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Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019, des observations conjointes de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) reçues le 1er septembre 2019, des observations de la Confédération générale du travail (CGT) reçues le 5 septembre 2019 et des observations conjointes de la CSI, de la Confédération syndicale des Amériques (CSA), de la CUT et de la CTC reçues le 1er septembre 2017. La commission note que ces observations portent sur des questions qu’elle traite dans la présente observation ainsi que sur des allégations de violation de la convention dans la pratique. La commission prend note des réponses du gouvernement à cet égard. La commission prend également note des observations conjointes de l’Association colombienne des aviateurs civils (ACDAC), de la CSI et de la CTC reçues le 22 mars 2019 et de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission prend additionnellement note des observations de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT) et de ses organisations affiliées, l’ACDAC, l’Association colombienne des auxiliaires de vol (ACAV) et le Syndicat des travailleurs du transport aérien colombien (SINTRATAC), reçues le 4 septembre 2019 et qui concernent, d’une part, des questions faisant l’objet du cas no 3316 devant le Comité de la liberté syndicale et, d’autre part, des questions examinées dans le présent commentaire.
La commission prend enfin note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de l’Association nationale des employeurs de Colombie (ANDI) reçues le 30 août 2019, qui portent sur des questions traitées dans la présente observation.
Droits syndicaux et libertés publiques. La commission rappelle que, comme le Comité de la liberté syndicale, elle examine depuis de nombreuses années des allégations de violence à l’encontre de syndicalistes et d’impunité à cet égard. La commission note avec une profonde préoccupation que la CSI, la CUT, la CTC et la CGT dénoncent la persistance d’un très grand nombre d’homicides et d’autres actes de violence antisyndicale dans le pays. A ce sujet, la commission note que la CSI dénonce: i) 194 actes de violence antisyndicale qui ont été commis en 2018, dont 82 pour cent des victimes étaient des dirigeants syndicaux; et ii) l’assassinat de 34 dirigeants syndicaux et membres syndicaux en 2018, et fournit des éléments sur les circonstances de chacun de ces crimes.
La commission note aussi que la CUT et la CTC affirment ce qui suit: i) 907 actes de violence antisyndicale ont été enregistrés entre 2016 et août 2019, dont 101 homicides; ii) le nombre d’homicides en 2017 (31) et 2018 (37) a augmenté par rapport à 2016 (20); iii) les syndicats paysans, du secteur de l’éducation et des secteurs des exploitations minières et de l’énergie sont les plus touchés par la violence antisyndicale; iv) comme d’autres formes d’organisation citoyenne, les syndicats sont considérés par les groupes criminels comme un obstacle à la cooptation des ressources publiques et à l’exploitation illégale des territoires inoccupés à la suite du processus de paix; v) la stigmatisation de l’activité syndicale, notamment dans le secteur de l’éducation, le soutien du syndicalisme au processus de paix, ainsi que la politique antisyndicale dans le secteur privé sont d’autres facteurs de la situation persistante de violence antisyndicale; vi) bien que la violence antisyndicale ait diminué par rapport aux décennies précédentes, elle se concentre de plus en plus sur les dirigeants syndicaux, dans le but de démanteler les organisations dont ils sont responsables; vii) les membres du mouvement syndical qui ont été assassinés ne bénéficiaient pas de mesures de protection, et la réduction de ces mesures ces dernières années est donc préoccupante; viii) une approche collective de l’octroi de mesures de protection serait opportune pour éviter que ces mesures dépendent uniquement de plaintes individuelles qui ne sont pas toujours présentées; et ix) selon les données fournies par le ministère public (Fiscalía General de la Nación), sur 88 cas d’homicides de membres du mouvement syndical dont le Bureau a pris connaissance entre 2015 et mai 2019, seuls 14 ont fait l’objet d’un jugement. La commission note également que la CGT ajoute ce qui suit: i) au cours des trois dernières années, la Colombie a connu une augmentation disproportionnée des assassinats de dirigeants sociaux; ii) les mesures de protection des membres du mouvement syndical restent insuffisantes et ont tendance à empirer ces dernières années; iii) même si, depuis cinq ans, la capacité du ministère public (Fiscalía General de la Nación) à enquêter sur les crimes de syndicalistes a été renforcée, il y a eu peu de progrès: 87 pour cent des homicides et plus de 99 pour cent des menaces contre des syndicalistes n’ont pas été éclaircis.
