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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2021, Publication : 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Cambodge (Ratification: 1999)

Autre commentaire sur C087

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2021-KNM-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Le gouvernement a communiqué les informations écrites ci-après, ainsi que des copies de la loi modifiant la loi sur les syndicats et sa note explicative.

En ratifiant la convention no 87 de l’OIT, le Cambodge s’est engagé à défendre et promouvoir la liberté syndicale et à protéger le droit syndical. À cet égard, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle (MTFP) du Royaume du Cambodge voudrait apporter les mises au point suivantes quant à l’application de la convention no 87:

1. Allégation de l’Internationale de l’éducation

Nous regrettons que M. RONG Chhun ait été arrêté le 31 juillet 2020. Nous aimerions profiter de cette occasion pour souligner qu’il a été arrêté en raison de ses activités le long de la frontière, animé de l’intention d’inciter au désordre social, au chaos et au soulèvement touchant à la sécurité nationale, qui n’avaient pas de rapport avec l’exercice d’activités syndicales.

Nous regrettons tout autant la situation d’autres membres de l’Association des enseignants indépendants du Cambodge (AEIC) et de son président, cités dans l’observation de l’Internationale de l’éducation d’octobre 2020. Ces cas sont examinés par la justice et nous serons en mesure de fournir des informations détaillées et des mises à jour sur ces cas lorsque nous en aurons été informés par le tribunal par l’intermédiaire du ministère de la Justice (MJ).

Comme le garantit la Constitution, la loi traite de manière égale tous les citoyens cambodgiens, indépendamment de leur affiliation politique, leur profession ou statut social, etc. Les détenus et prisonniers sont poursuivis et condamnés non pas pour ce qu’ils sont, mais pour les délits qu’ils ont commis.

Le Cambodge déploie tous ses efforts pour assurer un contexte propice à l’exercice des droits syndicaux exempt de violence et d’intimidation; toutefois, les droits syndicaux légitimes ne peuvent être utilisés comme un bouclier pour ceux qui violent la loi, qui dénigrent l’état de droit et contaminent les citoyens respectueux de la loi.

2. Allégation de la Confédération syndicale internationale

Après réception de l’observation de la Confédération syndicale internationale datée du 1er septembre 2019, concernant la prétendue répression violente de grèves par des hommes de main et la détention de dirigeants syndicaux ayant organisé la grève dans le secteur de l’habillement, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle (MTFP) a contacté les travailleurs et les employeurs concernés afin de recueillir des informations détaillées. Toutefois, obtenir d’eux un retour d’information pendant la pandémie a demandé du temps. Un complément d’information sera soumis à la commission dans notre réponse à la demande directe.

3. Droits syndicaux et libertés civiles

Meurtres de syndicalistes

Compte tenu des dernières informations en date concernant le cas no 2318 que nous avons échangées avec le Comité de la liberté syndicale dans notre communication du 31 janvier 2020, aucun élément nouveau n’est à signaler en raison de la pandémie de COVID-19.

Incidents survenus durant les manifestations de janvier 2014

Comme nous l’avons déjà indiqué, le MTFP et le MJ ont mis en place un groupe de travail et prié les organisations syndicales concernées de fournir des informations sur leurs affaires judiciaires afin que les deux ministères puissent donner suite auprès de la justice afin d’accélérer le règlement dans le respect des procédures légales applicables. S’agissant de ces affaires en cours, les tribunaux ont rencontré certaines difficultés, en particulier un manque de collaboration des parties, et la nature complexe des procédures pénales, qui nécessitent un complément d’enquête. Certaines impliquent des préjudices civils qui nécessitent l’accord mutuel à la fois des plaignants et des défendeurs pour mettre un terme à la procédure civile. Le MTFP et le MJ vont continuer à fournir une aide juridique aux parties afin de mener à terme tous les cas en attente dans le respect total des procédures légales en vigueur.

Formation des forces de police en ce qui concerne les actions collectives et de protestation

En octobre 2019, le MTFP a organisé, en collaboration avec le ministère de l’Intérieur, l’OIT et le bureau du Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies au Cambodge, une formation des formateurs de deux jours sur «les droits de grève et de manifestation pacifique», menée en quatre sessions avec 128 participants, ainsi qu’une formation de suivi sur «les droits de grève et de manifestation pacifique» pour 30 participants, qui étaient des policiers du commissariat général de la police nationale, dans le but de contribuer à la promotion de la liberté syndicale et de l’harmonie dans les relations professionnelles. Parmi les thèmes de cette formation figuraient les notions de conflit du travail, règlement des conflits du travail, grèves, manifestations et émeutes, mesures de prévention pour les grèves et manifestations, mécanismes de règlement pour les grèves et les manifestations, le cadre légal national et international de la liberté de réunion, et la définition, les objectifs et le champ d’application de la loi sur les manifestations pacifiques.

4. Questions législatives: la loi sur les syndicats

Le MTFP tient à signaler que la loi modifiant la loi sur les syndicats a été promulguée le 3 janvier 2020; une copie de cette loi et de sa note explicative sont jointes en annexe à votre intention.

Droit de s’organiser et de s’affilier à des syndicats de fonctionnaires, y compris pour les enseignants

Nous souhaitons réitérer que, conformément à la convention no 87; la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales (LAONG) et la loi sur les syndicats ont été adoptées dans le but de promouvoir la liberté syndicale et de conférer les mêmes droits et avantages aux travailleurs et aux employeurs des secteurs public et privé.

L’article 3 modifié s’applique aux travailleurs domestiques, aux personnels des transports aérien et maritime et aux travailleurs du secteur informel. Dès lors, les travailleurs domestiques, les travailleurs de l’économie informelle et les enseignants qui ne sont pas des fonctionnaires sont libres de former un syndicat de travailleurs de leur choix dans le but de promouvoir ou protéger leurs intérêts, tant que sont respectées les conditions énoncées dans la loi sur les syndicats.

Le 6 juillet 2020, le groupe de travail du ministère de l’Intérieur chargé des amendements à la LAONG a eu une réunion finale avec les CSO faisant suite aux six précédentes. À la suite de cette réunion, les CSO ont demandé des modifications à 17 articles de la LAONG. Le groupe de travail examinera la légalité des modifications proposées.

Obligation de lire et d’écrire le Khmer

Dans le contexte cambodgien, en particulier pour la promotion de relations professionnelles harmonieuses, lire et écrire le khmer est une obligation pour les ressortissants étrangers qui veulent devenir dirigeants syndicaux, et cette exigence n’est pas incompatible avec la convention no 87. Cette obligation a été acceptée après des discussions en ateliers consultatifs tripartites et, dans les faits, personne n’a exprimé de préoccupations à ce sujet.

Dissolution de syndicats par les tribunaux après la fermeture totale d’entreprises ou d’établissements au titre du nouvel article 28

Cet amendement va dans le sens des commentaires de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) et de la suggestion avancée par les organisations syndicales pendant les ateliers de consultation tripartite. Suivant la disposition modifiée, un syndicat de travailleurs local ne sera pas immédiatement dissous lorsque l’entreprise ferme; il sera dissous lorsque les obligations de l’employeur vis-à-vis des travailleurs ont été remplies conformément à la décision de justice. Cette disposition vise à déterminer les obligations lorsqu’un syndicat de travailleurs n’a plus de personnalité juridique, et cette préoccupation n’existe plus dans la pratique.

Droit de demander la dissolution en application du nouvel article 29

Nous souhaitons préciser que, conformément à cette disposition légale, une demande adressée par une partie intéressée ou par 50 pour cent des membres d’un syndicat ne constitue pas un motif de dissolution d’une organisation syndicale par les tribunaux. Comme en dispose le même article, le tribunal peut décider de dissoudre une organisation lorsqu’il constate que le motif de dissolution est rempli et que l’organisation ne remédie pas à ses carences dans un délai laissé à la discrétion de la justice.

5. Application de la convention dans la pratique: mécanisme d’adjudication indépendant

Le MTFP tient à réaffirmer son engagement à soutenir le conseil d’arbitrage, en s’ajoutant au soutien technique et financier des parties prenantes, afin d’assurer la pérennité de cette institution. Le soutien du ministère s’exprime, entre autres choses, par le projet d’amendement à la loi sur le travail, actuellement à l’examen, qui étendra la compétence du conseil d’arbitrage qui pourra dorénavant traiter les conflits du travail individuels. Toutefois, le grand nombre de litiges individuels et de conflits collectifs dépassera les capacités de cette institution. C’est pourquoi nous avons besoin de l’appui de toutes les parties prenantes pour soutenir le bon fonctionnement de cette institution.

Nous tenons à souligner que, pour garantir l’application effective des sentences arbitrales contraignantes, la loi sur le travail impose de les enregistrer au même titre que les conventions collectives.

La réglementation ministérielle (Prakas) sur le conseil d’arbitrage permet aussi, en cas de non-respect d’une sentence arbitrale contraignante, à une partie d’introduire auprès de la justice une demande de reconnaissance ou d’application forcée.

Discussion par la commission

Représentante gouvernementale, secrétaire d’État, ministère du Travail et de la Formation professionnelle – Ma délégation s’associe aux autres représentants pour vous féliciter chaleureusement, vous et le vice-président, de votre élection à la présidence de la Commission de l’application des normes. Il ne fait aucun doute que la commission est une pierre angulaire du système de contrôle de l’OIT et qu’elle joue un rôle important pour garantir l’application des normes internationales du travail. C’est aussi le cas du gouvernement royal du Cambodge, qui reste déterminé à garantir le respect de tous les droits et obligations consacrés dans tous les instruments internationaux pertinents ratifiés par le pays. Celui-ci a ratifié un très grand nombre de conventions internationales du travail fondamentales et, à ce titre, il s’attache à coopérer étroitement, de manière constructive et dans le respect mutuel, avec tous les partenaires sociaux et de développement, afin de garantir la protection des droits des travailleurs et des relations professionnelles harmonieuses, de maintenir la paix et la stabilité, et d’accroître encore le développement économique du Cambodge.

C’est donc dans cet esprit que le Cambodge coopère activement et continuellement avec les organes de contrôle de l’OIT. En plus des informations que nous avons présentées de notre propre initiative à la commission le mois dernier, ma délégation a l’honneur de présenter aujourd’hui des informations actualisées sur l’application de la convention au Cambodge.

Je voudrais rappeler que, suite à l’adoption par cette commission des recommandations de la mission de contacts directs, et avec l’assistance technique du BIT, le Cambodge a approuvé une feuille de route relative à la mise en œuvre des recommandations de l’OIT sur la liberté syndicale, après d’intenses consultations avec toutes les parties prenantes concernées. Cette feuille de route définit des mesures assorties de délais et les lignes directrices qui visent à la mise en œuvre des recommandations de l’OIT et à renforcer l’application de la convention.

