progrès accomplis, des progrès qui ont, dans une certaine mesure, été reconnus par les dirigeants syndicaux qui se sont antérieurement exprimés.
Les membres travailleurs ont estimé que deux éléments sont nécessaires pour améliorer la situation: une législation pleinement conforme aux principes et aux obligations des conventions, et une application pratique de ces principes et obligations. Sur le premier point, le rapport de la commision est clair: s'il enregistre certains progrès avec satisfaction, il rappelle qu'une série de questions fondamentales n'ont pas été réglées. Quant à l'application pratique, la commission a entendu les interventions des membres travailleurs. Par ailleurs, le Comité de la liberté syndicale est saisi de plusieurs plaintes, qui demandent au gouvernement de prendre des mesures pour mettre fin à la violence contre les syndicalistes et à renforcer la protection des travailleurs et des dirigeants syndicaux contre les actes de discrimination antisyndicale. Sur tous ces points, la déclaration du représentant gouvernemental est regrettable, quant à la forme, et préoccupante quant au contenu. Il est regrettable qu'alors que ce cas fait l'objet d'un paragraphe spécial depuis deux années consécutives, aucune réponse écrite n'ait été apportée, mais seulement un déclaration orale qu'on ne peut examiner en profondeur. Il est préoccupant que le gouvernement, qui connaît bien le point de vue de la commission d'experts et de la présente commission, se borne à donner des assurances sur le fait qu'un jour on parviendra à une meilleure situation. La présente commission doit insister pour que le gouvernement prenne des mesures non seulement pour répondre aux questions soulevées, mais aussi pour changer la législation et la rendre conforme aux conventions. Les membres travailleurs souhaitent poursuivre le dialogue mais il faut maintenir la pression. Ils avaient tout d'abord envisagé de proposer que ce cas soit mentionné dans le rapport de la présente commission comme un cas de défaut continu d'application et de reprendre ce cas pour la troisième fois dans un paragraphe spécial. Mais, au vu des progrès notés par les experts, ils peuvent y renoncer, dans la mesure où le gouvernement a demandé une mission de contacts directs et à la condition que cette mission ait lieu rapidement.
Les membres employeurs ont retenu de la discussion que la situation en Colombie était inquiétante et dépassait largement le cadre des conventions considérées. En ce qui concerne celles-ci, un changement est clairement nécessaire et toutes les mesures doivent être prises dans ce sens. Concernant la proposition d'une mission de contacts directs, il faut rappeler qu'une telle mission a déjà eu lieu en 1988. Ce n'est pas toujours le moyen de régler les problèmes, mais il faut présumer la bonne volonté. L'an dernier, les conclusions de la présente commission enregistraient la demande du gouvernement d'une assistance technique de l'OIT. Cela peut être répété, mais il faut que cette mission ait lieu dès que possible et qu'elle obtienne des résultats.
Le membre employeur de l'Algérie a fait part de sa vive préoccupation concernant la détérioration de la situation en Colombie en ce qui concerne les normes les plus fondamentales de l'OIT, à savoir les conventions nos 87, 98 et toutes celles liées à la non-discrimination. Le cas discuté n'est pas nouveau pour la présente commission, et il faut souligner que les organisations de travailleurs et d'employeurs doivent pouvoir jouir des droits démocratiques découlant des conventions nos 87 et 98. L'orateur a observé dans son propre pays qu'il était aisé, pour le pouvoir, de qualifier de "subversive" la lutte pour les droits démocratiques. Ainsi que l'ont exprimé les membres travailleurs, c'est une obligation morale de maintenir la pression à son plus haut niveau, quels que soient les progrès enregistrés. La mission de contacts directs doit avoir lieu et il faut souhaiter que l'on n'ait plus à revenir sur ce cas dans les années à venir. La situation est très sérieuse, et chacun est tenu de prendre les responsabilités qu'il a acceptées au titre de la Constitution de l'OIT.
La commission a noté les informations fournies par le gouvernement ainsi que le débat qui a eu lieu en son sein et les soumet à l'attention de la commission d'experts. Elle a pris note de la demande qui a été adressée au BIT de l'envoi d'une mission de contacts directs. La commission a noté avec intérêt certaines améliorations législatives intervenues dans l'application des conventions nos 87 et 98 depuis l'année dernière. Cependant, compte tenu de la profonde préoccupation qu'elle exprime depuis plusieurs années à l'égard des nombreuses et graves insuffisances qui subsistent dans la loi et dans la pratique en ce qui concerne l'application des conventions, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de communiquer aux organes de contrôle de l'Organisation internationale du Travail, aussi rapidement que possible, des informations précises sur les mesures prises ou envisagées pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les exigences de ces conventions. Eut égard à la gravité de la situation syndicale confirmée par le Comité de la liberté syndicale lors de l'examen des cas en instance, la commission insiste pour que le gouvernement puisse faire état de progrès réels et substantiels dans son prochain rapport.
Un représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement, pour s'acquitter de ses obligations envers l'OIT, a entrepris une réforme en profondeur de la législation du travail, étant donné que le Code du travail en vigueur dans son pays date de 1948; à cet effet, son gouvernement devra prendre un grand nombre de décisions importantes. Il a rappelé qu'un travail qui avait été confié à des spécialistes en vue de proposer une série de réformes aux institutions du travail aussi bien dans le domaine du droit individuel que du droit collectif du Code du travail, a été achevé. En ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts, il a indiqué que l'année passée le gouvernement a opéré une réforme de la structure du ministère du Travail avec l'appui du personnel du ministère concerné, des experts colombiens ainsi que de l'OIT par l'intermédiaire du PREALC. En particulier il a été prévu une réorganisation du Bureau d'enregistrement des syndicats, étant donné qu'un grand nombre de plaintes avaient été enregistrées; cela est repris dans le rapport de la commission d'experts concernant l'enregistrement et l'autorisation des syndicats. Les chiffres mentionnés dans le rapport de la commission d'experts ne sont déjà plus à jour, puisque récemment plus de 200 organisations syndicales supplémentaires ont été autorisées. Le problème de fond a trait à la question de la personnalité juridique des syndicats. Il a relevé que plus de 6000 organisations syndicales ont vu leur personnalité juridique reconnue. Cependant, selon le dernier recensement, plus de 4000 de ces organisations demeurent inactives. Par ailleurs, pour ce qui a trait à la personnalité juridique, il indique que celle-ci ne peut faire l'objet de suspension qu'en fonction d'une procédure clairement établie. En ce qui concerne le droit à négocier collectivement il s'est référé au grand nombre de conventions collectives conclues au cours des dernières années et à la réduction du nombre de grèves, ce qui démontre que la liberté de négocier collectivement entre les parties avec la coordination et la participation du ministère du Travail en cas de nécessité existe. Il a indiqué à nouveau qu'une fois mise en place la nouvelle structure du ministère du Travail, l'ancien Service d'homologation des syndicats sera remplacé, ce qui permettra de donner effet aux lois nos 26 et 27 conformément aux dispositions de cette convention et d'autres conventions ratifiées.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a rappelé qu'à l'issue de la longue discussion concernant l'application par la Colombie de cette convention l'an dernier, la présente commission a mentionné ce cas dans un paragraphe spécial. Il a rappelé que la présente commission avait examiné les questions techniques soulevées par la commission d'experts et discuté de manière approfondie avec le représentant gouvernemental des cas examinés par le Comité de la liberté syndicale concernant la Colombie. Dans ses conclusions, la présente commission avait demandé au gouvernement de "prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les exigences de la convention, notamment en s'efforçant de rétablir un climat propice au rétablissement des libertés civiles et donc, par là même, des libertés syndicales, et de garantir l'intégrité physique des syndicalistes". La commission avait conclu en exprimant l'espoir que le gouvernement pourra faire état dans son prochain rapport de progrès substantiels en la matière. L'orateur a exprimé sa déception devant le fait que le gouvernement ne semble pas s'être occupé de ce point particulier. Rien de ce qui a été dit n'amène à penser qu'il y ait eu un quelconque changement quant à la protection des syndicalistes en Colombie. L'année dernière, il s'est référé à des informations d'Amnesty International concernant les syndicalistes. A cet égard l'orateur a fourni des informations à jour relatives aux menaces de mort et aux assassinats de syndicalistes. Le représentant gouvernemental a donné à la commission des statistiques au sujet de la réduction du nombre de grèves pour les dernières années. Même si des statistiques sur les grèves sont intéressantes, l'orateur aurait été plus intéressé de connaître le nombre de syndicalistes tués ou disparus au cours des cinq dernières années, afin de voir s'il y a eu une réduction substantielle à cet égard. Apparemment, tel n'a pas été le cas. Des dirigeants syndicaux, des juristes du droit du travail, des conseillers juridiques des syndicats ont reçu des menaces de mort par des escadrons paramilitaires. Beaucoup de ceux qui ont à bon droit persisté dans leurs activités syndicales légitimes ont été tués ou ont disparu apparemment après détention par les forces de sécurité ou par des civils travaillant en collaboration avec ces forces sous le couvert des escadrons de la mort. A de nombreuses occasions, des officiers supérieurs des forces armées et certaines autorités civiles ont affirmé publiquement que le mouvement syndical a été infiltré par des mouvements subversifs de gauche; telle est l'excuse qu'ils utilisent. Ils ont accusé des dirigeants syndicaux et des activistes de liens directs avec les mouvements de guérilla. Ces accusations non prouvées ont eu pour résultat, dans plusieurs cas connus de l'orateur, des assassinats par des escadrons paramilitaires de la mort composés de personnes identifiées avec les forces de sécurité. La région de production des bananes a été particulièrement touchée par une campagne systématique d'intimidation des syndicalistes comportant des arrestations arbitraires, des disparitions et des assassinats politiques. Ici encore des forces paramilitaires agissant sur ordre ou avec la complicité des forces armées régulières ou même des tueurs engagés par les propriétaires locaux ont opéré des massacres dans la région de manière répétée. Selon les preuves disponibles, l'armée et la police apparaissent comme directement responsables pour certaines des exécutions extrajudiciaires. Le gouvernement a affirmé son attachement à la sauvegarde des droits de l'homme. Si de telles déclarations sont les bienvenues, ce sont des actes qui sont nécessaires. Toutes mesures visant à protéger les droits fondamentaux de l'homme sont les bienvenues mais du point de vue des travailleurs, qui est sans doute celui de la commission, des mesures immédiates et effectives sont requises pour arrêter les violations des droits de l'homme. Il a prié instamment les autorités colombiennes de faire des enquêtes approfondies et impartiales et d'assurer que les responsables des violations des droits de l'homme soient cités en justice. Dans la plupart des cas, les autorités civiles et judiciaires ont engagé les procédures requises par la loi à la suite de rapports concernant les exécutions extrajudiciaires et des disparitions. Mais ces enquêtes n'ont abouti qu'exceptionnellement à des poursuites et des condamnations. En dépit des efforts du procureur général et des autorités judiciaires civiles pour identifier les responsables des violations des droits de l'homme et des exécutions extrajudiciaires des syndicalistes, les tortures et disparitions continuent avec une quasi-impunité. Dans la majorité des cas dans lesquels les enquêtes ont permis d'identifier des membres des forces armées impliqués dans des abus motivés par des considérations politiques, les cas ont été transmis aux tribunaux militaires. Ces tribunaux n'ont pas fait de procès impartiaux et n'ont pas tenu la police pour responsable des crimes violents contre des syndicalistes. Le défaut continu des autorités judiciaires de poursuivre et de condamner les membres des forces armées responsables de ces exécutions extrajudiciaires, de ces tortures et disparitions de syndicalistes a considérablement miné la confiance quant à la capacité du gouvernement de s'attaquer à la crise sérieuse qui existe maintenant en Colombie en ce qui concerne les droits de l'homme et la liberté syndicale. L'orateur a exprimé l'espoir que les commentaires formulés au cours de ces débats seront portés à l'attention de la commission d'experts; il a espéré de même que les représentants gouvernementaux de la Colombie attireront l'attention du nouveau Président et du nouveau parlement, qui entrera en fonctions en juillet 1990, sur tout ce qui a été dit au cours de ces débats afin de leur donner la possibilité de trouver une solution à ces problèmes que les gouvernements précédents n'ont pas su résoudre.
Un membre travailleur de la Colombie a indiqué que les explications et informations fournies par le représentant gouvernemental ne sont pas acceptables. Il a souligné que les violations de cette convention sont toujours de plus en plus flagrantes dans son pays. Il a indiqué qu'il n'est pas certain que le droit d'organisation soit respecté, étant donné qu'un grand nombre d'organisations syndicales disparaissent avant même d'avoir été constituées. Il a été observé que, sauf cas exceptionnel, les organisations de travailleurs doivent se créer dans la clandestinité de façon à éviter que les travailleurs désirant les constituer ne soient licenciés rapidement. Ensuite, il faut faire face aux chemins tortueux de la reconnaissance juridique de l'organisation syndicale bien que souvent, lorsque cette reconnaissance juridique est acquise, le syndicat n'existe plus déjà du fait que nombre de ses membres auront déjà été licenciés. Se référant aux chiffres mentionnés par le représentant gouvernemental, il a estimé nécessaire de les compléter en expliquant les raisons pour lesquelles des syndicats ont cessé de fonctionner et pourquoi nombre de personnes morales ne comptent plus de membres. En octobre 1988, suite au déclenchement d'une grève nationale exercée conformément aux dispositions des conventions collectives, le gouvernement a adopté immédiatement une série de décrets préjudiciables au mouvement syndical, du fait de son contenu intimidatoire avec menace d'emprisonnement et de licenciement pour les grévistes. Ce genre de mesures coercitives se comprend très mal en présence d'un Etat se déclarant Etat de droit et démocratique. L'orateur a indiqué qu'il est important de souligner le problème de la violence physique exercée par les terroristes des narco-trafiquants, les groupes militaires ou paramilitaires qui tuent aveuglément ou provenant des groupes de guérillas; ce n'est peut-être pas encore là la violence la plus grande dont souffrent les travailleurs. Il y en a une autre beaucoup plus grave, en l'occurrence la violence exercée contre les enfants et les personnes âgées abandonnées à leur sort dans les rues, la violence de la faim sévissant dans les familles colombiennes, la violence du chômage, la violence exprimée par des milliers d'enfants mourant de faim ou de maladie, la violence générée dans la marginalisation sociale et le niveau terrible de pauvreté. Ensuite, si la violence physique est très souvent invoquée, c'est pour masquer le problème de fond: celui de la décomposition sociale caractérisant la réalité du pays. Le gouvernement doit s'engager à garantir le respect de la convention.
Un membre travailleur de l'Espagne a relevé que le problème de fond ne consiste pas, comme l'a déclaré le représentant gouvernemental de la Colombie, à accélérer les procédures administratives pour l'enregistrement des syndicats mais il s'agit du droit des organisations syndicales à se constituer librement, d'adopter leurs statuts, d'élire les dirigeants de leur choix, sans autorisation ou contrôle administratif, et sans la présence des représentants gouvernementaux, et en tout état de cause qu'une autorité judiciaire et non administrative soit compétente lorsqu'il est question de la reconnaissance de la personnalité juridique. Il a espéré que le représentant gouvernemental pourra faire la distinction entre autorités administrative et judiciaire. Néanmoins, il a supposé que la présente commission sera d'accord sur le fait que les assassinats de dirigeants syndicaux constituent la pire atteinte à la liberté syndicale. Ainsi, il s'est référé au rapport d'Amnesty International d'avril 1990 dans lequel il est mentionné que, depuis 1986, date de la création de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), plus de 300 de ses membres ont été assassinés pour des raisons politiques. Ce même rapport confirme qu'un grand dirigeant syndical, M. Sebastian Mosquera, a été assassiné le 9 septembre 1989 alors qu'il voyageait dans la région d'Uraba. Toujours dans ce même rapport, on note l'assassinat, le 26 février 1990, de quatre autres personnes Sylvia Margarita Duzán, Josué Vargas, Miguel Barajas et Saúl Castaneda à proximité de Cimitarra, dans le département de Santader. Il a mentionné également le cas de l'assassinat, cette année, de deux des candidats à la présidence de la République. Il a rappelé que, peu de temps auparavant, il a eu l'occasion de recevoir le secrétaire général de la CUT, M. Garzón, qui a dû quitter son pays pour éviter d'être assassiné à la suite d'un complot découvert à temps par Amnesty International. Il a rappelé que cette dernière a tiré la conclusion que la violation des droits de l'homme qui se pratique à grande échelle en Colombie était non seulement tolérée par les forces armées, mais également le résultat d'une politique délibérée d'assassinats politiques. Pour toutes les raisons précitées, il a estimé que le cas de la Colombie devrais être mentionné dans un paragraphe spécial, si ce n'est comme cas de manquement grave et continu.
Un membre travailleur de Colombie a déclaré que ce cas est dramatique. Elle a rappelé que la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), dont elle est la secrétaire générale, a perdu 381 camarades, qui ont été assassinés durant les trois ans d'existence de cette centrale. Elle a rappelé qu'en 1990, de janvier à mai, plus de 40 assassinats ont été commis et que durant la semaine où la Conférence a débuté elle n'a pu partir de son pays, puisque sept travailleurs avaient été assassinés: deux de la région bananière, un travailleur du secteur pétrolier, deux professeurs d'université et deux de l'enseignement secondaire, tous membres de syndicats affiliés à sa centrale. Autrement dit, son camarade, le président de la centrale, et elle-même font partie des survivants. La CUT a payé un lourd tribu en vies humaines; dernièrement, le secrétaire général de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC), Victor Almanza, a été assassiné dans la ville de Pereyra. L'oratrice a estimé nécessaire d'expliquer à la communauté internationale que, depuis 40 ans, à l'exception de brèves intermèdes, son pays vit en état de siège. Par conséquent, lorsque les travailleurs font une grève nationale, le gouvernement y voit un problème d'ordre public et non un différend du travail, ce qui signifie que l'armée peut entrer dans les usines, dans les entreprises et dans tout autre lieu. Elle a souligné l'importance des commentaires contenus dans le rapport de la commission d'experts et a indiqué que la Colombie est en voie d'abolir en fait le droit de grève. Elle a signalé, par exemple, le cas de la plus grande mine de charbon de la Colombie, "Cerrejon", où les travailleurs ont déclenché une grève il y a un mois, à la suite de quoi le gouvernement a promulgué un décret administratif interdisant la grève des travailleurs, en invoquant le fait que cela touchait gravement l'économie nationale. On pourrait citer d'autres cas: parfois, il ne s'agit même pas de grèves mais plutôt de manifestations de travailleurs que le gouvernement a déclarées illégales. De ce qui précède, on peut conclure que le gouvernement finira par abolir le droit de grève. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle il y a eu des améliorations dans la législation du travail, l'oratrice s'est demandé si cela comprenait le droit d'élire librement des dirigeants syndicaux, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord du ministère; la possibilité pour les syndicats d'élaborer eux-mêmes librement leurs statuts, et l'existence des syndicats sans qu'ils soient tenus d'obtenir leur reconnaissance des autorités administratives. L'oratrice a mentionné à cet égard le syndicat du secteur bancaire, qui s'est pratiquement vu retirer la personnalité juridique par décision du Conseil du gouvernement. Elle a également fait référence à l'interdiction faite aux syndicalistes, notamment ceux du secteur public, de se livrer à des activités politiques; elle a indiqué qu'il existe des dizaines de procédures disciplinaires, rappelant en particulier le cas des enseignants qui peuvent être licenciés s'ils font acte de candidature aux conseils et corporations publics du pays. Ceci est un déni de l'exercice des droits politiques aux syndicalistes. L'oratrice a demandé à l'OIT d'envoyer une mission dans son pays, comme elle l'a fait en 1988, afin de contribuer à mettre un frein au bain de sang dont est victime le pays, et de permettre à quelques syndicalistes de se présenter devant le forum de l'OIT, car le risque existe que les dirigeants syndicaux colombiens ne puissent pas rester en vie. Elle a souligné qu'elle lançait un cri d'alarme, non seulement aux autres syndicats, mais également aux gouvernements et aux employeurs, afin que tous ensemble contribuent à faire cesser la violence dans son pays, et pour que les activités criminelles ne restent pas impunies dans le pays, où les actes criminels ne font pas l'objet de poursuites et où les groupes paramilitaires ont été créés aux termes d'une résolution du gouvernement national. Elle a rappelé, en ce qui concerne ce dernier point, que ladite résolution a été abrogée l'année dernière, même si en réalité ces groupes paramilitaires continuent à sévir dans tout le pays. Elle a répété que, pour toutes ces raisons, l'OIT devait absolument intervenir et elle a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle arrête la campagne féroce, de caractère politique, dirigée contre les syndicats, et que soient respectées la vie et l'intégrité des dirigeants syndicaux.
Un autre membre travailleur de Colombie a exprimé sa reconnaissance pour l'attention portée au cas de son pays, ce qui montre l'intérêt de la communauté internationale pour le sort d'un pays qui lutte pour se maintenir dans le cercle des pays civilisés. Il a rappelé que nombreux sont ceux, présents dans cette commission, qui ont approuvé l'année passée un paragraphe spécial sur le cas de la Colombie et il a demandé que cette année encore le cas de la Colombie soit repris dans un paragraphe spécial car il n'y a pas de raison de faire autrement. S'il est important de se référer au droit d'association et au droit de grève, il est également important de faire référence au droit à la vie sans lequel les autres droits n'ont pas de raison d'être. Il a rappelé à cet égard que depuis la dernière session de la Conférence, 91 syndicalistes ont été assassinés, ce qui montre que la situation dans son pays a empiré, que les enquêtes n'ont pas débouché sur la détention des responsables ni sur l'application des sanctions prévues par la délégation nationale. L'orateur indique qu'il ne fait pas de doutes que rien n'a été fait pour mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention. A cet égard, il a rappelé le cas de mines de "Cerrejon", précisant que ces mines à ciel ouvert sont les plus grandes du monde. Ces mines appartiennent à l'entreprise multinationale Eon, qui exploite le pétrole et le charbon, qui compte 102000 travailleurs. Elle travaille dans plus de 80 pays et ses bénéfices se sont montés en 1988 à plus de cinq millions de dollars. Les travailleurs de cette entreprise en Colombie ont fait la grève pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le gouvernement a argumenté que cette grève affecte l'économie du pays pour ordonner qu'il y soit mis fin. L'orateur rappelle que dans un pays en voie de développement, une grève affecte effectivement l'économie du pays, car si tel n'était pas le cas, le droit de grève n'existerait pas. La commission d'expert s'est référée aux limitations existantes à l'exercice du droit de grève car le ministre peut ordonner l'arrêt de la grève après 40 jours et imposer l'arbitrage d'un tribunal, ce qui est manifestement contraire à la convention. L'orateur a déclaré qu'étant donné la lutte que livre le peuple de Colombie contre les narco-trafiquants, il mérite l'appui de l'OIT et s'il est certain que le cas doit être mentionné dans un paragraphe spécial, il faut également apporter l'aide nécessaire.
Un membre travailleur d'Espagne a déclaré, qu'outre les mesures que le gouvernement doit adopter pour modifier la législation et la rendre conforme aux dispositions de la convention, il importe de demander au représentant gouvernemental si son gouvernement est disposé à détenir ou emprisonner les membres des escadrons de la mort liés aux forces armées et qui émargent sur les feuilles de salaires de ces forces. L'orateur aimerait également savoir si les fonctionnaires du ministère de l'Intérieur continuent à accuser les syndicalistes de faire partie des forces subversives ou de la guérilla sans qu'il y ait de preuve, ce qui vient à instituer une véritable "chronique d'une mort annoncée".
Un membre travailleur du Pakistan a fait observer que les violations des droits des travailleurs en Colombie, leur insécurité et les assassinats préoccupent l'ensemble de la classe ouvrière dans le monde, de même que toutes les personnes qui se préoccupent du bien-être des travailleurs. Il a apporté son appui aux travailleurs de Colombie dans l'espoir que ces conditions prendront fin et que le gouvernement adopte des mesures pour protéger la vie et l'intégrité des travailleurs. La commission d'experts a indiqué depuis un certain temps que la législation en vigueur dans le pays nie les principes fondamentaux et constitue une ingérence dans le fonctionnement des syndicats. La législation devrait être mise en conformité avec la convention. Les syndicats contribuent à l'amélioration des conditions de vie et devraient pouvoir fonctionner librement.
Un membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a déclaré que la situation en Colombie constitue un grave sujet de préoccupation pour un grand nombre de personnes, y compris les syndicalistes de son pays. Les syndicalistes colombiens sont victimes de menaces et de persécutions, ce qui ne peut que susciter la compassion. Les rapports d'Amnesty International, de la Confédération internationale des syndicats libres et du Comité de la liberté syndicale font état de graves violations des droits syndicaux et des droits de l'homme. La situation dramatique en Colombie a ceci de particulier qu'il ne s'agit pas seulement de violations des normes internationales du travail, mais aussi de menaces pour la vie humaine, qui viennent s'ajouter aux problèmes relatifs au droit de grève et au droit d'élire librement les représentants syndicaux. Les organisations syndicales doivent s'enregistrer et informer les autorités de leur situation financière; de plus elles n'ont aucune protection contre la terreur que les bandes armées font régner impunément. La situation en Colombie ne peut être dissociée de la question plus générale de la violence: on ne saurait donc se contenter d'examiner les problèmes syndicaux isolément. La présente commission doit en appeler au gouvernement pour qu'il combatte la terreur imposée par les bandes armées et les réseaux internationaux de narco-trafiquants. Cette tâche concerne tous les pays et constitue un problème urgent face auquel le gouvernement colombien devrait se montrer plus ouvert à une coopération sur le plan international. La présente convention ne peut être appliquée dans un contexte où la loi martiale a préséance sur les droits humains fondamentaux, et notamment sur la liberté syndicale. De nombreux problèmes persistent dans la région d'Uraba, centre de l'industrie bananière, où les travailleurs d'environ 160 plantations sur 260 sont syndiqués, et où de nombreux syndicats ont été victimes de la terreur paramilitaire. En 1988, cette région a été décrétée zone militaire aux termes de la loi no 678 mais, en dépit des contrôles très stricts exercés par les milliers de soldats qui y sont stationnés, les bandes paramilitaires y opèrent toujours impunément. Dans plusieurs cas, des accusations portées par les forces de sécurité de l'Etat ont été suivies peu après du meurtre de syndicalistes par les escadrons de la mort. La présente commission aurait voulu exprimer l'espoir que l'attitude du gouvernement serait différente, étant donné qu'un nouveau Président vient de prendre ses fonctions, mais les déclarations qu'ont faites jusqu'à présent les représentants gouvernementaux ne donnent pas lieu de penser que le gouvernement colombien pourra assurer à l'avenir la protection des syndicats. C'est seulement quand auront cessé les attentats à la bombe contre les locaux syndicaux, la répression des réunions et manifestations syndicales et les meurtres qu'il sera possible de conclure que le gouvernement est réellement déterminé à agir, comme il en a donné l'assurance. Les mesures attendues du gouvernement ont déjà été mentionnées dans le rapport de la commission d'experts: reconnaissance et protection de syndicats capables de protéger efficacement les intérêts des travailleurs, libres de gérer leurs finances et de désigner leurs responsables, et de déclencher des grèves sans être soumis à l'arbitrage obligatoire. La discussion a montré que ceci est un cas très grave qui appelle un paragraphe spécial, tel que prévu dans les procédures de la présente commission. Les membres travailleurs du Brésil, du Venezuela, de l'Uruguay et du Suriname ont exprimé leur solidarité à l'égard des travailleurs de la Colombie et ils ont appuyé la mention de ce cas dans un paragraphe spécial.
Le membre travailleur du Chili a rappelé que son pays avait enduré pendant 16 ans une situation similaire à celle relatée dans le cas de la Colombie; mais son pays vivait alors sous une dictature. Il a rappelé que plus de 100 syndicalistes, membres de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ont été assassinés. Il s'est demandé si la diminution des grèves en Colombie, mentionnée par le représentant gouvernemental, n'est pas essentiellement due à la terreur qui sévit dans le pays. Il a estimé que la liberté syndicale doit également permettre le recours à la grève et à la négociation collective. Il a appuyé la mention du cas dans un paragraphe spécial.
