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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2021, Publication : 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Turkménistan (Ratification: 1997)

Autre commentaire sur C105

Cas individuel
  1. 2023
  2. 2021
  3. 2016

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2021-TKM-105-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Réponse aux observations de la CSI

Les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) relatives au recours généralisé par l’État au travail forcé pour la récolte du coton sont sans fondement et ne reflètent pas la réalité de la situation et, surtout, les récentes avancées, en droit et dans la pratique, visant à:

1. empêcher le travail forcé de manière générale et en particulier dans la récolte du coton;

2. la mécanisation de la récolte du coton afin de réduire la récolte manuelle. Des informations sur les travaux en cours sur ces deux aspects figurent ci-dessous.

Éclaircissements relatifs à la loi sur l’état d’urgence

La loi de 1990 sur le régime juridique des situations d’urgence a été annulée par la loi sur l’état d’urgence de 2013. Or ni la loi de 1990 ni celle de 2013 n’utilisent ni ne citent les «besoins du développement économique» que mentionnent les observations de la CEACR.

Prévenir le travail forcé

Normes légales

Une mesure importante allant dans ce sens est le fait que la loi constitutionnelle de 2016 introduit dans la nouvelle version de la Constitution du Turkménistan une règle interdisant le travail forcé et les pires formes de travail des enfants.

Documents du Programme national

Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025

Le Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025 (PANDH) a été adopté par décret présidentiel du 16 avril 2021.

Les enseignements tirés du plan du précédent quinquennat (2016-2020) et les meilleures pratiques internationales ont été pris en compte dans l’élaboration du plan, un processus qui associe un large éventail de parties prenantes, notamment des organismes gouvernementaux, des organisations non-gouvernementales, des organisations de la société civile, des universités et des organisations internationales.

Le PANDH actuel comporte, dans le chapitre relatif aux «Droits sociaux, économiques et culturels», une section spéciale sur la «Liberté syndicale» qui prévoit des mesures visant à:

améliorer la législation interdisant le travail forcé;

une coopération avec l’Organisation internationale du travail sur la question de la prévention du travail forcé;

l’élaboration de mesures destinées à empêcher l’utilisation du travail forcé, notamment en faisant en sorte que la législation soit respectée et en renforçant la vérification de son respect;

garantir le droit des travailleurs de se syndiquer;

mettre la législation sur les syndicats en conformité avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

faire en sorte que soient poursuivis les employeurs qui enfreignent la législation du travail s’agissant du respect des règles sur la sécurité au travail et de l’indemnisation du préjudice causé par les lésions subies par des travailleurs.

Le PANDH a été officiellement présenté aux parties prenantes, ainsi qu’aux organisations internationales, le 19 mai 2021.

Le gouvernement du Turkménistan se déclare prêt et invite l’OIT à coopérer à la mise en application des dispositions pertinentes du Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021-2025.

Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023

Un autre document national offrant une base de coopération avec l’OIT sur des questions d’intérêt commun est le Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023 adopté par décret présidentiel du 30 avril 2021.

Une des dispositions de ce plan suggère de mettre en place une nouvelle forme de coopération avec l’OIT, à savoir l’élaboration d’un programme annuel de coopération sur des thèmes spécifiques. L’industrie cotonnière pourrait être un des thèmes prioritaires par lequel démarrer ce programme de coopération et nous pourrions envisager des mesures de nature à améliorer l’efficacité de l’industrie cotonnière et à garantir le respect des normes internationales du travail.

Nous avons déjà eu une discussion préliminaire avec le bureau de l’OIT à Moscou et avec le bureau du coordinateur résident des Nations Unies au Turkménistan sur les modes de coopération sur les questions relatives au coton et avons suggéré d’associer aux discussions des institutions internationales financières, telles que la Banque mondiale.

Coopération internationale

Cadre de coopération sur le développement durable

Le Cadre de coopération entre le gouvernement du Turkménistan et les Nations Unies sur le développement durable représente une base légale importante pour la coopération entre le Turkménistan et l’OIT s’agissant de la promotion des normes internationales du travail.

Ce document a été signé le 14 mars 2020.

Toutes les grandes orientations stratégiques du Cadre de coopération sont étroitement liées aux objectifs et indicateurs des ODD adoptés par le Turkménistan et permettent en outre une interaction entre le Turkménistan et les Nations Unies dans divers domaines, comme le maintien de la stabilité et la croissance économiques, la protection des droits sociaux de la population, l’amélioration du système de soins de santé et le maintien de l’équilibre écologique.

La mise en œuvre conjointe du Cadre de coopération dans la pratique implique un nombre élevé d’institutions des Nations Unies, dont l’OIT.

Mécanisation de la récolte du coton

L’industrie cotonnière, c’est-à-dire l’exportation de coton et de produits textiles, ne représentait en 2020 que 1 pour cent du PIB. En 2015, elle en représentait 1,8 pour cent (voir tableau ci-dessous).

Exportation de fibres et de fil de coton et de produits textiles en 2015-2020 - [Tableau non reproduit]

Toutefois, l’industrie cotonnière reste un des secteurs les plus importants de l’économie nationale turkmène. Son importance provient principalement de son aptitude à créer des emplois dans les ateliers textiles, etc., mais pas dans la récolte du coton.

Le Turkménistan a mis en place des mesures pratiques afin de réduire la récolte manuelle du coton. Les chiffres qui suivent sont des données statistiques relatives aux récolteuses (à plus de 90 pour cent des marques Case, New Holland et John Deere), aux champs de coton et au coton récolté pendant la période allant de 2015 à 2020. - [Graphique non reproduit]

La figure suivante illustre l’évolution des proportions de ces paramètres sur la même période débutant en 2015. - [Graphique non reproduit]

Les chiffres montrent un léger changement dans les champs de coton et le volume de coton récolté, tandis que le nombre de récolteuses a fortement augmenté.

L’utilisation généralisée par le secteur agricole du pays de récolteuses de coton de dernière génération démontre qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser d’énormes ressources humaines pour la cueillette du coton.

Les chiffres qui suivent montrent que la proportion de coton récolté à la main a chuté de 71 pour cent en 2015 à 28 pour cent en 2020. - [Graphique non reproduit]

Les chiffres relatifs à l’industrie cotonnière reproduits ci-dessus sont la preuve que le gouvernement prend toutes les mesures pour réduire la récolte manuelle du coton et que les accusations de la CSI sont infondées.

Pour remplir leur obligation d’empêcher le travail forcé pour la récolte du coton, les autorités de l’État prennent des mesures adéquates. S’agissant des commentaires de la commission à propos de l’obligation faite aux enseignants, au personnel médical, aux salariés des services municipaux et des entreprises publiques, etc., de participer à la récolte obligatoire du coton, des violations des normes sanitaires, des violations des règles applicables au transport dans des véhicules non prévus à cet effet, il est à noter que, sur base des résultats d’inspections effectuées par des organes de contrôle de l’application des lois du Turkménistan, les informations qui précèdent n’ont pas été confirmées. On n’a pas enregistré de déclarations sur ces points, ni d’éléments matériels concernant le versement obligatoire par les citoyens de sommes destinées à la récolte du coton.

Le personnel du département de la police de la surveillance routière du ministère de l’Intérieur du Turkménistan est constamment de service dans les zones rurales, y compris sur les routes adjacentes aux terres agricoles, où il traite de manière responsable la question de l’interdiction du transport de personnes dans des camions qui n’ont pas été conçus à cet effet.

En outre, le personnel de la police de la route ainsi que le personnel des unités de lutte contre l’incendie du ministère de l’Intérieur du Turkménistan ont pour instruction, pendant la période des récoltes, de faire respecter par les fermiers, les personnes actives dans la récolte et le transport de produits agricoles ainsi que les gérants de fermes et les autorités locales les règles applicables à la circulation routière, au bon fonctionnement des véhicules et engins agricoles, ainsi que les règles de prévention des incendies.

