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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - République centrafricaine (Ratification: 2000)

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Article 3, alinéa a), de la convention. Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues. Recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. La commission a précédemment noté le recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans le conflit armé qui a lieu dans le pays. La commission a noté la signature d’un accord le 5 mai 2015 par dix groupes armés visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, ainsi que la promulgation d’une nouvelle Constitution en mars 2016. Elle a pris note de l’information du gouvernement selon laquelle, dans le cadre du premier pilier du Plan de Relèvement et de consolidation de la paix en Centrafrique 2017-2021, intitulé «Soutenir la paix, la sécurité et la réconciliation», le gouvernement a mis en œuvre le processus de désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement, ainsi que la réforme du secteur de sécurité, afin de permettre la restauration de l’autorité de l’État en vue de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de recrutement forcé des enfants. La commission a cependant observé que, d’après le rapport de l’experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine du 28 juillet 2017, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) estimait que 4 000 à 5 000 enfants étaient enrôlés. La commission a noté avec vive préoccupation la situation actuelle, et a instamment prié le gouvernement de renforcer ses efforts pour mettre un terme au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par tous les groupes armés du pays. Elle a également instamment prié le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour assurer que des enquêtes et des poursuites des contrevenants soient entreprises et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives soient imposées aux personnes reconnues coupables d’avoir recruté et utilisé des enfants de moins de 18 ans dans des conflits armés.
Le gouvernement indique dans son rapport que les efforts se poursuivent dans le cadre de la mise en œuvre du premier pilier du Plan de relèvement et de consolidation de la paix en Centrafrique 2017-2021. Il précise qu’en partenariat avec la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINUSCA), les activités en faveur du redéploiement progressif des forces de défense et de sécurité s’intensifient sur l’ensemble du territoire, et plus particulièrement dans les villes secondaires du pays, occupées jadis par les groupes armés, afin de garantir la sécurité et la protection des populations civiles. Le gouvernement indique en outre l’adoption d’une loi portant Code de protection de l’enfant en 2020, qui prévoit la protection des enfants contre l’enrôlement dans les forces et groupes armés. La commission prend bonne note de cette information, et note à cet égard que le Rapport du secrétaire général du 12 octobre 2020 sur la République centrafricaine précise que le Code de protection de l’enfant, promulgué le 15 juin 2020, érige en crime le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces et les groupes armés et considère les enfants enrôlés comme des victimes (S/2020/994, paragr. 70).
La commission prend note de l’Accord politique pour la Paix et la Réconciliation en République centrafricaine (APPR-RCA), signé le 6 février 2019 par le gouvernement et 14 groupes armés, qui exige la cessation des hostilités entre les groupes armés ainsi que la cessation de toutes les exactions et violences sur les populations civiles. L’Accord, qui prévoit un mécanisme de mise en œuvre, appelle à mettre en place une Commission pour la Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation (CVJRR). La commission note que, d’après le rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine du 24 août 2020, couvrant la période de juillet 2019 à juin 2020, le délai fixé par les autorités nationales à la fin janvier 2020 pour conclure le désarmement et la démobilisation n’a pas été respecté. Malgré leurs engagements au titre de l’Accord, les forces armées centrafricaines et groupes armés signataires de l’Accord ont eu recours au recrutement et à l’utilisation d’enfants (A/HRC/45/55, paragr. 24, 25, 33, 36, 39, 40).
D’après un rapport du 4 août 2021 publié conjointement par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et la MINUSCA sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire en République centrafricaine durant la période électorale, portant sur la période de juillet 2020 à juin 2021, la situation sécuritaire n’a cessé de s’aggraver dans le pays. Parmi les violations enregistrées, des cas de recrutement d’enfants par les parties au conflit ont été recensés.
