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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2008, Publication : 97ème session CIT (2008)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

Autre commentaire sur C087

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Un représentant gouvernemental a déclaré être venu de Colombie avec l’intention de partager avec les employeurs, les travailleurs, les représentants gouvernementaux et les fonctionnaires de l’OIT l’espace qu’offre la Commission des normes de la Conférence pour discuter d’un cas, qui en l’espèce constitue sans aucun doute un cas en progrès.

Discuter d’un cas en progrès requiert une analyse objective permettant de rechercher des mécanismes pour avancer sur le thème qui doit nous intéresser et nous réunir: l’amélioration des conditions de travail en Colombie. Cet exercice exige de rappeler et d’affronter le passé, de regarder et d’analyser le présent, et de pouvoir prévoir les efforts qu’il conviendra de poursuivre afin d’améliorer la situation.

L’orateur a axé son intervention sur la sécurité, l’impunité, les normes du travail et ce qu’il considère comme un point spécial, la présence et l’accompagnement du BIT. Ces thèmes sont analysés du point de vue de l’accord tripartite qui a récemment été évalué par la mission de haut niveau qui s’est rendue en Colombie il y a six mois.

Chaque progrès réalisé dans le cadre de l’accord doit être considéré comme un triomphe de la concertation. Ces progrès constituent également une défaite pour ceux qui veulent uniquement radicaliser le problème. Le gouvernement et l’OIT croient au dialogue et considèrent l’accord et l’espace qu’il octroie comme un mécanisme permettant d’identifier les divergences et d’élaborer des solutions, de construire la démocratie et d’œuvrer le développement. Le tripartisme constitue l’alternative réelle et concrète sur laquelle il faut miser.

S’agissant de la sécurité, il n’est pas possible de dire qu’en Colombie il ait existé ou qu’il existe une politique visant à détruire le mouvement syndical. Ce qu’il y avait, c’était un problème généralisé de violence auquel on a fait face dans le cadre du programme de sécurité démocratique. L’année dernière, cinq ans après la mise en œuvre du programme, le nombre de morts violentes est passé de 32 000 en 2002 à 17 198, et les assassinats de personnes liées au mouvement syndical sont passés de 196 à 26, soit une diminution de 86 pour cent. Ce chiffre reste très élevé, et il est préoccupant qu’au cours des premiers mois de cette année, le nombre de morts soit plus important que pour la même période l’année dernière.

S’agissant du programme de protection, en 2000, deux ans avant l’entrée en fonctions du gouvernement actuel, l’ensemble du programme de protection bénéficiait d’un budget de 1,7 million de dollars E.-U. pour les syndicalistes, les journalistes, les leaders sociaux et les politiciens. En 2007, 34 millions de dollars ont été alloués à ce programme, dont 30 pour cent - soit environ 11 millions de dollars - ont été destinés au programme de protection des syndicalistes.

En ce qui concerne la lutte contre l’impunité - objectif prioritaire de l’accord tripartite - et les progrès réalisés à cet égard, le ministère public a créé une unité spéciale qui se consacre exclusivement à enquêter sur les crimes commis à l’encontre de personnes liées au mouvement syndical. Cette unité, d’abord temporaire, est devenue depuis l’année dernière une unité permanente du ministère public. Elle a été renforcée, quant au sein de cette assemblée de l’OIT, la création de quelques juridictions spéciales consacrées uniquement et exclusivement à juger les délits susmentionnés a été considérée comme une impérieuse nécessité. Ainsi, les magistrats ont mis en place trois juridictions spéciales pour décongestionner le système, permettant d’obtenir des résultats rapides contre l’impunité: 44 condamnations ont été prononcées en 2007, et 11 en 2008, avec au total 103 décisions judiciaires rendues au cours du mandat de ce gouvernement. Ce chiffre, que beaucoup considèrent comme insuffisant, doit être analysé à la lumière des deux décisions de justice rendues entre 1996 et 2001, alors que depuis un an et demi, 55 sentences ont été prononcées, 177 personnes ont été condamnées, et 117 sont incarcérées. En outre, selon le pouvoir judiciaire, branche indépendante du pouvoir public colombien, 20 des 105 sentences en retard rendues concernent des activités syndicales.

Les efforts déployés pour la sécurité et la lutte contre l’impunité ont été renforcés récemment avec le système des récompenses qui permet d’identifier et de capturer les auteurs et les commanditaires de crimes perpétrés contre des personnes liées au mouvement syndical. Cette année, ces récompenses ont permis d’obtenir des résultats significatifs avec l’appréhension de cinq coupables présumés. En outre, le gouvernement a déposé auprès du congrès de la république un projet de loi visant à durcir les peines pour les assassins de syndicalistes.

S’agissant de la législation du travail, la semaine dernière, le congrès a approuvé un projet de loi déposé par le gouvernement, qui transfère aux juridictions du travail la compétence pour déclarer une grève illégale. Ce projet précise également que le recours aux tribunaux d’arbitrage doit se faire d’un commun accord entre les parties.

L’autre projet qui devrait bientôt être approuvé par le congrès concerne les coopératives de travailleurs associés. Seules quelques unes d’entre elles commettent des abus, profitant de l’ambiguïté des dispositions juridiques qui les réglementent. Ce projet de loi, développé avec les associations de coopératives, a été présenté sur initiative du gouvernement. Le recours aux coopératives ne doit pas être condamné en raison de ce qu’il serait une alternative au développement.

En outre, le gouvernement s’est engagé devant le congrès à présenter dans les six prochains mois, un projet de loi sur les services publics essentiels.

Il a rappelé que, suite à l’accord tripartite, le pays a également approuvé une loi qui intègre l’aspect oral dans le système du travail. Ces mesures, qui sont en train d’être mises en œuvre, permettront d’accélérer les procédures pour établir et compenser les droits du travail et accéléreront les procédures judiciaires. En 2008, la construction de plus de 100 nouveaux tribunaux du travail a été lancée dans le pays.

Enfin, il a fait part de la décision du gouvernement de renforcer l’unité d’inspection et de surveillance chargée de faire respecter la législation du travail. Cette mesure est d’une grande importance, étant donné que le taux de chômage annuel a baissé, passant de 20 pour cent en 2002 à 11 pour cent en 2007. La majorité des nouveaux travailleurs bénéficie de l’extension de la protection de la sécurité sociale au niveau de la santé, des retraites et des risques professionnels en Colombie. Par exemple, en 2002, 55 pour cent des Colombiens était couverts par une assurance de santé, contre près de 90 pour cent à ce jour, l’objectif étant de parvenir à une couverture universelle d’ici 2010. En outre, au cours des trois prochaines années, l’effectif de l’inspection du travail sera augmenté de 207 fonctionnaires, soit une croissance de près de 30 pour cent.

Se référant à la présence du BIT en Colombie, l’orateur a rappelé que depuis novembre 2006, le BIT possède un bureau en Colombie. Par l’intermédiaire de ce bureau, le gouvernement, avec ses fonds propres, a alloué plus de 4 millions de dollars pour la mise en œuvre de projets de coopération technique sur le travail décent, qui ont été élaborés de manière tripartite.

L’accompagnement du bureau du BIT de Lima, au Pérou, ainsi que la communication permanente et fluide qui existe avec le Bureau central ont permis à l’OIT d’avoir joué un rôle décisif en faveur de processus constructifs de résolution des problèmes, et ont aidé à trouver des alliés nationaux et internationaux pour mettre en œuvre les projets au plan national.

La mission de haut niveau, qui s’est rendue en Colombie au nom du Directeur général du BIT, M. Juan Somavia, ainsi que sous la conduite de M. Kari Tapiola et de son équipe, a permis de jeter les bases pour promouvoir l’identification d’un agenda tripartite, sur lequel la commission de concertation sur la politique du travail et des salaires a commencé à travailler. Des thèmes comme le travail décent, la justice du travail et l’exercice de la liberté syndicale font partie de l’agenda tripartite. Le représentant gouvernemental a rappelé la conviction de son gouvernement de la nécessité de progresser.

Les membres travailleurs ont souligné que cette procédure d’examen spéciale ne constitue pas un précédent. Il y a lieu de s’attarder sur certains thèmes traités par la commission d’experts au sujet de l’accord tripartite de 2006. S’agissant tout d’abord de la militarisation de la société, les actes de violence à l’encontre des militants et des dirigeants syndicaux se poursuivent. Entre 1986 et avril 2008, 2 669 syndicalistes ont été assassinés, soit un syndicaliste tous les trois jours. Cette année, 26 personnes ont déjà été assassinées, dont sept enseignants, parmi lesquelles une femme enceinte. Ces syndicalistes sont tués en raison de leur activité syndicale, dans la majorité des cas par les groupes paramilitaires qui stigmatisent le mouvement syndical comme étant proche des guérillas ou des mouvements d’extrême gauche. Le gouvernement a fait des efforts pour protéger les syndicalistes mais le nombre d’assassinats n’a pas diminué de manière significative. Selon la commission d’experts, le nombre de personnes protégées a diminué. Quand pourront-ils enfin exercer leurs activités en toute sécurité, sans escorte ni voiture blindée? Par ailleurs, les assassinats des syndicalistes restent à 96,8 pour cent impunis. Même si les enquêtes ont été multipliées récemment, le pourcentage de celles ayant débouché sur une action judiciaire ou une condamnation est considéré comme «infime» par la commission d’experts.

