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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1949)

Autre commentaire sur C087

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2023-GBR-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

1. La commission s’attend à ce que l’enquête soit conclue dans un avenir très proche et prie le gouvernement de fournir des informations sur les conclusions auxquelles il sera parvenu en ce qui concerne les allégations susmentionnées.

Les enquêtes concernant l’institution dénommée Enquête sur les opérations policières secrètes sont en cours et il ne serait donc pas approprié que le gouvernement fasse d’autres commentaires à ce stade. L’enquête publiera son rapport intérimaire pour la Tranche 1, les trois premières séries d’auditions de témoins, le 29 juin 2023. Des informations détaillées concernant l’approche et les plans de l’enquête, y compris les résumés des auditions de témoins et un calendrier des étapes prévues, sont disponibles sur son site Web.

2. Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes. La commission espère que ce travail sera achevé sans plus tarder et que le gouvernement fournira des informations à ce sujet dans son prochain rapport.

Le gouvernement est sur le point d’achever son examen des recommandations de Sir Ken Knight sur le vote électronique pour les scrutins organisés pour la tenue d’une grève et y répondra en temps voulu. Nous ne sommes pas en mesure de fournir davantage de précisions à la commission à ce stade, avant d’avoir finalisé notre examen et la réponse à y apporter.

3. La commission prie instamment le gouvernement de revoir sans plus tarder avec les partenaires sociaux l’article 3 de la loi sur les syndicats afin de garantir que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs n’est pas requis pour un scrutin de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports.

Le gouvernement a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats. Il s’agira notamment de revoir les seuils de participation aux scrutins. La révision de la loi prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux. Nous prévoyons que cette révision sera achevée à temps pour le prochain rapport soumis par le Royaume-Uni à l’OIT.

4. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l’application de cette notification à la police dans la pratique, y compris sur toute plainte déposée en rapport avec les informations traitées ou leurs effets sur les activités syndicales légales, et toute information sur l’inscription sur une liste noire de personnes participant à des piquets de grève légaux. Elle prie également le gouvernement de fournir des informations sur les restrictions supplémentaires prévues, le cas échéant.

Le gouvernement réitère sa réponse de l’année dernière. Le gouvernement a l’intention de commencer prochainement l’examen de la loi sur les syndicats, qui devrait être achevé à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT. La révision de la loi prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux. Les questions posées par la commission seront examinées dans le cadre de cette révision. Le gouvernement souhaite souligner que l’établissement de listes noires est totalement inacceptable et n’a pas sa place aujourd’hui dans les relations de travail au Royaume-Uni. Le règlement de 2010 (listes noires) de la loi de 1999 sur les relations d’emploi interdit à toute personne ou organisation d’établir, de vendre ou d’utiliser des listes noires de membres d’un syndicat ou de personnes ayant pris part à des activités syndicales.

5. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur les observations de la Confédération des syndicats (TUC), ainsi que des informations détaillées sur la réforme mise en œuvre en ce qui concerne les nouveaux pouvoirs d’enquête de l’autorité chargée de l’enregistrement, les sanctions financières qui peuvent être imposées, le montant de toutes les sanctions qui ont été imposées depuis avril 2022, et le plafond du prélèvement instauré.

Réformes relatives à l’autorité chargée de l’enregistrement: le gouvernement a mis en œuvre les réformes de l’autorité chargée de l’enregistrement en avril 2022. Ces réformes comportaient les trois aspects suivants:

Renforcement des pouvoirs d’enquête: jusqu’en avril 2022, l’autorité chargée de l’enregistrement ne pouvait mener des enquêtes qu’à la suite d’une plainte déposée par un membre d’un syndicat. Depuis avril 2022, cette autorité dispose de pouvoirs d’enquête supplémentaires en ce qui concerne les fonds politiques, les fusions de syndicats, les élections des instances dirigeantes de ces derniers et la nomination ou la non-révocation d’une personne ayant été condamnée pour certains délits financiers. L’autorité chargée de l’enregistrement a désormais le pouvoir de nommer un inspecteur et de demander des documents et des informations. Elle peut également enquêter sans qu’une plainte officielle ait été déposée, y compris en réponse à des informations et à des préoccupations soulevées par un tiers.

Il existe d’importantes mesures de sauvegarde. En vertu de la loi sur les syndicats, l’autorité chargée de l’enregistrement ne pourra demander la production de documents que si elle a de bonnes raisons de le faire et ne pourra nommer un inspecteur que si un critère plus strict a été rempli, à savoir que l’autorité chargée de l’enregistrement doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’un syndicat n’a pas respecté une obligation légale. En tant qu’autorité publique, l’autorité chargée de l’enregistrement est tenue d’agir raisonnablement. Lorsque les allégations de tiers sont sans fondement ou abusives, le gouvernement ne s’attend pas à ce que l’autorité chargée de l’enregistrement y consacre beaucoup de temps. L’autorité chargée de l’enregistrement devra également donner au syndicat la possibilité de présenter des observations avant de prendre des mesures d’application.

Bien que le gouvernement s’attende à ce que les syndicats coopèrent naturellement aux enquêtes de l’autorité chargée de l’enregistrement, si un syndicat estime qu’une demande de documents est déraisonnable ou que l’autorité chargée de l’enregistrement agit de manière déraisonnable, il peut contester le processus d’enquête en demandant une révision judiciaire. En revanche, si l’autorité chargée de l’enregistrement doit faire appliquer une demande de documents, etc., elle devra démontrer au tribunal qu’elle a agi de manière raisonnable.

Sanctions financières: dans la mesure où l’autorité chargée de l’enregistrement a le pouvoir d’émettre des mises en demeure, elle peut désormais imposer des sanctions financières et des sanctions financières conditionnelles. Les montants des sanctions financières sont précisés dans les règlements, dans les limites maximales (20 000 livres sterling) et minimales (200 livres sterling), fixées dans le corps de la loi.

Les règlements répartissent les obligations légales imposées aux syndicats en trois grands groupes, en fonction de l’importance de l’obligation, et fixent la sanction financière maximale pouvant être imposée pour chaque groupe. La sanction financière minimale pour tous les groupes est de 200 livres sterling. L’autorité chargée de l’enregistrement peut fixer la sanction à l’intérieur de ces limites en fonction des circonstances.

Les sanctions financières de «niveau 1» concernent les obligations relatives au financement politique, à la gestion des fonds politiques, à la bonne conduite des élections syndicales et aux considérations tenant au caractère personnel (par exemple, veiller à ce qu’aucune personne ayant un casier judiciaire n’occupe un poste syndical de rang élevé). La sanction financière maximale pour le niveau 1 est fixée à 20 000 livres sterling.

Les sanctions financières de «niveau 2» concernent l’obligation de tenir à jour le registre des membres d’un syndicat. La sanction financière maximale pour le niveau 2 est fixée à 10 000 livres sterling.

Les sanctions financières de « niveau 3» concernent l’obligation pour les syndicats de se conformer à la demande d’accès d’un membre aux documents comptables, de fournir, dans leur rapport annuel, les informations requises à l’autorité chargée de l’enregistrement, ou de se conformer aux exigences en matière d’enquête. La sanction financière maximale pour le niveau 3 est fixée à 5 000 livres sterling.

Pour chaque groupe, les règlements prévoient de réduire de moitié la sanction maximale pour les syndicats dont le nombre d’adhérents est inférieur à 100 000. Si une sanction financière est imposée à une organisation (par exemple pour ne pas avoir respecté les exigences en matière d’enquête), la sanction maximale est fixée à 1 000 livres sterling.

Une organisation peut faire appel d’une décision exécutoire de l’autorité chargée de l’enregistrement devant le tribunal d’appel de l’emploi. La loi sur les syndicats de 2016 prévoit également un contrôle judiciaire accru des décisions de l’autorité chargée de l’enregistrement, en autorisant les appels sur des points de fait et de droit et, surtout, quant au caractère raisonnable de toute sanction financière imposée.

L’autorité chargée de l’enregistrement a confirmé qu’au moment de la rédaction du présent document, aucune sanction financière n’avait été imposée en vertu de ses nouveaux pouvoirs d’exécution.

Taxe: l’introduction d’une taxe alignera les pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement sur ceux d’autres organismes de réglementation, tels que l’autorité de contrôle des pensions et l’arbitre chargé d’appliquer le code des pratiques de l’approvisionnement alimentaire. Le gouvernement a pris des mesures pour veiller à ce que la taxe soit équitable et abordable. Il a notamment prévu d’exempter totalement de la taxe les organisations à faible revenu et de veiller à ce qu’aucune organisation ne paie plus de 2,5 pour cent de ses revenus. Dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement, le gouvernement a décidé qu’il continuerait également à financer les coûts variables de l’autorité chargée de l’enregistrement, garantissant ainsi la stabilité du prélèvement. Cela aidera les syndicats à budgétiser le prélèvement en évitant des hausses importantes et imprévues.

Le règlement relatif au prélèvement de la taxe prévoit qu’une organisation est tenue de la payer dès réception d’un avis de l’autorité chargée de l’enregistrement. Il précise la date à laquelle l’avis annuel peut être émis, la date à partir de laquelle une nouvelle organisation peut être considérée comme faisant partie du champ d’application de la taxe, et les informations que l’autorité chargée de l’enregistrement doit inclure dans l’avis.

Il précise les dépenses que l’autorité chargée de l’enregistrement peut recouvrer au titre de la taxe. Les frais liés à des inspecteurs externes ou des conseils juridiques externes sont exclus (et continueront donc à être financés par le gouvernement). Les dépenses prévues ou réelles peuvent être prises en compte dans le calcul de la taxe, à condition qu’elles se rapportent à l’exercice financier auquel la taxe se rapporte.

Le règlement fixe les règles selon lesquelles l’autorité chargée de l’enregistrement doit fixer les montants spécifiques prélevés. Le règlement prévoit ce qui suit.

L’autorité chargée de l’enregistrement doit veiller à ce que le montant total prélevé au cours d’une période de trois ans n’excède pas les dépenses réelles.

Elle doit veiller à ce que le montant total de la taxe que doit payer une catégorie d’organisations (syndicat fédéré, syndicat non fédéré, association des employeurs fédérée, association des employeurs non fédérée) reflète largement le coût des fonctions utilisées par chaque catégorie. En effet, les fonctions de l’autorité chargée de l’enregistrement sont centrées sur différentes catégories d’organisations (par exemple, les enquêtes ne concernent actuellement que les syndicats non fédérés, tandis que l’administration des déclarations annuelles couvre toutes les organisations). Dans la pratique, l’autorité chargée de l’enregistrement pourra combiner plusieurs catégories si elles utilisent globalement les mêmes fonctions.

Pour chaque catégorie d’organisation, le règlement prévoit que l’autorité chargée de l’enregistrement doit viser à définir des organisations exonérées de la taxe, puis deux niveaux de taxe. De cette manière, l’autorité chargée de l’enregistrement établira trois tranches de revenus pour chaque catégorie (ou combinaison de catégories): les organisations à faible revenu qui sont exemptées de la taxe, les organisations qui paieront un certain niveau de taxe, et les organisations à revenu plus élevé qui paieront une taxe plus élevée. Le règlement prévoit une autre tranche de revenus pour les syndicats afin de tenir compte des services supplémentaires fournis par l’autorité chargée de l’enregistrement. Des informations détaillées sur la manière dont la taxe doit être calculée par l’autorité chargée de l’enregistrement figurent dans la règlementation sur les syndicats de 2022 (taxe à payer à l’autorité chargée de l’enregistrement).

