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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Turkménistan (Ratification: 1997)

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Cas individuel
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 2016-Turkmenistan-C105-Fr

Un représentant gouvernemental a rappelé les dispositions législatives pertinentes, notamment l’article 63 du Code des infractions administratives et l’article 223 du Code pénal, et a indiqué que le travail forcé n’est pas imposé en cas de violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations. Il a indiqué que «la rééducation par le travail», en tant que sanction pénale, relève de l’exception prévue à l’article 2 c) de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930. De fait, en vertu de l’article 50 du Code pénal, les peines de rééducation par le travail ne sont imposées qu’en application d’une décision judiciaire et donnent lieu au versement des salaires correspondants. Parallèlement, la législation restreint le recours à la rééducation par le travail pour certaines catégories de citoyens. S’agissant des commentaires de la commission d’experts au sujet des sanctions imposées en cas d’insultes ou propos diffamatoires envers le Président du Turkménistan, y compris via la publication de matériels sur Internet (art. 176 et 192 du Code pénal et art. 30(3) de la loi sur le développement et les services d’Internet du 20 décembre 2014), les citoyens du Turkménistan jouissent de la liberté d’opinion et d’expression et du droit d’échanger des informations. L’application des dispositions de la législation nationale ne devrait pas être interprétée comme une sanction et, à ce titre, n’entre pas dans le cadre de l’interdiction prévue par l’article 1 a) de la convention no 105. En outre, la Constitution du Turkménistan garantit la liberté de réunion et le droit d’organiser des rassemblements et manifestations. Le 28 février 2015, le Parlement du Turkménistan a adopté une loi visant en particulier à garantir l’exercice des droits constitutionnels des citoyens relatifs à l’organisation de rassemblements, réunions et manifestations, et autres événements publics de grande ampleur. Dans ce contexte, les sanctions administratives prévues le sont pour violation de la procédure prévue par la législation, et non pour l’expression d’opinions politiques. Néanmoins, une peine de rétention administrative peut être imposée dans des circonstances exceptionnelles, pour certains types d’infractions administratives seulement, et ne comporte pas l’obligation d’exercer un travail d’intérêt général ou toute autre forme de travail obligatoire. L’accent a été mis sur le fait que le Parlement du Turkménistan débat actuellement d’une nouvelle constitution, en tenant compte des expériences internationales dans le domaine de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans le cadre de ces réformes législatives, des travaux sont également en cours relativement à un projet de loi portant création du poste de défenseur des droits de l’homme.

Concernant les commentaires de la commission d’experts sur le travail forcé pendant la récolte du coton, l’orateur a indiqué que le secteur agricole représente moins de 4 pour cent du PIB. Dans le même temps, le pays attache une attention particulière au développement et à l’amélioration du secteur agricole, à l’introduction de technologies modernes innovantes en vue de la création d’emplois, ainsi qu’aux mesures de soutien des exploitations agricoles et des petites et moyennes entreprises. Les exploitants agricoles bénéficient d’un soutien et de mesures d’incitation de la part de l’Etat sous la forme de prêts préférentiels allant jusqu’à dix ans, avec un taux d’intérêt de 1 pour cent annuel. Le prix d’achat du coton a également été augmenté. Au Turkménistan, le travail forcé est interdit en vertu de l’article 8 du Code du travail. De plus, dans le cadre des réformes constitutionnelles, l’interdiction du travail forcé sera intégrée à la nouvelle constitution. Conformément à la loi sur l’éducation et les droits de l’enfant, le gouvernement doit protéger les enfants contre toutes les formes d’exploitation au travail, par des mesures d’ordre juridique, économique, social, sanitaire et éducatif. Les étudiants n’ont pas le droit de travailler pendant l’année scolaire dans le secteur agricole ou autres secteurs n’étant pas liés à leurs études. La législation mentionnée par la commission d’experts dans ses commentaires, à savoir la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, a été abrogée. En ce qui concerne les commentaires sur l’imposition du travail forcé en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique, la loi sur l’état d’urgence ne prévoit pas ce type de mobilisation. Conformément au Code des infractions administratives, des sanctions comprenant des suspensions administratives allant jusqu’à trois mois sont imposées aux employeurs qui n’ont pas été en mesure d’interdire le recours au travail forcé et au travail de personnes de moins de 18 ans. Les citoyens peuvent présenter des plaintes ou des demandes officielles de réparation pour recours au travail forcé. Cependant, aucune information ni plainte n’a été enregistrée concernant le recours au travail forcé. Le gouvernement souhaite poursuivre sa coopération avec le BIT à propos des questions soulevées par la commission d’experts. Le gouvernement est engagé dans un dialogue constructif et une collaboration permanente, comme en témoignent les réunions récentes et les visites officielles organisées par le BIT au Turkménistan, ainsi que les activités menées dans le pays relativement à l’application des normes internationales de travail.