En ce qui concerne les entraves à l’activité syndicale, celles-ci ne relèvent pas seulement du climat de violence mais également de la législation et de pratiques contraires à la convention. A cet égard, la commission d’experts se réfère: i) à l’utilisation de diverses modalités contractuelles de travail, telles que les coopératives de travail associé, les contrats de prestations de services et les contrats civils ou commerciaux qui, en déguisant la relation de travail, privent les travailleurs de l’ensemble de leurs droits syndicaux. Or la commission a rappelé que, lorsque ces travailleurs effectuent des tâches qui s’inscrivent en termes de subordination dans le cadre normal des activités de l’entité, ils doivent être considérés comme des salariés et bénéficier des droits syndicaux; ii) au refus arbitraire d’inscrire de nouvelles organisations, de nouveaux statuts ou les changements dans le comité directeur des organisations. Même si le gouvernement a fait part de l’entrée en vigueur d’une nouvelle résolution en 2007, la commission d’experts considère que l’autorité administrative dispose encore de pouvoirs excessifs et discrétionnaires contraires à l’article 2 de la convention; iii) à l’impossibilité de faire grève pour les fédérations et les confédérations ainsi que pour les fonctionnaires dans toute une série de services qui ne sont pas considérés comme des services essentiels, qui s’accompagne de la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux ayant participé à des grèves dites illégales et de la faculté pour le ministère du Travail de soumettre des différends à l’arbitrage. A cet égard, le gouvernement a adopté une nouvelle loi réglementant le droit de grève, qui ne tient compte que d’une des neuf recommandations de l’OIT et qui permet au Président de la République de mettre fin à une grève. Enfin, il est impossible de mener des négociations collectives puisque, d’une part, les syndicats de fonctionnaires ne peuvent ni présenter des cahiers de revendications ni conclure des conventions collectives du travail - interdiction qui s’étend aux fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat - et, d’autre part, dans le secteur privé, les accords dits collectifs sont utilisés pour affaiblir la position des organisations syndicales et limiter leur capacité à conclure des conventions.

Les membres travailleurs ont conclu que la Colombie continue à violer de manière manifeste et flagrante la convention no 87. L’accord tripartite conclu en 2006, n’a pas encore porté ses fruits. Certes, davantage de moyens ont été consacrés à la protection des syndicalistes mais les poursuites judiciaires et les condamnations des meurtriers des syndicalistes restent largement insuffisantes. En ce qui concerne les droits et libertés fondamentaux, il n’y a toujours pas de progrès significatifs. Le dialogue social doit être renforcé dans la pratique et un indicateur réel de progrès serait que davantage de négociations collectives soient menées dans les secteurs public et privé. Il convient de souligner que la représentation permanente de l’OIT et les programmes d’assistance technique ne font que commencer. La pression internationale a été bénéfique mais les résultats obtenus demeurent insuffisants. Cette pression doit être renforcée et cette discussion poursuit cet objectif.

Les membres employeurs ont remercié le ministre de la Protection sociale de Colombie d’être venu volontairement devant la commission pour débattre avant la discussion de la liste des cas individuels. Ils ont souligné aussi qu’ils apprécient la bonne volonté dont le gouvernement fait preuve devant la commission. Rappelant la longue histoire du contrôle par cette commission de l’application des normes relatives à la liberté syndicale en Colombie, l’orateur a indiqué que des progrès ont été accomplis au cours de ces cinq dernières années, bien que le gouvernement ait reconnu qu’il y avait encore du chemin à parcourir. En février 2000, une mission de contacts directs a été envoyée en Colombie. En 2001, le Conseil d’administration a nommé un représentant spécial du Directeur général qui lui a présenté, en un an, trois rapports. En 2003, le Conseil d’administration a approuvé un programme d’assistance technique coûteux financé par l’OIT, qui a duré jusqu’en 2006. Lors de la Conférence de juin 2005, la Colombie a accepté de recevoir une visite tripartite de haut niveau, à laquelle ont participé le président du Comité de la liberté syndicale et les deux vice-présidents de la Commission de l’application des normes. La visite tripartite de haut niveau a bénéficié d’une liberté totale de mouvement et de transparence lors de ses réunions, y compris avec le Président de la Colombie. Le 1er juin 2006, l’Accord historique tripartite sur le droit d’association et la démocratie a été signé à la Conférence internationale du Travail afin de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, de leurs organisations et des dirigeants syndicaux, en particulier en ce qui concerne le respect de la vie humaine, la liberté syndicale, la liberté de parole, la négociation collective, la libre entreprise pour les employeurs et la promotion du travail décent. Afin de faciliter la mise en œuvre de cet accord, le Bureau a créé une représentation permanente en Colombie, et un programme de coopération technique de 5 millions de dollars E.-U. financé par le gouvernement colombien a été mis en place. Au cours de la session de 2007 de la Conférence, il a été décidé d’envoyer une mission tripartite de haut niveau pour évaluer les besoins complémentaires afin de garantir la mise en œuvre effective de l’accord et du programme de coopération technique en Colombie. La mission de haut niveau qui s’est rendue à Bogotá du 25 au 28 novembre 2007 a remis un rapport très positif qui n’a pas rencontré d’opposition au sein du Conseil d’administration.

Les principales questions soulevées par la commission d’experts dans ce cas concernent la situation de violence et d’impunité ainsi que certains points d’ordre juridique ou législatif, avec en arrière plan plusieurs décennies de guerre civile ininterrompue. Depuis 2001, le niveau de violence à l’encontre des syndicalistes a substantiellement baissé, de même que le nombre d’homicides. Il est important de noter que les cibles ne sont pas seulement des syndicalistes mais également des enseignants, des juges et des personnalités importantes de la société. Cependant, tout le monde doit se sentir concerné par la montée de la violence contre les syndicats en 2008. La commission d’experts a relevé que le budget des mesures de protection avait augmenté, un quart étant exclusivement destiné au mouvement syndical. Elle a également noté que les centrales syndicales colombiennes reconnaissaient les efforts accrus du ministère public pour assurer poursuites et condamnations. Le gouvernement doit, de manière urgente, poursuivre ses efforts en travaillant régulièrement avec les procureurs et les juges. Il est à espérer que ces mesures conduiront à des progrès dans la lutte contre l’impunité.

Parmi les questions d’ordre législatif soulevées par la commission d’experts, celle de l’utilisation inappropriée des coopératives, sur laquelle la visite tripartite de haut niveau en Colombie en 2005 avait concentré son attention, est une question importante. Comme la commission d’experts l’a souligné, les travailleurs employés dans ces conditions devraient être traités comme des travailleurs réguliers et bénéficier des mêmes conditions d’emploi, y compris la possibilité de s’affilier à un syndicat. Les membres employeurs ont pris note du projet de décret préparé en 2007 et qui a pour objet de mettre en place des règles du jeu équitables dans ce domaine, ainsi que le gouvernement l’a déclaré, et ils ont demandé à ce que ce décret soit rapidement adopté.

S’agissant des commentaires de la commission d’experts relatifs aux obstacles à l’enregistrement des syndicats et à l’exercice de leurs activités, il est compréhensible que, dans le climat difficile actuel, le gouvernement souhaite assurer que les fonctions syndicales n’aillent pas au-delà des activités syndicales normales. Toutefois, l’article 2 de la convention no 87 requiert clairement que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent se constituer sans autorisation préalable. De plus, gardant à l’esprit que la convention no 87 ne prévoit pas expressément le droit de grève, il convient de relever que la législation en question permettra aux parties de créer leur propre mécanisme de règlement des différends au lieu d’utiliser le processus d’arbitrage obligatoire actuellement en place. Par ailleurs, des ressources substantielles doivent être allouées au système judiciaire et aux tribunaux du travail ainsi qu’au renforcement des services d’inspection du travail. Enfin, des mesures énergiques doivent être prises pour résoudre les autres questions soulevées par la commission d’experts. Les membres employeurs ont conclu en remerciant le gouvernement de s’être volontairement présenté devant la commission et ont exprimé l’espoir qu’il continuera à prendre les mesures nécessaires pour améliorer la situation, comme il l’a fait par le passé.

Le membre gouvernemental de la Slovénie, intervenant au nom des gouvernements des Etats membres de l’Union européenne ainsi qu’au nom de l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Islande, l’ex-République yougoslave de Macédoine, la République de Moldova, la Norvège et la Turquie, a souhaité la bienvenue au ministre de la Protection sociale de Colombie et a exprimé un profond soutien et une entière appréciation du travail de l’OIT, et de sa représentation permanente en Colombie, pour l’aide apportée au pays dans ses efforts visant à assurer le respect des conventions nos 87 et 98, à travers notamment un programme de coopération technique en Colombie.

Bien que les efforts du gouvernement pour améliorer la situation doivent être reconnus, le niveau de violence demeure toujours bien trop élevé et l’assassinat de syndicalistes reste une préoccupation majeure. Néanmoins, l’empressement des partenaires sociaux à coopérer à la mise en place des mécanismes de mise en œuvre effective de l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie en Colombie est encourageant.

Les mesures prises jusqu’à présent par le gouvernement dans la lutte contre l’impunité doivent également être saluées. Cependant, la recommandation de la mission de haut niveau devrait à nouveau être rappelée, afin que l’ensemble des cas de violence contre des syndicalistes soit examiné et qu’aucun retard supplémentaire ne s’ajoute au retard existant. Par conséquent, le gouvernement est fortement encouragé à accélérer la lutte contre le taux fort élevé d’impunité.

Le programme de protection des syndicalistes devrait être soutenu, et le gouvernement devrait être encouragé à garantir à l’ensemble des syndicalistes qui en font la demande le bénéfice de mesures de protection adéquates nécessaires à leur confiance. Enfin, le gouvernement est prié instamment de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives, notamment celles du Code du travail, afin de les aligner sur les dispositions des conventions nos 87 et 98. L’orateur a appelé à une coopération continue entre le gouvernement et l’OIT, notamment par la recherche d’une assistance technique du Bureau.

Enfin, le système de contrôle de l’OIT, qui est unique au monde, doit être soutenu et la procédure de cette année ne devrait pas être considérée comme un précédent pour les futurs travaux de la commission.

Un membre travailleur de la Colombie a déclaré que, lorsque le gouvernement, les employeurs et les travailleurs de son pays ont signé, le 1er juin 2006, l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie, le mouvement syndical était convaincu qu’à partir de cet instrument, il était possible d’ouvrir la voie à la cessation du climat de violence et d’absence de liberté syndicale qui régnait depuis plus d’un quart de siècle. Malheureusement, le climat de violence antisyndicale perdure, avec de graves répercussions non seulement sur le syndicalisme, mais aussi sur la démocratie et sur l’état social de droit sur lequel se fonde l’ordre constitutionnel de la Colombie.

