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Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 - France (Ratification: 1951)

Autre commentaire sur C098

Observation
  1. 2023
  2. 2005

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La commission prend note des observations de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) et de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) reçues respectivement le 9 octobre 2019 et le 30 octobre 2020 ainsi que des commentaires correspondants du gouvernement. La commission observe qu’une partie des thèmes soulevés par les observations de CGT-FO et de la CFE-CGC, (en particulier ceux relatifs au niveau de la négociation collective, à la consultation des salariés en cas d’opposition des syndicats majoritaires à la signature d’une convention d’entreprise ainsi qu’aux conséquences de la fusion des institutions représentatives du personnel), sont en cours d’examen par un comité tripartite dans le cadre d’une réclamation présentée par la Confédération Générale du Travail et CGT-FO en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT.
Article 1 de la Convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. La commission note que la CGT-FO affirme que, dans un contexte de durcissement du climat social, se produirait une aggravation des actes de discrimination antisyndicale tels que le fichage des salariés syndiqués ou les licenciements pour motifs antisyndicaux. La CGT-FO manifeste à cet égard que, selon une enquête de 2019 du Défenseur des droits, institution de caractère public: i) près d’une personne active sur trois (29 pour cent ) et une personne syndiquée sur deux (52 pour cent) considèrent que les discriminations antisyndicales se produisent souvent ou très souvent; et ii) un tiers de la population active estime que la peur des représailles de la part de la direction est le facteur qui dissuade le plus les salariés de s’engager dans une activité syndicale.
La commission note que la CGT-FO réclame que, au-delà de la publication de statistiques et d’enquêtes publiques, le gouvernement s’engage dans une véritable politique volontariste de lutte contre les actes antisyndicaux qui devrait en particulier inclure: i) un allongement de la durée de la protection renforcée contre le licenciement postérieure à l’expiration des mandats syndicaux ou de représentation du personnel en général, aspect particulièrement important dans le contexte de la fusion des institutions représentatives du personnel consécutive aux réformes de 2017; et ii) la mise en place d’une réelle valorisation des parcours syndicaux.
La commission note que le gouvernement manifeste en premier lieu que la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a mis en place des mesures supplémentaires pour protéger les travailleurs syndiqués, et notamment les élus, contre toute discrimination ou toutes représailles en raison de leur activité syndicale. Le gouvernement signale en particulier que: i) l’article 4 de la loi instaure un dispositif d’entretiens professionnels en début et fin de mandat pour les représentants du personnel élus ou désignés; ii) cet entretien s’ajoute à l’entretien ayant lieu tous les 2 ans et qui, depuis la loi de 2015, peut également permettre de procéder au recensement des compétences acquises en cours de mandat en vue de leur valorisation; iii) l’article 5 de la loi du 17 août 2015 prévoit un dispositif national de certification des compétences correspondant à l’exercice d’un mandat de représentant élu ou désigné et complété par deux arrêtés de la ministre du travail du 18 juin 2018 portant création de la certification relative aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical; iv) dans le cadre de la mise en œuvre des ordonnances adoptées en 2017, un guide d’accompagnement des salariés dont le mandat a pris fin a été publié en août 2018; v) l’article 6 de la loi du 17 août 2015 a mis en place une garantie d’évolution salariale pour les représentants du personnel dont les heures de délégation sont au moins égales à 30 pour cent de leur durée du travail afin d’éviter toute rupture d’égalité vis-à-vis des autres salariés de l’entreprise relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable; et vi) en application des ordonnances adoptées en 2017, les branches et les entreprises peuvent négocier des accords sur la valorisation des parcours syndicaux, plusieurs grandes entreprises s’étant déjà saisies de cette opportunité. La commission note que le gouvernement se réfère en second lieu aux rôles respectifs de l’inspection du travail et des tribunaux dans la lutte contre les discriminations antisyndicales. La commission note que le gouvernement se réfère en particulier: i) aux enquêtes régulières de l’inspection du travail afin de détecter d’éventuels liens entre l’activité syndicale des salariés et d’éventuels actes de gestion pris à leur détriment; ii) l’aménagement de la charge de la preuve par les tribunaux afin de faciliter l’identification d’actes et pratiques de discrimination antisyndicale; et iii) les décisions de réintégration prononcées par les tribunaux en cas de licenciement discriminatoire. La commission note enfin l’indication du gouvernement relative à l’ouverture aux organisations syndicales par la loi du 18 novembre 2016 de la possibilité de mener des actions de groupe pour faire cesser des discriminations affectant plusieurs salariés.