Les membres travailleurs ont affirmé que le Turkménistan est le neuvième plus grand producteur et le septième plus grand exportateur de coton dans le monde et qu’il maintient ce rang grâce à un système de travail forcé chapeauté par l’Etat. Le gouvernement maintient un contrôle total de la production du coton et oblige les agriculteurs à respecter des quotas annuels. Pendant la récolte, les autorités obligent, sous la menace du licenciement, les travailleurs du secteur public soit à récolter le coton, soit à payer des dessous-de-table, soit à embaucher quelqu’un pour les remplacer. Les autorités forcent également les entreprises du secteur privé à apporter leur contribution à la tâche, en argent, en main-d’œuvre ou en nature, en brandissant la menace de la fermeture pure et simple de leurs établissements. Le travail forcé dans l’industrie du coton se déroule dans un climat de violation généralisée des droits de l’homme dans le pays. Le gouvernement est accusé d’être responsable de centaines de disparitions forcées et d’ordonner des peines de prison comme mesures de représailles politiques. Le gouvernement nie également le droit des travailleurs à la liberté syndicale, de réunion et d’expression, ce qui facilite le recours au travail forcé. Ceux qui essaient d’amasser des preuves contre le travail forcé dans l’industrie du coton le font à leurs risques et périls, et doivent donc agir de manière anonyme pour éviter harcèlements et représailles. Les membres travailleurs ont ensuite souligné que le gouvernement, bien qu’il ait adopté des lois qui interdisent le travail forcé, a ignoré à plusieurs reprises les profondes préoccupations exprimées par la commission d’experts concernant l’application des conventions nos 29 et 105. En 2016, la commission d’experts a de nouveau incité expressément le gouvernement à prendre sans tarder des mesures spécifiques et efficaces pour assurer l’élimination complète de l’utilisation du travail forcé par des travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton. Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Comité des droits de l’enfant ont également observé que les enfants étaient toujours impliqués dans la récolte du coton. Des informations fiables issues de rapports d’ONG concernant la récolte 2015 montrent clairement que le gouvernement a continué à utiliser de manière généralisée le travail forcé, au mépris total des demandes de l’OIT et d’autres agences des Nations Unies. Ces différents éléments démontrent que la commission d’experts a eu raison de porter ce cas à l’attention de la commission en lui attribuant une double note de bas de page.

Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que le gouvernement utilise diverses formes de coercition pour assurer la mise en œuvre du plan de production du coton. Le Président du Turkménistan menace les gouverneurs régionaux de les congédier s’ils ne parviennent pas à remplir leur objectif régional de production de coton. A leur tour, les responsables régionaux et de district menacent les chefs des associations agricoles de les limoger s’ils ne remplissent pas leurs quotas. Les associations menacent ensuite les agriculteurs de leur retirer leurs terres s’ils n’atteignent pas leurs objectifs. Et les travailleurs risquent le licenciement s’ils refusent de participer à la récolte, de payer un pot-de-vin ou d’embaucher quelqu’un à leur place. Lors de la récolte 2015, marquée par son caractère tardif et par les faibles rendements, le Président a reproché à plusieurs reprises aux gouverneurs régionaux la lenteur de la production, obligeant ces derniers à envoyer plus de travailleurs dans les champs afin d’accélérer celle-ci. Les administrateurs scolaires ont envoyé les enseignants récolter le coton plusieurs jours par semaine tout au long de la période de récolte dans les régions de Dashoguz, Lebap et Mary et, partout dans le pays, les enseignants ont indiqué qu’ils avaient le choix soit de travailler à la récolte, soit de payer un pot-de-vin ou bien de tirer un trait sur leur carrière. Les membres travailleurs ont ensuite cité des témoignages d’un employé du service public contraint de prendre part à la récolte ainsi que d’un travailleur embauché par un enseignant pour effectuer la récolte à sa place, soulignant tant les mauvaises conditions de travail que les pratiques de corruption accompagnant le contrôle du respect des objectifs de production fixés par l’Etat.

Les membres travailleurs ont également souligné que l’université agricole de Turkmènes et l’institut agricole de Dashoguz ont forcé près de 2 000 étudiants à aller récolter le coton sous peine d’être exclus de l’établissement, et que les administrateurs scolaires des régions d’Akhal et de Dashoguz ont fait de même avec leurs élèves. Ils ont également indiqué que le travail forcé des parents mis en place par le gouvernement pour faire respecter les quotas a entraîné, au moins dans le district de Boldumasaz (région de Dashoguz), le recours au travail des enfants, les parents craignant de perdre leur emploi s’ils n’atteignent pas le quota de coton qui leur a été assigné. Le gouvernement considère tout refus de contribuer à la récolte du coton comme des cas d’insubordination, d’incitation au sabotage et de mépris de la patrie entraînant l’application de sanctions administratives allant jusqu’au licenciement. Le taux de chômage élevé au Turkménistan renforce l’impact des menaces de licenciement suite au refus de participer à la récolte de coton. Les membres travailleurs ont enfin indiqué que le gouvernement devrait s’inspirer des conclusions de la commission relatives à des cas similaires. Il est nécessaire que, avec l’assistance technique du BIT, le gouvernement adopte et mette en œuvre sans tarder un plan d’action exhaustif permettant l’élimination totale du travail forcé dans le pays.