L’on ne peut ignorer que l’accord tripartite a eu pour effet la constitution d’une unité spéciale du ministère public chargée de lutter contre l’impunité (laquelle est le meilleur allié de ceux qui assassinent des syndicalistes), qui a permis d’obtenir un certain nombre de résultats, bien que la route soit encore longue. D’un autre côté, il faut signaler avec la plus grande préoccupation que, depuis le début de l’année 2008, 26 syndicalistes sont morts en cinq mois. Ce nombre est beaucoup trop élevé pour un laps de temps si bref. C’est pour cette raison que l’on demande au gouvernement de prendre des mesures pour mettre un frein à ce génocide.

Il faut, de toute urgence, tenir compte du fait que l’élimination des attitudes antisyndicales de la part du gouvernement et des employeurs, en créant les conditions permettant à la classe ouvrière de s’organiser librement et sans craindre de perdre sa vie ou son emploi, constitue une étape déterminante pour décourager les agressions envers le syndicalisme. Il ne faut pas non plus oublier que, dans de nombreux pays, le syndicalisme a joué un rôle déterminant dans la lutte contre les régimes dictatoriaux et que le retour à la démocratie est redevable au sacrifice, au dévouement et à l’altruisme de milliers de travailleurs syndiqués qui n’ont pas hésité à offrir jusqu’à leur propre vie pour l’avènement de la démocratie.

L’orateur a lancé un appel au gouvernement et aux employeurs de Colombie pour qu’ils misent sur la liberté, la paix et la démocratie, en réaffirmant que l’OIT représente la toile de fond indispensable et le forum de rencontre pour tous. Il convient toutefois de garder à l’esprit que les conflits trouvent une solution si et dans la mesure où les différents acteurs du pays en ont la volonté politique. La meilleure manière de décourager les ennemis du syndicalisme est de favoriser un véritable climat de liberté syndicale et l’accès à la négociation collective, et d’empêcher que les contrats précaires constituent la règle pour les travailleurs.

La préoccupation majeure du mouvement syndical ne réside pas seulement dans la peur de perdre la vie, mais bien dans l’incertitude qu’a entraînée la disparition du travail décent, concept qui oriente les activités de l’OIT et fait partie de l’idéologie des travailleurs. Malheureusement, à l’heure actuelle, les relations capital-travail souffrent d’un phénomène de requalification des relations de travail. Le plus souvent, celles-ci sont nouées par l’intermédiaire de tierces personnes, ou dans le cadre détestable du système de sous-traitance, d’entreprises temporaires, de relations contractuelles de droit civil, de contrats portant sur la prestation de services, de contrats de très courte durée et, enfin, dans le cadre du fléau que constitue le système de coopératives de travail associé. Ces dernières représentent la pire des agressions envers le syndicalisme, étant donné que ceux qui concluent un contrat de ce type n’ont aucune possibilité de se syndiquer et encore moins de participer à la négociation collective. Par conséquent, l’orateur estime qu’il n’est pas correct que le gouvernement ait inclus dans la délégation de la Colombie à la Conférence des porte-parole de ces coopératives, puisqu’elles ne peuvent représenter les travailleurs et, encore moins, le syndicalisme.

La persistance du climat de violence, des conduites antisyndicales et d’absence de liberté syndicale compromet l’avenir. Pour cette raison, l’orateur a proposé au gouvernement et aux employeurs de son pays de permettre la pleine application de l’accord tripartite, car c’est seulement de cette manière que pourront s’établir les bases d’un nouveau pays. Il a également demandé à la communauté internationale de fournir son plein appui pour que les conventions et recommandations de l’OIT ne restent pas lettre morte.

Enfin, soulignant qu’une démocratie sans syndicat n’est qu’une caricature d’elle-même, l’orateur a indiqué que le faible taux de syndicalisation, la diminution du nombre de travailleurs couverts par la négociation collective, la mort de syndicalistes, le refus du ministère de reconnaître les nouvelles organisations, l’augmentation des relations informelles, l’appauvrissement des agriculteurs, le fait que plus de deux millions d’enfants travaillent, les déplacements forcés, le chômage et l’exclusion sociale, tous ces éléments sont le détonateur d’une bombe sociale qu’il est encore temps de désamorcer.

La membre gouvernementale des Etats-Unis a remercié le gouvernement de la Colombie de sa déclaration. La situation des droits des travailleurs et des droits humains en Colombie est une préoccupation de longue date, et à certains moments particulièrement grave, de cette commission et des autres organes de contrôle de l’OIT. La discussion a permis d’évaluer l’engagement constant du gouvernement envers l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie ainsi que les importants progrès réalisés jusqu’à maintenant dans la mise en œuvre de cet accord. Le gouvernement de la Colombie, essentiellement grâce à sa coopération avec le BIT, a accompli des progrès tangibles en renversant la longue histoire de violence et d’instabilité du pays et en modernisant et renforçant son système juridique. Ses efforts incluent la protection des personnes à risques, y compris des syndicalistes; la réalisation d’enquêtes et la poursuite des auteurs de violences; le renforcement du système judiciaire et la révision de la législation afin de la rendre davantage conforme aux normes de l’OIT. L’objectif est clairement de faire en sorte que les institutions gouvernementales travaillent au service du peuple colombien, et de parvenir ainsi à ce que la Colombie puisse construire une démocratie de plus en plus stable, en paix et prospère. Les résultats obtenus à ce jour par le gouvernement ont été reconnus et tant la commission d’experts que la mission de haut niveau s’en sont félicitées. L’oratrice s’est déclarée confiante quant à la poursuite de ces efforts.

Malgré ces impressionnants progrès, il faut reconnaître qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce qui demeure une situation globale difficile. Tout le monde appelle de ses vœux une Colombie sûre et en paix. A cette fin, il convient d’encourager le gouvernement à continuer à travailler avec les partenaires sociaux et l’OIT afin de résoudre toutes les questions soulevées par la commission d’experts dans ses observations. Cela implique l’adoption de mesures visant à réduire la violence et à lutter contre l’impunité et le règlement d’un certain nombre de questions pratiques ou législatives qui concernent les droits et les activités des syndicats et sont en suspens depuis longtemps. Ainsi que la mission de haut niveau l’a relevé, un dialogue continu et ouvert ainsi que la surveillance de la Commission nationale des salaires et des politiques du travail de Colombie offrent d’excellents outils pour mettre en œuvre, de manière opérationnelle, l’accord tripartite, tout en créant et en renforçant, dans le même temps, la confiance entre les parties. La secrétaire d’Etat a récemment souligné que l’histoire de la Colombie était un bon exemple de ce qu’un gouvernement pouvait accomplir quand il essayait de bien faire. L’oratrice s’est déclarée convaincue que le gouvernement continuera à tirer pleinement parti de l’assistance technique du BIT afin de continuer à bien faire les choses. Elle a instamment prié toutes les parties à l’accord tripartite de continuer à s’engager fermement envers cet accord, quelles que pourraient être occasionnellement leurs divergences de vues. La Colombie a accompli d’énormes progrès et, avec un tel engagement, la communauté internationale peut même bientôt s’attendre à de nouvelles améliorations

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que les organisations syndicales, les employeurs et le gouvernement de Colombie ont signé un accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie. Cet accord n’a pas encore donné de résultats concrets en ce qui concerne le renforcement des libertés et des droits fondamentaux au travail. Les seuls éléments tangibles sont la mise en place d’une représentation permanente, le lancement de programmes de coopération et les premiers résultats obtenus par le ministère public et le pouvoir judiciaire, avec l’élucidation de cas de violence contre des syndicalistes et la comparution des criminels devant la justice.

Les centrales syndicales ont présenté un agenda pour la mise en œuvre des recommandations formulées par les organes de contrôle de l’OIT, afin que le pays mette sa législation et sa pratique en conformité avec les normes internationales du travail. Cependant, faute de volonté de la part des employeurs et du gouvernement, la mise en œuvre de cet agenda et l’application de l’accord n’ont pu se faire.

La mission de haut niveau, qui a eu lieu en novembre 2007, a rappelé que, pour qu’un accord tripartite fonctionne de manière efficace, il faut que toutes les parties maintiennent leur engagement en faveur de son application, quelles que soient les différences d’opinions sur des questions spécifiques. Cela implique la reconnaissance par les parties du fait que les normes internationales du travail et les recommandations des organes de contrôle doivent constituer le fondement des discussions. Il convient de souligner le rapport de la mission, qui insiste sur l’importance de maintenir un dialogue constant et un contrôle permanent de l’application de l’accord tripartite pour mettre en place et donner l’impulsion à un dialogue social utile et efficace.

L’OIT ne peut pas permettre que les engagements pris ne soient pas respectés. La Colombie connaît toujours un déficit en matière de travail décent, des limitations aux libertés syndicales, des assassinats, l’impunité et l’absence de dialogue social efficace. En outre, moins d’un tiers des travailleurs ont accès à une quelconque protection dans le domaine social et du travail et seuls 5 pour cent des travailleurs sont syndiqués. Au cours des cinq dernières années, le ministère de la Protection sociale a refusé d’enregistrer 236 nouvelles organisations syndicales et 1 pour cent des travailleurs seulement était couvert par une convention collective. Dans la moitié des cas, le gouvernement a déclaré illégales les cessations de travail, fragilisant ainsi le droit de grève.

Depuis le début de l’année, 26 syndicalistes ont été assassinés et quatre ont été victimes de disparition forcée. Ces chiffres représentent une augmentation de 71,4 pour cent par rapport à la même période de l’année 2007. Au cours des vingt-deux dernières années, 2 669 syndicalistes ont été assassinés et 193 autres ont été enlevés, tandis que l’Etat n’a sanctionné les responsables de ces actes que dans 86 cas.

L’orateur a attiré l’attention de la commission sur le fait que, par leur attitude, les employeurs et le gouvernement méconnaissent les mécanismes qui ont été mis en place et leur portent atteinte. De cette manière, leurs méthodes de travail fondées sur le tripartisme et le dialogue s’érodent progressivement. C’est pour cette raison que demander au gouvernement et aux employeurs de fournir des explications sur leurs intentions, c’est promouvoir le dialogue et l’échange d’opinions.

La commission doit adopter des conclusions et un paragraphe spécial exhortant le gouvernement et les employeurs à mettre immédiatement en œuvre les recommandations des organes de contrôle de l’OIT, afin de mettre la législation et la pratique en conformité avec les conventions nos 87 et 98 en ce qui concerne les libertés et droits syndicaux.