La commission note que, pour sa part, l’ANDI souligne les efforts importants des institutions publiques, tant pour protéger des membres du mouvement syndical que pour lutter contre l’impunité, ainsi que les résultats importants qui ont été obtenus.
La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur le phénomène de la violence antisyndicale et les mesures institutionnelles prises pour y faire face. La commission note que, selon le gouvernement, malgré une baisse de 36 pour cent du nombre total d’homicides entre 2014 et 2018, la Colombie reste confrontée à de graves problèmes de sécurité, notamment en raison de la complexité et de la mutation des groupes criminels liés aux secteurs économiques illégaux. Le gouvernement affirme que ces groupes menacent avec une intensité particulière les individus et les communautés qui construisent le capital social, notamment les dirigeants sociaux et les défenseurs de droits. La commission note que le gouvernement indique que, dans le cadre général du Plan national de développement 2018-2022, l’Etat mène une politique ample et intense pour relever ces défis, en particulier pour protéger les membres du mouvement syndical et combattre l’impunité.
En ce qui concerne la protection des membres du mouvement syndical en situation de risque, la commission prend note de l’indication suivante du gouvernement: i) le décret no 2137 de 2018 porte création de la Commission intersectorielle pour l’élaboration du Plan d’action de prévention et de protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants sociaux et communautaires et des journalistes; ii) la commission intersectorielle a pour objet de guider et de coordonner les différents programmes de protection et les ressources des entités gouvernementales impliquées dans la prévention et la protection des droits et de la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants sociaux et communautaires et des journalistes; iii) le Système national de réaction immédiate pour la promotion de la stabilité (SIRIE) a été créé par l’intermédiaire du Commandement général des forces militaires afin de surveiller les facteurs d’instabilité de la sécurité régionale et d’adopter, entre autres, des mesures pour protéger les dirigeants syndicaux, les dirigeants sociaux et les défenseurs des droits de l’homme; iv) la Police nationale a créé un corps d’élite ayant une approche multidimensionnelle pour démanteler les organisations criminelles qui s’attaquent aux défenseurs des droits de l’homme, et aux mouvements sociaux et politiques; v) en 2018, on a effectué 399 évaluations des risques auxquels sont exposés des membres du mouvement syndical, évaluations qui ont permis d’identifier 232 cas de risques exceptionnelles et 163 de risques ordinaires; vi) l’Unité nationale de protection (UNP) protège actuellement 357 dirigeants et militants syndicaux et, à ce jour, 13 411 370 181 pesos colombiens ont été assignés à cette protection (environ 46 millions de dollars E.-U.); et vii) l’UNP progresse dans les études du niveau de risque collectif des syndicats affiliés à la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE) et au Syndicat national des travailleurs agricoles (SINTRAINAGRO).
En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, la commission note que le gouvernement indique ce qui suit: i) les enquêtes sur les délits commis à l’encontre de syndicalistes ont été incluses dans le Plan stratégique 2016-2020 du ministère public (Fiscalía General de la Nación); ii) en août 2016, une commission d’élite a été créée pour promouvoir le suivi des délits commis à l’encontre de syndicalistes; elle est dirigée directement par la vice-procureure; iii) la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme, à laquelle participent les centrales syndicales, l’ANDI et toutes les institutions publiques concernées, continue de permettre un échange d’informations et de vues sur la lutte contre l’impunité en ce qui concerne la violence antisyndicale; iv) depuis 2001, 800 condamnations ont été prononcées pour homicide de membres du mouvement syndical; v) pour la période 2011-juin 2019, le ministère public (Fiscalía General de la Nación) fait état de 205 homicides de syndicalistes, dont l’élucidation a progressé de 44,39 pour cent (en prenant en compte les cas dans lesquels un auteur présumé a été identifié et un mandat d’arrêt délivré, ainsi que les cas dans lesquels une peine a été prononcée); le ministère public fait aussi état de 151 personnes qui ont été privées de liberté au motif de ces homicides; vi) le taux d’élucidation est supérieur au taux moyen d’élucidation des homicides intentionnels en général (28,4 pour cent ); vii) entre le 1er janvier 2018 et septembre 2019, 28 enquêtes ont été ouvertes sur des homicides de membres du mouvement syndical, avec un taux d’élucidation de 48 pour cent, et trois cas ont abouti à des condamnations.