Aucune organisation ne peut payer plus de 2,5 pour cent de ses revenus.

Il appartient à l’autorité chargée de l’enregistrement, à l’organisme de réglementation des syndicats et aux associations d’employeurs, de fixer les montants de la taxe et les tranches de revenus dans le cadre du règlement sur la taxe relative à l’autorité chargée de l’enregistrement.

L’autorité chargée de l’enregistrement a récemment publié un avis de prélèvement qui concerne la première période de prélèvement, allant du 1er avril 2022 au 31 mars 2023. Au cours de cette période, les dépenses éligibles de l’autorité chargée de l’enregistrement se sont élevées à 656 672 livres sterling. L’avis fixe les montants à payer comme suit:

- Tous les syndicats, syndicats fédérés et associations d’employeurs dont le revenu annuel est inférieur à 81 574 livres sterling sont dispensés du paiement de la taxe.

- Toute organisation ayant un revenu supérieur à 81 574 livres sterling sera redevable de la taxe de base de 2 039,35 livres sterling.

- Tous les syndicats (à l’exception des trois syndicats fédérés) dont les revenus dépassent 191 019 livres sterling seront également redevables de la taxe supplémentaire de 2 736,13 livres sterling par organisation, ce qui signifie que les syndicats soumis à la taxe de base et à la taxe supplémentaire paieront un total de 4 775,48 livres sterling.

- Les associations d’employeurs et les syndicats fédérés dont les revenus sont supérieurs à 151 657 livres sterling et les syndicats dont les revenus sont supérieurs à 261 103 livres sterling seront également redevables de la taxe majorée de 1 752,08 livres sterling. Cela signifie que les syndicats qui paient la taxe de base, la taxe supplémentaire et la taxe majorée devront s’acquitter d’un total de 6 527,56 livres sterling. Les associations d’employeurs et les syndicats fédérés qui paient la taxe de base et la taxe majorée devront s’acquitter d’un montant total de 3 791,43 livres sterling.

Discussion par la commission

Président – Le troisième et dernier cas inscrit à notre ordre du jour aujourd’hui est celui du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Plus de 17 délégués sont inscrits sur la liste des orateurs; par conséquent, la réduction du temps de parole de cinq à trois minutes s’appliquera aux délégués concernés. J’invite désormais la représentante gouvernementale du Royaume-Uni à prendre la parole.

Représentante gouvernementale – Au nom du gouvernement de Sa Majesté, j’ai le plaisir de présenter la réponse formelle de la Grande-Bretagne à la commission au sujet de la convention nº 87.

Pour commencer, laissez-moi réaffirmer l’engagement du Royaume-Uni dans ce processus. J’aimerais remercier la commission d’experts de son examen attentif de notre législation en lien avec la convention. En tant que nation engagée en faveur de la promotion et de l’amélioration des normes internationales du travail aux niveaux national et mondial, le Royaume-Uni attache une grande valeur au rôle de l’OIT. Très récemment, par exemple, nous avons ouvert la voie lors de la négociation concernant la convention (no 190) sur la violence et le harcèlement, 2019, et de sa ratification – le premier traité international reconnaissant le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement. La protection et le renforcement des droits des travailleurs, en parallèle du soutien à la croissance des entreprises, tout en tenant compte des intérêts du grand public, sont des priorités de ce gouvernement. Nous recherchons le juste équilibre entre les droits des travailleurs et des syndicats d’une part, et ceux des employeurs et des membres du public d’autre part. Il s’agit d’un principe bien intégré et conforme aux conventions internationales.

Le Royaume-Uni est convaincu que les réformes équilibrées entreprises au titre de la loi sur les syndicats de 2016 sont conformes à ses obligations internationales en matière de droits syndicaux. En particulier, notre introduction de seuils de participation aux scrutins, qui nécessite l’appui d’au moins 40 pour cent des travailleurs pour faire grève dans des services publics importants, répond au fait que l’action syndicale a des répercussions sur une grande part de la population qui n’a pas son mot à dire lors de scrutins de grève et n’est pas concernée par le conflit du travail en question. Le Royaume-Uni cherche à équilibrer les droits des personnes qui entreprennent une action syndicale et les droits de celles et ceux qui en subissent les conséquences. La loi sur les syndicats vise à moderniser les relations professionnelles tout en favorisant une approche plus efficace et collaborative de la résolution des conflits du travail.

Les conséquences pour le public étant importantes en cas d’action syndicale portant atteinte aux services publics, la loi sur les syndicats établit que les grèves dans les «services publics importants» spécifiés nécessitent l’appui d’au moins 40 pour cent des personnes votantes, ainsi qu’un taux de participation de 50 pour cent au scrutin de grève. Le but est de s’assurer que, là où elle est organisée, l’action syndicale bénéficie de la légitimité démocratique nécessaire et qu’elle est clairement soutenue par les membres des syndicats.

La loi sur les syndicats ne vise pas à interdire l’action syndicale et, de fait, ne l’empêche pas. Elle veille plutôt à ce que cette action bénéficie d’un niveau raisonnable de participation et d’appui, au bénéfice des syndicalistes, des employeurs et du grand public. Nous nous félicitons d’avoir la possibilité de répondre aux questions soulevées dans les observations de la commission d’experts et allons maintenant les aborder l’une après l’autre.

Premièrement, la commission d’experts a donné suite à sa précédente demande priant le gouvernement de commenter les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats. L’enquête sur les opérations policières secrètes est en cours, et il ne serait donc pas approprié que le gouvernement fasse d’autres commentaires à ce stade. Le rapport intérimaire pour la tranche 1 de l’enquête sera publié plus tard dans le mois, le 29 juin 2023.

Deuxièmement, la commission d’experts avait antérieurement demandé une mise à jour sur les mesures prises pour faciliter le vote électronique. Si le Royaume-Uni avait exprimé son accord de principe avec le concept de vote électronique, il est cependant préoccupé par certains aspects pratiques. Nous devons avoir l’assurance que toute méthode de vote électronique garantit aux personnes ayant le droit de voter la possibilité de le faire, que les votes exprimés sont secrets et protégés et que le risque d’intimidation, d’injustice ou de fraude est limité. Le Royaume-Uni a mis en place un examen indépendant du vote électronique pour les scrutins organisés en vue de la tenue d’une grève. Nous avons consulté un groupe d’experts et organisé une table ronde avec les syndicats à la suite de l’examen du 23 janvier 2020 afin d’avoir leurs points de vue sur les recommandations issues de l’examen indépendant. Le Royaume-Uni est sur le point d’achever son examen de ces recommandations et répondra en temps voulu. Je présente par conséquent mes excuses, puisque à ce stade je ne suis pas en mesure de fournir davantage de précisions à la commission.

Troisièmement, je peux confirmer que le Royaume-Uni a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats. Il s’agira notamment de revoir les seuils de participation aux scrutins. Cette révision prendra en compte les résultats des consultations avec les partenaires sociaux. Nous prévoyons qu’elle sera achevée à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT.

Quatrièmement, j’aimerais souligner que le Royaume-Uni est intimement convaincu que l’établissement de listes noires est totalement inacceptable et n’a pas sa place aujourd’hui dans les relations de travail. Le règlement de 2010 sur les listes noires interdit à toute personne ou organisation d’établir, de vendre ou d’utiliser des listes noires de membres d’un syndicat ou de personnes ayant pris part à des activités syndicales. Dans le cadre de la révision de la loi sur les syndicats, un examen des exigences en matière de piquets de grève sera mené sous peu. Je suis en mesure de confirmer que les questions posées par la commission d’experts seront prises en compte dans cette révision, qui devrait être achevée à temps pour le prochain rapport du Royaume-Uni à l’OIT.

Enfin, en avril 2022, le Royaume-Uni a mis en œuvre des réformes en ce qui concerne les pouvoirs conférés à l’autorité chargée de l’enregistrement, qui est l’organisme de réglementation des syndicats et des associations d’employeurs. Les réformes lui confèrent des pouvoirs d’enquête et d’exécution comparables à ceux d’autres organismes de réglementation. Elles ont également introduit une taxe partielle pour faire en sorte que les contribuables n’aient pas à payer intégralement la note de la réglementation des syndicats et des associations d’employeurs. Nous sommes convaincus que ces réformes sont conformes à nos obligations internationales, et nous sommes conscients que certains détails sont complexes et techniques, raison pour laquelle nous avons récemment fourni des renseignements détaillés à la commission d’experts.

Pour conclure, le Royaume-Uni est certain que les dispositions de la loi sur les syndicats poursuivent une approche équilibrée et sont raisonnables et proportionnées. La loi atteint un juste équilibre entre les droits des syndicats et leurs responsabilités et modernise la loi sur les syndicats à l’avantage de tous. Nous nous réjouissons d’entendre les points de vue des autres gouvernements, ainsi que ceux des travailleurs et des employeurs du Royaume-Uni et des autres pays pendant cette session. Je conclus mes remarques liminaires à ce stade.

Membres travailleurs – En cette 75e année d’existence de la convention, il convient de noter que le Royaume-Uni a été le premier État Membre de l’OIT à la ratifier et que notre commission s’est penchée sur son application par le Royaume-Uni en 2016 pour la dernière fois.

Aucune amélioration significative n’a été enregistrée depuis. On assiste au contraire à un déclin marqué depuis lors, ce qui soulève de graves inquiétudes. Si le gouvernement a fourni à la commission d’experts des informations sur les pouvoirs d’investigation secrète de la police, ainsi que des détails concernant les audits et les enquêtes en cours, il n’a pas commenté les allégations spécifiques formulées par la Confédération des syndicats (TUC) relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes. Comme le montrent les propres registres de la police métropolitaine, le Royaume-Uni a derrière lui un long passé de surveillance secrète des syndicats, et cette raison justifie à elle seule que le gouvernement doit répondre intégralement aux préoccupations formulées par la TUC.

S’agissant du vote électronique pour la tenue d’une grève, nous regrettons qu’aucun progrès n’ait été fait depuis notre dernière discussion en 2016. Les syndicats ont interdiction d’utiliser tout autre moyen que le vote par correspondance, comme le vote sur le lieu de travail ou le vote électronique, cela malgré le fait qu’ils utilisent de plus en plus la technologie du vote électronique pour des votes indicatifs, par exemple au sujet des plaintes concernant la rémunération. Six ans après un examen du vote électronique qui recommandait comme première étape la mise en place de pilotes, aucune réponse formelle n’a été apportée.

Le fait que les syndicats doivent prévenir d’un vote sept jours à l’avance et passent ensuite du temps à organiser un vote par correspondance donne aux employeurs énormément de temps pour prendre des mesures en vue de limiter l’impact d’une action syndicale, et nous comprenons que les ministres proposent désormais l’ajout de dispositions procédurales qui entraveraient encore davantage la capacité des syndicats à mener à bien une telle action. Peut-on concevoir qu’en 2023 les syndicats n’aient d’autre option que le vote par correspondance ?