Les activités qui précèdent et le travail mené actuellement sur la prévention du travail forcé et de l’utilisation de méthodes illégales pour contraindre les citoyens à effectuer des tâches qui ne relèvent pas du cadre de leur activité témoignent de l’attachement de l’État à appliquer les normes et dispositions universellement reconnues, dans le cadre des accords et traités internationaux auxquels le Turkménistan a souscrit, ainsi que de son respect assidu des obligations résultant des résolutions adoptées par les institutions des Nations Unies.

Discussion par la commission

Interprétation du russe: Représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Protection sociale de la population – Après avoir examiné soigneusement l’addendum au rapport de la commission d’experts de 2020 et les commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) sur l’utilisation par l’État du travail forcé pour la récolte du coton, le gouvernement du Turkménistan souhaiterait communiquer à la commission des informations sur les grands axes de sa politique de mise en application de la convention.

Tout d’abord, en mai de cette année, le Turkménistan a fourni les informations supplémentaires demandées par les organisations internationales des travailleurs et des employeurs pour mettre en lumière la situation de l’industrie cotonnière dans le pays. Dans ce complément d’information, le gouvernement a répondu en détail aux commentaires. Plus particulièrement, les exportations de coton et de textiles n’ont représenté en 2020 que 1 pour cent du PIB tandis que, en 2015, le chiffre était de 1,8 pour cent. Ces indicateurs montrent que les produits du coton sont majoritairement utilisés sur le marché intérieur du fait de l’apparition de nouveaux produits, tant dans l’agriculture que dans l’industrie textile, l’industrie du médicament et l’agroalimentaire, ainsi que dans d’autres secteurs de l’économie.

Cela favorise aussi la création d’emplois, à la fois dans les secteurs public et privé. L’utilisation généralisée de récolteuses de dernière génération dans le secteur agricole du pays, alors que peu de changements sont survenus s’agissant du coton récolté et du volume de la récolte, a permis de réduire la part de la récolte manuelle, qui est passée de 71 pour cent en 2015 à 28 pour cent en 2020. Les données qui précèdent indiquent clairement que le gouvernement agit efficacement pour réduire la récolte manuelle du coton et qu’il n’est pas besoin d’engager des ressources humaines massives dans cette activité.

Par ailleurs, sur la question de la mobilisation de la population et du recours au travail forcé pour les besoins du développement économique, je tiens à faire remarquer que la loi de 1990 sur le régime juridique de l’état d’urgence a été remplacée en 2013 par la loi sur l’état d’urgence. Or ni les textes de 1990 et 2013 ni la loi sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, telle que modifiée en 2021, n’évoquent les besoins du développement économique ni n’envisagent une mobilisation de la population à cette fin qui, ici aussi, sont mentionnés dans les commentaires de la commission d’experts.

Le Turkménistan, qui est Membre de l’OIT depuis 1993, s’engage par ses politiques à créer les conditions du travail décent et de la justice sociale pour tous, comme le confirme la ratification par le Turkménistan des conventions des Nations Unies sur les droits de l’homme et des conventions fondamentales et techniques de l’OIT. La mise en application de ces conventions est garantie au premier chef par la Constitution nationale dans sa nouvelle version, qui énonce l’interdiction du travail forcé et des pires formes de travail des enfants. La signature, le 14 mars 2020, entre le gouvernement du Turkménistan et les Nations Unies, du Cadre de partenariat pour le développement pour 2021-2025 est à noter. Pour sa mise en œuvre, ce programme compte sur la participation d’un nombre élevé d’institutions des Nations Unies, dont l’OIT, dans des domaines stratégiques de coopération.

Le nouveau Plan d’action sur les droits de l’homme pour 2021-2025, approuvé par voie de décret présidentiel du 16 avril 2021, comporte un chapitre sur les droits sociaux, économiques et culturels, avec une section sur la liberté du travail renfermant les mesures destinées à développer la coopération avec l’OIT afin d’empêcher le travail forcé, d’élaborer des mesures pour lutter contre le travail forcé, notamment en faisant en sorte que la loi soit respectée et en renforçant les contrôles de son application, en veillant à la mise en œuvre complète des programmes visant à améliorer le secteur de l’emploi au Turkménistan, en particulier pour assurer un niveau maximum d’emploi aux personnes handicapées, en améliorant la législation interdisant le travail forcé, en protégeant les droits des travailleurs de se syndiquer, en mettant la législation sur les syndicats en conformité avec les dispositions du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et en veillant à ce que les employeurs qui violent les dispositions de la législation du travail relatives à la sécurité au travail soient effectivement mis face à leurs responsabilités, notamment par des réparations aux travailleurs blessés. Ce nouveau plan d’action a été élaboré à la lumière des remarques finales adressées au gouvernement après l’examen de ses rapports nationaux aux instances des Nations Unies, l’examen périodique universel et les recommandations de l’OIT de 2016.

Un autre document national qui a jeté les fondations de notre coopération avec l’OIT sur des questions d’intérêt mutuel est le Plan pour la coopération avec les organisations internationales pour 2021-2023, approuvé par décret présidentiel du 30 avril 2021. Ce plan consiste entre autres à mettre en place une nouvelle forme de partenariat avec l’OIT, à savoir en développant une coopération annuelle sur des thèmes spécifiques. Un exemple de coopération réussie est la réalisation de plans et de projets de travail annuels avec des institutions des Nations Unies et d’autres organisations internationales.

L’industrie cotonnière peut être un des principaux domaines de renforcement de la coopération dans le cadre de ce programme, dans lequel nous pouvons instaurer des mesures de nature à améliorer encore le respect des normes internationales du travail. En outre, dans le volet du plan traitant du renforcement du cadre légal de coopération avec des organisations internationales, une disposition envisage l’adhésion à des conventions internationales et des accords multilatéraux, notamment de souscrire aux instruments internationaux de l’OIT. Notre souci premier sera la ratification des conventions de l’OIT sur l’inspection du travail.

Des représentants du secteur privé à l’échelon international ont déjà eu l’occasion de se rendre compte de la situation dont il est question. À la suite des recommandations formulées par l’OIT entre 2016 et 2020, des visites d’inspection des champs de coton ont été organisées pour des représentants de groupes de conseil à la demande de grandes firmes parmi les principaux acheteurs du coton turkmène. Après ces visites, des rapports ont été préparés à l’intention des parties intéressées. Ces visites ont eu lieu pendant la campagne cotonnière, lorsque les travailleurs sont dans les champs. Aucune violation ou irrégularité n’a été constatée pendant ces visites et les participants ont pu se rendre compte dans les faits d’une absence de recours au travail forcé.

Tout cela traduit le désir du gouvernement d’avoir avec ses partenaires un dialogue ouvert et fondé sur la confiance. À cet égard, le gouvernement tient à exprimer sa volonté de coopérer avec l’OIT pour aller de l’avant. En outre, nous avons déjà eu des discussions préliminaires avec le bureau de l’OIT à Moscou et avec le bureau du coordinateur des Nations Unies au Turkménistan pour envisager des formes de coopération sur des questions relatives au coton, et il a été proposé d’associer des institutions financières internationales à ces discussions.

Par ailleurs, j’aimerais répondre aux recommandations relatives à l’application en droit, dans le contexte de relations entre différentes parties prenantes du secteur agricole. Des travaux sont actuellement en cours pour améliorer les procédures d’attribution de contrats entre les autorités exécutives locales et des organes autonomes locaux ainsi que des producteurs agricoles et des personnes impliquées dans la récolte du coton.

En conclusion, le Turkménistan est ouvert à une nouvelle assistance technique du BIT et, pour sa part, il prendra des mesures spécifiques pour faire en sorte que les dispositions des traités internationaux soient intégralement appliquées. Dans le même temps, nous pouvons développer encore la coopération et obtenir un accord dans un avenir proche.