La commission prend particulièrement note des résultats de l’enquête menée par le Défenseur des droits sur les discriminations syndicales portés à son attention par la CGT-FO. Accueillant favorablement la réalisation de telles études et encourageant à leur poursuite, la commission observe que les résultats de l’enquête démontrent l’importance de l’adoption de mesures spécifiques pour renforcer la prévention et la sanction des actes de discrimination antisyndicale ainsi qu’un suivi régulier de leur mise en œuvre.
À cet égard, la commission prend bonne note des dispositifs législatif et jurisprudentiel en place pour assurer une réponse effective aux actes de discrimination antisyndicale. La commission note également avec intérêt l’établissement d’une garantie d’évolution salariale pour les représentants du personnel-y compris les représentants syndicaux- ainsi que les mesures prises tendant à valoriser les compétences acquises en cours de mandat de représentation du personnel en général et de mandat syndical en particulier, mesures mentionnées dans l’observation de la CFE-CGC comme allant dans le sens souhaité par ladite organisation syndicale. La commission souligne la pertinence de telles mesures pour contribuer à prévenir la discrimination antisyndicale. Au vu des éléments qui précèdent, la commission invite le gouvernement à continuer de s’assurer de manière régulière, y compris par le biais du dialogue social, de l’effectivité et de l’efficacité des mesures de prévention et de sanction des actes de discrimination antisyndicale. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations à cet égard.
Article 4. Promotion de la négociation collective. La commission note que la CGT FO et la CFE-CGC dénoncent le fait que l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 (ci-après l’ordonnance de 2017) aurait pour effet d’affaiblir le rôle des organisations syndicales dans les procédures de négociation collective, en rendant possible dans plusieurs situations la conclusion d’accords par le biais d’acteurs non syndicaux.
La commission note que les organisations syndicales se réfèrent en particulier: i) à la possibilité pour l’employeur, en l’absence de délégué syndical dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés, de choisir de négocier soit avec un représentant du personnel élu soit avec un salarié mandaté par une organisation syndicale; ii) à l’instauration dans les entreprises de moins de 20 salariés ne disposant ni d’un délégué syndical ni de représentation du personnel élue de la possibilité pour l’employeur d’établir seul et unilatéralement un projet d’accord qu’il fait ensuite approuver par voie de référendum par ses salariés -; et iii) aux prérogatives de négociation collective reconnues au conseil d’entreprise, instance devant pour l’instant être mise en place avec l’accord des organisations syndicales majoritaires mais dont l’instauration, selon la CGT-FO, pourrait, au gré d’une future réforme, être généralisée à l’avenir.
La commission note que la CFE-CGC allègue que les réformes précitées, en permettant la conclusion d’accords non signés par des organisations syndicales, font fi du principe selon lequel seule la représentation des travailleurs par des organisations syndicales garantit le respect de l’objectif fondamental de rééquilibrage du rapport de forces dans les relations sociales, inhérent au mécanisme de négociation collective et exprimé dans la référence de l’article 4 de la convention aux seules organisations de travailleurs.
La commission note également que la CGT-FO dénonce particulièrement le fait que les nouveaux mécanismes précités permettraient de déroger sans participation syndicale au contenu des accords de branche conclus par les organisations syndicales au niveau supérieur, portant de cette manière atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective.