Soulignant qu’en Colombie le syndicalisme souffre de blessures mortelles et que sa vie dépend de la solidarité internationale et de l’accompagnement qu’il reçoit de la part de l’OIT, l’orateur a insisté sur la nécessité d’empêcher l’anéantissement du mouvement syndical colombien, en soutenant la cessation des violences contre les syndicats et le respect des conventions de l’OIT.

Le membre gouvernemental du Canada a déclaré que son gouvernement a suivi avec un vif intérêt la mise en œuvre de l’accord tripartite signé en 2006. Il a salué le Bureau ainsi que le gouvernement de la Colombie pour l’engagement de haut niveau auquel ils sont parvenus pour appliquer l’accord tripartite. Le processus de mise en œuvre est délicat et complexe. Ce processus est également urgent, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’homme étant toujours menacés et souvent tués. La mission de haut niveau de l’OIT indique que l’accord laissé aux mains du gouvernement colombien, des employeurs et des travailleurs est un accord primordial; l’OIT joue un rôle important mais, au final, ce sont aux parties elles- mêmes qu’il revient d’assurer la mise en œuvre effective de cet accord.

Son gouvernement s’est félicité de la création, en 2006, par la Colombie, d’une unité spéciale du ministère public chargée d’enquêter et d’engager des poursuites à l’égard des actes de violence perpétrés à l’encontre de syndicalistes. Le gouvernement est encouragé à augmenter ses efforts pour faire aboutir les enquêtes sur ces cas de violence. En conclusion, le gouvernement canadien s’engage à soutenir la Colombie dans le renforcement de sa législation du travail au bénéfice des travailleurs, ainsi que dans la promotion d’un dialogue ouvert entre les partenaires sociaux.

Un autre membre travailleur de la Colombie a déclaré que la négation des libertés syndicales est motivée par une culture et une politique antisyndicales des employeurs et du gouvernement, qui violent le droit syndical en ayant recours à des contrats civils, des pseudo coopératives de travail associé, la sous-traitance, des ordres de travaux et des contrats de prestations de services (qui sont une forme frauduleuse de travail), majoritairement dans les entités publiques, et qui non seulement aboutissent à la précarisation du travail, mais réduisent également à néant le droit d’association et de négociation collective.

La résolution no 0626 du ministère de la Protection sociale du 22 février 2008 ne fait pas seulement obstacle à l’enregistrement de nouveaux syndicats, mais laisse la liberté aux fonctionnaires de grade inférieur de décider de l’enregistrement des syndicats, avec des répercussions négatives et sans aucune adéquation avec les recommandations du Comité de la liberté syndicale.

L’état critique dans lequel se trouve la négociation, du fait du faible nombre des conventions collectives conclues dans le pays et du nombre réduit de bénéficiaires, n’est pas stimulant pour les syndicats. En outre, les pratiques des employeurs publics et privés trouvent leur origine dans la modalité des «pactes collectifs» («pactos colectivos»). Elle constitue un système d’adhésion individuelle, imposé par les employeurs aux travailleurs quand un nouveau syndicat s’organise, afin de réduire sa capacité de négociation.

Le gouvernement continue à intervenir dans l’exercice du droit de grève, et la nouvelle réglementation ne garantit pas pleinement ce droit. Le seul changement introduit par la nouvelle loi réside dans le fait que l’illégalité doit être qualifiée par le juge de première instance et qu’il existe une possibilité de former un recours en appel de la décision. Cependant, l’interdiction pour les fédérations et les confédérations d’exercer le droit de grève demeure, tout comme les autres restrictions relevées par les organes de contrôle de l’OIT.

La violence antisyndicale perdure, au moins 26 assassinats et six disparitions de syndicalistes ayant été comptabilisées au cours des cinq premiers mois de 2008. L’orateur a dénoncé la pratique du gouvernement consistant à qualifier le motif des assassinats avant de lancer l’enquête correspondante, ceci conduisant à des décisions faussées. Deux ans après la signature de l’accord tripartite, ce dernier n’a pas été respecté; ce n’est que sur le terrain des enquêtes du ministère public qu’un début de mise en œuvre est constaté. L’impunité subsiste dans 98 pour cent des cas et les commanditaires ne sont pas identifiés.

La commission devrait adopter un paragraphe spécial pour permettre au mouvement syndical colombien de maintenir sa vocation de dialogue social avec une exigence permanente pour qu’il soit efficace, utile et équitable, et afin que ce dialogue soit promu.

Enfin, l’orateur a indiqué que l’accord tripartite doit aller plus loin, étant donné la crise sociale qui se vit en Colombie et, avec cet objectif, la représentation permanente du BIT à Bogotá doit être renforcée, pour contribuer ainsi à la conclusion d’un pacte social qui garantisse des emplois décents avec une relation contractuelle directe entre employeurs et travailleurs, sans intermédiaire, et qui élimine toutes relations dissimulant la relation de travail, afin de permettre le libre exercice syndical.

La membre travailleuse de l’Australie, s’exprimant au nom des syndicats australiens et des syndicats de la région Asie-Pacifique, a déclaré que les préoccupations exprimées concernant le niveau de violence en Colombie, qui a un impact fondamental sur la vie des travailleurs et des syndicalistes, sont également applicables à des pays de sa région, tels que les Philippines, le Cambodge ou d’autres pays.

Les relations professionnelles et le droit du travail en Colombie sont caractérisés par des violations persistantes, en particulier en ce qui concerne les dispositions en matière de négociation collective qui excluent les travailleurs du secteur public, les travailleurs de l’économie informelle, les travailleurs précaires et les travailleurs considérés comme des travailleurs «indépendants». En fait, la majorité des travailleurs n’est tout simplement pas couverte par les dispositions relatives à la négociation collective. Outre la violence et l’intimidation largement répandues, le gouvernement et les employeurs sont impliqués dans la création d’un environnement dans lequel les droits des travailleurs sont niés ou gravement remis en cause. Le problème essentiel vient du déséquilibre entre les pouvoirs de l’employeur et ceux du travailleur, et ne peut être résolu que grâce à une liberté syndicale effective, une véritable négociation collective et un système de relations professionnelles évolué.

Au cours des dix dernières années, l’Australie a pu observer une tentative, de la part de l’ancien gouvernement, d’affaiblir le rôle des syndicats et les dispositions en matière de négociation collective, dans la législation et les discours publics. Il a également utilisé un langage désobligeant pour insinuer que les dirigeants syndicaux n’étaient pas représentatifs, qu’ils étaient mus par leurs intérêts personnels, et même qu’ils étaient «non australiens». Les syndicats et les travailleurs ont souffert dans cet environnement, car il est devenu plus difficile de défendre des droits sur les lieux de travail et d’entreprendre des actions collectives, y compris des négociations avec les employeurs ou la gestion des conflits de travail. Cette situation est loin d’être aussi grave que celle de la Colombie dans laquelle, au cours de ces dernières années, l’identification des syndicalistes comme étant des «terroristes» a directement contribué à créer un environnement propice aux menaces et à la violence. En Australie, les syndicalistes ne craignent jamais pour leur vie et les employeurs raisonnables n’ont pas peur de négocier avec eux.

Le gouvernement de la Colombie mène une politique contre les syndicats et contre les travailleurs afin de mettre en œuvre sa vision d’une économie déréglementée, favorable aux entreprises et aux multinationales. La situation en Colombie concerne non seulement des assassinats particulièrement graves de syndicalistes, mais également la mort du syndicalisme lui-même. Des efforts importants sont nécessaires pour développer une culture de négociation, contrer la culture du conflit et de la violence et établir des relations professionnelles authentiques qui s’appliquent sur le lieu de travail et sont inscrites dans la loi. Tous ces efforts permettront de construire la paix et de résoudre les conflits.

De sérieux problèmes en matière de négociation collective, dont le manque de dispositions législatives et l’absence de promotion, demeurent. En outre, il existe des obstacles en droit et en pratique quant à l’existence même des syndicats et à leur possibilité d’exercer librement leurs activités. En réalité, il existe clairement une stratégie des employeurs visant soit à empêcher la création de nouveaux syndicats soit à affaiblir les syndicats existants. De nombreux travailleurs ont perdu leur droit à des prestations et le taux de syndicalisation est inférieur à 5 pour cent. La moitié des travailleurs syndiqués appartiennent au secteur public, et 50 pour cent de ces travailleurs sont privés du droit de négociation collective, faisant ainsi du taux de négociation collective l’un des taux les plus bas du monde: seulement 1 pour cent des travailleurs colombiens ont recours à la négociation collective.

Selon les fédérations syndicales colombiennes, le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives est en baisse. En 2007, 463 conventions collectives ont été négociées, soit une de plus qu’en 2006. Les contrats collectifs représentent à peine 1 pour cent des travailleurs, soit 177 000 personnes sur une population active de 18 millions. Le nombre de travailleurs couverts par des «accords collectifs» a en revanche augmenté de 184 pour cent. De tels accords collectifs avec des travailleurs non syndiqués sont utilisés pour affaiblir la position des syndicats et imposés par les entreprises à leurs travailleurs au moyen de médiateurs nommés par celles-ci. Cette pratique expose les travailleurs à des pressions afin qu’ils renoncent à leur affiliation syndicale et, pour le moins, participent à l’affaiblissement de l’efficacité des véritables syndicats. Il y a un an, un collègue visitant une plantation de fleurs ayant recours aux accords collectifs a discuté avec deux travailleurs en présence de l’employeur, et ceux-ci étaient incapables de répondre aux questions concernant les conditions de travail qu’ils étaient censés avoir négociées. Beaucoup d’employeurs font preuve d’une attitude antisyndicale radicale et refusent tout simplement de traiter avec les syndicats, au point que certains estiment que la relation de travail en Colombie est vidée de son objet. Il est nécessaire de mettre un terme auxdits «accords collectifs» ou «pactes» imposés par les employeurs comme une alternative aux conventions collectives.

