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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Nicaragua (Ratification: 1967)

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Article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. La commission prend note des dispositions de droit du travail (article 17 p) du Code du travail) et en matière pénale (article 174 du Code pénal, tel que modifié par la loi no 779 contre la violence à l’égard des femmes) qui punissent le harcèlement ou le chantage sexuel. La commission note également que le gouvernement indique dans son rapport que: 1) la Cour suprême de justice a approuvé en octobre 2020 le «Protocole pour la prévention et la lutte contre le harcèlement au travail et le harcèlement sexuel au sein du pouvoir judiciaire nicaraguayen», qui a pour objectif de prévenir, traiter et éradiquer toutes les manifestations de violence sous forme de harcèlement sexuel et de harcèlement au travail dans toutes les instances du pouvoir judiciaire; 2) le ministère du Travail met en œuvre des processus de traitement des plaintes liées au travail, y compris celles relatives au harcèlement au travail, assortis de mécanismes de prise en charge immédiate et d’enquête sans délai, par l’intermédiaire de l’inspection du travail et dans le strict respect de la législation du travail, sans préjudice des actions que les travailleurs concernés peuvent exercer dans le cadre des procédures judiciaires correspondantes; 3) entre 2018 et 2021, le ministère du Travail a reçu 111 plaintes pour mauvais traitements, harcèlement au travail et harcèlement sexuel (40 d’entre elles ont été déboutées; 36 ont été acceptées; 15 ont donné lieu à un accord entre les parties; 5 ont été abandonnées; et 4 ont fait l’objet d’une procédure pénale); 4) le ministère du Travail dispose d’une unité technique chargée des questions de genre qui promeut l’égalité de traitement et de chances pour les femmes et les hommes; et 5) entre avril 2020 et mars 2021, aucun des 19 tribunaux du travail de première instance n’a enregistré de plainte pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La commission accueille favorablement l’initiative de la Cour suprême de justice et note que, dans le protocole susmentionné, la définition du harcèlement sexuel inclut le harcèlement qui s’apparente à un chantage (quid pro quo) et le harcèlement dû à un environnement de travail hostile. La commission prie le gouvernement de: i) indiquer dans quelle mesure l’article 17 p) du Code du travail couvre également le harcèlement sexuel dû à un «environnement de travail hostile»; ii) fournir des informations sur les sanctions imposées dans les cas où les plaintes portées devant le ministère du Travail ont été acceptées et où des actes de harcèlement sexuel ont été constatés; iii) fournir des informations sur les plaintes administratives ou des actions en justice intentées devant les tribunaux du travail ou les tribunaux pénaux en vertu des dispositions du Code du travail ou du Code pénal en matière de harcèlement sexuel ou de chantage sexuel; et iv) continuer à fournir des informations sur toute mesure prise pour sensibiliser et prévenir le harcèlement sexuel.
Discrimination fondée sur l’opinion politique. La commission note que le gouvernement: 1) se réfère à la Constitution politique et aux dispositions de la Constitution relatives à la non-discrimination fondée sur les croyances politiques, la liberté d’expression et l’égalité dans la jouissance et l’exercice des droits politiques; 2) indique qu’aucune plainte déposée en matière de travail contre des ministères centralisés de l’État n’est liée à une discrimination politique à l’égard d’agents de l’État ou de fonctionnaires, qui jouissent de la liberté d’assumer les idées et l’idéologie politiques de leur choix; 3) indique que, au cours de la période comprise entre avril 2020 et mars 2021, les juridictions du travail n’ont pas eu à connaître d’affaires pour atteintes aux droits fondamentaux en rapport avec la discrimination fondée sur des motifs idéologiques ou politiques; 4) indique que, le bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme, qui est l’institution nationale qui promeut, défend et protège les garanties constitutionnelles des citoyens et citoyennes, en vertu de la loi no 212 de 1995, mène d’office des enquêtes ou à la demande d’une partie, sur les plaintes déposées par des citoyens ou citoyennes concernant des allégations d’atteintes aux droits de l’homme (le gouvernement indique qu’aucune plainte n’a été reçue faisant état de pressions ou de représailles pour avoir participé à un quelconque type de manifestation et que, lors du coup d’État manqué de 2018, 47 fonctionnaires ont déclaré avoir été empêchés de se déplacer librement); et 5) précise que l’institution susmentionnée a lancé en 2020 une campagne de sensibilisation et d’information directe auprès des Nicaraguayens et Nicaraguayennes, en facilitant les processus d’éducation sur les droits de l’homme et en recevant des plaintes (le gouvernement signale que plus de treize mille visites ont été effectuées dans les zones urbaines et rurales et qu’aucune plainte n’a été déposée concernant la discrimination fondée sur l’opinion politique).
