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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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Suivi des recommandations de la commission d’enquête (plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT)

Depuis un certain nombre d’années, la commission examine ce cas et se réjouit de noter les changements positifs qui se sont produits au Myanmar au cours de l’année écoulée, y compris en ce qui concerne l’application de la convention.

Rappel historique

La commission examine, depuis plusieurs années, la manière dont le gouvernement a donné suite aux recommandations de la Commission d’enquête établie par le Conseil d’administration en mars 1997 en vertu de l’article 26 de la Constitution. Dans ses recommandations, la commission a instamment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour:
  • -que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;
  • -que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et en particulier par les militaires; et
  • -que les sanctions prévues à l’article 374 du Code pénal pour le fait d’imposer du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, ce qui exige que des enquêtes minutieuses soient diligentées, des poursuites judiciaires engagées et des sanctions appropriées imposées à l’encontre des personnes reconnues coupables.
La Commission d’enquête a souligné que des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, ces mesures devant revêtir la forme d’actes publics promulgués par l’exécutif et dont il assurerait la divulgation à tous les niveaux de l’armée et à l’ensemble de la population. Dans ses précédents commentaires, la commission d’experts a identifié quatre domaines dans lesquels des «mesures concrètes» devaient être prises par le gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission d’enquête. En particulier, la commission a mentionné les mesures suivantes:
  • -diffuser auprès des autorités civiles et militaires des instructions spécifiques et concrètes;
  • -assurer qu’une large publicité soit faite à l’interdiction du travail forcé;
  • -prévoir les ressources budgétaires adéquates pour remplacer la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et
  • -assurer l’application de l’interdiction du travail forcé.

Evolution depuis la dernière observation de la commission

Les organes de l’OIT ont tenu un certain nombre de discussions et adopté un certain nombre de conclusions sur cette question, et ils ont été saisis de nouvelles informations, qui ont été examinées par la commission. La commission note à cet égard les informations suivantes:
  • -le rapport du Chargé de liaison de l’OIT soumis à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail à la 101e session, en mai-juin 2012, la discussion que cette commission a consacrée à cette question et les conclusions qu’elle a adoptées par la suite (CIT, 101e session, Compte rendu provisoire no 19, partie 3 A) et document D.5 C));
  • -les documents soumis au Conseil d’administration à ses 313e et 316e sessions (mars et novembre 2012), les discussions que celui-ci a consacrées à cette question et les conclusions qu’il a adoptées à l’issue de ces sessions;
  • -le rapport de la mission effectuée par le bureau du Conseil d’administration dont la Conférence a été saisie à sa 101e session, en mai-juin 2012 (CIT, 101e session, Comptes rendus provisoires nos 2-2 et 2-2(Add.));
  • -la résolution concernant les mesures sur la question du Myanmar adoptées en vertu de l’article 33 de la Constitution de l’OIT (CIT, 101e session, Compte rendu provisoire no 2-4);
  • -la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçue en août 2012 et ses annexes;
  • -les rapports et communications du gouvernement du Myanmar reçus les 14 et 23 mars, 5 et 18 avril, 4 mai, 25 juillet, 31 août et 17 octobre 2012.
La commission accueille favorablement les progrès réalisés dans l’application de la convention par le gouvernement, qui sont mentionnés ci-dessus et, en particulier, la modification apportée à la législation, l’adoption du Plan d’action pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé au Myanmar d’ici à 2015 et les diverses mesures prises par le gouvernement, en collaboration avec le BIT, qui visent à l’éradication du travail forcé dans la pratique.

Protocole d’entente complémentaire du 26 février 2007 – Extension du mécanisme de traitement des plaintes

Dans ses commentaires précédents, la commission a examiné la portée du Protocole d’entente complémentaire (PEC) du 26 février 2007 conclu entre le gouvernement et l’OIT, qui complète le Protocole du 19 mars 2002 portant sur la nomination d’un Chargé de liaison de l’OIT au Myanmar. Comme la commission l’a noté précédemment, le PEC instaure un mécanisme de plainte dont l’objectif est de «donner officiellement aux victimes du travail forcé la possibilité de recourir aux services du Chargé de liaison pour adresser leurs plaintes par son intermédiaire aux autorités compétentes en vue d’obtenir réparation, conformément à la législation applicable et à la convention». La commission note que le PEC a été prolongé pour la cinquième fois le 23 janvier 2012, pour une nouvelle période de douze mois allant du 26 février 2012 au 25 février 2013 (CIT, 101e session, Compte rendu provisoire no 19, partie III, document D.5 G)).