Les membres employeurs se sont félicités de la déclaration du gouvernement indiquant qu’il est prêt à collaborer avec le BIT pour s’attaquer aux problèmes que pose le respect des normes internationales du travail. Les dispositions de la convention sur l’interdiction du recours au travail forcé ou au travail obligatoire comme moyen de coercition politique ou d’éducation ou comme sanction pour l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi, et en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique, semblent être pertinentes dans ce cas. Ils ont rappelé que, dans la première partie de ses observations, la commission d’experts a mis l’accent sur l’article 1 a) de la convention indiquant que, en vertu de l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984 et de l’article 223 du Code pénal, toute violation de la procédure réglementant l’organisation de rassemblements, réunions ou manifestations constitue un délit à la fois administratif et pénal passible d’une amende, d’une peine de rétention administrative ou de rééducation par le travail. Le gouvernement n’a pas fourni les informations relatives à l’application dans la pratique de ces dispositions, et la commission d’experts a noté que des modifications ont été apportées à l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984, alors que l’article 223 du Code pénal reste inchangé, et que les articles 176 et 192 du Code pénal établissent des sanctions pour des délits passibles d’une amende, d’une peine de rééducation par le travail jusqu’à deux ans ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans. Les membres employeurs ont prié instamment le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives de 1984, des articles 176, 192 et 223 du Code pénal, et de prendre les mesures nécessaires, en droit et en pratique, afin d’assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire n’est imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition à l’ordre politique, social ou économique établi.

S’agissant de l’article 1 b) de la convention, les membres employeurs ont rappelé que la commission d’experts a fait observer que la notion de «à des fins de développement économique», conformément à l’article 7 de la loi sur le régime juridique des urgences de 1990, ne satisfait pas aux critères de la force majeure telle que mentionnée par l’article 1 b) de la convention. La commission d’experts est profondément préoccupée par le recours répandu au travail forcé dans la production de coton. Notamment, des personnes sont forcées, sous la menace de sanctions, de ramasser le coton pour remplir les objectifs de production fixés par l’Etat. Le gouvernement oblige les fermiers à remplir les quotas de production annuelle de coton, et des milliers de travailleurs récoltent le coton sous la menace de perdre leur terre, leur emploi et leurs salaires. Des entreprises sont forcées d’envoyer des salariés récolter le coton sous la menace de contrôles exceptionnels des services des finances, des impôts et de la lutte contre l’incendie, tandis que des sociétés de transport sont obligées de participer en transportant des travailleurs vers les champs de coton, sans la moindre indemnité et sous la menace d’un retrait de leurs licences par la police. Rappelant que la convention, qui prévoit l’abolition de toute forme de travail forcé dans cinq cas spécifiques, a pour but de compléter la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, les membres employeurs ont souligné qu’ils s’opposent depuis longtemps au recours au travail forcé à des fins de développement économique. Ils ont invité instamment le gouvernement à prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé pour la récolte du coton et ont en outre demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cette fin et sur les résultats concrets obtenus. A cet égard, ils ont encouragé le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT. Les membres employeurs se sont déclarés préoccupés par la demande directe dans laquelle la commission d’experts, notant que l’article 16 de la loi sur la fonction publique interdit aux fonctionnaires de faire grève, demande au gouvernement de fournir des informations sur les sanctions susceptibles d’être imposées aux travailleurs qui participent à des grèves dans la fonction publique. Reconnaissant que la participation à des grèves pacifiques, dès lors que cette action de revendication est reconnue au niveau national, ne doit pas entraîner l’imposition du travail forcé, ils ont déclaré que cette disposition de la convention ne reconnaît pas un droit général à la grève et que, en conséquence, les sanctions imposées aux travailleurs grévistes qui n’imposent pas le travail forcé, ne relèvent pas du champ d’application de la convention. Les membres employeurs ont conclu en soulignant la gravité de ce cas et en espérant que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour veiller à ce qu’aucune sanction comportant une obligation de travailler ne soit imposée pour l’expression pacifique d’opinions publiques qui s’opposent à l’ordre établi et qu’il adopte sans tarder des mesures efficaces pour éliminer totalement le recours au travail forcé dans la culture du coton.

Le membre travailleur du Turkménistan a fait référence à un accord tripartite signé entre le gouvernement et les partenaires sociaux, dans le but de promouvoir le dialogue social et de mettre un terme à certaines situations regrettables qui persistent dans le pays. Les lois et règlements adoptés récemment font l’objet d’une discussion tripartite, et les organisations de travailleurs nationales prennent actuellement une part active au processus de modification de la législation, y compris de la Constitution. La nouvelle constitution contiendra une disposition interdisant spécifiquement le travail forcé, et les organisations de travailleurs y apportent leur soutien. L’orateur s’est également félicité de la décision de créer un poste de défenseur des droits de l’homme. L’inspection du travail est une réalité dans toutes les régions du pays. Quant aux organisations de travailleurs, elles effectuent également un contrôle avec l’aide des inspecteurs du travail et procèdent à des discussions sur les pratiques existantes. Le coton est une industrie importante, particulièrement en termes de création d’emplois. Une campagne, lancée par les syndicats et l’inspection du travail, a permis d’effectuer plus de 100 inspections au cours de l’année 2015, et quelque 50 plaintes ont été examinées. Toutefois, les syndicats n’ont reçu aucune plainte se rapportant au travail forcé. Les syndicats sont de plus en plus efficaces dans l’exécution de leurs tâches et leur influence dans le monde du travail s’accroît. Leurs travaux visent à garantir les droits des travailleurs, en collaboration avec les services de l’inspection du travail, l’objectif étant d’améliorer la qualité du travail et de garantir aux travailleurs une rémunération décente. Des conventions collectives sont également en cours de signature dans ce domaine.