Membres employeurs – Ce quatrième cas de «double note de bas de page» à l’ordre du jour de la commission se rapporte à une autre convention fondamentale ratifiée par le Turkménistan en 1997. La convention no 105, ainsi que la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, ratifiées respectivement par 176 et 179 pays, sont d’une importance capitale pour l’abolition de toutes les pratiques de travail forcé dans tous les pays et tous les systèmes juridiques. Les membres employeurs sont très impliqués dans l’éradication du travail forcé à laquelle ils sont particulièrement attachés. Nous ne pouvons fermer les yeux sur aucune forme de travail forcé, en particulier s’il est planifié, pratiqué ou toléré par des autorités centrales.

C’est la deuxième fois que la commission se penche sur l’application par le Turkménistan de cette convention en droit et dans la pratique. La première discussion remonte à 2016. Le gouvernement du Turkménistan a envoyé son rapport sur la convention no 105 à la commission d’experts dans les délais. Il lui a aussi envoyé une communication que nous avons lue avec intérêt. Nous remercions le gouvernement pour ce complément d’information.

Les membres employeurs déplorent le fait qu’une deuxième discussion soit nécessaire dans cette enceinte pour amener un changement. En revanche, nous tenons à souligner l’attitude positive du gouvernement, que l’on constate dans la déclaration que nous venons d’entendre et dans la communication écrite. C’est cela que la commission représente: un forum de dialogue et un précurseur d’améliorations.

Le présent cas porte sur des pratiques de travail forcé dans la production de coton, qui affectent des salariés d’un large éventail d’institutions des secteurs public et privé, sous la menace de sanctions si des quotas de production ne sont pas atteints. Ces sanctions sont notamment des réductions de salaire, l’obligation de fournir un remplaçant ou d’autres formes de harcèlement. L’observation de la commission rend compte de ces pratiques en citant différentes sources d’information, comme par exemple la mission consultative technique du BIT de septembre 2016, les communications de la CSI de 2019 et 2020, l’observation de la Commission des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels d’octobre 2018, et les observations des parties prenantes de février 2018 au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies présentées dans le cadre de l’examen périodique universel.

D’autre part, le gouvernement nie l’existence de telles pratiques. Dans sa communication écrite, on peut lire «les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) relatives au recours généralisé par l’État au travail forcé pour la récolte du coton sont sans fondement et ne reflètent pas la réalité de la situation et, surtout, les récentes avancées, en droit et dans la pratique, visant à: 1) empêcher le travail forcé de manière générale et en particulier dans la récolte du coton; 2) la mécanisation de la récolte du coton afin de réduire la récolte manuelle. Des informations sur les travaux en cours sur ces deux aspects figurent ci-dessous.» Cette information contradictoire ne contribue pas à la discussion et elle rend incontestablement plus difficile le débat franc et ouvert que nous recherchons dans cette enceinte.

Concentrons-nous donc sur les changements positifs mentionnés par le gouvernement dans sa communication et dans la présentation que nous venons d’entendre. Le premier changement qui nous intéresse vient des avancées législatives, puisque le travail forcé et les pires formes de travail des enfants sont maintenant prohibés depuis la modification de la Constitution de 2016.

Le deuxième point est le Plan d’action national sur les droits de l’homme pour 2021 2025, adopté en avril de cette année et qui prévoit des mesures visant à améliorer la législation sur l’interdiction du travail forcé et à instaurer une coopération avec l’OIT sur la question de l’interdiction du travail forcé, et aussi à renforcer le contrôle de l’application de la législation interdisant le travail forcé.

Le troisième changement vient du Plan de coopération avec des organisations internationales pour 2021-2023 que le gouvernement a adopté en avril de cette année et qui devrait accélérer la demande d’assistance au BIT en vue de programmes annuels de coopération sur des thèmes spécifiques, y compris sur l’industrie cotonnière.

Le quatrième changement vise l’adoption d’un cadre de coopération sur le développement durable avec les Nations Unies auquel l’OIT sera également associée.

Enfin, le cinquième changement est la mécanisation de la récolte du coton qui a eu pour effet de réduire fortement la récolte manuelle qui représentait 71 pour cent en 2015 et ne représentait plus que 28 pour cent en 2020. Il s’agit là d’évolutions positives dont les membres employeurs se félicitent. Ils constituent à coup sûr une bonne base pour de nouvelles améliorations. Quoi qu’il en soit, nous aimerions rappeler au gouvernement qu’en 2016 déjà il disait souhaiter un dialogue constructif et davantage de coopération avec l’OIT. Même si des discussions préliminaires ont été entamées avec le bureau de l’OIT à Moscou, cette coopération ne s’est toujours pas concrétisée. Nous répétons, à titre de priorité et pour aller de l’avant, qu’il est important que le gouvernement turkmène fasse appel à l’assistance technique du BIT.

Quoi qu’il en soit, les évolutions positives précitées portent uniquement sur des changements législatifs et sur l’intention de resserrer la coopération avec des institutions internationales, mais agissent peu sur l’application de la convention dans la pratique. Vingt-quatre ans ont passé depuis la ratification de la convention par le Turkménistan et des mesures importantes restent à prendre pour que la convention soit appliquée intégralement. Les membres employeurs rappellent qu’une situation similaire a aussi été discutée par la commission dans le cas de l’Ouzbékistan et qu’elle s’est terminée de façon exemplaire. Comme l’a montré le cas de l’Ouzbékistan, dans des pays dotés de systèmes spécifiques de «mobilisation du travail à des fins de développement économique», des solutions de rechange et des solutions macroéconomiques adéquates sont possibles. L’application de la convention dans la pratique peut impliquer, par exemple, de sensibiliser les autorités locales et la société, de combattre la corruption et d’appliquer une tolérance zéro à la subornation des fonctionnaires publics dans les champs de coton, de renforcer les capacités des inspecteurs du travail et autres fonctionnaires concernés, d’associer les partenaires sociaux et les parties prenantes concernées au contrôle du respect de la législation nationale.

Il se peut qu’une telle démarche nécessite de nouvelles lois et plus de ressources financières, ainsi que la mise en place de nouvelles institutions, éventuellement en collaboration avec les organisations de travailleurs et d’employeurs du pays. Le BIT est l’acteur tout désigné pour assurer la bonne mise en application de la convention grâce à son assistance technique et à une approche très constructive, et il devrait être sollicité pour élaborer un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton. Des informations importantes, dont l’OIT et la commission d’experts pourraient tirer avantage, comporteraient des données sur le nombre et la nature des infractions signalées en matière de travail forcé dans les champs de coton et sur les sanctions infligées.

Pour conclure, les membres employeurs voudraient aussi exprimer leurs préoccupations à propos des informations communiquées au gouvernement dans la demande directe de la commission d’experts à propos de la pratique du travail obligatoire en tant que sanction à l’égard de personnes qui expriment des opinions politiques.

Membres travailleurs – Le travail forcé dans le cadre de la production du coton est malheureusement une problématique trop présente dans certains pays de différentes régions du monde. Au Turkménistan également, et le gouvernement a encore aujourd’hui massivement recours au travail forcé pour la production du coton. Ce recours au travail forcé est véritablement institutionnalisé et reste piloté par les plus hautes autorités du pays. En imposant des quotas de production et en menaçant de représailles tous ceux qui ne les atteindraient pas, les autorités créent un environnement propice aux abus tout au long de la chaîne de production du coton dans ce pays.

Les travailleurs mobilisés de force pour la récolte du coton en sont les principales victimes puisqu’ils sont contraints de cesser leur activité professionnelle pour aller travailler dans les champs de coton. De nombreux étudiants, parfois très jeunes, sont également réquisitionnés. Le bon fonctionnement de nombreuses institutions publiques et d’entreprises est dès lors impacté. En plus d’être mobilisés de force, ces travailleurs et ces étudiants doivent travailler dans des conditions sanitaires et de travail indécentes. Ils subissent pressions et menaces. Ils sont forcés à travailler de trop longues heures et se voient refuser les équipements de protection individuels, indispensables dans un contexte de crise sanitaire.