La commission relève, d’après le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés du 6 mai 2021, que 584 cas d’enfants (400 garçons et 184 filles) recrutés et utilisés par des groupes armés et forces armées ont été confirmés en 2020, y compris par des factions de l’ex-Séléka (majoritairement) et d’autres groupes armés ainsi que par les forces de sécurité intérieure et les forces armées centrafricaines. Des enfants ont été utilisés comme combattants et dans des rôles de soutien et ont subi des violences sexuelles. En outre, 42 cas d’enfants tués et blessés ont été confirmés et 82 cas de violences sexuelles ont été vérifiés; 58 enfants ont été enlevés par des groupe armés à des fins de recrutement, de violences sexuelles et de rançon. Le Secrétaire général se dit alarmé par la forte augmentation du recrutement et de l’utilisation des enfants dans les conflits armés ainsi que des violences sexuelles et des enlèvements, aggravation qui a eu lieu y compris du fait de la violence électorale (A/75/873-S/2021/437, paragr. 24, 26, 27, 30, 34, 35). Par ailleurs, ce même rapport souligne que 110 auteurs de violations contre des enfants ont été condamnés (paragr. 32). La commission se voit dans l’obligation de déplorer la poursuite du recrutement et de l’utilisation d’enfants dans le conflit armé en République centrafricaine, et ce, d’autant plus qu’elle entraîne d’autres graves violations des droits de l’enfant, telles que des enlèvements, des meurtres et des violences sexuelles. Tout en reconnaissant la complexité de la situation qui prévaut sur le terrain et l’existence d’un conflit armé et de groupes armés dans le pays, la commission prie instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts pour mettre un terme, dans la pratique, au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par les forces armées et les groupes armés dans le pays. En outre, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour faire en sorte que toutes les personnes, y compris les membres des forces armées régulières, qui recrutent des enfants de moins de 18 ans aux fins de leur utilisation dans les conflits armés, fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites vigoureuses et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur soient infligées dans la pratique, conformément au Code de protection de l’enfant. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations imposées à l’encontre de telles personnes. Elle le prie également de fournir copie du Code de protection de l’enfant.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. Accès à l’éducation de base gratuite. La commission a précédemment observé l’aggravation de l’impact de la crise politique et sécuritaire en République centrafricaine sur l’éducation de base pour les enfants. Elle a noté diverses mesures prises par le gouvernement pour favoriser l’accès à l’éducation des enfants. Cependant, la commission a pris note des informations d’après lesquelles le taux de scolarisation des enfants était extrêmement faible, en particulier pour les filles, et le taux d’abandon scolaire entre l’enseignement primaire et secondaire était élevé. La commission a instamment prié le gouvernement de renforcer ses efforts et de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour améliorer le fonctionnement du système éducatif et faciliter l’accès à l’éducation de base et de qualité pour tous les enfants en République centrafricaine, notamment dans les zones affectées par le conflit armé, en accordant une attention particulière à la situation des filles.
Le gouvernement indique que la loi portant Code de protection de l’enfant, adoptée en 2020, comporte des dispositions sur l’éducation et la protection des enfants en milieu scolaire. La commission note que le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la République centrafricaine du 16 juin 2021 souligne que la moitié des enfants du pays ne sont pas scolarisés (S/2021/571, paragr. 38). En outre, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine attire l’attention, dans son rapport du 24 août 2020, sur la fermeture partielle ou totale de plusieurs écoles du fait du conflit armé, en particulier dans l’arrière-pays, empêchant l’accès à l’éducation pour les enfants (A/HRC/45/55, paragr. 61). D’après le communiqué de l’UNICEF du 27 avril 2021 disponible sur le site Internet ONU Info, une école sur quatre n’est pas fonctionnelle en raison des combats.
La commission note également que les affrontements durant la période électorale, entre juillet 2020 et juin 2021, ont donné lieu au pillage, à des attaques et à l’occupation de nombreuses écoles, affectant profondément la reprise scolaire au début du mois de janvier 2021 (Rapport conjoint du HCDH et de la MINUSCA sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire en République centrafricaine durant la période électorale, paragr. 31, 112, 113 et 115). La commission doit exprimer sa profonde préoccupation face au grand nombre d’enfants privés d’éducation en raison du climat d’insécurité qui règne dans le pays. Elle rappelle que l’éducation joue un rôle clé pour prévenir l’engagement des enfants dans les pires formes de travail des enfants, y compris leur recrutement dans les conflits armés. Tout en reconnaissant la situation difficile qui prévaut dans le pays, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour améliorer le fonctionnement du système éducatif dans le pays et faciliter l’accès à l’éducation de base gratuite pour tous les enfants, y compris les filles et dans les zones affectées par le conflit. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises en la matière ainsi que sur les taux de scolarisation, d’achèvement et d’abandon scolaires aux niveaux primaires et secondaires.