La commission note que, de son côté, le gouvernement, après avoir souligné que la grande majorité des entreprises de moins de cinquante salariés ne disposent pas de délégué syndical, manifeste que de nouvelles possibilités de négociation leur sont maintenant ouvertes afin de leur permettre de participer elles aussi à la définition des meilleurs équilibres. La commission note que le gouvernement indique à cet égard que, en vertu de l’ordonnance de 2017:
  • – dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical, et dans celles dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés et qui ne disposent pas de membre de la délégation du comité social et économique, l’employeur peut proposer un projet d’accord aux salariés qui, pour être valide, doit avoir été approuvé à la majorité des deux tiers par les salariés, sur le modèle de l’approbation des accords d’intéressement (art. L2232-21 à L2232-23 du code du travail).
  • – dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et 50 salariés et dépourvues de délégué syndical, l’employeur pourra négocier soit avec un salarié (membre du comité social et économique ou non) mandaté par une organisation syndicale, soit avec un membre de la délégation du personnel au comité social et économique. Un accord signé par un salarié mandaté non-membre de la délégation du personnel du comité social et économique devra être approuvé par la majorité des salariés lors d’une consultation (art. L2332-23-1).
  • – enfin, dans les entreprises de plus de 50 salariés, les règles antérieures à l’ordonnance précitée sont maintenues, avec, en l’absence de délégué syndical, l’obligation de négocier avec un membre de la délégation du personnel du comité social et économique mandaté puis, si aucun de ces membres n’a souhaité se faire mandater, par un membre non mandaté, et si aucun membre de la délégation du personnel n’a souhaité négocier, avec un salarié mandaté (art. L 2232-24 à L 2232-26).
La commission note également les informations de contexte fournies par le gouvernement concernant l’implantation syndicale, la négociation collective et le dialogue social dans les très petites et petites entreprises, justifiant selon ce dernier l’adoption des mesures précitées. Le gouvernement indique en particulier que: i) les organisations syndicales ont, de fait, une présence très faible au sein des petites entreprises puisque seules 4 pour cent des entreprises de 11 à 50 salariés ont un délégué syndical pour négocier un accord; et ii) le dispositif du mandatement par une organisation syndicale représentative dans la branche n’a pas fait ses preuves; ainsi, en 2017, sur plus de 30 000 accords d’entreprise conclus, seuls 197 l’ont été avec un salarié mandaté. En particulier, dans les entreprises de moins de 11 salariés, seuls 31 accords ont été conclus par un salarié mandaté et le recours au mandatement concerne moins de 1 pour cent des entreprises qui engagent des négociations.
La commission note que le gouvernement manifeste à cet égard que: i) c’est pour tenir compte de la réalité de ces petites entreprises et afin qu’elles ne se voient pas exclues des possibilités offertes par les accords d’entreprise, que des modalités de négociation adaptées ont été prévues; ii) ces modalités ne contournent cependant pas les organisations syndicales, puisque l’article L2232-21 du Code du travail prévoit explicitement leur application en l’absence de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique; iii) l’absence de négociation préalable avec les organisations syndicales ne saurait ainsi constituer un contournement volontaire de celles-ci, dans la mesure où le dispositif en litige est conçu précisément dans une hypothèse où la négociation avec les organisations syndicales est impossible, dès lors que les personnes habilitées à négocier sont absentes; et iv) ces dispositions ont donc pour objet d’apporter des solutions pragmatiques pour permettre la conclusion d’accords même dans les très petites entreprises où le dialogue entre l’employeur et les travailleurs présente généralement un caractère informel.