Selon les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2019, les travailleurs de tous les secteurs ont été envoyés de force dans les champs de coton. Il ressort notamment de ces observations qu’une proportion de 70 pour cent des enseignants de la région de Mary a été mobilisée de force pour participer à la récolte de 2018. Il apparaît des dernières observations de la CSI que la mobilisation forcée des travailleurs de nombreux secteurs d’activité a continué lors des récoltes de 2019 et de 2020.

Le Turkménistan a pourtant ratifié les conventions nos 29 et 105 en 1997. Les premières observations de la commission d’experts relatives à ces pratiques de travail forcé à des fins de développement économique remontent à 2011 et, malgré une première discussion en 2016 à ce sujet au sein de cette commission, nous ne constatons aucune amélioration de la situation au Turkménistan et devons déplorer que le gouvernement turkmène ne reconnaisse même pas l’existence d’un très grave problème dans le pays.

D’autres organes internationaux ont également dressé les mêmes constats et s’inquiètent de la situation dans le pays, notamment le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. L’implication de ces organes dans le cas du Turkménistan témoigne également plus généralement de l’absence de respect de nombreux droits fondamentaux dans le pays.

L’article 1 de la convention no 105 prévoit que les États Membres l’ayant ratifiée s’engagent à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n’y recourir sous aucune forme, notamment en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. L’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990 permet à l’État et aux autorités gouvernementales de recruter des citoyens pour travailler dans des entreprises, institutions et organisations en vue de mobiliser la main-d’œuvre à des fins de développement économique et de prévenir les urgences. Le gouvernement turkmène conteste que cette notion de développement économique est utilisée dans sa législation et renvoie plutôt à la notion d’urgence contenue dans la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence et la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, qui semblent servir de bases légales ou de prétextes au travail forcé dans les champs de coton.

Ce faisant, le gouvernement turkmène tente de se prévaloir d’une exception contenue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention no 29, qui prévoit qu’il ne sera pas question de travail forcé lorsqu’il s’agit d’un travail exigé dans un cas de force majeure. Nous devons toutefois rejoindre la commission d’experts sur ce point: la récolte annuelle du coton ne constitue pas un cas de force majeure visé par cette disposition. Le gouvernement turkmène ne peut donc pas s’en prévaloir. Et quand bien même la notion de développement économique ne serait pas utilisée dans la législation, il apparaît en pratique que c’est bel et bien à des fins de développement économique que le gouvernement permet ces campagnes de travail forcé.

Il apparaît également du rapport de la commission d’experts que l’article 19 du Code du travail prévoit qu’un employeur peut exiger d’un travailleur qu’il effectue un travail sans lien avec son emploi dans des cas spécifiés par la loi. Le gouvernement turkmène n’a pas apporté de réponse à ce sujet dans ses informations écrites.

Même si la législation turkmène contient par ailleurs des dispositions interdisant le recours au travail forcé, il apparaît clairement que ces dispositions légales restent encore lettres mortes en pratique. L’absence de liberté de la presse et l’inexistence de syndicats indépendants au Turkménistan rendent toutefois très compliqué le contrôle de l’application concrète de ces législations.

Le gouvernement mentionne divers projets de plans d’action nationaux afin de mettre fin au travail forcé sans que des partenaires sociaux libres et indépendants ne semblent avoir été impliqués dans ces processus. Le gouvernement indique également investir dans la mécanisation de la récolte du coton afin de ne plus devoir recourir à trop de main-d’œuvre. La mécanisation du processus de récolte du coton ne nous semble toutefois pas offrir les garanties nécessaires afin de faire cesser durablement la pratique systématique du travail forcé au Turkménistan.

Si nous apprécions l’ouverture du gouvernement turkmène à une coopération plus poussée avec l’OIT afin de développer et mettre en œuvre des plans d’action visant à mettre fin au travail forcé, il nous semble qu’une étape importante pour le gouvernement turkmène est d’enfin reconnaître l’étendue du problème et de poser des actes concrets témoignant de sa volonté affichée de mettre fin au travail forcé. Il conviendra pour ce faire que le Turkménistan facilite également à l’avenir le travail d’investigation des organisations internationales sur son territoire pour permettre une coopération technique efficace et utile. Nous devons en effet regretter que la mission consultative technique du BIT de septembre 2016 a éprouvé les plus grandes difficultés à se rendre dans les champs de coton pour y faire les constatations d’usage.

Nous invitons le gouvernement turkmène à s’engager dans une démarche positive analogue à celles que nous avons déjà connues dans d’autres pays sur cette problématique. La réussite d’une telle démarche sera conditionnée par la garantie d’un véritable exercice de la liberté syndicale, l’implication de syndicats indépendants et la liberté d’action des organisations de la société civile. L’ouverture d’un dialogue tripartite avec les partenaires sociaux est fondamentale afin d’apporter les changements durables qui s’imposent dans le pays.

Interprétation du russe: Membre employeur, Turkménistan – Je voudrais commenter les recommandations de la commission d’experts relatives à la participation des exploitants agricoles et des entreprises privées au secteur cotonnier. Je conteste que des exploitants agricoles soient forcés de récolter le coton. La culture du coton est une activité traditionnelle et nous avons une longue expérience dans ce domaine.

Il y a les achats de l’État et des entreprises sont attirées par la possibilité d’avoir le droit de cultiver la terre pendant quatre-vingt-dix-neuf ans. Pourquoi la production agricole de coton est-elle attrayante pour les exploitants agricoles? Ils peuvent obtenir des crédits à un taux d’intérêt de 1 pour cent sur dix ans. Cela veut dire pour les exploitations agricoles la possibilité d’acheter du matériel agricole. Plus de 3 000 engins agricoles John Deere ont été vendus et on constate aussi un mouvement d’intérêt pour les marques Case et CLAAS. Elles sont aussi libérées de l’obligation de payer des taxes et des impôts, et dispensées du fermage. Le coton ne se limite pas aux volumes achetés par l’État, les exploitants pouvant aussi en disposer à leur guise, et ils sont aussi attirés par des baux à ferme de quatre-vingt-dix-neuf ans. On compte actuellement 517 associations (daikhan) dans le secteur du coton; 180 sont maintenant passées dans le secteur privé et les autres feront de même d’ici à 2025. Les entreprises agricoles sont attirées par la possibilité de réaliser des bénéfices dans ce domaine et en aucune manière ne souhaiteraient, ni ne pourraient d’ailleurs, recourir au travail forcé. L’association des entreprises du Turkménistan reçoit chaque année des milliers de déclarations de nos entreprises, mais aucune ne fait état d’informations quant à une obligation de cultiver ou récolter le coton.

Notre association fait un travail énorme pour aider nos entreprises et représenter leurs intérêts légitimes auprès des organes de l’État. Nous savons que le rapport renferme des informations sur des cas d’entreprises forcées de cultiver du coton, et nous sommes disposés à examiner tout cas pour lequel existent des informations objectives et concrètes. Nous sommes conscients des informations données par la commission d’experts, mais nous demandons aussi que notre avis soit également pris en considération.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Turkménistan – Tout d’abord, permettez-moi de souligner qu’en 2016 la délégation du Turkménistan a déjà été entendue sur la convention no 105 à la 105e session de la Conférence de l’OIT. Nous avons examiné les commentaires et les recommandations de la CSI sur la question de l’utilisation du travail forcé pendant la récolte du coton, et je voudrais profiter de l’occasion de cette réunion pour apporter des informations sur certaines mesures que les syndicats ont prises pour mettre ces recommandations en œuvre.