Grâce au soutien et à la coopération continus du BIT, nous avons progressé dans un certain nombre de domaines, en particulier dans l’enregistrement des syndicats, la protection des dirigeants syndicaux et le renforcement des capacités liées à l’exercice de la liberté syndicale, l’objectif de tout cela étant de promouvoir l’exercice de la liberté syndicale au Cambodge. Le Cambodge a sans cesse rendu compte au BIT et aux parties prenantes concernées des progrès qu’il a accomplis dans la mise en œuvre de cette feuille de route.

Ma délégation a pris note des observations de la commission d’experts concernant l’amendement à la loi sur les syndicats. Nous tenons à réaffirmer que la loi sur les syndicats est une législation essentielle pour garantir les droits des organisations professionnelles énoncés dans la Constitution du Royaume du Cambodge, la loi sur le travail et les conventions nos 87 et 98. Suite à son adoption en 2016, et pour faire face à la situation du pays d’alors, la loi sur les syndicats a été modifiée et est entrée en vigueur début 2020.

Ma délégation saisit cette occasion pour souligner que la modification de la loi sur les syndicats vise à: promouvoir davantage la liberté syndicale des travailleurs domestiques; faciliter les procédures et les formalités d’enregistrement et le maintien de l’enregistrement des syndicats; faciliter les conditions requises pour obtenir le statut de multireprésentants; et promouvoir les droits et les obligations des syndicats de travailleurs minoritaires.

À cet égard, permettez-moi d’attirer l’attention de la commission sur le fait que le nombre de syndicats enregistrés a considérablement augmenté, après l’adoption de la loi sur les syndicats en 2016 et sa modification en 2020. Au mois de mars 2021, il y avait 5 546 syndicats enregistrés, dont 290 l’ont été après la modification de la loi sur les syndicats, et ce en dépit de la pandémie de COVID-19. Ce chiffre montre bien à quel point l’environnement est propice à l’exercice de la liberté syndicale au Cambodge.

En ce qui concerne les droits des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations et de s’y affilier, et pour répondre à l’observation de la commission d’experts, l’article 3 modifié de la loi sur les syndicats couvre les travailleurs domestiques, le personnel travaillant dans le transport aérien et le transport maritime, ainsi que ceux qui travaillent dans des secteurs informels. À cet égard, les travailleurs domestiques, les travailleurs de l’économie informelle et les enseignants qui ne sont pas fonctionnaires sont libres de former un syndicat de travailleurs de leur choix pour promouvoir ou protéger leurs intérêts, pour autant que les conditions énoncées dans la loi sur les syndicats soient remplies.

Par l’intermédiaire du ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, le gouvernement protège fermement les droits, la liberté, la dignité et la profession de tous les enseignants et personnels de l’éducation qui exercent librement leurs droits et leur liberté, dans le cadre de la législation en vigueur. Les enseignants et le personnel de l’éducation ont le droit de créer des associations, des syndicats et/ou des organisations éducatives pour défendre et protéger leurs droits légaux et leurs intérêts. En aucun cas une association, un syndicat d’enseignants et/ou une organisation éducative ne peut être le prolongement d’un parti politique, et chacun doit respecter la législation en vigueur. Ceux-ci peuvent participer à toute activité politique prévue par la législation pertinente.

En ce qui concerne l’application de l’article 2 de la convention, la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales est en cours de révision, après des consultations menées avec la société civile en 2020. L’amendement à cette loi devrait entrer en vigueur dans un avenir proche.

En réponse à l’observation de la commission d’experts concernant l’obligation de savoir lire et écrire en khmer, ma délégation souhaiterait faire observer que, dans le contexte cambodgien, cette obligation est essentielle, notamment pour promouvoir des relations professionnelles harmonieuses, et qu’elle n’est pas incompatible avec la convention. Cette obligation a fait l’objet d’un accord à la suite des discussions qui ont eu lieu lors des ateliers de consultation tripartites et, dans la pratique, aucune préoccupation n’a été exprimée à ce sujet.

Ma délégation a également pris note de l’observation de la commission d’experts concernant la dissolution des syndicats. Je tiens à réaffirmer que le gouvernement a fait tout son possible pour garantir la protection des intérêts des syndicats et de leurs membres. L’amendement à la disposition de la loi sur les syndicats concernant cette question fait suite au commentaire de la commission d’experts et à la proposition des partenaires sociaux formulée lors des consultations tripartites. En vertu de la disposition juridique modifiée, un syndicat local ne sera pas immédiatement dissous en cas de fermeture de l’entreprise, sauf si les employeurs ont rempli leurs obligations à l’égard de leurs travailleurs, conformément à la décision du tribunal. Cette disposition vise à déterminer dans quelle condition un syndicat de travailleurs peut conserver ou perdre sa personnalité juridique.

Ma délégation tient à préciser que, en vertu de l’article 29 modifié de la loi sur les syndicats, la partie concernée ou 50 pour cent des membres du syndicat peuvent déposer une demande de dissolution d’un syndicat auprès du tribunal, cette demande ne constituant néanmoins pas un motif de dissolution. En vertu de la même disposition légale, le tribunal peut décider de dissoudre une organisation professionnelle s’il y a effectivement un motif de dissolution et si l’organisation ne parvient pas à combler ses failles dans les délais fixés par le pouvoir judiciaire. Ce processus permet à l’entité concernée d’exercer son droit de se défendre devant les tribunaux et lui laisse suffisamment de temps pour prouver à l’autorité judiciaire qu’elle peut conserver sa personnalité juridique.

En dépit de l’adoption récente de l’amendement à la loi sur les syndicats, nous saisissons néanmoins cette occasion pour demander l’assistance technique du BIT et appeler toutes les parties prenantes concernées à collaborer en vue de faire mieux connaître cet amendement et de renforcer les capacités pour améliorer sa mise en œuvre. Nous souhaitons également informer la commission qu’un examen annuel de la mise en œuvre de la loi sur les syndicats est prévu dans le cadre du Forum sur le travail, un mécanisme tripartite au sein duquel sont examinés les problèmes qui se posent dans la mise en œuvre de la législation en vigueur.

Prenant note de l’observation de la commission d’experts sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, nous souhaitons réitérer notre ferme engagement en faveur du bon fonctionnement du Conseil d’arbitrage, moyennant le soutien technique et financier des parties prenantes pour assurer la pérennité de cette institution. Dans le contexte actuel du projet d’amendement à la loi sur le travail, le Conseil d’arbitrage pourra examiner les cas de conflits individuels du travail, à la lumière de critères spécifiques qui seront définis par les prakas du ministère du Travail et de la Formation professionnelle. Ce ministère œuvre en étroite collaboration avec la Fondation du Conseil d’arbitrage et le Conseil d’arbitrage à l’élaboration des règlements d’application nécessaires, après l’adoption de l’amendement à la loi sur le travail en la matière.

Ma délégation tient à réaffirmer que, au Cambodge, personne n’a jamais été arrêté ou condamné pour ses activités syndicales légitimes. En tant que pays démocratique respectant la règle de droit, tous les citoyens cambodgiens sont traités de manière égale devant la loi, quels que soient leur affiliation politique, leur profession ou leur statut social, comme le garantit la Constitution.

Comme indiqué précédemment, les syndicalistes sont aussi des citoyens, ils sont donc également responsables de leurs actes répréhensibles devant la loi. Certains sont poursuivis ou condamnés par l’autorité judiciaire non pas en raison de ce qu’ils sont, mais parce qu’ils ont commis des infractions. En aucun cas les droits syndicaux légitimes ne doivent servir d’écran pour enfreindre la loi. La convention n’accorde pas non plus de privilège aux syndicalistes en ce qui concerne leur impunité. Cela ne signifie pas pour autant que le Cambodge ne respecte pas les droits syndicaux légitimes. Nous faisons respecter et protégeons les droits syndicaux sans dénigrer l’état de droit et sans porter atteinte aux citoyens respectueux de la loi. Une fois encore, nous appelons à une collaboration véritable et sincère de la part des parties prenantes concernées, dans le contexte de leurs observations et allégations, en particulier en ce qui concerne la discrimination syndicale. Le ministère du Travail et de la Formation professionnelle est prêt à répondre à toute demande d’action immédiate concernant les questions susmentionnées. Cela exigera de rassembler des informations et des données factuelles pour pouvoir répondre à ces questions, et nous tenons à remercier nos partenaires sociaux de continuer à coopérer avec nous à cet égard.

Comme je l’ai déjà indiqué, le Cambodge a fait des progrès considérables dans l’application de la convention, notamment en créant un environnement propice à l’exercice de la liberté syndicale, exempt de violences et d’intimidations, contrairement à ce qui a été allégué.

Nous souhaitons attirer votre attention sur les progrès réalisés par notre gouvernement et sur les défis auxquels nous sommes confrontés, en particulier dans le contexte sans précédent que nous connaissons. Nous saisissons cette occasion pour demander à toutes les parties prenantes de collaborer à la mise en œuvre de la feuille de route relative aux recommandations de l’OIT sur la liberté syndicale, et le Cambodge sollicite aussi l’assistance technique continue du BIT à cet égard. Nous continuerons à œuvrer avec les parties prenantes concernées et à fournir aux parties concernées une assistance juridique pour clôturer les affaires en suspens.

Pour terminer, je tiens à réaffirmer à la commission que le Cambodge reste déterminé à promouvoir, protéger et respecter tous les devoirs et obligations découlant des instruments pertinents auxquels il est partie. Nous sommes prêts à fournir des informations supplémentaires à la demande.

Membres travailleurs – Au Cambodge, la pandémie de COVID-19 a entraîné des fermetures d’usine en raison de commandes annulées ou réduites, laissé les hôtels vides, mis des chantiers de construction à l’arrêt et provoqué une croissance de l’économie informelle; de nombreux travailleurs ont dû lutter pour survivre l’année dernière. Tout cela est venu s’ajouter à un environnement déjà compliqué pour les droits des travailleurs; en réalité, la situation était déjà suffisamment mauvaise pour que l’Union européenne (UE) suspende temporairement son programme de préférence commerciale «Tout sauf les armes» en raison de violations des droits au travail et des droits de l’homme. Je n’aborderai que quelques points dans mes remarques liminaires.