En ce qui concerne la loi sur les syndicats, nous regrettons profondément que le gouvernement n’ait pas révisé l’article 3 de la loi pour faire en sorte que l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs ne soit pas requis pour un scrutin de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports, qui constituent, bien entendu, des secteurs non essentiels au sens strict du terme. Non seulement le gouvernement a ignoré la commission d’experts, mais les ministres ont également fait part de leur intention de relever le seuil de 40 pour cent à 50 pour cent et de l’étendre à tous les secteurs.

Concernant les piquets de grève, le gouvernement n’a pas fourni, cette fois non plus, les informations demandées par la commission d’experts. Les exigences en matière de piquet de grève énoncées dans la loi sur les syndicats sont discriminantes, dans la mesure où elles imposent aux syndicats des obligations que d’autres organisations n’ont pas à remplir. En particulier, il est demandé aux syndicats de déclarer l’identité et les coordonnées des militants à la police, ce qui peut les exposer à l’établissement de listes noires. Au vu des antécédents en matière d’établissement de telles listes au Royaume-Uni, le risque reste significatif, et nous sommes également préoccupés par les projets annoncés par les ministres d’ajouter des restrictions à l’organisation de piquets de grève en limitant à six le nombre de piquets à des points d’«infrastructures nationales critiques». Tout cela alors que l’on a imposé des restrictions juridiques supplémentaires au droit de manifester. Ces restrictions de la liberté d’expression, de la liberté de réunion et de la liberté syndicale sont, à tout le moins, excessives.

Au sujet des pouvoirs de l’autorité chargée de l’enregistrement, qui est responsable des fonctions conférées aux syndicats et aux organisations d’employeurs, le gouvernement n’a toujours pas examiné l’impact de ces dispositions avec les partenaires sociaux, comme l’a demandé la commission d’experts. Non seulement cet examen n’a pas eu lieu avec les partenaires sociaux en 2021, mais l’autorité chargée de l’enregistrement s’est également vu confier des pouvoirs supplémentaires. Ces nouveaux pouvoirs pourraient à terme contraindre les syndicats à répondre aux plaintes soumises par des employeurs ou par des groupes militants hostiles, en particulier lors de conflits du travail. Les nouveaux pouvoirs d’enquête permettront également à l’autorité chargée de l’enregistrement de réclamer des documents contenant des renseignements sensibles sur la base de critères bien minces.

La protection des syndicalistes qui entreprennent une action revendicative légale est limitée à douze semaines, sans garantie de réintégration ni interdiction concernant l’embauche de travailleurs remplaçants. Malgré une demande explicite de la commission d’experts, le gouvernement n’a pas révisé les articles 8 et 9 de la loi sur les syndicats. Pour comble d’insulte, le gouvernement a adopté l’an dernier une loi permettant aux entreprises de travail temporaire de fournir des intérimaires en remplacement des travailleurs menant une action syndicale dans des secteurs non essentiels, renversant ainsi une pratique interdite depuis 1973.

Il convient de noter que les entreprises de travail temporaire comme les syndicats ont contesté cette modification. Il n’existe tout simplement pas de raison valable de lever l’interdiction d’avoir recours à des intérimaires comme briseurs de grève. Le fait de l’autoriser pourrait n’avoir d’autre but que d’affaiblir les travailleurs et de les empêcher d’exercer leur droit à l’action. Cela rendrait également infiniment plus compliqué pour les parties à un conflit de régler leurs différends et créerait du ressentiment parmi les travailleurs, qui perdurerait longtemps après la fin du conflit. Cela placerait aussi les travailleurs intérimaires dans une position délicate, sinon intenable.

Comme si les restrictions actuelles ne suffisaient pas, une loi réclamant le maintien d’un service minimum dans certains secteurs en en train d’être débattue au Parlement. La loi sur le service minimum couvre la même liste que la loi sur les syndicats, correspondant aux services publics importants. Cette loi donne à un secrétaire d’État le pouvoir illimité de déterminer ce que devrait être un service minimum dans ces secteurs et, par conséquent, les circonstances dans lesquelles les travailleurs concernés peuvent exercer leur droit de grève et dans quelle mesure. Si une grève a lieu, un employeur aura le pouvoir de réquisitionner des travailleurs et de publier des ordres de retour au travail. La loi supprimerait également d’importantes protections pour les travailleurs eux-mêmes, les exposant au risque de licenciement et de victimisation.

Il sera également demandé aux syndicats de prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les travailleurs respectent l’avis de travail. Cela signifie que les syndicats devront prendre des mesures pour saper leurs propres actions, sans parler des secteurs comme celui du transport ferroviaire où la plupart des travailleurs comptent parmi leurs missions des éléments de sûreté critiques et où la fourniture des services repose sur une étroite collaboration au sein des équipes. Le fait de forcer les employés à choisir entre franchir les piquets de grève ou être licenciés augmentera les risques, car une main-d’œuvre qui dépend de la coopération pour travailler en toute sécurité pourrait se retrouver démoralisée et divisée.

Enfin, nous notons également les sérieuses inquiétudes formulées par la TUC concernant le caractère inapproprié des mécanismes compensatoires en place pour les travailleurs pénitentiaires et le déni d’accès aux syndicats par des entreprises de secteurs tels que celui de l’hôtellerie, qui sape le droit syndical inscrit dans la convention.

Nous exhortons le gouvernement à arrêter l’introduction de la nouvelle législation antisyndicats et à réviser sans délai et de façon approfondie sa loi avec l’appui technique de l’OIT, afin de s’assurer du respect entier du droit à la liberté syndicale et du droit syndical au titre de la convention. Comme je l’ai dit précédemment, le premier pays à avoir ratifié cette convention était le Royaume-Uni; un comportement exemplaire de sa part serait donc bienvenu.

Membres employeurs – Les membres employeurs soulignent l’importance pour les États de respecter la convention, qui, comme nous le savons, est l’une des dix conventions fondamentales.

Le Royaume-Uni, comme nous venons de l’entendre, a été le premier pays à la ratifier en 1949. Nous observons que, jusqu’à présent, la commission d’experts a fourni 21 observations depuis 1989. C’est aujourd’hui la dixième fois que la commission se penche sur l’application de la convention par le gouvernement du Royaume-Uni, le dernier examen ayant eu lieu en 2016. Depuis la dernière discussion de la commission, le gouvernement a connu plusieurs changements à sa tête, ce qui n’est pas toujours favorable à la stabilité systémique. Néanmoins, le Royaume-Uni a depuis longtemps mis en place des cadres adéquats qui permettent de gérer les questions couvertes par la convention. En ce qui concerne ce cas, il existe plusieurs problèmes techniques.

Dans son rapport de 2023, la commission d’experts a de nouveau demandé au gouvernement de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats avec les partenaires sociaux afin de garantir que l’exigence de l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs pour les scrutins de grève ne s’applique pas dans les secteurs de l’éducation et des transports. Nous notons que le gouvernement a fourni des informations écrites indiquant son intention de réviser la loi avec les partenaires sociaux à l’avenir concernant les seuils de participation aux scrutins. Nous engageons instamment le gouvernement à mener à bien ce travail sans plus attendre.

De la même manière, nous insistons auprès du gouvernement pour qu’il aboutisse à l’application des recommandations découlant de l’examen relatif au vote électronique mené en 2017. Bien que le gouvernement assure que des consultations ont été menées avec des experts et des syndicats au sujet des recommandations, peu d’avancées sont à constater par ailleurs. Le gouvernement a indiqué qu’il fournirait des détails lorsqu’il aura terminé d’examiner les recommandations. Ces renseignements devraient être transmis dès que possible.

L’année dernière, la commission d’experts a demandé au gouvernement de fournir des informations sur la pratique consistant à notifier à la police l’identité des militants, les détails de toute réclamation que pourrait susciter le traitement de cette information ou de son impact sur les grèves légales et des informations sur l’inscription sur des listes noires des personnes ayant participé à des piquets de grève légaux. Les membres employeurs prennent note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi sur les syndicats, y compris les dispositions relatives aux exigences en matière de piquets de grève, sera révisée à l’avenir, en tenant compte des commentaires de la commission d’experts. Les membres employeurs reprennent cette demande à leur compte et demandent au gouvernement de fournir des informations quant aux allégations de la TUC sur l’avancement de cette révision et d’indiquer si des restrictions supplémentaires sont prévues ou non.

Sur un plan plus général, permettez-moi de préciser ce qu’indique l’article 3 de la convention:

«Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action.

Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal».

Il s’agit de l’élément le plus important de la convention, et c’est lui qui sous-tend tous les droits qui en découlent. Cependant, comme pour ce qui concerne le reste des observations dans la mesure où elles touchent le droit de grève, nous vous rappelons que les employeurs et de nombreux gouvernements, y compris ceux qui siègent au Conseil d’administration, ont déclaré à de nombreuses reprises que le droit de grève n’est pas réglementé dans la convention et ne relève pas des obligations qui en découlent. Dans ce contexte, nous souhaitons simplement indiquer que le gouvernement n’est en réalité pas obligé de prendre les mesures requises par la commission d’experts qui ne sont pas appuyées par les dispositions des conventions qu’il a ratifiées. Cela étant dit, il n’y a rien de problématique à ce que le gouvernement révise ses propres politiques sur ces questions, mais tout travail de ce type devrait être mené par le biais du dialogue social avec les partenaires sociaux.

Membre employeur, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Les employeurs britanniques prennent note des multiples problèmes qui ont été soulevés concernant ce cas, à la fois par la commission d’experts et par les membres travailleurs. Au contraire de nombreux cas entendus par la commission, il semble ici s’agir d’un effort pour encourager la commission à tirer des conclusions générales sur la pratique de la liberté syndicale au Royaume-Uni, en s’appuyant sur un large éventail d’observations plutôt que sur une plainte spécifique. Il ne s’agit pas d’une critique, mais cela complexifie le travail de la commission et soulève la perspective que le mécanisme de contrôle puisse être appliqué dans divers domaines où la situation peut être différente.

En gardant cette mise en garde à l’esprit, nous souhaitons formuler les observations suivantes – commençons par le plus évident. Les syndicats sont reconnus comme étant légaux au Royaume-Uni depuis plus de cent cinquante ans. Comme cela a déjà été remarqué, la ratification de la convention n’a pas posé de problème au Royaume-Uni. Le pays dispose d’un mouvement syndical solide et libre, ainsi que de cadres qui lui permettent de respecter les aspects couverts dans les articles de la convention.

Nous observons également que les syndicats gagnent en importance dans notre débat national sur le coût de la vie. Par conséquent, la position essentielle des employeurs du pays est qu’il n’existe pas de problème fondamental concernant l’application de la convention au Royaume-Uni. Nous estimons cependant que certains points particuliers du cas méritent d’être examinés, sur lesquels nous reviendrons plus tard. Avant cela, nous souhaitons rappeler les discussions qui ont eu lieu ces dernières années sur la question des observations formulées par la commission d’experts concernant le droit de grève dans le contexte de la convention. Il n’est pas nécessaire de les répéter en détail, aussi nous nous limiterons aux points suivants:

- Il n’y a toujours pas de consensus quant au fait que la convention inclut ou non le droit de grève. La position des membres employeurs à cet égard est bien connue, et nous souscrivons à celle que vient d’exprimer le vice-président employeur, en particulier en ce qui concerne les conclusions de cette commission.