La commission note également que le gouvernement ajoute que l’ordonnance de 2017 entoure les nouveaux mécanismes de négociation collective dans les très petites et petites entreprises d’un certain nombre de garanties afin d’assurer l’équilibre de la négociation ainsi que la protection du rôle des organisations syndicales en la matière. La commission note que le gouvernement indique à cet égard que: i) concernant les projets d’accords soumis directement aux salariés par l’employeur, le Code du travail établit un délai minimal de quinze jours entre le moment où l’employeur propose le projet et le moment où la consultation du personnel peut être organisée; ce délai de quinze jours a vocation à permettre aux salariés de prendre l’attache des organisations syndicales départementales et/ou de l’observatoire d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation de leur département afin qu’ils leur fournissent une information sur le déroulement et le contenu des accords qui leur sont proposés; ii) la forte majorité des deux tiers, à laquelle est soumise l’approbation du projet d’accord impose à l’employeur de dialoguer avec les salariés, ces derniers constituant bien une partie prenante de l’accord; et iii) concernant la négociation avec des représentants du personnel élus en l’absence de délégué syndical, le champ de cette négociation est plus restreint que celui ouvert à la négociation avec les organisations syndicales puisque ces accords ne peuvent que porter sur des dispositions de mise en œuvre de la loi ou lorsque la loi impose un accord.
La commission note enfin les éléments fournis par le gouvernement à propos de l’impact allégué de l’établissement des conseils d’entreprise sur le rôle des organisations syndicales en matière de négociation collective. La commission note que le gouvernement manifeste à cet égard que la considération selon laquelle les organisations syndicales seraient évincées de la négociation collective par les compétences reconnues en la matière au conseil d’entreprise est erronée dans la mesure où: i) la mise en place d’un conseil d’entreprise est subordonnée par le Code du travail à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de branche, par définition conclu par les organisations syndicales représentatives; et ii) les organisations syndicales représentatives au sein d’une entreprise sont représentées au sein du conseil d’entreprise de la même manière qu’elles le sont au sein du comité social et économique et prennent donc pleinement part aux négociations menées au sein de celui-ci.
La commission prend bonne note des éléments fournis par les centrales syndicales et le gouvernement concernant le contenu de l’ordonnance de 2017 en matière de négociation collective et sur les effets de cette réforme sur le rôle dévolu aux organisations syndicales. La commission prend particulièrement note des changements introduits aux modes de conclusion des accords d’entreprises dans les petites et très petites entreprises dépourvues de délégué syndical. La commission note à égard qu’en vertu de la législation française, la participation des organisations syndicales à la négociation et à la conclusion d’accords d’entreprise s’effectue soit par le biais du délégué syndical (travailleur désigné, selon les dispositions expresses du Code du travail, par une organisation syndicale représentative pour la représenter dans les entreprises d’au moins 50 salariés; un délégué syndical pouvant également être désigné par les syndicats parmi la représentation élue du personnel dans les entreprises comptant entre 11 et 50 salariés) soit par le biais d’un salarié mandaté (salarié de l’entreprise recevant, en l’absence de délégué syndical, le mandat d’une organisation syndicale représentative de mener en son nom la négociation d’un accord d’entreprise).
La commission note qu’avant la réforme de 2017, dans un contexte de faible implantation syndicale au sein des petites entreprises et de coexistence articulée dans l’ordonnancement juridique français d’une représentation élue du personnel et d’une représentation syndicale, la législation prévoyait déjà des possibilités de conclusion d’accords collectifs d’entreprise par des acteurs non syndicaux dans le cas de l’absence combinée de délégué syndical et de salarié mandaté. Il était alors possible aux représentants élus du personnel de conclure des accords collectifs dont le champ matériel était toutefois limité aux mesures dont la mise en œuvre était subordonnée par la loi à un accord collectif et dont le contenu, jusqu’à la loi du 8 août 2016, devait être soumis à l’approbation d’une commission paritaire de branche.