En ce qui concerne les lois d’urgence, au cours de l’année écoulée, le gouvernement a adopté un certain nombre de lois et de décrets d’urgence qui restreignent l’exercice de la liberté syndicale. Le 10 avril 2020, le gouvernement a promulgué la loi sur l’administration de la nation dans les situations d’urgence qui lui accorde de larges pouvoirs lui permettant d’interdire les réunions et les rassemblements, de surveiller les télécommunications, de mobiliser l’armée, d’interdire ou de limiter les médias susceptibles de nuire à la «sécurité nationale», et une série d’autres mesures «appropriées et nécessaires». Les infractions sont passibles de lourdes peines d’emprisonnement et d’amendes. En mars 2021, une autre loi sur les mesures visant à prévenir la propagation de la COVID-19 et d’autres maladies graves, dangereuses et contagieuses prévoit également l’interdiction des rassemblements et des «mesures administratives et autres non spécifiées nécessaires pour répondre à la propagation de la COVID-19 et la prévenir». Des dispositions aussi vagues permettent aux autorités de commettre des abus, en ciblant arbitrairement les personnes et les organisations qui protestent contre les politiques gouvernementales.

Un projet de loi sur l’ordre public, très problématique, exigerait l’approbation des autorités pour l’utilisation d’espaces publics et leur permettrait de mettre un terme à un événement pour lequel une autorisation n’aurait pas été demandée.

En ce qui concerne le fait que les manifestations de travailleurs soient érigées en infractions, en juillet 2020, le dirigeant syndical Rong Chhun a été arrêté et accusé de «provocation au crime ou à des troubles sociaux». Des dizaines de policiers ont encerclé sa maison la nuit et l’ont arrêté sans mandat. Aucune preuve n’indique que Rong Chhun a commis une quelconque infraction. En effet, son arrestation fait suite à sa prise de position en faveur de villageois dans un conflit foncier le long de la frontière entre le Cambodge et le Viet Nam. L’année dernière, Soy Sros, présidente d’un syndicat local affilié à l’organisation syndicale Collective Union of Movement of Workers (CUMW), a également été arrêtée. La police l’a placée en détention le 3 avril 2020 dans la province de Kompong Speu à la suite d’une plainte au pénal de l’employeur pour des messages qu’elle avait publiés sur Facebook relatifs à un conflit lié au licenciement injuste de plusieurs membres syndicaux.

En ce qui concerne les obstacles à l’enregistrement, malgré quelques modifications apportées aux formulaires de demande, l’enregistrement des syndicats reste difficile et les demandes sont refusées pour des raisons arbitraires ou pour des erreurs techniques mineures. Dans un cas, un syndicat a présenté sa demande au ministère du Travail et de la Formation professionnelle le 25 décembre 2020, accompagnée des dix documents requis (conformément à la prakas no 249 et à l’avis no 039). Au cours de la première semaine de février 2021, ce ministère a contacté une première fois les dirigeants du syndicat local pour qu’ils corrigent des fautes d’orthographe sur la lettre d’accompagnement et dans le profil des dirigeants syndicaux. Le 15 février, les dirigeants syndicaux ont renvoyé les documents corrigés au ministère. Plus de deux mois plus tard, le 7 mai 2021, les dirigeants du syndicat local ont été appelés une seconde fois pour qu’ils modifient la taille des photos des dirigeants syndicaux, d’un format 3x4 à un format 4x6; ils ont à nouveau renvoyé les documents. À la date du 18 mai 2021, le syndicat n’était toujours pas enregistré, après avoir consacré un temps et des ressources considérables à la soumission de la demande d’enregistrement. Ce cas n’est pas une exception, car d’autres ont rapporté des agissements similaires de la part des autorités pour refuser l’enregistrement d’un syndicat, invoquant des points qui n’ont rien à voir avec la vérification de la volonté des travailleurs d’être représentés par un syndicat.

En ce qui concerne les questions législatives, depuis de nombreuses années, la commission d’experts et la présente commission font part de préoccupations quant à plusieurs éléments de la loi sur les syndicats. En décembre 2019, plusieurs amendements à la loi ont été adoptés, mais celle-ci n’est toujours pas conforme à la convention. En outre, des syndicats indiquent que le gouvernement n’a pas dialogué de façon constructive avec eux et a refusé d’examiner les modifications qu’ils suggéraient alors qu’elles auraient garanti la conformité de la loi avec la convention.

Sans être exhaustif, j’expose ici quelques-unes de nos préoccupations: les travailleurs domestiques, les travailleurs de l’économie informelle et d’autres personnes qui travaillent en dehors d’un modèle d’entreprise ne peuvent toujours pas, dans la pratique, constituer des syndicats et s’y affilier. De plus, les enseignants qui sont fonctionnaires ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats, mais par la loi régressive sur les associations et les organisations non gouvernementales. La loi confère toujours aux autorités un pouvoir excessif de contrôle financier, dont des vérifications illimitées, ce qui porte atteinte au droit des travailleurs de gérer leurs organisations. Les critères d’éligibilité pour élire des dirigeants syndicaux, notamment celui lié à la résidence et l’obligation de savoir lire et écrire, empêchent l’exercice du droit d’élire librement des représentants syndicaux.

La loi prévoit toujours des motifs vastes pour demander la dissolution d’un syndicat plutôt que de laisser les statuts des organisations régler cette question, et limite les droits des syndicats minoritaires de négocier au nom de leurs propres membres, ce qui n’est pas propice à la promotion de la négociation collective et nuit au droit de s’affilier à un syndicat de son choix.

En ce qui concerne l’impossibilité pour les syndicats de représenter des membres, l’un des faits les plus préoccupants est le refus du ministère du Travail et de la Formation professionnelle de permettre aux syndicats de niveau supérieur de représenter leurs membres lors de conflits collectifs.

Par exemple, en avril 2020, une procédure de conciliation pour un conflit du travail était en cours au Département du travail de Siem Reap; des dirigeants du syndicat local qualifié de plus représentatif ainsi que le président de la fédération et le vice-président de la confédération y participaient. Au cours de la conciliation, le responsable du Bureau des différends a estimé que les dirigeants de la fédération et de la confédération n’étaient pas autorisés à prendre la parole pendant la réunion et a menacé de les exclure s’ils ne respectaient pas cette consigne. On leur a dit, à tort, qu’ils ne pouvaient pas participer parce que les syndicats qualifiés de plus représentatifs ne pouvaient pas se faire représenter. C’est une grave violation du droit à la liberté syndicale de refuser à un syndicat local le soutien d’organisations syndicales de niveau supérieur auxquelles il est affilié. Encore une fois, ce n’est pas un cas isolé, puisque d’autres syndicats ont indiqué qu’ils n’avaient pas pu représenter les intérêts de leurs membres lors de conflits collectifs alors que c’est un droit que la loi garantit aux syndicats ayant le statut d’organisation la plus représentative, pour autant que le différend ne découle pas d’une convention collective.

Enfin, dans la pratique, nous constatons que, partout dans le pays, des dirigeants et des membres de syndicat ont été victimes de licenciement lors de réductions de personnel liées à la pandémie de COVID-19. Le même scénario se répète également dans des usines de confection dans tout le pays.

Avant de conclure, je tiens à souligner que nous sommes profondément préoccupés par le climat de violence et d’impunité qui règne dans le pays, y compris la violence orchestrée par l’État. En effet, après tant d’années, les meurtres de Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy n’ont toujours pas été résolus et, sept ans après les faits, les affaires relatives à l’arrestation et à la détention arbitraires de syndicalistes qui ont eu lieu après les manifestations de 2014 sont aussi toujours en instance.

Je reviendrai plus en détails sur ces points dans mes observations finales mais, avant cela, la commission entendra d’autres témoignages de représentants des travailleurs du Cambodge et d’autres pays.

Membres employeurs – Je tiens tout d’abord à remercier la représentante gouvernementale pour les informations détaillées qu’elle a soumises aujourd’hui et je salue ses commentaires concernant l’attachement du gouvernement à l’application de la convention au Cambodge.

Dans un premier temps, je tiens à aborder plusieurs questions législatives concernant ce cas qui figurent dans les observations de la commission d’experts. Je tiens néanmoins à commencer par dire que le représentant des travailleurs a mentionné plusieurs textes de loi qui, selon nous, ne relèvent pas du cas à l’examen. Les employeurs aborderont uniquement les questions concernant la législation qui entrent dans le champ de la discussion du cas qui nous occupe aujourd’hui.

Premièrement, la commission d’experts a pris note des informations fournies par le gouvernement sur l’élaboration d’amendements à la loi sur les syndicats, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien technique du BIT. Nous commencerons donc par faire observer que nous considérons qu’il s’agit là d’un progrès, et nous saluons les avancées et la coopération du gouvernement avec le BIT et les partenaires sociaux à ce sujet.

Dans sa soumission à la Commission de la Conférence, le gouvernement a dit que la loi portant modification de la loi sur les syndicats (LTU) avait été promulguée le 3 janvier 2020 et qu’il en joignait copie. Nous le remercions pour cette information.

Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures appropriées, en concertation avec les partenaires sociaux, pour faire en sorte que les fonctionnaires, y compris les enseignants, bénéficient des droits à la liberté syndicale et que la législation soit modifiée en conséquence. Dans ses dernières observations, la commission d’experts a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures appropriées et de fournir des informations sur les droits à la liberté syndicale des fonctionnaires, des travailleurs domestiques et des travailleurs de l’économie informelle.

Les membres employeurs demandent au gouvernement de continuer à définir les mesures juridiques appropriées, en concertation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que les fonctionnaires qui ne sont pas couverts par la LTU bénéficient des droits à la liberté syndicale garantis par la convention. Ils invitent le gouvernement à envisager, avec les partenaires sociaux, la possibilité d’autoriser la formation de syndicats par secteur ou profession et à étudier la question de la suppression de tout obstacle juridique à la création de syndicats ou à l’affiliation à des syndicats pour les travailleurs domestiques.

Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a prié le gouvernement de modifier les articles 20, 21 et 38 de la LTU afin d’y supprimer l’obligation de savoir lire et écrire en khmer comme critère d’éligibilité des étrangers et de fournir des informations sur tout progrès à cet égard.

Les membres employeurs font observer que les prescriptions relatives à l’aptitude à lire et à écrire qui figurent dans les articles 20, 21 et 38 de la LTU peuvent nuire à l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, telle que garantie par l’article 3 de la convention. Même si ces organisations peuvent choisir d’inclure ou non une disposition de cette nature dans leur statut, celle-ci ne doit pas être imposée par la loi. Les membres employeurs prient donc le gouvernement de supprimer l’obligation de savoir lire et écrire de la loi.

Dans sa précédente demande concernant les modifications de l’article 28 de la LTU, qui prévoit la dissolution automatique d’un syndicat en cas de fermeture complète de l’entreprise ou de l’établissement, la commission d’experts a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 de la LTU en supprimant le paragraphe 2.

Les membres employeurs font observer que la dissolution des organisations d’employeurs et de travailleurs devrait être régie par les statuts de l’organisation ou décidée par un tribunal. La dissolution automatique par la loi n’est pas conforme à l’article 4 de la convention. Les employeurs prient donc le gouvernement d’abroger le paragraphe 2 de l’article 28 de la LTU.