La commission prend note également des informations fournies par le gouvernement concernant les enquêtes menées sur 23 des 34 homicides commis en 2018 que la CSI avait dénoncés. Le gouvernement indique que sept de ces cas d’homicide ont donné lieu à des arrestations et, dans deux autres cas, des suspects ont été identifiés. Soulignant la gravité des faits dénoncés, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’état d’avancement des enquêtes et sur l’action des pouvoirs publics en ce qui concerne les 34 homicides en 2018 dénoncés par la CSI.
La commission reconnaît une fois de plus les efforts importants des pouvoirs publics, tant pour protéger les membres du mouvement syndical en situation de risque que pour éclaircir et sanctionner les actes de violence antisyndicale. La commission se félicite en particulier de l’engagement actif des différents organes compétents de l’Etat, des initiatives prises pour accroître l’efficacité de l’action de l’Etat grâce à la coordination interinstitutionnelle, ainsi que de la consultation des partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle des droits de l’homme. La commission prend dûment note des 800 condamnations prononcées depuis 2001 pour des homicides dont ont été victimes des membres de mouvements syndicaux.
Toutefois, la commission exprime sa profonde préoccupation face à la persistance de nombreux actes de violence antisyndicale dans le pays et, dans une situation d’un nombre croissant d’atteintes contre les dirigeants sociaux en général, par la recrudescence des homicides de membres du mouvement syndical en 2017 et 2018, et par la concentration accrue d’actes qui visent les dirigeants syndicaux, actes que les organisations syndicales ont signalés. Consciente de la complexité des difficultés auxquelles sont confrontés les organes chargés des enquêtes pénales, la commission note l’absence de données sur le nombre de condamnations prononcés contre les auteurs intellectuels des actes de violence antisyndicale. A ce sujet, la commission souligne qu’il est essentiel d’identifier et de condamner les auteurs intellectuels de ces crimes pour mettre un terme au cycle qui perpétue la violence antisyndicale. Compte tenu de l’ampleur des difficultés présentées et reconnaissant les mesures importantes prises par les pouvoirs publics, la commission prie instamment le gouvernement de continuer à redoubler d’efforts pour assurer une protection adéquate à l’ensemble des dirigeants syndicaux et syndicalistes en situation de risque, ainsi qu’à leurs organisations, pour que tous les actes de violence, homicides et autres signalés dans le pays soient éclaircis et pour que leurs auteurs matériels et intellectuels soient condamnés. Se référant aux recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale lors de son dernier examen du cas no 2761 (389e rapport du comité, juin 2019), ainsi que dans le cadre du suivi du cas no 1787 (383e rapport du comité, octobre 2017), la commission exprime l’espoir que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires consacrées afin que les enquêtes et les procédures pénales permettent d’identifier et de punir plus efficacement les auteurs intellectuels des actes de violence antisyndicale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à ce sujet.
Mesures de réparation collective en faveur du mouvement syndical. Dans son précédent commentaire, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur la mise en œuvre des mesures collectives de réparation qui avaient été envisagées en faveur du mouvement syndical touché par la violence. La commission note avec intérêt qu’en application du décret no 624 de 2016, le 23 octobre 2019, en présence du président de la République, le Bureau permanent de concertation avec les centrales syndicales CUT, CTC, CGT et FECODE a été institué en vue de l’octroi d’une réparation collective au mouvement syndical et que, le 30 octobre 2019, les travaux du Bureau permanent ont débuté dans le cadre de l’Unité chargée de la prise en charge et de la réparation intégrale des victimes. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les travaux du bureau permanent et sur la mise en œuvre pratique de mesures collectives de réparation en faveur du mouvement syndical touché par la violence.
Article 200 du Code pénal. La commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur l’application de l’article 200 du Code pénal, qui prévoit des sanctions pénales pour une série d’actes contraires à la liberté syndicale et à la négociation collective. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: i) la loi no 1826 du 12 janvier 2017 prévoit une procédure pénale spécifique accélérée qui s’applique aux infractions définies à l’article 200 du Code pénal; ii) grâce au plan de travail conjoint établi depuis août 2016 par le ministère public (Fiscalía General de la Nación) et le ministère du Travail, 86 pour cent des 2 530 cas de violation supposée de l’article 200 ont été examinés, et seulement 14 pour cent des cas en sont encore au stade de l’enquête; iii) 143 cas (7 pour cent du total) ont été réglés, dont 81 depuis août 2016.