Les membres employeurs ont rappelé que la commissions d'experts avait déclaré l'année dernière qu'il s'agissait d'un cas de violence alarmant. Cela reste vrai aujourd'hui. De toute évidence, la situation a très peu évolué et ce sont les questions de faits qui constituent le principal sujet de préoccupation. De nombreux changements auraient dû être apportés mais il est manifestement très difficile de reprendre le contrôle de la situation. Les membres employeurs ont rappelé quelques étapes dans les longues discussions entourant ce cas: la mission de contacts directs en 1988, les débats devant la présente commission et l'adoption d'un paragraphe spécial en 1989. Le membre travailleur du Royaume-Uni a bien résumé la situation en déclarant qu'il n'existait pas suffisamment de dispositions pour protéger les syndicats. On pourrait presque l'exprimer par une formule inverse: il existe à certains égards de trop nombreuses dispositions, qui constituent cependant des mesures d'ingérence; la législation comporte des prescriptions très détaillées sur l'établissement et le fonctionnement des syndicats, le nombre de leurs membres qui doivent être colombiens, leurs statuts, leurs finances, leurs réunions et l'élection de leurs dirigeants. Il s'agit là d'un vaste domaine où le gouvernement pourrait adopter les modifications nécessaires sans la moindre entrave due au trafic de la drogue ou à l'état d'urgence. Malheureusement, le représentant gouvernemental n'a fait aucune déclaration concrète à ce sujet. Le rapport de la commission d'experts contient de nombreux commentaires sur les restrictions au droit de grève; en ce qui concerne la définition des limitations admissibles du droit de grève dans le cadre de la présente convention, les membres employeurs diffèrent d'avis sur certains points qu'ils considèrent comme non fondés, invoquant pour leur part les règles d'interprétation de la Convention de Vienne sur les traités. Hormis cette réserve, ils appuient totalement les interventions des orateurs précédents. S'agissant de la reconnaissance des nouvelles organisations syndicales, les syndicats et le gouvernement ont fait des déclarations contradictoires, et ce dernier devrait envoyer un rapport détaillé sur ce sujet à la commission d'experts. Le gouvernement a élaboré un projet de loi concernant l'interdiction d'ingérence dans les questions politiques; ce projet devrait aussi être envoyé pour examen à la commission d'experts, avec une indication de la date à laquelle cette loi sera adoptée. Il existe également une longue liste de restrictions pour lesquelles des modifications ont été demandées depuis un certain temps déjà. Les membres employeurs ont donc conclu, au terme de cette discussion où le gouvernement n'a pas présenté de faits nouveaux, que leurs préoccupations restaient inchangées, voire qu'elles s'étaient aggravées; la commission devrait réaffirmer sa préoccupation dans son rapport en reprenant ses conclusions de l'année dernière.
Un représentant gouvernemental de la Colombie a déclaré avoir écouté très attentivement les interventions du président de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), ainsi que celles des autres membres travailleurs et employeurs. En ce qui concerne la situation politique, il a convenu que les chiffres mentionnés sont alarmants et dramatiques, mais en même temps incomplets. La situation de violence qui sévit en Colombie est encore plus dramatique que celle qui a été dépeinte. Une guerre a été déclenchée du fait de la lutte menée par l'Etat contre les narco-trafiquants. Dans cette guerre, il est question de maintenir un état de droit contre les prétentions inacceptables de ceux qui veulent diriger les affaires de la nation et qui représentent un fléau pour l'humanité. Il a déclaré que selon les statistiques du Plan national de réhabilitation, 9312 morts violentes ont été enregistrées l'année dernière alors que depuis janvier 1990, 186 policiers ont été assassinés suite aux primes offertes par les narco-trafiquants. En outre, depuis la réunion de la veille, cinq policiers ont été à nouveau victimes d'attentat; à Medellin, suite à une dernière attaque dirigée par les narco-trafiquants, trois bâtiments ont été détruits avec 4 morts et plus de 60 blessés. Les personnes qui sont tombées ne sont pas uniquement des dirigeants syndicaux mais également des familles entières, des mères de famille, des enfants et d'autres individus. Des chefs d'entreprise travaillant pour le progrès et la productivité du pays ont aussi fait l'objet d'assassinat, ainsi que quatre représentants du Congrès. Pendant la dernière campagne électorale, trois candidats à la présidence ont été assassinés. Son gouvernement refuse catégoriquement la déstabilisation. Il ne fait aucun doute que des dirigeants syndicaux ont été assassinés de même que des ministres de la Justice, des maires ou des juges. Récemment, 800 kilos d'explosif ont été découverts dans une zone où vivent six ministres. La lutte est menée à armes inégales. Un des barons de la drogue, le narco-trafiquant Rodriguez Cacha, probablement décédé en décembre 1989, possédait dans une de ses propriétés 53 millions de dollars et 58 kilos d'or. L'orateur a déclaré qu'il était aberrant de soutenir que la situation actuelle en Colombie est la même qu'en juin 1989 car le gouvernement, depuis lors, a adopté un certain nombre de mesures. Ainsi, des négociations ont été entamées dans le camp de la subversion avec les six groupes de guérillas: le Mouvement du 19 avril (M.19), l'Armée populaire de libération (APL), les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), le "Qintin Lama" et le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT). Dans un effort sans précédent, le gouvernement a mené des négociations avec le M.19 qui ont abouti le 9 mars 1990 après 14 mois de discussions. Cela a permis la réintégration de ces personnes à la vie civile; elles ont formé un parti politique et présenté un candidat à la présidence, candidat qui fut victime d'un attentat et remplacé par le deuxième dirigeant de ce parti. A l'issue des élections, ce parti a constitué la troisième force électorale du pays représentant 14 pour cent des voix exprimées. L'orateur a indiqué qu'il a représenté le gouvernement lors des négociations, lesquelles vont continuer avec l'Armée populaire de libération (APL) en vue de déterminer le lieu où les forces subversives déposeront leurs armes. Outre cette lutte contre la violence, la Colombie mène une autre lutte contre les délits d'ordre économique. 467 chefs d'entreprise ont fait l'objet de séquestration organisée et une rançon de 110 millions de pesos est exigée pour ne pas attenter à leur vie. Les cambriolages et les vols de bétail sont monnaie courante; certaines entreprises multinationales, suite à des menaces, se sont trouvées dans l'impossibilité d'exécuter des travaux de prospection; ainsi elles ont dû renoncer à leur contrat. Malgré ces menaces contre l'économie, les attentats et la violence, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures tout en réintégrant des mouvements subversifs à la vie du pays et en continuant des négociations avec d'autres groupes subversifs. Une résolution a été adoptée en vue de démanteler les groupes d'autodéfense, comme l'a indiqué un des travailleurs. Le gouvernement a estimé en outre nécessaire de procéder à une réforme constitutionnelle pour moderniser les institutions du pays. En 1990, une assemblée nationale constituante a été convoquée pour incorporer les réformes nécessaires de manière à faire face à la violence qui règne en Colombie.
Un autre représentant du gouvernement se référant de l'application des conventions a souligné, que malgré la situation préoccupante dans laquelle se trouve le pays, son gouvernement continue à s'acquitter de ses obligations. Dans cette perspective, la convention sur les statistiques du travail a été ratifiée récemment, et avec la coopération des centrales syndicales on a pu opérer un recensement syndical permettant d'évaluer de manière exacte la situation des syndicats dans le pays. En ce qui concerne la grève de Cerrejoon, il a déclaré qu'après avoir épuisé en 73 jours toutes les procédures de négociations, le gouvernement a pris une décision qui a été acceptée par les travailleurs qui ont repris leurs activités avec toutes les garanties sur la liberté syndicale. Il exprime son approbation quant à la demande formulée par les travailleurs et quelques autres membres de la commission tendant à la désignation par l'OIT d'une commission chargée de s'assurer de l'application des conventions ratifiées. Il a demandé formellement, au nom de son gouvernement, que l'OIT désigne une telle commission afin de coopérer avec son gouvernement, aussi bien dans la mise en oeuvre des conventions que dans la préparation des projets de lois. Il a rappelé qu'un projet de loi sur la réforme des institutions du travail est prêt à être soumis au Conseil national du travail, de même que d'autres projets en matière de sécurité sociale et de ratification de certaines conventions de l'OIT. Pour cela, il fait appel à la solidarité internationale et à la coopération technique dans le même ordre que celles effectuées par l'OIT dans le cadre du PREALC.
Les membres travailleurs, comparant la situation actuelle à celle de 1989, ont admis, sur la base du rapport de la commission d'experts et des informations fournies par les représentants gouvernementaux, un certain progrès dans l'application de la convention. Cependant, il s'agit avant tout de bonnes intentions, de projets de lois, mais jusqu'à maintenant il n'y a pas eu de mesures concrètes, ce qui veut dire que les problèmes et questions subsistent sur presque tous les points mentionnés dans le rapport de la commission d'experts, en particulier sur les deux points suivants: le non-respect des droits syndicaux dans la pratique et l'interdiction de la liberté d'expression des organisations syndicales, ce qui limite leurs possibilités d'agir pour la défense des intérêts des travailleurs. Ces éléments sont à l'origine de la situation dramatique décrite pendant la discussion par les membres travailleurs. Il n'y a aucun progrès substantiel en ce qui concerne ces deux éléments essentiels, c'est à ce que conclut la présente commission en 1988, et on ne peut que répéter la même formule cette année: demander au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation et ses institutions en conformité avec la convention, instaurer un climat dans lequel les libertés publiques - y compris la liberté syndicale - pourront être restaurées et garantir la sécurité physique des syndicalistes. Face à la gravité du cas, au manque de progrès substantiels, au fait que les mêmes problèmes se posent à longueur d'année et que l'année dernière la commission a déjà inclus ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport, les membres travailleurs proposent à nouveau que ce cas soit inclus dans un paragraphe spécial cette année également, dans l'espoir que le nouveau gouvernement prendra la situation au sérieux.
Un représentant du gouvernement a rappelé que des progrès ont été réalisés et il s'est référé à nouveau aux réformes constitutionnelles en cours, de même qu'au projet de réforme des institutions du travail.
Un membre travailleur de la Colombie a exprimé l'espoir que le gouvernement allait accepter de discuter avec les organisations syndicales à propos de l'application de la présente convention, de la même manière que les discussions le sont actuellement avec les groupes armés.
Le représentant gouvernemental ayant invité les représentants syndicaux à participer aux travaux du Conseil national du travail, le membre travailleur de Colombie réplique qu'elle siégerait volontiers au Conseil national du travail si cet organisme avait un pouvoir de décision. Mais les pouvoirs de ce conseil ont été réformés et les représentants syndicaux n'ont qu'un avis consultatif, contrairement à la situation antérieure, où ils jouissaient d'un droit de vote.
La commission a pris note du rapport de la commission d'experts et des informations fournies par les représentants du gouvernement ainsi que des discussions détaillées qui ont eu lieu au sein de la présente commission. Elle a également noté que le gouvernement a institué une commission spéciale pour examiner l'ensemble de sa législation du travail, ainsi qu'un Conseil national tripartite du travail pour aider dans le processus de réformes. Toutefois, comme en 1989, la commission a exprimé sa profonde préoccupation devant la persistance d'une situation très grave et sérieuse et la persistance d'un grand nombre de divergences importantes et fondamentales entre la législation et la pratique d'une part, et les exigences de la convention d'autre part. en conséquence, la commission a de nouveau demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention. La commission a pris note de la demande du gouvernement d'une assistance technique du BIT dans les domaines des relations du travail. Elle a exprimé l'espoir que le gouvernement fera état de progrès substantiels dans son prochain rapport et elle a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial.
Un représentant gouvernemental a rappelé l'ouverture de son gouvernement à l'égard des organes de contrôle de l'application des normes internationales du travail. Il a déclaré que même s'il existe un lien entre la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale, il n'est pas possible, en ce qui concerne la convention no 87, de confondre leurs fonctions, étant donné qu'il existe des différences entre les deux organes quant à leurs compétences respectives: la commission d'experts qui s'occupe davantage du travail juridique de comparaison entre les normes générales internationales et nationales en matière de travail a eu raison de se limiter à signaler la situation des violences créée par des groupes minoritaires d'extrémistes, de délinquants de droit commun ou de narcotrafiquants; le Comité de la liberté syndicale est plus orienté vers l'examen des violations alléguées de la convention dans des cas concrets. Son gouvernement est le premier à regretter et le premier intéressé à éclaircir et à sanctionner les crimes qui ont été commis et à prévenir leur répétition et il a pris des mesures à cet effet. Estimant que la commission d'experts s'en était remise aux conclusions du Comité de la liberté syndicale, auquel son gouvernement a envoyé une abondante information, il s'est référé aux différents thèmes abordés par la commission d'experts.
En ce qui concerne la constitution des syndicats de travailleurs et l'approbation de leurs statuts, il nie l'affirmation de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) selon laquelle le gouvernement fait obstacle à la constitution d'organisations syndicales en refusant, de manière répétée, à leur reconnaître la personnalité juridique et à approuver leurs statuts. Il indique qu'au cours des trois dernières années deux nouvelles fédérations ont été créées; la personnalité juridique a été reconnue et enregistrée dans 359 cas et des statuts modifiés ont été acceptés dans 294 cas. Pendant la même période, 2885 instruments de négociation collective ont été signés. Son gouvernement a l'intention d'étudier la possibilité d'accélérer les procédures en consultation avec les dirigeants travailleurs.
En ce qui concerne le problème de la suspension de la personnalité juridique et l'incompatibilité qui, selon la commission d'experts, existe entre la convention et l'article 405 du Code du travail, lequel autorise la suspension pour deux à six mois de la personnalité juridique et cela jusqu'à la dissolution du syndicat, comme sanction pour l'illégalité d'une grève, l'orateur a déclaré que son gouvernement est disposé à étudier, avec les travailleurs et les employeurs, la possibilité d'une modification législative, dans la mesure où le système syndical pourra donner des garanties alternatives pour le fonctionnement normal d'une entreprise, au sortir d'une grève, étant donné que l'Etat doit veiller à l'approvisionnement des sources de travail. Il a déclaré qu'en temps normal, même dans les cas prévus par l'article 380 du Code du travail (non-conformité à la législation du travail par un syndicat) le ministère du Travail doit s'adresser au juge du travail pour demander l'autorisation de suspension de la personnalité juridique que cet article prévoit à titre de sanction. Il a ajouté que dans les cas d'une grave perturbation de l'ordre public, et en vertu des dispositions constitutionnelles sur l'état d'exception pour sauvegarder les biens juridiques fondamentaux, de la communauté: le gouvernement peut conférer, à titre provisoire, par un décret temporaire, compétence au ministère du Travail pour qu'il exerce le pouvoir de suspendre la personnalité juridique ou de dissoudre les syndicats (par exemple une étude du ministère cas par cas). Les décrets qui sanctionnent par la suspension de la personnalité juridique les organisations qui ont participé à la grève générale d'octobre 1988 ont été adoptés pour sauvegarder l'ordre constitutionnel et ont été déclarés conformes à celui-ci par la Cour suprême. Il s'est référé également l'article 4 de la convention no 111 qui dispose que ne sont pas considérées comme des discriminations les mesures affectant une personne qui fait individuellement l'objet d'une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l'Etat. Il a précisé que de tels décrets ont été abrogés en raison de la fin de la crise et il a signalé que, même sous l'état de siège, le syndicat dont la personnalité a été suspendue dispose de recours administratifs ayant un effet suspensif et de recours contentieux administratifs qui n'ont pas cet effet suspensif, mais qui peuvent être accompagnés du recours accessoire de suspension provisoire de la décision. Il a ajouté que dans l'ensemble le régime juridique colombien est en conformité avec la convention no 87 et qu'il est à certains égards plus avancé, que celle-ci en faveur des syndicats comme par exemple leur représentation dans les comités directeurs des établissements publics nationaux. Il a ajouté qu'il est possible que sur certains points ce régime ou la convention soient quelque peu vétustes et qu'ils nécessitent d'être actualisés. En relation avec les dispositions de la législation nationale considérée par la commission d'experts comme incompatibles avec la convention no 87, à savoir: l'approbation ministérielle des modifications aux statuts des syndicats de base, des fédérations et confédérations, de contrôle de la gestion interne des syndicats par des fonctionnaires, la suspension avec privation de leurs droits d'association des dirigeants responsables de la dissolution de syndicats, l'obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical, l'orateur a manifesté l'intérêt de son gouvernement d'accélérer les procédures et d'étudier leur compatibilité avec la convention et la possibilité d'entreprendre la mise en conformité des dispositions dans la mesure où elles seraient incompatibles. En ce qui concerne l'exclusion des étrangers des comités directeurs des syndicats, son gouvernement demandera des informations au BIT au sujet des diverses législations nationales en la matière. Il a indiqué, en ce qui concerne la communication des élections des dirigeants aux autorités administratives, qu'il ne s'agit pas d'une approbation préalable mais d'une inscription notariale. Il s'est référé également à l'interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans des questions politiques et, à cet égard, il a déclaré que, dans la pratique, les syndicats colombiens participent à la politique et que leurs membres à titre individuel ont, comme tout citoyen, le droit d'élire et d'être élus et qu'en fait plusieurs dirigeants syndicaux importants ont mis en pratique leur droit d'être élus sur la scène politique. Il a ajouté que ce principe vise à protéger les travailleurs syndiqués contre les aventures politiques d'un dirigeant qui s'écarterait de son rôle purement syndical et peut-être qu'il aurait ainsi des "électeurs captifs".
L'orateur a indiqué l'intention de son gouvernement d'étudier la possibilité de tempérer ou de supprimer l'interdiction actuelle de la grève aux fédérations et confédérations, à la condition d'offrir un échange des garanties adéquates que les déclarations éventuelles de la grève correspondront à des revendications autres que purement professionnelles. Le gouvernement est conscient de la nécessité de réduire au minimum la non-existence de garantie constitutionnelle en matière de grève dans les services publics c'est-à-dire de limiter la non-reconnaissance de ce choix aux services publics essentiels. Une réforme constitutionnelle en ce sens a déjà été proposée par le gouvernement. Il a ajouté que face à ces grèves qui se produisent fréquemment sans procédures de conciliation, l'administration reste sans garanties. L'orateur a déclaré que, pour des raisons constitutionnelles, le gouvernement accepte difficilement l'idée d'une suppression de l'arbitrage obligatoire, auquel le gouvernement peut recourir pour faire cesser une grève qui affecte les intérêts de l'économie nationale.
En relation avec les peines de prison, imposées dans les cas de suspension du droit de grève pendant l'état de siège, il a déclaré que le décret 2004 n'est pas en vigueur et que le décret similaire adopté en octobre 1988 a été abrogé en décembre 1988.
Le gouvernement examinera également la question des licenciements des dirigeants syndicaux pour participation à des grèves illégales pour déterminer quelles améliorations législatives pourraient être proposées même si les licenciements ne sont pas si automatiques.
Il a précisé enfin que la législation nationale n'impose pas de limitations à la durée de la grève, mais qu'elle permet de demander à la majorité, au ministère du Travail la constitution d'un Tribunal d'arbitrage pour résoudre une grève qui dure depuis 40 jours déjà.
Il a conclu en affirmant qu'en Colombie, en dépit du contexte économique et social difficile, il existe un climat d'harmonie et de collaboration entre le gouvernement et les syndicats, ce qui n'exclut pas l'existence de divergences d'opinion, mais il est toujours possible de les résoudre par un dialogue patient et constructif; le gouvernement étudie la possibilité de mieux adapter le régime juridique à la convention. Il a réitéré son intérêt à continuer à coopérer avec la Commission d'experts et la présente commission. Il a souligné que certaines observations manquent de fondement parce que les normes sont mal interprétées et parce qu'on a oublié l'obligation qu'a le gouvernement de protéger, par des instruments d'exception, des biens juridiques supérieurs.
Les membres travailleurs ont déclaré que l'intervention du représentant gouvernemental, a été exagérément longue. et n'a pas faciliter le problème, mais l'a aggravé. Ils auraient aimé que le représentant gouvernemental fournisse des réponses aux recommandations du Comité de la liberté syndicale et qu'il annonce les mesures prises suite à la mission de contacts directs. Or, le représentant gouvernemental n'a fait que répéter tout au long de son intervention la même formule, à savoir que l'"on va examiner" plus tard.
Les membres employeurs ont déclaré qu'après la longue intervention du représentant gouvernemental il était nécessaire de souligner certains points essentiels. Le point de départ est constitué par le grand nombre de plaintes et différentes constatations au sujet de la situation en Colombie qui, prises ensemble, sont très préoccupantes. La commission d'experts a parlé d'une situation dramatiquement violente, ce que le représentant gouvernemental a confirmé; la commission devrait examiner le cas en ayant à l'esprit cela; il n'est pas surprenant que, dans une situation aussi inhabituelle, des problèmes se posent en ce qui concerne la liberté syndicale: les autorités paraissent agir de manière arbitraire, il n'y a pas de dispositions juridiques suffisamment précises et nombre d'entre elles ne sont pas appliquées. Certaines lois prévoient une trop grande ingérence dans les activités des organisations, des mesures bureaucratiques empêchent les employeurs et les travailleurs d'organiser leurs activités de manière indépendante, il existe des restrictions quant aux activités des organisations. La commission d'experts considère que les restrictions au droit de grève sont trop contraignantes; les employeurs ne veulent pas l'aborder maintenant étant donné qu'ils ne sont pas d'accord avec les critères adoptés par la commission d'experts. Toutefois, il y a d'autres violations claires de la convention et ils sont très préoccupés par la situation. Le représentant gouvernemental a reconnu que la situation est complexe, mais il a fourni peu d'indications sur les possibilités de la changer. La situation ne justifie pas des règlements et des pratiques qui ne sont pas conformes à la convention. Le gouvernement devrait fournir un rapport détaillé et indiquer ses intentions et les changements qu'il compte faire. La commission doit continuer à examiner le cas et exprimer sa préocupation au sujet de la situation existante.
Un membre travailleur de Colombie s'est référé au fait que certains gouvernements considèrent que les syndicats qui dénoncent devant les instances internationales le non-respect des obligations contractuelles attaquent la nation. Il a estimé que ce qui compte c'est la vérité des faits dénoncés et le dialogue nécessaire pour faire avancer la législation du travail en la matière. Le gouvernement, en donnant la représentation des travailleurs de Colombie devant la Conférence internationale du Travail à la centrale la plus représentative, la CUT, s'est conformé à une obligation et n'a pas fait un cadeau. Cette convention n'est pas appliquée en Colombie; or c'est la plus importante pour le mouvement syndical, fruit d'un siècle de lutte des travailleurs; elle n'est pas encore ratifiée par certains Etats et n'est pas respectée par d'autres, comme c'est le cas dans son pays. Il a déclaré que la personnalité juridique des syndicats continue à pouvoir être suspendue par voie administrative et qu'elle touche actuellement plus de 40 000 travailleurs; le décret no 939 de 1966, qui permet au ministre du Travail de suspendre une grève qui dure plus de quarante jours et d'ordonner l'arbitrage obligatoire, continue à être en vigueur et à être appliqué.
Le Président de la République peut suspendre la grève s'il considère qu'elle constitue une menace pour l'économie nationale. L'observateur a fait observer que depuis des années la commission d'experts a insisté pour qu'on procède à certaines modifications. Il a exprimé l'espoir que les consultations avec les syndicats et les employeurs déboucheront sur des propositions d'amélioration de l'application de la consultation qui seront soumises à la prochaine session du parlement, mais cela lui paraît difficile étant donné que même en ce qui concerne le salaire minimum, on n'a pu arriver à un accord. L'orateur s'est référé à l'assassinat de 276 syndicalistes et il a indiqué qu'en janvier de cette année, après l'assassinat du président de la CUT, le comité exécutif de cette organisation a fait une grève de la faim, ce qui a donné lieu à des discussions entre le ministère du Travail et la CUT. Suite à celles-ci le gouvernement a promis de protéger les syndicalistes et d'enquêter sur les crimes. En dépit de la bonne volonté du Président de la République les faits sont clairs: dernièrement, le siège de la CUT, à Meta, a été dynamité et deux autres dirigeants syndicaux ont été assassinés par des groupes paramilitaires. La situation est grave, 276 syndicalistes assassinés, 300 menacés de mort; en Colombie, il est dangereux d'être syndicaliste. L'orateur a lancé un appel à la solidarité internationale des pays démocratiques pour que les efforts du Président de la République aboutissent à démasquer les assassins.
Se référant à la grève de 1988, l'orateur a déclaré qu'elle n'était pas politique; la CUT et la CGT ont présenté des cahiers de revendications visant à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs colombiens. Trois jours avant la grève, le gouvernement a promulgué les décrets d'exception qui ont permis l'arrestation et le licenciement des grévistes et la suspension de la personnalité juridique des centrales syndicales. Les décrets ont été abrogés, mais les sanctions ont été maintenues. La suspension continue en dépit des recours internes qui ont été engagés. Il a souligné finalement que le mouvement syndical colombien s'efforce de dialoguer en vue de mettre fin à la violence, car sans paix il n'y a pas de progrès possible, que c'est un mouvement pacifique qui lutte pour la défense du droit à la vie, à la liberté et à la démocratie. Il a conclu en manifestant sa foi dans la collaboration que l'OIT donnera aux travailleurs, employeurs et gouvernement colombiens afin que les accords nécessaires puissent être conclus.
Le membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a relevé que l'intervention du représentant gouvernemental l'incitait à faire quelques observations au sujet des liens qui existent entre le Comité de la liberté syndicale et la Commission de l'application des normes. La présente commission traite des cas de non-application des normes pour pouvoir en tirer ses propres conclusions. Il a souligné qu'en de nombreux points la législation du travail en Colombie est diamétralement opposée à la convention comme l'a souligné la commission d'experts dans son rapport. Une modification législative s'impose d'urgence afin de régler la question de la personnalité juridique des syndicats et mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Le refus persistant de faire des modifications est inquiétant. Une mission de contacts directs a eu lieu en 1988 et le cas a été examiné a nouveau par le Comité de la liberté syndicale. Des violations de la convention no 87 sont constatées dans plusieurs pays mais, en Colombie, les activités des syndicats sont non seulement limitées mais encore les syndicalistes qui veulent exercer leurs fonctions mettent leur vie en péril. Face aux trafiquants de drogue, à la complicité des forces policières et militaires et aux activités illégales de groupes paramilitaires, le meilleur des dialogues est impuissant. Nonobstant, le gouvernement a l'obligation de garantir les droits des syndicats, le droit de recourir légalement à la grève et de protéger les syndicalistes contre les assassinats. Dans un pays où la violence prévaut, l'exercice des droits syndicaux est également en danger. Deux cent soixante-seize syndicalistes ont été assassinés; 1660 personnes ont été assassinées entre mai 1988 et avril 1989, et 2000 sont portées disparues. Les groupes paramilitaires terrorisent la plus grande partie du pays. Le gouvernement, qui "n'a pu empêcher ces actes terroristes et qui dans la recherche des coupables n'a utilisé que des moyens insuffisants" devrait par conséquent non seulement revoir sa législation, mais essentiellement sa pratique. Toutes les activités criminelles menées a l'encontre des syndicalistes doivent être poursuivies et des moyens suffisants mis en oeuvre pour mener à terme les enquêtes sur ces activités. Les déclarations du représentant gouvernemental ne montrent pas beaucoup de volonté en ce sens et il se contente de justifier le maintien de la situation juridique actuellement en vigueur qui se caractérise par l'ingérence dans l'activité des syndicats, la limitation du droit de grève, l'interdiction de la grève aux fonctionnaires, l'invocation de dispositions constitutionnelles. Le dialogue au sein de la présente commission ne doit pas seulement consister à exposer des points de vue et à les réitérer, mais à permettre l'enregistrement de progrès. L'orateur s'associe au membre travailleur de la Colombie pour souligner l'importance du droit des syndicats de fournir des observateurs sur la situation dans leur pays; l'exercice de ce droit ne doit pas donner lieu à des discriminations. Les nombreux assassinats de dirigeants syndicaux provoquent l'horreur des hommes civilisés et la solidarité de tous les syndicats.
Un membre travailleur de l'Espagne a déclaré que la situation en Colombie est si grave qu'elle dépasse toutes les dispositions de la convention. Dans ce pays le droit le plus fondamental, à savoir le droit à la vie, n'est pas garanti. Il a relevé, en ce qui concerne la violation de la liberté syndicale et particulièrement, la suspension des syndicats, que, selon les indications de la commission d'experts, de nouveaux décrets ordonnant des suspensions ont été promulgués en octobre 1988 et qu'il n'y a eu aucune amélioration en la matière. Il s'est référé aux annexes du rapport du Comité de la liberté syndicale, dont la première contient une liste de 79 syndicalistes disparus ou assassinés et au sujet desquels le gouvernement n'a communiqué aucune information: 18 d'entre eux ont été assassinés en 1989. La seconde annexe contient une liste de 180 syndicalistes au sujet desquels le comité a demandé des informations en relation avec l'enquête judiciaire qui a été engagée. Il a demandé au représentant gouvernemental de fournir des informations au sujet des syndicalistes disparus, car tant que le gouvernement n'aura pas répondu, le cas de la Colombie doit faire l'objet d'un paragraphe spécial, étant donné que tant qu'on assassine les syndicalistes les lois du travail seront lettre morte.
Un membre travailleur du Venezuela a manifesté sa profonde préoccupation à l'égard de la situation des travailleurs colombiens. Il a estimé que la menace contre le droit à la vie mérite une attention toute particulière de la part de la présente commission, étant donné que sans ce droit fondamental aucun autre droit ne peut être garanti. Il a souligné que depuis les sept mois qui se sont écoulés depuis la réunion du Comité de la liberté syndicale en novembre 1988, moment auquel on a constaté l'assassinat de 200 syndicalistes, 76 autres assassinats ont été perpétrés. Il a estimé que ce processus violent de guerre sale cherche à résoudre le problème de la justice sociale par la répression. Il faut s'opposer à ce qu'une telle manière de procéder soit adoptée comme une politique de l'Etat. Il s'est référé à une déclaration du Président de la République de la Colombie faite au début de la grève d'octobre 1988 dans laquelle ce dernier s'est référé aux décrets adoptés en affirmant que ceux-ci avaient atteint leur objectif et que les ennemis du pays avaient été abattus. Cette déclaration démontre que sa politique est une politique de répression et d'assassinat de ceux qui luttent pour défendre leurs droits. Il a exprimé le souhait que ce cas fasse l'objet d'un paragraphe spécial.