La commission observe avec préoccupation la grave situation de discrimination politique dans le pays, telle que rapportée par les organes des Nations unies (NU) et le système interaméricain des droits de l’homme. Ce contexte explique les motifs qui ont conduit à l’adoption, par le Conseil des droits de l’homme des NU, le 31 mars 2022 de la résolution no 49/3 sur la promotion et la protection des droits de l’homme au Nicaragua, adoptée, dans laquelle, entre autres, le Conseil: 1) s’est déclaré gravement préoccupé «par les atteintes aux droits civils et politiques commises dans le contexte des élections de 2021, en violation de l’obligation incombant au Nicaragua de défendre le droit de tout citoyen de prendre part à la conduite des affaires publiques et de voter et d’être élu au cours d’élections périodiques honnêtes», ainsi que «par l’adoption de dispositions législatives visant explicitement à limiter la capacité des citoyens et citoyennes nicaraguayens à exercer leurs libertés fondamentales et à prendre part au processus politique»; 2) a condamné «la poursuite du recours à la détention arbitraire et les nouvelles détentions arbitraires dont ont fait l’objet – notamment dans le cadre du processus électoral de 2021 – des candidats à l’élection présidentielle et des dirigeants politiques de l’opposition, des défenseurs des droits de l’homme, des entrepreneurs, des journalistes, des responsables du monde paysan et des dirigeants de mouvements étudiants ainsi que des membres d’organisations de la société civile, et se déclarant profondément inquiet pour l’intégrité et l’état de santé de ces personnes et préoccupé par le traitement qui leur est réservé et leurs conditions de détention, qui peuvent s’apparenter à de la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, considérant la vulnérabilité particulière des personnes âgées et des personnes malades, ainsi que des femmes et des filles, en détention»; 3) s’est déclaré «gravement préoccupé par la détérioration de la démocratie et la situation des droits de l’homme au Nicaragua, en particulier en ce qui concerne la jouissance des droits civils et politiques, les informations selon lesquelles des violations des droits de l’homme et des atteintes à ces droits sont commises de manière continue»; et 4) a décidé de «créer, pour une période d’un an, un groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua, dont les trois membres seront nommés par le Président du Conseil des droits de l’homme», qui devra, entre autres actions, «mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises au Nicaragua depuis avril 2018, notamment sur toute éventuelle dimension de genre de ces violations et atteintes, et sur leurs causes structurelles profondes» (A/HRC/RES/49/3, alinéas 9 et 12 – paragr. 1 et 14 a)). La commission note également que le Comité des droits de l’homme (Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques) fait référence à une répression généralisée visant à museler la population (CCPR/C/NIC/CO/4, 3 novembre 2022, paragr. 31, 35 et 37) et que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Nicaragua, s’est dit profondément préoccupé par les allégations de discrimination fondée sur l’opinion politique dont ont fait l’objet des personnes opposées ou critiques à l’égard du gouvernement dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit au travail et l’accès aux services de santé (E/C.12/NIC.CO/5, 11 novembre 2021, paragr. 17). Enfin, la commission prend note du communiqué de presse de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), daté du 4 novembre 2022, dans lequel elle déclare avoir constaté «la recrudescence de la répression et de la persécution contre les opposants politiques».
Dans le même ordre d’idées, la commission note avecpréoccupation que la CIDH a adopté le 22 novembre 2022 une résolution sur les mesures provisoires (dans les cas de Juan Sebastián Chamorro et autres et de 45 personnes privées de liberté dans 8 centres de détention au Nicaragua), dans laquelle elle a déclaré l’État du Nicaragua en état d’outrage permanent à la cour pour ne pas avoir respecté les mesures provisoires, dont le but est de fournir des mesures de prévention et de protection, en violation de ses obligations en vertu de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La commission estime qu’un climat de violence, d’insécurité et d’intimidation tel que celui décrit par les organes des Nations Unies ou la CIDH est propice à la commission d’actes graves de discrimination en matière d’emploi et de profession à l’encontre des personnes exprimant leurs opinions politiques. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses observations en matière de non-discrimination et d’absence de discrimination en matière d’emploi et de profession et prie le gouvernement de fournir des informations: i) sur toute mesure supplémentaire prise pour éliminer la discrimination fondée sur l’opinion politique et pour assurer une protection adéquate aux travailleurs en cas de discrimination fondée sur l’opinion politique; et ii) sur le résultat de toute enquête menée, à la suite de plaintes dont auraient été saisies les autorités administratives ou judiciaire, pour des actes de discrimination fondée sur l’opinion politique.