La membre employeuse du Turkménistan a indiqué que les agriculteurs et les producteurs agricoles s’engagent volontairement dans la culture du coton aux termes de conditions préférentielles et d’incitations, comme la réduction du prix des engrais, des possibilités de prêts et des exonérations de taxes et d’autres frais. Bien que la commission d’experts ait noté que des entreprises privées soient obligées de participer à la production du coton, l’oratrice a affirmé ne pas être au courant de plaintes dans ce domaine et elle a encouragé la commission d’experts à examiner chaque cas individuellement. L’oratrice a finalement exprimé l’espoir que la commission tiendra compte de ses vues.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’ex-République yougoslave de Macédoine, de la Norvège et de la République de Moldova, a indiqué que l’UE est attachée à promouvoir la ratification et la mise en œuvre universelles des normes fondamentales du travail, incluant la convention, dans le cadre du Plan d’action en faveur des droits de l’homme qu’elle a adopté en juillet 2015. L’UE est préoccupée par la situation grave des droits de l’homme au Turkménistan, marquée par l’absence de liberté d’expression, notamment sur Internet, de liberté de réunion et de liberté de circulation ainsi que par les restrictions imposées aux organisations de la société civile et les détentions arbitraires. Dans ce contexte, la politique de l’UE relative au Turkménistan, qui vise à promouvoir le respect des droits de l’homme, l’état de droit et les principes démocratiques dans ce pays, est maintenue. A cet égard, l’orateur a salué l’adoption récente du Plan d’action national pour les droits de l’homme et a encouragé le gouvernement à intensifier ses efforts aux fins de sa mise en œuvre. L’UE est préoccupée par les commentaires de la commission d’experts concernant l’application en pratique de l’article 63 du Code des infractions administratives, des articles 176, 192 et 233 du Code pénal et de la loi sur le développement et les services d’Internet de 2014. Elle est également profondément préoccupée par le recours généralisé au travail forcé dans la production de coton au Turkménistan, ce qui a non seulement une incidence sur les agriculteurs, mais aussi sur les secteurs public et privé dans leur ensemble. Les travailleurs risquent de perdre leurs emplois, de subir des réductions de salaire, de perdre leurs terres et de faire l’objet d’enquêtes exceptionnelles. De plus, malgré son caractère illégal, le travail des enfants continue d’exister dans la production de coton. Compte tenu de ces éléments, l’orateur a prié le gouvernement de modifier la législation pour la mettre en conformité avec la convention et de s’assurer, en pratique, qu’aucune peine comportant du travail obligatoire n’est imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi. Il a encouragé le gouvernement à fournir toutes les informations demandées par la commission d’experts, à redoubler d’efforts en vue d’éliminer complètement le travail obligatoire dans la production de coton et à garantir une application renforcée de la législation sur le travail des enfants dans la production de coton. Enfin, l’UE est disposée à aider le Turkménistan à remplir ses obligations dans ce domaine et continuera à suivre de près la situation dans le pays.

Le membre gouvernemental du Bélarus a félicité le gouvernement pour ses initiatives destinées à renforcer sa législation relative à l’application des dispositions de la convention. Les réformes menées par le gouvernement facilitent des changements progressifs, en particulier dans le secteur agricole. Il convient de noter à cet égard les prêts préférentiels qui sont accordés aux exploitants agricoles, lesquels sont exemptés d’impôts et de cotisations. L’orateur a fait également état de l’adoption d’une législation garantissant le droit constitutionnel au rassemblement pacifique. Le Parlement a été saisi d’un nouveau projet de constitution, qui est le reflet de l’expérience internationale en matière de protection des droits de l’homme et des libertés. De plus, des projets sont en cours en vue de la nomination d’un défenseur des droits de l’homme. En conséquence, l’orateur a proposé que la commission interrompe l’étude de l’application de la convention par le Turkménistan, même s’il convient que le BIT poursuive sa collaboration avec le gouvernement.