La commission note également que la CUT, la CCT et la CGT affirment qu’une impunité totale prévaut puisque, malgré le fait que plus de 2 500 plaintes ont été enregistrées, les violations de l’article 200 du Code pénal n’ont jamais abouti à des condamnations. La commission note que, dans sa réponse aux observations susmentionnées, le gouvernement indique que 10 cas en sont actuellement au stade du procès, ce qui est un événement historique pour ce type de cas. Tout en prenant dûment note du plan de travail conjoint du ministère public (Fiscalía General de la Nación) et du ministère du Travail, et se félicitant de l’augmentation du nombre de cas résolus par la conciliation, la commission considère que les autorités concernées doivent examiner le fait qu’il n’y a pas eu de condamnations pour violation de la liberté syndicale, en dépit du nombre très élevé de plaintes qui ont été déposées depuis 2011. La commission prie le gouvernement de procéder, avec le ministère public (Fiscalía General de la Nación) et les partenaires sociaux, à l’évaluation de l’efficacité de l’article 200 du Code pénal, et d’indiquer les résultats obtenus et les mesures éventuellement prises en conséquence.
Articles 2 et 10 de la convention. Contrats syndicaux. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de communiquer ses observations au sujet des allégations de la CUT et le CTC concernant l’impact du contrat syndical sur l’application de la convention. Le contrat syndical est une disposition contractuelle prévue dans la législation colombienne en vertu de laquelle un ou plusieurs syndicats de travailleurs s’engagent à fournir des services ou à effectuer des travaux, par l’intermédiaire de leurs membres, pour une entreprise ou un syndicat d’employeurs, ou pour plusieurs entreprises ou syndicats d’employeurs. La commission note que, depuis son dernier commentaire, le Comité de la liberté syndicale a examiné une plainte de la CUT dans laquelle cette centrale syndicale affirme que le contrat syndical nuit à la finalité et à l’autonomie des organisations syndicales, au droit des travailleurs de s’affilier librement à une organisation ainsi qu’à la négociation collective libre et volontaire (cas no 3137, 387e rapport, octobre 2018).
La commission note que, selon le gouvernement, le contrat syndical est une figure juridique reconnue par la législation qui a pour objet de permettre aux syndicats de participer à la gestion des entreprises, à la promotion du travail collectif et à la création d’emplois, que les hautes juridictions du pays ont examiné de près cette figure juridique et en ont confirmé la validité, et qu’il y a eu des cas dans lesquels les contrats syndicaux ont permis de redresser des entreprises qui étaient sur le point de fermer. La commission note que le gouvernement souligne expressément ce qui suit: i) la législation (en particulier le Code substantif du travail et le décret no 036 de 2016) prévoit une série de conditions pour éviter l’utilisation abusive de cette figure contractuelle, en particulier la nécessité que le syndicat qui est partie à un contrat syndical ait été constitué au moins six mois avant la signature du contrat syndical et qu’il ait déjà disposé, avant la signature du contrat, d’affiliés dans l’entreprise en question; ii) le contrat syndical doit être approuvé par l’assemblée générale du syndicat, qui adopte également le règlement définissant les conditions d’exécution des tâches prévues dans le contrat et les prestations correspondantes pour les travailleurs; iii) le syndicat est responsable de l’exécution des obligations directes découlant du contrat, y compris celles prévues en faveur des membres qui exécutent les tâches prévues; iv) selon la Cour constitutionnelle, il n’y a pas de relation employeur-travailleur en tant que telle entre le syndicat et ses membres qui exécutent les tâches prévues dans le contrat syndical, ce qui compromettrait gravement le droit de syndicalisation; v) la résolution ministérielle no 2021, qui a été adoptée le 9 mai 2018, vise à empêcher le recours abusif aux contrats syndicaux quand ils sont utilisés comme des mécanismes d’intermédiation illégale; et vi) à la suite des importantes activités de contrôle déployées par l’inspection du travail et, en particulier par l’Unité des enquêtes spéciales du ministère du Travail le nombre de contrats syndicaux enregistrés diminue sensiblement, et les contrats enregistrés entre 2014 et 2018 se concentrent presque exclusivement dans le secteur de la santé (98,2 pour cent dans le secteur privé et 99,55 pour cent dans le secteur public). La commission note également que l’ANDI a une position similaire à celle du gouvernement, et souligne en particulier qu’il faut respecter l’autonomie des organisations syndicales pour conclure des contrats syndicaux, comme le fait par exemple la centrale syndicale CGT.