La commission relève que, tel qu’indiqué par le gouvernement et les centrales syndicales, l’ordonnance de 2017 a pour effet d’étendre les situations où un accord d’entreprise peut être conclu sans la signature d’une organisation syndicale dans la mesure où: i) le mandatement d’un salarié par une organisation syndicale n’est plus envisagé pour les entreprises de moins de onze salariés ; ii) dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical, et dans celles dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés et ne disposant pas de représentation élue du personnel,, un nouveau mode de conclusion d’accord direct entre l’employeur et ses salariés est établi; et iii) dans les entreprises occupant entre 11 et 49 salariés n’ayant pas de délégué syndical mais disposant à la fois de représentants élus du personnel et d’un salarié mandaté par une organisation syndicale, l’employeur peut dorénavant choisir son interlocuteur à la négociation (sachant que si la négociation se déroule avec un salarié mandaté par un syndicat mais non élu du personnel, l’accord devra être soumis à la consultation des salariés).
Concernant la détermination des acteurs de la négociation collective, la commission rappelle que l’article 4 de la convention se réfère, d’une part, aux employeurs et à leurs organisations et, d’autre part, aux organisations de travailleurs. Sur cette base, la commission considère que la négociation collective avec des représentants de travailleurs non syndiqués ne devrait être possible que s’il n’existe pas d’organisations syndicales au niveau concerné. La commission estime en effet à cet égard que la négociation directe entre l’entreprise et ses salariés visant à contourner les organisations suffisamment représentatives, lorsqu’elles existent, peut porter atteinte au principe de la promotion de la négociation collective inscrit dans la convention. (Voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 239.)
La commission prend à cet égard bonne note des indications du gouvernement, étayées par des statistiques, concernant la très faible présence syndicale dans les petites et très petites entreprises et de sa volonté de favoriser de manière pragmatique un véritable dialogue social au sein de celles-ci. La commission relève également les chiffres fournis par le gouvernement concernant la mise en œuvre dans la pratique des nouvelles modalités d’accords collectifs dans les petites et très petites entreprises et selon lesquels en 2018, sans compter les instruments relatifs à l’épargne salariale: i) 1 443 accords ont été déposés par des entreprises de moins de 11 salariés dont 75 pour cent ont fait l’objet d’une ratification aux deux tiers; et ii) 850 accords ont été déposés par des entreprises de 11 à 20 salariés, dont 34 pour cent ont fait l’objet d’une ratification aux deux tiers.
Dans le même temps, la commission relève de nouveau qu’en vertu de la législation en vigueur consécutive aux réformes de 2017: i) la désignation d’un délégué syndical par une organisation représentative est expressément prévue, d’une part, dans les entreprises d’au moins 50 salariés (art. L2143-3 du Code du travail) et, d’autre part, dans les entreprises de 11 à 49 salariés dans lesquelles un représentant élu du personnel peut également être nommé délégué syndical (art. L 2143-6); et ii) le mandatement d’un salarié par une organisation syndicale représentative est prévu pour les entreprises de plus de onze salariés sans délégué syndical (arts. L2232-23-1 et L2232-24 et ss. du Code du travail), tout en relevant de nouveau que dans les entreprises comptant entre onze et 20 salariés et ne disposant ni de délégué syndical ni de représentant élu, l’employeur peut directement soumettre un texte au vote des salariés pour approbation (article L2232-23 du Code du travail.)
Rappelant qu’il résulte des termes de la convention que la négociation collective ne devrait avoir lieu avec des représentants non syndicaux qu’en l’absence d’organisation syndicale au niveau considéré, la commission prie le gouvernement de: i) préciser les modalités existantes permettant à des travailleurs d’entreprises de moins de onze salariés d’une part et de onze à 20 salariés dépourvues de représentants élus du personnel d’autre part, de procéder, s’ils le souhaitent, à la négociation et conclusion d’accords régulant leurs conditions de travail et d’emploi par le biais d’une organisation syndicale les représentant (dans le cas où ces modalités seraient envisagées par des conventions collectives de branche, il est prié d’indiquer les conventions prévoyant de telles possibilités); et ii) préciser les mesures prises pour promouvoir la négociation collective au sens de la convention dans les petites entreprises.