Un membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que c'était un cas difficile, troublant et horrifiant, sentant la sauvagerie et la mort. A son avis, le représentant gouvernemental de la Colombie faisait une confusion en semblant indiquer que l'horreur est traitée par le Comité de la liberté syndicale et que la commission d'experts s'occupe uniquement d'aspects juridiques. Au contraire, les observations du Comité de la liberté syndicale sont particulièrement pertinentes pour le travail de la présente commission et beaucoup de points soulevés par le Comité de la liberté syndicale sont également mentionnés par la commission d'experts, notamment celui portant sur la situation alarmante et violente en Colombie qui rend impossible le maintien de conditions de vie normales et empêche l'exercice des activités syndicales. Ceci est pertinent au travail de la présente commission tout comme l'est la litanie des martyrs pour la cause du syndicalisme. Si un syndicaliste est assassiné à cause de ses opinions syndicales, alors son assassinat à un rapport avec le travail de la présente commission... en effet, être mentionné dans cette commission peut être le seul mémorial érigé à la mémoire d'une telle victime. La situation politique en Colombie est confuse avec des trafiquants de drogue et des groupes paramilitaires opérant librement. On ne peut échapper au contraste entre un gouvernement incapable de protéger la vie des syndicalistes ou de contrôler les groupes paramilitaires, mais ayant assez de force, de moyens de contrôle et de lois pour s'occuper de grèves locales, de grèves générales et d'autres activités syndicales. Le contraste est également pertinent pour le travail de la présente commission. Il n'y a aucun doute possible que la Colombie n'est pas en conformité avec la convention no 87. Ceci a été dit par le Comité de la liberté syndicale, la commission d'experts et cette commission. En outre, cette commission continuera à le dire parce qu'elle n'est pas satisfaite de la présentation de la situation par le représentant gouvernemental. A la fin de sa déclaration, le membre travailleur de la Colombie avait exprimé sa foi dans l'OIT, l'orateur a exprimé l'espoir que cette foi demeurera intacte après les décisions qui seront prises par la commission.
Un membre travailleur de l'Uruguay a déclaré que le cas devrait inquiéter tous les membres démocratiques de la présente commission, étant donné que ce pays s'est transformé en leader mondial d'assassinats des travailleurs. Il s'est déclaré d'accord avec ce qu'ont dit les membres employeurs, à savoir qu'il est nécessaire de mettre fin à cette situation. Il n'est pas d'accord avec les explications du représentant gouvernemental et il a regretté que le gouvernement tente de se justifier et de justifier les violations de la convention et les attaques contre le mouvement syndical par des groupes paramilitaires et des trafiquants de drogue. Il a estimé que la présente commission devrait inclure un paragraphe spécial qui, de manière claire et frappante, expose la situation de violation des droits syndicaux par le gouvernement afin que ce dernier les reconnaisse et les applique dans la pratique et qu'il considère comme prioritaire de garantir le droit à la vie.
Les membres travailleurs, après avoir indiqué que la proposition d'inscrire un cas dans un paragraphe spécial, ne constitue pas une condamnation, ont souligné la gravité du cas. Leur première préoccupation est que soit mis fin à la violence qui annihile les libertés publiques, la liberté d'association et empêche la justice de fonctionner. Les rapports des organes de contrôle traitant de la situation dans le pays peuvent aider le gouvernement dans la recherche de solutions. De leur côté, les pays industrialisés devraient apporter leur contribution en combattant plus efficacement les trafiquants de drogue, un des fléaux du pays, ce qui a déjà été noté par le porte-parole des travailleurs au Conseil d'administration. Il s'agit de réveiller la conscience mondiale et de provoquer la solidarité. En ce qui concerne la liberté syndicale, les travailleurs qui s'engagent dans une action revendicative se trouvent confrontés à la violence, accusés de terrorisme, leur activité est qualifiée de perverse et cela doit cesser. Malgré la mission de contacts directs et les recommandations du Comité de la liberté syndicale, il est clair actuellement que la liberté syndicale n'est respectée ni dans la législation ni dans la pratique, notamment en ce qui concerne la personnalité juridique des syndicats, la grève, comme l'a relevé la commission d'experts. Des changements doivent être adoptés. des mesures doivent être prises qui devraient résulter de la consultation tripartite et de l'assistance du BIT.
Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il ne s'était pas référé aux observations du Comité de la liberté syndicale faute de temps et vu le grand nombre de questions abordées par la commission d'experts, mais que son gouvernement était prêt à fournir comme par le passé les explications orales et par écrit à propos de ces crimes, qu'il est le premier à déplorer. Son gouvernement tente d'éviter de répondre par la répression aux attaques contre la démocratie de la part d'opposants violents et qui commettent des délits. Il préfère le dialogue avec tous les intéressés. En relation avec la situation décrite dans le pays, il s'est référé aux multiples causes de la violence. au trafic de drogue lié au blanchiment de dollars et à la consommation de la drogue et à ses liens avec des groupes subversifs tant de l'extrême-droite que de l'extrême-gauche. Il s'est également référé à la nécessité d'un contrôle dans le trafic des armes, dont il faut rappeler qu'elles ne sont pas fabriquées en Colombie. Il a déclaré que son gouvernement a reconnu dans certains cas le bien-fondé des plaintes présentées devant l'OIT et devant d'autres instances internationales. Il s'agit de cas d'abus de pouvoir, dont on ne peut déduire qu'il y aurait une violence organisée systématiquement par le gouvernement, ce qui a été reconnu par le représentant des travailleurs devant le Conseil d'administration. L'orateur s'est référé également au rapport de la mission de contacts directs effectuée en Colombie, qui fut soumis au Conseil d'administration, rapport qui mentionne la situation de violence généralisée et selon lequel les victimes de cette violence sont des employeurs, des maîtres, des prêtres, des journalistes, des personnes de tous les secteurs sociaux, des fonctionnaires divers, des magistrats, des juges et même le ministre de la Justice et le Procureur général de la nation. Le représentant des travailleurs a demandé au Directeur général, au cours d'une réunion du Conseil d'administration, qu'il utilise son influence pour mobiliser les Nations Unies et les institutions spécialisées dans l'aide à la lutte du gouvernement colombien contre le trafic de drogue, principal responsable de la situation actuelle en Colombie, et il a réitéré l'intérêt de son gouvernement à appuyer tous les efforts faits en ce sens.
Le représentant gouvernemental s'est ensuite référé à la grève générale d'octobre 1988 à laquelle avaient appelé la CUT, la CGT et d'autres mouvements syndicaux. Il s'agissait d'une grève politique et non d'une grève professionnelle, ce qu'il pouvait démontrer en donnant lecture d'un texte publié par la "Coordinadora guerrillera Simon Bolivar" dans laquelle celle-ci a lancé un appel à l'affrontement militaire et au développement d'actions de sabotage comme modalités d'action à la grève politique générale. Il s'est référé, par ailleurs, au fait que le président de la CUT lui-même a admis publiquement, après la grève, que des terroristes et d'autres éléments violents avaient vaincu les grévistes et il s'est demandé ce qui se serait passé si le gouvernement n'avait pas pris les mesures d'exception face à cette grève particulièrement anormale.
L'orateur a indiqué aussi que trois décrets ont été adoptés portant respectivement sur la constitution d'une commission de lutte contre les escadrons de la mort, bandes de tueurs ou groupes privés d'autodéfense (décret no 813); la création d'un corps spécial armé pour lutter contre ces groupes (décret no 814) et la suspension des dispositions légales qui permettent au ministre de la Défense de concéder à des particuliers des armes normalement autorisées uniquement aux forces armées et d'utiliser la collaboration armée de personnel civil à des tâches de défense nationale des groupes privés d'autodéfense (décret no 815). Il s'est référé également au décret no 1194 de 1988 qui vise au démantèlement des camps d'entraînement de tueurs à gages et il a augmenté les peines à l'encontre des activités des tueurs à gage et autres crimes connexes. Il a insisté pour que la présente commission prenne en considération les facteurs extérieurs qui aggravent la situation du pays pour engager une action internationale contre de telles activités, par exemple le trafic d'armes. Il a manifesté l'espoir que les conclusions de la présente commission tiennent compte des efforts déployés par son gouvernement, qui souhaite pour le pays une situation démocratique et progressiste.
Le représentant gouvernemental a déclaré que son gouvernement respecte les conclusions de la commission au point de s'être abstenu d'intervenir dans son adoption, respectueux qu'il est des principes de la justice puisqu'on ne peut être à la fois juge et partie; mais il a désiré faire noter que son gouvernement estime que les conclusions auraient dû tenir davantage compte des efforts qu'il a déployés pour combattre la violence de tous les groupes extrémistes et de sa détermination d'appliquer le mieux possible les conventions internationales du travail. Finalement, il s'est référé au contexte économique qui rend difficile l'application des normes dans les pays en développement.
La commission a pris note des informations approfondies qui ont eu lieu au sein de la commission. La commission a noté avec une profonde préoccupation les commentaires de la commission d'experts qui font état de la persistance de graves et nombreuses divergences entre, d'une part, la pratique et la législation, et, d'autre part, les dispositions de la convention. Elle a rappelé à cet égard les questions soulevées par la commission d'experts depuis de nombreuses années. La commission a pris connaissance avec intérêt du rapport de la mission de contacts directs qui s'est rendue en Colombie en septembre 1988 et de la grave préoccupation ainsi que des recommandations du Comité de la liberté syndicale. La commission a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les exigences de la convention, notamment en s'efforçant de rétablir un climat propice au rétablissement des libertés civiles et donc, par là même, des libertés syndicales et de garantir l'intégrité physique des syndicalistes. La commission a tenu à demander au gouvernement qu'il procède à des consultations tripartites et elle lui a rappelé la possibilité de recourir à l'assistance du BIT. La commission a exprimé le vif espoir que le gouvernement pourra faire état l'année prochaine de progrès substantiels réalisés dans ce domaine face à l'importance et à la gravité de la situation. La commission a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.
Commentaire précédent
La commission prend note des observations de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), en date du 28 août 2009, et de celles de la Confédération syndicale internationale (CSI), en date du 26 août 2009. Ces communications se réfèrent à des questions déjà examinées par la commission et, en particulier, à des actes de violence, y compris d’assassinats, commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, ainsi qu’à l’impunité qui fait malheureusement suite à nombre de ces actes (la plupart de ces faits ont été portés à la connaissance du Comité de la liberté syndicale). La commission prend également note des observations de l’Association nationale des techniciens en téléphonie et communications apparentées (ATELCA) concernant un cas actuellement à l’examen du Comité de la liberté syndicale. De même, elle prend note des observations de l’Association nationale des entrepreneurs de Colombie (ANDI). Elle prend note de diverses communications du gouvernement se rapportant à ces observations, ainsi que de la réponse de celui-ci aux observations antérieures de l’Union des travailleurs de l’Industrie des transports maritimes et fluviaux (UNIMAR).
La commission prend note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009 sur l’application de la convention et, en particulier, de l’engagement exprimé par le gouvernement et les partenaires sociaux dans le sens d’un renforcement du dialogue social dans le pays. Elle note également que la Commission de la Conférence a invité le gouvernement à continuer de recourir à l’assistance technique du BIT pour toutes les questions non encore résolues.
A cet égard, la commission note avec intérêt que, suite aux conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence, le gouvernement colombien a invité le Département des normes internationales du travail du BIT à envoyer une mission dans le pays pour constater les suites données à ses conclusions. La mission a eu lieu du 19 au 23 octobre 2009 et ses membres se sont entretenus avec les représentants du gouvernement et les partenaires sociaux, ainsi qu’avec les représentants des principales institutions du pays.
Enfin, la commission prend également note des cas examinés par le Comité de la liberté syndicale (CLS) concernant la Colombie. Elle note avec intérêt que le gouvernement a remis à la mission une communication ayant la teneur suivante: 1) la Commission spéciale de traitement des conflits devant l’OIT (CETCOIT) constitue un espace spécial et particulièrement apprécié pour générer la confiance entre les partenaires sociaux; 2) le gouvernement appuie le renforcement du processus et, dans ce sens, affectera les ressources nécessaires pour pouvoir disposer pendant un an des services d’une université qui contribuera à la résolution des affaires toujours en instance devant la CETCOIT; 3) le gouvernement étudiera la possibilité de recourir à la formule de la mission de contacts préliminaires prévue par la procédure du CLS, étant animé de la conviction de mettre en œuvre tous les mécanismes qui sont susceptibles d’améliorer les relations sociales dans le pays. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport tout progrès concernant les travaux de la CETCOIT.
Droits syndicaux et libertés publiques et politiques
La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle exprime son inquiétude à propos des violences dont les syndicalistes font l’objet et de la situation d’impunité entourant ces violences. Elle note que les commentaires de la CUT et de la CSI dénoncent un certain nombre d’actes de violence commis contre des syndicalistes. Dans ses dernières communications à la mission qui s’était rendue en Colombie, la CUT indiquait que, pour 2009, on dénombrait déjà 26 assassinats de travailleurs syndiqués et qu’il y avait eu, par ailleurs, 38 condamnations d’auteurs d’actes de violence contre des syndicalistes. La CUT indique que le mouvement syndical a remis à la Fiscalía une liste de 2 688 victimes d’homicide pour la période allant de janvier 1986 au 15 mars 2009 (liste dont le Comité de la liberté syndicale a lui aussi été saisi avec le cas no 1787), et elle indique que cette liste n’a pas été prise en considération par la Fiscalía. Par ailleurs, lors de la mission d’octobre 2009, certains représentants du mouvement syndical ont exprimé leur préoccupation du risque de voir le programme de protection des syndicalistes être suspendu à la fin de 2009.
La commission note que le gouvernement indique à cet égard que, d’après ses statistiques, il y a eu, en 2009, 23 assassinats de syndicalistes et, par ailleurs, 49 condamnations d’auteurs d’actes de violence contre des syndicalistes. En outre, des mesures de protection ont été assurées à 1 450 syndicalistes, pour un montant de 13 millions de dollars des Etats-Unis. Il a indiqué aux membres de la mission que, en ce qui concerne les 23 syndicalistes assassinés en 2009, les enquêtes diligentées par la Fiscalía ont permis d’établir que dans 15 de ces assassinats, les motivations étaient d’ordre syndical et que, pour le moment, il n’a été possible de déterminer qu’un seul des huit autres assassinats avait lui aussi des motivations syndicales. Le gouvernement affirme également que le nombre des morts violentes a diminué dans le pays, que son objectif est de voir disparaître complètement les assassinats de syndicalistes et que des instructions ont été données au plus haut niveau pour protéger le mouvement syndical.
La commission apprécie les engagements concrets pris par le gouvernement dans une communication qu’il a remise à la mission qui s’est rendue dans le pays en octobre 2009, dans laquelle il déclare que «pour l’Etat colombien, il est d’une importance vitale de faire la lumière sur les faits de violence dont sont victimes les dirigeants syndicaux et les travailleurs syndiqués. Dans ce sens, le gouvernement s’engage à affecter les ressources nécessaires au renforcement de la sous-unité syndicaliste de l’Unité nationale des droits de la Fiscalía General de la Nación et des juges spécialisés du Conseil supérieur de la magistrature, de manière à pouvoir faire la lumière sur les actes de violence dénoncés dans le cadre du cas no 1787». Cette communication indique également que «le gouvernement, avec l’assistance de l’OIT, consultera les centrales ouvrières sur les critères qui permettront d’unifier les informations relatives aux actes de violence contre le mouvement syndical en vue d’en saisir les organismes chargés d’enquêter et, par ce moyen, de soutenir les efforts d’enquête». S’agissant de la protection des syndicalistes, le gouvernement indique dans sa communication: «pour ce qui est des mesures de prévention des actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs, le gouvernement s’engage à poursuivre le programme de protection et à continuer d’y affecter les ressources nécessaires, et il signale que, quel que soit l’organe qui sera chargé de l’exécution des mesures de protection, la responsabilité du programme incombera toujours à l’Etat». La commission note également que la Fiscalía a déclaré à la mission qu’elle était disposée, avec les crédits supplémentaires mis à sa disposition par le gouvernement, à assurer les enquêtes concernant tous les faits allégués faisant l’objet du cas no 1787 actuellement en instance devant le Comité de la liberté syndicale (c’est-à-dire des 2 688 homicides survenus depuis 1986, auxquels la CUT se réfère).
En outre, la commission prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 1309 de 2009, au sujet de laquelle elle avait indiqué à la Commission de l’application des normes de la Conférence que: 1) le délai de prescription pour les actes répréhensibles d’homicide d’un membre d’une organisation syndicale légalement reconnue sera de trente ans; 2) sera considérée comme circonstance aggravante la qualité de membre d’une organisation syndicale ou de défenseur des droits de l’homme de la victime d’un homicide; 3) quiconque fera obstacle à une réunion licite ou à l’exercice des droits conférés par les lois du travail ou effectuera des représailles contre des actes de grève, de réunion ou d’association légitimes encourra une peine d’amende d’un montant correspondant à 100 ou 300 fois le salaire mensuel minimum légal; 4) la qualité de membre d’une organisation syndicale de la victime de menace ou d’intimidation entraînera un alourdissement de la peine d’un tiers. La commission note, en outre, avec intérêt que les autorités du ministère de l’Intérieur et de la Justice ont confirmé à la mission que le Fonds pour la réparation des victimes, créé par la loi no 975 de justice et paix, s’applique à l’égard des cas qui concernent des dirigeants syndicaux et des syndicalistes et que ce fonds s’occupe actuellement de 177 dirigeants syndicaux.
A nouveau, la commission note avec un profond regret les assassinats de syndicalistes et autres actes de violence commis contre cette catégorie depuis des années, ainsi que ceux qui sont survenus en 2009. Compte tenu de la gravité de la situation, la commission reconnaît les mesures prises dernièrement par le gouvernement sur le plan pratique et sur le plan législatif dans la lutte contre la violence en général et contre celle qui est dirigée contre le mouvement syndical, et elle prend note de la baisse du nombre des assassinats de syndicalistes et de la violence en général en 2009, par rapport à 2008. Elle espère que les nouvelles mesures permettront de réprimer efficacement la violence dirigée contre les syndicalistes et d’en punir les auteurs. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport tout fait nouveau à cet égard.
Questions en instance d’ordre législatif et pratique
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations de leur choix et s’affilier à de telles organisations. La commission se référait à l’utilisation des coopératives de travail associé en tant que formule contractuelle, pratique qui, selon les organisations syndicales, peut masquer une véritable relation d’emploi et qui est utilisée pour faire exécuter des fonctions et des tâches relevant des activités normales de l’entreprise de manière à éviter que les travailleurs concernés puissent constituer des syndicats ou s’y affilier. La commission avait pris note, dans son observation précédente, de l’approbation par le Congrès de la République, le 22 juillet 2008, de la loi no 1233 relative aux coopératives de travail associé, après des consultations approfondies des syndicats et des coopératives de travail associé, des centrales ouvrières, des syndicats de la production et du monde universitaire. Notant que cette loi se réfère aux «travailleurs» des coopératives, la commission avait rappelé dans ce contexte que, en vertu de l’article 2 de la convention, tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à de telles organisations. Elle note que le gouvernement indique dans son rapport, et a indiqué à la mission, que la nouvelle loi interdit d’utiliser les coopératives comme instrument d’engagement de main-d’œuvre et qu’elle confère à l’autorité administrative les pouvoirs de sanctionner de tels agissements. Les représentants de l’ANDI ont déclaré à la mission qu’à l’heure actuelle rien n’empêche les travailleurs des coopératives de constituer des syndicats et de les enregistrer et, d’ailleurs, que de tels syndicats existent dans ce secteur, au nombre desquels on peut citer SINTRACORTEROS. Les représentants des travailleurs ont déclaré à la mission qu’il y a une véritable prolifération de coopératives et que les travailleurs de ces coopératives ne peuvent pas exercer leur droit de se syndiquer ou de négocier collectivement. Compte tenu des versions contradictoires de la présentation des faits, la commission demande que le gouvernement envisage la possibilité de confier à un expert indépendant le soin d’une étude nationale sur l’application de la loi sur les coopératives et l’utilisation des coopératives en matière d’emploi, et le soin d’établir clairement si les travailleurs de ces coopératives peuvent ou non se syndiquer. Elle le prie de rendre compte à ce sujet dans son prochain rapport.
Droit de constituer des organisations sans autorisation préalable. Dans ses commentaires précédents, la commission se référait au refus opposé parfois par les autorités compétentes à une demande d’enregistrement d’une nouvelle organisation syndicale, d’enregistrement de nouveaux statuts ou d’enregistrement du Comité exécutif d’une organisation syndicale, sur des motifs ne rentrant pas dans le cadre des dispositions expresses de la législation. La commission avait demandé à ce titre que le gouvernement abroge la disposition de la résolution no 626 de février 2008 établissant, entre autres motifs de refus de l’inscription d’une organisation syndicale, le fait que cette organisation «a été constituée à des fins étrangères à celles qui découlent du droit fondamental d’association». A cet égard, la commission note avec intérêt que l’arrêt no 695 de 2008 de la Cour constitutionnelle proclame «les termes ‘la reconnaissance de la personnalité morale [du syndicat] interviendra par le fait de la simple inscription de l’acte de constitution’, contenue à l’article 39 de la Constitution, doit s’interpréter à la lumière du principe de la publicité en vertu duquel ladite reconnaissance ne réside pas dans l’attribution de la personnalité juridique au syndicat ni dans un acte déclaratif de son existence valable, émanant de l’Etat, mais dans le caractère opposable des effets juridiques qu’entraîne cette constitution par rapport à l’Etat en tant que tierce partie comprise dans toutes ses entités constitutives, à l’égard des signataires de la déclaration de volonté collective de constitution c’est-à-dire à l’égard des fondateurs du syndicat, et vis-à-vis de toutes les autres tierces parties et, parmi celles-ci en premier lieu l’employeur, a tenu compte de cette inscription. Par conséquent, étant donné que l’article 372, premier alinéa, du Code substantif du travail, remplacé par l’article 50 de la loi no 50 de 1990 et modifié expressément par l’article 6 de la loi no 584 de 2000, peut être interprété comme signifiant que l’inscription de l’acte de constitution du syndicat auprès du ministère de la Protection sociale est une condition nécessaire à l’existence ou à la validité du syndicat, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article 39 de la Constitution politique et à l’article 2 de la convention no 87 de l’OIT, qui fait partie intégrante de la constitutionnalité, la présente juridiction déclare que cette expression est légale de manière conditionnelle, par rapport aux arguments en litige, en ce sens que cette inscription ne constitue en soi que l’accomplissement de fonctions de publicité, sans que cela autorise le ministère concerné à exercer un contrôle préalable sur le contenu de l’acte de constitution».
La commission note également que le gouvernement signale que, en vertu de cet arrêt, la résolution no 626 de 2008 est inapplicable et qu’en conséquence le ministère de la Prévoyance sociale délivre immédiatement des documents qui contiennent la décision de fondation d’une organisation syndicale, d’un nouveau Comité exécutif ou des réformes des statuts d’un syndicat, sans exercer de contrôles préalables.
Article 3. Droit des organisations des travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action librement. La commission rappelle que, depuis un certain nombre d’années, elle se réfère à l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série d’activités qui ne constituent pas nécessairement des services essentiels (art. 430, alinéas b), d), f), g) et h); art. 450, paragr. 1(a) du Code du travail, loi fiscale no 633/00 et décrets nos 414 et 437 de 1952, 1543 de 1955, 1593 de 1959, 1167 de 1963, 57 et 534 de 1967, et à la possibilité de licencier des travailleurs qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque l’illégalité résultait de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission prend note à cet égard de l’arrêt en cassation de la Chambre du travail de la Cour suprême de justice du 3 juin 2009 (dossier no 40428) indiquant que la Cour constitutionnelle, dans tout cas concret qui lui sera soumis, examinera si l’activité en question, eu égard à son contenu matériel, constitue ou non un service essentiel. La Cour suprême déclare que «en accord avec la doctrine constitutionnelle, même lorsqu’il existe une définition dans la loi du caractère essentiel d’un service public, cela n’empêche pas que la cour puisse déterminer si, dans le cas dont il est saisi, l’activité peut effectivement être considérée comme un service public essentiel eu égard à son contenu matériel». Selon l’arrêt, «cela doit être le cas dans la mesure où l’article 56 de la Constitution ne peut attribuer au législateur une attribution absolue de telle sorte que le texte du niveau le plus élevé ou supra-légal se suffit à lui-même pour déterminer la question, sans que son esprit ou son objectif soit interprété en vertu des principes constitutionnels». La commission note qu’il est énoncé dans le cadre de cet arrêt que «on ne peut affirmer que les transports ferroviaires de marchandises puissent être considérés comme un service public essentiel».
Par ailleurs, la commission note que, dans une communication écrite, le gouvernement a indiqué à la mission qu’il était prêt à analyser dans un cadre tripartite, qui serait celui de la Commission nationale de concertation des politiques du travail et salariales, les divergences concernant la législation dont les organes de contrôle de l’OIT sont actuellement saisis. A cet égard, la commission constate que, en vertu de la loi no 1210 (qui modifie l’article 451 du Code substantif du travail), «le caractère légal ou illégal d’un arrêt collectif du travail sera déclaré en référé par l’instance judiciaire, et il ressort de l’arrêt mentionné au paragraphe précédent que c’est au pouvoir judiciaire qu’il appartient de déterminer quand un service est essentiel». Dans ces conditions, la commission exprime l’espoir que l’autorité judiciaire suprême tiendra compte des principes des organes de contrôle en matière de services essentiels, services dans lesquels la grève peut être interdite ou restreinte, et elle prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, toute évolution de la jurisprudence en la matière et de faire savoir s’il est prévu d’abroger ou de modifier les dispositions législatives en question.
Déclaration du caractère illégal d’une grève. Dans son observation précédente, la commission avait pris note de l’adoption de la loi no 1210 de 2008 modifiant l’article 451 du Code substantif du travail dans un sens tel que «le caractère légal ou illégal d’un arrêt collectif du travail sera déterminé en référé par l’instance judiciaire». La commission note que, suite à l’adoption de cette loi, la Cour constitutionnelle a rendu l’arrêt no C-349/09 et déclaré inapplicable (inconstitutionnel) le paragraphe 2 de l’article 1 de la loi no 1210, qui permet au Président de la République d’ordonner à tout moment, après avis favorable de la Chambre du travail de la Cour suprême de justice, la cessation d’une grève et la soumission du litige qui en est l’origine à un arbitrage si cette grève, en raison de sa nature, affecte de manière grave la santé, la sécurité, l’ordre public ou l’économie pour tout ou partie de la population.
Arbitrage obligatoire. Dans son observation précédente, la commission avait noté que la loi no 1210 modifie l’article 448, paragraphe 4, du Code substantif du travail et dispose que: 1) l’employeur et les travailleurs peuvent, dans un délai de trois jours, convenir d’un mécanisme d’accord, de conciliation ou d’arbitrage; 2) si les parties ne parviennent pas à un accord, la Commission de concertation des politiques salariales et du travail, d’office ou à la demande d’une partie, intervient et exerce ses bons offices pendant cinq jours au plus; 3) si une solution définitive n’a pas été trouvée au terme de ce délai, les deux parties demandent au ministère de la Protection sociale de saisir un tribunal d’arbitrage; et 4) les travailleurs sont tenus de reprendre le travail dans un délai de trois jours. La commission prend dûment note, à cet égard, du fait qu’un représentant gouvernemental a confirmé, devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, que la décision de soumettre le litige à un tribunal d’arbitrage doit émaner d’une demande des deux parties. La commission observe que cela a été confirmé à la mission qui s’est rendue dans le pays en octobre 2009.
Article 6. Restrictions imposées aux activités des fédérations et confédérations. La commission se réfère depuis de nombreuses années à l’interdiction faite aux fédérations et confédérations de déclarer la grève (article 417, alinéa i)) du Code du travail. Elle avait rappelé que les organisations de niveau supérieur doivent pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement, et elle avait demandé en conséquence que le gouvernement modifie cette disposition. La commission note que le gouvernement a fait savoir à la mission, dans une communication écrite, qu’il est disposé à analyser, dans un contexte tripartite qui serait celui de la Commission nationale de concertation des politiques salariales et du travail, les dispositions législatives litigieuses actuellement à l’examen des organes de contrôle de l’OIT. De même, la commission observe qu’en vertu de la loi no 1210 une grève déclenchée par une fédération ou une confédération ne pourrait être déclarée illégale que par l’autorité judiciaire. La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, tout fait nouveau concernant cette question.
La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de communiquer des informations concernant l’application dans la pratique du contrat syndical prévu aux articles 482 à 484 du Code du travail, et qui n’avait pas été utilisé récemment. La commission rappelle que le contrat syndical est un contrat unissant un ou plusieurs syndicats de travailleurs à un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs, en vue de la prestation de services ou de l’exécution d’une tâche par les membres de ce syndicat. La commission observe que, conformément à l’article 483, le syndicat des travailleurs ayant signé un contrat syndical doit répondre des obligations directes qui en découlent et répondre aussi des obligations de ces membres, sauf en cas de simple suspension du contrat, prévue par la loi ou la convention; le syndicat des travailleurs a également la personnalité morale pour exercer ses droits et les actions dont il est directement responsable, comme ceux et celles de ses membres. A cet effet, chacune des parties contractantes doit constituer une caution suffisante. Si cette caution n’a pas été constituée, il est entendu que chacune des parties répond des obligations qui lui incombent en recourant à son patrimoine. La commission prend note du décret no 657 du 3 mars 2006 qui réglemente les articles susmentionnés. A cet égard, la commission prie de nouveau le gouvernement de communiquer des informations concernant l’application pratique du contrat syndical (objet, responsabilités), d’indiquer le nombre de contrats de ce type qui ont été conclus et de transmettre, à titre d’exemple, copie de certains de ces contrats.
