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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Pérou (Ratification: 1960)

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La commission prend note des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues par le Bureau le 2 septembre 2018, relatives à l’application de la convention en droit et dans la pratique, et qui comportent des allégations de limitation de l’octroi de licences syndicales dans le secteur de l’éducation. La commission prie le gouvernement de formuler ses commentaires à ce sujet.
La commission avait demandé précédemment au gouvernement de communiquer ses commentaires au sujet des allégations de violations dans des entreprises et institutions du secteur public citées nommément dans les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) en 2017. La commission prie à nouveau le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce propos.
Article 2 de la convention. Droit de tous les travailleurs, sans aucune distinction, de constituer des organisations et de s’y affilier. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de revoir le contenu de la loi no 28518, son règlement correspondant et la loi générale sur l’enseignement de telle manière que soit reconnue de manière explicite la liberté syndicale pour les travailleurs relevant de dispositifs de formation. A cet égard, la commission prend note des observations de la CATP qui dénoncent une utilisation abusive par les employeurs des dispositifs de formation qui se mueraient en une forme de dissimulation d’une relation de travail et d’une rémunération inférieure au salaire minimum. Par ailleurs, la commission note que, s’agissant de la loi no 28518, le gouvernement indique que: i) bien que les dispositifs de formation comportent un élément de travail, leur finalité n’est pas la production de biens ou de services, mais bien l’acquisition de compétences et de capacités par les bénéficiaires afin de favoriser leur employabilité et leur productivité, raison pour laquelle ils ne peuvent être qualifiés de travailleurs et se retrouveraient exclus de la protection de l’article 2 de la convention; ii) il œuvre actuellement à l’adoption de la loi sur les pratiques préprofessionnelles et professionnelles propre au secteur public et il procède à une révision du contenu de la loi no 28518 afin de proposer sa modification et d’y inclure les commentaires de la présente commission; iii) si la loi no 28518 exclut les dispositions de formation au travail de la couverture de la législation du travail en vigueur, ce droit est reconnu globalement par l’ordre juridique péruvien dans la mesure où la Constitution reconnaît de manière générale les droits de se syndiquer, de négocier collectivement et de faire grève et confère aussi aux conventions internationales ratifiées une valeur constitutionnelle; iv) l’Autorité administrative du travail interprète et reconnaît le droit à la liberté syndicale d’une manière large et sans se fonder sur l’existence d’un lien de travail avec l’employeur; à ce propos, la base de données du Registre syndical mentionne des organisations de travailleurs autonomes et indépendants, et vi) dans la pratique, l’Autorité administrative du travail n’a rejeté aucune demande d’enregistrement d'organisations syndicales constituées par des personnes relevant de dispositifs de formation. Tout en tenant compte de l’ampleur de la reconnaissance de la liberté syndicale par la Constitution, la commission veut croire que l’adoption future de la loi sur les pratiques préprofessionnelles et professionnelles propre au secteur public ainsi que la révision de la loi sur les dispositifs de formation au travail précitée permettront dans un avenir proche que soit reconnue de manière explicite la liberté syndicale des travailleurs relevant de dispositifs de formation. La commission prie le gouvernement de l’informer de toute avancée en la matière.
