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La commission prend note avec une profonde préoccupation que les rapports du gouvernement, dus depuis 2018, n’ont pas été reçus. À la lumière de l’appel d’urgence lancé au gouvernement en 2020, la commission procède alors à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations à sa disposition.
Afin de fournir une vue d’ensemble des questions concernant l’application des conventions ratifiées relatives à la sécurité sociale, la commission estime qu’il convient d’examiner les conventions nos 19 (égalité de traitement, accidents du travail), 24 (assurance-maladie, industrie), 37 (assurance-invalidité, industrie), et 38 (assurance-invalidité, agriculture) dans un même commentaire.
Article 1, paragraphes 1 et 2, de la convention no 19. Égalité de traitement en matière de réparation des accidents du travail. Dans ses commentaires précédents la commission avait noté que, depuis la ratification de la convention en 1978, elle attire l’attention du gouvernement sur la nécessité d’amender l’article 29 du décret no 57-245 de 1957 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette disposition prévoit que les travailleurs étrangers victimes d’accidents du travail qui cessent de résider dans le pays perçoivent une indemnité forfaitaire en lieu d’une rente, alors que les ressortissants djiboutiens ne sont pas sujets à la même condition de résidence pour l’obtention d’une rente versée en réparation d’un accident du travail. En l’absence de nouvelles informations à cet égard, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans plus tarder, afin d’accorder aux ressortissants de tout autre Membre ayant ratifié ladite convention, victimes d’accidents du travail survenus sur son territoire, ou à leurs ayants droit, le même traitement qu’il assure à ses propres ressortissants en matière de réparation des accidents du travail, tel que prévu à l’article 1, paragraphe 1, de la convention. La commission prie notamment le gouvernement de procéder à la modification ou à l’abrogation formelle de l’article 29 du décret no 57-245, afin d’assurer l’égalité de traitement aux travailleurs étrangers et à leurs ayants droit sans aucune condition de résidence, conformément aux exigences de l’article 1, paragraphe 2, de la convention
Articles 1, 3 et 6 de la convention no 24. Établissement d’un système d’assurance-maladie obligatoire. Indemnités de maladie. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’introduction d’une assurance-maladie universelle dans le cadre de la réforme du système de protection sociale annoncée par le gouvernement en 2008. Elle avait également exprimé l’espoir que cette nouvelle assurance, prendrait à sa charge le versement des indemnités de maladie aux assurés, lesquelles sont à la charge de l’employeur, contrairement à ce que prévoient les articles 1 et 3 de la convention. Tout en réitérant ses préoccupations quant à l’absence d’un rapport du gouvernement, la commission prend dûment note de la loi no 24/AN/14/7ème L du 5 février 2014 qui met en place un système d’assurance maladie universelle (AMU), et du décret no 2014-156/PR/NITRA du 21 juin 2014 qui porte création du Fonds de solidarité santé de l’assurance maladie universelle. La commission observe plus spécifiquement que l’AMU couvre des soins de santé de base pour l’entière population vivant sur le territoire (article 2 de la loi no 24/AN/14/7ème L), à travers une «prise en charge des frais des prestations dispensées par les prestataires conventionnés» (article 4), auxquelles s’ajoutent les prestations couvertes par l’assurance-maladie obligatoire (AMO) prévue pour les travailleurs et pour d’autres groupes protégés. Néanmoins, la commission observe que les prestations en espèces ne sont pas couvertes par ladite loi, et que, selon l’information contenue dans la publication Social Security Programs Throughout the World: Africa, 2019, de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), elles restent à la charge de l’employeur. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la convention, lu conjointement avec son article 1, les indemnités de maladie dues à l’assuré incapable de travailler par suite de l’état anormal de sa santé physique ou mentale doivent être financées au moyen d’un système d’assurance obligatoire et ne pas incomber directement à l’employeur. De surcroît, ce système, tel que le prévoit l’article 6 de la convention, doit être géré par des institutions autonomes placées sous le contrôle administratif et financier des pouvoirs publics, ou bien par des institutions privées faisant l’objet d’une reconnaissance spéciale des pouvoirs publics.
Au vu de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, sans plus tarder, pour donner effet aux articles 3 et 6 de la convention par la mise en place d’une assurance obligatoire, sous la supervision de l’État, pour assurer le paiement d’indemnités de maladie aux travailleurs protégés par la convention. En outre, la commission prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur la façon dont la loi no 24/AN/14/7ème L et le décret no 2014-156/PR/NITRA, ainsi que les autres dispositions législatives adoptées subséquemment en relation avec l’AMU et le Fonds de solidarité santé de l’assurance maladie universelle, donnent effet à la convention. La commission prie également le gouvernement, si les statistiques actuellement dressées le permettent, de fournir des informations sur les soins de santé fournis par l’AMU et par l’AMO.