Discussion et conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence

La Commission de l’application des normes a examiné à nouveau ce cas à la séance spéciale qu’elle y a consacrée lors de la 101e session de la Conférence, en juin 2012. La Commission de la Conférence a salué les progrès accomplis en vue de la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête de 1998. Elle a observé que de nombreuses mesures importantes ont été prises par le gouvernement à cet égard, en particulier les suivantes: i) les ordonnances émises en mars 2012 par le commandant en chef des forces de défense, avisant tous les membres du personnel des forces armées que des mesures disciplinaires strictes et rigoureuses seront prises à l’égard de ceux qui auront enrôlé des personnes n’ayant pas l’âge légal, et les ordonnances d’avril 2012 rendant la nouvelle loi sur l’interdiction du travail forcé applicable aux militaires, qui encourront désormais les poursuites prévues à l’article 374 du Code pénal; ii) les allocations budgétaires réservées au paiement des salaires afférents aux ouvrages publics, quel qu’en soit le niveau, pour 2012-13; iii) les progrès de la traduction dans les langues locales de la brochure relative au mécanisme de plainte; iv) la déclaration faite le 1er mai 2012 par le Président de la République, engageant le gouvernement à accélérer le processus d’éradication de toutes les formes de travail forcé; et v) les mesures disciplinaires prises à l’égard de 166 membres du personnel des forces armées et la procédure engagée sur la base de l’article 374 du Code pénal contre 170 fonctionnaires et cinq autres militaires. La Commission de la Conférence s’est félicitée de l’élaboration, en concertation entre le gouvernement et le BIT, d’un projet de plan d’action axé sur la mise en œuvre d’une stratégie conjointe exhaustive et proactive d’élimination de toutes les formes de travail forcé au Myanmar, question qui a fait l’objet d’un protocole d’accord sur l’élimination du travail forcé au Myanmar, conclu le 16 mars 2012. Se félicitant du caractère particulièrement élaboré et détaillé de ce plan d’action, la commission a insisté pour que tous les partenaires sociaux et toutes les organisations de la société civile jouent un rôle actif dans la mise en œuvre en priorité de ceux de ces éléments qui sont les plus propres à une concrétisation immédiate des recommandations de la Commission d’enquête.
Cependant, la Commission de la Conférence a réitéré ses préoccupations à propos de la disposition de la Constitution nationale qui prévoit une exception à l’interdiction du travail forcé pour les «tâches assignées par l’Union conformément à la loi, dans l’intérêt du public». Elle a espéré que des mesures seraient prises pour garantir que toute exception à l’interdiction du travail forcé prévue par le cadre constitutionnel et législatif se limiterait strictement à celles, particulièrement restrictives, qui sont prévues par la convention no 29.
La Commission de la Conférence a salué la déclaration du représentant gouvernemental proclamant que la culture de l’impunité ne serait pas tolérée. Elle s’est déclarée confiante que la législation nouvellement adoptée sera appliquée de manière effective, et que les sanctions dissuasives prévues seront effectivement appliquées pour punir le recours au travail forcé dans quelque secteur que ce soit, et elle a demandé que le gouvernement fasse un bilan de l’impact des mesures dont il a fait état, pour être à même de les renforcer, si nécessaire. Elle a souligné vigoureusement l’importance de la prééminence du droit et de l’indépendance du judiciaire comme conditions indispensables d’une réelle démocratisation et d’un réel changement. Elle a encouragé le gouvernement et l’OIT à observer étroitement les progrès de l’application du plan d’action, notamment en ce qui concerne le recours au travail forcé par les militaires, et elle a demandé que des informations sur cette question soient communiquées au BIT cette année.
La Commission de la Conférence a également salué la remise en liberté de nombreux prisonniers politiques et militants syndicaux, voulant croire que toutes les autres personnes encore emprisonnées pour les mêmes motifs seront immédiatement remises en liberté. Elle a exprimé l’espoir que les plaignants et les facilitateurs continueront de bénéficier de la protection prévue dans le cadre du mécanisme de plainte, mécanisme dont le maintien est à ses yeux d’une importance critique. Elle a à nouveau appelé tous les investisseurs à veiller à ce que l’activité qu’ils déploient au Myanmar ne serve pas à perpétuer le recours au travail forcé, mais contribue plutôt à son éradication totale, dans le plein respect des normes internationales du travail. Enfin, elle a appelé à un renforcement des capacités dont dispose le Bureau de liaison de l’OIT pour aider le gouvernement, les partenaires sociaux et les autres parties prenantes à jouer un rôle plein et constructif dans les efforts visant à éradiquer le travail forcé.