La commission prend note des commentaires sur l’application de la convention présentés par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), la Confédération générale des travailleurs (CGT) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) en date du 13 juin 2008; par la CGT, dans une communication du 19 août 2008; par la CTC, dans une communication du 22 août 2008; par la CUT, dans des communications des 28 janvier, 13 juin et 27 août; par la CUT et la CTC, conjointement, dans une communication du 31 août. Ces communications portent sur les questions que la commission examine, et en particulier les actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, actes qui comprennent: des assassinats, des enlèvements, des atteintes à la vie et des disparitions; la grave impunité qui entoure ces faits; l’utilisation des coopératives de travail associé, ou d’autres formes contractuelles, qui empêchent les travailleurs de constituer des syndicats ou de s’y affilier; le refus des autorités d’enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale de manière arbitraire, ainsi que l’interdiction de l’exercice du droit de grève dans certains services qui ne sont pas des services essentiels. Par ailleurs, la commission prend note des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 29 août 2008, lesquels sont en cours de traduction. La commission prend note de la réponse du gouvernement au sujet de la communication de la CUT du 28 janvier 2008. Elle demande au gouvernement d’adresser ses commentaires sur l’ensemble des commentaires adressés par les organisations syndicales.
La commission prend note des débats qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2008. Elle prend note aussi des rapports du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas en instance qui ont trait à la Colombie; ces rapports ont été adoptés aux sessions de mars, juin et novembre 2008 du Comité de la liberté syndicale.
Droits syndicaux et libertés civiles et politiques
La commission note que les commentaires de la CUT, de la CGT et de la CTC font état de l’augmentation du taux d’assassinats de dirigeants et de membres d’organisations syndicales en 2008, nombre qui s’élève à 10 dirigeants syndicaux et à 30 syndicalistes. Ces commentaires font état aussi d’un nombre accru de menaces de mort. Les centrales syndicales reconnaissent les efforts réalisés par le gouvernement pour garantir la sécurité des dirigeants et des membres de syndicats, mais estiment qu’ils ne sont pas suffisants. Les organisations syndicales soulignent de nouveau que le fait que le mouvement syndical est stigmatisé et considéré comme sympathisant des guérillas ou des mouvements d’extrême-gauche le rend gravement vulnérable.
A ce sujet, la commission note que, selon le gouvernement, en 2007, dans le cadre de son programme de protection de personnes menacées, il a pris des mesures représentant un montant de 13 millions de dollars sur un total de 40 millions. Ces mesures visaient à protéger les membres du mouvement syndical, lequel représente 20 pour cent des bénéficiaires. Pour 2008, le budget d’investissement est estimé à 45 millions de dollars et, en juin 2008, 1 466 syndicalistes en avaient bénéficié, soit 18 pour cent des bénéficiaires.
Le gouvernement ajoute ce qui suit: 1) les centrales syndicales ont été informées du fait que les commandants départementaux de la police sont tenus de présenter chaque mois des rapports au Département administratif de la sécurité, aux services du Procureur général de la Nation et aux dirigeants syndicaux sur la situation des risques et sur la protection des syndicalistes dans leurs juridictions; et 2) un mécanisme de «réseau virtuel» sera créé pour faire face en temps réel aux alertes de risques; il fonctionnera comme le mécanisme en place pour les maires et les conseillers municipaux.
A ce sujet, tout en se félicitant des mesures prises par le gouvernement et, en particulier, de l’augmentation des ressources destinées à la protection des dirigeants syndicaux et de leurs affiliés, la commission note avec une profonde préoccupation que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru. La commission insiste fermement sur la nécessité d’éliminer la violence afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer librement leurs activités. La commission prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la vie et à la sécurité des dirigeants syndicaux et des affiliés, afin de permettre l’exercice des droits garantis par la convention.
En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, la CUT, la CGT et la CTC reconnaissent les efforts déployés par les services du Procureur général de la Nation en vue de faire avancer les enquêtes relatives aux cas de violations graves des droits fondamentaux des syndicalistes mais elles insistent sur le fait que le pourcentage des cas dans lesquels les enquêtes ont abouti à une action en justice ou à une condamnation des responsables est infime. Les organisations syndicales soulignent aussi que l’on manque d’information sur l’état d’avancement des procès en ce qui concerne un grand nombre de plaintes ayant trait à des actes de violence à l’encontre de syndicats, et que les enquêtes ne sont pas menées systématiquement. Par ailleurs, les organisations syndicales déplorent que les juges de «décongestion» ne soient pas permanents.
La commission note que, à cet égard, le gouvernement indique que le budget général de la Nation de 2008 a autorisé le ministère public à accroître ses effectifs de 2 166 fonctionnaires, ce qui permettra à la sous-unité spéciale chargée des cas des syndicalistes de compter 19 magistrats (contre 13 auparavant). Le gouvernement ajoute qu’il continuera d’offrir des récompenses d’un montant allant jusqu’à 250 000 dollars des Etats-Unis pour les informations permettant d’arrêter les auteurs de crimes contre des syndicalistes. Par ailleurs, le gouvernement indique que la loi no 599 de 2000 dispose que l’assassinat de dirigeants syndicaux est un homicide aggravé, mais non celui de membres du mouvement syndical. Par conséquent, le gouvernement a présenté en juin 2008 à la législature le projet de loi no 308 qui vise à faire passer de 17 à 30 ans les peines d’emprisonnement pour homicide de membres de syndicats, et à infliger des amendes dont le montant peut atteindre 300 salaires minimums aux employeurs qui entravent la liberté syndicale. De plus, à la demande du gouvernement national, le Conseil supérieur de la magistrature, en vertu de l’accord du 25 juin 2008, a donné un caractère permanent aux trois juridictions de décongestion créées en juillet 2007. Ces instances ont eu pour tâche exclusive de se prononcer sur les cas de violation des droits des syndicalistes – en 2007, 44 sentences ont été prononcées et, en juillet 2008, on en comptait 24.
La commission prend note aussi de l’indication du gouvernement selon laquelle, au sein de la Commission interinstitutionnelle des droits fondamentaux des travailleurs, qui s’est réunie le 29 juillet 2008 et à laquelle ont participé des représentants des travailleurs, des employeurs, le gouvernement et le représentant du BIT en Colombie, un rapport mensuel a été présenté sur la protection des dirigeants syndicaux et des affiliés, et sur les cas d’impunité. Selon les services du Procureur général, sur un total de 117 jugements ayant abouti à une condamnation, il a été établi dans 21 jugements que le motif des actes de violence était l’activité syndicale de la victime. En vertu de ces 117 jugements, 192 personnes ont été condamnées et 128 privées de leur liberté. Sur ces 117 jugements, 115 ont été prononcés pendant le mandat du gouvernement actuel; 68 autres jugements ont été prononcés ces treize derniers mois grâce à la mise en place des tribunaux de décongestion. Sur les 192 condamnations, la responsabilité de l’autorité publique a été établie dans 15 cas, celle des Autodéfenses unies de Colombie dans 93 cas, celle de la guérilla dans 24 cas, celle d’un groupe hors-la-loi dans un cas et celle d’un syndicaliste dans un autre cas. Dans 56 cas, les faits étaient dus à des délits de droit commun et, dans deux, aux Aigles noirs, à savoir une bande récemment formée.
La commission note que, dans ses conclusions de 2008, la Commission de l’application des normes a pris note des efforts déployés par les services du Procureur général de la Nation pour progresser dans les enquêtes sur les graves violations des droits de l’homme perpétrées contre des syndicalistes, et de la désignation de trois juges chargés spécifiquement d’examiner les cas de violence contre les syndicalistes (juges «de décongestion»). Néanmoins, la Commission de l’application des normes s’est dite préoccupée par l’accroissement des actes de violence commis contre des syndicalistes pendant le premier semestre de 2008, et a demandé instamment au gouvernement de prendre de nouvelles mesures pour renforcer les mesures de protection en place, et améliorer et accélérer les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes.
La commission prend note des mesures prises par le gouvernement et des efforts qu’il déploie, efforts que les organisations syndicales reconnaissent, pour enquêter sur les violations des droits fondamentaux des syndicalistes. Toutefois, elle déplore que le nombre de condamnations prononcées continue de baisser et qu’un grand nombre d’enquêtes en est seulement au stade préliminaire. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de continuer de faire tout ce qui est en son pouvoir pour diligenter et faciliter toutes les enquêtes relatives aux actes de violence commis contre le mouvement syndical. Elle exprime le ferme espoir que les mesures récemment prises, à savoir la nomination de nouveaux magistrats et juges, permettront de faire reculer l’impunité, de faire la lumière sur les actes de violence commis contre les dirigeants syndicaux et les affiliés, et d’arrêter les responsables de ces actes. La commission relève la tâche effectuée par les juges de décongestion et exprime l’espoir qu’ils continueront d’exercer leurs fonctions.
Par ailleurs, la commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’application de la loi no 975 sur la justice et la paix, en particulier en ce qui concerne les cas relatifs aux dirigeants syndicaux et aux syndicalistes. La commission note que, selon les organisations syndicales, les paramilitaires qui se sont soumis au régime de la loi ont fourni très peu d’informations sur l’assassinat de syndicalistes et de dirigeants syndicaux. La commission prie de nouveau le gouvernement de communiquer les informations demandées.
Questions pratiques et législatives en suspens
La commission rappelle qu’elle formule des commentaires, certains depuis plusieurs années, sur les questions suivantes.
Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations et de s’y affilier. La commission s’était référée à l’utilisation de diverses modalités contractuelles de travail telles que les coopératives de travail associé, les contrats de prestation de services et les contrats civils ou commerciaux, qui impliquent de véritables relations de travail et qui servent à effectuer des fonctions et des tâches s’inscrivant dans le cadre des activités normales de l’entité; en vertu de ces modalités de travail, les travailleurs ne sont pas autorisés à constituer des syndicats ou à y adhérer. A ce sujet, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de l’article 2 de la convention, afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent bénéficier du droit de constituer des organisations ou de celui de s’y affilier. La commission prend note de l’information du gouvernement relative à la réglementation applicable aux entreprises de services temporaires et aux coopératives. En particulier, la commission note que le gouvernement fait état de l’approbation par le Congrès de la République, le 22 juillet 2008, de la loi no 1233 relative aux coopératives de travail associé, après des consultations approfondies des syndicats des coopératives de travail associé, des centrales ouvrières, des syndicats de la production et du monde universitaire. Cette loi réglemente les activités des coopératives de travail associé et du sous-traitant, et les compétences en matière de sanctions de la surintendance de l’économie solidaire et du ministère de la Protection sociale. Selon le gouvernement, les points essentiels de la loi sont, entre autres, les suivants: 1) la loi dispose que le salaire minimum est la base de la rémunération ordinaire et que les cotisations à la sécurité sociale, à la couverture des risques professionnels, à la pension et aux caisses d’indemnisation sont obligatoires; 2) les intermédiaires du travail sont interdits et, lorsque le cas se produit, la responsabilité patronale s’applique à la coopérative et au sous-traitant; 3) la loi établit un code d’autogouvernement pour les syndicats des coopératives et pour que les syndicats des coopératives s’engagent vis-à-vis des principes de l’OIT et de l’Association internationale des coopératives. La commission note qu’il ressort de la lecture de la loi que: 1) l’article 3 fixe la rémunération mensuelle ordinaire en fonction des tâches effectuées, du rendement et de la quantité de travail réalisé par le «travailleur associé»; 2) l’article 9 porte sur les travailleurs qui fournissent des services dans les coopératives ou précoopératives de travail associé; 3) en vertu de l’article 12, l’objet social des coopératives et précoopératives est de créer en autogestion des emplois et de les conserver pour les associés, dans des conditions d’autonomie, d’autodétermination et d’autogouvernement; 4) le second paragraphe de l’article 12 établit que les coopératives de travail associé dont l’activité est la prestation de services aux secteurs de la santé, des transports, de la surveillance, de la sécurité privée et de l’éducation doivent se spécialiser dans leurs branches d’activité respectives; et 5) les corporations des coopératives auxquelles la loi se réfère ne sont pas des entités syndicales. Notant que la loi mentionne les «travailleurs» des coopératives, la commission rappelle qu’en vertu de l’article 2 de la convention tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier. La commission rappelle aussi que le critère pour déterminer quelles personnes sont couvertes par ce droit ne se fonde par sur l’existence d’un lien de travail avec un employeur et que la notion de travailleur comprend non seulement les travailleurs dépendants mais aussi les travailleurs indépendants ou autonomes. En ce sens, la commission estime que les travailleurs associés en coopératives devraient pouvoir constituer les organisations syndicales de leur choix et s’y affilier. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir expressément que tous les travailleurs sans distinction, y compris les travailleurs des coopératives et les travailleurs relevant d’autres modalités contractuelles, indépendamment de l’existence ou non d’un lien de travail, bénéficient des garanties prévues dans la convention.
Droit de constituer des organisations sans autorisation préalable. Dans ses commentaires précédents, la commission avait fait mention du refus, arbitraire et discrétionnaire, des autorités d’enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale, pour des motifs qui vont au-delà de ceux prévus expressément dans la législation. La commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la disposition du décret no 1651 de 2007 qui établissait que l’un des motifs pouvant entrainer le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale était le cas dans lequel l’organisation syndicale n’a pas été formée dans le but de garantir le droit fondamental d’association mais dans celui d’assurer la stabilité de l’emploi. La commission avait aussi demandé au gouvernement de procéder sans retard injustifié à l’enregistrement de nouvelles organisations ou de comités exécutifs ainsi qu’à celui de modifications des statuts. La commission note que le gouvernement indique que, en vertu du Code du travail, les motifs de refus de l’enregistrement syndical sont stricts et que la décision du ministère de la Protection sociale de ne pas inscrire un syndicat lorsqu’il ne satisfait pas aux conditions juridiques requises n’est pas discrétionnaire. De plus, cette décision, dans le cas où elle est prise, doit figurer dans un document administratif, motivé et argumenté, qui permettra d’intenter les recours administratifs et judiciaires. La commission note néanmoins que, en vertu de la résolution no 626 de février 2008, la résolution susmentionnée no 1651 a été abrogée mais que l’article 2 établit, entre autres causes pour lesquelles le fonctionnaire compétent peut refuser l’inscription au registre syndical, que l’organisation syndicale a été constituée à des fins différentes de celles qui découlent du droit fondamental d’association. A ce sujet, la commission rappelle de nouveau que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable des autorités publiques, et que les réglementations nationales concernant la constitution des organisations ne sont donc pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition cependant qu’elles n’équivalent pas à une autorisation préalable, ou qu’elles constituent un obstacle tel qu’elles aboutissent en fait à une interdiction pure et simple (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 68 et 69). La commission estime que l’autorité administrative ne devrait pas pouvoir refuser l’inscription au registre d’une organisation au seul motif qu’elle estime que cette organisation pourrait déployer des activités qui, tout en étant conformes à la loi, pourraient dépasser le cadre des activités syndicales normales. Dans ces conditions, la commission demande de nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger la disposition de la résolution no 626 de février 2008 qui établit que l’un des motifs de refus de l’inscription au registre d’une organisation syndicale est le fait que l’organisation syndicale a été constituée à des fins différentes de celles qui découlent du droit fondamental d’association. La commission prie aussi le gouvernement de procéder sans délai injustifié à l’enregistrement de nouvelles organisations ou de comités exécutifs, ainsi qu’à celui de modifications des statuts.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission s’était aussi référée à l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 b), d), f), g) et h); art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail, loi fiscale no 633/00 et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967), et à la possibilité de licencier les travailleurs qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque l’illégalité résulte de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission avait demandé au gouvernement de modifier ces dispositions, dans le cadre d’un projet de loi que le Congrès examinait et qui prévoyait certaines modifications au Code du travail. La commission avait aussi invité le gouvernement à solliciter l’assistance technique du Bureau. A ce sujet, la commission note que le gouvernement indique ce qui suit: 1) lorsqu’il examine les intérêts faisant l’objet d’un différend, afin de définir les services publics essentiels, le législateur doit partir de bases sérieuses, objectives et raisonnables, afin que la réglementation correspondante concilie le respect des droits fondamentaux des usagers et le droit de grève des travailleurs; 2) la Constitution reconnaît le droit de grève mais celui-ci n’est pas absolu; 3) en vertu de la loi no 1210 du 14 juillet 2008, la Commission tripartite permanente de concertation sur les politiques salariales et du travail doit présenter un rapport dans un délai de six mois sur les projets qu’elle a présentés et qui ont trait aux articles 55 (négociation collective) et 56 (grève et services essentiels) de la Constitution. La commission demande au gouvernement d’indiquer tout progrès réalisé en vue de modifier la législation en ce qui concerne la gamme très ample de services dans lesquels, parce qu’ils sont considérés comme essentiels, la grève est interdite, et l’article 450, paragraphe 2, en vertu duquel peuvent être licenciés les travailleurs qui ont participé à une grève dans ces services.
Déclaration d’illégalité de la grève. La commission avait pris note de l’élaboration d’un projet de loi en vertu duquel l’organe compétent pour déclarer l’illégalité de la grève ne serait plus le ministère de la Protection sociale mais l’autorité judiciaire. La commission note avec satisfaction que la loi no 1210 modifie l’article 451 du Code du travail et que, dorénavant, la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure préférentielle.
Arbitrage obligatoire. La commission s’était référée à la faculté du ministère du Travail de soumettre le différend à un arbitrage obligatoire lorsque la grève dépasse une certaine durée – 60 jours – (art. 448, paragr. 4 du Code du travail). La commission avait pris note d’un projet de loi qui modifiait cet article et qui établissait que, s’il est impossible de parvenir à une solution définitive, une des parties ou les deux peuvent demander au ministère de la Protection sociale de saisir un tribunal d’arbitrage. La commission note que la loi no 1210 modifie l’article 448, paragraphe 4, du Code du travail et établit ce qui suit: 1) l’employeur et les travailleurs peuvent, dans un délai de trois jours, convenir d’un mécanisme d’accord, de conciliation ou d’arbitrage; 2) si les parties ne parviennent pas à un accord, la Commission de concertation des politiques salariales et du travail, d’office ou à la demande d’une partie, intervient et exerce ses bons offices pendant cinq jours au plus; 3) si une solution définitive n’a pas été trouvée au terme de ce délai, les deux parties demandent au ministère de la Protection sociale de saisir un tribunal d’arbitrage; et 4) les travailleurs sont tenus de reprendre le travail dans un délai de trois jours. A ce sujet, la commission estime que, sauf dans les services essentiels au sens strict du terme, ou en ce qui concerne les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, saisir le tribunal d’arbitrage ne devrait être possible que si les deux parties le décident d’un commun accord et volontairement. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier dans ce sens l’article 448, paragraphe 4, du Code du travail.
Article 6. Restrictions imposées aux activités des fédérations et confédérations. La commission s’était référée à l’interdiction imposée aux fédérations et confédérations de déclarer une grève (art. 417, alinéa i), du Code du travail). La commission avait rappelé que les organisations de niveau supérieur doivent pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. La commission avait demandé au gouvernement de modifier cette disposition. La commission note que, selon le gouvernement, les fédérations et confédérations ne peuvent pas être assimilées aux organisations du premier degré étant donné que ceux qui ont un intérêt juridique dans la négociation collective sont les travailleurs affiliés à des organisations syndicales en place dans l’entreprise, l’industrie ou une branche d’activité économique, et les employeurs auxquels un cahier de revendications a été soumis. Le gouvernement précise que si les fédérations et les confédérations n’ont pas d’intérêt juridique dans la négociation collective, alors elles ont encore bien moins d’intérêt dans la grève. A cet égard, la commission rappelle qu’en vertu de l’article 6 de la convention les garanties reconnues aux organisations de base s’étendent également aux organisations de niveau supérieur. En effet, pour mieux défendre les intérêts de leurs mandants, les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations de leur choix, qui devraient elles-mêmes jouir des divers droits reconnus aux organisations de base, notamment en ce qui concerne la liberté de fonctionnement, d’activités et de programmes d’action (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 195 et 198). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 417, alinéa i), du Code du travail afin de ne pas interdire le droit de grève aux fédérations et confédérations.
Notant qu’elle formule des commentaires à ce sujet depuis de nombreuses années, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra sans délai les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives en question afin de les rendre conformes à la convention. La commission demande au gouvernement d’indiquer toute mesure prise à cet égard.
La commission adresse au gouvernement une demande directe sur un autre point.
La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de transmettre des informations sur l’application pratique du contrat syndical prévu aux articles 482 à 484 du Code du travail et que celui-ci n’avait pas été utilisé jusqu’à une date récente. La commission rappelle que le contrat syndical est un contrat unissant un ou plusieurs syndicats de travailleurs à un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs, en vue de la prestation de services ou de l’exécution d’une tâche par les membres de ce syndicat. La commission observe que, conformément à l’article 483, le syndicat de travailleurs ayant signé un contrat syndical doit répondre aux obligations directes qui en découlent et répondre également aux obligations relevant de ses membres, sauf en cas de simple suspension du contrat, prévus par la loi ou la convention; il a également la personnalité morale pour exercer les droits et les actions qui lui incombent directement, comme ceux et celles qui incombent à ses membres. A cet effet, chacune des parties contractantes doit constituer une caution suffisante. Si cette caution n’a pas été constituée, il est entendu que chacune des parties répond des obligations qui lui incombent sur son patrimoine. La commission observe que le gouvernement n’a pas envoyé ses observations à ce sujet. Dans ces conditions, la commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer des informations concernant l’application pratique du contrat syndical (objet, responsabilités), indiquant la quantité de contrats de ce type qui ont été signés et de transmettre, à titre d’exemple, copie de certains de ces contrats.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note également de la communication du ministre de la Protection sociale adressée au Directeur général du BIT, lue au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2007, dans laquelle il affirme à nouveau son engagement envers l’accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie, signé à Genève le 1er juin 2006 par le gouvernement et les représentants des employeurs et des travailleurs. Le ministère fait part de sa volonté de renforcer l’application de cet accord. La commission prend note également de la réponse du Directeur général indiquant que le Bureau fera tout son possible pour soutenir l’application effective des mesures énoncées et, dans ce sens, il propose d’envoyer une mission de haut niveau du Bureau international du Travail dans le but d’identifier les nouveaux besoins en vue de garantir l’application effective de l’accord tripartite et du programme de coopération technique. La commission prend également note des nombreux cas concernant la Colombie en instance devant le Comité de la liberté syndicale.
La commission prend note également des commentaires présentés au sujet de l’application de la convention par la Confédération syndicale internationale (CSI), en date du 28 août 2007, ainsi que des commentaires de la Confédération générale du travail (CGT), de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et de la Confédération des pensionnaires de Colombie (CPC), par une communication en date du 28 mai 2007, et de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), en date du 31 août 2007, portant sur les questions examinées par la commission, en particulier sur les actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, entraînant assassinats, séquestrations, attentats contre la vie, disparitions; le manque grave de sanctions qui entourent ces faits; l’utilisation des coopératives de travail associé qui implique l’impossibilité pour les travailleurs de former des syndicats ou d’en devenir membres; le refus d’enregistrer de nouvelles organisations syndicales ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale de manière arbitraire, ainsi que l’interdiction de l’exercice du droit de grève dans certains services qui ne sont pas uniquement des services essentiels.
Situation de violence et impunité
La commission prend note que, en ce qui concerne les actes de violence commis envers des dirigeants ou des membres d’organisations syndicales, la CSI signale que la majorité de ces actes perpétrés contre les syndicalistes sont liés à des conflits au travail. Elle déclare à nouveau le fait que les groupes paramilitaires stigmatisent le mouvement syndical comme étant sympathisant des guérillas ou des mouvements d’extrême gauche le rend très vulnérable. Selon la CSI, les efforts réalisés par le gouvernement pour assurer la sécurité des dirigeants syndicaux et des affiliés ne sont pas suffisants. Ainsi, en 2006, 78 assassinats de syndicalistes ont été enregistrés, le secteur de l’enseignement étant le plus touché puisque 49 syndicalistes de ce secteur ont été assassinés. La CSI mentionne également les nombreuses menaces et les nombreux attentats. Quant aux centrales syndicales colombiennes, elles font état d’une situation récurrente de violence antisyndicale, à laquelle participeraient, selon elles, quelques institutions étatiques associées à des groupes paramilitaires et à des narcotrafiquants, responsables de l’assassinat de nombreux dirigeants syndicaux reconnus. Selon les centrales, dans la majorité des cas, ces assassinats incombent aux groupes paramilitaires. Selon la CSI, les guérillas ont pris elles aussi, bien que dans une moindre mesure, une part importante aux actes de violence contre les syndicalistes.
La commission prend note du fait que, à ce sujet, le gouvernement se réfère aux mesures de protection adoptées dans le cadre du programme de protection établi en 1997. Il ajoute que le budget accordé à ce programme a été chaque année augmenté. Le gouvernement énumère en détail la quantité de mesures de protection prévus et signale qu’actuellement 25,25 pour cent de la protection assurée est consacrée exclusivement au mouvement syndical, en vue du financement, entre autres moyens de protection, du blindage des sièges des syndicats, de services d’escorte, d’autos blindées et de gilets pare-balles. Le gouvernement ajoute qu’il a mis au point une politique de défense et de sécurité démocratique visant à protéger de manière efficace les droits des citoyens colombiens. Selon lui, cette politique fonctionne en coordination avec toutes les entités du gouvernement et a permis la réduction du nombre d’homicides, y compris ceux dont sont victimes les syndicalistes. Tenant compte du fait que le secteur de l’enseignement est le plus touché par les assassinats, le gouvernement signale que, en liaison avec la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE), un groupe de travail national d’enseignants menacés a été formé, auquel participent les ministères de la Protection sociale, de l’Education nationale, de l’Intérieur et de la Justice, ainsi que la police nationale et les participants au Programme présidentiel des droits de l’homme. Ce programme a permis l’affectation de nombreux enseignants à d’autres postes. Après avoir indiqué que, au cours de l’année 2007, 18 assassinats ont été commis, le gouvernement renouvelle sa volonté de réduire ce chiffre à zéro.
A cet égard, la commission se dit préoccupée du fait que les syndicalistes continuent à être victimes de graves actes de violence à cause de leur affiliation. La commission note que le gouvernement a fourni des efforts significatifs pour assurer la protection des dirigeants syndicaux, des affiliés ou des sièges des syndicats. La commission observe néanmoins que le nombre de personnes protégées a diminué et considère que la protection doit être renforcée. Tout en rappelant une nouvelle fois qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 26) et que c’est seulement dans un climat exempt de violence que les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent exercer librement et véritablement leur activité, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la vie et à la sécurité des dirigeants syndicaux et des affiliés, afin de permettre l’exercice des droits garantis par la convention. S’agissant en particulier des mesures de protection, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour accorder à tous les syndicalistes qui en font la demande les moyens de protection suffisants et pour que les syndicalistes puissent avoir confiance dans ces mesures.
S’agissant de la lutte contre l’impunité, les centrales syndicales colombiennes reconnaissent les efforts déployés par la «Fiscalía General de la Nación» (Bureau du Procureur général de la nation) en vue de faire progresser les enquêtes relatives aux cas de violation graves des droits humains des syndicalistes. Elle souligne cependant que le pourcentage de cas où les enquêtes ont conduit à une action en justice ou à une condamnation des responsables est infime.
La commission note à cet égard que le gouvernement signale que, dans le cadre du compromis inscrit dans l’accord tripartite, le 15 septembre 2006 a été signée entre le gouvernement et la «Fiscalía General de la Nación» la convention interadministrative no 15406 destinée à encourager les enquêtes dans les cas de non-respect des droits de l’homme des syndicalistes, dont les objectifs sont les suivants: 1) mettre au point des stratégies visant à faire toute la lumière sur les faits; 2) identifier et condamner les auteurs et les participants de ces actes de violation; 3) prévenir les délits commis à l’encontre des droits humains des syndicalistes en adoptant les plans et programmes interinstitutionnels, nationaux et locaux qui s’imposent. Pour ce faire, la «Fiscalía» a nommé 13 magistrats instructeurs accompagnés de leur groupe d’enquêteurs respectif appartenant à la police judiciaire et au service technique d’enquêtes et composé de 78 personnes, plus 24 avocats chargés de l’instruction des enquêtes. Celles-ci portent en particulier sur les assassinats dénoncés dans le cadre du cas no 1787 en instance devant le Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement ajoute que le Conseil supérieur de la magistrature a désigné trois juges spécialisés dans l’examen des cas signalés par la «Fiscalía». Le gouvernement a envoyé une liste exhaustive d’enquêtes (48) ayant conduit à la condamnation des responsables des actes de violence contre des dirigeants syndicaux. Ces condamnations ont été prononcées entre juin 2002 et début 2007.
