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Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 158) sur le licenciement, 1982 - France (Ratification: 1989)

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Observation
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La commission prend note des observations formulées par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), reçues le 6 septembre 2021, ainsi que de la réponse du gouvernement, reçue le 7 octobre 2021. Elle prend également note des observations formulées par la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), communiquées avec le rapport du gouvernement. La commission note que les observations concernent notamment l’application de l’article 10 de la convention.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT) 

Article 4 de la convention. Motif valable de licenciement fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. La commission note les indications du gouvernement expliquant que la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels précise la définition du motif économique du licenciement, afin de rendre plus claires les règles applicables, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Le gouvernement indique que sont repris dans la définition du licenciement économique les motifs issus de la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir la cessation d’activité de l’entreprise et la réorganisation de l’entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité. Par ailleurs, les difficultés susceptibles de justifier un licenciement économique sont précisées en reprenant des éléments issus de la jurisprudence, soit une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une importante dégradation de la trésorerie ou tout élément de nature à justifier de ces difficultés. Dans son rapport, approuvé par le Conseil d’administration en mars 2022, le comité tripartite chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France de la convention a observé que la convention et la recommandation ne définissent pas la notion de nécessité de fonctionnement de l’entreprise, et que les organes de contrôle ont illustré cette notion sur la base d’éléments concrets (paragr. 54 du rapport). Le comité tripartite a considéré qu’il incombe au juge national de déterminer si cette notion de nécessité de fonctionnement de l’entreprise a été effectivement respectée au sens de l’article 4 de la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer à titre d’exemple des décisions judiciaires portant sur l’application effective de l’article 4 de la convention, plus particulièrement des décisions concernant des licenciements fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise. En particulier, elle le prie notamment de communiquer les critères retenus par les juges dans ces décisions.
Articles 8 et 9. Délai raisonnable. Contrôle judiciaire du motif de licenciement.La commission note que, selon l’article L.2254-2 du Code du travail, un «licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse». Elle note que la mention de l’obligation initiale d’énoncer, dans la lettre de licenciement, le motif spécifique sur lequel repose le licenciement a disparu (mais pas l’obligation ellemême, l’article L.2254-2 (V) renvoyant à l’article L.1232-6). Au paragraphe 58 de son rapport, le comité tripartite considère que, au-delà de l’affirmation expresse par l’article L.2254-2 du Code du travail du caractère réel et sérieux du licenciement basé sur le refus du salarié de la modification de son contrat de travail consécutive à la signature d’un accord de performance collective, le juge doit pouvoir continuer à procéder à un véritable contrôle judiciaire. Le comité estime en effet que le texte de l’article L.2254-2 ne fait que rappeler l’exigence selon laquelle tout licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Il appartient au juge dans le cadre des procédures judiciaires relatives au licenciement fondé sur l’article L.2254-2 de déterminer s’il existe ou non un motif valable au sens de l’article 4 de la convention, à savoir si le motif du licenciement est fondé sur «les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service», étant établi que, au cours du débat judiciaire, la charge de la preuve ne devra pas reposer sur le seul salarié. Se référant à l’ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, le gouvernement indique que les délais de recours ont été harmonisés à un an en cas de contestation de la rupture du contrat de travail. La commission rappelle que toutes les parties intéressées devraient chercher à prévenir ou à limiter, dans toute la mesure possible, les licenciements pour des motifs de nature économique, technologique, structurelle ou similaire, sans porter préjudice au fonctionnement efficace de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et à atténuer les effets défavorables de tout licenciement ainsi motivé pour le travailleur ou les travailleurs intéressés (paragraphe 19(1) de la recommandation (no 166) sur le licenciement, 1982). La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les résultats du contrôle judiciaire des licenciements fondés sur l’article L.2254-2, et sur l’impact du changement des délais de recours.