Les syndicats du Turkménistan sont très attachés au principe de «tripartisme» en leur qualité de représentants des travailleurs. Suivant notre loi sur les syndicats et sa charte, les organisations syndicales exercent un contrôle social sur l’application de la législation du travail dans le pays. À cette fin, nous avons procédé à des inspections légales et techniques.

Nous avons aussi participé à de nombreux groupes de travail gouvernementaux et parlementaires et à des groupes d’experts pour l’élaboration et l’amélioration de la législation du travail et d’autres lois et règlements en rapport avec le travail et sa protection et, sur ce point, à la transposition des dispositions des conventions de l’OIT dans notre législation.

Une des activités des syndicats consiste à aider le gouvernement à appliquer les normes internationales du travail. Je dois dire que, par comparaison avec les années précédentes, les résultats obtenus cette année ont été beaucoup plus positifs. Nous participons régulièrement aux travaux d’une commission tripartite spéciale sur les questions de travail, conformément à la loi adoptée en 2019.

Le Turkménistan a ratifié la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, il y a quelques années, et elle est maintenant d’application dans le pays. En outre, cette année, le Turkménistan est devenu un État partie à la convention (nº 122) sur la politique de l’emploi, 1964. Le Turkménistan a ratifié 11 conventions, dont 9 fondamentales et 1 technique. Cela témoigne de notre attachement aux valeurs de l’OIT.

Nous participons activement aux travaux de la commission tripartite créée au sein du ministère des Affaires sociales et du Travail. Nous y avons formulé diverses propositions en vue d’améliorer notre législation du travail et, en ce moment même, nous travaillons à une nouvelle version de notre Code du travail qui comportera de nouvelles dispositions améliorant ses possibilités d’intervention sur la question au centre de la discussion.

Entre le 1er janvier et avril de cette année, nous avons conclu 121 conventions entre organisations de travailleurs et d’employeurs. Plus de 2 000, presque 3 000, conventions collectives sont en vigueur dans des institutions et des entreprises. En outre, et malgré les restrictions que nous impose actuellement la pandémie, nous collaborons dans la mesure de nos possibilités avec les sections régionales de nos syndicats pour leur permettre de poursuivre leurs activités. Cent treize inspections ont été effectuées l’an dernier et 15 pour des questions de conformité et de législation cette année.

S’agissant de la question du travail forcé, nous n’avons reçu aucun commentaire cette année, que ce soit de particuliers ou d’entreprises. Des séminaires spéciaux, des réunions et des cours de formation sont proposés, notamment pour faire en sorte que les exploitants agricoles et les travailleurs soient conscients de la situation et de leurs droits. Dix-huit séminaires de ce type ont été organisés cette année.

Au cours des deux dernières années, nous avons aussi accru notre coopération avec des institutions internationales, dont l’OIT. L’an dernier, une délégation de la Centrale nationale des syndicats du Turkménistan, emmenée par son président, a visité le siège de l’OIT à Genève où des consultations fructueuses ont eu lieu avec des représentants de l’Organisation. Par conséquent, nous comprenons vos préoccupations, nous faisons de notre mieux pour faire en sorte que notre législation soit en accord avec les engagements pris par notre pays. Nous sommes certains que notre coopération débouchera sur d’autres résultats positifs. Des progrès ont certainement été accomplis à ce jour et nous espérons continuer dans cette voie.

Membre gouvernemental, Portugal – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Les pays candidats, République de Macédoine du Nord, Monténégro et Albanie, et la Norvège, membre de de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et de l’Espace économique européen (EEE), ainsi que la République de Moldova souscrivent aux présentes déclarations.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection et au respect des droits de l’homme, y compris les droits au travail, la liberté syndicale et l’abolition du travail forcé ou obligatoire comme le précise l’article 1 de la convention no 105. Nous promouvons activement la ratification et l’application universelles des normes internationales du travail fondamentales, notamment de la convention no 105, et nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable de développement, de promotion et de vérification de l’application des normes internationales du travail et des conventions fondamentales en particulier.

Nous remercions le Bureau et lui apportons notre total soutien pour la constance de son engagement en faveur de la promotion des droits au travail et à l’abolition du travail forcé au Turkménistan.

Nous regrettons qu’aucun progrès tangible n’ait été accompli pour s’attaquer à la question de la mobilisation de personnes en vue d’un travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la commission et la visite d’une mission consultative technique du BIT dans le pays en 2016.

L’Union européenne et ses États membres sont vivement préoccupés par la pratique du travail forcé qui se perpétue dans le secteur du coton et par les mauvaises conditions de travail des travailleurs qui y sont employés. Le travail forcé affecte non seulement les travailleurs, mais il a aussi des conséquences pour les entreprises, les travailleurs des secteurs public et privé, comme les enseignants et les médecins, et pour les étudiants.

Nous voudrions aussi témoigner de notre déception quant au fait que le projet de programme de coopération élaboré par le gouvernement du Turkménistan avec les partenaires sociaux n’ait pas abouti, et nous prions instamment le gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du BIT.

Dans ce contexte, l’Union européenne et ses États membres prient instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer totalement le recours au travail obligatoire de travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants dans la culture du coton.

En outre, nous nous associons totalement aux observations de la commission d’experts qui demandent que la législation soit modifiée de manière à la mettre en conformité avec la convention no 105 et faire en sorte que, en droit comme dans la pratique, aucune sanction comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée contre l’expression pacifique d’opinions opposées à l’ordre établi. Dans l’attente de l’adoption de ces mesures, nous attendons du gouvernement qu’il fournisse des informations sur l’application de la législation précitée.

Nous saluons les informations écrites communiquées par le gouvernement du Turkménistan et de la récente adoption du deuxième Plan d’action national sur les droits de l’homme et exhortons vivement le gouvernement à intensifier ses efforts en vue de sa mise en œuvre.

L’Union européenne et ses États membres sont prêts à aider le Turkménistan à remplir ses obligations et ils continueront à suivre de près et analyser la situation dans le pays.

Membre travailleuse, France – La pratique du travail forcé est particulièrement préoccupante dans le secteur public au Turkménistan. Du fait de leur dépendance envers l’État pour leur subsistance, ils sont parmi les plus vulnérables à être envoyés dans les champs au moment de la récolte. Un rapport très détaillé du Solidarity Center explique que des instructions officielles sont publiées, exigeant l’envoi de ces travailleurs récolter le coton, même si ce n’est économiquement pas rentable, information confirmée lors d’une réunion de mobilisation par un représentant des autorités, qui affirme devoir effectuer des rapports quotidiens sur le nombre de personnes envoyées dans les champs de coton, sur les tonnes récoltées, et qui exigent de ceux qui ne peuvent s’y rendre de payer quelqu’un pour y aller à leur place.

En 2020, devant la faiblesse de la récolte et le refus des agriculteurs de recourir à cette main-d’œuvre, les travailleurs ont reçu des sommes dérisoires et ont dû trouver eux-mêmes les champs à exploiter, travaillant de nuit et sans équipement. Dans la région de Dashoguz, un travailleur a ainsi témoigné gagner péniblement 1,5 manat par jour. Pour comparaison, une bouteille d’huile en vaut 15. Les mécontents se sont vu rétorquer par le fermier qu’il n’était même pas obligé de les leur donner. Aucun certificat médical ni aucune circonstance familiale ne peuvent justifier une absence. Dans la région de Lebap, la décision rendue le 28 août 2020 d’exempter les travailleurs du nettoyage des institutions et administrations du fait des risques liés à la pandémie a été contredite quinze jours plus tard, et ces travailleurs ont alterné un jour sur deux la récolte du coton et un jour sur deux le nettoyage.

La situation des femmes est encore pire, puisqu’elles sont encore plus vulnérables. En effet, elles représentent la part des travailleurs de la fonction publique les moins payés. Elles ne peuvent donc en aucun cas engager quelqu’un pour faire ce travail à leur place, et doivent donc s’y rendre elles-mêmes dans l’indifférence la plus complète de leur âge ou de leur état de santé.