S’agissant des restrictions au champ d’application de la liberté syndicale contenues dans l’article 153 de la Constitution, qui interdit aux juges et aux procureurs toute activité politique, le droit de se syndiquer et de faire grève, la commission prend note de la réponse du gouvernement selon lequel, dans la pratique, les juges et les procureurs de divers organes juridictionnels jouissent de ce droit et que, dans les faits, il existe au moins trois organisations de juges et de procureurs, à savoir l’Association des juges pour la justice et la démocratie, l’Association nationale des magistrats du Pérou et l’Association péruvienne des femmes juges. S’agissant des restrictions contenues dans l’article 42 de la Constitution, qui ne reconnaît pas le droit syndical des fonctionnaires de l’Etat disposant d’un pouvoir de décision ni de ceux qui occupent des postes de confiance ou de direction, la commission prend note des observations de la CATP qui dénonce l’absence de volonté politique du gouvernement de procéder aux changements législatifs correspondants. De même, la commission note que le gouvernement indique que la norme juridique empêchant la syndicalisation des fonctionnaires de l’Etat disposant d’un pouvoir décisionnel et de ceux exerçant des fonctions de confiance ou de direction à caractère constitutionnel, de sorte que toute norme de rang subalterne doit se conformer aux paramètres constitutionnels et que l’article 40 de la loi sur la fonction publique (LSC) se limite à répéter cette exception constitutionnelle. La commission rappelle que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 9 de la convention, les seules exceptions autorisées pour ce qui est du champ d’application de celles-ci sont les membres de la police et des forces armées et que ces exceptions doivent être interprétées de manière limitative. De même, la commission tient à rappeler que l’article 2 de la convention octroie le droit fondamental de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier, à tous les travailleurs, «sans distinction d’aucune sorte», y compris tous les fonctionnaires publics, quelle que soit la nature de leurs fonctions, la seule exception autorisée par la convention visant les membres des forces armées et de la police. Quoi qu’il en soit, la commission a affirmé que le droit de s’affilier à des syndicats peut être refusé aux catégories supérieures de fonctionnaires pour autant qu’ils aient le droit de créer leurs propres organisations pour la défense de leurs intérêts (voir étude d’ensemble de 2013 sur la négociation collective dans la fonction publique, paragr. 43 et suivants, et étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 66). La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les dispositions pertinentes de son ordonnancement juridique de manière à garantir l’exercice du droit d’organisation, en droit comme dans la pratique, aux juges et procureurs, ainsi qu’au personnel de direction et de confiance de l’administration publique. La commission prie le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli à cet égard.
Article 3. Droit des organisations d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d’action. Scrutin relatif à la grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si l’article 62 révisé du règlement du texte unique ordonné de la loi sur les relations collectives du travail (le TUO de la LRCT) s’applique à l’administration publique. La commission prend dûment note de la réponse du gouvernement qui indique que l’article 72 du TUO de la LRCT et l’article 80 du règlement de la LSC considèrent la grève comme une action collective adoptée par une volonté exprimée à la majorité; que l’article 62 du règlement du TUO de la LRCT prévoit que la décision d’appeler à la grève doit être adoptée par «plus de la moitié des travailleurs votant à l’assemblée»; et que, tandis que cette disposition n’a pas été expressément reprise ni dans la LSC ni dans son règlement, le TUO de la LRCT et son règlement complètent la LSC au titre de son article 40 et, par conséquent, l’article 62 du règlement de la LRCT s’applique à la grève dans l’administration publique.
Détermination du caractère illégal de la grève. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la détermination du caractère illégal de la grève dans le secteur privé n’appartienne pas à l’administration du travail mais à un organe indépendant. La commission regrette que le gouvernement n’exprime pas d’observations à cet égard. S’agissant de l’administration publique, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur la Commission de soutien à la fonction publique et d’indiquer si les articles 86, 87 et 88 du règlement général de la LSC s’appliquent à la grève dans le secteur de l’éducation. La commission note que le gouvernement indique que la Commission de soutien à la fonction publique est compétente pour trancher sur l’absence de fondement et l’illégalité de la grève et, en cas de controverse, pour ordonner le service minimum dans les services indispensables et essentiels, ou élire le président du tribunal arbitral. En outre, la commission note que le gouvernement explique qu’en raison du fait que ladite commission n’a toujours pas été installée: i) c’est au ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi qu’il incombe de se prononcer sur cette question; et ii) pour le moment, le gouvernement n’est pas en mesure de fournir des informations sur les règles qui régissent le fonctionnement de la commission, sur sa composition et sa nature ni de préciser si les grèves dans l’enseignement relèvent de la compétence de ladite commission. A la lumière de ce qui précède et observant que la Commission de soutien à la fonction publique n’a toujours pas été installée, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre sans tarder les mesures nécessaires pour garantir que la détermination du caractère de la grève, tant dans le secteur public que dans le privé, n’incombe pas au gouvernement, mais plutôt à un organe indépendant des parties et qui ait leur confiance. A cet égard, la commission s’attend à ce que la Commission de soutien à la fonction publique soit installée dans un avenir proche et qu’elle prenne la forme d’un organe authentiquement indépendant. La commission prie le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli en la matière.