Article 1, article 4, et article 5, paragraphe 2, des conventions nos 37 et 38. Établissement d’un système d’assurance-invalidité obligatoire pour les travailleurs atteints d’une incapacité générale de gain. Conditions d’ouverture du droit à pension. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté l’absence de branche spécifique relative aux prestations d’invalidité au sein du système national de sécurité sociale et avait prié le gouvernement d’établir un régime d’assurance invalidité, afin de donner effet aux conventions nos 37 et 38, qui requièrent l’institution d’une assurance-invalidité obligatoire. En effet, dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté qu’en vertu de la loi no 154/AN/02/4e L du 31 janvier 2002, portant codification du fonctionnement de l’Office de protection sociale (OPS) et du régime général de retraite des travailleurs salariés, les travailleurs âgés de 50 ans et plus, atteints d’une diminution permanente de leurs capacités physiques ou mentales, avaient seulement droit à une pension de retraite anticipée lorsqu’ils comptaient 240 mois d’assurance (article 60 et suivants). À cet égard, la commission avait souligné que la fixation d’un âge minimum pour bénéficier d’une protection en cas d’invalidité était contraire à l’article 4 des conventions nos 37 et 38, qui ne permet pas que le droit à une pension d’invalidité soit conditionné à l’atteinte d’un certain âge, bien qu’une période de stage d’une durée maximale de 60 mois puisse être imposée en vertu de l’article 5 desdites conventions. Au vu de ce qui précède, et en l’absence d’information quant à toute mesure qui aurait pu être prise par le gouvernement pour remédier aux lacunes d’application constatées précédemment, la commission prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, sans plus tarder, pour donner plein effet aux conventions nos 37 et 38 par l’établissement d’un régime d’assurance-invalidité obligatoire ou par l’introduction de prestations d’invalidité au sein de son régime national d’assurance sociale, garantissant le droit aux travailleurs couverts par ces conventions à de telles prestations, dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues aux articles 1, 4 et 5 desdites conventions.
Application des conventions dans la pratique. Mise en œuvre de la stratégie nationale de protection sociale. Tout en réitérant ses préoccupations quant à l’absence d’un rapport du gouvernement, la commission prend dûment note de l’adoption de la Stratégie nationale de protection sociale (SNPS) 2018-2022 de la République de Djibouti, établie par la loi no 043/AN/19/8ème L du 23 juin 2019, comme document de référence nationale pour toute réglementation portant sur la protection sociale (article 2). La commission observe plus particulièrement que certains des axes prioritaires qui y sont définis se rapportent aux sujets traités par les conventions de sécurité sociale ratifiées par Djibouti, de même que les objectifs qui y sont énoncés, qui concordent, dans une certaine mesure, avec ceux prévus par ces mêmes conventions. Ainsi, l’Axe 1 de la SNPS vise à garantir le droit à la sécurité alimentaire, alors que l’Axe 2 prévoit la garantie de revenu pour les enfants pour améliorer l’alimentation et la santé. En ce qui concerne l’invalidité, l’Axe 3 a comme but celui d’assurer un revenu aux personnes âgées et handicapées dans l’incapacité de travailler. Quant à l’Axe 4 de la SNPS, il prévoit comme objectif général celui de garantir un revenu minimum de soutien en faveur des personnes en âge de travailler mais empêchées de s’assurer un revenu suffisant en raison d’accidents de la vie, et prévoit le résultat 3.1, visant à garantir un revenu minimum à vie à ceux et celles qui sont atteints d’une incapacité physique définitive les empêchant de reprendre une activité rémunérée, incluant les personnes accidentées du travail ou celles atteintes de maladies professionnelles. La commission observe par ailleurs les multiples références à la recommandation (no 202) de l’OIT sur les socles de protection sociale, 2012, dans la SNPS, comme norme de référence pour la mise en œuvre d’un socle national de protection sociale, selon les objectifs, les axes et les cibles susmentionnés, combinant les garanties élémentaires figurant dans la recommandation no 202 avec des programmes complémentaires de protection sociale. La commission accueille favorablement l’adoption de la SNPS 2018-2022 et espère que sa mise en œuvre contribuera au renforcement de l’application des conventions de sécurité sociale ratifiées par Djibouti. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toute mesure adoptée ou prévue en ce sens.
La commission a été avisée que, sur la base des recommandations du Groupe de travail tripartite sur le Mécanisme d’examen des normes (MEN) le Conseil d’administration a décidé que les États Membres à l’égard desquels la convention no 24 est en vigueur devraient être encouragés à ratifier la convention (no 130) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969, ou la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952 en acceptant les parties II et III de cet instrument. Les États Membres à l’égard desquels la conventions nos 37 et 38 sont en vigueur devraient être encouragés à ratifier la convention (no 128) concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants, en acceptant la partie II, ou la convention no 102 en acceptant la partie IX (voir document GB.328/LILS/2/1). Les conventions nos 102 (Parties II et III) et 130 reflètent une approche plus moderne concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, alors que les conventions nos 102 (Partie IX) et 128 reflètent une approche plus moderne des prestations d’invalidité. La commission encourage par conséquent le gouvernement à donner suite à la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 328e session (novembre 2016) portant approbation des recommandations du groupe de travail tripartite du MEN, et à envisager la ratification de la convention no 128 (en acceptant la partie II), de la convention no 130, et/ou de la convention no 102 (en acceptant les parties II et III, ainsi que IX), qui sont les instruments les plus à jour dans ces domaines.
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