La membre travailleuse de la France a souligné que les observations de la commission d’experts mettent en évidence la violation des libertés fondamentales d’expression et d’association, garantes de la démocratie, de la paix et de l’Etat de droit au Turkménistan. La culture du coton au Turkménistan engendre des profits considérables pour l’Etat et pour une élite restreinte très liée au pouvoir politique. Le recours au travail forcé est malheureusement commun dans ce cadre. La culture du coton contribue à la répression politique et l’absence d’Etat de droit rend toute contestation impossible et dangereuse. L’oratrice a affirmé que tous les medias sont contrôlés par l’Etat aux fins de propagande. L’accès aux réseaux sociaux et aux médias étrangers est interdit et toute forme d’opposition pouvant voir le jour sur Internet ou dans les medias est réprimée par des travaux forcés. A cet égard, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a alerté sur les trop nombreuses restrictions de la loi de décembre 2014 sur le développement d’Internet et de ses services ainsi que sur les répressions pouvant découler de l’application de ce texte. Par ailleurs, un document des Nations Unies soumis au Conseil des droits de l’homme lors de l’examen périodique universel du Turkménistan indique que toutes les tentatives visant à organiser des syndicats indépendants se sont heurtées à la résistance des autorités. L’absence de syndicats indépendants, dénoncée par la Confédération syndicale internationale, conduit de ce fait à de nombreuses violations des droits des travailleurs, le travail forcé en étant un aboutissement extrême.

L’oratrice a ensuite souligné que le pays n’est cependant pas fermé à toute présence étrangère dans la mesure où des multinationales étrangères, européennes et françaises, particulièrement dans les secteurs de la construction et de la communication, multiplient les contrats sur place. A l’heure où la Conférence internationale du Travail traite du travail décent dans les chaînes d’approvisionnement, il doit être rappelé que, s’il revient aux Etats de ratifier et mettre en œuvre les normes internationales du travail, les entreprises ne peuvent pas faire fi des normes internationales existantes en matière de droits de l’homme et de droits du travail. Elles doivent prendre en compte en particulier les principes Ruggie des Nations Unies ainsi que les principes directeurs relatifs aux entreprises multinationales de l’OCDE révisés en 2011 qui englobent les concepts de sphère d’influence et de relation d’affaires. Dans ce cadre, il est donc essentiel pour les représentants des autorités publiques étrangères présentes sur le territoire de veiller au respect de ce cadre international et pour les entreprises de s’assurer que leurs activités ne présentent pas, directement ou indirectement, un soutien aux négations des droits de l’homme et au travail forcé. La France, s’apprêtant à remettre au Directeur général de l’OIT sa ratification du protocole de 2014 relatif à la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, doit être particulièrement vigilante à ce sujet. Dans le même sens, la proposition de loi sur la responsabilité extraterritoriale des sociétés mères et donneuses d’ordre actuellement en discussion au parlement français mériterait d’être adoptée au plus vite en accord avec les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme en France. L’oratrice a finalement manifesté son soutien aux demandes de la commission d’experts afin que le gouvernement prenne les mesures nécessaires, en droit et en pratique, pour assurer qu’aucune peine comportant du travail obligatoire ne puisse être imposée pour l’expression pacifique d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition au système établi.

La membre gouvernementale de la Suisse a indiqué que son gouvernement soutient la déclaration de l’UE. Elle a souligné que l’utilisation du travail forcé pour la récolte de coton ne peut être justifiée par des fins de développement économique et que, comme le souligne la commission d’experts, il n’existe pas de situations d’urgence ni de force majeure au sens des conventions de l’OIT qui pourraient, dans ce contexte, justifier un recours au travail forcé. Elle a ensuite encouragé le gouvernement à promouvoir le consentement libre et éclairé des travailleurs de s’engager à tout moment dans une relation de travail, ainsi que d’assurer leur liberté de quitter leur emploi à tout moment, sans crainte de représailles ou de la perte d’un quelconque avantage. Elle a finalement exprimé l’espoir que le gouvernement pourra mettre en place des mesures concrètes pour éliminer en droit et en pratique le travail forcé.

Le membre employeur des Etats-Unis a condamné le recours généralisé dans le pays au travail forcé dans la production du coton. Cette situation touche de larges pans de la société, y compris des entreprises et des travailleurs des secteurs public et privé, des exploitants agricoles, des enseignants, des médecins et du personnel infirmier qui, en violation de la convention, sont forcés à travailler dans la production du coton sous la menace de perdre leur emploi, de subir des réductions de salaires, de perdre leurs terres et de faire l’objet d’enquêtes exceptionnelles. L’orateur a indiqué que, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, beaucoup de multinationales agissent en partenariat dans leurs chaînes d’approvisionnement avec des groupes qui œuvrent pour éliminer le travail forcé dans l’industrie du coton. Ces efforts s’avérant insuffisants, l’orateur a prié instamment la commission de joindre sa voix unique sur le plan institutionnel aux efforts collectifs qui sont déployés pour que le pays rende des comptes en ce qui concerne ses obligations internationales. Il a demandé à ce que soit lancé un programme de suivi tripartite pour s’assurer que le gouvernement respecte ses obligations internationales. L’orateur a déclaré que, sans une presse libre et sans une société civile solide, la capacité des entreprises d’identifier et de combattre les éventuelles violations des droits de l’homme dans les chaînes d’approvisionnement est entravée. Les articles 28 et 29 de la Constitution du Turkménistan garantissent le droit d’avoir et d’exprimer des opinions, ainsi que le droit de se réunir et de manifester selon les modalités établies par la loi. Pourtant, la commission d’experts a noté que des sanctions pénales sont infligées habituellement, y compris par du travail obligatoire, aux personnes qui ont ou expriment des vues politiques ou des vues opposées idéologiquement au système politique, social ou économique établi. A ce sujet, l’orateur a également mentionné l’observation de l’OSCE sur la loi de décembre 2014 sur le développement de l’Internet et les services en ligne, ainsi que les préoccupations qui ont été exprimées dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations Unies en raison des importantes restrictions à la liberté d’expression dans le pays. A l’instar de la commission d’experts, l’orateur a exhorté le gouvernement à agir sans délai pour éliminer complètement le recours au travail obligatoire des travailleurs des secteurs public et privé dans la production du coton, et a également demandé au gouvernement d’indiquer les mesures spécifiques prises à cette fin, en droit et dans la pratique, ainsi que les résultats concrets obtenus.