Résolution concernant les mesures sur la question du Myanmar adoptées en vertu de l’article 33 de la Constitution de l’OIT

La commission note l’adoption, par la Conférence à sa 101e session, en juin 2012, d’une résolution relative à l’action de l’OIT concernant le Myanmar. Cette résolution fait suite aux conclusions adoptées par le Conseil d’administration en mars 2012, à sa 313e session, au rapport de la mission effectuée au Myanmar en mai 2012 par le bureau du Conseil d’administration et aux recommandations contenues dans ce rapport et, enfin, aux conclusions adoptées par la Commission de l’application des normes à l’issue de sa séance spéciale sur l’application de la convention au Myanmar.
La commission note que la mission a conclu dans son rapport que la volonté politique et les besoins techniques du Myanmar donnent des raisons d’accroître et de diversifier considérablement l’action de l’OIT. Quant à savoir si des progrès suffisants ont été accomplis dans le sens de la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête pour justifier une modification ou la levée des mesures décidées par la Conférence en 1999 et 2000, la mission a conclu que les réformes législatives introduites par le nouveau gouvernement et dont les effets se sont de plus en plus fait sentir depuis quelques mois semblent répondre comme il convient à la première des recommandations faites par la Commission d’enquête, relative à la modification de la législation. La mission a conclu que, même si des progrès ont été accomplis dans la mise en place d’un cadre juridique adapté, le plus grand défi qui se pose encore à propos de la concrétisation des recommandations de la Commission d’enquête est l’éradication totale de la pratique actuelle du travail forcé au Myanmar. La mission a souligné que les pratiques existantes, qui ont été acceptées pendant des décennies, nécessiteront, pour disparaître, un effort majeur et soutenu de sensibilisation de l’opinion. Tant que persistera la pratique du recours au travail forcé, des enquêtes devront être menées pour en découvrir les responsables, les traduire en justice et les punir. Un pouvoir judiciaire indépendant et impartial, formé aux questions de travail forcé, contribuera à mettre fin au climat d’impunité. La mission a également rappelé que l’élaboration et la mise en œuvre résolue d’une stratégie d’ensemble, axée sur l’élimination totale de toutes les formes de travail forcé d’ici à 2015, revêtent une importance déterminante pour la mise en œuvre complète de la recommandation de la Commission d’enquête.
La commission note que la résolution de 2012 a effectivement levé les restrictions à la coopération de l’OIT avec le gouvernement du Myanmar qui avaient été instaurées par la résolution de la Conférence de juin 1999. Elle a également levé pour douze mois la recommandation contenue au paragraphe 1 b) de la résolution adoptée par la Conférence en vertu de l’article 33 de la Constitution en juin 2000. Avec cette nouvelle résolution, la Conférence a décidé en particulier de lever les restrictions imposées à la coopération technique de l’OIT ou à l’assistance du gouvernement du Myanmar prévues par la résolution de 1999, si bien que: l’OIT peut fournir son aide au gouvernement, aux employeurs et aux travailleurs du Myanmar dans toute une série de domaines relevant de sa compétence; le gouvernement du Myanmar est à nouveau autorisé à participer aux réunions, colloques et séminaires de l’OIT de la même manière que tout autre Membre, les partenaires sociaux de ce pays devant jouir du même traitement; est suspendue pour un an la recommandation contenue au paragraphe 1 b) de la résolution de 2000 appelant des Membres de l’Organisation à réexaminer leurs relations avec le Myanmar et prendre toutes mesures appropriées pour que ces relations ne servent pas à perpétuer ou aggraver le système de travail forcé signalé par la Commission d’enquête. La résolution demande également au gouvernement du Myanmar de faciliter l’élargissement du champ des activités du Bureau international du Travail au Myanmar à travers les arrangements appropriés.