Les membres employeurs notent également que, conformément à l’article 3 de la convention, il incombe aux associations de travailleurs et d’employeurs de définir, dans leurs statuts, les règles et procédures régissant leur dissolution, lorsqu’il y est procédé à l’initiative des membres. La dissolution ne devrait pas être régie par la loi et les membres employeurs prient donc le gouvernement d’abroger l’article 29 de la LTU.

La commission d’experts a noté avec satisfaction que les modifications de 2019 ont supprimé l’alinéa c) de l’article 29 de la LTU. Cette disposition prévoyait la dissolution d’un syndicat ou d’une association d’employeurs par le tribunal du travail dans les cas où ses dirigeants, ses gestionnaires ou les responsables de son administration étaient reconnus coupables d’une faute grave ou d’un délit commis au nom du syndicat ou de l’association d’employeurs. Les membres employeurs prennent note avec satisfaction de l’effet de ce changement juridique et saluent l’engagement du gouvernement sur ce point.

S’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, la commission d’experts a rappelé, dans ses précédents commentaires, l’importance du bon fonctionnement du système judiciaire en tant que rempart contre l’impunité, ainsi que moyen efficace de protection des droits à la liberté syndicale.

La commission d’experts prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le renforcement du Conseil d’arbitrage, y compris sur toutes mesures prises pour que les sentences du Conseil d’arbitrage soient dûment appliquées. Les membres employeurs notent avec satisfaction que le gouvernement s’emploie à faire du Conseil d’arbitrage une institution efficace et pérenne chargée des conflits du travail. Les membres employeurs invitent également le gouvernement à poursuivre ses efforts à ce sujet et à fournir des informations sur les futures mesures prises.

De manière générale, les membres employeurs estiment que les avancées concernant les modifications à la législation et la réactivité du gouvernement face aux points soulevés par la commission d’experts et la Commission de la Conférence, avec le soutien technique du Bureau, sont très positives. Nous saluons ces avancées et tenons à encourager le gouvernement à s’employer à progresser vers le respect de la convention, en droit et dans la pratique.

S’agissant de l’application de la convention, en droit et dans la pratique, nous tenons simplement à mentionner très brièvement les allégations d’arrestations de syndicalistes et de violence. À ce stade, nous tenons simplement à rappeler que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans un climat exempt de violence et d’intimidation, et nous encourageons le gouvernement à veiller à prendre toutes les mesures nécessaires pour créer et entretenir un tel climat, ainsi que pour favoriser un climat exempt d’intimidation.

Membre travailleur, Cambodge – Je suis le président de la Confédération du travail du Cambodge (CLC). En tant que membre travailleur, je voudrais insister sur la situation des travailleurs au Cambodge. Je me suis déjà exprimé devant cette commission lors de précédents examens de ce cas, j’ai témoigné devant la mission de contacts directs de l’OIT au Cambodge et j’ai participé à des consultations du gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations. Je regrette de devoir vous informer que les syndicats et les travailleurs rencontrent toujours des difficultés.

En 2004, Chea Vichea, Ros Sovannareth et Hy Vuthy ont été assassinés et, jusqu’à présent, les meurtriers n’ont pas été retrouvés. Justice n’a toujours pas été rendue aux victimes syndicales de la grève générale organisée en 2013 pour exiger des salaires plus élevés et au cours de laquelle cinq travailleurs ont été tués, 23 ont été emprisonnés alors que d’autres ont été poursuivis au pénal. Nous exhortons le gouvernement à continuer d’enquêter pour rendre véritablement justice aux victimes.

Au Cambodge, des syndicalistes sont poursuivis au civil comme au pénal pour l’exercice de leurs droits. À la fin de 2018, la CLC a transmis 58 des 121 cas au total au ministère du Travail mais, pour l’heure, seulement 16 poursuites pénales ont été abandonnées et 41 actions au civil ne sont toujours pas réglées.

Nous prions instamment le gouvernement de continuer à œuvrer pour que toutes les poursuites en instance soient abandonnées et que les 41 différends collectifs soient réglés. L’année dernière, deux dirigeantes syndicales ont dû faire face à des accusations pénales fabriquées de toutes pièces par une société pharmaceutique locale et une société du secteur de l’habillement, après avoir créé un syndicat. L’une d’entre elles a été jugée par contumace et condamnée à deux ans et demi de prison et à une amende de 100 000 dollars É.-U. à verser à la société. Le tribunal a émis un mandat d’arrêt à son encontre. Rong Chhun, le président de la Confédération cambodgienne des syndicats (CCU), a été arrêté le 31 juillet 2020. Il avait défendu les intérêts de paysans dans un conflit foncier. Il est toujours en prison et la date de son procès n’a pas encore été fixée. Nous exhortons le gouvernement à abandonner toutes les poursuites et à libérer tous les dirigeants syndicaux et travailleurs.

Nous regrettons que les mesures de la feuille de route du gouvernement ne portent pas sur le fond des recommandations de la mission de contacts directs ni ne modifient la législation et les pratiques.

La loi modifiée sur les syndicats exclut toujours les fonctionnaires. Les travailleurs indépendants et les travailleurs domestiques ne peuvent toujours pas former de syndicat puisque l’une des conditions est la présence d’au moins dix personnes sur un même lieu de travail. Ces associations de travailleurs n’ont pas été invitées à participer aux consultations visant à modifier la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales (LANGO). Les dirigeants syndicaux risquent constamment des licenciements injustes lorsqu’ils soutiennent leurs membres et non-membres en cas de licenciements massifs, de discrimination et de fermetures d’usines. Les fonctionnaires responsables des différends empêchent même les fédérations et leurs syndicats locaux qualifiés de plus représentatifs de représenter leurs membres lors des réunions de conciliation sur le lieu de travail.

De plus, un scénario s’est généralisé avec la pandémie, à savoir que les fonctionnaires en charge des différends du travail considèrent à tort que les conflits collectifs du travail concernant les relations professionnelles, les fermetures d’entreprise et les licenciements massifs relèvent de conflits individuels du travail, de manière à éviter que les délégués et membres syndicaux utilisent les moyens de recours prévus par la loi. Ces nouvelles obstructions sapent le rôle fondamental des syndicats dans la défense des droits protégés par la convention.

La capacité des syndicats à servir efficacement les travailleurs et leurs membres est largement entravée par les restrictions prévues par la loi sur les syndicats.

Membre employeuse, Cambodge – Je suis la vice-présidente de l’Association des employeurs du Cambodge et je suis responsable d’une organisation qui représente tous les secteurs liés au travail et aux affaires sociales. Nous avons été créés en 2005 et nous travaillons depuis longtemps avec l’OIT et ses organes pour résoudre des cas liés au travail et aux affaires sociales au Cambodge.

C’est avec regret que nous nous présentons devant cette commission. Pourtant, ce n’est pas parce que notre pays n’a pas progressé. Au contraire, je crois que les progrès accomplis dont il est question dans le rapport sont considérables et le gouvernement a été très réactif sur les points soulevés. J’espère que la commission reconnaîtra les progrès qu’a accomplis le Cambodge, qui se reflètent non seulement dans les commentaires du rapport, mais aussi dans le document que le gouvernement a soumis. Nous encourageons le gouvernement à continuer d’améliorer la qualité de ses rapports et à veiller à ce qu’ils soient présentés dans les temps pour éviter que la commission d’experts ne revienne sur les problèmes soulevés, alors que le pays a fait du bon travail pour les résoudre.

J’aborderai rapidement quelques points pour faire bien comprendre le marché local. Tout d’abord, je voudrais faire remarquer que les points soulevés par les membres travailleurs lors de leur allocution liminaire n’étaient, pour la plupart, pas liés au cas dont il est question. Nous ne pouvons accepter que la commission d’experts et la Commission de la Conférence permettent la discussion d’autres éléments que ceux exposés dans le cas. Nous n’accepterons pas que les conclusions sur nos travaux dépassent la portée du cas décrit. Une fois de plus, je voudrais souligner que la législation du travail du Cambodge couvre les relations de travail dans tous nos secteurs de l’emploi, à l’exception du secteur public. Le secteur public, ainsi que d’autres organes d’administration du gouvernement sont régis par les codes civils du gouvernement; il ne faut donc pas les confondre ici avec la loi sur les syndicats et la législation générale du travail du Cambodge.

Les principes de la liberté syndicale sont bien inscrits dans la Constitution et dans les lois. Les méthodologies que nous utilisons pour formuler nos lois font véritablement participer tous les partenaires sociaux et mettent en avant nos différents points de vue et opinions. Un délai suffisant est également prévu. Des lois sont élaborées en tenant compte du contexte local et du niveau de développement dans le pays.

Le nombre de syndicats enregistrés depuis la formulation de la loi sur les syndicats témoigne de la liberté syndicale au Cambodge. Comme notre représentante gouvernementale l’a mentionné, 5 546 organisations syndicales ont été enregistrées, dont plus de 3 000 syndicats dans 650 usines de confection, de chaussures et de sacs à main. Cela représente environ 4,6 syndicats par entreprise.

La multiplicité des syndicats au sein d’une entreprise n’a pas produit de résultats satisfaisants dans le secteur de la confection au Cambodge, où des grèves paralysantes ont eu lieu avant l’élaboration et la mise en œuvre de la loi sur les syndicats. Au contraire, cela a conduit à la conclusion de conventions collectives faibles, à des grèves multiples, à des membres syndicaux désabusés et à de nombreuses luttes intestines entre les syndicats.

Je pense qu’il est important de souligner que la liberté syndicale n’exempte pas quiconque de la responsabilité de respecter la loi. Il est essentiel que nos lois répondent aux défis que doit relever le pays et l’aident à parvenir à des relations professionnelles plus harmonieuses et plus constructives, et toutes les parties doivent respecter la loi et être tenues responsables devant la loi en cas d’infraction.

Il est très important que les lois soient adaptées pour tenir compte du contexte local et du niveau de développement de notre pays. J’insiste sur ce point, car l’obligation faite aux syndicats de faire preuve d’un certain niveau d’éducation, obligation désormais supprimée dans la loi, était essentielle pour pouvoir assurer une meilleure qualité du mouvement syndical au Cambodge. Cela dit, cette obligation a été supprimée mais, si un étranger souhaite devenir syndicaliste, le gouvernement a tout à fait le pouvoir d’exiger un certain niveau d’éducation de la part des travailleurs étrangers dans le pays pour préserver et garantir la qualité de l’emploi des Cambodgiens.

Au Cambodge, nous concevons de nouvelles lois. Jamais nous n’avions eu de loi sur les syndicats, donc nous en avons formulé une. Nous n’avions pas de loi sur la sécurité sociale, nous avons formulé une loi sur la sécurité sociale. Pour ce faire, il faut des interlocuteurs capables de lire, d’écrire et de comprendre l’objet des négociations. Le simple fait d’exiger de savoir lire et écrire semble une exigence raisonnable pour disposer de partenaires sociaux forts dans le pays, capables de contribuer efficacement à l’élaboration des lois sociales et du travail dans le pays.