- Nous soutenons le consensus entre les partenaires sociaux, tel qu’exprimé dans leur déclaration conjointe de février 2015, selon laquelle «[l]es mandants de l’Organisation internationale du Travail reconnaissent aux travailleurs et aux employeurs le droit de mener des actions collectives pour défendre leurs intérêts professionnels légitimes».

- La position de nombreuses personnes au sein du groupe gouvernemental est que le droit de grève doit être réglementé au niveau national. Nous sommes d’accord et nous notons que la réglementation nationale de ce droit au niveau au Royaume-Uni n’a pas empêché que l’on y enregistre l’année dernière le plus grand nombre de jours de grève de ces trente dernières années.

- Nous exprimons à nouveau notre préoccupation quant au fait que la commission d’experts continue de formuler des observations sur le droit de grève dans le cadre de la convention et demandons instamment à la commission d’experts de réfléchir aux tensions que ces observations continuent de créer, étant donné que cela a amené le Conseil d’administration à examiner un nouveau paragraphe 1 de l’article 37 de la Constitution de l’OIT concernant la procédure de renvoi pour trancher la question de façon définitive.

Le travail de la Commission de l’application des normes de la Conférence est le point culminant des mécanismes de contrôle de l’OIT. Nous sommes d’avis qu’il est extrêmement important que la commission d’experts, les partenaires sociaux et les gouvernements continuent d’affirmer ce rôle et de prendre des mesures afin qu’il ne soit pas remplacé par le renvoi devant la Cour internationale de Justice.

Nous attirons l’attention des membres de la commission sur les commentaires formulés par son vice-président employeur d’alors au paragraphe 20 du rapport général. Nous nous associons à ce point de vue et soulignons l’importance de ne pas créer de nouvelles obligations qui ne sont pas reflétées dans le texte des conventions. Nous considérons que les éléments de ce cas relatifs à l’existence de seuils de participation aux scrutins et au vote électronique en vue d’actions syndicales relèvent du droit de grève, et nous nous attendons à ce que cette commission ne parvienne à aucune conclusion sur ces questions qui soit conforme à la convention.

Mais je passe maintenant à des questions plus spécifiquement liées à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical telles que décrites dans la convention. Comme notre collègue travailleur du Royaume-Uni, nous convenons que la réglementation des syndicats et des organisations d’employeurs par les gouvernements doit être équilibrée. Nous notons avec intérêt les points qui ont été soulevés par les membres travailleurs au sujet de la surveillance des syndicats et du lien potentiel avec des lois plus récentes concernant les manifestations. Nous estimons qu’il serait bon que le gouvernement fournisse davantage d’informations sur ces questions – et qu’il fasse notamment rapport des résultats de toute révision en temps voulu.

De la même manière, un certain nombre de points soulevés dans les observations de la commission d’experts reflètent l’inquiétude que le gouvernement soit trop ambitieux en tentant de réglementer les associations – ici, de travailleurs, mais on pourrait en dire autant des organisations d’employeurs. Nous observons l’absence de progrès sur les décisions relatives au vote électronique pour les élections internes aux syndicats, ainsi que la préoccupation exprimée au sujet du champ des pouvoirs confiés à l’autorité chargée de l’enregistrement. Ces deux domaines pourraient bénéficier de discussions plus poussées avec les partenaires sociaux au niveau national, ainsi que de l’établissement de rapports soumis par le gouvernement aux organes de contrôle de l’OIT. Dans ces deux domaines, nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec la position de nos collègues travailleurs du Royaume-Uni, mais ils justifient pleinement des discussions avec les partenaires sociaux, qui n’ont pas eu lieu comme il se doit. Le gouvernement devrait corriger le tir à cet égard.

Il existe d’autres exemples de ce manque de consultation. Le vice-président travailleur en a mentionné un. Au cours de l’été dernier, le gouvernement a supprimé l’interdiction de recourir à des travailleurs intérimaires pour remplacer les travailleurs en grève sans consulter ni les syndicats ni les organisations d’employeurs des secteurs concernés. Cela a eu lieu en dépit de la loi nationale exigeant la tenue de consultations et fait désormais l’objet d’une révision judiciaire auprès d’un tribunal britannique. La décision à ce sujet est en attente.

Le vice-président travailleur a également mentionné d’autres problèmes qui ne figurent pas dans les observations de la commission d’experts. J’ai déjà fait référence à l’un d’entre eux qui pourrait être abordé, à savoir la question des travailleurs intérimaires et des grèves. L’autre problème majeur concerne la loi actuelle sur le service minimum. Nous faisons observer qu’il s’agit d’un projet de loi et que le processus parlementaire concernant le texte est encore en cours. Il serait inapproprié de prendre position à ce stade, y compris sur l’interaction de ce texte avec la convention, le cas échéant.

De façon générale, Monsieur le Président, nous restons d’avis que la convention telle qu’elle a été rédigée par les mandants de l’OIT est appliquée comme il se doit au Royaume-Uni. Il est légitime que sa mise en œuvre varie d’un pays à l’autre. En tant que membres employeurs britanniques, nous acceptons bien entendu que les membres travailleurs aient abordé certaines questions légitimes concernant la consultation avec les partenaires sociaux et nous estimons que la réglementation et le fonctionnement du système au Royaume-Uni méritent davantage de discussions au niveau national, ainsi que la soumission de rapports à la commission. Si nous ne partageons pas nécessairement le point de départ des travailleurs sur chacune des questions soulevées, il y a de la place pour une discussion sérieuse et pour que le gouvernement donne davantage d’informations aux organes de contrôle de l’OIT.

Membre travailleur, Royaume-Uni – Il est hélas manifeste que le gouvernement perçoit les syndicats comme un problème et non comme des partenaires. Cela n’est pas une fatalité, et pendant la pandémie le gouvernement a travaillé avec les organisations de travailleurs et d’employeurs pour créer un dispositif de mise en congé qui a empêché une catastrophe en matière de chômage. Mais, une fois cette période passée, le gouvernement est revenu à un langage hostile et au refus des consultations. Il introduit des lois oppressives, parmi les lois sur les syndicats les plus restrictives en Europe de l’Ouest, dans le but de fragiliser le droit fondamental à faire grève, il interfère dans l’indépendance des syndicats et ne fait rien pour promouvoir un climat propice à l’épanouissement du droit syndical. Mais, puisque nous siégeons au sein d’une commission tripartite de l’OIT, nous aimerions rappeler au gouvernement que nous sommes des partenaires sociaux, pas un problème social.

Les grèves avaient atteint un niveau historiquement bas lorsque la loi sur les syndicats de 2016 a été adoptée, et le Royaume-Uni se situait bien en dessous de la moyenne de l’OCDE en matière de nombre de jours de travail perdus pour cause de grève. Elle a été adoptée pour résoudre un problème qui n’existait pas. La promesse du gouvernement de réviser la loi sur les syndicats nous surprend, car les informations envoyées à la commission étaient les premières dont nous avions connaissance à cet égard. Cela arrive alors que le gouvernement essaie de faire passer une autre loi encore visant à restreindre le droit de grève des travailleurs britanniques: une autre loi qui n’a donné lieu à aucune consultation formelle avec les partenaires sociaux. Dans ce contexte, quel espoir pouvons-nous avoir qu’une quelconque révision sera menée de meilleure foi et au moyen d’un dialogue constructif avec les organisations de travailleurs et d’employeurs?

Depuis 2016, la commission d’experts demande avec insistance au gouvernement de dialoguer avec les partenaires sociaux pour supprimer les seuils de participation aux scrutins dans les transports et l’éducation, requis par la loi sur les syndicats, qui impose de disposer de l’appui de 40 pour cent de l’ensemble des personnes votantes sur un lieu de travail pour qu’une grève soit légale. Aucune discussion de la sorte n’a eu lieu. À la place, les ministres ont laissé entendre qu’ils pourraient relever le seuil minimum de 40 pour cent à 50 pour cent.

Les orientations de l’OIT sur l’interprétation du droit de grève sont claires: celui-ci ne devrait pas être restreint pour les services non essentiels. Mais le gouvernement est désorienté par rapport aux orientations de l’OIT. L’année dernière, le secrétaire d’État chargé de l’économie a annoncé au Parlement que ses propositions de niveaux de service minimum étaient conformes aux règles de l’OIT. Mais les projets entrent en complet désaccord avec les décisions du Comité de la liberté syndicale sur les niveaux de service minimum, et les ministres font fi d’un environnement hautement restrictif au Royaume-Uni. Ils prévoient que les ministres déterminent exactement le niveau de service minimum, un accaparement centralisé du pouvoir qui va clairement à l’encontre de toutes les orientations du Comité de la liberté syndicale. Dans leur persévérance à ne pas s’adresser formellement aux syndicats, ils ont fait en sorte que leur nouvelle loi n’ait aucune chance d’être déclarée conforme par le Comité de la liberté syndicale, et nous attendons avec impatience de soumettre une plainte à cet égard dans un avenir proche. Si le gouvernement voyait les syndicats comme des partenaires et non comme des problèmes, il saurait que les travailleurs prennent déjà des mesures pour veiller à ce que l’intégrité physique de chacun soit protégée pendant une action syndicale. Ni les organisations de travailleurs ni les organisations d’employeurs n’ont été consultées comme il se doit en amont, comme l’a mentionné mon collègue. Le gouvernement a abruptement aboli l’interdiction de longue date d’embaucher des travailleurs intérimaires en remplacement des travailleurs en grève. Les syndicats et l’association d’employeurs du secteur du recrutement ont publié conjointement une déclaration publique condamnant la modification de la loi, estimant qu’elle était contre-productive et irréalisable et qu’elle faisait courir des risques aux travailleurs. Notre avis aurait dû être sollicité par le biais de consultations formelles avec les partenaires sociaux lorsque l’idée a été évoquée pour la première fois.

Les conflits du travail au Royaume-Uni ont lieu dans un contexte de crise du coût de la vie sans précédent ces dernières décennies, l’inflation s’élevant en moyenne à plus de 10 pour cent depuis mars 2022.

L’action syndicale a permis aux travailleurs dans l’ensemble de l’économie d’obtenir des augmentations salariales, qui les ont aidés à survivre à la crise. Au moyen de la négociation collective, les pompiers ont obtenu une augmentation de 7 pour cent. Les chauffeurs de camions-citernes ont obtenu une augmentation salariale de 13,5 pour cent. Les infirmiers obtiendront une hausse de 5 pour cent ainsi qu’un versement unique de plus de 1 500 livres sterling. Les travailleurs les moins bien payés d’une compagnie d’assurance ont obtenu une augmentation de 10 pour cent, plus que les travailleurs mieux payés, après que les membres ont convenu de donner priorité à ceux qui en avaient le plus besoin. Certaines de ces augmentations ont été obtenues au moyen de grèves. D’autres encore ont été réalisées grâce au simple fait qu’il est possible de faire grève. L’alternative à l’exercice de leur pouvoir par les travailleurs pour accroître leur part de richesse est le récent conseil prodigué par la Banque d’Angleterre, qui a conseillé aux travailleurs britanniques d’«accepter d’être plus pauvres».