Tout en observant que le nombre de condamnations effectives prononcées depuis 2002 continue à être faible, la commission prend note des efforts accomplis par le gouvernement, que les organisations syndicales ne peuvent que reconnaître, en vue de traiter les enquêtes relatives à des cas de violation des droits humains des syndicalistes. Dans ces conditions, la commission demande au gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures possibles pour faire avancer les enquêtes menées contre des actes de violence à l’encontre du mouvement syndical. Elle exprime le ferme espoir que les mesures récemment adoptées concernant la nomination de nouveaux magistrats instructeurs et de nouveaux juges permettront de réduire la situation d’impunité et de faire toute la lumière sur les actes de violence commis contre les dirigeants syndicaux et les membres syndicaux ainsi que l’arrestation des responsables de ces actes.
Par ailleurs, la commission rappelle qu’elle avait prié le gouvernement de la tenir informée de l’application de la loi no 975 sur la justice et la paix, en particulier en ce qui concerne les cas relatifs aux dirigeants syndicaux et aux syndicalistes. A cet égard, la commission prend note du fait que la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur les recours présentés contre cette loi et l’a déclarée applicable, tout en affirmant que certains de ses articles étaient inapplicables et inconstitutionnels. La commission relève que le gouvernement n’a pas communiqué les observations qu’elle avait demandées. Elle renouvelle donc sa demande sur ce point.
La commission rappelle les commentaires qu’elle a formulés, certains depuis plusieurs années, sur les questions suivantes:
– L’utilisation de diverses modalités contractuelles de travail telles que les coopératives de travail associé, les contrats de prestations de service et les contrats civils ou commerciaux, qui impliquent de véritables relations de travail et qui servent à effectuer des fonctions et des tâches s’inscrivant dans le cadre des activités normales de l’entité, en vertu desquelles les travailleurs ne sont pas autorisés à constituer des syndicats ou à y adhérer. La commission prend note du fait que le gouvernement signale que: a) le décret no 4588 de 2006, qui a été promulgué, prévoit que les coopératives ne peuvent être utilisées comme intermédiaires du travail et leur utilisation injustifiée, semblable aux activités des entreprises de service temporaire, prive les travailleurs des garanties du Code du travail. Le gouvernement signale aussi que la circulaire no 0036 de 2007 définit la portée de ce décret; b) la «Superintendencia de Economía solidaria» (Direction générale de l’économie solidaire) est l’entité compétente chargée d’enquêter et de sanctionner toute déviation de l’objet social des coopératives de travail associé, le ministère de la Protection sociale déterminant, quant à lui, le moment où l’intermédiation du travail s’exerce et définissant les cas où les normes de sécurité sociale intégrée sont respectées; et c) la «Unidad Especial de Inspección y Vigilancia y Control de Trabajo» (Unité spéciale d’inspection, de surveillance et de contrôle du travail) a effectué 1 067 visites dans des coopératives de travail associé, 961 d’entre elles ayant donné lieu à des enquêtes qui ont entraîné des sanctions imposées à 118 coopératives de travail associé pour utilisation injustifiée de ces dernières dans le cadre de l’intermédiation du travail. A cet égard, la commission rappelle que l’article 2 de la convention prévoit que les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations. Dans ce sens, la commission rappelle que, lorsque les travailleurs des coopératives ou d’autres types de contrats civils ou commerciaux doivent effectuer des tâches qui s’inscrivent, en termes de subordination, dans le cadre normal des activités de l’entité, ils doivent être considérés comme des salariés employés dans le cadre d’une véritable relation de travail et doivent donc bénéficier du droit à l’affiliation syndicale. En conséquence, la commission prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de l’article 2 de la convention, de sorte que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent bénéficier du droit de constituer des organisations ou de celui de s’affilier à ces organisations.
– Le refus d’inscrire de nouvelles organisations syndicales, les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale de manière arbitraire et discrétionnaire, pour des motifs qui vont au-delà des dispositions prévues expressément dans la législation. La commission prend note du fait que le gouvernement fait part de l’entrée en vigueur de la résolution no 1651 de 2007, qui modifie les articles 2, 3 et 5 de la résolution no 1875 de 2002, dans le but d’accélérer le processus d’enregistrement des organisations syndicales. A la lecture du décret no 1651 de 2007, la commission observe que l’un des motifs pouvant entraîner le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale est le suivant: si l’organisation syndicale n’a pas été formée dans le but de garantir le droit fondamental d’association mais plutôt pour assurer la stabilité au travail. A cet égard, la commission rappelle que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations «sans autorisation préalable» des autorités publiques et que les réglementations nationales concernant la constitution des organisations ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition cependant qu’elles n’équivalent pas à une autorisation préalable ou qu’elles ne constituent pas un obstacle tel qu’elles aboutissent en fait à une interdiction pure et simple (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 68 et 69). La commission estime en outre que l’autorité administrative ne doit pas avoir le pouvoir de refuser l’enregistrement d’une organisation pour le seul motif que, d’après elle, cette organisation risque d’avoir des activités susceptibles de dépasser les activités syndicales normales ou qu’elles ne pourraient pas être en mesure d’assurer ses fonctions. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la disposition en question du décret no 1651 de 2007 et pour veiller à ce que l’autorité administrative ne bénéficie pas de pouvoirs discrétionnaires contraires à l’article 2 de la convention, et de procéder sans retard injustifié à l’enregistrement de nouvelles organisations ou de comités exécutifs, ainsi qu’aux modifications des statuts.
– L’interdiction imposée aux fédérations et confédérations de déclarer une grève (art. 417 i) du Code du travail). Une fois de plus, la commission rappelle que les organisations de niveau supérieur doivent pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de la modification de l’article 417 i) du Code du travail.
– L’interdiction de la grève, non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 b) relatif aux transports, d), f), g) et h); art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967), et la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus ou qui ont participé à une grève illégale (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque l’illégalité résulte de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission prend note du fait que le gouvernement reconnaît que l’article 430 n’est pas conforme aux dispositions de la convention et insiste sur le fait que le ministère n’a qu’à de rares occasions déclaré des grèves illégales et que cette décision est actuellement à l’étude auprès du Conseil d’Etat. De plus, la commission note avec intérêt que le gouvernement a envoyé copie d’un projet de loi soumis au Congrès de la république qui prévoit que l’illégalité d’une suspension ou d’accord collectif de travail sera déclarée par le juge du travail. Compte tenu du fait que le gouvernement reconnaît la nécessité de modifier certaines de ces dispositions, et qu’il a présenté un projet de loi au Congrès qui prévoit certaines modifications au Code du travail, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre à profit ce projet pour modifier la totalité des dispositions légales dont il est question et l’invite à solliciter l’assistance technique du Bureau.
– La capacité du ministère du Travail de soumettre le différend à une décision arbitrale lorsqu’une grève se prolonge au-delà d’une certaine période – soixante jours (art. 448(4) du Code du travail). La commission prend bonne note du fait que le gouvernement informe de la soumission du Congrès de la République d’un projet de loi qui prévoit une modification de cet article, disposant que les parties peuvent convenir d’un mécanisme de conciliation ou d’arbitrage pour mettre fin aux différends, ainsi que du fait que l’intervention de la sous-commission de la Commission de concertation des politiques salariales et du travail. Cependant, la commission observe que le projet prévoit que, si une solution définitive ne peut être trouvée, les parties ou l’une d’entre elles sollicitera le ministère de la Protection sociale de convoquer un tribunal arbitral. La commission rappelle que, à l’exception des cas où les parties le sollicitent, l’arbitrage obligatoire pour mettre un terme à une grève n’est acceptable que dans les cas où cette grève peut être limitée, voire interdite, c’est-à-dire dans les cas de conflits au sein de la fonction publique touchant des fonctionnaires qui exercent leur fonction d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en péril la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette disposition en tenant compte du principe mentionné.
Rappelant qu’elle formule ces commentaires depuis de nombreuses années, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires sans délai pour modifier les dispositions législatives visées afin d’en assurer la conformité avec la convention. La commission espère également que la mission de haut niveau réalisée en novembre 2007 permettra d’assister utilement le gouvernement dans ses efforts pour mettre en œuvre la convention. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de toute évolution survenue à cet égard.
La commission adresse directement au gouvernement une demande concernant d’autres points.
La commission prend note de l’accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie que le gouvernement et les représentants des travailleurs et des employeurs ont conclu à Genève le 1er juin 2006, dans le cadre de la session de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. La commission prend aussi note des observations du gouvernement à propos des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération mondiale du travail (CMT), des 31 août et 7 septembre 2005, et par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) en date des 7 et 14 juin, 31 août et 7 septembre 2005, qui se réfèrent aux questions que la commission a soulevées dans son observation de 2005.
La commission prend aussi note des rapports du Comité de la liberté syndicale, adoptés aux sessions de mars, juin et novembre 2006, qui portent sur les différents cas en instance ayant trait à la Colombie. En particulier, la commission prend note du cas no 1787 qui porte sur des actes de violences à l’encontre de dirigeants syndicaux et de membres d’organisations syndicales (entre autres, assassinats, enlèvements, attentats contre la vie, disparitions et situation d’impunité dans le pays).
La commission prend également note des commentaires de la CISL du 10 août 2006 et des commentaires conjoints de la CUT, de la CGT, de la CTC et de la Confédération des pensionnaires de Colombie (CPC), en date du 16 juin 2006, qui portent sur des questions en instance ayant trait à la législation et à l’application pratique de la convention. Ces questions sont en cours d’examen. Les commentaires susmentionnés portent aussi sur des actes de violence commis à l’encontre de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats, et sur la gravité de la situation d’impunité dans le pays. A ce sujet, la CISL indique qu’en 2005 on a enregistré 70 assassinats, 260 menaces de mort, 56 détentions arbitraires, sept attentats, trois disparitions et huit déplacements. La commission rappelle l’interdépendance qui existe entre les libertés publiques et les droits syndicaux, qui souligne ainsi l’idée qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 26). Elle rappelle aussi que les organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent exercer librement et significativement leurs activités que dans un climat exempt de violence. La commission demande au gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.
Enfin, à propos des commentaires de l’Union des travailleurs du secteur du transport maritime et fluvial (UNIMAR) du 30 mai 2006, qui portent sur une situation de liquidation de compagnie qui est menée sans tenir compte de l’immunité syndicale des travailleurs, la commission invite les organisations concernées et le gouvernement, dans le cadre de l’accord tripartite qui a été récemment conclu et qui prévoit notamment de convoquer la Commission nationale de concertation sur les politiques salariales et du travail, à envisager la possibilité de trouver une solution au conflit.
La commission se propose d’examiner, dans le cadre du cycle régulier de soumission des rapports, à sa prochaine session de novembre-décembre 2007 l’ensemble des questions ayant trait à la législation et à l’application dans la pratique de la convention qui sont mentionnées dans son observation précédente (voir observation de 2005, 76e session).
La commission espère que l’accord tripartite récemment adopté sera mis en œuvre dans un futur proche et que, dans le cadre de cet accord, les sérieux problèmes relatifs à la liberté syndicale, mis en relief par la commission depuis des années, seront abordés.
La commission prend note de l’application récente des articles 482 à 484 du Code substantif du travail qui concernent le contrat syndical. Elle relève qu’il s’agit d’un contrat conclu entre un ou plusieurs syndicats de travailleurs et un ou plusieurs employeurs ou organisations d’employeurs en vue de confier aux syndiqués la prestation de services ou l’exécution de tâches. La commission relève que, aux termes de l’article 483, le syndicat des travailleurs qui a passé un contrat syndical assure le respect des obligations qui découlent directement du contrat et des obligations qui concernent ses membres, sauf dans les cas de suspension simple du contrat prévus par la loi ou la convention, et possède la personnalité juridique pour exercer des droits et mener des actions en son nom et au nom de chacun de ses membres. A cette fin, chaque partie contractante doit constituer une caution suffisante, sinon elle répond sur son patrimoine de ses obligations propres. D’après les commentaires formulés par les organisations syndicales, celles-ci sont opposées à l’application de ce type de contrat. La commission note que la visite tripartite de haut niveau a permis à ses participants de se rendre dans une entreprise qui applique un contrat syndical; la visite de cette entreprise a soulevé de nombreuses questions et les participants ont estimé qu’il était nécessaire d’approfondir le sujet. La commission prie le gouvernement de transmettre des informations sur l’application pratique du contrat syndical (objet, responsabilités), d’indiquer combien de contrats de ce type ont été passés et de lui communiquer des exemplaires de ces contrats.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note des débats qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2005, où il a été décidé d’effectuer une visite tripartite de haut niveau en réponse à une invitation du gouvernement colombien adressée au président du Comité de la liberté syndicale et aux vice-présidents employeur et travailleur de la Commission de l’application des normes. La commission prend note du rapport établi après la visite tripartite et des rapports du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas en instance qui concernent la Colombie; le comité a adopté ces rapports lors des réunions de mars, de juin et de novembre 2005.
La commission prend note des commentaires sur l’application de la convention formulés par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocrates (CGTD), la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et la Confédération des travailleurs retraités de Colombie (CPC) qui ont transmis des communications datées des 7 et 14 juin et des 2 et 7 septembre 2005. La CTC a également fait parvenir une communication datée du 31 août 2005. Le Syndicat des électriciens de Colombie (SINTRAELECOL) a transmis ses commentaires par une communication datée du 20 septembre 2005, et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé une communication datée du 31 août 2005. La Confédération mondiale du travail (CMT) et la CISL ont présenté ensemble des commentaires dans une communication du 30 août 2005.
La commission relève que les organisations mentionnent des actes de violence visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes (assassinats, séquestrations, tentatives d’assassinat, disparitions) et commis en toute impunité. Les organisations indiquent que divers types de contrats sont utilisés (contrats de coopératives de travail associé, contrats de prestations de services, contrats civils ou commerciaux) pour accomplir les tâches courantes de l’entité, et que ces contrats empêchent les travailleurs de constituer des syndicats ou de s’y affilier. Elles indiquent aussi que certaines entités publiques sont restructurées puis supprimées et recréées afin d’éliminer les syndicats. Enfin, elles font état d’un refus arbitraire d’inscrire de nouvelles organisations syndicales, ou d’enregistrer les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale, et indiquent que l’employeur peut intenter des recours pour empêcher l’inscription de nouveaux syndicats, et que l’exercice du droit de grève est interdit dans certains services qui ne sont pas uniquement des services essentiels.
S’agissant des actes de violence qui visent les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle d’importants moyens financiers, structurels et humains ont été mobilisés pour faire face aux groupes armés illégaux, rétablir la sécurité démocratique et territoriale et restaurer les institutions sociales de l’Etat. Par ailleurs, la loi no 975 sur la justice et la paix a été approuvée le 25 juillet 2005; elle contient des dispositions censées faciliter la réinsertion des membres de groupes armés illégaux dans la société. Le gouvernement ajoute qu’en application du décret no 21.870 du 7 juillet 2004 un Fonds national pour la sécurité et la coexistence citoyenne a été créé; cela montre que le gouvernement accorde priorité à la sécurité. Le ministère de l’Intérieur et de la Justice applique un programme de protection des témoins et des personnes menacés; dans le cadre de ce programme, le Comité pour la réglementation et l’évaluation des risques (CRER) a assuré en 2004 la protection de 163 organisations syndicales et de 1 615 syndicalistes. Cette protection a pris la forme de diverses mesures de sécurité (blindage de bâtiments, mise à disposition de véhicules blindés, affectation d’escortes, utilisation d’armes et de gilets pare-balles, fourniture de téléphones portables et de billets d’avion). Le gouvernement souligne que 54,9 pour cent des fonds alloués à la protection devraient bénéficier aux syndicats.
S’agissant des assassinats de syndicalistes, le gouvernement indique qu’une unité d’investigation a été créée au ministère public pour enquêter sur les violations des droits de l’homme dont sont victimes les syndicalistes. D’après les tableaux comparatifs fournis par le gouvernement, le nombre de cas a diminué en 2005; le gouvernement signale que le ministère public poursuit ses enquêtes mais que certaines d’entre elles n’aboutissent pas en raison de l’action des groupes armés illégaux. Il ajoute que le secteur de l’enseignement est le plus touché par les assassinats de syndicalistes. Le gouvernement communique des statistiques par secteur sur les assassinats de syndicalistes commis entre 2000 et 2005 et des statistiques sur les enquêtes en cours dans différentes sections du ministère public. S’agissant des assassinats de syndicalistes, le gouvernement indique que, entre janvier et juin 2005, six cas ont été enregistrés; en 2004, sur la même période, 27 cas avaient été enregistrés, ce qui représente une diminution de 78 pour cent. Ces chiffres n’incluent pas les enseignants syndicalisés; pour ces derniers, on a recensé 31 assassinats entre janvier et juin 2004 contre 18 en 2005, sur la même période, ce qui représente une diminution de 42 pour cent.
S’agissant des enquêtes en cours, les statistiques mentionnées montrent qu’il en existe 313; 267 en sont au stade liminaire, 32 font l’objet d’une instruction et 14 donneront bientôt lieu à un jugement. Le gouvernement passe en revue les enquêtes réalisées entre 2002 et 2004: pour 36 d’entre elles, des mesures de détention préventive ont été prises; 21 enquêtes ont donné lieu à une accusation, quatre à une condamnation. Pour 131 enquêtes, une recherche de preuves a été nécessaire. Cinq enquêtes ont été interrompues pour voir si elles étaient justifiées (s’il fallait prononcer une accusation ou clore l’affaire), pour 99, il n’y a pas eu d’entrée en matière, pour 19, il y a eu suspension, et pour deux l’affaire a été close. Le gouvernement énumère les causes qui entraînent le classement provisoire de l’enquête par le biais d’un refus d’entrée en matière ou d’une suspension: difficulté à protéger les témoins ou décision de ces derniers de ne pas déposer, manque de collaboration de la part des citoyens, difficulté, pour les enquêteurs, de se rendre sur les lieux où les faits ont été commis, difficulté à identifier les membres de groupes armés illégaux tels que les paramilitaires et les guérilleros, absence de témoins. Le gouvernement indique qu’un nouveau système pénal accusatoire a été mis en place en janvier 2005 et que, dans le cadre de ce système, le ministère n’exercera plus que des fonctions d’investigation et cessera d’exercer des fonctions juridictionnelles. De plus, toutes les procédures seront orales. Selon le gouvernement, l’ensemble de ces mesures doivent permettre de décongestionner le système judiciaire et d’accélérer le fonctionnement de la justice.
Compte tenu du rapport du gouvernement et des conclusions formulées par les participants à la visite tripartite de haut niveau, la commission note avec intérêt que le gouvernement prend des initiatives pour mettre fin au grave conflit armé qui dure depuis plusieurs décennies et auquel participent divers acteurs armés illégaux; elle le prie de continuer à faire son possible pour prendre les mesures voulues en veillant au respect des droits de l’homme fondamentaux et à la primauté du droit pour éliminer l’impunité.
S’agissant des actes de violence qui visent les dirigeants syndicaux et les membres de syndicats, la commission prend note des efforts destinés à accroître la sécurité des citoyens en général et des dirigeants syndicaux et des syndicalistes en particulier. Des mesures spécifiques ont été prises telles que la création d’un Comité pour la réglementation et l’évaluation des risques et d’un Fonds national pour la sécurité et la coexistence citoyenne. La commission relève que 54,9 pour cent des fonds alloués à la protection doivent bénéficier aux syndicats. Elle prend note des déclarations selon lesquelles tout est mis en œuvre pour faire cesser les assassinats, notamment les assassinats de responsables syndicaux. Toutefois, la commission note avec regret que, si le nombre d’assassinats a diminué, la situation de violence à laquelle fait face le mouvement syndical colombien reste grave; les dirigeants syndicaux et les syndicalistes continuent à être victimes d’assassinats et leur sécurité est menacée en permanence; en témoigne le niveau de protection dont bénéficient les syndicalistes, qui est bien plus élevé que celui des autres secteurs. La commission rappelle l’interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux et souligne qu’un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 26). C’est seulement dans un climat exempt de violence que les organisations de travailleurs et d’employeurs peuvent exercer librement et véritablement leurs activités. Une fois de plus, la commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures voulues pour garantir le droit à la vie et à la sécurité afin de permettre l’exercice des droits protégés par la convention.
S’agissant de l’impunité, notamment celle qui entoure les enquêtes relatives aux actes de violence (assassinats, séquestrations, disparitions, tentatives d’assassinat et menaces visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes), la commission prend note des efforts consentis par le gouvernement en général et par le ministère public en particulier pour faire reculer l’impunité. Elle note aussi qu’un nouveau système pénal accusatoire a été mis en place qui, d’après le gouvernement, doit permettre de décongestionner le système judiciaire et d’accélérer le fonctionnement de la justice. Elle note avec intérêt qu’une unité d’investigation a été créée il y a peu au sein du ministère public pour enquêter sur les violations des droits de l’homme dont sont victimes les syndicalistes. Pourtant, la commission relève à nouveau que l’impunité règne toujours. En effet, même si le gouvernement se heurte à des obstacles pour rendre la justice comme il se doit, trouver les responsables et les sanctionner, la commission est amenée à relever que, entre 2002 et 2004, les enquêtes menées ont abouti à quatre condamnations seulement et que, pour la majorité des autres enquêtes, il n’y a pas eu d’entrée en matière. Dans ces conditions, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour faire la lumière sur les actes de violence visant les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, sur les circonstances entourant les actes et sur leurs auteurs afin qu’ils soient dûment sanctionnés et que prenne fin cette grave situation d’impunité.
La commission note en particulier que la loi no 975 sur la justice et la paix a été adoptée récemment et qu’elle contient des dispositions devant faciliter la réinsertion de membres de groupes armés illégaux dans la société. La commission relève que, d’après le rapport établi par les participants à la visite tripartite de haut niveau, cette loi a donné lieu à plusieurs recours devant la Cour constitutionnelle, qui ne s’est pas encore prononcée. La commission note que le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Colombie a critiqué plusieurs aspects de la loi, censée instaurer un système judiciaire provisoire en vue d’assurer une paix durable; cela doit inciter les groupes armés illégaux à démobiliser et à cesser les hostilités tout en protégeant comme il se doit les droits des victimes de crimes atroces commis par ces groupes. La commission espère vivement que la loi sera appliquée en tenant compte des critères mis en évidence par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme afin d’assurer le bon fonctionnement de la justice et d’apporter aux victimes d’actes de violence une réparation juste pour mettre fin à l’impunité. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de l’issue des recours intentés devant la Cour constitutionnelle et de la manière dont la loi est appliquée, notamment pour les cas qui concernent les dirigeants syndicaux et des syndicalistes.
La commission relève que, d’après le rapport établi par les participants à la visite tripartite de haut niveau, les commentaires formulés par les organisations syndicales concernent aussi d’autres questions.
Article 2 de la covention
- Divers types de contrats tels que les contrats de coopératives de travail associé, les contrats de prestations de services et les contrats civils ou commerciaux visent de véritables relations de travail et sont utilisés pour accomplir les tâches courantes de l’entité; en vertu de ces contrats, les travailleurs ne peuvent pas constituer de syndicats ou s’y affilier. La commission relève que le rapport du gouvernement ne contient pas d’observations sur cette question et note que les participants à la visite tripartite de haut niveau ont pu obtenir des informations à ce sujet de la part d’organisations de travailleurs et d’employeurs et du gouvernement. Les employeurs et le gouvernement ont reconnu que ces contrats sont parfois utilisés abusivement. S’agissant notamment des coopératives, ils ont indiqué que le congrès était saisi d’un projet de loi destiné à contrôler leur utilisation; il interdit aux coopératives de jouer le rôle d’intermédiaires ou de prestataires de services temporaires. La commission rappelle que, aux termes de l’article 2 de la convention no 87, les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier. Elle estime que, lorsque les travailleurs des coopératives ou les personnes employées par le biais d’un contrat civil ou commercial doivent exécuter les tâches courantes d’une entité dans le cadre d’une relation hiérarchique, ils devraient être considérés comme employés dans le cadre d’une véritable relation de travail et jouir du droit de s’affilier à un syndicat. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’adopter les mesures voulues pour assurer la pleine application de l’article 2 de la convention afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent jouir du droit de constituer un syndicat ou de s’y affilier.
- Les entités publiques sont restructurées, ce qui entraîne des licenciements massifs de travailleurs, notamment des dirigeants syndicaux. Dans certains cas, ces entités sont supprimées pour être recréées en tant qu’entités distinctes qui emploient les anciens travailleurs non syndiqués ou les travailleurs qui renoncent à l’être, et où il n’est plus possible de constituer un syndicat. La commission relève que le gouvernement mentionne certaines restructurations qui, selon lui, ont eu lieu pour des questions de rationalisation et non pour des raisons antisyndicales. La commission renvoie à nouveau au principe cité dans le présent paragraphe et prie le gouvernement d’adopter les mesures voulues pour que les travailleurs puissent exercer librement leurs droits syndicaux lors de tout processus de restructuration ainsi que dans les entités restructurées.
- Les personnes qui souhaitent enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation, se heurtent à un refus arbitraire pour des motifs qui vont bien au-delà de ceux prévus expressément par la législation. La commission note que, d’après le gouvernement, la législation en vigueur a été appliquée strictement; le gouvernement fournit des statistiques sur le nombre d’organisations syndicales inscrites et le nombre de demandes rejetées. D’après ces statistiques, un nombre élevé de demandes d’inscription d’organisations nouvelles, de modification de statuts ou d’enregistrement de nouveaux comités directeurs sont rejetées. La commission rappelle que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations «sans autorisation préalable» des autorités publiques, et que les réglementations nationales concernant la constitution d’organisations ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition qu’elles n’équivalent pas à une autorisation préalable et qu’elles ne constituent pas un obstacle aboutissant en fait à une interdiction pure et simple (voir l’étude d’ensemble, op. cit., paragr. 68 et 69). A cet égard, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que l’inscription au registre syndical ne soit refusée que dans les cas prévus expressément par la législation et que l’autorité chargée de l’enregistrement ne fasse pas usage de pouvoirs discrétionnaires pour rejeter la demande, conformément à ce qui est prévu à l’article 2 de la convention.
Article 3
- Aux termes de l’article 417 i) du Code du travail, les fédérations et confédérations n’ont pas le droit d’appeler à la grève. A cet égard, la commission rappelle que les organisations de niveau supérieur devraient pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. Elle prie le gouvernement d’adopter des mesures pour modifier cet article.
- La grève est interdite dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans de très nombreux services qui ne sont pas essentiels (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décret nos 414 et 437 de 1952, no 1543 de 1955, no 1593 de 1959, no 1167 de 1963, nos 57 et 534 de 1967); de plus, il est possible de licencier des dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), même lorsque la grève est déclarée illégale sur la base de règles contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission prie à nouveau le gouvernement d’adopter des mesures pour modifier les dispositions législatives en cause et de l’informer, dans son prochain rapport, de ces mesures.
- Le ministre du Travail peut soumettre un conflit à l’arbitrage lorsqu’une grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail). La commission estime que l’arbitrage obligatoire pour mettre un terme à une grève n’est acceptable que lorsque les deux parties concernées l’ont demandé ou dans les cas où la grève peut être limitée ou interdite, à savoir dans le cas d’un conflit dans la fonction publique qui concernerait des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, ou dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l’interruption mettrait en péril, pour toute ou partie de la population, la vie ou la sécurité de la personne. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour supprimer cette disposition du Code du travail et de l’informer, dans son prochain rapport, des mesures prises en ce sens.
La commission adresse au gouvernement une demande directe portant sur d’autres points.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2004. Elle prend note, de même, des rapports du Comité de la liberté syndicale relatifs à plusieurs cas en instance concernant la Colombie, rapports adoptés aux sessions de mars, juin et novembre 2004 de ce comité.
La commission prend note également des commentaires relatifs à l’application de la convention présentés par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocrates (CGTD) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) dans une communication du 1er juin 2004, ainsi que des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans une communication du 23 juillet 2004.
En premier lieu, la commission observe que les organisations en question se réfèrent à de nombreux actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes (la CISL signale 20 assassinats de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes entre janvier et avril 2004, des menaces de mort contre des dirigeants des organisations syndicales ANTHOC, ASEDAR, SINTRAMUNICIPIO, SINALTRAINAL - sections de Barranquilla, Palmir et Cali - SINTRAEMCALI et SINRAMINERCOL, la mise sous séquestre du local de l’Association paysanne d’Arauca, l’attentat par armes à feu contre la vie d’un dirigeant de l’organisation syndicale SINTRAMETAL, section de Yumbo, et la séquestration du vice-président de l’Association des employeurs départementaux ADEA. Les centrales syndicales CUT, CGTD et CTC, de même que la CISL, dénoncent l’impunité dont jouissent les auteurs des actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, impunité qu’elles situent à 95 pour cent, de même que les diverses formes de répression auxquelles la contestation sociale est soumise.)
La commission note que le gouvernement a envoyé des informations se rapportant au cas no 1787 actuellement en instance devant le Comité de la liberté syndicale, informations qui se rapportent aux assassinats commis sur la personne de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, à raison, probablement, de leurs activités syndicales. Le gouvernement affirme également que certains d’entre eux n’ont pas été assassinés à raison de leurs activités syndicales. Il ajoute que des accords régionaux ont été conclus (Valle del Cauca, Valledupar, Bucaramanga, Arauca, Barrancabermeja, Barranquilla, Medellín et Risaralda) sur des questions de prévention, de protection et de garantie de la liberté syndicale et de lutte contre l’impunité, et que des mesures de protection ont été prises (en l’espèce de billets d’avion pour sortir de la zone à risque) en faveur des dirigeants et aussi en faisant blinder les locaux d’organisations syndicales d’ANTHOC, SINALTRAINAL et SINTRAMINERCOL.