La membre travailleuse de la Suède, s’exprimant au nom des travailleurs des pays nordiques, a indiqué que, selon Human Rights Watch, le Turkménistan est l’un des pays les plus fermés et les plus répressifs du monde. Le gouvernement procède à des arrestations et à la détention de citoyens en raison de leurs opinions politiques et impose des peines de rééducation par le travail pour violation des procédures juridiques, ce qui revient à restreindre l’organisation de rassemblements, réunions et manifestations, et à refuser par conséquent la liberté de réunion et d’expression. Peu de signes, pour ne pas dire aucun, indiquent qu’il existe au Turkménistan un mouvement syndical libre, démocratique et indépendant. L’oratrice a souligné qu’un dialogue social de qualité constitue non seulement un moyen important d’éliminer les violations des droits au travail, comme le travail forcé, mais également le meilleur moyen de promouvoir de meilleures conditions de vie et de travail, la paix et la justice sociale. En outre, la démocratie fait partie des conditions nécessaires au bon fonctionnement du dialogue social. Un cadre institutionnel approprié, permettant la tenue de discussions tripartites sur des questions importantes, comme l’abolition du travail forcé, est également nécessaire. L’oratrice fait valoir que pratiquement aucun des éléments mentionnés n’existe au Turkménistan. Elle a souligné que le gouvernement devrait communiquer davantage d’informations et faire preuve de coopération accrue, et l’a prié instamment de modifier sa législation et ses pratiques juridiques. Elle a indiqué qu’il faut d’urgence abolir le travail forcé et entamer un dialogue social avec des partenaires sociaux libres et indépendants.

Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie a salué les informations détaillées communiquées par le gouvernement. Des réformes sociopolitiques importantes sont en cours et conduiront à une application plus efficace de la convention. L’orateur a pris note avec satisfaction de la coopération constructive entre le gouvernement et le BIT, notamment sous la forme de séminaires conjoints et d’autres activités qui contribuent à la mise en œuvre des normes internationales du travail au niveau national. Ce niveau de coopération avec le BIT confirme la volonté du gouvernement de remplir les obligations qui lui incombent au titre du droit international. A cet égard, l’orateur a demandé instamment au Bureau de continuer à fournir une assistance technique au gouvernement dans la mise en œuvre de la convention.

La membre travailleuse des Etats-Unis a déclaré que, depuis des années, le contrôle social est l’un des moyens qu’utilise le gouvernement pour réprimer les travailleurs dans le pays, en particulier dans la production et la récolte du coton. Le gouvernement contraint les fermiers et les citoyens à remplir des quotas de production et de récolte du coton. Des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public, entre autres, de l’éducation, des soins de santé et de la culture, ainsi que des travailleurs d’institutions sportives et d’entreprises manufacturières, de la construction et du transport ont été contraints d’abandonner leur journée de travail ordinaire pour participer à la récolte du coton, ou à payer des pots-de-vin ou un remplaçant pour récolter le coton à leur place. Les fermiers qui ne remplissent pas les quotas sont menacés de perdre la possibilité d’exploiter la terre. Les employés à la récolte du coton qui travaillent dans les champs le font sous la menace d’une perte de salaire ou d’une perte de leur emploi. Etant donné la mobilisation massive des travailleurs du secteur public pour la récolte du coton, beaucoup de services sont perturbés, notamment l’éducation et les soins de santé, ce qui explique que nombre d’enseignants ou de membres du personnel technique dans les écoles quittent leur emploi. Il est particulièrement déplorable que les travailleurs des secteurs fondamentaux de l’éducation et des soins de santé soient arrachés des écoles et des hôpitaux pour aller récolter le coton dans les champs, dans le seul objectif de gonfler les profits des élites du gouvernement. L’oratrice a indiqué qu’il était encore plus inacceptable que des fonctionnaires soient contraints de mobiliser des étudiants pour aller récolter le coton dans les champs, en guise de stage. En outre, la pression qu’impose l’atteinte de quotas de récolte du coton fait que les enfants ne vont plus à l’école pour aller ramasser le coton avec leurs parents qui craignent de perdre leur emploi s’ils ne remplissent pas les quotas. L’oratrice a enfin souligné que ces violations choquantes des droits de l’homme ne peuvent plus durer et a demandé instamment au gouvernement d’entreprendre des réformes sérieuses afin d’abolir le travail forcé, comme l’exige la convention.