Membre gouvernementale, Canada – Je prends la parole au nom des gouvernements de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, des États Unis et de mon propre pays, le Canada. Nous remercions le gouvernement du Turkménistan pour les informations qu’il a communiquées récemment à propos de l’application de la convention. Nous notons que ces informations mettent en avant des mesures prises par le gouvernement pour répondre aux observations de la commission d’experts, notamment celles adoptées dans le cadre du Plan d’action sur les droits de l’homme pour 2021-2025. Quoi qu’il en soit, nous restons vivement préoccupés par les informations faisant état d’un recours persistant au travail forcé au Turkménistan, notamment par la mobilisation par l’État de salariés des secteurs public et privé ainsi que d’étudiants, sous la menace de sanctions. En 2016, la commission avait exhorté le gouvernement à mettre fin à cette pratique. Or les récentes observations de la commission d’experts ne notent aucun progrès tangible de la part du gouvernement pour remédier de manière efficace à ces questions au cours des cinq dernières années.

En conséquence, nous exhortons le gouvernement turkmène à prendre immédiatement des mesures efficaces afin, premièrement, d’utiliser toutes les mesures législatives et investigatives existantes pour éliminer, en droit et dans la pratique, la mobilisation et l’utilisation du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée sous l’égide de l’État; deuxièmement, de fournir à l’OIT des informations sur les mesures prises pour mettre fin au travail forcé et sur les résultats obtenus, y compris sur le nombre des infractions constatées et sur les sanctions appliquées; et, troisièmement, de se prévaloir de l’assistance technique du BIT en vue d’éliminer le travail forcé et d’améliorer le recrutement et les conditions de travail dans le secteur du coton.

Nous nous réjouissons de l’intention annoncée récemment par le gouvernement de coopérer avec l’OIT et d’autres organisations internationales afin d’empêcher le recours au travail forcé de progresser dans le pays. Pour ce faire, nous appelons le gouvernement à permettre à ces organisations de se rendre dans les champs de coton afin d’observer la récolte.

Le travail forcé est un problème grave. Le travail forcé parrainé par l’État turkmène est une violation flagrante des obligations contractées par le gouvernement au titre de la convention et est incompatible avec la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de 1998. Nous espérons sincèrement que le prochain rapport du gouvernement à la commission d’experts mettra en lumière une évolution positive vers l’élimination du travail forcé au Turkménistan.

Membre travailleur, États-Unis d’Amérique – Hélas, des observateurs indépendants et des canaux de presse ont continué à corroborer un recours systématique au travail forcé dans les régions de culture du coton du Turkménistan pendant la récolte de 2020, comme ils l’avaient fait les années précédentes.

Le rapport de la commission d’experts note l’absence de progrès tangible dans le traitement de la question de la mobilisation de personnes à des fins de travail forcé dans la récolte du coton depuis la discussion de ce cas par la Commission de la Conférence et la visite d’une mission consultative technique du BIT dans le pays en 2016. L’État fixe toujours des quotas de production obligatoires assortis de sanctions sévères, y compris la confiscation des terres, la cessation d’emploi et le refus de prestations sociales, afin de forcer les exploitants agricoles et les citoyens à cultiver et récolter le coton. Il est impossible de produire du coton au Turkménistan en-dehors de ce système.

En mai 2018, le gouvernement des États-Unis a publié une ordonnance draconienne interdisant l’importation de produits fabriqués en totalité ou en partie avec du coton turkmène en raison des preuves accablantes de sa production dans un système fermé géré par l’État et reposant sur le travail forcé. Les entreprises et les importateurs qui font entrer dans le pays des produits contenant du coton du Turkménistan au mépris de cette interdiction s’exposent à de lourdes amendes, voire à des poursuites pénales.

Le travail forcé est l’antithèse du travail décent et une violation choquante des droits au travail et des droits de l’homme. Nous demandons à la commission de condamner cette pratique dans les termes les plus fermes et exigeons que le gouvernement du Turkménistan prenne des mesures concrètes, vérifiables pour mettre fin au travail forcé pendant la récolte du coton de cette année.

Interprétation du russe: Membre gouvernemental, Fédération de Russie – La Fédération de Russie partage totalement les arguments avancés par le représentant du Turkménistan s’agissant de l’application de la convention. Nous considérons les allégations dirigées contre le Turkménistan et faisant état d’une utilisation généralisée du travail forcé pour la culture du coton totalement infondées. Elles ne tiennent pas compte des efforts significatifs consentis par Achgabat pour mécaniser le secteur et éliminer totalement le travail forcé.

Nous espérons que la commission prendra note avec satisfaction du compte rendu détaillé qui a été présenté ce jour par le ministre du Turkménistan et mettra un terme à l’examen de cette question. À titre de remarque générale, il est inacceptable que des rapports thématiques par pays soient liés à des événements internes, quel que soit le pays. La Fédération de Russie appelle la Conférence internationale du Travail, ou plutôt nous appelons la CSI et ses comités, à renoncer à des agendas empreints de préjugés politiques et qui suscitent la confrontation au profit d’une démarche constructive et mutuellement respectueuse afin de promouvoir le travail décent et d’améliorer les instruments qui protègent les intérêts des travailleurs et des employeurs.

Interprétation du russe: Membre travailleur, Fédération de Russie – La commission a noté plus d’une fois que le Turkménistan ne respecte pas la convention. Le Turkménistan est un des pays les plus fermés au monde et la liberté d’expression y est inexistante. Nous savons qu’il a aussi de graves problèmes de respect de la liberté syndicale et du droit d’organisation. Il n’existe pas de syndicats libres à proprement parler dans ce pays. Par conséquent, il est très difficile d’obtenir des informations sur la situation des droits au travail dans le pays. Toutefois, il semble effectivement y avoir un recours systématique et organisé par le gouvernement au travail forcé dans l’agriculture, en particulier dans l’industrie cotonnière.

Le travail forcé des enfants a aussi été démontré. Les conscrits doivent également participer à la récolte du coton sans être rémunérés, comme c’est le cas pour d’autres aussi. Dans beaucoup de régions, il semble que certains soient contraints de verser 20 manat deux ou trois fois par semaine pour leur subsistance pendant qu’ils participent à la récolte du coton.

Les exploitants agricoles ne sont pas autorisés à pratiquer des activités agricoles plus rémunératrices. Le gouvernement les en empêche. Les autorités se sont servies de la pandémie de coronavirus comme excuse pour mobiliser de force des travailleurs dans le courant de cette année et de la précédente. Bon nombre de travailleurs mobilisés de la sorte ne perçoivent aucun salaire, n’ont aucune protection et aucun moyen de transport pour les emmener sur leur lieu de travail et où ils combattaient le virus. Nous demandons instamment que des mesures d’urgence soient prises pour protéger les travailleurs du Turkménistan et leurs droits et pour mettre la situation dans ce pays en pleine conformité avec les engagements résultant de la convention. C’est ce qui doit être fait.

Membre gouvernemental, Suisse – La Suisse regrette de devoir à nouveau discuter du respect de la convention – une convention fondamentale – par le Turkménistan. Selon diverses sources, le recours au travail forcé par la mobilisation et l’utilisation de la main-d’œuvre dans la production de coton est une pratique courante au Turkménistan. Cette pratique constitue une violation grave des normes internationales qui garantissent la démocratie et l’État de droit, y compris les libertés fondamentales d’expression et d’association, telles que l’expression pacifique d’opinions politiques. Par ailleurs, cette pratique nuit aux travailleurs et aux agriculteurs.