La commission note que, pour leur part, la CUT et la CTC répètent leurs observations antérieures selon lesquelles le contrat syndical constitue un outil pour perpétuer et étendre l’intermédiation illégale du travail, et pour dénaturer l’activité syndicale en créant de fausses organisations syndicales, et affirment ce qui suit: i) le contrat syndical permet de dissimuler de véritables relations de travail dépendant; ii) les travailleurs liés par un contrat syndical n’ont pas, dans la pratique, la possibilité de s’affilier à un syndicat autre que celui pour lequel ils fournissent leurs services, et ne peuvent pas négocier collectivement puisqu’ils n’ont pas de contrat de travail; iii) malgré ce que le gouvernement indique, les activités de l’inspection du travail ne sont pas axées sur les contrats syndicaux; iv) on n’a pas connaissance de sanctions imposées au motif du recours abusif au contrat syndical; v) le phénomène continue de s’accroître dans le secteur de la santé où le contrat syndical permet de maintenir, au moyen de faux syndicats, des activités d’intermédiation illégale du travail qui étaient autrefois effectuées par des coopératives de travail associé; et vi) l’élimination du contrat syndical est nécessaire pour mettre un terme à ses effets néfastes qui sont décrits ci-dessus.
La commission note que la CGT indique à cet égard ce qui suit: i) même si le contrat syndical est une figure juridique valide, la gestion de ces contrats est complexe et exige des syndicats forts; et ii) dans la pratique, un nombre important de coopératives de travail associé se sont constitués en faux syndicats pour signer des contrats syndicaux et continuer à exercer des activités illégales d’intermédiation du travail, notamment dans le secteur de la santé. A cet égard, la Commission note que, dans ses commentaires sur les observations des centrales syndicales, le gouvernement déclare que i) selon la base de données du groupe des archives syndicales du ministère du Travail, 15 des 17 organisations syndicales du secteur de la santé considérées comme de faux syndicats par la CGT ont été enregistrées auprès du ministère du Travail entre juin et août 2011 et ont un statut valide, tandis que deux autres ne sont pas enregistrées dans la base de données et ii) selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le ministère du Travail n’est pas compétent pour contrôler la légalité des statuts des syndicats, et par conséquent les statuts des organisations syndicales mentionnées seront considérés comme valides jusqu’à décision contraire du tribunal.
La commission constate qu’il ressort des éléments indiqués ci-dessus que le contrat syndical constitue une figure très singulière qui diffère des clauses dites de sécurité syndicale en ce que l’organisation syndicale ne se borne pas à s’assurer que tous les travailleurs au service d’une entreprise sont ses membres: elle est aussi directement responsable, au moyen de ses membres, d’une activité productive pour une entreprise. La commission note que, dans ce contexte, le syndicat est chargé d’organiser le travail de ses membres et de leur accorder les prestations correspondant au travail effectué. A ce sujet, la commission est de l’avis que l’exercice par un syndicat de travailleurs d’un pouvoir de gestion et de décision sur l’emploi de ses affiliés est susceptible de générer un conflit d’intérêts avec sa fonction de défense de leurs intérêts professionnels.
D’un point de vue pratique, la commission constate que le gouvernement et les trois centrales syndicales nationales s’accordent à reconnaître que plus de 98 pour cent des contrats syndicaux se concentrent dans le secteur de la santé. La commission note avec préoccupation que les centrales syndicales déclarent que des coopératives de travail associé, auparavant responsables d’activités illicites d’intermédiation du travail, auraient pris la forme de faux syndicats afin de poursuivre lesdites activités au moyen de contrats syndicaux. Compte tenu de ce qui précède, tout en notant que, dans les recommandations qu’il a formulées dans le cas no 3137, le Comité de la liberté syndicale a demandé des précisions sur le fonctionnement du contrat syndical, la commission souligne que l’attribution à un syndicat de travailleurs d’une capacité de gestion et de décision sur l’emploi de ses membres peut mettre en péril la capacité du syndicat à assumer en même temps la responsabilité propre aux organisations syndicales, qui est d’appuyer et de défendre de façon indépendante les revendications de ses membres en ce qui concerne l’emploi et les conditions de travail. La commission prie le gouvernement: i) de contrôler de près l’utilisation du contrat syndical, en particulier dans le secteur de la santé; et ii) après avoir communiqué les résultats de ces contrôles avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures nécessaires, législatives le cas échéant, pour garantir que la figure du contrat syndical ne porte pas atteinte aux droits syndicaux des travailleurs et ne soit pas utilisée à des fins incompatibles avec l’article 10 de la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer toutes les informations nécessaires à ce sujet.