C’étaient les quelques points que je voulais soulever. Je souhaite encore insister, et espérer que la commission le reconnaisse, sur les progrès accomplis dans le pays. Nous continuons d’encourager le gouvernement à renforcer la qualité de ses rapports et à veiller à les soumettre en temps voulu pour que le Cambodge continue d’être un acteur actif.

Membre gouvernemental, Portugal – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. Les pays candidats – la République de Macédoine du Nord, le Monténégro et l’Albanie –, la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) et membre de l’Espace économique européen (EEE), ainsi que la République de Moldova, souscrivent à cette déclaration.

L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, notamment les droits au travail et le droit syndical, ainsi que la liberté syndicale.

Nous œuvrons résolument en faveur de la ratification et de la mise en œuvre universelles des normes internationales du travail et soutenons l’OIT dans son rôle indispensable consistant à élaborer, à promouvoir et à contrôler l’application des normes internationales du travail, et des conventions fondamentales en particulier.

L’UE et ses États membres sont des partenaires de développement engagés vis-à vis du Cambodge, notamment par l’accord «Tout sauf les armes» dans le cadre du système de préférences généralisées qui garantit un accès aux marchés de l’UE en franchise de droits et sans contingent, ayant eu pour effet une croissance soutenue et la création d’emplois au cours des dernières décennies. Toutefois, en raison de violations graves et systématiques des droits de l’homme, en particulier du droit à la participation politique et des libertés fondamentales, ce traitement préférentiel est partiellement suspendu depuis août 2020.

En ce qui concerne les droits au travail et, en particulier, la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et pour ce qui est des réformes législatives, nous regrettons que la commission estime qu’il y a une absence structurelle de progrès. Nous prenons note des amendements à la LTU, en particulier l’extension de sa couverture aux travailleurs domestiques, aux enseignants qui ne sont pas fonctionnaires et aux travailleurs de l’économie informelle. Toutefois, malgré ces changements, la révision de la LTU n’assure toujours pas la conformité avec la convention, étant donné que les dispositions de la loi (article 10) n’autorisent pas la création de syndicats par secteur ou profession, ce qui empêche les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle de jouir effectivement de la liberté syndicale et du droit syndical.

De la même manière, la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales contrevient toujours aux droits à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical pour les fonctionnaires, y compris les enseignants, conférée par la convention. En particulier, de sérieuses carences demeurent en ce qui concerne la reconnaissance du droit des associations de fonctionnaires d’élaborer leurs propres constitutions et règles, d’élire des représentants, d’organiser des activités et de formuler des programmes sans ingérence des autorités publiques.

Nous prions instamment le gouvernement de prendre les mesures appropriées, en concertation avec les partenaires sociaux, et de modifier la législation en conséquence. Il est également important de garantir et de protéger l’exercice plein et entier de ces droits par les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle. Nous prions également le gouvernement de modifier d’autres articles pertinents de la LTU afin de répondre aux observations de la commission s’agissant de la dissolution des organisations représentatives.

En outre, nous soulignons la nécessité d’un système judiciaire indépendant afin de garantir la bonne application du droit syndical des partenaires sociaux et de protéger leur liberté syndicale. À l’instar de la commission, nous saluons l’engagement du gouvernement à renforcer le Conseil d’arbitrage et insistons sur son rôle important dans le traitement des conflits collectifs, ainsi que des éventuels conflits individuels qui pourraient naître dans un futur proche.

L’UE demeure vivement préoccupée par les informations qui font état de harcèlement continuel, d’agression et d’arrestation de dirigeants syndicaux et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’exercice des droits syndicaux et les activités syndicales et faire en sorte que les syndicalistes ne soient pas pénalement poursuivis pour avoir exercé leurs droits conférés par la convention. À ce sujet, nous invitons le gouvernement à continuer de fournir des informations sur toutes les affaires pénales en instance concernant des syndicalistes.

L’UE demeure profondément préoccupée par l’absence persistante de mesures ou de résultats concrets en ce qui concerne les enquêtes sur le meurtre de trois dirigeants syndicaux en 2004 et 2007, et demande aux autorités cambodgiennes de faire aboutir ces enquêtes sans délai et de traduire les auteurs en justice.

Nous invitons également le Cambodge à demeurer vigilant sur les licenciements dus à la crise de la COVID-19, en particulier sur ceux qui semblent viser des dirigeants syndicaux.

L’UE et ses États membres continueront de suivre la situation au Cambodge de près.

Membre gouvernementale, Thaïlande – J’ai l’honneur de prononcer cette déclaration au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Nous saluons les avancées accomplies par le Cambodge dans la mise en œuvre de la convention, notamment les récents amendements à la loi sur les syndicats et le nombre croissant de syndicats enregistrés.

Le Cambodge a fait la preuve de son engagement et de sa volonté à œuvrer en faveur de la protection et de la promotion de la liberté syndicale, conformément aux normes internationales du travail. En particulier, les autorités cambodgiennes, avec l’OIT et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), ont organisé la formation des policiers sur le droit de grève et le droit de manifestation pacifique. Cela est louable.

Nous mesurons les efforts déployés par le gouvernement cambodgien pour collaborer activement avec le système de contrôle de l’OIT et ses partenaires sociaux, et constatons qu’il soumet dans les délais les rapports de situation réguliers dus au titre de la feuille de route relative à la mise en œuvre des recommandations de l’OIT concernant la liberté syndicale. Nous espérons que le Cambodge continuera à mettre en œuvre les recommandations de l’OIT.

Nous saluons les mesures énergiques prises par le Cambodge au sujet du mécanisme de dialogue social en vue de parvenir à des relations de travail harmonieuses. Animés d’un esprit constructif, nous invitons le Cambodge et ses partenaires sociaux à continuer d’employer le dialogue social dans la promotion de l’exercice de la liberté syndicale.

À la lumière des progrès et des résultats positifs susmentionnés au sujet de l’application de la convention, l’ASEAN demande à l’OIT et à l’ensemble des partenaires de continuer à aider le Cambodge et à coopérer de manière constructive sur ce point.

Membre travailleur, Australie – La délégation des travailleurs suisses et l’Internationale de l’éducation s’associent à la présente déclaration. Le gouvernement utilise la pandémie de COVID-19 pour continuer de priver les travailleurs cambodgiens de la liberté syndicale et de la liberté de réunion. Au cours de l’année écoulée, le contrôle des activités syndicales a été resserré, des dirigeants syndicaux ont été harcelés et des intrusions ont eu lieu lors de protestations syndicales.

Le 1er juillet 2020, Yang Sophorn, présidente de l’Alliance cambodgienne des syndicats (CATU), a reçu un courrier menaçant de dissoudre l’alliance si elle poursuivait sa médiation dans un conflit du travail collectif concernant la fermeture d’une usine de vêtements. En raison des restrictions liées à la COVID-19, la CATU n’a pu tenir de congrès avant la date d’échéance de son enregistrement.

En juillet 2020, la police a bloqué une manifestation de travailleurs menée par Rong Chhun, président de la Confédération des syndicats du Cambodge, contre la fermeture de l’usine de vêtements. Le 31 juillet 2020, les autorités ont arrêté Rong Chhun, qui a ensuite été inculpé pour «incitation au crime». Rong Chhun se trouve toujours en détention.

Le 6 août 2020, le Département du travail a menacé les présidents de la Fédération syndicale cambodgienne des travailleurs du tourisme et du syndicat Le Méridien Angkor de dissolution de ces deux syndicats pour organisation présumée de grèves illégales et blocage d’une route publique aux abords d’un hôtel de luxe.

Le 7 août, au moins sept manifestants ont été arrêtés au cours d’une manifestation de soutien organisée, malgré l’avertissement du gouvernement, pour réclamer la libération de Rong Chhun.

Le 10 août, la présidente de l’Association cambodgienne des enseignants indépendants (CITA), Mme Ouk Chayavy, a été agressée et renversée de sa motocyclette alors qu’elle venait de rendre visite à Rong Chhun en prison. À cette époque-là, elle soumettait des requêtes à l’ONU et aux États-Unis réclamant la libération de Rong Chhun.

En septembre 2020, la police s’est rendue dans sept bureaux d’organisations professionnelles pour inspecter leurs registres et dossiers du personnel. Elle a perquisitionné le bureau de la CITA en affirmant qu’elle «effectuait un recensement» et en réclamant des informations sur l’enregistrement et les activités du groupe.

Le 30 septembre 2020, la police a fait irruption dans une réunion de la CLC et vérifié les pièces d’identité de tous les participants, le programme et tous les documents. Le harcèlement policier pousse désormais les propriétaires à refuser de louer des locaux à des syndicats ou à des ONG pour leurs réunions.

Le 11 mai 2021, Kang Nakorn, de l’Independent Democracy of Informal Economy Association (IDEA), a été arrêté par la police alors qu’il recueillait le nom de membres traversant une situation économique difficile pendant la flambée de COVID-19. Le 25 mai, il a été libéré à la condition que l’IDEA ne fasse pas de publicité autour de son cas.

Nous implorons le gouvernement cambodgien de garantir que la liberté syndicale peut être exercée dans un climat exempt de menaces, d’intimidation et de violence.

Membre gouvernementale, États-Unis d’Amérique – Le gouvernement du Cambodge a soumis des informations à cette commission en réponse aux récentes observations de la commission d’experts. Les développements récents qui sont intervenus depuis le dernier examen de ce cas en 2017 sont les suivants: en janvier 2020, amendements à la loi sur les syndicats de 2016; sessions de formation de la police dispensées en octobre 2019 sur les situations d’actions collectives et de protestation; et, en mai 2019, acquittement de six syndicalistes qui faisaient l’objet de poursuites pénales pour avoir participé aux manifestations de janvier 2014.