Discrimination fondée sur la race. Peuples indigènes. La commission note que le gouvernement indique que le nombre global d’inscriptions dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle pour la période 2020-2021 fait état d’un total de 308 699 étudiants, dont 49 911 sont des étudiants issus des peuples indigènes et d’ascendance africaine, dont plus de la moitié sont des femmes. Le gouvernement fournit des statistiques détaillées, ventilées par sexe, région et université, ainsi que des informations sur les mesures prises pour prévenir et éliminer la discrimination dans l’éducation. La commission note également les observations finales du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) et, en particulier, que: 1) «il demande instamment à l’État partie d’adopter d’urgence les mesures nécessaires pour assurer la protection efficace et le respect des droits des peuples autochtones et d’ascendance africaine, en particulier dans la région de la côte atlantique», et «prie instamment l’État partie de poursuivre ses efforts pour promouvoir de manière effective l’inclusion sociale et réduire les indices de pauvreté et d’inégalité qui touchent les membres des peuples autochtones et d’ascendance africaine, notamment par l’adoption de mesures spéciales ou d’actions positives visant à éliminer la discrimination structurelle dont ils sont toujours victimes»; et 2) il «recommande à l’État partie de lutter contre les multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes autochtones et d’ascendance africaine, notamment en intégrant des considérations de genre dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale. Le CERD recommande également au Nicaragua de prendre des mesures pour que les femmes autochtones et d’ascendance africaine aient accès à tous leurs droits, en particulier à l’éducation, à l’emploi et à la santé, en tenant compte des différences culturelles et linguistiques» (CERD/C/NIC/CO/15-21, 30 août 2022, paragr. 17 et 39). À cet égard, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toute mesure prise ou envisagée pour protéger les peuples indigènes et d’ascendance africaine contre la discrimination raciale dans l’emploi et la profession.
Article 2. Politique nationale relative à l’égalité de chances et de traitement. Fonction publique et secteur privé. Faisant suite à ses commentaires précédents, la commission accueille favorablement et note les informations détaillées fournies par le gouvernement sur: 1) le cadre juridique normatif qui reconnaît l’égalité comme point de départ pour promouvoir et garantir la non-discrimination; 2) les diverses initiatives de création d’emplois pour les femmes; 3) les données statistiques sur l’emploi des hommes et des femmes dans le secteur public (en 2021, 59 pour cent étaient des femmes; dans le système judiciaire, plus de 60 pour cent des postes administratifs et de direction sont occupés par des femmes); 4) la décision constitutionnelle de parité entre femmes et hommes dans les fonctions électives; 5) de nombreux programmes, stratégies, plans et projets pour l’élimination des stéréotypes de genre et des actions de protection contre la discrimination dès la petite enfance, l’adolescence et la jeunesse; et 6) des sessions de formation continue des fonctionnaires relatives à la législation sur l’égalité. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les résultats des nombreuses actions entreprises dans le cadre de la politique nationale sur l’égalité de chances et de traitement.
Contrôle de l’application. Inspection du travail. La commission prend note du nombre d’inspections effectuées en matière d’égalité et de non-discrimination dans l’emploi indiquées par le gouvernement. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le type de violations constatées dans le cadre de l’application de la convention, les mesures correctives prévues et les sanctions qui ont été infligées.
Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, la commission note avec une profonde préoccupation le climat de violence, d’insécurité et d’intimidation qui règne dans le pays et qui est propice à la commission d’actes graves de discrimination en matière d’emploi et de profession à l’encontre des personnes qui expriment leur opinion politique. Dans ce contexte, la commission note les détentions arbitraires de dirigeants politiques, de défenseurs des droits de l’homme, d’entrepreneurs, de journalistes, de responsables du monde paysan et de dirigeants de mouvements étudiants ainsi que de membres d’organisations de la société civile. Il note également les rapports continus de violations et d’abus des droits de l’homme, y compris la discrimination fondée sur le genre. La commission estime que ce cas remplit les critères énoncés au paragraphe 114 de son rapport général pour être soumis à la Conférence.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 111e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]
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