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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Ouzbékistan (Ratification: 1997)

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La commission prend note des observations de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) reçues le 31 août 2016, des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 2 septembre 2016, et des observations du Conseil de la fédération des syndicats de l’Ouzbékistan (CFTUU), reçues le 21 novembre 2016, ainsi que du rapport du gouvernement, reçu le 9 septembre 2016.
Article 1 b) de la convention. Mobilisation et utilisation de main-d’œuvre à des fins de développement économique dans l’agriculture (production de coton). Dans ses commentaires précédents, la commission a noté les observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) selon lesquelles, depuis l’adoption en 2014 du programme par pays de promotion du travail décent (PPTD), le gouvernement et les partenaires sociaux en Ouzbékistan, avec l’appui actif du BIT, s’employaient à garantir l’élimination des risques possibles de travail forcé dans les champs de coton. Elle a également noté la déclaration de la CSI selon laquelle, si les mesures prises dans le pays dans le cadre du PPTD, en coopération avec le BIT, ont été efficaces pour éliminer le travail des enfants dans le secteur du coton, elle demeurait préoccupée par la persistance du travail forcé et d’autres violations des droits des travailleurs adultes pendant la période des récoltes. La commission a noté l’adoption d’un plan d’action, en juillet 2015, garantissant le recrutement volontaire des récolteurs de coton et empêchant le travail forcé et le travail effectué par des mineurs durant la période de récolte du coton, ainsi que la directive du Premier ministre aux gouverneurs de toutes les provinces pour leur demander de prendre des mesures urgentes à cet égard. La commission a également noté, d’après le rapport du mécanisme de surveillance par une tierce partie (TPM) sur le recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte du coton de 2015, qu’avec l’aide de l’OIT et de la Banque mondiale un mécanisme de remontée des informations (FBM) avait été mis en place par le Conseil de coordination afin de fournir des informations et d’enquêter sur les plaintes pour recours au travail forcé pendant la récolte du coton de 2015. La commission a cependant noté, d’après le rapport du TPM, que, si la sensibilisation au travail des enfants a atteint un niveau élevé, la sensibilisation au travail forcé en est encore à ses débuts. Le rapport indiquait qu’un recrutement à large échelle avait été organisé pour la récolte du coton, mais que celui-ci avait pris différentes formes en fonction des décisions prises par les autorités sur l’usage de la main-d’œuvre à leur disposition pour remplir leurs quotas. Dans un certain nombre de cas, des travailleurs des secteurs public et privé avaient indiqué qu’ils avaient été contraints de récolter du coton contre leur volonté et qu’ils avaient dû rémunérer une tierce personne pour le faire. La commission a noté, d’après le rapport du TPM, que les registres du personnel étaient incomplets et que des informations émanant d’autres sources indiquaient que le travail forcé était beaucoup plus répandu que le processus de contrôle ne le laissait entendre.
La commission prend note des allégations de l’UITA selon lesquelles le gouvernement de l’Ouzbékistan continue d’imposer un système d’Etat de travail forcé à des fins économiques de production du coton. L’UITA déclare que, au cours de la récolte du coton de 2015, plus d’un million de personnes, y compris des étudiants, des enseignants, des médecins, des infirmières et des employés des administrations gouvernementales et d’entreprises privées ont été contraints de récolter du coton sous la menace d’être sanctionnés en particulier sous peine de perdre leur emploi. De plus, le gouvernement impose des quotas annuels de production aux exploitants agricoles et a recours à la coercition pour les obliger à remplir leurs quotas de production, faute de quoi ils seraient sanctionnés.
De plus, la commission note que la CSI exprime l’espoir que les campagnes de sensibilisation lancées par les partenaires sociaux sur le travail des enfants et le travail forcé, de même que la mise en place de mécanismes de dépôt de plainte et de recours dont les travailleurs pourront faire usage pour notifier des violations en relation avec leur travail, seront efficaces et efficientes. La CSI indique également qu’il existe un certain nombre de cas d’engagement involontaire de travailleurs et de cas d’extorsion des fonds de remplacement par les autorités locales, et que ces cas doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires.