Article 4. Annulation par voie judiciaire de l’enregistrement d’un syndicat. La commission prend note des observations de la CUT et de la CCT concernant le paragraphe 2 de l’article 380 du Code du travail (CST), qui prévoit une procédure judiciaire accélérée pour l’annulation de l’enregistrement de syndicats. Citant neuf cas spécifiques, ces centrales syndicales affirment ce qui suit: i) cette procédure brève et sommaire ne fournit que des garanties minimales pour le syndicat et ses membres; et ii) certaines entreprises utiliseraient plus fréquemment cette procédure pour violer et fragiliser la liberté syndicale, raison pour laquelle cette procédure devrait être abrogée. La commission note que le gouvernement, dans sa réponse aux observations susmentionnées, indique que le mécanisme d’annulation par voie judiciaire de l’enregistrement d’un syndicat a pour but de protéger la liberté du travail. Rappelant que l’annulation par voie judiciaire de l’enregistrement d’un syndicat constitue une forme extrême d’intervention des autorités dans les activités des organisations, et qu’il est important que ces mesures s’accompagnent de toutes les garanties nécessaires que seule une procédure judiciaire normale peut assurer, la commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur les allégations des organisations syndicales selon lesquelles la procédure accélérée de l’article 380 du CST ne fournirait pas les garanties de procédure suffisantes.
Articles 3 et 6. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. Questions législatives. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle souligne la nécessité de prendre des mesures pour modifier la législation en ce qui concerne: i) l’interdiction pour les fédérations et les confédérations d’appeler à la grève (art. 417, alinéa i), du CST) et l’interdiction de la grève dans toute une série d’activités qui ne sont pas nécessairement des services essentiels au sens strict du terme (art. 430, alinéas b), d), f) et h); art. 450, paragr. 1, alinéa a), du CST; loi fiscale no 633/00; et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967); et ii) la possibilité de licencier des travailleurs qui ont participé ou sont intervenus dans une grève illégale (art. 450, paragr. 2, du CST), y compris lorsque l’illégalité résulte de prescriptions contraires aux dispositions de la convention. La commission rappelle également que, dans son dernier commentaire, elle avait pris note avec intérêt de l’arrêt C 796/2014 de la Cour constitutionnelle dans lequel la cour exhorte le pouvoir législatif à réglementer dans un délai de deux ans l’exercice du droit de grève dans le secteur des hydrocarbures, en identifiant dans quel contexte l’interruption du travail dans ce secteur conduit à mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population, ainsi que les situations où cela n’est pas le cas. La commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour donner effet à l’arrêt susmentionné.
En ce qui concerne l’article 417 du CST, qui interdit aux fédérations et confédérations d’appeler à la grève, la commission note que le gouvernement et l’ANDI réaffirment que la Cour constitutionnelle s’est déjà prononcée sur la validité de cette disposition, et a considéré que les syndicats ont, entre autres fonctions, celle de déclarer la grève et qu’il incomberait aux fédérations et confédérations de remplir des fonctions consultatives pour leurs organisations affiliées. Prenant note, par ailleurs, des critiques persistantes exprimées par les centrales syndicales nationales et internationales quant à l’interdiction établie par l’article 417 du CST, la commission rappelle à nouveau que, en vertu de l’article 6 de la convention, les garanties des articles 2, 3 et 4 s’appliquent pleinement aux fédérations et aux confédérations, lesquelles doivent donc pouvoir formuler librement leur programme d’action. La commission souligne en outre que, en vertu du principe d’autonomie syndicale énoncé à l’article 3 de la convention, il n’appartient pas à l’Etat de déterminer les rôles respectifs des syndicats de base et des fédérations et confédérations auxquelles ils appartiennent. Compte tenu de ce qui précède et sur la base des articles 3 et 6 de la convention, la commission invite à nouveau le gouvernement à prendre dès que possible les mesures nécessaires pour supprimer l’interdiction du droit de grève des fédérations et confédérations prévue à l’article 417 du CST. La commission prie le gouvernement d’indiquer tout progrès réalisé à cet égard.