Discussions au sein du Conseil d’administration

Le Conseil d’administration a poursuivi ses discussions sur ce cas à ses 313e et 316e sessions, en mars et novembre 2012 (documents GB.313/INS/6 et GB.316/INS/5/5). La commission note que, à l’issue de ses discussions de mars 2012, le Conseil d’administration s’est félicité des évolutions suivantes constatées au Myanmar depuis novembre 2011: l’adoption en février 2012 d’une loi sur l’administration des villages qui comporte une disposition punissant comme infraction pénale l’imposition de travail forcé; l’abrogation des lois de 1907 sur les villes et sur les villages et l’engagement de certaines poursuites en justice; la déclaration, par le gouvernement, de son intention d’élaborer en concertation avec l’OIT une stratégie axée sur l’élimination de toutes les formes de travail forcé d’ici à 2015; la poursuite d’activités de sensibilisation des autorités civiles et militaires; et, enfin, la remise en liberté de militants syndicaux. Tout en accueillant favorablement ces développements importants, qui marquent une avancée majeure dans la mise en œuvre de la recommandation de la Commission d’enquête, le Conseil d’administration a fait observer que, pour que cet objectif soit réellement accompli, il faudra une stricte application de la nouvelle loi, avec la poursuite en justice des personnes qui enfreignent ces dispositions et leur sanction effective. Ces mesures devraient donc mettre à profit la stratégie proposée, laquelle devrait s’accompagner de l’engagement des plus hautes sphères du pouvoir à la mettre en œuvre et l’appliquer à l’ensemble du territoire du Myanmar, y compris dans les zones frontalières, dans l’objectif d’accords de paix durables.
La commission note également que, lors de ses discussions de novembre 2012, le Conseil d’administration a noté que le gouvernement qui a pris ses fonctions en mars 2011 a poursuivi dans la voie d’une réforme politique, économique et sociale complexe et d’une transition vers la démocratie après des décennies de régime militaire. Le Conseil d’administration a salué, notamment, l’évolution suivante constatée au Myanmar depuis mars 2012: i) plusieurs réunions du comité nouvellement élargi pour l’élimination du travail forcé présidé par le ministre du Travail, avec comme cosecrétaires le vice-ministre du Travail, le vice-ministre de la Défense et le Chargé de liaison de l’OIT; ii) la mise en place d’un comité technique du groupe de travail ayant pour mission de garantir que les engagements contenus dans le plan d’action pour l’élimination du travail forcé seront tenus dans les délais voulus grâce à une coordination et une coopération interministérielles appropriées; iii) le commencement de la mise en œuvre à la fois du plan d’action de l’OIT contre l’enrôlement par les militaires de personnes n’ayant pas l’âge légal et du plan d’action concerté sur les enfants et les conflits armés, mis en place en application de la résolution du Conseil de sécurité no 1612 du 27 juin 2012; iv) la libération au cours de cette année de 46 recrues n’ayant pas l’âge légal, ce qui porte à 261 le total des recrues n’ayant pas l’âge légal ainsi libérées d’obligations militaires grâce au mécanisme de plainte de l’OIT; v) la réalisation d’une brochure sur le travail forcé en sept langues, qui est diffusée depuis juin 2012 par l’armée, le Département de l’administration générale, le ministère du Travail, le ministère de l’Information et dans divers séminaires et journées de travail, et qui a été reproduite intégralement dans plusieurs journaux et périodiques d’expression birmane et à la radio et à la télévision; et vi) la poursuite des activités de sensibilisation des autorités civiles et militaires.
Le Conseil d’administration a observé que toutes les parties concernées par la mise en œuvre du plan d’action pour l’élimination du travail forcé témoignent d’un certain degré d’engagement. Il a estimé que ce n’est toutefois que le début d’un processus qui doit permettre de jeter les bases d’une action concertée, pour la réalisation de l’objectif convenu. Même si divers indices attestent que la pratique du recours au travail forcé tend à diminuer, des plaintes continuent d’être enregistrées par le mécanisme établi par le Protocole d’entente complémentaire (PEC) de 2007. Ainsi, entre le 1er juin et le 11 octobre 2012, le mécanisme a été saisi de 158 plaintes, concernant notamment des cas d’enrôlement de personnes n’ayant pas l’âge légal, des plaintes pour travail forcé ainsi que des actions collectives multiples alléguant des faits de traite des personnes.