Nous savons que le droit de grève des travailleurs est crucial pour que nous puissions refuser d’accepter d’être plus pauvres, alors que nous savons que des résultats records sont enregistrés dans notre pays. Pour en revenir à la loi sur le service minimum, dans sa tentative désespérée de limiter le pouvoir des travailleurs pour défendre ses propres intérêts, le gouvernement propose d’enfreindre grossièrement l’indépendance des syndicats. Pour combler les lacunes évidentes dans sa loi irréalisable – ce qui, selon la propre analyse du gouvernement, provoquera de nouvelles grèves –, la loi exige des syndicats qu’ils prennent des «mesures raisonnables» pour s’assurer que leurs membres vont travailler, même ceux ayant voté démocratiquement en faveur de l’action syndicale. S’ils ne le font pas, la grève deviendrait illégale, faisant peser sur le syndicat le risque d’amendes exorbitantes: le plafond des dommages a été augmenté l’an dernier à 1 million de livres sterling. Les protections légales seraient en outre retirées à toutes les personnes participant à la grève – qu’ils aient ou non reçu l’ordre de retourner travailler.

En 2016, la commission avait demandé au gouvernement de passer en revue les pouvoirs d’enquête accrus de l’autorité chargée de l’enregistrement – le régulateur des syndicats et des associations d’employeurs – pour s’assurer de leur conformité avec la convention. Bien que leur application ait été retardée de plusieurs années, aucune modification significative n’a été apportée. Et, une fois de plus, aucune consultation formelle avec les partenaires sociaux n’a eu lieu avant leur introduction surprise en 2021.

Nous dirions que le gouvernement tirait au canon sur des moineaux, mais peut-être dans ce cas tirait-il même au lance-missile sur des mouches. L’année dernière, seulement 30 plaintes ont été déposées à l’encontre de syndicats, dont seulement 4 ont été maintenues. C’est à cette situation que le gouvernement cherche à remédier en introduisant un processus qui privera les syndicats des financements de leurs membres à hauteur de plus de 1 million de livres sterling environ. Nous craignons que cela soit utilisé de façon délibérée pour coincer les syndicats dans des processus long et coûteux. Le fait de promettre, comme le gouvernement l’a fait dans les informations qu’il a fournies à la commission, qu’en cas d’abus à cet égard une révision judiciaire est possible – c’est-à-dire un processus long et coûteux – n’est peut-être pas aussi rassurant que le pense le gouvernement. La convention est très claire: nous avons le droit d’élire nos représentants sans ingérence. La loi stipule depuis 1989 que tous les secrétaires généraux, présidents et autres responsables de syndicats doivent être élus. Bien que nous devrions avoir le droit de rédiger nos propres constitutions, en tant qu’organisations démocratiques, cela ne nous pose pas de problème. Cependant, la loi va plus loin en énonçant la façon dont ces élections doivent avoir lieu, à savoir qu’elles doivent être effectuées par correspondance.

Le paysage de la participation démocratique a bien changé, trente-quatre ans après la rédaction de cette disposition. Selon le Bureau de statistique du Royaume-Uni, 92 pour cent de la population du pays utilisent l’Internet. En revanche, de nombreuses personnes n’ont pas recours aux services postaux au quotidien, et pour certaines cela est même difficile à de nombreux égards. Il est intéressant de souligner qu’en 2022 le Premier ministre du Royaume-Uni a été effectivement élu par un vote électronique des membres du Parti conservateur. Il est inacceptable d’assujettir les syndicats à des mécanismes de contrôle plus stricts que ceux auxquels le Premier ministre est soumis au moyen d’une interdiction archaïque de notre droit à élire nos représentants en toute liberté. Et pourtant, le gouvernement dit, à propos de l’examen réalisé en 2017 par Sir Ken Knight de toutes les formes de vote électronique, qu’il «est sur le point d’achever son examen des recommandations».

Cela serait plus encourageant s’il n’avait pas employé une formulation presque identique dans une lettre adressée à la Confédération des syndicats il y a quatorze mois. Étant donné qu’il dispose désormais des recommandations de Sir Ken Knight depuis six ans, nous demandons respectueusement au gouvernement de bien vouloir achever son examen avec davantage d’empressement.

Hélas, comme la commission d’experts l’a fait observer, le Royaume-Uni a de lourds antécédents de surveillance et d’établissement de listes noires de syndicalistes. Une enquête bienvenue sur la question des policiers-espions infiltrant les syndicats est en cours.

Ayant cela à l’esprit, nous espérions disposer de garanties législatives empêchant que de telles interférences se reproduisent. Mais, lorsque le gouvernement a présenté la loi de 2021 sur les sources de renseignement humaines secrètes (Covert Human Intelligence Sources (Criminal Conduct) Bill), il s’est opposé à un amendement qui excluait spécifiquement les syndicats de ses principales dispositions – à savoir que les agents infiltrés des services de sécurité peuvent être autorisés à commettre des infractions. C’est également dans cette perspective que nous sommes inquiets de ce qu’énonce la loi sur les syndicats, à savoir que les coordonnateurs des piquets de grève doivent transmettre leurs coordonnées à la police et que l’autorité chargée de l’enregistrement peut exiger des documents sensibles.

Le fait de considérer les syndicats comme un problème explique peut-être pourquoi le Royaume-Uni ne prend pas «toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d’assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical», comme énoncé dans la convention. Même si nous notons aussi l’affirmation du Comité de la liberté syndicale selon laquelle «les gouvernements doivent garantir le libre accès des dirigeants syndicaux aux lieux de travail, […] afin que les syndicats puissent communiquer avec les travailleurs pour les informer des avantages qui peuvent découler de leur adhésion au syndicat», dans la pratique, au Royaume-Uni, aucune garantie de ce type n’existe. La paranoïa au sujet des intentions des syndicats, encouragée peut-être par le discours immodéré du gouvernement, donne lieu à l’adoption de mesures extrêmes par certaines entreprises des secteurs de l’hôtellerie et de la vente en ligne lorsqu’elles savent que des syndicats tentent de parler aux travailleurs. Dans un cas étrange, une entreprise a refusé de laisser les véritables représentants syndicaux s’adresser à son personnel et a proposé d’employer des comédiens afin qu’ils se fassent passer pour des représentants syndicaux, en vue de tester l’intérêt des travailleurs pour les syndicats sans les y exposer véritablement.

Nous sommes frustrés d’avoir dû revenir auprès de la commission pour débattre de problèmes de longue date liés non seulement au droit de grève, mais aux principes fondamentaux de l’indépendance des partenaires sociaux.

Comme l’indiquent clairement la convention et les orientations qui l’accompagnent, le rôle d’un gouvernement est de créer les conditions nécessaires pour que les travailleurs et les employeurs constituent des organisations, y compris en promouvant les avantages qu’ils ont à le faire. Mais son rôle n’est en aucun cas de choisir la forme de ces organisations, et il ne peut pas chercher à les contrôler. Toutefois il peut et devrait engager avec elles un dialogue social formel et structuré, en particulier sur les questions liées aux conventions de l’OIT, notamment le cadre des relations professionnelles dans lequel nous fonctionnons.

Enfin, nous espérons que le gouvernement aura écouté attentivement nos arguments et accepte qu’il puisse peut-être mieux faire certaines choses s’il est prêt à travailler avec, plutôt que contre, ses partenaires sociaux, ainsi qu’à solliciter leurs conseils et ceux de l’OIT, pour rester dans les limites de ses engagements internationaux.

Membre travailleuse, Italie – La commission d’experts s’est dite préoccupée par le manque de clarté concernant l’application de niveaux de service minimum au titre de la loi sur le service minimum. Cette loi limiterait de façon sévère et inacceptable le droit fondamental des travailleurs à entreprendre une action syndicale en vue de défendre leur rémunération et leurs conditions de travail. Elle permettrait aux ministres d’imposer par la loi des niveaux de service minimum dans six secteurs.

Les travailleurs italiens estiment que la négociation notamment au niveau sectoriel et le partenariat social sont toujours les meilleurs moyens de résoudre un conflit. Dans le cadre des systèmes de relations professionnelles britanniques, le fait d’imposer des niveaux de service minimum aggraverait et prolongerait au contraire les conflits.

Le gouvernement a déclaré que la loi sur le service minimum alignerait la législation nationale sur celle des autres pays européens, ce que nous aimerions réfuter. Au contraire des travailleurs britanniques, les travailleurs italiens sont protégés par des conventions collectives sectorielles nationales, qui définissent des normes minimales relatives aux droits des travailleurs pour des secteurs entiers, couvrant plus de 90 pour cent de la main-d’œuvre dans le secteur public et le secteur privé. Ces accords sont sous-tendus par la liberté d’organiser des grèves sans restriction disproportionnée.

En réalité, en Italie la loi no 46 de 1990 propose une définition générale du concept de «service public essentiel», en mettant l’accent sur la liste des droits personnels qui devraient être garantis quoi qu’il arrive par le biais de la fourniture de services publics essentiels. Mais ce sont les partenaires sociaux, par le biais de conventions collectives, qui définissent la liste des services minima à maintenir pendant une action syndicale. En cas de désaccord, une commission nationale indépendante examine et évalue les infractions à la disposition concernée après avoir écouté les partenaires sociaux.

Comme cela est inscrit dans la convention et clairement décrit dans le recueil des cas examinés par le Comité de la liberté syndicale, «dans la détermination des services minima et du nombre de travailleurs qui en garantissent le maintien, il importe que participent non seulement les pouvoirs publics, mais aussi les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées».

Nous demandons donc instamment au gouvernement de révoquer la loi sur le service minimum et de créer un environnement dans lequel les partenaires sociaux peuvent discuter et négocier les termes de l’action syndicale dans un climat exempt d’ingérence et d’intimidation.

Membre travailleur, Espagne – Je m’exprime également au nom de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB). Le Royaume-Uni possède certaines des lois antisyndicales les plus strictes d’Europe occidentale. Les travailleurs et travailleuses britanniques ne peuvent donc pas exercer leur droit légitime de protester comme ils le souhaiteraient. Or, le gouvernement veut encore réduire ce droit et limiter la capacité d’action des représentants des travailleurs, c’est-à-dire les syndicats. C’est la raison pour laquelle la commission a jugé nécessaire de formuler de nombreuses demandes à l’exécutif britannique concernant sa loi sur les syndicats.

Il est honteux qu’il existe des listes noires, une pratique dont la commission a malheureusement déjà eu affaire en d’autres occasions: elles existent au Guatemala, en Colombie ou au Bélarus. De telles listes noires ont existé en Espagne pendant la dictature et ont contraint mon organisation à l’exil. Il s’agit de listes noires qui trahissent le préambule de la convention qui cite la Déclaration de Philadelphie, laquelle proclame que «la liberté d’expression et d’association est une condition indispensable d’un progrès soutenu».