En ce qui concerne l’interdiction de la grève dans un très large éventail de services qui ne sont pas nécessairement essentiels au sens strict du terme et qui comprennent, entre autres, les services de transport et le secteur pétrolier, la commission note que le gouvernement fait état de la présentation, le 20 juillet 2018, du projet de loi no 10 2018 à la Chambre des représentants. Le gouvernement déclare que le projet de loi a pour objet de modifier l’article 430 du CST en vue de délimiter les restrictions à l’exercice du droit de grève dans certains secteurs, dont celui des hydrocarbures, à condition qu’un service minimum puisse être garanti.
La commission note que l’ANDI, ayant exprimé l’opinion que le droit de grève n’est pas couvert par la convention, déclare que la législation colombienne sur les grèves dans les services essentiels est pleinement satisfaisante.
La commission note par ailleurs que les centrales syndicales nationales affirment ce qui suit: i) le gouvernement n’a pris aucune initiative pour donner suite aux observations de la commission sur la grève dans les services essentiels et, à l’initiative du gouvernement et des employeurs, le projet de loi no 10 2018 a été retiré du processus législatif sans débat officiel; ii) la CUT et la CTC ont présenté un nouveau projet de loi (071/2019) qui vise à harmoniser la réglementation du droit de grève avec les conventions de l’OIT; iii) dans 60 pour cent des cas, les quelques grèves engagées par les travailleurs et leurs organisations sont déclarées illégales par les tribunaux, avec des conséquences contraires aux conventions de l’OIT (licenciement, démantèlement du syndicat, responsabilité patrimoniale ou pénale des dirigeants syndicaux) comme en témoignent les cas de plusieurs grèves menées dans des entreprises privées. A ce sujet, la commission note que la CSI et les centrales syndicales nationales dénoncent en particulier la déclaration d’illégalité, par un arrêt du 29 novembre 2017 de la chambre du travail de la Cour suprême, d’une grève de pilotes d’une compagnie aérienne qui a débouché sur le licenciement de 110 pilotes et la demande de dissolution de l’organisation syndicale ACDAC. Ces questions font l’objet du cas no 3316 du Comité de la liberté syndicale.
En ce qui concerne l’arrêt précité de la chambre du travail de la Cour suprême, la commission note que la chambre du travail «a considéré d’une importance capitale l’orientation émanant des organes de contrôle de l’OIT, à savoir que, quoi qu’il en soit, le droit de grève ne devrait pas être interdit absolument dans le transport aérien» et «[…] La chambre a indiqué à nouveau au Congrès de la République la nécessité d’actualiser la réglementation relative au droit de grève dans les services essentiels.» A ce sujet, la commission rappelle que: i) elle estime que seuls peuvent être considérés essentiels – aux fins de la restriction ou de l’interdiction du droit de grève – les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; et ii) bien que la notion de services essentiels ne soit pas absolue, la commission a considéré que des secteurs comme celui des hydrocarbures et des transports publics ne sont pas des services essentiels au sens strict mais des services publics d’une importance primordiale qui peuvent exiger le maintien d’un service minimum. Notant que, d’une part, aucun progrès n’a été accompli dans les réformes législatives demandées par la commission au sujet des grèves dans les services essentiels, mais que, d’autre part, la Cour constitutionnelle, au sujet du secteur des hydrocarbures, et la Cour suprême, à propos des services définis comme essentiels dans la législation, demandent que la législation soit révisée afin de mieux déterminer les restrictions imposées à l’exercice du droit de grève, la commission s’attend fermement à ce que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour réviser dès que possible les dispositions législatives susmentionnées dans le sens qu’elle a indiqué précédemment dans ses commentaires. La commission prie le gouvernement de donner des informations sur toute avancée à cet égard et lui rappelle qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau.
Enfin, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, à la suite d’une réunion tenue le 1er août 2019, il a été décidé de concentrer les travaux de la sous-commission des affaires internationales de la Commission permanente de concertation sur les politiques salariales et du travail sur l’examen des observations formulées par la commission, notamment celles relatives à la convention. La commission exprime l’espoir que les travaux de la sous-commission permettront d’accélérer l’adoption des diverses mesures demandées par la commission pour donner pleinement effet à la convention. La commission rappelle que le gouvernement peut demander l’assistance technique du Bureau à cette fin.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète au présent commentaire en 2020.]
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