En 2006, seules 11 négociations collectives ont été menées dans le secteur public - sept d’entre elles concernaient les employés municipaux et deux ceux des départements. Selon les statistiques du ministère, une négociation collective n’a été initiée que dans 2,74 pour cent des municipalités, ce qui témoigne de son caractère marginal dans le secteur public. L’absence d’un système fiable pour la collecte d’informations statistiques pose également problème. En ce qui concerne la négociation collective, il existe ainsi un manque de données statistiques fiables sur le nombre de conventions collectives, le type de conventions et d’entreprises, la nature des syndicats, ainsi que la période de validité de ces conventions. Les systèmes administratifs et de recueil des données sont très peu performants en raison de l’absence de priorité donnée à l’administration du travail. Ces systèmes doivent être renforcés car il est difficile d’établir un système de relations professionnelles solide sans se préoccuper des réalités existantes et sans la possibilité de mesurer les changements ou les progrès réalisés, même lorsque la volonté d’œuvrer en vue d’une amélioration existe.

Il est nécessaire de garantir le droit à la négociation collective dans le service public et de mettre un terme aux «coopératives de travail associé» qui organisent essentiellement un travail non protégé sous la forme de contrats de services dans le déni des droits des travailleurs notamment en ce qui concerne l’affiliation à un syndicat. Le droit à la liberté syndicale de tous les travailleurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, est à la base d’un système de relations professionnelles évolué et efficace. Il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en œuvre la convention no 87 et de garantir un espace juridique et politique pour des relations professionnelles saines. L’oratrice a conclu en remerciant le gouvernement de s’être présenté devant la commission et en le sommant de décupler ses efforts en vue de garantir la liberté syndicale; gouvernement et employeurs devraient, en outre, entamer des discussions constructives avec les syndicats démocratiques et indépendants colombiens.

Le membre travailleur du Swaziland a déclaré que, tout comme une pièce a deux faces, il y a deux faces à la gouvernance: la bonne gouvernance, d’une part, qui se développe grâce au dialogue social inconditionnel et inclusif et la mauvaise gouvernance, d’autre part, qui se nourrit d’abus de pouvoir, de totalitarisme, d’égoïsme, d’arrogance et d’égocentrisme et est habituellement entachée d’intolérance, de violence et d’impunité, pénalisant ainsi les victimes tout en protégeant les criminels.

L’orateur a rappelé au gouvernement qu’il avait volontairement ratifié la convention no 144, sur les consultations tripartites, 1976, et que, par conséquent, il était obligé d’appliquer ses dispositions en droit et en pratique. Le dialogue social réunit toutes les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux tripartites, qui s’engagent dans l’élaboration de politiques nationales économiques et sociales afin d’apporter la paix, la justice et le progrès social. Il est attristant de constater que le gouvernement ne tient aucun compte de ses engagements en vertu de la convention no 144 et, pire encore, qu’il a sapé l’accord tripartite auquel il est lui-même partie, malgré les nombreux rappels à l’ordre de différentes organisations syndicales. Le but des consultations prévues par la convention no 144 n’est pas de disséminer des informations auprès des partenaires sociaux. Les consultations impliquent en effet un dialogue, avec l’intention de prendre en compte les contributions des parties intéressées et dont le résultat reflète les éléments apportés par les partenaires sociaux. Lorsque ce dialogue se limite à des communications de la part du gouvernement vers les partenaires sociaux, ce n’est plus un véritable dialogue mais un monologue. L’absence de dialogue conduisant au désastre, il n’est pas surprenant que l’intolérance et la violence règnent en maître sur la Colombie.

L’orateur a appelé le gouvernement à montrer l’exemple en instaurant le dialogue social. Lorsque le dialogue social n’est pas respecté au niveau national, comme le montre le mépris du gouvernement envers la convention no 144 et l’accord tripartite auquel il est partie, il est impossible d’avoir des conventions collectives au niveau de l’entreprise.

Le gouvernement viole de manière flagrante et répétée les conventions qu’il a ratifiées. De plus, il a traité les préoccupations des partenaires sociaux avec une parfaite intolérance et le plus grand mépris. Compte tenu de la jurisprudence du Comité de la liberté syndicale, la liberté syndicale ne peut s’exercer que lorsque les droits fondamentaux de l’homme, en particulier les droits relatifs à la vie humaine et à la sécurité des personnes sont pleinement respectés et garantis. L’orateur a conclu en demandant à ce que les conclusions du présent cas soient incluses dans un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de l’Argentine a déclaré que le cas de la Colombie constitue l’une des questions les plus malencontreuses et déplorables discutées au sein de l’OIT. L’anéantissement du mouvement syndical obéit à un plan systématique de répression à l’encontre des travailleurs dans leur ensemble. La peur, les menaces et la terreur constituent autant de moyens par lesquels l’on tente d’en finir avec les droits de ce groupe social. Il convient de s’interroger sur le rôle de l’Etat de garantir les libertés publiques dans la mesure où celles-ci sont, selon les organes de contrôle de l’OIT, la condition préalable nécessaire à l’existence de la liberté syndicale.

Selon le Comité de la liberté syndicale, il existe dans le pays non seulement des cas de menaces, de séquestrations et d’assassinats, mais également des licenciements massifs antisyndicaux, des ingérences injustifiées dans l’autonomie des syndicats, des grèves déclarées illégales et un non-respect des conventions collectives, y compris des refus de négocier collectivement. La responsabilité exclusive de la situation critique dans laquelle on se trouve repose entièrement sur le gouvernement ainsi que sur les entreprises qui ne respectent et ne mettent pas en œuvre les recommandations du Comité de la liberté syndicale pour assurer l’application effective des conventions. Il est nécessaire d’agir de toute urgence afin d’éviter que cette situation ne s’étende à d’autres pays d’Amérique latine dans lesquelles soufflent des vents nouveaux et où il y a des gouvernements engagés dans l’éradication de la faim, de la pauvreté et du chômage.

La détérioration progressive de la situation de la liberté syndicale et de la négociation collective en Colombie a réduit le taux de syndicalisation et de négociation à son niveau le plus bas, ce qui amène le comité de la liberté syndicale à considérer dans son rapport que l’exercice des libertés syndicales est quasi totalement bloqué. La Centrale syndicale des travailleurs des Amériques et la Coordination des centrales syndicales du cône Sud soutiennent de manière inconditionnelle la lutte des travailleurs et des organisations syndicales du pays. Ceux qui sont actuellement en train d’être jugés doivent être condamnés s’ils sont coupables. L’OIT doit poursuivre sa mission en vue de la mise en œuvre, sans hypocrisie, des droits fondamentaux et des normes et principes qui la fondent et qui apporteront la paix, la démocratie et la justice sociale en Colombie.

La membre travailleuse de la France a souhaité revenir sur l’Accord tripartite pour le droit d’association et la démocratie dont la signature, le 1er juin 2006, avait suscité l’espoir d’une véritable amélioration de la situation des syndicalistes en Colombie et d’un réel engagement des autorités. Aujourd’hui, l’espoir a fait place à la déception et à la frustration car, faute de mise en œuvre efficace, il n’a pas produit les effets escomptés. La liste des atteintes aux libertés fondamentales, au droit à la vie et au droit de grève et des ingérences dans les activités des syndicats reste beaucoup trop longue. La mise en œuvre de l’accord tripartite qui repose sur les conventions nos 87 et 98 ne peut se concevoir que dans le respect et la promotion de ces deux instruments. Or les 26 assassinats de syndicalistes qui ont eu lieu depuis le début de l’année montrent que les mesures prises par le gouvernement pour protéger les syndicalistes et lutter contre l’impunité sont largement insuffisantes, voire même dérisoires. Ce sont 26 morts de trop.

L’accord en question n’est pas une simple déclaration unilatérale mais le fruit d’un compromis liant travailleurs, employeurs et gouvernement. Il implique par conséquent une mise en œuvre concertée, tripartite et de bonne foi dans le cadre d’un véritable dialogue social, qui présuppose la possibilité de constituer des organisations syndicales libres et indépendantes en mesure d’exprimer leurs revendications et de créer des rapports de force, comme la grève, afin de défendre les droits des travailleurs, sans ingérence ni crainte pour leur sécurité. L’existence de telles organisations est un gage de cohésion et de paix sociales et ne doit pas dépendre de la volonté d’un gouvernement. Un syndicalisme libre, dont les droits et prérogatives sont respectés, participe au renforcement de la démocratie, à la transparence et à l’état de droit.

Les mandants de l’OIT, dont la présence à Bogotá est un élément essentiel de l’accord tripartite, sont responsables d’assurer le suivi de ce texte en participant activement et de bonne foi au dialogue indispensable, afin qu’il ne reste pas lettre morte ni qu’il soit vidé de son sens. L’oratrice a conclu en soulignant que les représentants des travailleurs ont clairement exprimé qu’ils sont prêts à collaborer.

Le membre travailleur du Brésil a exprimé sa solidarité avec le mouvement syndical colombien. Si, dans une société démocratique, il est naturel que le capital et le travail entrent en conflit, il n’est cependant pas naturel que cette lutte provoque des morts. De nombreux gouvernements ne comprennent pas bien la nature de ce conflit, et la vision que certains représentants gouvernementaux ont présentée de la situation en Colombie est préoccupante. Par exemple, l’intervention de la membre gouvernementale des Etats-Unis n’indique aucune préoccupation au regard des décès. Apparemment, le gouvernement des Etats-Unis imagine que la Colombie est un paradis et qu’il ne s’y passe jamais rien de mauvais. Il faudrait au contraire reconnaître le problème au lieu de le nier. Dans ce pays, certains ont recours à la violence et tuent des syndicalistes pour démontrer que la démocratie peut se faire sans les syndicats; que joindre un syndicat n’est pas une solution pour les problèmes des travailleurs; que les travailleurs perdront chaque bataille qu’ils ont avec les employeurs et le gouvernement. Or la démocratie ne se limite pas à l’élection du Président de la République au suffrage universel. Dans une démocratie, le droit à la vie, le droit de constituer des syndicats et le dialogue social sont fondamentaux. Mais, en Colombie, le dialogue social n’existe pas. Il y a eu des améliorations sur le plan de la démocratie en Amérique latine, mais pas en Colombie, où les assassinats répriment toute tentative sur ce plan. Après tout, le respect du droit à la vie et des institutions fortes sont des préconditions pour une meilleure démocratie. Le dialogue social doit être renforcé en Amérique latine. Au Brésil, par exemple, le dialogue social s’est développé par des rencontres tripartites. Il faut le rétablir et renforcer la démocratie et les organisations syndicales pour mettre fin aux assassinats. Il est à cette fin indispensable que les auteurs de ces assassinats soient recherchés, traduits en justice et condamnés. Il faut montrer l’exemple, montrer que le climat a changé et, pour cela, cesser de faire croire que les syndicalistes ont un lien avec la guérilla pour les discréditer, donnant ainsi des arguments aux paramilitaires. Arrêtons les assassinats. Défendons la vie.