La commission prend note avec une profonde préoccupation de la persistance du climat de violence dans le pays qui ressort des conclusions du Comité de la liberté syndicale de novembre 2004 sur le cas no 1787 et de celles de la Commission de l’application des normes, qui mentionnent les nombreux assassinats et autres actes de violence. Comme souligné dans les conclusions de la Commission de l’application des normes, la commission rappelle que les organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent exercer librement et de manière significative leurs activités que dans un climat exempt de violence. Elle exhorte une fois de plus le gouvernement à garantir le droit à la vie et à la sécurité et à renforcer de toute urgence les institutions qui doivent l’être pour mettre un terme à la situation actuelle d’impunité, qui constitue un obstacle majeur à l’exercice des droits garantis par la convention. Elle constate, d’une manière plus générale, qu’il règne dans le pays un climat peu favorable à l’exercice et au développement des activités syndicales.
La commission rappelle que certaines dispositions législatives font, depuis de nombreuses années, l’objet de commentaires de sa part qui portent concrètement sur:
- L’interdiction pour les fédérations et confédérations d’appeler à la grève (art. 417 i) du Code du travail).
La commission note que le gouvernement déclare: 1) que la législation a évolué depuis quelque temps dans le sens de nombreuses autres législations qui favorisent un renforcement du syndicalisme dans les entreprises et que cette évolution résulte de la conviction qu’il faut aller dans le sens des propositions de renforcement du mouvement syndical et de la négociation collective et qu’une telle évolution n’est pas contraire à la convention; 2) que le législateur a tenu à ce que cette protection spéciale et ce renforcement du mouvement syndical de base ne fasse pas obstacle à la promotion du syndicalisme au niveau des fédérations et confédérations, à preuve que la loi investit ces fédérations et confédérations des mêmes attributions que les organisations syndicales d’entreprises; et 3) que cette réalité, qui ne connaît d’exception qu’en ce qui concerne la déclaration de grève, se traduit par des organisations fédérales et confédérales fortes et suffisamment représentatives des droits des travailleurs. A ce sujet, la commission estime que les organisations de niveau supérieur devraient pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. C’est pourquoi elle demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier dans ce sens l’article 417 i) du Code du travail.
- L’interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans de très nombreux services publics qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque la grève est déclarée illégale sur la base de règles qui sont contraires aux principes de la liberté syndicale.
A ce sujet, la commission note que le gouvernement déclare: 1) qu’en Colombie, les services publics se conçoivent comme des services que l’Etat assure directement ou par l’entremise de particuliers pour répondre aux besoins de la population qui sont implicitement des besoins d’intérêt général; 2) que le législateur, se fondant sur le critère d’intérêt général, a désigné dans le Code du travail certaines activités qui, dans la réalité colombienne, recèlent cet intérêt général; 3) qu’aucune des conventions relatives à la liberté syndicale et la négociation collective ne fait expressément mention du droit de grève ni encore moins du concept de services essentiels; et 4) que la Constitution politique de 1991 a voulu intégrer le concept de services essentiels au sens où l’entend l’OIT en le fondant dans la tradition juridique colombienne, si bien que l’article 53 parle de services publics essentiels avec pour objet d’interdire la grève dans ces services; selon le gouvernement, il s’agit là d’un concept dont il ne peut être fait abstraction des origines, lesquelles dépassent largement le champ des relations du travail.
A cet égard, la commission rappelle que, comme elle le souligne dans son étude d’ensemble de 1994, «dans le cadre de l’article 3, paragraphe 1, de la convention no 87, le droit d’organiser les activités et de formuler les programmes d’action est reconnu aux organisations de travailleurs et d’employeurs. Selon la commission, la grève fait partie de ces activités découlant de l’article 3; il s’agit d’un droit collectif exercé, en ce qui concerne les travailleurs, par un regroupement de personnes qui décident de ne pas travailler pour faire aboutir leurs revendications. Le droit de grève est donc considéré comme une activité des organisations de travailleurs au sens de l’article 3» (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 149). De plus, «à la lumière des considérations qui précèdent, la commission confirme sa position de principe selon laquelle le droit de grève est un corollaire indissociable du droit d’association syndicale protégé par la convention no 87» (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 151). S’agissant des services considérés comme essentiels, dans lesquels la grève peut être limitée ou interdite, la commission a souligné que «le principe selon lequel le droit de grève peut être limité, voire interdit, dans les services essentiels perdrait tout son sens si la législation nationale définissait ces services de façon trop extensive. S’agissant d’une exception au principe général du droit de grève, les services essentiels qui permettent une dérogation totale ou partielle à ce principe devraient être définis restrictivement: la commission estime dès lors que seuls peuvent être considérés essentiels les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne» (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 159). Sur ces considérants, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que les dispositions législatives critiquées soient modifiées et de rendre compte dans son prochain rapport de ce qui aura été fait dans ce sens.
- Le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l’arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail).
A ce sujet, la commission note que le gouvernement confirme que la législation permet au ministre de prendre une telle mesure mais qu’il convient de tenir compte des éléments suivants: 1) dans la pratique, il s’agit d’une règle dont on peut affirmer qu’elle a été peu appliquée dans l’histoire des relations du travail du pays; 2) la disposition législative pertinente ne fait pas de cela une obligation mais une faculté pour le ministre du Travail et, dans le cas où celui-ci applique cet article, il est possible de faire appel de cette décision devant la justice; 3) la possibilité pour le ministre de soumettre le différend à un arbitrage ne signifie pas que l’on prive les travailleurs du droit de recourir au tribunal d’arbitrage. La commission estime que l’arbitrage obligatoire pour mettre un terme à une grève n’est acceptable que lorsque les deux parties concernées l’ont demandé ou dans les cas où la grève peut être limitée ou interdite, à savoir dans le cas d’un conflit dans la fonction publique qui impliquerait des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat ou dans des services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l’interruption mettrait en péril pour tout ou partie de la population la vie ou la sécurité de la personne. En conséquence, et compte tenu du fait que le gouvernement dit que ce pouvoir est peu utilisé dans la pratique, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que cette disposition soit supprimée du Code du travail et elle le prie d’indiquer dans son prochain rapport ce qui aura été fait dans ce sens.
Enfin, la commission rappelle avoir pris note, dans son observation précédente, de ce que la Confédération mondiale du travail (CMT) avait envoyé des commentaires sur l’application de la convention, commentaires dans lesquels étaient abordées les questions législatives traitées par la commission ainsi que la situation de violence dans le pays, qui a pour effet de rendre l’exercice de la liberté syndicale particulièrement risqué. A ce propos, la commission renvoie aux commentaires pertinents de la présente observation. Par ailleurs, elle note que la CMT critique les faits suivants: 1) le fonctionnaire chargé de l’enregistrement des syndicats a compétence pour formuler des observations et faire obstacle à cette inscription; et 2) les employeurs peuvent s’opposer à l’inscription d’une organisation syndicale ou contester le résultat d’élections d’instances dirigeantes. S’agissant de l’enregistrement des syndicats, la commission note que, nonobstant le pouvoir de faire obstacle à l’enregistrement, le gouvernement déclare que la création d’organisations syndicales ne se heurte à aucune difficulté et que l’inscription d’une organisation syndicale est une formalité administrative, laquelle est susceptible d’appel devant les tribunaux. La commission rappelle que des problèmes de compatibilité avec la convention se posent également lorsque la procédure d’enregistrement est longue et compliquée, ou lorsque l’application de règles d’enregistrement est détournée de son objectif et que les autorités administratives compétentes en matière d’enregistrement font un usage excessif de leur marge d’appréciation (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 75). La commission prie donc le gouvernement de fournir de plus amples informations sur l’application de la procédure d’enregistrement dans la pratique et, en particulier, sur le nombre de cas où l’enregistrement a été refusé, les raisons de tels refus, si ces refus ont fait l’objet d’un appel, et le résultat de ces appels. Elle demande également au gouvernement de faire parvenir avec son prochain rapport sa réponse au reste des commentaires de la CMT.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle a le regret de constater cependant que ce rapport n’apporte pas de réponse aux commentaires formulés en septembre 2002 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC). Par ailleurs, elle prend note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence. Enfin, elle prend note des rapports adoptés par le Comité de la liberté syndicale à ses sessions de mars, juin et novembre 2003 sur plusieurs cas en instance relatifs à la Colombie.
La commission note également que le gouvernement annonce l’adoption, le 15 janvier 2003, du plan de travail de la Commission interinstitutions pour la protection des droits de l’homme des travailleurs, instance dont l’objectif primordial est de promouvoir la liberté syndicale et favoriser l’adoption de toutes mesures en ce sens; le gouvernement annonce également qu’il renforcera le Comité spécial de soutien des enquêtes sur les violations des droits de l’homme. La commission note également que, selon le gouvernement, le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de travailleurs syndiqués a baissé ces derniers mois. Elle constate cependant avec une profonde inquiétude que le climat de violence persiste dans le pays et que, selon les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1787, examiné en mai 2003 et évoqué devant la Commission de l’application des normes, les assassinats et autres actes de violence ont toujours cours. Comme ces deux autres instances, la commission prie le gouvernement de renforcer les institutions qui doivent l’être pour mettre un terme à cette situation intolérable d’impunité qui fait gravement obstacle au libre exercice des libertés et droits syndicaux garantis par la convention, de sorte que toutes les personnes reconnues coupables de tels actes soient sanctionnées de manière effective.
- l’interdiction pour les fédérations et confédérations d’appeler à la grève (art. 417 i) du Code du travail);
- l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme (c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en péril la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population), mais aussi dans de très nombreux services publics qui ne sont pas strictement essentiels (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque la grève est illégale en raison des prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale; et
- la faculté du ministre du Travail de soumettre un conflit à l’arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail).
A ce sujet, la commission a le regret de constater que le gouvernement se borne à déclarer que l’étude des propositions de réforme de la législation du travail n’a pas encore été engagée. Elle prie le gouvernement de la tenir informée des progrès accomplis par la Commission de concertation des politiques sociales et du travail, qui est saisie des questions concernant l’application de la convention, d’après les informations communiquées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes en 2002. Elle prie le gouvernement de prendre sans délai des dispositions afin que la législation soit modifiée et elle rappelle à cet égard les avant-projets de loi qui ont étéélaborés lors de la mission de contact direct de février 2000. Elle prie le gouvernement de présenter un rapport détaillé pour que la commission d’experts puisse examiner à nouveau la situation à sa prochaine session.
Enfin, la commission constate que la Confédération mondiale du travail (CMT) a envoyé des commentaires sur l’application de la convention. La commission prie le gouvernement de faire part de ses observations sur les questions soulevées.
La commission prend note du rapport du gouvernement et des débats qui ont eu lieu en 2002 au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail. Elle prend également note des rapports adoptés par le Comité de la liberté syndicale lors de ses sessions de mars, juin et novembre 2002, sur les divers cas en instance relatifs à la Colombie.
La commission prend note une fois de plus avec sérieuse préoccupation du climat de violence qui règne dans le pays, et en particulier des conclusions formulées en novembre 2002 par le Comité de la liberté syndicale à propos du cas nº 1787, constatant que le «nombre total d’assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes s’élève à 83 pour l’année 2002» et déplorant «une fois de plus que, en dépit des divers organismes qui ont été créés, des enquêtes ouvertes par ces organismes et même de la détention de suspects dans quelques cas, le gouvernement n’a pas fourni jusqu’ici d’informations sur des condamnations effectives de responsables d’assassinats de syndicalistes» (voir 329e rapport du comité, paragr. 378 et 379). Dans ce contexte, la commission, à l’instar de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, exhorte le gouvernement à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour que cesse cette situation d’insécurité et que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent pleinement exercer les droits qui leur sont reconnus par la convention, en établissant et renforçant les institutions nécessaires pour mettre un terme à l’intolérable situation d’impunité qui règne dans le pays et qui constitue un grave obstacle au libre exercice des droits syndicaux.
La commission rappelle que certaines dispositions législatives font, depuis de nombreuses années, l’objet de commentaires qui portent concrètement sur:
- l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme (c’est-à-dire ceux dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population), mais aussi dans de très nombreux services publics qui ne sont pas strictement essentiels (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque la grève est illégale en raison des prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale; et
A ce sujet, la commission constate avec regret que, dans son rapport, le gouvernement se contente d’indiquer qu’aucun changement n’a été apportéà la législation. La commission rappelle que, lorsqu’elle a analysé l’application de la convention à l’occasion de sa réunion de juin 2002, la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail avait noté que le gouvernement avait indiqué que les questions concernant l’application de la convention avaient été soumises à la Commission de concertation sur les politiques sociales et du travail. Dans ce contexte, la Commission de la Conférence avait demandé au gouvernement de présenter un rapport détaillé pour que la commission d’experts puisse examiner à nouveau la situation dès sa prochaine session. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre la législation en pleine conformité avec les dispositions de la convention, éventuellement en adoptant les projets de loi élaborés à l’occasion de la mission de contact direct de février 2000.
Enfin, la commission constate que la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) ont envoyé des commentaires sur l’application de la convention. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses observations sur les questions soulevées.
La commission prend note du rapport du gouvernement et des débats qui ont eu lieu, lors de la Conférence internationale du Travail de 2001, au sein de la Commission de l’application des normes. La commission prend également note du rapport du Comité de la liberté syndicale, qu’il a adoptéà sa session de mars de 2001, sur les divers cas relatifs à la Colombie.
En premier lieu, la commission se dit à nouveau profondément préoccupée par le climat de violence qui règne dans le pays, et en particulier par les conclusions du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1787, conclusions dans lesquelles il observe que «depuis la visite de la mission de contacts directs en février 2000, jusqu’à octobre 2000 plus de 100 homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ont été dénoncés». De plus, le comité«regrette profondément que, dans l’énorme majorité des cas d’homicides, de tentatives d’homicides ou de disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, les auteurs des cas en question n’ont été ni jugés ni condamnés» (voir 324e rapport du comité, paragr. 272 et 274). A ce sujet, la commission insiste une fois de plus sur le fait que les garanties énoncées dans les conventions internationales du travail, et notamment celles qui concernent la liberté syndicale, ne peuvent être effectives que dans la mesure où sont aussi véritablement reconnues et protégées les libertés civiles et politiques consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres instruments internationaux en la matière (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective de 1994, paragr. 43).
La commission rappelle que certaines dispositions législatives font l’objet de commentaires depuis de nombreuses années:
- l’interdiction pour les fédérations et confédérations d’appeler à la grève (art. 417, alinéa i), du Code du travail);
- l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme (c’est-à-dire ceux dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population), mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas strictement essentiels (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail, et décrets nos 414 et 437 de 1952, 1543 de 1955, 1593 de 1959, 1167 de 1963, 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450. paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque la grève est illégale en raison de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale; et
A ce sujet, la commission avait noté, dans son observation précédente, qu’au cours de la mission de contacts directs effectuée en février 2000 avaient étéélaborés des avant-projets de loi qui modifiaient les dispositions susmentionnées, et que le gouvernement s’était engagéà présenter ces avant-projets aux partenaires sociaux puis à en saisir le Congrès. La commission prend note des informations suivantes du gouvernement: 1) les questions liées à la législation du travail et à l’élaboration de l’article 53 de la Charte politique sont visées par l’accord tripartite pour la concertation sociale qui a été conclu le 14 août 2000 par le gouvernement national, les centrales ouvrières et de retraités et les organisations patronales; 2) les projets de loi susmentionnés ont été examinés à plusieurs sessions qui se sont tenues en septembre et octobre 2000; et 3) étant donné qu’il n’y a pas eu d’accord à propos des sujets en question, il a été jugé utile de saisir des questions de sa compétence la Commission de concertation sur les politiques salariales et du travail. Dans ces conditions, la commission espère fermement que les projets de loi en question seront examinés sans plus attendre par le Congrès et que les lois correspondantes seront adoptées. La commission demande au gouvernement de l’informer de tout fait nouveau à cet égard dans son prochain rapport.
La commission prend note du rapport du gouvernement et des débats qui ont eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence de 2000. La commission prend également note du rapport de la mission de contacts directs qui s’est rendue dans le pays en février 2000, ainsi que du rapport du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas concernant la Colombie, adopté en mai-juin 2000.
Tout d’abord, la commission prend note avec profonde préoccupation du climat de violence qui existe dans ce pays et, en particulier, des conclusions du Comité de la liberté syndicale à propos du cas no 1787, dans lesquelles il note que «le nombre d’assassinats, de séquestrations, de menaces de mort ou autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués en Colombie est sans précédent dans l’histoire» (voir 322erapport du comité, paragr. 24). En outre, la commission note que, selon le rapport de la mission de contacts directs, en général la qualité de dirigeant syndical constitue un élément essentiel de ces assassinats (voir annexe du 322erapport du comité, paragr. 4 des conclusions). A ce sujet, la commission est d’avis que les garanties énoncées dans les conventions internationales du travail, et notamment celles qui concernent la liberté syndicale, ne peuvent être effectives que dans la mesure où sont aussi véritablement reconnues et protégées les libertés civiles et politiques consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres instruments internationaux en la matière (voir étude d’ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 43).
La commission prend note des commentaires présentés par l’Union des travailleurs des transports maritimes (UNIMAR), lesquels indiquent que la marine marchande, la Fédération des producteurs de café et Transportación marítima grancolombiana ne versent pas les cotisations syndicales qui ont été retenues, licencient des dirigeants syndicaux et retiennent leurs salaires, licencient les travailleurs qui assistent aux réunions du syndicat et bloquent les fonds du syndicat. La commission demande au gouvernement de lui faire parvenir ses observations à ce sujet. Elle prend également note des commentaires que la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD) et la Centrale des travailleurs de Colombie (CTC) ont fait connaître à la mission de contacts directs. Ces commentaires dénoncent certaines dispositions du Code du travail.
La commission prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 584 du 13 juin 2000 qui abroge ou modifie les dispositions suivantes du Code du travail sur lesquelles la commission formulait des commentaires depuis de nombreuses années:
- l’article 365 g) selon lequel, pour qu’un syndicat puisse être enregistré, l’Inspection du travail doit certifier qu’il n’en existe pas d’autre (cette disposition a été abrogée);
- l’article 380 3), qui prévoit que tout membre de la direction d’un syndicat qui est responsable de la dissolution de ce syndicat par effet d’une sanction peut être déchu de ses droits syndicaux sous toutes leurs formes pendant une période pouvant atteindre trois ans (cette disposition a été abrogée);
- l’article 384 qui pose l’obligation de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (cette disposition a été abrogée);
- l’article 388 1) a) qui exige d’être Colombien pour être membre de la direction d’un syndicat (cette disposition a été modifiée; le nouveau texte prévoit qu’«en aucun cas la direction d’un syndicat ne peut être formée par une majorité d’étrangers»);
- l’article 388 1) c)selon lequel il faut exercer normalement une activité ou une profession, ou occuper normalement un poste relevant du domaine propre au syndicat, pour pouvoir siéger dans ses instances dirigeantes, et le paragraphe 1 f)de cet article qui prévoit qu’il ne faut pas, au moment de l’élection, avoir été condamnéà une peine afflictive, à moins d’avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires (ces dispositions ont été modifiées et elles habilitent l’organisation syndicale à déterminer dans ses statuts les conditions exigées pour être membre de sa direction outre celle d’être membre du syndicat);
- l’article 422 1) c) qui exige d’exercer une activité ou une profession, ou d’occuper un poste relevant du domaine propre au syndicat, pour pouvoir exercer des fonctions dans une fédération ou une confédération, et le paragraphe 1f) de cet article qui prévoit qu’il ne faut pas, au moment de l’élection, avoir été condamnéà une peine afflictive, à moins d’avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires (ces dispositions ont été modifiées et permettent désormais à l’organisation syndicale de déterminer dans ses statuts les conditions requises, outre celle d’être membre actif du syndicat, de la fédération ou de la confédération, pour devenir membre de la direction d’une fédération ou d’une confédération);
- l’article 432 2) selon lequel il faut être Colombien pour être membre d’une délégation qui saisit l’employeur d’un cahier de revendications (cette disposition a été modifiée et l’obligation d’être Colombien a été supprimée);
- l’article 444, dernier paragraphe, qui rend obligatoire la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter un recours à l’arbitrage ou une déclaration de grève (cette disposition a été modifiée et permet désormais à l’organisation syndicale de décider de la présence de représentants d’une autorité du travail);
- l’article 448 3) qui prévoit qu’en cas d’appel à la grève le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, d’office ou à la demande du syndicat ou des syndicats représentant la majorité des travailleurs de l’entreprise ou, à défaut, des travailleurs réunis en assemblée générale, peut demander (une fois la grève déclarée) à l’ensemble des travailleurs de l’entreprise de voter la décision de soumettre un différend persistant à un arbitrage (cette disposition a été modifiée et il n’est plus possible pour le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de demander d’office à l’ensemble des travailleurs de l’entreprise de voter la décision de soumettre le différend à un arbitrage); et
- l’article 486 sur la surveillance, par des fonctionnaires, de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales, qui permettait aux fonctionnaires du ministère du Travail de convoquer des dirigeants syndicaux ou des travailleurs syndiqués pour leur demander des informations sur leur mission, ou leur demander de présenter des livres, registres, listes et autres documents, ou des copies ou extraits de ces documents (cette disposition a été modifiée; les autorités du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne pourront exercer ces facultés qu’à la demande du syndicat et/ou des organisations de deuxième et de troisième degré auxquelles l’organisation est affiliée).
La commission observe toutefois que la nouvelle loi qui a été adoptée ne porte pas sur d’autres dispositions qui font également l’objet de commentaires depuis de nombreuses années:
- l’interdiction pour les fédérations et confédérations d’appeler à la grève (art. 417 1) du Code du travail);
- l’interdiction de la grève, non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas strictement essentiels (art. 450 1) a) du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450 2) du Code du travail), y compris lorsque la grève est illégale en raison de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale; et
- le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l’arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448 4 ) du Code du travail).
A ce sujet, la commission note que, au cours de la mission de contacts directs effectuée en février 2000, ont étéélaborés des avant-projets de loi qui modifient les dispositions susmentionnées et que le gouvernement s’est engagéà présenter ces avant-projets aux partenaires sociaux puis au Congrès. Dans ces conditions, la commission exprime l’espoir qu’une fois menées à bien ces consultations les avant-projets de loi seront présentés dans de brefs délais au Congrès. La commission prie le gouvernement de l’informer de toute évolution à cet égard.
Enfin, en ce qui concerne les commentaires qui avaient été présentés par le Syndicat des travailleurs de l’industrie textile de la Colombie (SINTRATEXTIL) qui portaient sur l’inobservation, par l’entreprise Textiles Río Negro, de l’obligation de prélever à la source les cotisations syndicales, la commission note que, selon le gouvernement, il existe des dispositions législatives qui obligent les employeurs à retenir les cotisations syndicales et que, dans le cas en question, l’Inspection du travail de Ríonegro-Antioquía a réalisé une enquête administrative et sanctionné l’entreprise susmentionnée par le biais des résolutions nos 001, 007 et 800 en date du 6 mars, du 30 mars et du 9 juin 2000.
La commission prend note du rapport du gouvernement. La commission prend également note des commentaires présentés par le Syndicat des travailleurs de l'industrie textile de la Colombie (SINTRATEXTIL) qui portent sur l'inobservation, par l'entreprise Textiles Río Negro, de l'obligation de prélever à la source les cotisations syndicales. Elle prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations à ce sujet.
La commission note l'indication du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a présenté le 18 mars 1999 au Congrès de la République un projet de loi (qui a été adopté en première lecture par le Sénat le 9 juin 1999 et pour lequel la Centrale unitaire des travailleurs avait proposé des modifications) qui abroge ou modifie les dispositions suivantes sur lesquelles la commission formule des commentaires depuis de nombreuses années:
-- l'article 365 g) du Code du travail selon lequel, pour qu'un syndicat puisse être enregistré, l'inspection du travail doit certifier qu'il n'en existe pas d'autres (cette disposition a été abrogée);
-- l'article 380 3) qui prévoit que tout membre de la direction d'un syndicat qui est responsable de la dissolution de ce syndicat par effet d'une sanction peut être déchu de ses droits syndicaux sous toutes leurs formes pour un délai pouvant atteindre trois ans (cette disposition a été abrogée);
-- l'article 384 qui pose l'obligation de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (cette disposition a été abrogée);
-- l'article 388 1) a) exigeant d'être Colombien pour pouvoir occuper un poste de direction syndicale;
-- l'article 388 1) c) selon lequel il faut exercer normalement une activité ou une profession ou occuper normalement un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir siéger dans ses instances dirigeantes;
-- et l'article 388 1 f) qui prévoit qu'il ne faut pas, au moment de l'élection, avoir été condamné à une peine afflictive, à moins d'avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires (ces dispositions ont été modifiées et elles habilitent l'organisation syndicale à déterminer dans ses statuts les conditions exigées pour être membre de la direction d'un syndicat en plus de l'obligation d'être membre du syndicat);
-- l'article 422 1 c) qui exige d'exercer une activité ou une profession ou d'occuper un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir exercer des fonctions dans une fédération ou confédération;
-- et l'article 422 f) qui prévoit qu'il ne faut pas, au moment de l'élection, avoir été condamné à une peine afflictive, à moins d'avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires (ces dispositions ont été modifiées et permettent désormais à l'organisation syndicale de déterminer dans ses statuts les conditions requises, en plus de l'obligation d'être membre actif du syndicat, de la fédération ou de la confédération, pour devenir membre de la direction d'une fédération ou d'une confédération);
-- l'article 432 2) selon lequel il faut être Colombien pour être membre d'une délégation saisissant l'employeur d'une liste de revendications (cette disposition a été modifiée et l'obligation d'être Colombien a été supprimée);
-- l'article 444, dernier paragraphe, qui rend obligatoire la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter un recours à l'arbitrage ou une déclaration de grève (cette disposition a été modifiée et permet désormais à l'organisation syndicale de décider de la présence de représentants d'une autorité du travail);
-- l'article 448 3) qui prévoit qu'en cas d'appel à la grève le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, d'office ou à la demande du syndicat ou des syndicats représentant la majorité des travailleurs de l'entreprise ou, à défaut, des travailleurs réunis en assemblée générale, peut demander (une fois la grève déclarée) à l'ensemble des travailleurs de l'entreprise de voter la décision de soumettre un différend persistant à l'arbitrage (cette disposition a été modifiée en ce sens qu'il n'est plus possible pour le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de demander d'office à l'ensemble des travailleurs de l'entreprise de voter la décision de soumettre le différend au tribunal d'arbitrage).
Toutefois, la commission observe que l'article 9 du projet de loi en question prévoit la modification de l'article 486 sur la surveillance, par des fonctionnaires, de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales, et, à la demande de la partie intéressée, permet que les fonctionnaires du ministère du Travail puissent convoquer des dirigeants syndicaux ou des travailleurs syndiqués pour leur demander des informations sur leur mission, ou leur demander de présenter des livres, registres, listes et autres documents, ou des copies ou extraits de ces documents. La commission estime que la modification susmentionnée n'est pas conforme aux dispositions de la convention. En effet, le contrôle de l'autorité administrative ne devrait être possible que dans les cas suivants: lorsqu'il existe des éléments raisonnables prouvant la perpétration d'un délit et justifiant de mener une enquête à la suite d'une plainte, lorsque des allégations de malversation ont été formulées, ou lorsqu'une certaine proportion des membres du syndicat demandent ce contrôle, étant entendu que, dans tous les cas, le ministère du Travail aurait la faculté de demander tous les ans les livres de compte des organisations syndicales. La commission estime que le texte de l'article 486 devrait être modifié dans le sens indiqué ci-dessus.
Par ailleurs, la commission observe que le projet de loi mentionné ne porte pas sur d'autres dispositions législatives relatives à l'exercice du droit de grève qui font également l'objet de commentaires depuis de nombreuses années:
-- l'article 417 1) qui dispose que les fédérations et les confédérations peuvent prétendre à la personnalité juridique et ont les mêmes fonctions que les syndicats, sauf en ce qui concerne l'appel à la grève, domaine qui lorsque la loi l'autorise est de la compétence exclusive du syndicat ou du groupe de travailleurs directement ou indirectement concerné;
-- l'interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (nouvel article 450 1) a) du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
-- le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une durée déterminée (art. 448 4) du Code);
-- la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenu dans une grève illégale ou y ayant participé (nouvel article 450 2) du Code), y compris lorsque la grève est illégale en vertu de prescriptions excessives telles que celles mentionnées aux alinéas précédents.
La commission prend note également, à propos de l'exercice du droit de grève, des conclusions formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1916, approuvé par le Conseil d'administration à sa réunion de mars 1999, en ce qui concerne le licenciement de dirigeants syndicaux, de syndicalistes et de travailleurs au motif de leur participation à une grève qui avait été déclarée illicite, en application des dispositions législatives qui autorisent le ministère du Travail à déclarer illégale une grève. A ce sujet, la commission rappelle qu'il ne devrait pas revenir au ministère du Travail mais à l'autorité judiciaire ou à une autorité indépendante de déclarer l'illégalité d'une grève.
La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour abroger ou modifier les dispositions susmentionnées et de l'informer dans son prochain rapport sur toute mesure prise à cet égard.
La commission prend note du rapport du gouvernement et de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en 1998.