Malgré ces efforts, des défis importants persistent. La commission d’experts prend note des informations faisant continuellement état de violences, d’arrestations, ainsi que de l’absence de progrès dans les enquêtes sur la mort de syndicalistes. Nous prions instamment le gouvernement de poursuivre ses efforts, en s’attachant en priorité aux domaines suivants: premièrement, garantir un climat exempt d’intimidation et de violence en multipliant les efforts pour enquêter sur ces actes, engager des poursuites contre leurs auteurs et les tenir pour responsables; deuxièmement, veiller à ce qu’aucune accusation ou sanction pénale ne soit imposée pour l’exercice pacifique d’activités syndicales, y compris la participation à des actions collectives et de protestation. Nous demandons au gouvernement de fournir d’autres informations sur les infractions présumées et la législation en vertu de laquelle cinq syndicalistes ont été arrêtés en août 2020; troisièmement, réviser le prakas no 249 sur l’enregistrement des syndicats, en tenant compte des informations récentes selon lesquelles certains syndicats continueraient de rencontrer des difficultés à s’enregistrer; quatrièmement, modifier le processus visant à déterminer les critères d’éligibilité des cas qui seront examinés par le Conseil d’arbitrage, en donnant à celui-ci le pouvoir de déterminer s’il s’agit ou non de conflits collectifs; et, enfin, malgré les amendements récents à la loi sur les syndicats de 2016, d’autres amendements sont nécessaires pour combler les lacunes et régler les problèmes de non-conformité, en particulier en ce qui concerne l’article 55 sur les syndicats les plus représentatifs; l’article 28 sur le pouvoir du gouvernement de dissoudre les syndicats dans les entreprises qui sont fermées; et le chapitre 15 sur les sanctions excessivement élevées imposées en cas de non-respect de la loi sur les syndicats.

Nous prions le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour résoudre ces problèmes de longue date, conformément à la convention. Les États-Unis restent déterminés à collaborer avec le gouvernement pour faire progresser les droits des travailleurs au Cambodge.

Membre travailleuse, Japon – Mon intervention s’aligne sur celle du Congrès national des syndicats de Singapour (SNTUC) et d’IndustriALL. Le secteur de l’habillement au Cambodge est le secteur le plus vulnérable, puisque la plupart des travailleurs y occupent des emplois précaires. Pourtant, on empêche systématiquement les syndicats du secteur de l’habillement de représenter les intérêts de leurs membres, en ce qui concerne les salaires et les demandes d’indemnisation, et leurs dirigeants sont souvent licenciés après avoir déposé une demande d’enregistrement.

Le gouvernement a adopté plusieurs sous-décrets et amendements à la loi sur les syndicats afin de préciser le rôle des syndicats minoritaires pour ce qui est de représenter leurs membres dans les conflits collectifs du travail. Toutefois, le gouvernement ne les a toujours pas mis en œuvre. Les fédérations nationales sont encore confrontées aux difficultés mentionnées ci-après pour représenter les membres syndicaux.

En 2018, les représentants de la CCAWDU, qui est une fédération nationale de syndicats de travailleurs de l’habillement, n’ont pas été autorisés par les responsables des conflits du travail à s’exprimer ni à représenter leurs membres lors des réunions de conciliation qui concernaient des cas de licenciements discriminatoires des dirigeants syndicaux et des demandes d’amélioration des conditions de travail. Les représentants de la CCAWDU ont ensuite reçu une lettre d’avertissement du ministère du Travail.

De même, dans de nombreux cas, les demandes des syndicats auprès du Conseil d’arbitrage ont été rejetées. De nombreux cas montrent que le ministère du Travail n’a pas appliqué les procédures de discrimination antisyndicale prévues par la loi sur le travail et a accepté les licenciements et les cessations d’activité des dirigeants syndicaux élus du secteur de l’habillement, sous la forme de contrats de travail non renouvelés ou à court terme. Malgré la présence du Conseil d’arbitrage, de plus en plus de conflits du travail, comme les licenciements massifs, ont été renvoyés devant la Commission de règlement des grèves et des manifestations liées au travail. Les conciliations menées par cette commission ont pour objet d’assurer la sécurité publique et de prévenir les actions collectives et les manifestations publiques. Dans tous les cas renvoyés devant cette commission, les demandes des syndicats du secteur de l’habillement sont rejetées et les travailleurs reçoivent une rémunération et des avantages bien inférieurs à ceux garantis par la loi.

Permettez-moi de réaffirmer que l’exercice du droit à la liberté syndicale des syndicats, qui est le droit le plus essentiel, exige de garantir une représentation équitable des travailleurs syndiqués dans le règlement des conflits. Nous prions instamment le gouvernement d’accélérer le processus visant à améliorer le système judiciaire, y compris le renforcement de la fonction du Conseil d’arbitrage.

Membre gouvernemental, Suisse – La suisse regrette le fait que nous devions à nouveau discuter du respect de la convention no 87 – une convention fondamentale – par le Cambodge. Depuis 1999, le Cambodge figure régulièrement sur la liste des cas devant être examinés par notre commission. Les syndicalistes indépendants et les travailleurs de divers secteurs sont encore discriminés, harcelés, menacés, arrêtés, ou encore emprisonnés lorsqu’ils tentent d’exercer leurs droits. À ce sujet, depuis la ratification, la commission d’experts a formulé plus de 30 recommandations. Onze cas de violations ont été dénoncés auprès du Comité de la liberté syndicale, dont un est encore actif et deux font l’objet d’un suivi.

Aujourd’hui, la Suisse exprime sa préoccupation face à cette pression persistante sur les activités syndicales et regrette que la police utilise encore des méthodes violentes et intimidantes. Pour cette raison, la Suisse encourage, d’une part, l’assistante technique du BIT pour la formation des organes de sécurité, et, d’autre part, la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en vue d’améliorer la connaissance des principes fondamentaux des droits de l’homme. C’est par le dialogue social et la négociation que la paix se construit.

La nécessité d’accélérer les procédures d’enquête, de fournir des informations sur les procédures pénales en cours et d’assurer le suivi de l’application de la convention dans la pratique reste une priorité.

Enfin, la Suisse exprime l’espoir que la loi sur le tribunal du travail ainsi que la loi sur les syndicats soient mises en conformité avec les normes internationales du travail.

Observatrice, Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) – Cinq années se sont écoulées depuis la promulgation de la loi cambodgienne sur les syndicats en 2016. Le recours à la négociation collective est rare pour gérer de bonnes relations professionnelles au Cambodge. L’application de la loi et l’attribution du statut représentatif aux fins de la négociation collective ne se sont pas accompagnées de sanctions efficaces imposées aux employeurs qui refusent de reconnaître les syndicats et de négocier, ou de la responsabilité des organes de l’administration du travail.

Le conflit survenu dans un hôtel-casino à Phnom Penh est un bon exemple de ces difficultés. En 2018, le Syndicat pour les droits du travail, qui représente 50 pour cent des travailleurs de ce lieu de travail, a demandé le statut d’organisation la plus représentative aux fins de la négociation collective. Le syndicat s’est retrouvé coincé dans un long processus administratif avec l’autorité compétente. À ce jour, il n’a toujours pas obtenu ce statut.

Depuis 2019, le syndicat agit auprès de la direction pour exiger des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Les dirigeants et membres syndicaux font l’objet de menaces, d’intimidation, de harcèlement et d’ingérence de toutes sortes de la part de l’employeur, suite à la campagne que le syndicat a lancée sur le lieu de travail pour obtenir un salaire assurant des conditions d’existence convenables. Le président du syndicat a été interrogé par des agents de police lors des réunions forcées avec la direction. Il a ensuite été suspendu de ses fonctions. Ce dirigeant syndical a été menacé de contrôle permanent de sa conduite, de ses activités et de ses conversations.

En septembre, l’autorité a renvoyé le conflit devant le Conseil d’arbitrage, en demandant la suspension du dirigeant syndical, et ce malgré la pétition signée par 3 800 travailleurs envoyée à l’autorité, appelant à la réintégration effective de leur dirigeant et à la négociation collective. Le ministère a considéré cette suspension comme un cas individuel et n’a pas mis à disposition les voies de recours applicables aux pratiques déloyales prévus par la loi.

Bien que la loi sur le travail et la loi sur les syndicats contiennent des dispositions claires sur le droit de négociation collective, sur les conflits collectifs du travail et sur les recours en cas de violation, les autorités administratives du travail peuvent encore contrôler ce processus en mettant des obstacles administratifs et en accusant des retards. En l’absence d’un statut légal permettant de négocier, le syndicat n’a pas le statut ni institutionnel ni légal pour négocier des mesures de sécurité sur le lieu de travail pour faire face à la pandémie ou au plan de licenciement concernant 1 329 travailleurs.

Je termine mon intervention en priant le gouvernement de garantir l’application de la loi sur les syndicats à toutes les parties aux relations professionnelles concernées, aux fins de l’application effective de la convention au Cambodge.

Membre travailleur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Je m’exprime au nom de l’ITF et de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Lors de la discussion qui s’est tenue au sein de cette commission en 2017 sur le respect de la convention par le Cambodge, nous avons exprimé de vives préoccupations à propos du plus grand exploitant d’aéroports du Cambodge, une multinationale française, qui exploite trois grands aéroports dans le pays – à savoir Siem Reap, Phnom Penh et Sihanoukville. En 2017, nous avons exprimé des préoccupations face aux modifications unilatéralement apportées à la convention collective et à la discrimination antisyndicale, entre autres choses.

Malheureusement, nous devons dire aujourd’hui que l’exploitant français d’aéroports a considérablement nui à la représentativité de la Fédération cambodgienne des ouvriers du transport (CTWF), affiliée à l’ITF, en évitant les négociations de bonne foi, en retardant la conclusion d’une convention collective équitable et en se livrant à une nouvelle discrimination antisyndicale. En janvier 2019, la CTWF a obtenu le statut d’organisation la plus représentative à Siem Reap et a cherché à entamer des négociations. L’entreprise a rejeté cette demande au motif qu’elle voulait regrouper les négociations avec celles de Phnom Penh. En mars 2019, lorsque la CTWF a obtenu le statut d’organisation la plus représentative à Phnom Penh, l’entreprise a de nouveau remis à plus tard les négociations afin que les trois aéroports puissent négocier ensemble.

Plus récemment, dans le contexte de la pandémie, l’entreprise a licencié plus de 100 travailleurs et a lancé un processus de restructuration sans consulter le syndicat. Ces licenciements visent les membres syndicaux de manière disproportionnée et constituent une violation manifeste des principes de la liberté syndicale. L’autorité aéroportuaire continue également à proposer des indemnités de licenciement inférieures au minimum légal.

Alors que l’entreprise avait finalement entamé des négociations avec le syndicat, suite à plusieurs décisions du Conseil d’arbitrage, ces négociations ont à nouveau été retardées et n’ont guère progressé. Si les licenciements continuent de cibler les membres syndicaux, c’est le statut d’organisation la plus représentative de la CTWF qui serait menacé.

Une restructuration d’entreprise ne devrait pas menacer les travailleurs syndiqués et leurs organisations. Les licenciements qui visent de manière disproportionnée les membres syndicaux menacent non seulement la capacité de la CTWF à représenter ses membres, mais cela crée également un climat de peur qui n’est pas propice à la liberté syndicale. Les retards pris dans la conclusion de conventions collectives démontrent également l’incapacité du gouvernement à garantir le droit à une négociation collective réelle.