La membre gouvernementale du Mexique a indiqué que la commission d’experts signale dans son rapport que la situation générale continue d’être difficile. Cependant, elle reconnaît également qu’il y a eu des progrès, comme par exemple en ce qui concerne la garantie de la protection des dirigeants et des membres syndicaux ainsi que des sièges des syndicats, l’augmentation du budget consacré au programme de protection créé en 1997 et les efforts du gouvernement pour mener à bien les enquêtes relatives aux violations des droits de l’homme perpétrées à l’encontre de syndicalistes. Le gouvernement colombien a réaffirmé son engagement à l’égard de l’accord tripartite, dont la finalité est de promouvoir le travail décent et de renforcer la défense des droits fondamentaux des travailleurs, des organisations et des dirigeants syndicaux, en ce qui concerne la vie humaine, la liberté syndicale, les libertés d’association et d’expression, la négociation collective et la liberté d’entreprise.

Le résultat de la mission de haut niveau réalisée en novembre 2007 ne figure pas dans le rapport de la commission d’experts car elle est intervenue postérieurement à la session de la commission. Cependant, dans son rapport le Directeur général se réfère à la satisfaction de la mission du fait de l’engagement du gouvernement et des organisations d’employeurs et de travailleurs concernant la mise en œuvre de l’accord, ainsi qu’à l’assignation par le gouvernement colombien de 4,7 millions de dollars E.-U. pour atteindre les objectifs fixés dans l’accord; il se réfère également à des projets de lois sur le travail récemment présentés au congrès.

Enfin, l’oratrice a indiqué que le gouvernement du Mexique reconnaît les efforts consentis par le gouvernement de Colombie et que comme le démontrent les rapports susmentionnés, s’il est certain qu’il reste encore des travaux à accomplir, il n’est pas moins sûr qu’il y ait également une volonté politique, des résultats concrets et une grande disposition pour continuer à travailler en collaboration avec l’OIT.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a observé que, malgré la profonde tristesse suscitée par le meurtre de 2 669 collègues syndicalistes, le contexte de la discussion de la commission ne devait pas se limiter à la seule question de la violence. Les organes de contrôle de l’OIT ont établi que, même en l’absence de violences dans le pays, le gouvernement n’en reste pas moins le plus antisyndical et le plus favorable aux employeurs de toute l’Amérique latine. Les violences discutées dans cette commission n’ont aucun rapport avec le manquement du gouvernement à mettre la législation limitant l’enregistrement des syndicats et la négociation collective, ou la promotion des pactes collectifs et autres coopératives de travail associé, en conformité avec la convention. Les violences sont devenues l’écran de fumée derrière lequel se dissimule l’agenda néolibéral du gouvernement et son dédain pour le dialogue social. Mais l’Etat lui-même était directement ou indirectement complice des violences antisyndicales.

Des protestations ont eu lieu en Colombie et dans le reste du monde les 6 février et 6 mars 2008 pour demander que cesse toute violence qu’elle vienne des paramilitaires, des FARC ou de l’Etat ainsi que la libération immédiate de tous les otages. Carlos Rodriguez, Miguel Morante ainsi que d’autres collègues de la délégation des CUT, CTC et CGT (Centrale unitaire des travailleurs de Colombie, Confédération des travailleurs de Colombie et Confédération générale au travail) ont pris part à des protestations à Londres appelant également à ce que cesse l’aide militaire du Royaume-Uni et à un renforcement de l’assistance humanitaire. Il est nécessaire de passer d’un soutien militaire à un soutien du mandat de l’OIT, du dialogue social et du développement pacifique et équitable. Ceci est d’autant plus urgent que de plus en plus de politiciens liés au Président Uribe sont sous le coup d’enquêtes pour des liens avec les paramilitaires, principaux coupables des violences antisyndicales. Plus de 60 politiciens font l’objet d’enquêtes, y compris le cousin du Président, de hauts responsables des forces de sécurité, quatre gouverneurs de provinces ainsi que de nombreux sénateurs et membres du congrès. Parmi ces personnes, la moitié se trouve en prison et sept ont déjà été condamnées. De plus, un dirigeant paramilitaire, Salvatore Mancuso, a soutenu que, entre autres, le Vice-Président, un ancien ministre de la Défense et trois généraux de l’armée étaient impliqués. Le massacre de Jamundi en 2006 constitue un exemple de la complicité de l’armée avec les paramilitaires narcotrafiquants - un bataillon de soldats de haute montagne avait alors assassiné toute une escouade de la police antidrogue ayant bénéficié d’une formation aux Etats-Unis alors que celle-ci s’apprêtait à arrêter un gang de narcotrafiquants. De tels scandales «parapolitiques» renforcent la conviction selon laquelle l’aide militaire au régime doit cesser.

L’orateur a fermement soutenu la position du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle le gouvernement colombien viole la convention de manière flagrante en diffamant les syndicalistes à travers des annonces publiques les accusant d’être des terroristes. De telles déclarations constituent de invitations faites aux paramilitaires de prendre comme cible les personnes ainsi accusées. Plusieurs des 26 syndicalistes assassinés cette année - parmi eux sept enseignants syndiqués - l’ont été à la suite de la manifestation en faveur de la paix du 6 février, après laquelle José Obdulio Gaviria, haut conseiller auprès du Président Uribe, a prétendu que les protestations prévues pour le mois de mars étaient organisées par les FARC. Or cela était manifestement faux dans la mesure où ces manifestations étaient soutenues par les syndicats, le parti libéral et le Pôle démocratique, et où elles condamnaient toute violence et réclamaient la libération des otages retenus par les FARC. Les scandales de l’université de Cordoba et de l’opération Dragon à Cali constituent d’autres exemples de cas de «parapolitique» ayant été examinés par le Comité de la liberté syndicale. Il convient, par conséquent, de prier instamment tous les membres de la commission de se pencher sur les faits de ce scandale afin de déterminer la manière appropriée de réagir aux déclarations excessivement optimistes du gouvernement.

Les progrès modestes réalisés dans la lutte contre une impunité encore dominante sont essentiellement le fait des pressions internationales, et surtout de cette commission elle-même. Ces progrès, si petits soient-ils, en ce qu’ils aboutissent à la condamnation d’un certain nombre d’accusés par contumace et jamais des réels auteurs des crimes, n’en démontrent pas moins la nécessité d’un pouvoir judiciaire renforcé et indépendant. Les pressions ainsi que l’examen attentif et régulier de ce cas ne doivent pas cesser. De mûres relations professionnelles fondées sur une législation conforme aux normes de l’OIT, outre qu’elles représentent un bien en elles-mêmes, démontrent que les divergences d’intérêts peuvent être surmontées par des négociations pacifiques. Les conclusions doivent par conséquent réitérer la demande faite au gouvernement de s’abstenir de diffamer publiquement des syndicalistes et comporter l’engagement de renforcer le soutien du bureau de l’OIT de Bogotá au dialogue social, à de saines relations professionnelles et au combat contre l’impunité.

Le membre travailleur de l’Espagne a déclaré qu’outre les niveaux de violence antisyndicale intolérables atteints en Colombie le pays souffre d’autres problèmes qui rendent difficile et empêchent l’exercice de la liberté syndicale, dont notamment le problème de l’enregistrement des syndicats, qui limite l’activité syndicale, et celui de la dégradation de la relation de travail du fait du recours abusif aux coopératives de travail associé et aux autres formes de travail précaires.

L’autorité administrative a des pouvoirs discrétionnaires pour refuser l’enregistrement d’un syndicat si elle estime que l’organisation peut exercer des activités qui outrepassent le cadre des activités syndicales normales; le ministère de la Protection sociale peut également le refuser, comme cela a récemment été le cas pour le syndicat national du transport, en raison de l’absence de lien des travailleurs avec l’activité économique de l’organisation. Les organisations syndicales devraient bénéficier d’une autonomie suffisante pour pouvoir s’organiser de la manière qu’elles estiment la plus appropriée et sans autorisation préalable.

Malgré le fait que la commission d’experts signale maintenant depuis de nombreuses années l’abus par la Colombie des différentes formes de contrats de travail pour échapper à la législation du travail et faire obstacle au droit syndical et à la négociation collective, on continue de recourir aux coopératives pour dissimuler la relation de travail. Le fait que les conditions de travail des membres des coopératives soient pires que celles des entreprises auxquelles ils offrent des services constitue une fraude évidente à la loi. Certaines entreprises licencient leurs travailleurs pour ensuite promouvoir avec eux une coopérative de travail associé. Le gouvernement n’applique pas non plus le critère du Comité de la liberté syndicale tiré de l’article 2 de la convention no 87, selon lequel le droit de constituer des syndicats et de s’y affilier doit être accordé aussi bien aux travailleurs dépendants qu’aux travailleurs autonomes. Une relation de travail qui nie les droits fondamentaux des travailleurs est une version moderne de servitude séculaire.

L’orateur a proposé, au regard de toutes les raisons exposées, l’adoption d’un paragraphe spécial priant instamment le gouvernement de la Colombie de mettre en conformité sa législation avec les conventions nos 87 et 98.

Le membre employeur de la Colombie a indiqué que si en 1998, lors de la désignation d’une commission d’enquête pour examiner l’application de la convention en Colombie, on pouvait admettre que la Colombie n’était pas un pays viable, aujourd’hui on ne peut pas nier que la Colombie est devenue un pays différent, au sein duquel la participation des partenaires sociaux existe et un système judiciaire est en fonctionnement.