La commission relève également, tel que souligné par la CGT-FO et la CFE-CGC, que l’ordonnance de 2017 étend le champ des sujets pouvant donner lieu à un accord non signé par une organisation syndicale dans la mesure où, dans les entreprises de moins de 50 salariés, de tels accords peuvent dorénavant porter sur tous les sujets ouverts à la négociation collective. La commission constate à cet égard que, en vertu de l’ordonnance de 2017, à l’exception d’un nombre de thèmes précisément définis par la loi, le contenu des accords d’entreprises prévaut dorénavant sur celui des accords de niveau supérieur (art. L2253-3 du Code du travail). La commission observe que, dans ces conditions, les accords d’entreprises non signés par une organisation syndicale, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés et y compris ceux procédant d’une proposition de l’employeur soumise au vote des salariés, sont en mesure de mettre à l’écart, sur un nombre significatif de thèmes ouverts à la négociation collective, les clauses plus favorables aux salariés établies dans des conventions de branche négociées et signées par des organisations syndicales représentatives. Concernant la mise en œuvre dans la pratique de ces possibilités de dérogation, la commission note: i) d’une part, les préoccupations exprimées par la CFE-CGC sur l’absence de garanties suffisantes pour assurer l’équilibre du contenu des accords conclus dans les entreprises de moins de 20 salariés sur la base d’un vote des salariés; et ii) d’autre part, la réponse correspondante du gouvernement portant en particulier sur les accords de performance collective-APC- (types d’accords collectifs établis par l’ordonnance de 2017 qui permettent d’aménager la durée de travail, la rémunération ou la mobilité des salariés dans le but de préserver ou développer l’emploi ou de répondre aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise) et soulignant que sur les 297 APC établis jusqu’à fin décembre 2019, seulement 21 avaient été conclus par une consultation des salariés. La commission relève également dans le même temps que, dans son rapport intermédiaire de juillet 2020, le Comité d’évaluation de la mise en œuvre des ordonnances relatives au dialogue social et aux relations de travail établi par le Ministère du Travail s’interroge sur la capacité des APC d’aboutir à des compromis équilibrés ainsi que sur l’utilisation des modalités de négociation au niveau de l’entreprise dans le contexte de la crise économique générée par la pandémie de COVID 19.
Soulignant que la mise à l’écart des clauses protectrices de conventions collectives négociées par des organisations syndicales représentatives par le biais d’accords conclus par des acteurs non syndicaux n’est pas conforme à l’obligation de promotion de la négociation collective consacrée par l’article 4 de la convention, la commission prie le gouvernement de: i) fournir des informations sur la fréquence et l’ampleur dans la pratique des dérogations à des conventions collectives de niveau supérieur effectuées par des accords d’entreprises signés par des représentants du personnel élus ou adoptés suite à un vote direct du personnel; et ii) prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser la faculté de dérogation des accords de niveau supérieur dont jouissent les accords conclus par des acteurs non syndicaux. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
La commission note finalement les indications supplémentaires du gouvernement concernant l’adoption de lois récentes et indiquant que: i) la loi travail du 8 août 2016 favorise la culture du dialogue et de la négociation en encourageant la négociation d’accords de méthode qui précisent les étapes de la négociation à venir, les informations à partager et peut prévoir des moyens supplémentaires spécifiques; ii) une marge accrue est reconnue aux partenaires sociaux concernant la fixation de la durée des conventions collectives; et iii) la loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 et la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ont établis de nouveaux thèmes de négociation obligatoire en matière conciliation entre vie professionnelle et personnelle des salariés proches aidants et de mobilité entre le lieu de résidence et le lieu de travail. La commission salue ces innovations qui ont pour effet de renforcer les mécanismes de négociation collective et d’étendre leur champ d’application matériel.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète au présent commentaire en 2021.]
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