En outre, la multinationale française n’a pas non plus assumé les responsabilités qui lui incombent au titre de la Déclaration de l’OIT sur les entreprises multinationales ni rempli ses obligations en vertu de la loi française sur le devoir de vigilance, qui appelle les entreprises à faire preuve de la diligence requise dans le domaine des droits de l’homme et à remédier ainsi aux conséquences dommageables de leurs activités. La liberté syndicale et la négociation collective sont des droits fondamentaux couverts par tous les instruments relatifs aux droits de l’homme et dans tous les domaines, ainsi que par la loi française sur le devoir de vigilance. L’exploitant d’aéroports doit réintégrer les travailleurs licenciés et reprendre les négociations collectives en vue de conclure un accord sans délai. La liberté syndicale et la négociation collective ne peuvent pas être un angle mort de la diligence requise en matière de droits de l’homme.

Membre travailleur, Burkina Faso – Le Cambodge a ratifié la convention en 1999. La commission intervient depuis 2016 concernant des manquements liés à sa mise en œuvre. En 2019, le Cambodge a encore été visé par des allégations de répression violente de grèves par des criminels spécialement engagés à cette fin, et de détention de dirigeants syndicaux qui avaient organisé des grèves dans le secteur de l’habillement.

En ce qui concerne les cas de meurtres de syndicalistes, la commission a recommandé de procéder à des enquêtes complètes et indépendantes sur les meurtres de dirigeants syndicaux, dont ceux de Chea Vichea et de Ros Sovannereth, puis de Hy Vuthy en 2007.

Faut-il avoir peur ou honte de dire que les fondements de l’OIT vont très mal aujourd’hui? D’abord, parce qu’il n’y a eu aucun effort. Je crains que ce soit cette négligence à analyser les interpellations sur les risques du réchauffement climatique qui a conduit à l’apparition de micro-organismes, tels que la COVID-19, ayant mis en péril presque toute l’humanité.

Représentante gouvernementale – Ma délégation a écouté tous les orateurs et représentants et prend note de leurs interventions. Les commentaires constructifs et les points de vue exprimés à la commission seront rapportés au Cambodge et dûment pris en considération, afin d’assurer un environnement propice à l’exercice de la liberté syndicale.

Ma délégation tient à réaffirmer que le Cambodge est déterminé à mettre en œuvre la convention. Le Cambodge a toujours œuvré en étroite collaboration avec les partenaires sociaux pour promouvoir l’exercice de la liberté syndicale et maintenir des relations professionnelles harmonieuses, avec le soutien technique du BIT. Ma délégation tient à réaffirmer que le Cambodge continuera à œuvrer en étroite collaboration avec les partenaires sociaux pour réviser la loi sur les syndicats et tout autre instrument juridique connexe.

En ce qui concerne le droit des syndicats minoritaires de représenter leurs membres dans les conflits du travail, nous tenons à souligner que, en vertu de l’article 59 modifié de la loi sur les syndicats, les syndicats minoritaires peuvent représenter leurs membres dans les conflits du travail individuels et collectifs qui ne découlent pas de l’application de la convention collective. Il s’agit donc ici des syndicats de travailleurs minoritaires ou des représentants des travailleurs, dans le cas où aucun syndicat de travailleurs n’aurait le droit de représenter les membres ou les travailleurs dans les conflits collectifs du travail, dans toutes les procédures de règlement des conflits, y compris la conciliation au sein du ministère du Travail et de la Formation professionnelle et du Conseil d’arbitrage. En outre, l’amendement a ajouté le point i) à l’article 59 modifié de la loi sur les syndicats qui se lit comme suit: «représenter de bonne foi ses membres dans le règlement des conflits collectifs de travail ne découle pas de l’application de la convention collective». L’amendement vise à rectifier l’interprétation erronée selon laquelle les syndicats minoritaires n’ont pas le droit de représenter leurs membres dans les conflits collectifs du travail.

Depuis l’entrée en vigueur de l’amendement à la loi sur les syndicats, et jusqu’au 31 mars 2021, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a renvoyé 432 conflits collectifs du travail devant le Conseil d’arbitrage pour règlement, desquels: 30 cas concernaient les conflits liés au statut représentatif; 339 cas concernaient des conflits liés à la représentation des syndicats de travailleurs minoritaires; et 63 cas concernaient des conflits liés à la représentation des travailleurs.

Depuis l’adoption de la loi portant modification de la loi sur les syndicats en 2020, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle n’a reçu aucune plainte à ce sujet. Le ministère du Travail et de la Formation professionnelle continuera à œuvrer pour faire mieux comprendre cette nouvelle législation et renforcer son application.

Bien que cela n’entre pas dans le cadre de la discussion, ma délégation souhaiterait aborder l’allégation relative à la loi sur l’état d’urgence. Ma délégation souhaite rappeler que le fait que le Cambodge dispose de la loi sur l’état d’urgence n’a rien d’exceptionnel. De fait, beaucoup de pays appliquent déjà strictement ce type de loi, alors que le Cambodge ne l’a toujours pas appliquée depuis son adoption. Il est injuste d’affirmer que, en raison de la loi sur l’état d’urgence, le Cambodge ne respecte pas les droits de l’homme, alors qu’une loi de ce type existe depuis longtemps et est strictement appliquée dans d’autres pays et qu’il n’y a eu aucune plainte à ce sujet. Même lorsque la pandémie de COVID-19 plongeait le monde dans l’inconnu, le Cambodge n’a jamais déclaré l’état d’urgence. Malgré cette période difficile et sans précédent que nous connaissons, le Cambodge continue à œuvrer sans relâche pour protéger et promouvoir la liberté syndicale consacrée dans la convention.

Ma délégation tient à rappeler que certains sont poursuivis ou condamnés par l’autorité judiciaire non pas en raison de ce qu’ils sont, mais parce qu’ils ont commis des infractions. En aucun cas les droits syndicaux légitimes ne doivent servir d’écran pour enfreindre la loi, dénigrer l’état de droit et porter atteinte aux citoyens respectueux de la loi. Les normes internationales du travail ne confèrent aucun privilège aux syndicalistes en ce qui concerne leur impunité.

Ma délégation tient à réaffirmer que le Cambodge continuera à œuvrer avec les parties prenantes concernées et à leur fournir une assistance juridique pour régler les affaires en cours, en particulier les affaires pénales. Cependant, il faut également rappeler que les organes exécutifs, législatifs et judiciaires sont indépendants les uns des autres, comme le prévoit la Constitution du Royaume du Cambodge, et que le gouvernement ne joue donc aucun rôle dans les procédures judiciaires.

Ma délégation tient à exprimer nos remerciements à la commission pour ses observations et à tous les États membres de l’ASEAN, aux représentants des organisations de travailleurs et d’organisations d’employeurs et d’autres, pour leur intervention constructive et le soutien qu’ils ont apporté au Cambodge à cet égard.

Membres employeurs – Je voudrais remercier la représentante gouvernementale pour les informations très détaillées qu’elle a présentées à la commission et je voudrais également remercier tous les intervenants qui ont contribué à cette discussion. Je tiens cependant à rappeler que les orateurs doivent se concentrer sur les éléments que la commission doit examiner dans le cadre de ce cas. Les employeurs estiment qu’il n’est ni utile ni approprié de débattre de points qui n’entrent pas dans le cadre de l’examen approprié de ce cas.

Les membres employeurs ont pris note des informations écrites et orales très détaillées que la représentante gouvernementale a présentées à la commission et, comme il a déjà été indiqué, des débats fructueux qui ont suivi. Nous prenons note, en premier lieu, des progrès réalisés dans la mise en conformité de certains aspects de la loi avec la convention, et nous saluons les efforts déployés par le gouvernement à cet égard.

Nous notons également qu’un certain nombre de questions importantes restent en suspens et doivent être traitées. Par conséquent, les membres employeurs demandent au gouvernement de continuer à prendre les mesures juridiques appropriées, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que les fonctionnaires qui ne sont pas couverts par la loi sur les syndicats puissent jouir des droits de la liberté syndicale, comme l’exige la convention.

Les membres employeurs demandent également au gouvernement de supprimer l’obligation de savoir lire et écrire prévue aux articles 20, 21 et 38 de la loi sur les syndicats, en vue d’assurer la pleine participation. Les membres employeurs prient également le gouvernement d’abroger le paragraphe 2 de l’article 28 de la loi sur les syndicats sur la dissolution automatique des organisations de travailleurs en cas de fermeture d’une entreprise ou d’un établissement; et ils le prient aussi d’abroger l’article 29 de la loi sur les syndicats sur la dissolution d’organisations d’employeurs et de travailleurs à l’initiative de leurs membres.

Nous estimons que ce sont là certains des points auxquels le gouvernement doit encore s’attacher, en collaboration avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, si nécessaire.

Nous faisons également observer que, pour garantir le respect de la convention en droit et dans la pratique, il convient de rappeler que la liberté syndicale ne peut être exercée que dans un environnement exempt de violence et d’intimidation et nous appelons donc le gouvernement à continuer de former les agents de police à la gestion des conflits du travail et des actions de protestation.

Nous encourageons également le gouvernement à continuer d’examiner, avec les partenaires sociaux, la possibilité de permettre la formation d’organisations d’employeurs et de travailleurs par secteur ou par profession, et nous continuons d’encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts pour faire du Conseil d’arbitrage une institution capable de traiter efficacement et durablement les conflits du travail.

Nous sommes d’avis que le Cambodge a déployé beaucoup d’efforts pour se conformer à la convention, tant en droit que dans la pratique, et, même si beaucoup reste à faire, nous estimons que ces efforts sont très encourageants et nous espérons qu’ils seront consignés dans le procès-verbal. Les membres employeurs demandent également au gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises dans le cadre de tous ces efforts.

Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement pour ses commentaires et nous remercions tous les autres orateurs pour leurs interventions. Les employeurs du Cambodge ont indiqué que plusieurs éléments examinés au sein de la commission n’auraient pas dû l’être. Nous souhaiterions nous référer au Règlement de la Conférence qui définit le mandat de notre commission et qui prévoit, à l’article 7, paragraphe 1 a), que notre commission est chargée d’examiner les mesures prises par les Membres afin de donner effet aux dispositions des conventions auxquelles ils sont partie.

Nous devons préciser en particulier que tout ce que nous avons dit aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de l’application de la convention, des observations de la commission d’experts et des règles régissant nos débats au sein de la Commission de la Conférence.

Comme l’ont indiqué beaucoup d’intervenants aujourd’hui, le gouvernement cambodgien continue de commettre de graves violations du droit à la liberté syndicale en droit et dans la pratique. Et ce en dépit du contrôle régulier de la commission d’experts, du Comité de la liberté syndicale et de la présente commission. De fait, malgré les missions de l’OIT, les feuilles de route et la coopération technique, il semblerait que nous n’avancions pas. Même les réformes juridiques que le gouvernement a promulguées fin 2019 n’ont pas fait changer la situation des travailleurs et des syndicats et, de fait, de nombreux obstacles subsistent. Il est tout à fait clair que la loi sur les syndicats a pour objectif de limiter les droits des syndicats à représenter efficacement les intérêts de leurs membres. Une situation aggravée d’autant par les lois d’urgence qui ne sont pas limitées dans le temps et qui vont probablement rester en vigueur longtemps après la fin de la pandémie.