Il a souligné qu’en 2006, lors de la signature de l’accord tripartite, la conviction selon laquelle la Colombie pouvait changer existait et que la Colombie a changé. L’orateur a indiqué que les progrès réalisés peuvent être observés dans le rapport de la mission de haut niveau qui s’est rendue dans le pays en novembre 2007, et il a notamment attiré l’attention sur les paragraphes 6, 7, 8, 14 et 23 de ce rapport. En effet, l’accord tripartite a porté ses fruits de manière évidente, et ils peuvent être perçus au travers du programme de coopération technique qui est mené dans le pays. Ce programme contient quatre aspects, l’un d’eux étant le dialogue social.

D’autres avancées considérables sont la réunion périodique menée entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement dans le cadre de la Commission nationale de concertation des politiques sur le travail et les salaires, ainsi que le programme mis en œuvre avec les juges et les procureurs.

Tout ceci démontre que l’accord tripartite est dynamique et qu’il contient même de grandes possibilités de développement et d’action. Il a souligné la participation active du bureau du représentant spécial de l’OIT dans les activités susmentionnées.

En ce qui concerne l’avancée dans la lutte contre l’impunité, il a souligné que, grâce à des fonds européens, un programme par lequel le ministère public travaille en collaboration avec les centrales syndicales pour identifier les syndicalistes victimes de violence est mis en œuvre. L’orateur a souligné que les statistiques actuelles fournies par le ministère public permettent d’assurer la transparence des enquêtes et des résultats communiqués.

Il a signalé en particulier que sur les 105 jugements rendus par les autorités judiciaires, par lesquels 177 personnes ont été condamnées à ce jour, il y a eu, selon les statistiques susmentionnées, 20 cas pour lesquels le motif justifiant les actes de violence était la violence antisyndicale, 1 cas dû à un accident, 1 aux activités politiques de la victime, 1 au trafic de drogues, 5 à des facteurs divers, 14 à un vol, 1 pour lequel les escadrons urbains ont été désignés responsables, 2 où la raison était la collaboration des victimes avec les paramilitaires, 27 à cause de la collaboration avec la guérilla, 1 pour ses liens avec les militaires, 9 pour des raisons personnelles, 14 pour des motifs inconnus, et 2 cas suite à la violence des FARC. D’autre part, si une augmentation récente de la violence est admise, l’orateur a estimé que la justice apporte une réponse et que les institutions de l’Etat fonctionnent.

Dans ce sens, il a affirmé qu’en application de la politique de sécurité démocratique des actions contre la guérilla et contre les paramilitaires ont été mises en place. Quatorze chefs paramilitaires qui ont bénéficié de la loi pour la justice et la paix ont été extradés vers les Etats-Unis pour ne pas avoir respecté les dispositions prévues par cette loi. En outre, des coups précis ont récemment été portés contre la guérilla, ce qui permet aux employeurs d’augmenter le développement de leurs activités.

L’orateur a souligné la large participation de l’opposition dans l’activité politique colombienne. Dans ce sens, la direction de différents gouvernements locaux et départements est confiée à des représentants de l’opposition et à des membres du mouvement syndical. Ces derniers disposent également de sièges au congrès.

Le membre employeur a décrit, ensuite, les progrès considérables réalisés au niveau de l’économie colombienne ces dernières années: l’augmentation du PIB et du salaire per capita, le triplement des exportations et des importations, et la réduction de l’inflation et du déficit fiscal. Il a également fait référence aux progrès intervenus au plan législatif et a rappelé l’engagement des employeurs à conjuguer les efforts destinés à modifier la législation et à la mettre en conformité avec les dispositions de la convention.

Il a ajouté que, en ce qui concerne les procédures judiciaires initiées contre de nombreux membres du congrès accusés de possiblement entretenir des liens avec les paramilitaires, des enquêtes ont récemment été ouvertes quant au lien possible de certains membres avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Ceci démontre que la justice se renforce et que l’utilisation de la politique en tant que moyen pour appliquer les objectifs des groupes armés n’est pas acceptée. En outre, des mesures visant à renforcer les forces armées présentes dans chacun des villages du pays ont été adoptées.

En réponse aux commentaires formulés par le membre travailleur de l’Australie, l’orateur a indiqué qu’une étude a été récemment effectuée à l’intérieur d’un groupe d’entreprises affiliées, dont le chiffre d’affaires représentait 20 pour cent du PIB et dont les résultats démontrent que 21,6 pour cent des entreprises possèdent des syndicats d’entreprise et 29,3 pour cent des syndicats de branches. Ces proportions sont supérieures à la moyenne nationale et à celles d’autres pays.

Concernant la question de l’enregistrement des syndicats, l’orateur a indiqué que, suite à l’adoption de la loi no 584 sur la question, la Cour constitutionnelle a rendu une décision autorisant l’existence de plus d’un syndicat par entreprise. Ceci a donné lieu à des abus, de nombreux syndicalistes étant membres de différents syndicats afin d’obtenir l’immunité syndicale et de bénéficier ainsi d’une stabilité dans leur emploi. Il ne s’agit donc pas de la mauvaise volonté du gouvernement ou des employeurs mais bien de mettre fin à une pratique abusive.

En matière de recrutement, il a indiqué que les questions soulevées sont similaires à celles qui existent dans le reste du monde. Au sein de l’OIT elle-même, il y a eu des discussions sur les différentes formes d’embauche et les différents usages du travail dissimulé ou occulte. Mais il a souligné que l’embauche directe et à durée indéterminée n’est pas à ce jour la seule voie qui existe.

L’orateur a conclu en indiquant que, conformément aux informations fournies, la Colombie a réalisé des avancées et des progrès concrets permettant de considérer ce cas comme un cas de progrès.

Le membre travailleur des Etats-Unis a remercié le gouvernement colombien de s’être présenté devant la commission et a déclaré qu’il n’existait aucune raison légitime pour laquelle un veto avait été opposé à la discussion de ce cas lors de la session de l’année dernière. De tels actes d’obstruction sapent dans ses fondements la raison d’être de la Commission de la Conférence. Selon lui, ce veto a été exploité par le gouvernement colombien et par les défenseurs de l’accord de promotion du commerce conclu entre la Colombie et les Etats-Unis, qui ont affirmé que la Colombie n’était plus soumise à la surveillance de l’OIT dans la mesure où elle respectait les normes internationales du travail fondamentales. Si des distorsions de cette sorte se produisent lors de cette session, elles seront publiquement dénoncées et devront être corrigées.

L’idée dominante avancée par le gouvernement et les promoteurs de l’accord de libre-échange est que les ressources financières qui ont été augmentées pour lutter contre la violence antisyndicale et l’impunité ont permis d’obtenir des résultats, à savoir une diminution des assassinats entre 2006 et 2007. Même si pour la discussion cette image artificielle peut être acceptée, on peut toutefois conclure qu’il n’est pas nécessaire d’assassiner des syndicalistes pour détruire le mouvement syndical en Colombie, le syndicalisme étant déjà victime de répression. Face aux événements tragiques de 2008, l’orateur a rejeté cet argument. Ainsi que le gouvernement l’a reconnu, 26 syndicalistes ont, à ce jour, été tués en 2008, soit une augmentation de 71 pour cent par rapport à la même période l’année dernière. Clairement, même un mouvement syndical réprimé représente une trop grande menace pour les forces antisyndicales.

Comme la commission d’experts l’a noté et comme le gouvernement l’a déclaré, des millions de dollars ont été budgétisés et dépensés pour des mesures de protection spéciale pour la sous-unité spéciale du ministère public et pour seulement trois juges dont le mandat était limité à six mois, ainsi que le bon juge Sanchez l’a découvert à ses dépens. Cependant, aucun programme de protection spéciale ne pourra être réalisé avec succès à moins qu’il soit mis fin à l’impunité, qui caractérise aujourd’hui plus de 97 pour cent de l’ensemble des assassinats depuis 1986 car les commanditaires et les auteurs matériels des violences antisyndicales sont de toute évidence libres et s’organisent, même si nous présumons le meilleur en ce qui concerne les intentions premières qui sous-tendent la loi sur la justice et la paix. De plus, les déclarations publiques émanant des plus hauts niveaux du gouvernement colombien ne font que renforcer le fléau de l’impunité, tel, par exemple, le Vice-Président Santos étiquetant comme guérilleros les trois syndicalistes légitimes assassinés en 2004 par l’armée colombienne.

Le gouvernement se prévaut de plus de 80 condamnations depuis 2001, mais il y a un retard dans le traitement de plus de 2 200 cas de meurtres de membres de syndicats depuis 1991, et, à ce jour, les condamnations concernent 59 cas, dont seulement 22 concernent les plus de 400 assassinats de syndicalistes qui ont eu lieu depuis que l’administration actuelle a pris ses fonctions. Parmi ces 22 cas, 18 sont toujours en instance devant les tribunaux, et susceptibles d’appel ou d’annulation. Sur les 187 cas prioritaires sur lesquels le gouvernement et le mouvement syndical se sont mis d’accord en 2006, moins de dix ont fait l’objet de condamnations définitives. A ce rythme, il faudra trente-six ans pour éliminer l’impunité, seulement pour ce qui est de ces cas. Selon le ministère public, 45 pour cent des personnes condamnées ne sont même pas incarcérées. Les assassinats se poursuivront sauf s’il existe une véritable volonté politique et la capacité juridictionnelle d’éradiquer l’impunité, peu importe l’argent dépensé pour le personnel du ministère public et des gardes du corps.

Le représentant gouvernemental de la Colombie a indiqué que son gouvernement a accepté volontairement cet exercice dans le but de trouver des mécanismes qui aideraient à améliorer la situation et a considéré que les interventions ayant pour objet de condamner ou excuser perturbent ce processus constructif. Tout le monde pleure les morts et, malgré des avancées significatives, il faut continuer à lutter contre l’impunité. Le gouvernement peut compter sur l’appui de 86 pour cent de la population et le Président de la République se réunit toutes les six semaines avec les travailleurs, les employeurs et les représentants du BIT dans le pays pour analyser les questions soulevées par l’OIT. Il convient de demander combien des membres travailleurs ici présents ont, à tous les mois et demi, la chance de rencontrer le Président de leur pays. Il convient d’insister sur le fait que le système judiciaire fonctionne et est autonome comme l’a démontrée la détention de parlementaires. Les efforts accomplis avec volonté et constance sur le plan législatif doivent être poursuivis. Sans optimisme ni fatalisme, le gouvernement maintient sa décision de continuer d’améliorer la situation.