En premier lieu, regrettant que le gouvernement se limite à indiquer, dans son rapport, que la commission doit se référer à son rapport antérieur, elle rappelle que lors de l'examen de l'application de la convention par la Colombie, la Commission de la Conférence en 1998 avait spécifiquement exprimé "le ferme espoir que le gouvernement fournirait un rapport détaillé à la commission d'experts sur les progrès concrets qui ont été réalisés, tant en droit qu'en pratique, pour assurer l'application de cette convention fondamentale, ratifiée il y a plus de vingt ans".
La commission rappelle qu'elle avait noté dans son observation précédente que le gouvernement, avec le concours d'une mission du BIT sur la liberté syndicale ayant visité le pays en 1996, avait élaboré un projet de loi abrogeant ou modifiant plusieurs dispositions du Code substantif du travail critiquées par la commission depuis de nombreuses années, mais que le Congrès national avait décidé de classer le projet en question.
A cet égard, la commission se voit obligée de rappeler qu'il existe plusieurs dispositions législatives soulevant des problèmes de compatibilité avec la convention. En particulier, depuis de nombreuses années, la commission prie le gouvernement d'abroger ou de modifier les dispositions suivantes:
-- l'article 365 g) du Code selon lequel, pour qu'un syndicat puisse être enregistré, l'inspection du travail doit certifier qu'il n'en existe pas d'autres;
-- l'article 384 qui pose l'obligation de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat;
-- l'article 388 c) selon lequel il faut exercer normalement l'activité ou la profession ou occuper normalement un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir siéger dans ses instances dirigeantes;
-- l'article 432 2) selon lequel il faut être Colombien pour être membre d'une délégation saisissant l'employeur d'une liste de revendications;
-- l'article 486 sur la surveillance, par des fonctionnaires, de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales;
-- l'article 444, dernier paragraphe, sur la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunis pour voter un recours à l'arbitrage ou une déclaration de grève;
-- l'article 422 1) c) sur la nécessité d'exercer une activité ou une profession ou occuper un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir exercer des fonctions dans une fédération ou une confédération;
-- les articles 388 f) et 422 f) qui prévoient qu'il ne faut pas avoir été condamné à une peine afflictive, à moins d'avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires au moment de l'élection;
-- l'article 380 3) qui prévoit que tout membre de la direction d'un syndicat qui est responsable de la dissolution de ce syndicat par effet d'une sanction peut être déchu de ses droits syndicaux sous toutes leurs formes pour un délai pouvant atteindre trois ans;
-- l'article 417 1) qui dispose que "les fédérations et les confédérations peuvent prétendre à la personnalité juridique et ont les mêmes fonctions que les syndicats, sauf en ce qui concerne l'appel à la grève, domaine qui, lorsque la loi l'autorise, est de la compétence exclusive du syndicat ou du groupe de travailleurs directement ou indirectement concernés";
-- l'article 448 3) qui prévoit qu'"en cas d'appel à la grève, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, ex officio ou à la demande du syndicat ou des syndicats représentant la majorité des travailleurs de l'entreprise ou, à défaut, des travailleurs réunis en assemblée générale, peut demander (une fois la grève déclarée) par vote à l'ensemble des travailleurs de l'entreprise s'ils souhaitent ou non soumettre le différend persistant à l'arbitrage";
-- l'interdiction des grèves non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (nouvel article 450 1) a) du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
-- le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une durée déterminée (art. 448 4) du Code); et,
-- la possibilité de licencier un dirigeant syndical étant intervenu dans ou ayant participé à une grève illégale (nouvel article 450 2) du Code), y compris lorsque la grève est illégale en vertu de prescriptions excessives telles que celles mentionnées aux alinéas précédents.
Dans ces conditions, la commission souligne la gravité de la situation et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier ou abroger dans les meilleurs délais, les dispositions législatives susmentionnées, de manière à mettre la législation en conformité avec la convention. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toute évolution à cet égard.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1999.]
La commission prend note du rapport du gouvernement, ainsi que des informations fournies par un représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence en 1997 et du débat qui a eu lieu en son sein.
La commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait noté que le gouvernement avait élaboré, avec le concours de la mission du BIT sur la liberté syndicale qui s'était rendue dans le pays en octobre 1996, un projet de loi abrogeant ou modifiant plusieurs dispositions du Code substantif du travail critiquées par la commission depuis plusieurs années, et que le représentant gouvernemental a indiqué à la Commission de la Conférence en juin 1997 que ce projet a été soumis au Congrès de la République en novembre 1996. Sur un plan pratique, ce texte tend à abroger ou à modifier les dispositions suivantes:
-- l'article 365(g), selon lequel, pour qu'un syndicat puisse être enregistré, l'inspection du travail doit certifier qu'il n'en n'existe pas d'autre;
-- l'article 384, selon lequel, pour qu'un syndicat puisse être constitué, les deux tiers de ses membres doivent être Colombiens;
-- l'article 388(1)(a), selon lequel il faut être Colombien pour exercer des fonctions de direction dans un syndicat;
-- l'article 388(c), selon lequel il faut avoir exercé normalement l'activité ou la profession ou occupé un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir siéger dans ses instances dirigeantes;
-- l'article 432(2), selon lequel il faut être Colombien pour être membre d'une délégation saisissant l'employeur d'une liste de revendications;
-- l'article 486 qui assujettit la gestion interne des syndicats ainsi que les réunions syndicales au contrôle de fonctionnaires;
-- l'article 444, dernier paragraphe, qui requiert la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales convoquées pour voter sur le recours à l'arbitrage ou la déclaration de grève;
-- l'article 422(1)(c), selon lequel il faut avoir exercé une activité ou une profession ou occupé un poste relevant du domaine propre au syndicat pour pouvoir exercer des fonctions dans une fédération ou une confédération;
-- les articles 388(f) et 422(f) qui prévoient qu'il ne faut pas avoir été condamné à une peine applicative, à moins d'avoir été réhabilité, ni être cité en justice pour des délits ordinaires au moment de l'élection;
-- l'article 380(3) qui prévoit que tout membre de la direction d'un syndicat qui est responsable de la dissolution de ce syndicat par effet d'une sanction peut être déchu de ses droits syndicaux sous toutes leurs formes pour un délai pouvant atteindre trois ans;
-- l'article 417(1) qui prévoit que "les fédérations et les confédérations peuvent prétendre à la personnalité juridique et ont les mêmes fonctions que les syndicats, sauf en ce qui concerne l'appel à la grève, domaine qui, lorsque la loi l'autorise, est de la compétence exclusive du syndicat ou du groupe de travailleurs directement ou indirectement concernés"; et
-- l'article 448(3) qui prévoit qu'"en cas d'appel à la grève le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, ex officio ou à la demande du syndicat ou des syndicats représentant la majorité des travailleurs de l'entreprise ou, à défaut, des travailleurs réunis en assemblée générale, peut demander (une fois la grève déclarée) par vote à l'ensemble des travailleurs de l'entreprise s'ils souhaitent soumettre le différend persistant à l'arbitrage".
La commission note que le gouvernement indique que le Congrès de la République a décidé d'écarter ce projet de loi et qu'en conséquence le ministère du Travail étudie la possibilité de soumettre au Congrès le Statut du travail auquel se réfère l'article 53 de la Constitution en incluant dans ce texte les amendements contenus dans le projet qui a été écarté. La commission souligne donc avec insistance la nécessité de modifier ou supprimer, dans les plus brefs délais, les dispositions susmentionnées du Code substantif du travail afin de mettre la législation en conformité avec la convention. Elle prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, de toute mesure prise à cet égard.
Par ailleurs, la commission rappelle qu'elle critique depuis un certain nombre d'années les dispositions législatives concernant:
-- l'interdiction des grèves non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (nouvel article 450(1)(a) du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
-- le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l'arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448(4) du Code); et
-- la possibilité de licencier un dirigeant syndical étant intervenu dans ou ayant participé à une grève illégale (nouvel article 450(2) du Code), y compris lorsque la grève est illégale en vertu de prescriptions excessives telles que celles mentionnées aux alinéas précédents.
A ce propos, dans sa précédente observation, la commission avait noté que le gouvernement avait préparé un avant-projet de loi sur la notion de services publics essentiels réglementant l'exercice du droit de grève dans ces services et comportant d'autres dispositions tendant au règlement pacifique des conflits collectifs du travail, ce texte apparaissant beaucoup plus conforme aux prescriptions de la convention et aux principes de la liberté syndicale.
Dans ces conditions, tout en notant que le gouvernement n'a pas indiqué dans son rapport si cet avant-projet de loi a été élaboré pour être soumis au Congrès de la République, la commission prie le gouvernement de l'informer à ce sujet dans son prochain rapport.
La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que du rapport de la mission sur la liberté syndicale effectuée en Colombie du 7 au 11 octobre 1996.
En ce qui concerne l'article 357 du Code substantif du travail, qui interdit l'existence de plus d'un syndicat de travailleurs dans une même entreprise, la commission constate, à la lecture du rapport de mission susmentionné, que cette disposition n'empêche pas d'autres syndicats d'exister au sein de la même entreprise (syndicats d'industrie, de métier, de profession ou de divers métiers) et que les partenaires sociaux interrogés par la mission ne voient pas dans cette disposition une restriction importante.
La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle note le rapport de la mission sur la liberté syndicale effectuée en Colombie du 7 au 11 octobre 1996, mission qu'avait demandée le gouvernement lors de la Commission de la Conférence, en juin 1996.
La commission rappelle que ses précédents commentaires portaient sur:
- la nécessité, pour pouvoir enregistrer un syndicat, d'une attestation de l'inspection du travail certifiant la non-existence d'un autre syndicat (art. 365 g) du Code substantif du travail);
- l'obligation de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (art. 384 du Code);
- la surveillance, par des fonctionnaires, de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales (art. 486 du Code);
- la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter un recours à l'arbitrage ou une déclaration de grève (nouvel art. 444, dernier paragr., du Code);
- l'obligation, pour être élu dirigeant syndical ou délégué syndical (art. 388 et 422, paragr. 1 a) et c), et art. 432, paragr. 2, du Code), d'être Colombien ainsi que d'appartenir à la profession et de l'avoir exercée pendant plus de six mois; tout comme l'obligation faite à l'alinéa g) (art. 388 et 422, paragr. 1) de ne pas avoir été condamné à une peine infamante, à moins d'avoir été réhabilité, ni d'être cité en justice pour des délits ordinaires au moment de l'élection (uniquement pour les dirigeants syndicaux);
- la suspension, pour une durée pouvant atteindre trois ans, avec privation des droits syndicaux, des dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat (nouvel art. 380 3) du Code);
- l'interdiction faite aux fédérations et confédérations de recourir à la grève (art. 417 1) du Code);
- la faculté pour le ministre du Travail de soumettre d'office au vote de la totalité des travailleurs de l'entreprise la question de savoir s'ils souhaitent ou non soumettre les différends persistants (une fois que la grève a été déclarée) à l'arbitrage (art. 448 3) du Code);
- l'interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans un large éventail de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (nouvel art. 450 1) a) du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
- le pouvoir conféré au ministère du Travail de soumettre un différend à l'arbitrage lorsque la grève se prolonge au-delà de 60 jours (art. 448, paragr. 4, du Code); et
- la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou ont participé à une telle grève (nouvel art. 450 2) du Code).
La commission constate que le gouvernement se réfère, dans son rapport, à la mission sur la liberté syndicale qui s'est rendue dans le pays en octobre 1996. En outre, elle note avec intérêt que le gouvernement indique, dans son rapport, qu'un projet de loi a été élaboré, dans lequel il est prévu d'abroger ou de modifier plusieurs dispositions du Code substantif du travail critiquées par la commission, et que les représentants du ministère du Travail se sont engagés à soumettre ce projet au Congrès de la République pendant l'actuelle session parlementaire. Concrètement, ce projet abroge ou modifie les dispositions suivantes: l'alinéa g) de l'article 365 concernant la nécessité, pour enregistrer un syndicat, d'une attestation de l'inspection du travail certifiant la non-existence d'un autre syndicat (abrogé); l'article 384 sur l'obligation de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (abrogé); l'article 388 1) a) sur l'obligation d'être Colombien pour faire partie du comité directeur d'un syndicat (abrogé); l'article 388 c) concernant l'obligation, pour être dirigeant syndical, d'exercer normalement l'activité, la profession ou le métier couvert par le syndicat (abrogé); l'article 432 2) sur la nécessité d'être Colombien pour pouvoir faire partie de la délégation chargée de présenter le cahier de revendications à l'employeur (l'obligation d'être Colombien a été supprimée); l'article 486 sur la surveillance par des fonctionnaires de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales (il n'est plus fait mention de l'organisation syndicale ou de ses affiliés); l'article 444, dernier paragraphe, concernant la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter le recours à l'arbitrage ou la déclaration d'une grève (conformément au projet de loi, ces représentants ne pourront être présents qu'à la demande de l'organisation syndicale intéressée); l'article 422 1) c) concernant l'obligation, pour être dirigeant syndical dans une fédération ou confédération, d'exercer l'activité, la profession ou le métier couvert par le syndicat (abrogé); les articles 388 f) et 422 f), qui exigent de l'intéressé de ne pas avoir été condamné à une peine infamante, à moins d'avoir été réhabilité, ni d'être cité en justice pour des délits ordinaires au moment de l'élection (ces articles ont été modifiés; le nouvel article exige de ne pas avoir été condamné ou poursuivi pour des délits pouvant être préjudiciables à l'exercice de fonctions syndicales); l'article 380 3) selon lequel: "Tout membre du comité directeur d'un syndicat ayant entraîné la dissolution de ce dernier à titre de sanction pourra être privé des droits syndicaux pendant une période pouvant aller jusqu'à trois ans..." (abrogé); l'article 417 1), aux termes duquel: "les fédérations et confédérations se voient reconnaître une personnalité juridique propre et jouissent des mêmes droits que les syndicats, à l'exception du droit de déclarer une grève, qui échoit exclusivement, lorsque la loi l'autorise, aux syndicats intéressés ou aux groupes de travailleurs directement ou indirectement concernés" (l'interdiction du droit de grève pour les fédérations et confédérations a été supprimée); et l'article 448 3) aux termes duquel, une fois la grève déclarée, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale peut soit d'office, soit à la demande du ou des syndicats regroupant la majorité des travailleurs de l'entreprise ou, à défaut, à la demande des travailleurs réunis en assemblée générale soumettre au vote de la totalité des travailleurs de l'entreprise la question de savoir s'ils souhaitent ou non soumettre les différends persistants à l'arbitrage (l'expression "d'office" a été supprimée).
La commission note, par ailleurs, que le gouvernement a remis à la mission un avant-projet de loi qui définit la notion de service public essentiel et réglemente l'exercice du droit de grève dans ce domaine et dans lequel figurent d'autres dispositions en vue du règlement pacifique des conflits collectifs du travail. En outre, elle constate que le Bureau international du Travail a formulé les commentaires que le gouvernement avait demandés à propos de cet avant-projet, et que les dispositions de ce dernier correspondent davantage aux exigences des conventions et aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que les fonctionnaires du ministère du Travail et de la présidence de la République examinent, à l'heure actuelle, les observations formulées par le BIT en vue d'harmoniser l'avant-projet avec les principes de la liberté syndicale.
Dans ces conditions, la commission exprime le ferme espoir que le projet de loi et l'avant-projet de loi susmentionnés seront soumis au Congrès de la République dans les plus brefs délais et que les lois correspondantes seront adoptées en vue de mettre la législation en conformité avec la convention et les principes de la liberté syndicale. Elle demande au gouvernement de communiquer copie des lois en question aussitôt que celles-ci auront été adoptées.
La commission adresse, par ailleurs, une demande directe au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1997.]
Prenant note du rapport du gouvernement, la commission rappelle que ses précédents commentaires portaient sur:
- la limitation de l'exercice du droit de grève par les organisations d'un niveau autre que celui de l'entreprise (syndicats de branche ou de secteur) et l'absence d'un tel droit pour les fédérations et confédérations, en vertu de l'article 376 du Code du travail, complété par l'article 51 de la loi no 50, et de l'article 417 du même Code.
La commission a le regret de constater que le gouvernement n'a pas répondu à ses précédents commentaires; elle l'appelle à prendre les mesures nécessaires pour que les organisations syndicales d'un niveau autre que celui de l'entreprise puisse, si elle le désire, exercer leur droit de grève.
En ce qui concerne l'article 389 du Code qui dispose que ni les membres représentant l'employeur face à ses travailleurs ni les cadres de l'entreprise ne peuvent faire partie du comité directeur d'un syndicat, la commission prie encore une fois le gouvernement de lui communiquer des informations sur la portée de ladite disposition considérant que, selon les centrales syndicales, les travailleurs représentant l'employeur sont qualifiés comme tels de manière unilatérale par ce dernier, ce qui a donné lieu à des abus.
La commission constate que l'article 429 du Code définit la grève comme la suspension collective temporaire et pacifique du travail, par les travailleurs d'un établissement ou d'une entreprise, à des fins économiques et professionnelles; de même, l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 450 considère qu'une grève est illégale lorsqu'elle poursuit des fins autres que professionnelles ou économiques; quant à l'alinéa g) de ce même paragraphe, il considère comme illégale la grève conçue dans le but d'exiger des autorités l'exécution d'un acte dont la prérogative appartient à celles-ci.
La commission appelle l'attention du gouvernement sur l'avis selon lequel les organisations chargées de défendre les intérêts économiques, sociaux et professionnels des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d'emploi, de protection sociale et de niveau de vie (voir à cet égard le paragraphe 165 de l'Etude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective).
Dans ce contexte, la commission prie le gouvernement de préciser si, en vertu des articles 429 et 450, paragraphe 1, alinéas b) et g), les organisations syndicales peuvent déclarer des grèves contre la politique économique et sociale du gouvernement, y compris des grèves de solidarité.
La commission constate également que l'article 444, paragraphe 2, remplacé par l'article 61 de la loi no 50, requiert la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise ou de l'assemblée générale du ou des syndicats regroupant plus de la moitié des travailleurs concernés, pour déclarer la grève ou soumettre un conflit à l'arbitrage. La commission considère qu'une telle exigence peut compromettre la possibilité, pour les travailleurs, d'organiser des actions de grève. A son avis, la majorité requise pour déclarer la grève devrait être limitée à la majorité simple des votants, les travailleurs n'ayant pas participé au vote n'étant pas pris en considération. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que le pourcentage requis pour déclarer la grève soit abaissé dans le sens qu'elle indique.
La commission exprime l'espoir que le gouvernement fournira, dans son prochain rapport, les informations répondant aux questions posées.
La commission prend note du rapport du gouvernement, des informations fournies par un représentant gouvernemental et des débats qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en 1993. Elle rappelle que ses commentaires précédents portaient sur:
-- l'interdiction de l'existence de plus d'un syndicat dans la même entreprise ou le même établissement (art. 357 du Code du travail), l'impossibilité d'enregistrer un deuxième syndicat au sein d'une même entreprise (art. 366 4) c) du Code (modifié par l'article 46 de la loi no 50)) et la nécessité, pour pouvoir enregistrer un syndicat, d'un certificat de l'inspection du travail attestant de la non-existence d'un autre (art. 365, alinéa g), du Code);
-- la nécessité de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (art. 384 du Code);
-- le contrôle de la conduite des affaires internes des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du Code);
-- la présence de représentants des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur un recours à l'arbitrage ou sur une déclaration de grève (nouvel article 444, dernier paragraphe, du Code);
-- les conditions requises pour être élu dirigeant syndical ou délégué syndical (art. 388 et 422, paragr. 1, alinéas a) et c), et art. 432, paragr. 2, du Code), qui nécessitent d'être Colombien et d'appartenir à la profession ou de l'avoir exercée plus de six mois; ainsi que les conditions stipulées par l'alinéa g) (art. 388 et 422, paragr. 1) qui prescrivent de ne pas avoir été condamné à une peine infamante, à moins d'avoir été réhabilité, ni d'être cité en justice pour des délits ordinaires au moment de l'élection (pour les dirigeants syndicaux);
-- la suspension, pour une durée pouvant atteindre trois ans, avec privation des droits syndicaux, des dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat (nouvel article 380 3) du Code);
-- l'interdiction de la grève pour les fédérations et confédérations (art. 417 1) du Code);
-- l'interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans un vaste éventail de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (nouvel article 450 1) a) du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
-- la faculté, pour le ministère du Travail, de soumettre un différend à l'arbitrage lorsque la grève se prolonge au-delà de soixante jours (art. 448, paragr. 4, du Code);
-- la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou ayant participé à une telle grève (nouvel article 450 2) du Code).
La commission prend note avec intérêt du fait que, selon les indications du gouvernement, la Commission tripartite permanente en matière de questions du travail, une fois qu'elle aura été constituée, sera saisie de l'examen de la modification des dispositions suivantes:
-- la nécessité de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (art. 384 du Code); et
-- la nécessité d'appartenir à la profession ou à la branche considérée pour être élu dirigeant syndical (art. 388 1) c) et 432 2) du Code et art. 422 1) c) dudit Code pour les fédérations).
S'agissant de la présence de représentants des autorités aux assemblées syndicales (art. 444, dernier paragraphe, du Code), la commission note également que le décret no 2519 du 14 décembre 1994, qui réglemente les articles 444, 445 et 448 du Code, limite cette assistance à la seule présence aux fins de constater le vote relatif au recours à l'arbitrage, à la déclaration de la grève ou à la continuation de celle-ci. A cet égard, la commission rappelle que la liberté de réunion constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal (voir Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1994, paragr. 35). En conséquence, la commission demande au gouvernement d'abroger les dispositions relatives à la présence des autorités lors des votes de grève.
S'agissant de la possibilité d'enregistrer un deuxième syndicat dans une même entreprise, la commission a le regret de constater que dans ses observations le gouvernement considère que, lorsqu'il existe une organisation syndicale d'entreprise, il n'est pas possible d'en enregistrer une autre au motif qu'une telle démarche affaiblirait le mouvement syndical.
A cet égard, la commission rappelle au gouvernement qu'aux termes de l'article 2 de la convention les travailleurs ont le droit de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier, et elle appelle son attention sur le principe selon lequel la convention ne tend pas à imposer le pluralisme syndical, mais que celui-ci doit, à tout le moins, rester possible dans tous les cas. En effet, il existe une différence fondamentale entre, d'une part, un monopole syndical institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les regroupements volontaires de travailleurs ou de syndicats qui se produisent (sans pression des pouvoirs publics, ou par effet de la législation) parce que les intéressés souhaitent, par exemple, renforcer leurs positions de négociation, affronter de façon coordonnée des difficultés ponctuelles touchant toutes leurs organisations, etc. L'unicité syndicale imposée directement ou indirectement par la loi est en contradiction avec les normes expresses de la convention (voir paragr. 91 de l'Etude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures voulues pour que les articles 357, 365, alinéa g), et 366 4) c) soient modifiés dans ce sens.
La commission exprime à nouveau l'espoir que la Commission tripartite permanente prévue par la Constitution nationale sera constituée dans un proche avenir, et elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, dans le cadre de la modification de la législation du travail qu'entreprendra la commission susmentionnée, l'ensemble des commentaires qu'elle formule depuis de nombreuses années soient pris en considération. Elle prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé à cet égard.
La commission prend note du rapport du gouvernement et rappelle que, lors de sa précédente demande directe, la commission l'avait prié de lui communiquer des informations sur les licenciements en masse se produisant dans le secteur public (loi no 60 et ses décrets réglementaires) et la généralisation des contrats de courte durée (pouvant être de moins de 30 jours) dans le secteur privé (loi no 50) - notamment par l'intermédiaire d'agences de placement ou de travail temporaire - ainsi que dans le secteur public. La commission avait estimé que ces mesures étaient de nature à affaiblir le mouvement syndical et pouvaient être motivées par des raisons antisyndicales.
A cet égard, la commission prend note du fait que, selon ce que communique le gouvernement, le décret no 1660 de 1991 (portant application de la loi no 60 de 1990) a été déclaré anticonstitutionnel par arrêt de la Cour constitutionnelle du 13 août 1992. S'agissant des contrats de courte durée, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement indiquant que ces contrats à court terme ont un caractère volontaire, qu'ils sont destinés aux travailleurs n'ayant pas de qualifications techniques et que cela n'affecte aucunement le droit de conclure des conventions collectives, lequel est reconnu aux organisations syndicales par la loi. Ces contrats à court terme, ajoute le gouvernement, ont cours dans les secteurs où il n'existe pas d'organisations syndicales, alors que là où il existe des syndicats, ceux-ci concluent des conventions collectives garantissant les droits légaux, y compris le contrat de travail à durée indéterminée. La réglementation des entreprises saisonnières, en vertu des articles 71 à 94, tend à empêcher que les droits minimums légaux des travailleurs ne soient pas respectés, indique en conclusion le gouvernement. La commission demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour que, dans le cadre de la nouvelle Commission permanente tripartite insituée par la Constitution nationale (art. 56), des consultations soient engagées entre les partenaires sociaux dans le souci, notamment, de veiller à ce que la politique suivie par le gouvernement en matière de restructuration n'ait pas de conséquences préjudiciables à l'exercice des droits syndicaux.
Dans sa précédente demande directe, la commission avait signalé que la législation privilégie le syndicat d'entreprise par rapport au syndicat de branche, du fait que les fédérations et confédérations ne peuvent négocier directement (elles ne sont que des auxiliaires dans le règlement des conflits de leurs affiliés, selon ce que prévoit l'article 426 du Code du travail) et du fait que le syndicat de branche est le seul à pouvoir négocier collectivement ou déclarer la grève lorsqu'il regroupe plus de la moitié des travailleurs de l'entreprise (art. 376 du Code), étant exclues les grèves de solidarité ou les grèves déclarées directement à des niveaux différents de l'entreprise.
N'ayant pas obtenu d'informations à ce sujet, la commission prie à nouveau le gouvernement de lui en communiquer à cet égard.
La commission exprime l'espoir que le gouvernement lui communiquera dans son prochain rapport des informations répondant aux questions restées en instance.
La commission prend note du rapport du gouvernement et des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en 1992. Dans son précédent rapport, la commission avait pris note de certains progrès constatés dans la législation mais elle avait noté la persistance de certaines dispositions non conformes à la convention, à savoir:
- la nécessité de compter deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat (art. 384 du Code du travail);
- le contrôle de la conduite des affaires intérieures des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du Code et art. 1 du décret no 672 de 1956);
- la présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur une déclaration de grève (nouvel article 444, dernier paragraphe du Code);
- la nécessité d'être de nationalité colombienne pour être élu dirigeant syndical (art. 384 du Code);
- la suspension pendant trois ans, avec privation des droits syndicaux, des dirigeants responsables de la dissolution d'un syndicat (nouvel article 380, 3, du Code);
- la nécessité d'appartenir à la profession ou à la branche considérée pour être élu dirigeant syndical (art. 388, 1, c) et 432, 2, du Code et art. 422, 1, c), dudit Code pour les fédérations);
- interdiction de la grève pour les fédérations et confédérations (art. 417, 1, du Code);
- interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 et nouvel article 450, 1, a), du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
- les diverses restrictions au droit de grève et la faculté, pour le ministre du Travail et pour le Président, d'intervenir dans un conflit (art. 448, 3 et 4; 450, 1, g), du Code, décret no 939 de 1966 modifié par la loi no 48 de 1968 et art. 4 de la loi no 48 de 1968);
- la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux ayant participé à une grève illégale ou étant intervenus dans celle-ci (nouvel article 450, 2, du Code).
La commission a, dans son observation antérieure, exprimé sa préoccupation face à la grave situation de violence qu'a affrontée le pays et qui, de manière générale, a rendu difficiles les conditions normales de vie de la population et empêché le plein exercice des activités syndicales.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence selon lesquelles:
- la modification de l'article 384 (obligation d'avoir deux tiers de membres colombiens pour constituer un syndicat) pourra être discutée une fois que sera constituée la Commission permanente tripartite des questions du travail prévue par la Constitution nationale;
- s'agissant de la nécessité d'appartenir à la profession ou à la branche considérée pour être élu dirigeant syndical (art. 388, 1, c); 432, 2; et 422, 1, c), du Code), le gouvernement se déclare ouvert au dialogue avec les centrales syndicales et demande l'assistance technique de l'OIT à cet égard;
- s'agissant de l'interdiction de la grève pour les fédérations et confédérations, le gouvernement signale qu'il existe un projet de loi à ce sujet;
- la nouvelle Constitution de 1991 n'impose de limitations au droit de grève que dans les services publics essentiels, lesquels seront définis par le législateur aux termes d'une loi qui sera élaborée après concertation tripartite.
S'agissant des pouvoirs du ministère du Travail et du Président de la République d'intervenir dans les conflits (art. 448, 3 et 4; et 450, 1, g), du Code) en saisissant un tribunal d'arbitrage obligatoire, la commission souligne, comme l'a fait lui-même le Comité de la liberté syndicale à diverses reprises (voir 270e, 275e et 284e rapport, cas nos 1434, 1477 et 1631 (Colombie), paragr. 256, 199 et 398, respectivement), que le droit de grève ne peut faire l'objet de restrictions importantes (telles que l'intervention d'un arbitrage obligatoire tendant à mettre fin à la grève) que dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l'interruption risque de mettre en danger, dans tout ou partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne.