Mais permettez-moi de revenir à la question de la violence antisyndicale dont j’ai déjà fait état lors de mes remarques liminaires. La violence, y compris le meurtre, ne sera jamais tolérée. Les membres travailleurs n’oublieront jamais nos amis qui ont payé de leur vie et nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que justice leur soit rendue. Cela fait dix-sept ans que Chea Vichea et Ros Sovannareth ont été assassinés et quatorze ans que Hy Vuthy l’a été. Rien ne peut justifier le fait que ces affaires soient encore en instance et que les auteurs physiques et intellectuels de ces crimes courent toujours. Nous partageons les vives préoccupations de la commission d’experts quant à l’absence de résultats concrets dans ces affaires. Nous prions instamment le gouvernement de mettre fin à cette impunité et de faire en sorte que tous les responsables de ces actes rendent des comptes.

La violence policière contre les travailleurs et les syndicalistes est également intolérable. Il ne s’agit pas simplement d’une question de formation, même si nous sommes satisfaits du fait que les policiers puissent au moins connaître les droits des manifestants et agissent en conformité avec le droit international et les meilleures pratiques en vigueur. Toutefois, nous estimons que les violences policières reflètent le peu d’importance que le gouvernement accorde aux actions des travailleurs et au rôle des syndicats. Tant que le gouvernement n’indiquera pas clairement que les syndicats sont un élément important de la société, et tant que leurs efforts pour instaurer des relations professionnelles solides ne seront pas valorisés et continueront d’être réprimés, il ne faudra pas s’étonner que la police continue de perpétrer des actes de violence à leur encontre. Tant que cela ne changera pas, je crains que les manuels ne servent à rien.

Enfin, je constate que, sept ans après les faits, plusieurs syndicalistes font toujours l’objet de poursuites pénales ou civiles pour avoir participé aux manifestations qui ont eu lieu au début de l’année 2014. Ne perdons pas de vue les raisons pour lesquelles les travailleurs manifestaient. Ces travailleurs protestaient pour obtenir un salaire minimum décent qui, aujourd’hui encore, est trop faible. En réponse à ces manifestations, le 3 janvier, la police militaire a ouvert le feu sur les travailleurs du secteur de l’habillement qui défilaient dans la rue Veng Sreng, faisant plusieurs morts et blessés. Rien ne justifie l’inculpation d’un travailleur pour avoir exercé pacifiquement son droit syndical et de rassemblement. Il est tout simplement inacceptable que certaines affaires soient encore en instance et que les travailleurs concernés vivent toujours sous la menace de peines de prison ou de lourdes amendes.

Les membres travailleurs insistent pour que le gouvernement du Cambodge agisse concrètement en faveur de la liberté syndicale. À ce titre, nous recommandons les points suivants:

  • - s’abstenir d’arrêter, de détenir et de poursuivre arbitrairement des syndicalistes en raison de leurs activités syndicales légitimes, et abandonner toutes les charges contre ceux qui ont été accusés de délits;
  • - de fournir à la commission d’experts des informations concernant les enquêtes ouvertes sur les meurtres et les violences perpétrés contre des dirigeants syndicaux, et de veiller à ce que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient traduits en justice;
  • - veiller à ce qu’une enquête soit rapidement ouverte sur les actes de discrimination antisyndicale et, s’ils sont avérés, garantir l’accès à des moyens de recours et de réparation appropriés et l’imposition de sanctions dissuasives;
  • - avec l’assistance technique du BIT, élaborer des directives, un code de pratique ou un manuel sur le maintien de l’ordre et la gestion des actions collectives et de protestation;
  • - modifier la loi sur les syndicats, en consultation avec les partenaires sociaux, pour la mettre en conformité avec la convention;
  • - veiller à ce que les travailleurs puissent enregistrer des syndicats via un processus simple, objectif et transparent;
  • - garantir que les enseignants, les fonctionnaires, les travailleurs domestiques et les travailleurs de l’économie informelle peuvent former des syndicats et s’y affilier, en droit et dans la pratique, conformément à la convention;
  • - veiller à ce que tous les syndicats aient le droit de représenter leurs membres dans les procédures de règlement des conflits au niveau de l’entreprise et au niveau ministériel, ainsi que devant le Conseil d’arbitrage;
  • - s’assurer que les décisions contraignantes rendues par le Conseil d’arbitrage sont effectivement appliquées.

Nous prions instamment le gouvernement d’accepter une mission de contacts directs.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des déclarations écrites et verbales fournies par la représentante gouvernementale et de la discussion qui a suivi.

La commission a exprimé sa profonde préoccupation devant la poursuite des actes de violence contre des travailleurs, les arrestations de nombreux syndicalistes en rapport avec leurs activités ainsi que devant l’absence d’enquêtes efficaces et en temps opportun sur ces incidents.

À cet égard, la commission prie instamment le gouvernement:

  • - d’enquêter sur toutes les allégations de répression violente de l’activité syndicale et de détention de dirigeants syndicaux;
  • - de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’accélérer les enquêtes sur les meurtres des dirigeants syndicaux Chea Vichea et Ros Sovannareth (en 2004) et Hy Vuthy (en 2007), et d’assurer que les auteurs de ces crimes sont traduits en justice;
  • - d’engager tous les efforts nécessaires pour conclure les procédures judiciaires intentées à des syndicalistes dans le cadre des incidents des manifestations de janvier 2014, d’assurer qu’aucune inculpation ou sanction ne soit imposée pour l’exercice pacifique d’activités syndicales et d’abandonner tous les chefs d’inculpation pénale contre les syndicalistes accusés dans le cadre des manifestations de janvier 2014; et
  • - de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux arrestations arbitraires, aux détentions et poursuites de syndicalistes pour avoir mené des activités syndicales légitimes.

La commission a également noté que, si des mesures positives ont été prises pour mettre la législation en conformité avec la convention, des problèmes graves de conformité restent sans réponse.

Ayant examiné la question et prenant en compte l’exposé du gouvernement ainsi que la discussion qui a suivi, la commission demande au gouvernement cambodgien:

  • - de communiquer à la commission d’experts les rapports des trois commissions chargées d’enquêter sur les violences visant des dirigeants syndicaux et les meurtres de certains d’entre eux;
  • - d’assurer que des enquêtes sont promptement diligentées contre les actes de discrimination antisyndicale et que, si les faits sont avérés, des réparations adéquates et des sanctions dissuasives sont appliquées;
  • - avec l’assistance technique du BIT, d’élaborer des lignes directrices, un code de bonne pratique ou un manuel sur le maintien de l’ordre et le traitement des actions collectives et actions de protestation;
  • - de modifier la loi sur les syndicats en consultation avec les partenaires sociaux pour garantir sa conformité avec la convention;
  • - d’assurer que les travailleurs peuvent enregistrer des syndicats par le biais d’une procédure simple, objective et transparente;
  • - de continuer à identifier, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures légales appropriées pour garantir que les enseignants, les travailleurs domestiques et les fonctionnaires qui ne sont pas couverts par la Loi sur les syndicats jouissent des droits à la liberté syndicale au sens de la convention;
  • - d’abroger, dans la Loi sur les syndicats, le critère d’alphabétisation figurant dans les articles 20, 21 et 38 de la loi sur les syndicats, le paragraphe 2 de l’article 28 sur la dissolution automatique des organisations de travailleurs en cas de fermeture totale d’une entreprise ou d’un établissement, et l’article 29 sur la dissolution des organisations d’employeurs et de travailleurs à l’initiative de membres de ces organisations;
  • - de discuter avec les partenaires sociaux de la possibilité d’autoriser la constitution d’organisations d’employeurs et de travailleurs par secteur ou profession; et
  • - d’intensifier ses efforts pour faire du Conseil d’arbitrage une institution efficace et pérenne pour traiter les conflits du travail, et de faire en sorte que les décisions contraignantes du Conseil d’arbitrage soient effectivement appliquées en droit et dans la pratique.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises sur toutes les matières qui précèdent à la commission d’experts avant sa réunion de novembre 2021.

Enfin, la commission recommande que le gouvernement accepte dès que possible une mission de contacts directs dans le but de donner pleinement effet à ces conclusions et fasse rapport sur les progrès accomplis à la commission d’experts avant sa réunion de novembre 2021.

Représentante gouvernementale – Le Cambodge prend note des conclusions et recommandations formulées par la commission. Le Cambodge continuera à travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes concernées pour protéger et promouvoir la liberté syndicale consacrée dans la convention. Ma délégation tient à réaffirmer que le Cambodge reste déterminé à respecter les droits et les obligations découlant des instruments pertinents auxquels il est partie.

Toutefois, ma délégation note avec regret que, malgré tous nos efforts et les informations et les précisions que nous avons fournies, certaines questions sont encore délibérément choisies pour mettre un éclairage négatif sur l’exercice de la liberté syndicale au Cambodge, sans tenir compte des progrès réels accomplis sur le terrain. Nous constatons que certaines questions n’ont plus lieu d’être puisqu’elles ont été réglées par la mise en œuvre de la feuille de route. Les progrès dans la mise en œuvre de cette feuille de route ont été régulièrement communiqués au BIT. Le Cambodge continuera à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires sociaux pour mettre à jour sa feuille de route, et les progrès réalisés dans ce cadre seront communiqués en temps utile.

En ce qui concerne les allégations infondées, nous tenons à réaffirmer qu’il n’y a pas d’arrestation de syndicalistes au Cambodge en lien avec leurs activités syndicales. Certains sont poursuivis et condamnés par le tribunal pour les infractions qu’ils ont commises.

Encore une fois, ma délégation souhaite exprimer sa reconnaissance à tous les représentants pour leurs interventions constructives, ainsi qu’au BIT et aux autres partenaires pour le large soutien apporté au Cambodge. Le Cambodge sollicite le soutien technique continu du BIT.

Toutefois, ma délégation demande qu’on lui accorde un laps de temps suffisant pour examiner et mettre en œuvre les recommandations de la commission, en particulier en cette période difficile sans précédent. La mission de contacts directs ne devrait pas être envisagée dans le présent cas, puisqu’il n’y a pas de violation grave de la convention.

Malgré cette période difficile, ma délégation tient à garantir que le Cambodge soumettra un rapport détaillé d’ici à novembre 2021 et demande à la commission d’experts d’examiner ultérieurement la nécessité d’une mission de contacts directs.

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