Le membre gouvernemental du Kazakhstan a mis en évidence les mesures positives prises par le gouvernement. A cet égard, il a salué les travaux actuellement menés pour élaborer une nouvelle constitution, en tenant compte des expériences internationales dans les domaines des droits de l’homme et des libertés, constitution qui contiendra l’interdiction du travail forcé. Il a également salué les travaux en cours visant à créer le poste de défenseur des droits de l’homme. Il a par ailleurs fait référence aux mesures de stimulation et au soutien fournis au secteur agricole, notamment sous la forme de prêts préférentiels, ainsi qu’à la promotion de nouvelles technologies innovantes dans ce secteur. La participation active du gouvernement à des organisations régionales et internationales a également été saluée.

Le membre gouvernemental de la République islamique d’Iran a félicité le gouvernement turkmène pour son engagement à souscrire totalement à ses obligations internationales, notamment l’élimination du travail forcé, par des mesures législatives et pratiques appropriées. Il faut encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts et le Bureau à fournir au besoin une assistance.

La membre gouvernementale de l’Azerbaïdjan a rappelé les difficultés que rencontrent tous les pays de l’ex-Union soviétique dans leur processus de transition, ainsi que leurs réalisations s’agissant de l’adoption de nouvelles législations interdisant expressément le travail forcé, assurant le développement socio-économique, la mise en valeur complète du potentiel humain de leurs populations et l’augmentation constante des salaires. L’essor de l’industrie textile au Turkménistan, à l’origine de la participation accrue des femmes au marché du travail, témoigne des réalisations accomplies par le pays. Le développement économique va encore favoriser l’application totale des normes internationales du travail dans le pays.

Le représentant gouvernemental a exprimé sa gratitude aux orateurs qui ont participé à la discussion et il s’est à nouveau dit confiant qu’un dialogue aussi constructif assurera la pleine application des droits inscrits dans la convention.

Les membres employeurs ont salué les renseignements fournis par le gouvernement concernant les réformes juridiques, telles que l’abrogation de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence, l’objectif énoncé étant d’interdire le travail forcé dans le droit. Des renseignements complémentaires sont toutefois nécessaires sur les points ci-après: l’abrogation de l’article en question; les modifications à apporter à l’article 178(2) du Code des infractions administratives de 1984; l’état d’avancement de la révision de l’article 223 du Code pénal; ainsi que la façon dont les modifications visant à interdire le travail forcé dans le droit sont gérées dans la pratique. Il est pris dûment note de l’intention déclarée du gouvernement de poursuivre sa coopération avec l’OIT en vue de l’application de la convention no 105. En outre, selon les membres employeurs, il pourrait s’avérer très utile, compte tenu des circonstances économiques, que le gouvernement poursuive sa collaboration avec le BIT, afin de mieux comprendre les obligations découlant de la convention. Le gouvernement est prié de prendre des mesures efficaces, dans la loi comme dans la pratique, afin de veiller à ce qu’aucune sanction impliquant un travail forcé ne soit prise à l’égard de personnes exprimant pacifiquement certaines opinions politiques en opposition avec le système établi, conformément à l’article 1 a) de la convention. Les membres employeurs prient également le gouvernement de prendre, sans délai, des mesures pour s’assurer qu’aucun individu, notamment aucun agriculteur et/ou aucun travailleur des secteurs public et privé, ne soit tenu de travailler pour la récolte de coton organisée par l’Etat et qu’aucune menace de sanction ou de peine ne soit autorisée sous le prétexte du développement économique, au cas où les quotas de production imposés par l’Etat ne sont pas atteints. Le gouvernement est également prié de confirmer l’abrogation de l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence et de solliciter l’assistance technique du BIT, afin d’élaborer un plan d’action national visant à éliminer toute forme de travail forcé relatif à la récolte de coton et de poursuivre ses efforts de coopération avec l’OIT.