Malgré certaines mesures prises en 2016, le gouvernement turkmène continue, selon diverses sources, de pratiquer le travail forcé dans le secteur du coton. Une telle pratique ne peut pas se justifier pour des raisons de développement économique. Pour rappel, la convention interdit le travail obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. C’est dans ce contexte que la Suisse encourage le gouvernement à mettre en place des mesures concrètes pour éliminer, en droit et en pratique, le travail forcé de manière conforme à la convention.

Enfin, la Suisse soutient les conclusions et recommandations de la commission d’experts d’informer sur les mesures prises et les résultats concrets obtenus, et de continuer à utiliser l’assistance technique du BIT pour améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton.

Membre gouvernemental, Azerbaïdjan – Ma délégation remercie la délégation du Turkménistan d’avoir fait le point sur l’application de la convention pour la commission. L’Azerbaïdjan apprécie les efforts consentis par le gouvernement pour assurer l’application de la convention dans les faits et pour faire respecter l’interdiction du travail forcé et l’éradiquer dans le pays. Nous notons que l’interdiction du recours au travail forcé est inscrite dans la nouvelle Constitution du Turkménistan, adoptée en 2016, ce qui témoigne de sa volonté de se conformer à toutes ses obligations découlant de la convention et des instruments internationaux pertinents.

Nous sommes conscients que le gouvernement a continué à mettre en place des cadres stratégiques tels que le Plan d’action national sur les droits de l’homme récemment adopté et le Plan pour la coopération avec les organisations internationales. Le premier en particulier prévoit un ensemble de mesures visant à améliorer la législation relative à l’interdiction du travail forcé, à développer la coopération avec l’OIT s’agissant de la prévention du travail forcé, et à renforcer le contrôle de l’application de la législation. Nous nous félicitons aussi des mesures d’ordre pratique prises par le gouvernement pour réduire la récolte manuelle du coton.

Ces actions du gouvernement témoignent de son engagement et de sa volonté de répondre aux préoccupations qui se sont exprimées, avec la participation active du BIT. Nous encourageons le gouvernement à continuer de collaborer étroitement avec l’OIT et à accroître ses efforts pour appliquer les normes de l’OIT. Par ailleurs, dans l’accomplissement de ses obligations en matière de travail, nous invitons l’OIT à apporter son soutien entier au gouvernement du Turkménistan et à lui fournir toute l’assistance consultative technique qu’il pourrait solliciter à cet égard.

Membre gouvernementale, Ouzbékistan – La délégation gouvernementale de la République d’Ouzbékistan se félicite de l’esprit d’ouverture et de l’interaction active du gouvernement turkmène avec l’OIT s’agissant de l’application des normes internationales fondamentales, et notamment de la convention no 105. Nous en voulons pour illustration la mise en œuvre du Plan d’action national sur les droits de l’homme qui a été élaboré en tenant compte de précédentes pratiques qui ont fait leurs preuves et a été approuvé par le Président du Turkménistan. Nous apprécions vivement les efforts du gouvernement turkmène pour améliorer la législation nationale visant à l’éradication du travail forcé, pour renforcer la coopération avec l’OIT sur la question de la prévention du travail forcé et une coopération fructueuse avec d’autres organisations internationales.

Nous sommes persuadés que les mesures prises par le Turkménistan traduisent la volonté du gouvernement de garantir les droits au travail et méritent d’être reconnues par la commission.

Observateur, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Au Turkménistan, toutes les terres agricoles sont la propriété de l’État. Les associations d’exploitants agricoles sont les locataires de l’État dont ils louent les terres. L’État a le monopole sur les achats et fixe les prix payés aux exploitants. Les locataires qui ne remplissent pas leurs obligations reçoivent des amendes et peuvent voir leurs terres confisquées. Un système dans lequel les exploitants agricoles ne peuvent pas décider librement ce qu’ils vont cultiver, où ils vont le faire, qui n’ont pas la possibilité de négocier le prix de vente de leur production, dans lequel les travailleurs n’ont pas la possibilité de s’organiser ni de négocier leur rémunération et leurs conditions de travail est un système qui doit inévitablement dépendre de l’utilisation du travail forcé.

Nous avons suffisamment de preuves pour conclure que ce problème de l’agriculture turkmène est en fait endémique. Les observateurs indépendants ont étayé leurs propos en dépit des efforts du gouvernement pour les réduire au silence, ce qui s’est passé pour Gaspar Matalayev, condamné à trois ans de prison en octobre 2016 pour sa tentative de divulguer les conditions de travail dans les plantations de coton. Son mandat d’arrêt a été délivré quelques mois à peine après que la commission avait examiné pour la première fois la question du travail forcé au Turkménistan, alors que le gouvernement se disait ouvert à un dialogue constructif et prêt à coopérer.

La commission a adopté des recommandations à plusieurs reprises. Toutes n’ont été acceptées par le gouvernement que pour la forme, puisqu’il nie de manière persistante tout recours au travail forcé dans le pays. Cette position est une fois de plus réitérée dans la communication du gouvernement à la commission datée du 20 mai 2021. Le gouvernement affirme de manière répétée qu’il est ouvert à la coopération avec l’OIT, or nous ne voyons aucune preuve tangible d’une telle ouverture. L’OIT devrait continuer à prendre toutes les mesures possibles pour obtenir du gouvernement qu’il observe les obligations qui lui incombent au titre de la convention.

Interprétation du russe: Représentant gouvernemental – Au nom de la délégation du Turkménistan, je voudrais exprimer notre gratitude à la commission pour le travail effectué et pour le dialogue constructif que nous avons eu avec les délégués, en particulier avec ceux qui ont exprimé leur soutien au Turkménistan. Nous sommes également reconnaissants au porte-parole des membres employeurs pour son approche constructive du dialogue et des éléments matériels apportés par le Turkménistan à cette réunion. Nous avons fait beaucoup, et nous le faisons encore, pour nous conformer à la convention non seulement en adoptant des textes de loi, mais aussi en les appliquant.

Quant au porte-parole des membres travailleurs, j’aurais voulu qu’il porte peut-être un peu plus d’attention aux commentaires du gouvernement. Les propos faisant état d’une institutionnalisation du travail forcé au Turkménistan sont infondés et inexacts. Ils ne reflètent pas la situation réelle sur le terrain. Une fois encore, je tiens à dire que la loi de 1990 sur l’état d’urgence a été remplacée, en 2013, par une autre qui ne contient aucune disposition relative à la récolte du coton. Comme je l’ai dit, nous n’utilisons pas non plus le concept des «fins de développement économique». Nous essayons de mécaniser davantage notre industrie cotonnière, comme l’illustrent les statistiques que nous avons fournies. En outre, le gouvernement s’efforce manifestement de faire de la mécanisation de l’agriculture une priorité.

La commission d’experts a formulé certaines recommandations et certains commentaires positifs que nous allons, bien entendu, étudier attentivement à Achgabat, et nous les analyserons. Au nom de mon gouvernement, je voudrais dire – et je le dis avec assurance – que nous considérons la coopération avec l’OIT comme une chose que nous souhaiterions plus régulière et systématique à l’avenir. Nous serons heureux de faire tout ce qui est nécessaire pour faire en sorte d’être en totale conformité avec nos obligations conventionnelles, et nous sommes persuadés que nous pouvons y arriver. Une poursuite de la coopération peut se faire par le biais d’une transposition des dispositions des conventions de l’OIT dans notre législation, en dispensant une formation à la population et en la sensibilisant à la question, et par une vérification du respect des conventions par une coopération tripartite. Nous serons heureux de faire tout cela.

Membres travailleurs – Nous remercions le représentant du gouvernement turkmène pour les informations qu’il a pu nous fournir au cours de la discussion. Et je peux le rassurer, je l’ai écouté très attentivement. Nous remercions également les différents intervenants pour leur contribution à cette discussion.