Alors que nous sommes réunis à l’OIT – berceau du tripartisme, de la négociation et du consensus –, il est difficile de comprendre qu’un gouvernement légifère unilatéralement sur des questions clés relevant des relations professionnelles, dont les actions revendicatives, sans tenir compte des points de vue des parties concernées, en évitant le dialogue social qui permet pourtant d’aboutir à d’excellents résultats, surtout lorsqu’il s’agit d’une convention fondamentale aussi sacrée que celle sur la liberté syndicale et la protection de l’exercice de ce droit. Comme l’a très justement dit le Directeur général de l’OIT à propos du cas du Royaume-Uni dont il est question ici, le dialogue social est particulièrement important dans le contexte actuel de récession économique. Et pourtant c’est exactement la situation inverse qui est examinée aujourd’hui.

La forme change le contenu, et la manière de l’imposer exprime une volonté. Si tout à l’heure j’ai cité de mauvais exemples, permettez-moi d’aborder maintenant de bons exemples, comme la façon dont, en Espagne, nous sommes parvenus, grâce au dialogue social tripartite, à faire barrage à des législations pernicieuses telles que celles qui érigeaient en délit le droit de grève. Je voudrais revenir sur les paroles du Directeur général, M. Houngbo, et dire que, face l’enchaînement de crises que nous avons connu dans mon pays, non seulement nous avons survécu, mais nous avons progressé, en négociant, grâce à la volonté des mandants et en travaillant ensemble pour garantir le succès et la justice sociale.

La volonté de limiter le droit de grève et d’affaiblir les droits des personnes qui l’exercent met en péril l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni qui exige le respect de la liberté d’association. Cet accord oblige le gouvernement britannique à respecter ses obligations envers l’OIT et le Conseil de l’Europe. Leur non-respect aurait des conséquences très négatives pour les entreprises et l’emploi. Dans le cas qui nous occupe, faire le vide semble préférable aux avantages de la négociation.

Que ce cas, où il est question de la violation d’une convention fondamentale, serve à inciter le gouvernement britannique à rectifier sa position et à adopter l’approche de l’OIT en faveur du progrès, de la paix et de la justice sociale, une philosophie qu’il a lui-même décidé d’embrasser en ratifiant la convention il y a presque cent ans.

Membre employeur, États-Unis d’Amérique – J’aimerais commencer par remercier sincèrement les intervenants des commentaires oraux et écrits riches et variés qu’ils ont soumis au titre de ce cas. Je vais m’efforcer d’être bref et de formuler des remarques ciblées. Ce cas soulève la question maintes fois rebattue de savoir si le droit de grève est contenu dans le texte de la convention no 87 ou en découle. Nous souhaitons redire qu’en réalité le texte de la convention ne contient aucune règle concernant le droit de grève et ne le mentionne pas du tout. Nous souhaitons aussi faire remarquer ce fait que l’inclusion de formulations sur le droit de grève a été sérieusement envisagée par les rédacteurs de la convention, et également que ces mêmes rédacteurs ont pris la décision sans équivoque et réfléchie de laisser de côté toute mention du droit de grève dans le texte.

Comme l’indique le rapport concerné issu de la Conférence de 1948: «le projet de convention [no 87] ne porte que sur la liberté syndicale et non pas sur le droit de grève, problème qui sera examiné à propos de la question VIII (conciliation et arbitrage), inscrite à l’ordre du jour de la Conférence. Dans ces conditions, il nous a semblé préférable de ne pas faire figurer une disposition à cet effet dans le projet de convention sur la liberté syndicale». Le texte et les antécédents législatifs de la convention sont ainsi extrêmement clairs: la convention n’inclut pas, de façon délibérée, le droit de grève car, comme le groupe gouvernemental l’a indiqué dans sa prise de position de mars 2015, «[l]a portée et les conditions d’exercice de ce droit sont réglementées au niveau national».

Nous souscrivons à la position du groupe gouvernemental. Nous devons ainsi également rappeler notre désaccord avec le point de vue de la commission d’experts concernant la convention et le droit de grève. Les gouvernements nationaux peuvent et devraient déterminer légitimement leur propre approche du droit de grève, librement guidée par leurs besoins et priorités au niveau national, et ne pas être tenus de suivre les recommandations de la commission d’experts. Ce droit ne devrait pas être prescriptif, dans la mesure où les gouvernements devraient – conformément à leur autorité souveraine – élaborer une réglementation qui honore ce droit de la façon la mieux adaptée à leur contexte national, dans les limites de la loi et des pratiques existantes.

Membre travailleur, Canada – Je m’exprime aujourd’hui au nom du groupe des syndicats du Commonwealth, en plus des syndicats canadiens. La convention no 87 est d’une importance vitale pour garantir le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs à organiser et à gérer leurs affaires internes sans ingérence des pouvoirs publics. En dépit de ce qu’assure le gouvernement, nous restons préoccupés par le potentiel d’ingérence dans les affaires internes des syndicats que représente l’augmentation des pouvoirs d’enquête de l’autorité chargée de l’enregistrement.

Les pouvoirs d’enquête de l’autorité s’étendront désormais aux fonds politiques, aux fusions de syndicats, aux élections des instances dirigeantes de ces derniers et à la nomination ou la non-révocation d’une personne ayant été condamnée pour certains délits financiers. Nous notons que l’autorité peut enquêter sans qu’une demande ou une plainte officielle ait été déposée, y compris sur la base d’informations et de préoccupations rapportées par des tiers. Nous craignons que cela permette à des groupes motivés par une animosité d’ordre politique à l’encontre de syndicats ou de dirigeants syndicaux particuliers de harceler les syndicats et de les obliger à consacrer davantage d’énergie et de ressources à répondre aux plaintes, en particulier lors de conflits du travail légitimes. L’inspecteur désigné peut exiger tout document et toute information qu’il estime pouvoir être pertinent d’une quelconque manière concernant le respect d’une obligation par un syndicat.

Nous craignons également que la nouvelle taxe imposée aux syndicats pour couvrir les dépenses de l’autorité crée des incitations perverses qui favorisent l’ingérence dans les affaires internes des syndicats. Dans la mesure où la taxe est structurée pour couvrir les dépenses de l’autorité chargée de l’enregistrement, le niveau et le taux d’augmentation des ressources disponibles pour employer du personnel, payer leur rémunération et fournir des locaux, des équipements et d’autres moyens sont directement liés au nombre d’enquêtes entreprises. Le gouvernement permet aussi que des sanctions financières jusqu’à 20 000 livres sterling soient imposées sommairement en cas de manquement. Il n’existe pas de critères publiés correspondant au niveau spécifique des sanctions à imposer, ce niveau étant laissé à l’entière discrétion de l’autorité.

Ces modifications ont été mises en œuvre en avril 2022, sans avertissement et à la suite d’un dialogue minimal avec les partenaires sociaux. Nous appelons le gouvernement du Royaume-Uni à dialoguer sans attendre avec les partenaires sociaux afin de répondre à ces préoccupations et pour s’assurer qu’il remplit pleinement ses obligations au titre de la convention.

Membre travailleur, Finlande – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom des syndicats nordiques. Malheureusement, les questions examinées aujourd’hui n’ont rien de nouveau. Le cas abordé dans le rapport de la commission d’experts poursuit la triste litanie de la législation antisyndicale, des obstacles à une véritable négociation collective, de la réglementation excessive de l’action syndicale et même de l’hostilité des autorités à l’égard des syndicats – la même histoire qui se répète depuis des années.

De nombreux points soulevés par la commission d’experts méritent que l’on s’y intéresse pleinement. Par exemple, le gouvernement a récemment augmenté le montant maximum des amendes susceptibles d’être imposées aux syndicats en lien avec des grèves considérées comme illégales, d’une façon qui ne peut être décrite que comme excessive. Des amendes pouvant s’élever jusqu’à 1 million de livres sterling sont plus que capables de produire un effet d’intimidation et d’inhiber les activités syndicales légitimes.

Néanmoins, j’aimerais aborder ici un aspect essentiel de la liberté syndicale, à savoir la consultation des syndicats – ou, dans ce cas, l’absence d’une telle consultation.

Comme le Comité de la liberté syndicale l’a souligné de nombreuses fois, les États ne devraient pas entraver la liberté syndicale. Au cœur de ce droit se trouve le fait que les partenaires sociaux devraient pouvoir mener leurs activités en toute liberté. Ce que les États peuvent et devraient encourager, c’est le principe de consultation et de coopération entre les pouvoirs publics et les organisations d’employeurs comme de travailleurs. Les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives devraient être consultées de façon approfondie sur les questions d’intérêt mutuel, notamment tout ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de lois sur des sujets qui les concernent.

C’est une chose à laquelle nous sommes très habitués dans les pays nordiques. Nous partageons l’expérience qu’une véritable confiance entre les partenaires sociaux et le gouvernement, assortie d’une atmosphère propice à la négociation collective, devrait être recherchée plutôt que découragée. La consultation réelle des partenaires sociaux et le respect entre toutes les parties ne sont pas une menace, mais une chance.

Nous sommes donc profondément inquiets des circonstances actuelles au Royaume-Uni. La loi sur le maintien de la législation européenne, qui a été adoptée sans processus de consultation en bonne et due forme, permet de supprimer des lois secondaires dérivées du droit européen avec une supervision ou une influence limitée de la part du Parlement, sans parler de consultations ou d’un dialogue direct quelconque avec les partenaires sociaux. Une part significative de la législation qu’il est désormais prévu de supprimer brutalement ou de réécrire aborde des questions qui touchent les syndicats: la consultation et la reconnaissance des syndicats en ce qui concerne les licenciements collectifs et les transferts d’entreprises, entre autres.

Ce qui nous préoccupe le plus, c’est le fait que, si de tels plans sont enclenchés sans tenir compte d’une consultation correcte avec les partenaires sociaux, des réformes excessives telles que celle-ci entraîneront des incompatibilités avec les conventions de l’OIT. Nous prions instamment le gouvernement d’agir avec la plus grande prudence et de veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs soient toujours respectés.

Membre travailleur, États-Unis – Au Royaume-Uni, la loi exige des syndicats qu’ils organisent des votes clés, par exemple l’élection de leurs dirigeants et la décision d’entreprendre une action syndicale, exclusivement par correspondance. Comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts, cette restriction est totalement contraire à l’article 3 de la convention, qui garantit le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. Dans notre ère numérique actuelle, aucun argument raisonnable ne justifie le maintien de cette restriction désuète concernant les procédures de vote internes des syndicats. Le fait d’imposer le vote par correspondance limite aussi la participation des jeunes travailleurs ou des personnes qui s’absentent simplement de chez elles pour des périodes prolongées. Un examen de 2017 commandé par le gouvernement a recommandé la mise en place d’un programme pilote de vote électronique, mais le gouvernement n’a encore pris aucune mesure malgré les appels répétés de la commission d’experts.

J’aimerais également aborder le flux constant de commentaires antisyndicaux exprimés par des fonctionnaires de haut rang de plusieurs gouvernements du Royaume-Uni au cours des dernières années. En réponse à l’exercice par les syndicats de leur droit légal à faire grève, plusieurs ministres ont comparé publiquement les syndicats à des terroristes «prenant le pays en otage» ou à des bandits «corrompant» leurs membres pour qu’ils fassent grève. Monsieur le Président, ce genre de rhétoriques antisyndicales empoisonne le discours social et sape l’esprit de la convention.