La commission prend note également des informations communiquées par le Conseil de la fédération des syndicats de l’Ouzbékistan (CFTUU) sur les mesures ci-après prises dans le cadre de la collaboration entre l’Ouzbékistan, l’OIT et la Banque mondiale pour l’application en 2016 des conventions de l’OIT sur le travail des enfants et le travail forcé: i) des cours de formation et des séminaires ont été organisés pour améliorer les capacités des employés des ministères et de l’administration, des organisations non gouvernementales et des exploitants agricoles, y compris sur des sujets tels que les normes internationales du travail et leur mise en œuvre; ii) des campagnes de sensibilisation au travail des enfants et au travail forcé ont été menées, accompagnées de la production de 100 000 brochures, 44 500 affiches et 386 bannières, avec 500 bannières supplémentaires utilisées par les Conseils des exploitants agricoles sur l’emploi volontaire; iii) le concept de la surveillance nationale du travail des enfants et du travail forcé en 2016 a été révisé pour habiliter des groupes de surveillance à résoudre les problèmes décelés sur le terrain, au moyen de négociations avec les employeurs, sur la base des principes du partenariat social; iv) un mécanisme de remontée des informations a été mis sur pied à l’initiative du Conseil de coordination sur les questions du travail des enfants, et un autre mécanisme a été créé au centre d’appel du ministère du Travail. Le CFTUU indique en outre que le groupe national de suivi a procédé à 386 visites dans les régions et villes de l’Ouzbékistan, inspectant 1 940 entités, y compris des fermes, des collèges, des lycées, des écoles primaires, des petites entreprises et des établissements de santé, et qu’au cours de ces visites les conditions de travail d’environ 53 000 récolteurs de coton ont été examinées. Durant ces visites, le groupe national de suivi a constaté: l’accès non autorisé aux champs de coton de 79 étudiants de plus de 18 ans durant les heures de cours dans le but de gagner davantage d’argent; au total, 1 543 enseignants et travailleurs du secteur de la santé étaient impliqués dans la récolte du coton durant leur temps libre. Il a en outre été constaté que les conditions de travail et les périodes de repos des récolteurs de coton étaient insuffisantes dans 74 exploitations.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que les mesures prises durant la récolte du coton de 2015 n’ont pas vocation à être de nature temporaire puisqu’il existe des preuves de l’engagement des autorités à améliorer les conditions de recrutement dans le secteur agricole et à supprimer le système des quotas dans la production de coton. A cet égard, la commission note que le gouvernement se réfère aux mesures suivantes prises suite aux activités de suivi de 2015:
  • -le 5 janvier 2016, un plan d’action pour 2016-2018 a été approuvé dans le but d’améliorer les conditions de travail et d’emploi et la protection sociale des travailleurs agricoles qui comprend cinq sections: l’amélioration de la structure nationale législative et réglementaire relative aux relations du travail; l’application de mesures systématiques pour augmenter le niveau de mécanisation dans le secteur agricole; l’instauration de mécanismes et la définition de conditions d’emploi pour le travail agricole saisonnier; le développement institutionnel et l’amélioration des mécanismes de retour des informations, ainsi que des mécanismes nationaux de suivi pour la prévention du travail des enfants et du travail forcé; et le développement des contacts avec la population en ce qui concerne ses droits dans le domaine du travail ainsi que la protection légale des intérêts des travailleurs engagés dans le système;
  • -les 3 et 4 août 2016, une table ronde regroupant des représentants de l’OIT, de l’OIE, de la CSI, de la Banque mondiale, du PNUD, de l’UNICEF et de représentants diplomatiques a eu lieu à Tachkent sur le thème «Situation et perspectives de la coopération entre l’Ouzbékistan et l’OIT». Tous les participants à cette table ronde ont fait part de leur engagement et de leur volonté de coopérer étroitement avec l’Ouzbékistan, tant dans le domaine des relations du travail que pour la modernisation de l’économie et la mécanisation de l’agriculture, et de continuer à appliquer des mesures visant à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs;
  • -la première phase d’une évaluation conjointe avec l’OIT sur les mesures prises pour réduire le risque de travail des enfants et de travail forcé a été exécutée du 18 au 21 juin 2016; au cours de cette évaluation, les experts internationaux ont pris note des mesures systématiques visant à appliquer les conventions de l’OIT sur le travail des enfants et le travail forcé;
  • -en août 2016, les Recommandations pour une bonne gestion de la saison de récolte du coton et la définition des conditions de travail des récolteurs de coton, dont le but est le respect de la règle de droit et la facilitation du libre recrutement des récolteurs de coton, ont été approuvées par le Conseil des ministres en août 2016, et 3 000 exemplaires de ces recommandations ont été publiés et distribués aux localités.
La commission note également la référence du gouvernement aux résultats de l’enquête quantitative de l’OIT sur les pratiques d’emploi dans le secteur agricole, menée par le centre de recherches (Ekspecrt fikri) et notée par les fonctionnaires du BIT lors de leur visite en Ouzbékistan en juin 2016. Elle a également noté que: i) le nombre de récolteurs de coton était passé de 3,2 millions en 2014 à 2,8 millions en 2015; ii) le nombre des participants volontaires à la récolte du coton de 2015 avait augmenté d’environ 200 000 personnes; iii) 23 pour cent des personnes recrutées pour récolter le coton (1,1 million) avaient refusé de prendre part à la récolte et aucune d’entre elles n’avait subi de conséquences négatives; iv) le nombre des membres du personnel médical, des enseignants et des étudiants parmi les récolteurs de coton avait diminué de 100 000 personnes. La commission note enfin, d’après le rapport du gouvernement au titre de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, que des négociations sont en cours pour la prolongation du PPTD jusqu’en 2020.