En outre, répondant à l’intervention du membre travailleur des Etats-Unis, le représentant gouvernemental a rejeté l’affirmation selon laquelle le syndicalisme serait réprimé. Accepter une telle affirmation revient, selon lui, à nier les efforts déployés par des responsables syndicaux engagés comme Carlos Rodriguez, Apecides Alvis et Julio Roberto Gomez. Le gouvernement et les travailleurs ont parcouru un long chemin et participé conjointement à des négociations, ceci malgré leur différence d’idéologie. Un bulletin de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) titrait d’ailleurs: «Le début de la fin de l’impunité». Il convient de s’interroger sur le point de savoir si l’on avait fait preuve de la même véhémence par le passé lorsque quelques syndicalistes étaient ministres du travail. S’engager sur la voie de la confrontation revient à ignorer le fait que l’impunité a été accumulée depuis les années quatre-vingt. En ce qui concerne le traité de libre-échange, celui-ci a été l’un des thèmes du gouvernement lors de la campagne électorale et la population s’est prononcée en sa faveur. Les alternatives permettant au syndicalisme de se revitaliser dans le cadre de l’économie mondialisée ne doivent pas être écartées et les divergences idéologiques sont même souhaitables face à certaines questions comme, par exemple, celle du traité de libre-échange. Pour conclure, il a signalé que son gouvernement a invité la Fédération américaine du travail (AFL- CIO) à venir participer aux travaux de la Commission nationale de concertation.

Les membres employeurs ont noté que le gouvernement de la Colombie s’est présenté devant la commission de son plein gré. Il ne s’agit pas de la discussion d’un cas mais d’un dialogue et, dans la mesure où il existe un consensus clair, un paragraphe spécial ne serait pas approprié. Les membres employeurs ont adopté une approche fondée sur des principes pour traiter les observations de la commission d’experts adressées à la Colombie sur la convention no 87. Depuis les vingt-cinq dernières années au cours desquelles la question a été discutée par la Commission de la Conférence, les progrès ont été limités, mais depuis 2005 des progrès substantiels ont été réalisés avec l’ouverture d’un bureau de l’OIT à Bogotá, le déclin de la violence et l’augmentation des fonds destinés à la protection, au système judiciaire, aux tribunaux et à l’inspection du travail. Le dialogue continu reflète ces améliorations.

L’image montre des résultats mitigés. Il y a bien eu des progrès dans des circonstances difficiles mais, dans le même temps, comme le reconnaît le gouvernement, il reste beaucoup à faire. Il existe un consensus clair selon lequel l’accord tripartite de 2006 doit être pleinement mis en œuvre et qu’il reste des progrès à accomplir en ce qui concerne les questions de l’impunité, des coopératives et d’autres points de droit du travail. Le gouvernement a indiqué que la situation devrait bientôt encore s’améliorer. La présence du gouvernement a permis à la commission et à la communauté internationale de mieux comprendre la situation et de clarifier les mesures nécessaires pour aller de l’avant.

Les membres travailleurs ont conclu en soulignant que tous les éléments développés dans les interventions des différents membres travailleurs restent valables. Deux clarifications doivent par ailleurs être apportées aux déclarations du représentant gouvernemental. Tout d’abord, les membres travailleurs n’ont pas indiqué à quatre ou cinq reprises que des progrès avaient été réalisés mais ils ont reconnu que des progrès modestes avaient été accomplis dans le fonctionnement des tribunaux. Par ailleurs, en ce qui concerne la discussion du traité de libre-échange, le gouvernement colombien a invité le mouvement syndical international et non pas l’AFL-CIO.

Les membres travailleurs ont recommandé à la commission de demander au gouvernement d’expliquer pourquoi les conventions nos 87 et 98 sont violées de manière persistante en droit et en pratique; d’inviter, dans un paragraphe spécial de son rapport, le gouvernement à mettre immédiatement en œuvre les recommandations formulées par les organes de contrôle; de modifier la législation pour que le droit de grève soit reconnu et garanti à tous les travailleurs, pour mettre fin aux interférences et à l’ingérence dans les activités des syndicats, et pour reconnaître et garantir les droits d’association et de négociation à tous les travailleurs, quel que soit leur secteur d’activité (privé ou public) ou leur type de contrat; s’agissant de l’impunité, d’accentuer ses efforts, à travers le ministère de la Justice et le pouvoir judiciaire, et d’autoriser des experts internationaux à s’assurer que les enquêtes menées visent à identifier les auteurs de ces crimes et leurs commanditaires et le rôle éventuel des institutions de l’Etat.

Le Conseil d’administration devrait quant à lui prendre des mesures pour renforcer le bureau de représentation permanente du BIT en Colombie, avec la présence d’experts sur les matières relevant de l’accord tripartite, de manière à encourager un dialogue social efficace et utile à la mise en œuvre des recommandations des organes de contrôle et, par là même, à la reconnaissance et à la garantie des droits et des libertés fondamentales des travailleurs. Il devrait également prendre des mesures pour assurer le suivi des recommandations du Comité de la liberté syndicale.

Enfin, la commission d’experts devrait demander au gouvernement de respecter les délais dans l’envoi des rapports et de les présenter sous la forme requise par le Conseil d’administration. Lors de l’examen de l’application de la convention, la commission d’experts devrait tenir compte des observations que les organisations syndicales colombiennes envoient systématiquement.

Conclusions

La commission a pris note des informations orales fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé les actions entreprises par le gouvernement et les partenaires sociaux afin de parvenir à une meilleure application de la convention, depuis qu’elle a examiné l’application de celle-ci, en 2005. La commission a souhaité rappeler en particulier la visite tripartite de haut niveau sur invitation du gouvernement, en octobre 2005, et les recommandations qu’elle a formulées; l’Accord tripartite colombien pour le droit d’association et la démocratie de juin 2006; l’établissement d’un bureau de représentation de l’OIT en Colombie ainsi que la mission de haut niveau du BIT de novembre 2007 et son rapport. La commission a considéré que toutes ces initiatives constituent des premiers pas importants pour maintenir les questions liées à l’application de cette convention fondamentale au centre du dialogue et du débat national. Elle a voulu croire que d’autres mesures importantes seraient prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord tripartite pour parvenir rapidement à la pleine application des dispositions de cette convention fondamentale.

La commission a noté que les commentaires de la commission d’experts se réfèrent à des actes répétés de violence contre les syndicalistes et à une situation persistante d’impunité même si les efforts significatifs de la part du gouvernement pour renforcer le programme de protection spéciale ont été constatés. La commission d’experts a également pris note des efforts déployés par la «Fiscalía General de la Nación» (Bureau du Procureur général de la Nation) pour s’assurer que les enquêtes diligentées en cas de violations graves des droits de l’homme perpétrées à l’encontre des syndicalistes progressent ainsi que de la désignation de trois juges qui se consacrent exclusivement à l’examen des cas de violence contre les syndicalistes. La commission a pris note des déclarations du gouvernement relatives à l’augmentation des fonds budgétaires pour la protection des syndicalistes et la baisse continue du nombre de morts violentes dans le pays, y compris de syndicalistes.

Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission a exprimé sa préoccupation face à l’augmentation des actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes au cours de la première moitié de l’année 2008. Compte tenu des engagements précités pris par le gouvernement, la commission l’a instamment prié de continuer à renforcer les mesures de protection existantes et de s’assurer que les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes aboutissent rapidement et permettent l’identification des commanditaires. Ces mesures devront inclure l’augmentation des ressources nécessaires pour lutter contre l’impunité, et notamment la nomination de juges supplémentaires spécialisés dans le traitement des cas d’actes de violence commis à l’encontre des syndicalistes. Toutes ces mesures constituent des éléments essentiels pour s’assurer que le mouvement syndical peut finalement mener ses activités et se développer dans un climat exempt de violence.

En ce qui concerne les questions pratiques et législatives en suspens, la commission a relevé que la commission d’experts a noté avec intérêt certaines mesures prises par le gouvernement pour mettre sa législation en conformité avec la convention mais que plusieurs autres questions restaient à résoudre. La commission a noté la déclaration du gouvernement selon laquelle le dialogue se poursuit pour adopter une législation concernant les services publics essentiels et les coopératives, et des mesures importantes ont été prises pour renforcer l’inspection du travail.

La commission a relevé que les questions concernant les divergences entre la législation et les dispositions de la convention font l’objet de commentaires de la commission d’experts depuis de nombreuses années et que les efforts déployés par le gouvernement jusqu’à maintenant n’ont pas porté leurs fruits. Elle a voulu croire que le gouvernement continuera à recourir à l’assistance du Bureau pour traiter toutes les difficultés restantes et adoptera les mesures nécessaires dans un très proche avenir pour assurer l’application pleine et effective de la convention tant en droit qu’en pratique. En particulier, la commission a exprimé le ferme espoir que des dispositions législatives seront adoptées sans délai de manière à ce que les contrats de service, ou autres types de contrats, et les coopératives, ou autres mesures, ne soient utilisés pour priver les travailleurs de la liberté syndicale et de la négociation collective. Elle a également demandé au gouvernement de garantir que tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public, puissent constituer les organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et s’affilier à celles-ci, conformément à la convention. A cet égard, la commission a demandé au gouvernement de ne pas utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser l’enregistrement d’un syndicat.

La commission a une nouvelle fois souligné l’importance d’un dialogue social exhaustif et significatif pour trouver des solutions durables à ces graves questions. La commission a considéré que le renforcement de la représentation du BIT en Colombie est nécessaire pour faciliter la mise en œuvre effective de l’accord tripartite. La commission a demandé au gouvernement de fournir, en consultation avec les partenaires sociaux, un rapport détaillé sur toutes les questions sus-mentionnées afin qu’il soit examiné à la prochaine session de la commission d’experts.

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