Les membres travailleurs ont exprimé leur accord avec les membres employeurs. Le travail forcé se déroule au Turkménistan dans un climat de violations généralisées des droits de l’homme, y compris le refus de la liberté syndicale et celle d’expression. Les personnes qui luttent contre ce travail forcé doivent agir dans la clandestinité et risquent d’être victimes d’intimidation, d’arrestation et de détention. La mobilisation forcée des agriculteurs et des travailleurs pour produire et récolter le coton constitue une violation de la législation nationale qui interdit le travail forcé, y compris de l’article 8 du Code du travail, ainsi qu’une violation de la convention no 105. La commission d’experts a noté avec «une profonde préoccupation le recours répandu au travail forcé dans la production de coton qui affecte les fermiers, les entreprises et les travailleurs des secteurs public et privé, notamment les enseignants, les médecins et le personnel infirmier, sous la menace de perdre leur emploi, de réductions salariales, pertes de terres, ou de faire l’objet d’enquêtes extraordinaires». Par ailleurs, la commission d’experts a «... prié instamment et fermement le gouvernement de prendre sans délai des mesures efficaces afin d’éliminer totalement le recours au travail forcé de travailleurs des secteurs public et privé dans la culture du coton». Les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement à coopérer avec l’OIT et les partenaires sociaux afin d’élaborer un plan pour éliminer le travail forcé, y compris celui des enfants. Par conséquent, le gouvernement est prié de mettre fin à la pratique consistant à forcer les agriculteurs à cultiver le coton et à mobiliser les travailleurs des secteurs public et privé pour sa récolte. En outre, les membres travailleurs ont demandé de cesser immédiatement les menaces envers ceux qui ne rencontrent pas les quotas de production et de récolte, d’appliquer la législation nationale qui interdit le travail forcé, d’instruire les fonctionnaires à ne pas utiliser la force pour obliger les citoyens à travailler dans les champs de coton et de sanctionner les fonctionnaires qui le font. Par ailleurs, il est demandé au gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT pour mettre fin au travail forcé dans l’industrie du coton et de permettre aux journalistes indépendants et aux défenseurs des droits de l’homme de travailler librement et d’exprimer leurs préoccupations au sujet du recours au travail forcé dans l’industrie du coton sans crainte de représailles. Les membres travailleurs ont aussi réclamé l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action national pour garantir le respect des droits au travail internationalement reconnus dans l’industrie du coton, y compris en mettant fin aux quotas obligatoires de production et de récolte de coton; et, le cas échéant, la libéralisation des prix d’achat du coton, et la transparence financière des dépenses et des revenus qui y sont liés. En outre, les membres travailleurs ont déclaré que, alors que les membres employeurs s’interrogeaient sur la demande directe de la commission d’experts qui avait adressée au gouvernement au sujet de l’article 1 d) de la convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, les membres travailleurs de même que les éminents juristes et les hautes cours régionales et nationales sont d’avis que le droit de grève est garanti par la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Cela a été reconnu à la fois par les membres employeurs et les membres travailleurs dans une déclaration commune: «le droit de grève pour défendre des intérêts professionnels légitimes est reconnu par les mandants de l’OIT». La reconnaissance internationale de ce droit suppose que les représentants des travailleurs et des employeurs abordent la question du mandat de la commission tel que défini dans son rapport de 2015. Ce mandat, consistant à «examiner la portée juridique, le contenu et la signification des dispositions des conventions», est approuvé par le Conseil d’administration du BIT, et la commission d’experts peut alors exiger des informations sur l’application des obligations d’un Etat découlant d’une convention ratifiée en faisant une demande directe.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.

La commission s’est félicitée de l’engagement pris oralement par le gouvernement de continuer à coopérer avec l’OIT pour mettre en œuvre la convention no 105. Elle a pris note avec préoccupation des allégations concernant le recours généralisé au travail forcé lors de la récolte annuelle de coton organisée par l’Etat turkmène.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a invité instamment le gouvernement:

  • - en application de l’article 1 a) de la convention no 105, à prendre des mesures, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce qu’aucune sanction impliquant du travail forcé ne soit imposée à l’expression pacifique d’opinions politiques allant à l’encontre de l’ordre établi;
  • - en application de l’article 1 b) de la convention no 105, à prendre des mesures efficaces, en droit et dans la pratique, pour veiller à ce que nul ne soit contraint de participer à la récolte de coton organisée par l’Etat ni menacé de sanction si les quotas de production ne sont pas atteints, sous prétexte de «fins de développement économique», y compris les agriculteurs et les travailleurs des secteurs public et privé. Elle a instamment invité le gouvernement, à cet égard, à abroger l’article 7 de la loi de 1990 sur le régime juridique régissant les situations d’urgence;
  • - à poursuivre et à sanctionner comme il convient tout fonctionnaire qui participe à la mobilisation forcée des travailleurs pour la culture ou la récolte du coton, en contravention de la convention no 105;
  • - à solliciter l’assistance technique du BIT afin de respecter la convention, en droit et dans la pratique, et d’élaborer un plan d’action national pour éliminer le travail forcé dans le cadre de la récolte du coton organisée par l’Etat;
  • - à permettre aux partenaires sociaux et aux organisations de la société civile de détecter tout cas de travail forcé lors de la récolte du coton et de réunir des informations sur ces cas sans craindre de représailles.

Le représentant gouvernemental a exprimé sa gratitude au nom de la délégation turkmène et réitéré l’engagement du Turkménistan à toujours s’acquitter des obligations internationales qu’il a contractées en ratifiant les conventions de l’OIT. Les observations finales et les recommandations seront soigneusement examinées. Toutefois, l’orateur a fait remarquer que la commission, dans ses conclusions, a mentionné la loi de 1990 qui a été abrogée en 2013. Le représentant gouvernemental a réitéré le fait que le Turkménistan est prêt à mener un dialogue constructif et à coopérer plus avant avec l’OIT.

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