Le gouvernement Sunak ferait bien de mettre un terme aux injures et aux attaques législatives et de se mettre à traiter les syndicats comme les partenaires sociaux essentiels qu’ils sont. Aux États-Unis, nous avons constaté concrètement les avantages d’un changement d’approche. L’administration Biden a créé un groupe de travail formel pour promouvoir l’organisation des travailleurs et la négociation collective dans l’ensemble du gouvernement fédéral et a nommé des syndicats au sein de plusieurs organes consultatifs, sur des sujets allant de la politique commerciale à l’intelligence artificielle. Le résultat a été indéniablement positif, entraînant une hausse des syndicats dans l’opinion et une meilleure volonté du secteur privé à s’engager dans un dialogue social et dans une négociation collective. Pour conclure, nous appelons le gouvernement du Royaume-Uni à se conformer aux recommandations formulées dans le rapport de la commission d’experts et à abandonner toute proposition législative qui saperait les droits fondamentaux des travailleurs inscrits dans la convention.

Membre travailleur, Colombie – Je m’exprime au nom du Mouvement syndical colombien et de la Confédération syndicale des Amériques. Nous souhaitons rappeler que la liberté syndicale est un droit fondamental dont l’objectif est la promotion et la défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs et des travailleuses.

Il résulte de ce droit fondamental que la grève est un droit et non un fait. Les États démocratiques, indépendamment de leur niveau de développement, reconnaissent que les conflits sont naturels au sein d’une société pluraliste. Il ne s’agit donc pas de réprimer ces conflits de manière autoritaire, mais plutôt mettre en place les mécanismes nécessaires pour les régler. En d’autres termes, ces États doivent garantir aux travailleurs et aux syndicats l’exercice effectif du droit de grève, sans crainte de sanctions d’aucune sorte.

Par conséquent, la liberté syndicale étant un droit fondamental reconnu par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, il n’est pas concevable que son exercice soit soumis à une série de contrôles et de limitations par la police, lesquels entravent son essor et tendent à susciter la peur des militants.

Concrètement, il est illégitime de soumettre les activités syndicales à une surveillance policière ou de prévoir la communication de l’identité des syndicalistes, pratique qui peut faciliter la mise en place de listes noires et permettre l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire absolu de la part de l’autorité publique.

D’autre part, la commission d’experts a formulé des commentaires à plusieurs reprises sur la nécessité de revoir l’article 3 de la loi sur les syndicats afin de modifier l’obligation imposant que 40 pour cent de l’ensemble des travailleurs soutiennent un scrutin sur la déclaration de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports. De telles dispositions encouragent un interventionnisme excessif dans l’autonomie des organisations syndicales. Le gouvernement britannique devrait supprimer ces dispositions.

Membre travailleur, Zimbabwe – Nous sommes très préoccupés par les intentions du gouvernement d’apporter de façon unilatérale des modifications à ses lois sur la grève en introduisant des réglementations en matière de service minimum. Ces réglementations ont pour effet de limiter le pouvoir des travailleurs britanniques à mener effectivement une grève. La Confédération des syndicats a estimé que 1 travailleur sur 5 au Royaume-Uni verra son droit de grève limité. Selon la commission conjointe du Parlement britannique chargée des droits humains, la loi sur le service minimum en cas de grève limitera le droit de grève dans les services concernés, en exigeant des syndicats qu’ils prennent des mesures raisonnables pour s’assurer que les personnes identifiées dans un avis de travail émis par un employeur ne participent pas à une grève ou ne la poursuivent pas.

Les travailleurs identifiés dans un avis de travail et qui ignorent cet avis en faisant grève perdront leur protection automatique contre le licenciement dans le cadre de la participation à une action syndicale. La loi obligera également les syndicats à prendre ce qui est appelé des «mesures raisonnables» pour garantir que tous ses membres identifiés dans l’avis de travail ne participent pas à la grève. En l’absence de telles mesures, les syndicats pourraient recevoir une injonction à interrompre la grève ou devoir payer d’importants dommages. Les principes de l’OIT concernant les services minima nécessitent que ces services et le nombre minimum de travailleurs les fournissant soient définis non seulement avec les pouvoirs publics, mais aussi par les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Cela permet un échange attentif de points de vue sur ce qui, dans une situation donnée, peut être considéré comme un niveau minimum de service strictement nécessaire. À cet égard, nous constatons la nette intention du gouvernement de continuer sur sa lancée malgré l’opposition des syndicats. Le gouvernement n’a que faire de ce que disent les syndicats, qui sont des partenaires clés dans l’économie britannique. J’exhorte le gouvernement à dialoguer avec ses partenaires sociaux afin de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve actuellement.

Membre travailleur, Philippines – Les travailleurs des Philippines plaident fermement en faveur de l’accès aux lieux de travail pour les représentants de syndicats au Royaume-Uni. Cet accès serait très profitable à nos travailleurs philippins à l’étranger, et notamment aux quelque 40 000 travailleurs de la santé présents dans le pays. Environ 200 000 Philippins vivent au Royaume-Uni, et il est crucial que nos travailleurs aient la possibilité d’adhérer à des syndicats. La convention, qui déclare que le gouvernement doit assurer le droit syndical, renforce l’importance d’offrir aux travailleurs et aux employeurs la capacité d’exercer ce droit. Malheureusement, au Royaume-Uni, cette liberté est entravée par l’absence d’un cadre permettant aux syndicats d’accéder aux lieux de travail, même aux fins de s’adresser aux travailleurs ou d’entreprendre l’organisation d’activités.

Sans protections adéquates, les employeurs hostiles aux syndicats peuvent facilement rejeter leurs efforts. Les représentants syndicaux se voient régulièrement refuser l’accès aux lieux de travail et ont même ordre de quitter les espaces publics aux environs de ces lieux lorsqu’ils tentent de distribuer des prospectus à la fin de la journée de travail. Les travailleurs s’exposent à des menaces par le simple fait d’accepter le prospectus d’un syndicat. Nous aimerions insister sur ce que le Comité de la liberté syndicale a mis en lumière, à savoir que les gouvernements devraient garantir l’accès des représentants syndicaux aux lieux de travail, en respectant bien entendu les droits de propriété et de la direction. Cet accès est crucial pour permettre aux syndicats de communiquer avec les travailleurs et pour les informer des avantages qu’ils pourraient avoir à rejoindre un syndicat. Cependant, au Royaume-Uni, les syndicats sont maintenus à distance et n’ont pas légalement le droit de dialoguer avec les travailleurs. Cette restriction a été illustrée de façon évidente quand une chaîne d’hôtels a appelé la police au sujet d’organisateurs qui distribuaient des informations sur leur syndicat à l’extérieur de son enceinte. De la même manière, un autre employeur a refusé l’accès à ses locaux et a promis d’envoyer un responsable pour interroger les employés sur leurs préoccupations si ces derniers demandaient à parler à un responsable syndical. Au sein du bâtiment, tout matériel syndical est interdit, et les travailleurs sont activement découragés de débattre au sujet des syndicats. La signalétique électronique dans l’ensemble des locaux est utilisée pour dissuader d’adhérer à un syndicat.

Membre travailleuse, Australie – Je m’exprime au nom du mouvement syndical australien et du Conseil syndical du Commonwealth concernant les pratiques de surveillance et d’établissement de listes noires de membres de syndicats au Royaume-Uni, qui constituent des violations monumentales de la convention. Le gouvernement a précédemment indiqué à la commission d’experts que l’exercice de pouvoirs d’investigation secrète au titre de la loi sur les pouvoirs d’investigation de 2016 et de la loi de 2000 portant réglementation des pouvoirs d’enquête fait l’objet de nombreuses protections strictes, ainsi que d’une surveillance solide et indépendante. Le gouvernement souligne qu’il ne serait par conséquent jamais nécessaire et proportionné de faire usage de pouvoirs d’investigation dans le seul but de faire ingérence dans des activités syndicales légitimes. Nous notons cependant la pratique de longue date de surveillance des syndicats et de syndicalistes au Royaume-Uni par les services de sécurité gouvernementaux et par la police, et nous constatons que les renseignements à ce sujet ont été transmis aux employeurs et utilisés pour établir des listes noires de travailleurs, certains se voyant licenciés ou refusés pour un emploi en raison de leurs activités syndicales.

À la suite de scandales impliquant la perquisition d’une association d’employeurs établissant des listes noires en 2009 et après que plusieurs espions ont été démasqués entre 2010 et 2014, le gouvernement a mis en place en 2015 l’institution dénommée Enquête sur les opérations policières secrètes, qui doit désormais rendre son rapport. La surveillance et l’établissement de listes noires de syndicats étaient suffisamment significatifs pour justifier la création par l’institution d’une catégorie spécifique pour enquêter sur la surveillance étatique secrète des syndicats, avec comme participants principaux le Syndicat des sapeurs-pompiers, le Syndicat national des mineurs, le syndicat Unite et les membres de la base, ainsi que le Blacklist Support Group. Il existe des preuves que la pratique de l’établissement de listes noires a toujours cours – il a par exemple été révélé en 2019 que les responsables d’un vaste projet ferroviaire bénéficiant de financements publics ont fait appel aux services d’une entreprise de sécurité afin de surveiller des syndicalistes qui faisaient campagne contre l’établissement de listes noires dans le secteur de la construction. C’est donc dans ce contexte que nous notons avec une vive inquiétude l’adoption récente par le gouvernement – en 2021 – de la loi sur les sources de renseignement humaines secrètes (Covert Human Intelligence Sources (Criminal Conduct) Act), qui autorise les services de police, de sécurité et des renseignements, ainsi que les forces armées, à infiltrer des organisations légales et autorise les personnes infiltrées à commettre des infractions pénales. Ces infractions sont autorisées: a) dans l’intérêt de la sécurité nationale; b) dans le but de prévenir et de détecter la criminalité ou d’empêcher des troubles; ou c) dans l’intérêt du bien-être économique du Royaume-Uni. Il est clair que ces motifs d’autorisation pourraient permettre la surveillance des syndicats et de leurs membres. Un amendement qui visait à exclure les syndicats du champ d’application de la loi a été mis en échec par 59 voix après que le gouvernement a refusé de lui donner son appui; le Parlement britannique a ainsi bien répudié cette limitation spécifique des pouvoirs de la police et des services de sécurité. Étant donné les preuves de la pratique généralisée de la surveillance d’organisations indépendantes de travailleurs au Royaume-Uni, entraînant l’établissement de listes noires de syndicalistes, nous nous disons vivement préoccupés du fait que les progrès revendiqués par le gouvernement en réponse aux observations formulées par la Commission d’experts en 2018 risquent de donner lieu à des abus à l’avenir.

Ni les syndicats ni les syndicalistes ne devraient faire l’objet d’une surveillance de l’État. Nous appelons le gouvernement à modifier immédiatement la loi afin d’en exclure explicitement les syndicats et de mettre immédiatement un terme à la pratique de surveillance des syndicats afin de respecter la convention. Nous appelons en outre le gouvernement à interdire la surveillance de syndicats et de syndicalistes par l’État et ses représentants au motif de leur participation à un syndicat ou à des activités syndicales, et à punir de sanctions pénales sévères les représentants de l’État qui se livrent à une telle pratique.