S'agissant de la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux ayant participé à une grève illégale ou étant intervenus dans cette grève (art. 450, 2, du Code du travail), la commission souscrit à la déclaration du gouvernement selon laquelle les organes de contrôle de l'OIT reconnaissent la légitimité du licenciement en cas de grève illégale. Cependant, la commission précise que, lorsque la déclaration d'illégalité de la grève est basée sur une norme nationale contraire aux principes admis en matière de liberté syndicale, le licenciement des dirigeants syndicaux, quand bien même serait-il légal, serait contraire à la convention.
En ce qui concerne les dispositions permettant d'exercer un contrôle dans les affaires intérieures des syndicats et dans les réunions syndicales par des fonctionnaires, la commission prend note également du fait que, selon ce qu'indique le gouvernement dans son rapport, la Constitution de 1991 abroge le décret no 672 de 1956 (art. 1).
S'agissant de la disposition permettant la suspension des dirigeants syndicaux responsables de la dissolution d'un syndicat (art. 380, paragr. 3), la commission note que, selon le gouvernement, cette disposition a été modifiée par l'article 52 de la loi no 50 de 1990, de sorte qu'il appartient désormais à la justice de prononcer la déclaration de la dissolution d'un syndicat, et que cette prérogative emporte celle de désigner nominalement les responsables.
En ce qui concerne le premier point, la commission indique que, bien que le décret no 672 de 1956 ait été abrogé par la Constitution, l'article 486 du Code reste en vigueur. Or, s'agissant du deuxième point, la commission constate que l'article 380, paragraphe 3, de la loi no 50 de 1990 que le gouvernement évoque correspond à l'article 380, paragraphe 4, du Code, dont la teneur n'a pas été modifiée. Cette disposition permet de suspendre, pendant trois ans, le droit d'association des dirigeants syndicaux responsables de la dissolution d'un syndicat aux termes d'une décision de justice.
La commission prie à nouveau le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport si le refus d'enregistrement d'un syndicat d'entreprise prévu à l'article 336, 4, c) du Code (portant modification de l'article 46 de la loi no 50 de 1990) s'applique lorsque le syndicat qui prétend à l'enregistrement compte davantage de membres que celui qui est déjà enregistré.
En ce qui concerne l'article 389 du Code qui dispose que ni les membres représentant l'employeur face à ses travailleurs ni les cadres de l'entreprise ne peuvent faire partie du comité directeur d'un syndicat, la commission prie à nouveau le gouvernement de lui communiquer des informations sur la portée de ladite disposition considérant que, selon les centrales syndicales, les travailleurs représentant l'employeur sont qualifiés comme tels de manière unilatérale par ce dernier, ce qui a donné lieu à des abus.
Souhaitant que les commentaires qu'elle formule depuis plusieurs années seront pris en considération lors de l'élaboration et de la modification des lois susmentionnées, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures, dans le cadre de la Commission tripartite permanente et avec l'assistance technique de l'OIT s'il le souhaite, pour harmoniser de manière plus complète sa législation avec la convention et de bien vouloir la tenir informée à cet égard.
En outre, la commission adresse une demande directe au gouvernement.
La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport si la possibilité de refuser, comme il est prévu à l'article 366 4) c) du Code du travail, l'enregistrement en cas d'"inscription d'un nouveau syndicat d'entreprise où il existe déjà une organisation de la même catégorie" est également valable dans l'hypothèse où le syndicat qui sollicite son inscription justifie d'un nombre d'affiliés supérieur à celui de cette organisation.
Par ailleurs, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les points suivants, relevés dans le rapport de la mission de contacts directs:
- les licenciements en masse qui se sont produits dans le secteur public (loi no 60 et ses décrets d'application) et la généralisation des contrats de courte durée (même inférieure à trente jours) dans le secteur privé (loi no 50) - y compris par le canal d'agences de l'emploi ou d'établissements de travail temporaire - et dans le secteur public affaiblissent considérablement le mouvement syndical et risquent d'être utilisés à des fins antisyndicales;
- la législation privilégie quasi absolument le syndicat d'entreprise par rapport au syndicat d'industrie; dans la pratique, il est très rare qu'ait lieu une négociation collective au niveau de la branche d'activité, notamment parce que les fédérations et confédérations ne peuvent négocier directement (elles ne jouent qu'un rôle consultatif dans le traitement des conflits auxquels leurs affiliés sont parties, conformément à l'article 426 du Code du travail) et que le syndicat d'industrie peut seulement négocier collectivement ou déclarer une grève lorsqu'il groupe en son sein plus de la moitié des travailleurs d'une entreprise (art. 376 du code). De plus, l'article 429 du code définit la grève comme étant "la suspension collective, temporaire et pacifique du travail, effectuée par les travailleurs d'un établissement ou entreprise à des fins économiques et professionnelles". Cela implique que l'action se situe au niveau de l'entreprise lorsqu'il s'agit de déclarer une grève et que cela exclut la grève de solidarité ou celle qui serait déclarée directement à des niveaux différents de l'entreprise considérée. Les activités syndicales sont de la sorte indirectement soumises à nombre de conditions, voire limitées;
- l'article 358 du code dispose que les statuts des syndicats peuvent restreindre le droit d'application des salariés de niveau élevé aux syndicats de base; l'article 389 prévoit que ni les affiliés qui représentent le personnel auprès de l'employeur, ni les cadres dirigeants des entreprises ne peuvent faire partie de l'organe directeur d'un syndicat. Selon les centrales syndicales, la désignation des représentants du personnel se fait unilatéralement par l'employeur lui-même, ce qui a donné lieu à des abus. La mission n'a pas eu l'occasion de trancher cette question avec les autorités.
La commission exprime l'espoir qu'à sa prochaine session elle pourra compter sur les informations du gouvernement à ce sujet.
La commission prend note du rapport du gouvernement, des débats qui se sont déroulés à la Commission de la Conférence en 1991, et du rapport de la mission de contacts directs effectuée en Colombie du 16 au 20 septembre 1991.
La commission prend note avec intérêt des dispositions de la nouvelle Constitution, en date du 18 juillet 1991, pour ce qui a trait à la liberté syndicale, notamment en ce qui concerne la disposition selon laquelle la suppression ou la suspension de la personnalité juridique ne peut se faire que par voie judiciaire.
La commission prend note avec satisfaction de l'abrogation des normes légales suivantes, qui restreignaient les droits syndicaux et qui conduisent à une amélioration significative de l'application de la convention:
- article 380 du Code du travail (dissolution, liquidation ou annulation de l'inscription au registre des syndicats par voie administrative dans certains cas) modifié par la loi no 50 de 1990;
- résolution no 4 de 1952 (ingérence administrative dans l'autonomie syndicale) abrogée par le décret no 4734 de septembre 1991;
- décret no 1923 de 1978 (état d'urgence qui interdisait toute occupation provisoire des lieux publics afin de faire pression sur une décision des autorités légitimes) qui a cessé d'être en vigueur;
- décret no 1422 de 1989 (intervention administrative dans la comptabilité des syndicats) (abrogé par une résolution ministérielle de septembre 1991);
- décrets nos 2655 de 1954, 85 de 1956 et 1469 (art. 14 à 26) de 1978 (réglementation restrictive des réunions syndicales) abrogés par le décret no 2293 d'octobre 1991;
- article 379 a) du Code du travail (interdiction aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques) abrogé par la loi no 50 de 1990;
- décrets nos 2200 et 2201 (interdiction de la grève, associée à des sanctions administratives et, lorsque l'état de siège est décrété, à des peines d'emprisonnement) abrogés par le décret no 2620 de décembre 1990.
Malgré les modifications effectuées par le gouvernement, la commission doit souligner les dispositions de la législation qui demeurent incompatibles avec la convention. Il s'agit des points suivants:
1. Constitution d'organisations de travailleurs (article 2 de la convention)
- Obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens (art. 384 du Code du travail).
- Licenciements massifs de travailleurs dans le secteur public et généralisation des contrats de courte durée dans le secteur privé visant à affaiblir le mouvement syndical, qui ont été portés à la connaissance de la mission de contacts directs.
2. Intervention dans l'administration des syndicats (article 3)
- Contrôle de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du code et art. 1er du décret no 672 de 1956);
- présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur le déclenchement d'une grève (nouvel art. 444, dernier alinéa, du code);
- obligation d'être un ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales (art. 384 du code);
- suspension, pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association, des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (nouvel art. 380 3) du code);
- obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical (art. 388 1) c) et 432 2) du code et, pour les fédérations, art. 422 1) c)).
3. Droits des syndicats de promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs (article 3)
- Interdiction de la grève aux fédérations et confédérations (art. 417 1) du code);
- interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais encore dans une gamme très large de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 et nouvel art. 450 1) a) du code et décrets nos 414 et 437 de 1952, no 1543 de 1955, no 1593 de 1959, no 1167 de 1963 et nos 57 et 534 de 1967);
- diverses restrictions au droit de grève et pouvoir du ministre du Travail et du président d'intervenir dans un conflit (art. 448 3) et 4) et 450 1) g) du code, décret no 939 de 1966, dans sa teneur modifiée par la loi no 48 de 1968, et art. 4 de la loi no 48 de 1968);
- possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (nouvel art. 450 2) du code).
La commission note que, d'après la déclaration du gouvernement dans son rapport, il n'existe aucune convention de l'OIT où celle-ci aurait adopté une position sur le droit de grève et qu'il résulte de la lecture de l'article 3 de la convention que ce dernier se réfère au droit des travailleurs de formuler leur programme d'action, mais qu'un tel programme ne peut être contraire à la Constitution ni aux lois d'un pays; le gouvernement ajoute que l'article 2 de la convention ne consacre que le droit d'autonomie des syndicats mais, en aucun cas, ne formule le droit de grève, forme d'action qui possède sa configuration propre et spécifique. Enfin, se référant à l'interdiction de la grève dans les services publics, le gouvernement indique que la nouvelle Constitution politique garantit le droit de grève, sauf dans les services publics essentiels tels qu'ils sont définis par le législateur.
La commission souligne que, si tant est que la formulation de la convention ne fait pas mention expresse du droit de grève, son article 3 établit que les organisations de travailleurs ont le droit d'organiser librement leurs activités et de formuler leurs programmes d'action. La commission considère que ce droit comprend le recours à la grève, qui est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et professionnels. Du moment que l'on reconnaît là un moyen essentiel d'action, celui-ci ne devrait pas faire l'objet de restrictions excessives. La commission a estimé que l'interdiction de la grève dans les services publics devrait se limiter aux fonctionnaires qui agissent en qualité d'organes de la puissance publique ou aux services essentiels dans le sens strict du terme, c'est-à-dire dans ceux dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité de la personne dans tout ou partie de la population. En outre, à partir du moment où le droit de grève fait l'objet de restrictions et est refusé aux agents publics et aux personnes qui travaillent dans les services essentiels, la commission a jugé qu'il devrait être accordé aux intéressés des garanties appropriées, telles que des procédures de conciliation, de médiation et d'arbitrage impartiales et rapides, pour protéger des travailleurs privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels.
La commission note avec intérêt que le ministre du Travail et de la Sécurité sociale a exprimé à la mission du BIT la volonté de demander officiellement à celui-ci une assistance technique dans le cadre de la poursuite des réformes de la législation du travail.
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures pour mettre sa législation en harmonie avec les prescriptions de la convention et à continuer de l'informer à cet égard.
Par ailleurs, la commission adresse une demande directe au gouvernement.
La commission constate que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu, mais elle a pris connaissance de la loi no 50 du 28 décembre 1990 portant réforme du Code du travail.
La commission demande au gouvernement de lui indiquer si, en vertu de la loi no 50, le refus d'enregistrer un syndicat ou des modifications de ses statuts de la part de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours en justice. La commission demande également au gouvernement de lui indiquer si le refus d'enregistrement prévu à l'article 366(4)(c) en cas d'"inscription d'un nouveau syndicat d'entreprise là où il existe déjà une organisation de la même catégorie" s'applique également si le syndicat qui prétend se faire enregistrer regroupe un plus grand nombre de travailleurs que celui qui est inscrit. La commission demande également au gouvernement d'indiquer si, en vertu du nouvel article 362 du Code (conditions régissant les statuts syndicaux), la réglementation, prévue dans la résolution no 4 de 1952, de toute une série de questions qui devraient être réglées par les statuts des syndicats et non par la législation (quorum de l'assemblée générale, composition des organes de direction, procédure d'élection, etc.) a été abrogée. Enfin, la commission demande au gouvernement de lui indiquer si le décret no 2132 de 1976 qui interdit les réunions publiques (article 1 c)) et le décret no 1923 de 1978 sur la sécurité qui interdit toute occupation provisoire de lieux publics ou ouverts au public, de bureaux d'organismes publics et privés en vue d'exercer une pression sur la décision des autorités légitimes (article 7) sont toujours en vigueur.
La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle a cependant pris connaissance du long débat qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1990, ainsi que de la loi no 50 du 28 décembre 1990 portant réforme du Code du travail.
I. La commission note avec satisfaction que la loi no 50 a apporté certaines améliorations par rapport aux dispositions antérieures en matière de liberté syndicale et de négociation collective, dont certaines avaient fait l'objet de critiques de la commission et du Comité de la liberté syndicale:
- la procédure et les formalités pour l'enregistrement d'organisations syndicales ont été accélérées (art. 361 et suiv. nouveaux);
- toute organisation syndicale, du seul fait de sa création et à partir de la date de son assemblée constitutive, jouit de la personnalité juridique (art. 364 nouveau);
- augmentation du nombre de travailleurs, dirigeants syndicaux, jouissant de la protection syndicale (art. 406 nouveau) et de la portée de la protection contre les atteintes au droit d'organisation syndicale (art. 354 nouveau);
- obligation de négocier avec les organisations syndicales sous peine d'illégalité et d'amende (art. 354 c) nouveau);
- interdiction des accords collectifs avec des travailleurs non syndiqués lorsque le syndicat ou les syndicats réunissent plus du tiers des travailleurs d'une entreprise (paragraphe ajouté au chapitre II du titre II, troisième partie du Code);
- les agents publics ont le droit de constituer des organisations syndicales mixtes composées des travailleurs officiels et d'agents publics (art. 414 nouveau, dernier paragraphe).
II. La commission regrette cependant que la loi no 50 ait omis de tenir compte de certains commentaires qui ont été formulés depuis plusieurs années sur les dispositions de la législation incompatibles avec la convention. Il s'agit des points suivants:
- obligation de compter 75 pour cent de membres colombiens pour constituer un syndicat (art. 384 du Code du travail), alors que les travailleurs devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix sans distinction fondée notamment sur la nationalité.
2. Intervention dans l'administration des syndicats (article 3):
a) Budget, gestion et réunions
- contrôle de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du Code et art. 1 du décret no 672 de 1956), stricte réglementation des réunions syndicales (décret no 2655 de 1954) et présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur le déclenchement d'une grève (nouvel art. 444, dernier paragraphe, du Code du travail);
b) Election et suspension des dirigeants syndicaux
- obligation d'être un ressortissant colombien pour être élu à des fonctions syndicales (art. 384 du Code du travail et art. 18, a) de la résolution no 4 de 1952);
- l'élection des dirigeants syndicaux doit être soumise à l'approbation des autorités administratives (art. 21 de la résolution no 4 de 1952 et art. 10 à 13 du décret exécutif no 1469 de 1978);
- suspension pouvant aller jusqu'à trois ans, avec privation des droits d'association des dirigeants syndicaux qui sont à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (art. 380, 3) nouveau du Code);
- obligation d'appartenir à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant syndical (art. 388, 1) c) et 432, 2) du Code; art. 18, c) de la résolution no 4 de 1952 pour les syndicats de base, et art. 422, 1) c) du Code, pour les fédérations).
3. Droits des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs (article 3):
- interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques (art. 12 et 50, a) de la résolution no 4 de 1952, art. 16 du décret no 2655 de 1954 et art. 379, a) du Code);
- interdiction faite aux syndicats de tenir des réunions sur des questions politiques (art. 12 de la résolution no 4 de 1952);
- interdiction de la grève aux fédérations et confédérations (art. 417, 1) du Code);
- interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais encore dans une gamme très large de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 et art. 450, 1) a) nouveau du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967);
- interdiction de la grève lorsqu'elle se propose d'exiger des autorités l'exécution d'un acte qui relève de leur pouvoir de décision (art. 450, 1) g) nouveau);
- pouvoir du ministre du Travail de soumettre au vote de l'ensemble des travailleurs de l'entreprise la question de savoir s'ils sont disposés ou non à soumettre à l'arbitrage les points litigieux qui subsistent (après le déclenchement de la grève) (art. 448, 3) nouveau du Code);
- pouvoir du ministre de mettre fin à un conflit qui dure plus de soixante jours et pouvoir du président de mettre fin à une grève qui touche les intérêts de l'économie nationale en soumettant le conflit à l'arbitrage obligatoire (nouvel art. 448, 4) du Code du travail, décret no 939 de 1966 tel qu'il a été modifié par la loi no 48 de 1968, et art. 4 de la loi no 48 de 1968);
- interdiction de la grève associée à des sanctions administratives (suspension de la personnalité juridique des syndicats) et peines d'emprisonnement lorsque l'état de siège est décrété (à titre d'exemple de l'application de cette interdiction, on peut citer les décrets no 2004 de 1977, et nos 2200 et 2201 d'octobre 1988);
- possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus ou qui ont participé à une grève illégale (art. 450, 2) du Code).
4. Suspension et dissolution administrative (article 4):
- suspension et dissolution par voie administrative de la personnalité juridique d'un syndicat, en cas d'infraction aux dispositions relatives aux syndicats (art. 380 du Code du travail) ou, en cas de grève déclarée illégale (art. 450, 3) nouveau du Code du travail).
La commission avait noté qu'un projet de loi portant modification de l'article 379 du Code du travail qui interdit aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques serait soumis rapidement au Congrès de la République. La commission demande au gouvernement de bien vouloir l'informer de la suite donnée à cette question.
Malgré les progrès qui sont constatés dans la présente observation, la commission souligne qu'il demeure encore de nombreuses dispositions qui ne sont pas compatibles avec la convention et elle invite le gouvernement à prendre dès que possible les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention. La commission rappelle que le BIT est à la disposition du gouvernement pour lui prêter assistance dans sa tâche de révision législative.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la 78e session de la Conférence et de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1991.]
Dans sa demande directe antérieure, la commission s'est référée à la réglementation des réunions publiques.
La commission prie de nouveau le gouvernement d'indiquer si le décret no 2132 de 1976, qui interdit les réunions publiques (art. 1 c)), et le décret no 1923 de 1978 portant Statut de sécurité, qui interdit toute occupation temporaire des lieux publics ou ouverts au public ou des bureaux des entités publiques ou privées, dans le dessein de faire pression sur une décision de l'autorité légitime (art. 7), sont toujours en vigueur.
La commission a pris note des rapports du gouvernement et des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1989.
La commission prend note des assurances données par le gouvernement dans son dernier rapport concernant la création d'une commission spéciale chargée d'examiner l'ensemble de la législation du travail actuellement dépassée à la lumière de ses commentaires afin d'harmonisr la législation avec les conventions de l'OIT; elle note également la création d'un conseil national du travail, organe tripartite devant jouer un rôle consultatif dans le cadre de la réforme envisagée du droit du travail (décret no 2393 du 20 octobre 1989).
Le rapport indique cependant qu'une réforme en profondeur est un travail qui nécessite un examen et une analyse détaillés dans le contexte politique, économique et social du pays.
A cet égard, la commission rappelle les divergences existant entre la législation nationale et la convention:
1. Constitution des organisations de travailleurs ( article 2 de la convention):
- exigence de 75 pour cent de membres colombiens pour constituer un syndicat, alors que les organisations de travailleurs devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix sans distinction fondée notamment sur la nationalité (art. 384 du Code du travail).
2. Intervention dans l'administration interne des syndicats ( article 3 de la convention):
a) Statuts, budget, gestion, réunion
- approbation ministérielle des modifications aux statuts des syndicats de base et des statuts des fédérations et confédérations (art. 369, 370 et 425 du Code du travail et art. 15 de la résolution no 4 de 1952);
- réglementation par la résolution no 4 de 1952 de questions qui seraient mieux réglées par les statuts des syndicats que par la loi (quorum de l'assemblée générale, composition des organes dirigeants, procédure d'élection, etc.);
- contrôle de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires (art. 486 du Code et art. 1 du décret no 672 de 1956), réglementation stricte des réunions syndicales (décret no 2655 de 1954) et présence des autorités lors des assemblées générales réunies pour voter une déclaration de grève (art. 444,2) du Code du travail).
- condition d'avoir la nationalité colombienne pour être élu dirigeant syndical (art. 384 du Code du travail et art. 18 a) de la résolution no 4 de 1952);
- élection des dirigeants soumise à l'approbation des autorités administratives (art. 21 de la résolution no 4 de 1952 et art. 10 à 13 du décret no 1469 de 1978);
- suspension, avec privation de leur droit d'association, des dirigeants qui auraient été à l'origine d'une dissolution de leur syndicat (art. 380, 2) b) et 4) du Code);
- condition d'appartenance à la profession ou au métier considéré pour être élu dirigeant (art. 388, 1 c) et 432, 2) du Code; art. 18 c) de la résolution no 4 de 1952 pour les syndicats de base, et art. 422, 1 c) du Code pour les fédérations).
3. Droit des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ( article 3 de la convention):
- interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques (art. 12 et 50 a) de la résolution no 4 de 1952, art. 16 du décret no 2655 de 1954 et art. 379 a) du Code);
- interdiction de la grève faite aux fédérations et confédérations (art. 417, 1) du Code);
- interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais également dans une très large gamme de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 du Code et décrets nos 414 et 437 de 1952, 1543 de 1955, 1593 de 1959, 1167 de 1963, 57 et 534 de 1967);
- pouvoir du ministre de mettre fin à un conflit d'une durée de plus de quarante jours et pouvoir du président de mettre fin à une grève qui affecte les intérêts de l'économie nationale en soumettant le différend à l'arbitrage obligatoire (décret no 939 de 1966 tel que modifié par la loi no 48 de 1968 et art. 4 de la loi no 48 de 1968);
- interdiction de la grève assortie de sanctions administratives (suspension de la personnalité juridique des syndicats) et de peines d'emprisonnement lorsque l'état de siège est décrété (décret no 2004 de 1977, décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988);
- licenciement automatique des dirigeants syndicaux qui sont intervenus ou qui ont participé à une grève illégale (art. 450, 2) du Code).
4. Suspension et dissolution administrative ( article 4 de la convention):
- suspension et suppression par voie administrative de la personnalité juridique d'un syndicat en cas d'infraction aux dispositions relatives aux syndicats (art. 380 du Code du travail) ou en cas de grève déclarée illégale (art. 450, 2) du Code du travail).
Dans son rapport et devant la Commission de la Conférence, le gouvernement a fourni des informations sur un certain nombre de points:
1. En ce qui concerne la procédure d'octroi de la personnalité juridique des syndicats et d'approbation de leurs statuts, question qui avait fait l'objet d'observations de la Confédération unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), le gouvernement indique à nouveau que les autorités ne font pas obstacle à la constitution de syndicats. Au contraire, au cours des trois dernières années, deux nouvelles fédérations ont été enregistrées, la personnalité juridique a été reconnue à 359 syndicats, et 294 cas de statuts modifiés ont été approuvés; en outre, le gouvernement a fait état de son intention d'accélérer les procédures en consultation avec les dirigeants syndicaux.
La commission demande à nouveau au gouvernement, à l'instar du Comité de la liberté syndicale qui avait constaté lors de l'examen du cas no 1434 (259e rapport approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1988) de nombreux cas de refus de demande de reconnaissance de la personnalité juridique et d'importants retards dans la procédure, que des mesures concrètes soient prises en vue d'accélérer la procédure et de réduire les formalités.
2. La commission note qu'un projet de loi devrait être soumis prochainement au Congrès de la République portant modification de l'article 379 du Code du travail qui interdit aux syndicats d'intervenir dans des questions politiques. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation à cet égard.
3. La commission prend bonne note de l'abrogation des décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988 qui prévoyaient l'interdiction de recourir à la grève sous peine d'emprisonnement.
La commission note qu'en période d'état de siège les autorités ont recours à de telles mesures, comme ce fut le cas en 1977 avec l'adoption du décret no 2004 abrogé par la levée de l'état de siège en 1982 (décret no 1674 de 1982), en 1985 et dernièrement en 1988, or la Colombie vit sous l'état de siège depuis 1984 (décret no 1038 de 1984).
La commission désire attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'une interdiction de la grève constitue une restriction importante de l'un des moyens essentiels dont devraient disposer les organisations de travailleurs pour défendre leurs intérêts, qu'une telle mesure ne devrait être introduite qu'en cas de crise nationale aiguë pour une période limitée, et que des peines de prison ne devraient pas être imposées lorsque la grève a été pacifique (paragr. 206 et 223 de l'Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective).
4. En ce qui concerne la procédure d'arbitrage obligatoire, le gouvernement se réfère aux dispositions du décret no 939 de 1966 telles que modifiées par la loi no 48 de 1968 selon lesquelles à tout moment, au cours d'une grève, un conflit peut être renvoyé à l'arbitrage obligatoire lorsque la majorité des travailleurs prend cette décision après la tenue d'un scrutin décidé soit par les travailleurs, soit par le ministre. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2 dudit décret (dont le dispositif n'a pas été abrogé par la loi no 48 de 1968) le ministre peut, de sa propre initiative, mettre fin par un arbitrage obligatoire à un conflit d'une durée de plus de quarante jours, pouvoir également reconnu au Président dans certaines circonstances en vertu de l'article 4 de la loi no 48 de 1968.
La commission rappelle à nouveau que ces dispositions, qui permettent aux autorités de mettre fin à une grève par l'arbitrage obligatoire d'un conflit, restreignent l'exercice du droit de grève. De l'avis de la commission, le principe selon lequel le droit de grève peut être limité ou interdit devrait se limiter aux fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique, aux services essentiels, qu'ils soient publics, semi-publics ou privés (c'est-à-dire ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne), ou en cas de crise nationale aiguë pour une période limitée.
La commission demande donc au gouvernement de prendre des mesures afin de limiter les possibilités de recourir à l'arbitrage obligatoire dans les circonstances susmentionnées.
5. En ce qui concerne la suspension et la suppression par les autorités administratives de la personnalité juridique d'un syndicat qui avait également fait l'objet d'observations de la CUT, la commission rappelle que cette mesure peut être imposée soit en cas d'infractions continues aux dispositions relatives aux syndicats (art. 380 c) du Code), soit en cas de grève déclarée illégale (art. 450), soit en vertu de décrets adoptés en période d'état de siège pour fait de participation à des grèves déclarées illégales, les derniers datant d'octobre 1988.
La commission note que les décrets nos 2200 et 2201 d'octobre 1988 ont été abrogés et note la déclaration du gouvernement selon laquelle même sous l'état de siège un syndicat, dont la personnalité juridique est suspendue, dispose de voie de recours administratif avec effet suspensif et de voie de recours contentieux qui peuvent être accompagnés d'une demande de suspension provisoire de la décision.
Toutefois, de l'avis de la commission, il ne semble pas ressortir des dispositions du Code de procédure du travail relatives aux recours en matière de grève (art. 121 à 129) que l'appel d'une décision de suspension pour grève illégale ait un effet suspensif. La commission désire attirer une nouvelle fois l'attention du gouvernement sur le paragraphe 232 de son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective d'où il ressort que, pour que le principe énoncé à l'article 4 de la convention soit convenablement mis en pratique, il ne suffit pas que la législation accorde un droit de recours auprès du pouvoir judiciaire contre de telles décisions, il convient également que ces décisions ne puissent prendre effet qu'une fois écoulé le délai légal, sans qu'un appel ait été interjeté, ou qu'une fois qu'elles ont été confirmées par l'autorité judiciaire. Toutefois, même le droit de recours devant les tribunaux ne constitue pas toujours une garantie suffisante car, dans le cas où l'autorité possède un pouvoir d'appréciation pour prendre ses décisions, les juges n'ont que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée. Il est donc nécessaire que les juges soient en mesure d'examiner le cas quant au fond et d'étudier les motifs de la dissolution ou de la suspension d'une organisation.
La commission demande à nouveau au gouvernement d'éliminer de la législation toute disposition qui confère aux autorités administratives le pouvoir de suspendre ou de dissoudre une organisation syndicale, ou tout au moins de préciser qu'une telle décision ne produira pas ses effets tant que l'autorité judiciaire ne se sera pas prononcée sur les recours interjetés, même lorsque cette décision est prise dans une situation d'urgence. La commission prend note par ailleurs des informations communiquées par le gouvernement au Comité de la liberté syndicale (270e rapport, approuvé par le Conseil d'administration en février-mars 1990, cas no 1477) selon lesquelles les organisations syndicales qui avaient fait l'objet d'une décision de suspension en vertu de l'article 1 du décret no 2201 d'octobre 1988 ont recouvré leur personnalité juridique avec l'expiration des sanctions de suspension en décembre 1989.
La commission veut croire que la révision législative annoncée permettra d'aboutir à des résultats concrets sur l'ensemble des points soulevés, et elle demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les travaux de la commission spéciale susmentionnée et les mesures prises ou envisagées à cet effet. Elle rappelle que le BIT est à la disposition du gouvernement pour l'aider dans sa tâche de révision législative.