Alinéa b). Aide directe pour soustraire les enfants des pires formes de travail et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Enfants recrutés de force pour être utilisés dans des conflits armés. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note de la révision de la stratégie nationale de désarmement, démobilisation et réintégration, pour y consacrer des dispositions appropriées concernant les enfants. Elle a noté les informations de l’UNICEF d’après lesquelles 9 449 enfants ont été libérés des groupes armés entre janvier 2014 et mars 2017, mais seulement 4 954 ont bénéficié des programmes de réinsertion. En outre, le Secrétaire général des Nations Unies a indiqué que de nombreux enfants démobilisés ont été à nouveau enrôlés dans des groupes armés. La commission a instamment prié le gouvernement de renforcer ses efforts afin de prévoir une aide directe et appropriée pour soustraire les enfants victimes de recrutement forcé des rangs des groupes armés et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale de manière à garantir leur démobilisation durable et définitive.
La commission note l’absence d’informations dans le rapport du gouvernement sur ce point. La commission prend note du rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine du 24 août 2020, portant sur la période de juillet 2019 à juin 2020, d’après lequel dans le cadre du Programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, les groupes armés ont signé avec les autorités des protocoles et plans d’action afin de libérer les enfants de leurs rangs et s’abstenir d’en recruter à nouveau. L’Expert indépendant souligne qu’à l’issue de la signature des protocoles avec les groupes armés, certains enfants ont été libérés. Il note cependant que des cas d’enrôlement et d’utilisation d’enfants par les groupes armés ont été documentés (A/HRC/45/55, paragr. 59).
La commission note que, dans son rapport sur les enfants et les conflits armés du 6 mai 2021, le Secrétaire général des Nations Unies indique que 497 enfants recrutés au sein de groupes armés ont été libérés en 2020, et que 190 enfants démobilisés des groupes armés de leur propre initiative ont été identifiés (A/75/873-S/2021/437, paragr. 33). En outre, le Secrétaire général indique dans son rapport du 16 février 2021 que le 30 novembre 2020, quatre enfants accusés d’association avec des groupes armés et détenus en prison ont été libérés et inscrits à des programmes de réinsertion. Le Secrétaire général indique également que la MINUSCA a sensibilisé plus de 2 000 personnes aux risques accrus de graves violations des droits de l’enfant pendant la période électorale, dans le cadre de la campagne «Agir pour protéger les enfants touchés par les conflits armés» (S/2021/146, paragr. 65 et 66). La commission prend note des informations, dans le communiqué de l’UNICEF du 27 avril 2021, d’après lesquelles bien que, depuis 2014, l’UNICEF et ses partenaires aient contribué à la libération de plus de 15 500 enfants des groupes armés, près d’un de ces enfants sur cinq n’a pas encore été inscrit dans des programmes de réinsertion. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures appropriées et assorties de délai pour assurer le retrait des enfants recrutés pour être utilisés dans le conflit armé, ainsi que leur réadaptation et leur intégration sociale. Elle prie également instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que tous les enfants retirés des groupes armés et forces armées bénéficient de programmes de réinsertion. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard, y compris sur les programmes existants de réinsertion de ces enfants ainsi que sur le nombre d’enfants qui ont bénéficié d’une réadaptation et intégration sociale.
Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, la commission déplore l’utilisation continue d’enfants dans les conflits armés, tant par les groupes armés que par les forces armées, d’autant plus que cela entraîne d’autres violations des droits de l’enfant, telles que les enlèvements, les meurtres et les violences sexuelles. La commission soulève cette question depuis 2008, et le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés, tant comme combattants que dans des rôles de soutien, ont fortement augmenté ces dernières années. La commission doit également exprimer sa profonde préoccupation quant au nombre important d’enfants privés d’éducation en raison du climat d’insécurité qui règne dans le pays. La commission considère que ce cas remplit les critères établis au paragraphe 96 de son rapport général pour être appelé devant la Conférence.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[La commission prie le gouvernement de fournir des données complètes à la Conférence à sa 110e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2022.]
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