Communication reçue de la Confédération syndicale internationale (CSI)

La commission note que, dans ses commentaires, la CSI se félicite de l’abrogation de la loi sur les villes et de la loi sur les villages et de l’adoption d’une nouvelle législation qui contient une disposition punissant comme infraction pénale l’imposition de travail forcé, comme le prévoit la convention. Elle salue également le recul apparent de la pratique du recours au travail forcé et l’adoption par le gouvernement et l’OIT d’une stratégie conjointe axée sur l’élimination totale de toutes les formes de travail forcé d’ici à 2015. La CSI espère que tous les partenaires sociaux et des organisations de la société civile qu’ils jouent un rôle actif dans la concrétisation et l’application accélérée de ceux des éléments du plan d’action qui sont les plus propres à mettre en œuvre immédiatement les recommandations de la Commission d’enquête.
Cependant, par contraste avec cette évolution positive, la CSI signale que, d’après plusieurs sources récentes, le recours au travail forcé ou obligatoire, en particulier par les militaires, se poursuivrait dans certaines régions du pays. Ces pratiques recouvrent par exemple des missions de portage, de construction et de réparation de routes, de construction de camps militaires, d’érection de clôtures et de dégagement de routes. La CSI affirme en outre que les sanctions pénales punissant l’imposition de travail forcé ou obligatoire ne sont pas appliquées strictement à l’encontre des autorités militaires et civiles. La communication de la CSI comporte en annexe trois rapports dénonçant des pratiques de travail forcé commises par les autorités civiles et militaires des Etats de Karen, Chin et Nord Arakan. Ces rapports s’appuient sur des éléments attestant de situations de travail forcé résultant d’ordres donnés par des responsables militaires et civils; ils s’appuient aussi sur des renseignements sur les résultats des études menées sur la base de questionnaires à remplir par les chefs de famille; de nombreux entretiens sur le terrain. Cependant, un rapport concernant l’Etat de Chin centré sur les situations de travail forcé signalées en 2011 admet que l’absence de preuves de l’imposition de travail forcé par les militaires en 2012 peut être perçu comme un premier indice d’efforts consentis par les militaires pour mettre un terme à la pratique de la réquisition pour le portage et d’autres formes de travail forcé. Un rapport concernant l’Etat d’Arakan relève la persistance de pratiques de travail forcé dans le nord de cet Etat, alors que de telles pratiques auraient sensiblement reculé dans les régions centrales et sud du même Etat. La CSI conclut que, si des progrès ont été réalisés, les informations concernant les trois Etats visés plus haut attestent que le travail forcé, y compris d’enfants, reste un grave problème dans certaines régions du pays.

Rapports du gouvernement

La commission prend note des rapports du gouvernement mentionnés plus haut, qui comportent des réponses à sa précédente observation, ainsi que de la réponse du gouvernement aux commentaires susvisés de la CSI et à des commentaires antérieurs d’organisations de travailleurs. Le gouvernement a fourni en particulier des indications sur la mise en œuvre dans la pratique du plan d’action pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé au Myanmar d’ici à 2015, élaboré en collaboration avec l’OIT. Il déclare que ce plan d’action a renforcé les activités du mécanisme de plainte établi par le protocole supplémentaire et que les activités de sensibilisation ont été multipliées en application du plan. Ainsi, une série de séminaires de sensibilisation et de conférences ont été organisés conjointement par le ministère du Travail et l’OIT pour les villageois, les représentants des autorités militaires et civiles, la police, les juges, des ONG et des représentants d’organisations sociales. Les autorités militaires ont diffusé des instructions afin qu’il ne soit plus réquisitionné de civils pour des missions d’appui de l’armée, notamment des missions de portage, de sentinelle/garde et de construction/entretien de camps dans les zones de conflit. Des instructions ont également été prises pour que toute mission d’appui apportée par des civils à des opérations militaires dans des zones non concernées par le conflit s’effectue sur la base du volontariat et dans le cadre d’un emploi rémunéré ou de contrats de service. En outre, des ordres ont été adressés par le commandant en chef des forces de défense à tous les personnels militaires avertissant ceux-ci que des sanctions disciplinaires strictes seront prises à l’égard de ceux qui auront recruté des personnes n’ayant pas l’âge légal. S’agissant des allocations budgétaires destinées au paiement des salaires afférents à des ouvrages publics de quelque niveau que ce soit, le gouvernement indique que les fonctionnaires du ministère du Travail et le Chargé de liaison de l’OIT ont eu un entretien avec les fonctionnaires du Département du budget du ministère des Finances pour discuter de la procédure d’allocation des crédits et que les coûts en main-d’œuvre ont été identifiés, permettant aux ministères concernés de soumettre leurs propositions.
La commission note que, dans son message du 1er mai, où la représentation était tripartite, le Président a engagé publiquement son gouvernement à éliminer intégralement toutes les formes de travail forcé et à mettre en œuvre la liberté syndicale. Sa déclaration a été largement diffusée dans tous les médias.