Définition des services minima dans les services publics essentiels. La commission prend note des indications du gouvernement suivant lesquelles: i) l’article 82 du TUO de la LRCT dispose que les travailleurs devront assurer la permanence du personnel nécessaire pour éviter l’interruption totale des services publics essentiels, ainsi que pour assurer la continuité des services et activités qui l’exigent; ii) sur la base des observations formulées par le Comité de la liberté syndicale, a été modifié en 2006 l’article 68 du règlement du TUO de la LRCT, et le texte modifié prévoit que, en cas de désaccord sur le nombre et la profession des travailleurs qui doivent assurer un service essentiel pendant une grève, l’Autorité du travail désignera un organe indépendant, la Commission de soutien à la fonction publique, qui devra statuer, sa décision étant considérée comme émanant de l’autorité concernée; iii) la Commission de soutien à la fonction publique n’a toujours pas été installée et il n’existe pas de réglementation à ce sujet; iv) toutefois le 5 juillet 2018 a été publié provisoirement un projet de décret suprême qui modifiera le règlement de la LRCT et stipulera que le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi arrêtera, par voie de résolution, les caractéristiques techniques auxquelles doit répondre ledit organe ainsi que ses correspondants honoraires, de manière à réglementer en totalité le traitement des divergences de vues sur le service minimum dans les services publics essentiels. A la lumière de ce qui précède, la commission déduit que la Commission de soutien à la fonction publique sera l’organe compétent pour déterminer les services minima dans tous les cas de grève touchant un service essentiel, que celui-ci soit assuré par des fonctionnaires de l'administration publique ou par des travailleurs du secteur privé. La commission s’attend à ce que la Commission de soutien à la fonction publique soit installée dans un avenir proche et qu’elle prenne la forme d’un organe authentiquement indépendant. La commission prie le gouvernement de l’informer de tout progrès accompli en la matière.
Droit des organisations syndicales d’organiser des réunions et de pouvoir accéder aux lieux de travail. Dans ses précédents commentaires, la commission observait que les paragraphes 4 et 5 des dispositions complémentaires finales du décret suprême no 017-2007-ED définissent comme fautes graves de la part des directeurs et des sous-directeurs des centres éducatifs le fait de mettre à disposition un établissement scolaire pour l’organisation de réunions à caractère syndical et d’accepter le prosélytisme politique et/ou syndical dans les établissements d’enseignement. Observant que le gouvernement ne fournit aucune information à ce sujet, la commission le prie à nouveau de modifier les dispositions finales du décret suprême précité afin que les directeurs des centres éducatifs puissent déterminer avec les organisations syndicales concernées des modalités d’accès aux lieux de travail qui ne nuisent pas au fonctionnement efficace de ces centres et de l’informer de tout progrès accompli en la matière.
Article 5. Création de fédérations et de confédérations. Dans ses précédents commentaires, tout en notant qu’en vertu de l’article 57 du règlement général de la LSC deux organisations syndicales du même secteur étaient nécessaires pour constituer une fédération, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer les normes qui régissent le fonctionnement des confédérations qui regroupent des fédérations de travailleurs du secteur privé et de l'administration publique. La commission note que le gouvernement indique que: i) le cadre réglementaire relatif aux fédérations et confédérations du secteur privé est constitué par le TUO de la LRCT et son règlement, tandis que celui se rapportant au secteur public est constitué par la LSC et son règlement; et ii) s’agissant des fédérations et confédérations mixtes, c’est-à-dire composées simultanément de syndicats et de travailleurs des secteurs privé et public, la possibilité de constituer de telles organisations et de s’y affilier est garantie par l’article 28 de la Constitution politique et par la quatrième disposition finale et transitoire de la Constitution, dispositions qui prévoient de manière générale le droit des travailleurs de constituer les fédérations syndicales de leur choix.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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