Article 10. Versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.La commission note que, dans ses observations, la CFDT se réfère au barème fixant des plafonds pour indemniser les salariés ayant subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et soulève l’inadéquation des plafonds ainsi fixés avec le principe de réparation adéquate, tel qu’il figure à l’article 10 de la convention. En effet, la CFDT indique que la réparation du préjudice telle que prévue par ce barème ne permet pas toujours de réparer de manière adéquate le préjudice du salarié lié à la rupture injustifiée de son emploi, en particulier lorsque le préjudice est particulièrement important et que l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est faible. Dans ses observations, la CFE-CGC indique qu’elle considère que ce barème contrevient aux articles 8 et 10 de la convention. Le gouvernement rappelle que le dispositif du barème prévu par l’ordonnance no 2017-1387 et ratifié par la loi no 2018217 a été soumis au Conseil constitutionnel, qui a déclaré conforme à la Constitution l’article L.1235-3 du code du travail, qui instaure le barème d’indemnisation. Le gouvernement précise que le dispositif du barème est un référentiel obligatoire d’indemnisation que doit utiliser le juge lorsque celui-ci déclare un licenciement d’un salarié sans cause réelle et sérieuse. En aucun cas le dispositif du barème permet à l’employeur de licencier sans motif, le montant encadré par le barème et proposé par le juge étant la réparation du préjudice subi par le salarié. Désormais, lorsque le licenciement du salarié n’a pas de cause réelle et sérieuse, le juge peut ordonner la réintégration du salarié si aucune des deux parties ne s’y oppose. Si l’employeur ou le salarié manifestent leur refus de réintégration du salarié, le juge octroie une indemnité. Le juge peut tenir compte d’éléments liés à la situation particulière du salarié (âge, santé, situation familiale, etc.) pour fixer le montant d’indemnité dans le respect des planchers et des plafonds du barème. Dans son rapport, le comité tripartite considère que, en dehors des cas de licenciement mettant en cause un droit fondamental pour lesquels le principe de la réparation intégrale est acquis et indépendamment de la réparation pour préjudice distinct, la conformité d’un barème, et donc d’un plafonnement, avec l’article 10 de la convention, dépend du fait que soit assurée une protection suffisante des personnes injustement licenciées et que soit versée, dans tous les cas, une indemnité adéquate (paragr. 80 du rapport). Dans ces conditions, le comité tripartite a invité le gouvernement à examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif (paragr. 81 du rapport). La commission prend note des arrêts du 11 mai 2022 (pourvoi no 2115.247 (arrêt no 1), et pourvoi no 21-14.490 (arrêt no 2)) de la Cour de cassation. La Cour affirme que les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la convention. Elle constate que le barème prend en compte la gravité de la faute de l’employeur en excluant de son champ d’application les licenciements entachés de l’une des nullités énumérées par l’article L.1235-3-1 du Code du travail. La Cour retient que le terme «adéquat» visé à l’article 10 de la convention signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et, d’autre part, raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. Elle affirme que les dispositions des articles L.1235-3 du code du travail prévoyant une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux, variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. La commission note également que, selon le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) (Réclamation no 160/2018 et no 171/2018, décision publiée le 26 septembre 2022), les plafonds prévus par l’article L.1235-3 du Code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur. Le CEDS note en outre que le plafond du barème d’indemnisation ne permet pas de prévoir une indemnité plus élevée en fonction de la situation personnelle et individuelle du salarié, le juge ne pouvant ordonner une indemnisation pour licenciement injustifié que dans les limites inférieure et supérieure du barème, sauf à écarter l’application de l’article L.1235-3 du code du travail. Le CEDS est d’avis que le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l’affaire peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé. La commission prend note du rapport de décembre 2021 du Comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017, mentionnant que, dans l’échantillon de décisions de cours d’appel étudié par le Comité, le montant des indemnités versées est compris entre le plancher et le plafond du barème dans 90 pourcent des cas pour les licenciements postérieurs à l’application du barème, alors que c’était le cas pour 44 pourcent avant la réforme. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’examen, en concertation avec les partenaires sociaux, des modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif.
Application de la convention dans la pratique.La commission prend note des observations formulées par la CFDT à propos des évolutions législatives en matière de droit du licenciement économique, notamment à propos de la nécessité d’avoir des données chiffrées quant à l’application de la convention dans la pratique. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer toutes informations générales sur la manière dont la convention est appliquée dans la pratique, y compris, par exemple, les statistiques disponibles sur les activités des organismes de recours (comme le nombre de recours contre les mesures de licenciement, le résultat de ces recours, la nature de la réparation accordée, la durée moyenne nécessaire pour que le jugement concernant le recours soit prononcé), et le nombre de licenciements pour motifs économiques ou similaires.
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