La commission note, d’après le rapport du Mécanisme de l’OIT de surveillance par une tierce partie du recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte de coton de 2016 (rapport du TPM), que, depuis la récolte de 2015, le gouvernement a pris de nouveaux engagements en ce qui concerne le travail des enfants et le travail forcé, en particulier dans le cadre du Plan d’action pour l’amélioration des conditions de travail, de l’emploi et de la protection sociale des travailleurs du secteur agricole, 2016-2018, selon le rapport du TPM, plusieurs ateliers de formation pour le renforcement des capacités des fonctionnaires, y compris les hokims (gouverneurs d’une région administrative), ont été organisés avant la récolte, avec les ministères, les institutions et les entités impliqués à tous les niveaux (depuis le niveau national jusqu’au niveau de la mahalla) pour éliminer le risque de travail forcé, et ces ateliers ont eu un impact positif car les fonctionnaires interrogés ont indiqué qu’ils avaient pris conscience des questions relatives au travail forcé; les campagnes de sensibilisation du public durant la récolte ont touché des villages reculés; et les messages sur le travail des enfants et le travail forcé, sur les droits au travail et sur le centre d’appel du Mécanisme de remontée des informations (FBM) ont été lancés sur l’ensemble du territoire national.
Se référant aux résultats préliminaires de l’enquête quantitative du BIT, le rapport du TPM indique que, sur les 2,8 millions de récolteurs de coton en 2015, un nombre important, environ les deux tiers, ont été recrutés volontairement et que les personnes «exposées au risque» de travail involontaire étaient essentiellement des enseignants, des membres du personnel médical et des étudiants. Selon le rapport du TPM, bien que le travail des enfants soit reconnu comme inacceptable par toutes les couches de la société, il est cependant nécessaire d’améliorer la sensibilisation au risque de travail forcé. Le rapport du TPM souligne qu’il faudrait prendre d’autres mesures pour réduire le risque de travail forcé dans la récolte de coton, telles que: i) l’élaboration d’une stratégie nationale de formation de haute qualité sur le travail forcé, à l’intention de tous les acteurs responsables impliqués dans la récolte de coton; ii) le renforcement du système des relations de travail en vigueur pour les récolteurs de coton; iii) l’amélioration du rôle du ministère du Travail dans la définition, la réglementation et l’exécution des rôles, responsabilités et normes des relations de travail dans la récolte de coton, y compris ceux des intermédiaires; iv) le ministère de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur et spécialisé doivent renforcer la sensibilisation de leur personnel et des étudiants aux risques de travail forcé. La commission note aussi, d’après le rapport du TMP, que des équipes de surveillance, conduites par des experts du BIT, se sont rendues dans 50 établissements de soins médicaux et ont constaté que ceux-ci fonctionnaient normalement pendant la récolte et que la présence des membres du personnel était régulièrement contrôlée.
La commission salue les engagements politiques pris par le gouvernement et les partenaires sociaux, qui ont eu un impact positif sur le recours au travail des enfants et au travail forcé pendant la récolte de coton. Elle note cependant la conclusion du rapport du TPM selon laquelle, si d’importantes mesures ont été adoptées pour le recrutement volontaire des récolteurs de coton, elles ne sont pas suffisamment vigoureuses pour modifier de façon décisive les pratiques de recrutement. La commission encourage vivement le gouvernement à continuer de prendre des mesures efficaces et assorties de délais pour renforcer les mesures de protection contre le recours au travail forcé dans la récolte de coton, y compris en renforçant le système des relations du travail en vigueur pour les récolteurs de coton, en élaborant une stratégie de formation de haute qualité à l’intention de tous les acteurs impliqués dans la récolte de coton et en continuant de sensibiliser toutes les couches de la société aux risques du travail forcé dans la récolte de coton. La commission encourage également fermement le gouvernement à continuer de coopérer avec l’OIT et les partenaires sociaux, dans le cadre du PPTD, de manière à garantir l’élimination totale du recours au travail obligatoire de travailleurs des secteurs public et privé, ainsi que d’étudiants, dans la récolte du coton, et elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cet effet et sur les résultats concrets obtenus, en indiquant les sanctions imposées. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le PPTD a été prolongé jusqu’en 2020.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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