Remarques finales de la commission

S’agissant de la modification de la législation, la commission prend note avec satisfaction de l’adoption par le Parlement de la loi du 24 février 2012 sur l’administration des villages (dans sa teneur modifiée du 28 mars 2012), qui abroge les lois de 2007 sur les villages et sur les villes (art. 37) et qui incrimine le travail forcé et rend cette infraction passible de l’emprisonnement et de peines d’amende (art. 27A).
Cependant, la commission note qu’aucune mesure n’a été prise pour modifier l’article 359 de la Constitution (chap. VIII – Citoyenneté, droits et devoirs fondamentaux du citoyen), qui exclut de l’indiction du travail forcé les «tâches assignées par l’Union conformément à la loi, dans l’intérêt du public». Dans ses commentaires précédents, la commission a observé qu’une exception admettant des formes de travail forcé plus étendues que celles qui sont spécifiquement admises à l’article 2, paragraphe 2, de la convention pourrait être interprétée d’une manière qui autoriserait l’imposition généralisée de travail forcé à la population. La commission note que le gouvernement déclare dans ses rapports que la Constitution de 2008 a été approuvée par le peuple du Myanmar et qu’aucune demande de modification n’a encore été reçue par le Parlement. La commission exprime cependant le ferme espoir que, suite à la réforme législative mentionnée plus haut, les mesures nécessaires seront enfin prises pour modifier l’article 359 du chapitre VIII de la Constitution afin de rendre celui-ci conforme à la convention.
La commission se félicite de l’évolution positive évoquée ci-dessus de l’application de la convention par le gouvernement et, en particulier, de la modification de la législation, de l’adoption du plan d’action pour l’élimination de toutes les formes de travail forcé au Myanmar d’ici à 2015 et de diverses mesures prises par le gouvernement en collaboration avec l’OIT en vue d’éradiquer le travail forcé des hommes, des femmes et des enfants dans la pratique. La commission fait pleinement siennes les conclusions concernant le Myanmar adoptées par la Commission de la Conférence et par le Conseil d’administration et elle incite le gouvernement à poursuivre avec résolution les efforts actuellement déployés pour éliminer le travail forcé sous toutes ses formes, en droit et dans la pratique, à travers la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission d’enquête. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations exhaustives sur les mesures prises à cet effet et, en particulier, sur les mesures prises d’urgence pour assurer que, dans la pratique, aucun travail forcé ne soit plus imposé par les autorités, notamment militaire, et sur les mesures prises pour assurer l’application stricte de la nouvelle législation, de sorte que les sanctions prévues par cette nouvelle législation et par le Code pénal pour réprimer le travail forcé soient strictement appliquées. Elle prie également le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les diverses mesures d’ordre pratique tendant à l’éradication de toutes les formes de travail forcé, comme l’expansion des activités de sensibilisation; l’amélioration des pratiques d’enrôlement de l’armée, et notamment la remise en liberté des enfants qui avaient été enrôlés et l’imposition concomitante de sanctions disciplinaires et pénales à l’égard des militaires responsables; la coopération au fonctionnement du mécanisme de plainte établi par le protocole supplémentaire; les mesures prises pour assurer que les crédits nécessaires au remplacement de la main-d’œuvre forcée ou de la main-d’œuvre non rémunérée soient inscrits au budget. La commission réitère le ferme espoir que toutes les mesures nécessaires seront prises sans tarder pour parvenir à l’application pleine et entière de la convention, de manière à assurer que toutes les formes de travail forcé ou obligatoire au Myanmar soient totalement éliminées.
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