Représentante gouvernementale – J’aimerais remercier toutes les personnes qui se sont exprimées au cours de la session de ce jour et qui ont pris part à ce processus de façon constructive. Le Royaume-Uni remercie la commission d’experts et cette commission de leur examen; nous avons écouté avec attention tous les points de vue exprimés aujourd’hui et y donnerons suite avec nos collègues concernés dans l’ensemble du gouvernement. Le Royaume-Uni s’est engagé au titre de toutes les conventions de l’OIT qu’il a ratifiées, y compris la convention no 87, et nous avons depuis longtemps mis en place un cadre réglementaire qui protège cette convention fondamentale. Nous estimons que la loi sur les syndicats adopte une approche mesurée et proportionnée qui équilibre les droits des personnes entreprenant une action syndicale et ceux des personnes touchées par cette action. Elle vise à moderniser les relations professionnelles tout en favorisant une approche plus efficace et collaborative de la résolution des conflits du travail et en protégeant le maintien de services vitaux pour tous les membres de notre société.

Le Royaume-Uni a l’intention d’entamer prochainement la révision de la loi sur les syndicats, qui devrait être achevée à temps pour le prochain rapport soumis par le Royaume-Uni à l’OIT. La révision, qui concernera notamment les seuils de participation aux scrutins et les exigences en matière de piquets de grève, prendra en compte les points de vue des partenaires sociaux et les questions soulevées par la commission, dont les conclusions seront aussi prises en considération. Nous remercions les intervenants de leurs commentaires relatifs aux réformes de l’autorité chargée de l’enregistrement. Son rôle est essentiel pour veiller à ce que les syndicats et les associations d’employeurs respectent les plus hautes normes de gouvernance. L’autorité chargée de l’enregistrement est pleinement indépendante du gouvernement, et cela est explicitement précisé dans la réforme. Il existe des limites claires à la façon dont l’autorité chargée de l’enregistrement peut employer ses pouvoirs d’enquête. Elle est tenue d’agir raisonnablement et ne peut lancer d’enquêtes visant des syndicats sur un caprice. Elle ne peut lancer d’enquête que si elle soupçonne un syndicat de n’avoir pas respecté une obligation légale. Par ailleurs, l’autorité chargée de l’enregistrement ne peut demander à un syndicat de produire des documents que si elle a de bonnes raisons de le faire. Nos modifications ont renforcé les mesures de sauvegarde, en prévoyant notamment un contrôle judiciaire accru des décisions de l’autorité, comme nous l’avons détaillé dans notre réponse écrite soumise à la commission d’experts. Les réformes ont modernisé la réglementation sur les syndicats, l’harmonisant avec celle applicable à d’autres régulateurs. C’est important pour conserver la confiance des travailleurs, des employeurs et du grand public.

J’ai conscience que la commission d’experts n’a pas posé de question sur la loi sur le service minimum en cas de grève, mais j’ai noté qu’elle a été mentionnée par plusieurs délégués. Je voulais donc seulement réaffirmer la position principale du Royaume-Uni, à savoir que la capacité à faire grève est un élément important des relations professionnelles dans le pays, protégée comme il se doit par la loi; le gouvernement comprend qu’un paramètre de perturbation est inhérent à toute grève. Nous remercions les délégués et membres travailleurs et employeurs de leurs commentaires concernant l’abrogation de la réglementation 7 concernant les consultations avec les partenaires sociaux, et sur les réformes législatives plus larges liées aux manifestations. Nous les transmettrons aux départements concernés au sein du gouvernement. Pour conclure, le gouvernement est convaincu que la loi sur les syndicats est compatible avec ses obligations internationales contractées dans le cadre des Nations Unies, de l’OIT et de la Charte sociale européenne. La loi sur les syndicats ne vise pas à interdire l’action syndicale et, de fait, de l’empêche pas, mais elle veille à ce qu’elle bénéficie d’un niveau raisonnable de participation et d’appui démocratique. Le gouvernement ne doute pas que la loi sur les syndicats atteint un juste équilibre entre les droits des syndicats et leurs responsabilités envers le reste de la société, et modernise la loi sur les syndicats à l’avantage de tous. J’aimerais conclure en réaffirmant l’engagement du Royaume-Uni à améliorer constamment les normes du travail et en remerciant la commission et ses contributeurs pour le temps précieux consacré à ses travaux.

Membres employeurs – Nous prenons simplement note des commentaires du gouvernement concernant l’autorité chargée de l’enregistrement et les scrutins, et nous le prions instamment de poursuivre le travail qu’il a commencé. J’estime que, étant donné qu’aux yeux des employeurs le droit de grève en lui-même n’est pas réglementé par la convention, les principaux problèmes qui ont été soulevés sont de nature concrète. Mais, cela étant dit, il s’agit de questions pratiques et elles devraient recevoir l’attention requise. En gardant cela en tête, nous aimerions simplement recommander au gouvernement de faire rapport à la commission d’experts à temps pour sa prochaine session, en lui fournissant des informations sur l’application de la convention dans le droit et dans la pratique, ainsi que toutes les informations requises par la commission.

Membres travailleurs – Nous remercions la représentante du Royaume-Uni des informations fournies à notre commission et nous remercions également tous les intervenants de leurs contributions. Les atteintes à la liberté syndicale et au droit syndical au Royaume-Uni doivent être entendues dans le contexte d’un système dans lequel les syndicats sont déjà très fortement réglementés, du fait de plusieurs restrictions des libertés syndicales introduites au cours des quarante-cinq dernières années. La commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont également déjà procédé à un examen critique de nombreuses de ces restrictions au fil des années. Cet après-midi, nous avons abordé de façon approfondie l’incapacité des syndicats à recourir au vote électronique en vue de grèves ou même de l’élection de leurs dirigeants, tandis que d’autres organisations de la société civile – et même les partis politiques – ont le droit de s’en servir. Cela met en évidence un empiétement sur l’autonomie des syndicats pour définir leurs propres règles et décider de leurs propres activités.

Si nous nous penchons sur les restrictions du droit de grève dans les secteurs de l’éducation et des transports, nous devons également rappeler d’autres limitations de ce droit dans la loi et dans la pratique. Par exemple, les actions collectives secondaires font toujours l’objet d’une interdiction générale au Royaume-Uni. L’impact de cette interdiction s’est fait sentir l’an dernier lorsqu’une importante compagnie de ferry a licencié sommairement 786 de ses employés pour les remplacer par des travailleurs intérimaires. Des licenciements organisés comme un guet-apens, sans consultation préalable avec les syndicats; et, puisque les licenciements ont été instantanés, les travailleurs ont été privés de la possibilité d’une action syndicale. Cela, assorti au fait qu’il est formellement interdit aux syndicats d’appeler d’autres travailleurs à mener une action de solidarité pour soutenir les personnes licenciées, a eu pour résultat que les matelots n’ont eu aucun recours, ni sur le plan juridique ni en matière d’action collective. La multitude de restrictions du droit de grève et d’actions sapant l’autonomie des syndicats et les libertés civiles des syndicalistes constitue de graves violations des articles 2 et 3 de la convention, associés à ses articles 7, 8 et 10 et au principe de liberté syndicale.

Notre groupe est toujours à la recherche de moyens constructifs de veiller à ce que les gouvernements respectent pleinement leurs obligations découlant des conventions qu’ils ont ratifiées. Les déclarations antisyndicales de ministres du gouvernement et le fait de ne pas entamer de consultations formelles sont des erreurs; le dialogue social est la solution. En effet, presque chaque observation de la commission d’experts dans ce cas a mis en relief le manque de consultation significative avec les partenaires sociaux. Cela doit changer de toute urgence. Nous sommes d’avis que le gouvernement devrait se prévaloir de l’assistance technique du BIT, en coopération et en consultation étroite avec les partenaires sociaux, afin d’aider à rendre sa législation existante et proposée conforme à la convention et de mettre en œuvre les recommandations de la commission d’experts et de notre commission. Le dialogue social est au cœur de la Constitution de l’OIT, et sa réalisation donne du sens à l’application de la convention. En conclusion, nous aimerions redire l’importance critique du droit fondamental de faire grève. Pour écarter tout doute, permettez-moi de dire, que pour le groupe des travailleurs, il ne peut y avoir de compromis quant à la reconnaissance inconditionnelle du droit de grève sur la base de la convention. Il s’agit d’un droit fondamental, qui est indispensable pour garantir l’application effective des droits et des libertés inscrits dans les normes internationales du travail.

Le Royaume-Uni étant un membre responsable de l’OIT et de la communauté internationale, il est d’une importance fondamentale qu’il respecte, promeuve et applique les orientations formulées par les organes de contrôle de l’Organisation dans le contexte de son dialogue avec les États membres sur l’application des conventions qu’ils ont ratifiées. Nous rappelons que la déclaration de 2015 du groupe gouvernemental indiquait clairement qu’«[il reconnaissait] que le droit de grève est lié à la liberté syndicale, qui est un principe et droit fondamental au travail de l’OIT. Il [reconnaissait] en outre expressément que, sans protection de ce droit de grève, la liberté syndicale et, en particulier, le droit d’organiser des activités pour promouvoir et protéger les intérêts des travailleurs ne [pouvaient] être pleinement garantis.» Nous exhortons le gouvernement à suivre les orientations données de longue date par les organes de contrôle, notamment la commission d’experts, en respectant le plein exercice par les travailleurs des droits protégés dans la convention, y compris en ce qui concerne le droit de grève. Nous prions instamment le gouvernement d’entamer un véritable dialogue social sur toutes les questions soulevées par la commission d’experts et d’y répondre conformément à la convention.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté le caractère central du dialogue social pour la liberté syndicale et par conséquent, pour l’application efficace de la convention.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie le gouvernement de fournir des informations aux partenaires sociaux, et de faciliter le dialogue entre et avec ces derniers, pour:

- faire rapport sur les résultats de l’Enquête sur les opérations policières secrètes de 2015 et concernant les allégations relatives à la surveillance policière des syndicats et des syndicalistes soumises par la Confédération des syndicats (TUC) en 2018;

- garantir que la législation actuelle et future soit conforme à la convention;

- limiter et définir les pouvoirs d’investigation de l’autorité chargée de l’enregistrement afin de garantir que ces pouvoirs n’interfèrent pas avec l’autonomie et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d’employeurs;

- faciliter le vote électronique (e-balloting); et

- renforcer les consultations avec les partenaires sociaux à propos de la législation qui les concerne.

La commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT et le prie de fournir des informations à la commission d’experts sur les progrès réalisés relatifs à toutes les questions susmentionnées d’ici au 1er septembre 2023.

Représentante gouvernementale – Permettez-moi tout d’abord d’affirmer à nouveau l’engagement du Royaume-Uni dans ce processus et dans le système de contrôle dans son ensemble. En tant que nation engagée en faveur du respect et de l’avancement des normes internationales du travail aux niveaux national et mondial, le Royaume-Uni attache une grande valeur au rôle de l’OIT. Nous remercions la commission de son examen attentif et approfondi de ce cas et des questions qui ont été soulevées. Nous prenons dûment note des conclusions de la commission et nous engageons à faire rapport à la commission d’experts en conséquence.

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