Il est indéniable que le Turkménistan a encore aujourd’hui massivement recours au travail forcé pour la récolte du coton. Il ne s’agit pas de simples allégations mais d’informations vérifiées auprès de différentes sources présentes sur le terrain. Il n’est pas raisonnable de mettre ces informations en balance avec les dénégations répétées du gouvernement turkmène sur la problématique avérée du travail forcé dans le pays. Nous partageons la profonde préoccupation de la commission d’experts face à la persistance des pratiques de travail forcé et les mauvaises conditions de travail des personnes forcées à travailler dans le secteur du coton, et ce en violation manifeste de la convention.

Il est indispensable que le gouvernement prenne toutes les mesures, en droit comme en pratique, pour éliminer le recours au travail forcé des travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que des étudiants, notamment en s’assurant que la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan, l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990 et l’article 19 du Code du travail ne puissent servir de bases légales au travail forcé dans les champs de coton.

Le gouvernement veillera à cesser de brandir des menaces envers ceux qui ne parviendraient pas à rencontrer les quotas fixés par les autorités. Ces pressions exercées sur les autorités à tous les niveaux pour rencontrer ces quotas induisent de nombreux abus dont les travailleurs sont les premières victimes. Il convient que le gouvernement agisse en conformité avec la convention et les législations nationales réprimant le recours au travail forcé, en émettant des instructions claires sur l’interdiction du recours au travail forcé et en poursuivant et sanctionnant, le cas échéant, les fonctionnaires qui y auraient tout de même recours.

Le gouvernement veillera à développer un plan d’action national en collaboration avec les partenaires sociaux afin d’éliminer durablement le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’État.

Il ressort du rapport de la commission d’experts que des contacts préliminaires ont été pris avec l’OIT afin d’entamer une coopération pour mettre fin à ces pratiques contraires à la convention sans véritablement aboutir à des engagements concrets. Nous invitons dès lors le gouvernement à intensifier ces contacts et à y associer les partenaires sociaux ainsi que toutes les organisations de la société civile qui suivent la situation au Turkménistan. Dans cette perspective, il sera fondamental de garantir l’accès aux champs de coton aux partenaires sociaux, à la presse et à toute organisation de la société civile qui seront libres de rapporter les constatations qu’ils auront dressées sans crainte de représailles. Il est évident que l’implication des partenaires sociaux dans le développement et la mise en œuvre d’un tel plan d’action national passera par la reconnaissance pleine et entière de la liberté syndicale dans le pays afin que les travailleurs et les employeurs du pays puissent être représentés.

Afin de garantir la réalisation de tous ces objectifs, nous invitons le gouvernement du Turkménistan à accepter la venue d’une mission de haut niveau de l’OIT avant la prochaine Conférence internationale du Travail et pendant la période de récolte; mission qui devra se voir accorder toutes les facilités afin de pouvoir mener à bien sa mission.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier le gouvernement pour ces utiles informations, notamment sur sa volonté de coopérer avec l’OIT. Nous souhaitons aussi remercier les délégués des organisations syndicales et du gouvernement qui nous ont fait part de leurs commentaires sur ce cas, et souligner leur attachement à l’éradication du travail forcé.

À la lumière des débats, les membres employeurs invitent le gouvernement à s’engager réellement pour mettre sa pratique en conformité avec la convention. La première priorité est le soutien de l’OIT, et le gouvernement devrait solliciter l’assistance technique du Bureau afin de se conformer à la convention, en droit comme dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour l’élimination du travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’État.

Les membres employeurs closent la discussion de ce cas en recommandant au gouvernement de prendre des mesures efficaces, en droit comme dans la pratique, pour s’assurer que personne, que ce soit dans le secteur public ou le privé, sous la menace de sanctions pour ne pas avoir atteint les quotas de production, n’est forcé de travailler pour la récolte du coton; de s’assurer que les autorités locales, les inspecteurs du travail et les fonctionnaires publics sont dûment informés de la législation applicable au travail forcé et de poursuivre et sanctionner comme il se doit tout fonctionnaire public qui participe à la mobilisation forcée de travailleurs pour la culture ou la récolte du coton au mépris de la convention; de permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile de contrôler et établir l’existence de tout cas de travail forcé lors de la récolte du coton, sans devoir craindre des représailles; et, enfin, de fournir à la commission d’experts des informations sur le nombre et la nature des infractions signalées en matière de travail forcé dans les champs de coton et sur les sanctions appliquées.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies par écrit et oralement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté avec une profonde préoccupation la persistance d’un recours généralisé au travail forcé lors de la récolte annuelle de coton organisée par l’État turkmène et l’absence de progrès significatifs sur la question depuis le dernier examen de ce cas par la commission en 2016.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement du Turkménistan de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour:

- en application de l’article 1 b) de la convention, assurer que, en droit et dans la pratique, nul n’est contraint, y compris les exploitants agricoles et les travailleurs des secteurs public et privé et les étudiants, de participer à la récolte de coton organisée par l’État ni menacé de sanctions si les quotas de production ne sont pas atteints;

- assurer que, conformément à la convention, la loi sur l’état d’urgence, la loi sur les interventions d’urgence, la loi sur la préparation et la mise en œuvre de la mobilisation au Turkménistan et l’article 19 du Code du travail ne servent pas de base légale ou de prétexte au travail forcé;

- rendre compte du statut de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence;

- mettre fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton;

- poursuivre et sanctionner de manière appropriée tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton;.

- élaborer, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, un plan d’action visant à éliminer, en droit et dans la pratique, le travail forcé lors de la récolte du coton organisée par l’État, et à améliorer les conditions de recrutement et de travail dans le secteur du coton, conformément aux normes internationales du travail; et

- permettre aux partenaires sociaux indépendants, à la presse et aux organisations de la société civile de suivre et de réunir des informations sur les cas de travail forcé lors de la récolte du coton sans craindre de représailles.

Afin de mettre efficacement en œuvre toutes ces recommandations, la commission demande au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau du BIT qui bénéficiera de tous les aménagements nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions avant la prochaine Conférence internationale du Travail et pendant la saison des récoltes.

Un autre représentant gouvernemental – Tout d’abord, je voudrais saisir cette occasion pour remercier toutes les parties qui ont participé à l’examen du cas concernant l’application par le Turkménistan de la convention no 105. Nous prenons note des conclusions de la commission.

Ensuite, nous considérons que les observations relatives au recours généralisé et systématique au travail forcé dans la culture du coton au Turkménistan sont totalement infondées. La commission n’a pas pris en compte les efforts importants que le Turkménistan a déployés pour mécaniser le secteur du coton et éliminer totalement le travail forcé.

Lors de son intervention du 8 juin 2021, le ministre du Travail a fourni des données statistiques concrètes sur le processus de mécanisation de ce secteur. Malheureusement, les conclusions de la commission démontrent une fois de plus que la commission ou ses membres ont adopté une attitude partiale et une approche sélective des faits qui ont été mis en avant lors de la discussion. En particulier, le deuxième point du troisième paragraphe porte sur l’application de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence et sur la loi de 2013 sur l’état d’urgence. Je tiens à vous informer que dans toute l’histoire de l’indépendance du Turkménistan, ces dispositions n’ont jamais été appliquées puisque l’état d’urgence n’a jamais été déclaré. Ce point n’est donc pas du tout pertinent.

Le troisième point du même paragraphe demande de rendre compte du statut de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, qui a été remplacée en 2013 par la loi sur l’état d’urgence, alors que nous avons déjà indiqué que ni la loi de 1990 ni la loi de 2013 ne contiennent l’expression «fins de développement économique». Nous sommes prêts à fournir les textes de ces deux lois aux fins de votre examen.

En conclusion, comme l’a déclaré à plusieurs reprises le chef de notre délégation, le Turkménistan est déterminé et prêt à coopérer avec le BIT pour remplir ses obligations découlant des conventions sur le travail. Nous avons déjà proposé diverses formes et modalités de coopération possibles avec le BIT, et nous sommes prêts à envisager d’autres options acceptables pour les deux parties.

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